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Document 62024CO0109

    Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 3 septembre 2024.
    Viviane Van Oosterwijck contre Commission européenne.
    Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Fonction publique – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Fonctionnaires – Conjoint survivant – Pension de survie – Conditions d’éligibilité – Durée du mariage – Article 20 de l’annexe VIII du statut – Exception d’illégalité – Égalité de traitement – Pourvoi manifestement non fondé.
    Affaire C-109/24 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:754

    ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

    3 septembre 2024 (*)

    « Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Fonction publique – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Fonctionnaires – Conjoint survivant – Pension de survie – Conditions d’éligibilité – Durée du mariage – Article 20 de l’annexe VIII du statut – Exception d’illégalité – Égalité de traitement – Pourvoi manifestement non fondé »

    Dans l’affaire C‑109/24 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 février 2024,

    Viviane Van Oosterwijck, demeurant à Kontich (Belgique), représentée par Me F. Moyse, avocat,

    partie requérante,

    les autres parties à la procédure étant :

    Commission européenne,

    partie défenderesse en première instance,

    Parlement européen,

    Conseil de l’Union européenne,

    parties intervenantes en première instance,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

    avocat général : M. A. M. Collins,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, Mme Viviane Van Oosterwijck demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2023, Van Oosterwijck/Commission (T‑622/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:803), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 15 décembre 2021, en vertu de laquelle cette dernière a rejeté sa demande d’octroi d’une pension de survie.

     Sur le pourvoi

    2        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

    3        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    4        M. l’avocat général a, le 30 avril 2024, pris la position suivante :

    « 1.      Pour les motifs exposés ci-après, je propose à la Cour, conformément à l’article 181 de son règlement de procédure, de rejeter le pourvoi dans la présente affaire comme étant manifestement non fondé.

    2.      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la “Charte”), le deuxième, d’une violation de l’objectif de l’article 20 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le “statut”) et, le troisième, d’une violation de l’article 7 TFUE.

     Sur les premier et deuxième moyens

    3.      Par son premier moyen, qui vise les points 30 à 34 de l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en violant le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la Charte, tel qu’appliqué à la lumière de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Plus précisément, elle soutient que c’est au terme d’une appréciation contradictoire, effectuée à ces points, que le Tribunal a estimé qu’“il n’appara[issait] ni arbitraire ni manifestement inadéquat par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause d’exiger, à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une durée minimale du mariage, alors qu’une telle condition de durée n’est pas exigée à l’article 19 de cette annexe”.

    4.      La requérante soutient, en premier lieu, que cette différence de traitement présente un caractère arbitraire. Elle relève qu’il ressort des appréciations figurant au point 31 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a justifié cette différence en se fondant sur la nécessité de lutter contre les abus et la fraude afin d’éviter qu’une personne ne contracte un mariage avec le bénéficiaire d’une allocation d’invalidité en tenant compte de l’espérance de vie de ce dernier. La requérante rappelle les motifs du Tribunal, figurant au point 32 de l’arrêt attaqué, selon lesquels l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas que le bénéfice d’une pension de survie est subordonné à une condition de durée minimale du mariage dans le cas où le mariage est contracté avec un fonctionnaire avant l’admission de celui-ci au bénéfice d’une allocation d’invalidité. Elle en déduit que la condition de cinq ans de mariage, prévue à l’article 20 de cette annexe, est fondée sur la supposition que l’espérance de vie prétendument plus limitée d’un fonctionnaire admis au bénéfice d’une pension d’invalidité inciterait des personnes à se marier avec un tel fonctionnaire afin d’obtenir une pension de survie à brève échéance. Elle estime que le Tribunal a considéré à tort, au point 31 de l’arrêt attaqué, que l’espérance de vie sera prise en compte “en fonction de la maladie dont souffre ce fonctionnaire”, alors que certaines causes d’invalidité, tels que les problèmes articulaires, n’ont aucune incidence sur l’espérance de vie. Elle fait valoir que le Tribunal, en statuant ainsi, a traité de la même manière des situations distinctes, à savoir, d’une part, celle des fonctionnaires ayant une espérance de vie inférieure à la moyenne en raison d’une cause d’invalidité et, d’autre part, celle des fonctionnaires ayant une espérance de vie normale malgré une cause d’invalidité, alors que leur situation serait fonction du type de maladie dont ils sont affectés. Dans cette seconde situation, la prétendue incitation de contracter un mariage avec un fonctionnaire admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité n’existerait pas, ce qui exclurait tout risque d’un abus de droit ou de fraude. La différence de traitement résultant de l’application des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut se fonderait donc elle-même sur une différence de traitement qui ne serait pas objectivement justifiée.

    5.      La requérante critique également l’appréciation du Tribunal figurant au point 32 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, dans les situations relevant de l’article 19 de l’annexe VIII du statut, le risque d’abus ou de fraude apparaît “négligeable”. Or, selon elle, un risque négligeable n’équivaut pas à un risque inexistant. Le Tribunal aurait ainsi, en violation de l’article 20 de la Charte, traité de manière différente des risques identiques.

    6.      La requérante soutient, en second lieu, que la différence de traitement litigieuse présente un caractère manifestement inadéquat au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la réglementation en cause. La requérante déduit des motifs figurant aux points 39 à 41 de l’arrêt attaqué que la Commission, dont le Tribunal précise qu’elle est en situation de compétence liée lorsqu’elle applique l’article 20 de l’annexe VIII du statut, ne peