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Document 62020TO0419(01)

Ordonnance du Tribunal (huitième chambre élargie) du 14 mai 2025.
Deutsche Kreditbank AG contre Conseil de résolution unique.
Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2020 – Article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 – Recours manifestement fondé – Limitation des effets de l’ordonnance dans le temps.
Affaire T-419/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:498

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

14 mai 2025 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2020 – Article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 – Recours manifestement fondé – Limitation des effets de l’ordonnance dans le temps »

Dans l’affaire T‑419/20,

Deutsche Kreditbank AG, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes H. Berger et M. Weber, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. T. Wittenberg et D. Ceran, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, V. Wettner et F. Louis, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík, K. Kecsmár (rapporteur) et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 10 juin 2024 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 12, 25 et 26 juin 2024,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Deutsche Kreditbank AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/80 du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 décembre 2022, portant retrait de la décision SRB/ES/2020/24 du CRU, du 15 avril 2020, relative au calcul des contributions ex ante pour 2020 au Fonds de résolution unique (FRU), dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à l’annexe I de la présente décision, et calculant à nouveau les contributions ex ante 2020 de ces établissements au FRU (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

 Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit allemand.

3        Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au FRU (ci-après les « contributions ex ante ») pour l’année 2020 (ci-après la « période de contribution 2020 ») des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

4        Par avis de perception du 23 avril 2020, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, avait enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2020, telle qu’elle avait été fixée par le CRU dans sa décision SRB/ES/2020/24, du 15 avril 2020, sur le calcul des contributions ex ante au FRU pour l’année 2020 (ci-après la « décision du 15 avril 2020 »). La décision attaquée a retiré et remplacé ladite décision.

 Décision attaquée

5        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de cinq annexes.

6        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2020, qui est applicable à tous les établissements.

7        À cette fin, tout d’abord, le CRU a rappelé, dans la section 6 de la décision attaquée, que, conformément à l’article 69 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), il devait déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2020.

8        Ensuite, dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a indiqué que, au terme de la période transitoire de huit années ayant débuté le 1er janvier 2016 et se terminant le 31 décembre 2023 (ci-après la « période initiale »), les moyens financiers disponibles dans le FRU devaient atteindre un niveau cible (ci-après le « niveau cible final ») d’au moins 1 % du montant des dépôts couverts (ci-après les « dépôts couverts ») de l’ensemble des établissements agréés dans tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) (ci-après les « États membres participants »).

9        Pour ce qui concerne la période de contribution 2020, le CRU a expliqué avoir déterminé le niveau cible annuel en tenant compte i) du niveau cible attendu à la fin de la période initiale, sur la base de la croissance attendue des dépôts couverts, ii) des moyens disponibles dans le FRU au 31 décembre 2019, iii) de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements et iv) de la nécessité d’atteindre le niveau cible final à la fin de la période initiale tout en répartissant les contributions ex ante aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que celui-ci soit atteint.

10      À cette fin, en application de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et de l’article 3 du règlement délégué (UE) 2017/747 de la Commission, du 17 décembre 2015, complétant le règlement no 806/2014 en ce qui concerne les critères à retenir pour le calcul des contributions ex ante, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles le paiement des contributions ex post extraordinaires peut être partiellement ou totalement reporté (JO 2017, L 113, p. 2), le CRU a indiqué avoir évalué la phase du cycle économique et l’incidence procyclique potentielle des contributions sur la situation financière des établissements contributeurs en tenant compte, conjointement pour tous les États membres participants, des indicateurs décrits à l’annexe du règlement délégué 2017/747.

11      En conséquence, après avoir effectué les analyses qui précèdent, le CRU a indiqué dans la décision attaquée quel était le niveau cible annuel qu’il avait déterminé en application des dispositions précitées.

12      Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2020 selon les différents types d’établissements considérés.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, constater l’inexistence de la décision attaquée ;

–        condamner le CRU aux dépens.

14      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, au moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      Dans le mémoire en adaptation de la requête, introduit à la suite de l’adoption de la décision attaquée, la requérante fait notamment valoir que, en fixant le niveau cible annuel à 9 685 267 888 euros tout en établissant le niveau cible final à 72,5 milliards d’euros, le CRU a violé l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, qui lui impose de calculer les contributions ex ante individuelles de sorte que les contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final (ci-après le « plafond de 12,5 % »).

 Sur la recevabilité

17      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le CRU fait valoir que le grief tiré de la violation de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 est irrecevable au motif qu’il a été présenté tardivement.

18      À cet égard, l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal prévoit, dans sa version applicable au mémoire en adaptation déposé dans la présente affaire, que « [l]orsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau ». Le mémoire en adaptation contient, s’il y a lieu, les « moyens et arguments adaptés », ainsi que le précise l’article 86, paragraphe 4, sous b), dudit règlement.

19      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les conclusions des parties sont caractérisées, en principe, par leur immutabilité. L’article 86 du règlement de procédure constitue une codification d’une jurisprudence préexistante relative aux exceptions que ce principe d’immutabilité peut recevoir (voir arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland/Commission, T‑451/20, EU:T:2023:276, point 28 et jurisprudence citée).

20      La Cour a déjà jugé que, en tant qu’exception au principe d’immutabilité de l’instance, l’article 86 du règlement de procédure doit être interprété strictement (arrêt du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 54).

21      Il ressort des termes de l’article 86 du règlement de procédure que cette disposition permet au requérant d’« adapter » sa requête « pour tenir compte de [l’]élément nouveau » que constitue le remplacement ou la modification de l’acte initialement attaqué, et de présenter, à cette fin, des conclusions et, s’il y a lieu, des moyens et arguments « adaptés ». Ainsi, ladite disposition ne visant qu’une « adaptation » de la requête initiale, la finalité d’une telle adaptation est limitée à la prise en compte des éléments nouveaux liés au remplacement ou à la modification de l’acte initialement attaqué, à savoir, notamment, des éléments nouveaux figurant dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué. Dès lors, l’article 86 du règlement de procédure ne saurait être interprété comme permettant au requérant de soulever, pour la première fois dans un mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, alors même que les éléments de fait et de droit sur lesquels il repose lui étaient déjà connus lors de l’introduction de sa requête et qu’ils n’ont pas été modifiés dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué.

22      En l’espèce, il y a lieu de relever que, au considérant 77 de la décision attaquée, le CRU a établi le niveau cible final à 72,5 milliards d’euros et que le montant de ce niveau cible ne figurait pas dans la décision du 15 avril 2020.

23      Or, il convient d’observer que, aux termes de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, le plafond de 12,5 % est déterminé par référence au niveau cible final, une fois que le CRU a établi celui-ci conformément à l’article 69 dudit règlement. Il s’ensuit que, sans connaître le montant du niveau cible final, la requérante ne pouvait pas vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté.

24      La décision attaquée contenait donc un élément nouveau, à savoir le montant du niveau cible final pronostiqué, qui ne figurait pas dans la décision du 15 avril 2020, à savoir 72,5 milliards d’euros.

25      Sur ce point, le CRU prétend que la requérante aurait pu prendre connaissance du montant du niveau cible final pronostiqué avant l’introduction du recours, car cette information figurait dans une fiche descriptive dénommée « 2020 Fact Sheet ».

26      Toutefois, ledit document indiquait que le niveau cible final s’élevait à 60 milliards d’euros. Or, comme il ressort du point 22 ci-dessus, la décision attaquée a fait apparaître un montant différent et plus élevé que celui exposé dans la fiche descriptive mentionnée au point 25 ci-dessus. De ce fait, la décision attaquée avait porté à la connaissance de la requérante une nouvelle information relative au respect par le CRU de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.

27      Ensuite, si la décision du 15 avril 2020 expose, au considérant 25 et à la page 2 de son annexe II, non seulement le montant du niveau cible annuel pour la période de contribution 2020, mais également la somme des contributions ex ante effectivement due par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants pour cette période, il y a lieu de relever que lesdits montants ne permettaient pas à la requérante, à eux seuls, de savoir si le CRU avait fait en sorte que ce montant ne dépasse pas le plafond de 12,5 %, comme le prévoit l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

28      Enfin, il y a lieu de constater que, aux points 34 à 36 de l’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des observations formulées pendant le processus de consultation sur les contributions ex ante 2020 au Fonds de résolution unique », le CRU a exposé les raisons pour lesquelles il a considéré que « le plafond de 12,5 % n’[était] pas applicable au cours de la période initiale » (point 34). Or, de telles considérations ne figuraient ni dans la décision du 15 avril 2020 ni dans ses annexes, même implicitement.

29      Dès lors, eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante pouvait, en application de l’article 86 du règlement de procédure, adapter la requête pour tenir compte des éléments nouveaux figurant dans la décision attaquée, à savoir le montant du niveau cible final pronostiqué et les raisons pour lesquelles, selon le CRU, le plafond de 12,5 % n’était pas applicable pour la période de contribution 2020. En particulier, dans les circonstances de la présente affaire, il y avait lieu pour elle de présenter des moyens et arguments adaptés concernant le respect par le CRU du plafond de 12,5 %.

30      Partant, il convient de conclure que le moyen tiré de la violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 est recevable.

 Sur le fond

31      Par son grief, la requérante soutient, notamment, que, en déterminant le niveau cible annuel pour 2020, le CRU a violé l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, qui lui impose de calculer chaque année les contributions ex ante individuelles pour faire en sorte que les contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas le plafond de 12,5 %.

32      Le CRU soutient, à titre principal, que la règle prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, concernant le non-dépassement du plafond de 12,5 %, ne s’applique pas pendant la période initiale. Selon lui, la règle prévue à l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement, selon laquelle les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible soit atteint, prime sur l’exigence issue de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement.

33      À titre subsidiaire, le CRU fait valoir, en substance, que l’exigence prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 devrait être écartée ou interprétée de manière souple, parce qu’il lui serait sinon impossible de respecter les exigences découlant de l’article 69, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 selon lesquelles, premièrement, il doit faire en sorte que le FRU atteigne son niveau cible final d’au moins 1 % des dépôts couverts au terme de la période initiale et, deuxièmement, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que ledit niveau soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

34      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 dispose que, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

35      Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 34 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

36      Ensuite, l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que « [c]haque année, le CRU […] calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible ». L’article 70, paragraphe 2, quatrième alinéa, de ce règlement ajoute que, « [e]n tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants […] ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible ».

37      D’emblée, il y a lieu de relever que l’argumentation des parties tirée de la violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 s’avère de même nature que celle exposée par les parties dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 22 à 25 et 49), lequel se prononce sur le cadre juridique exposé aux points 34 à 36 ci-dessus, qui fait également l’objet du présent recours.

 Sur le caractère manifestement fondé du présent recours

38      Aux termes de l’article 132 du règlement de procédure, lorsque la Cour ou le Tribunal a déjà statué sur une ou plusieurs questions de droit identiques à celles soulevées par les moyens du recours et que le Tribunal constate que les faits sont établis, il peut, après la clôture de la phase écrite de la procédure et sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de déclarer le recours comme étant manifestement fondé, par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence pertinente.

39      À cet égard, en premier lieu, en ce qui concerne la condition liée à l’existence « d’une ou [de] plusieurs questions de droit identiques », il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà statué sur une question de droit identique à celle soulevée par la requérante dans son recours.

40      En effet, le Tribunal a annulé la décision SRB/ES/2022/18 du CRU, du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au FRU, au motif que « la décision attaquée [dans cette affaire] a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui dépasse le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué » et que, dès lors, « le CRU a méconnu l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement n° 806/2014 » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 64 et 65].

41      Le Tribunal a ainsi constaté que, « lorsque le CRU a calculé les contributions ex ante portant sur la période de contribution 2022, il était tenu de s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, et sur la base de sa propre estimation du niveau cible final, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassait pas le montant [prévu par cette disposition] » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 62].

42      Il importe également de relever que, dans son appréciation, le Tribunal a conclu, tout d’abord, en application d’un raisonnement transposable à la présente affaire, que « le plafond de 12,5 % prévu à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 s’applique au cours de la période initiale » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 38].

43      Ensuite, quant à la possibilité d’écarter ou d’interpréter de manière souple le plafond de 12,5 % pour les raisons invoquées à cet égard par le CRU, le Tribunal a commencé par rappeler que « c’est le niveau cible final pronostiqué qui est déterminant aux fins de l’application du plafond de 12,5 % » et que, « [p]ar conséquent, lorsque le CRU calcule les contributions ex ante au cours d’une période de contribution donnée, il doit s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final pronostiqué » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 47 et 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113].

44      Il ressort également de la jurisprudence pertinente que, pour écarter les arguments présentés par le CRU au soutien de son interprétation, le Tribunal a relevé, par la suite, que « le sens de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 ressort sans ambiguïté du libellé même de cette disposition ». En effet, cette disposition est libellée dans des termes impératifs, comme le démontre l’emploi des expressions « ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible » (premier alinéa) et « [e]n tout état de cause, le cumul des contributions […] ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible » (quatrième alinéa). En outre, ladite disposition fixe un plafond maximal à 12,5 % exactement, en le réitérant à deux reprises et sans aucune exception, de sorte que celui-ci ne saurait être modulé ou ajusté par l’autorité chargée du calcul des contributions ex ante [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 50 à 52]. Cette appréciation est transposable à la présente affaire.

45      Dans ces conditions, le Tribunal a déjà indiqué en quoi les arguments présentés par le CRU au soutien de son interprétation n’emportaient pas la conviction [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 53 à 58]. Ces explications permettent également de répondre aux arguments équivalents présentés par le CRU dans la présente affaire.

46      En second lieu, en ce qui concerne la condition de l’article 132 du règlement de procédure liée au constat que « les faits sont établis », il ressort des considérations énoncées au point 41 ci-dessus que lorsque le CRU a calculé les contributions ex ante portant sur la période de contribution 2020, il était tenu de s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, et sur la base de sa propre estimation du niveau cible final, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassait pas le montant d’environ 9,06 milliards d’euros.

47      Or, il convient de relever que, tout comme dans sa décision relative aux contributions ex ante pour la période de contribution 2022 [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 64], le CRU a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui dépassait le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 78 de la décision attaquée, le CRU a fixé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2020 au montant de 9 685 267 888 euros, réduit à 9 668 942 559,05 euros après, notamment, des déductions effectuées au titre de l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81.

48      En outre, il ressort des points 34 et 35 de l’annexe III de la décision attaquée que, en réponse aux commentaires présentés par plusieurs établissements quant à la conformité des calculs faits par le CRU avec l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, le CRU a notamment considéré que « le plafond de 12,5 % [était] inapplicable pendant la période initiale ». Il a également admis que ledit plafond était dépassé.

49      Dès lors, étant donné, d’une part, que la question de droit sur laquelle le Tribunal a statué dans l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), est identique à celle soulevée par la requérante dans son recours et, d’autre part, que la décision attaquée dans la présente affaire présente le même vice que celui qui a été constaté par le Tribunal dans cet arrêt et qu’il s’ensuit que le CRU a méconnu l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, il y a lieu de conclure, les parties entendues, que le recours est manifestement fondé sur ce point.

50      Ainsi qu’il a déjà été jugé dans l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 66), une telle erreur de droit est à elle seule de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante.

51      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs invoqués à l’appui du troisième moyen ni les autres moyens.

 Sur la limitation dans le temps des effets de l’ordonnance

52      Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif, puisqu’une telle annulation aurait des conséquences graves pour la stabilité financière dans l’union bancaire.

53      La requérante a eu l’occasion de présenter ses observations sur une telle demande.

54      Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union européenne peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs. Pour exercer le pouvoir que lui confère cet article, le juge de l’Union prend en compte le respect du principe de sécurité juridique et d’autres intérêts publics ou privés (voir arrêt du 25 février 2021, Commission/Suède, C‑389/19 P, EU:C:2021:131, point 72 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 122).

55      Ainsi, l’article 264, second alinéa, TFUE a notamment été interprété comme permettant, pour des motifs de sécurité juridique, mais aussi pour des motifs visant à éviter une discontinuité ou une régression dans la mise en œuvre des politiques conduites ou soutenues par l’Union, de maintenir pour un délai raisonnable les effets d’un acte annulé (voir arrêt du 27 janvier 2021, Pologne/Commission, T‑699/17, EU:T:2021:44, point 61 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il importe de relever que, si le CRU était tenu de rembourser, avec effet immédiat, le montant de la contribution ex ante de la requérante ainsi que les montants des contributions ex ante des autres établissements concernés, alors que ces établissements restent en principe soumis à l’obligation de verser les contributions ex ante légalement dues, un tel remboursement risquerait de priver le FRU des moyens financiers nécessaires à la réalisation de ses objectifs.

57      Dans un tel contexte, en réponse à une demande de même nature présentée par le CRU dans le cadre des affaires relatives à la décision sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2022, le Tribunal a jugé que le rejet de la demande de maintien des effets de cette décision risquerait de porter atteinte à l’objectif de stabilité financière et à l’objectif de création d’une union économique et monétaire [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 74].

58      Dès lors, dans la mesure où la décision attaquée dans la présente affaire est de même nature que celle qui a été annulée dans l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), il y a lieu d’adopter la même solution que celle adoptée dans cet arrêt et de maintenir les effets de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante jusqu’à ce que le CRU ait pris les mesures nécessaires que comporte l’exécution de la présente ordonnance, et ce dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter du jour où celle-ci devient définitive.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

60      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

ordonne :

1)      La décision SRB/ES/2022/80 du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 décembre 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2020 au Fonds de résolution unique (FRU) est annulée en ce qu’elle concerne Deutsche Kreditbank AG.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2022/80 sont maintenus en ce qu’elle concerne Deutsche Kreditbank jusqu’à ce que le CRU ait pris les mesures nécessaires que comporte l’exécution de la présente ordonnance, et ce dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter du jour où la présente ordonnance devient définitive.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Deutsche Kreditbank.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 mai 2025.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


*      Langue de procédure : l’allemand.

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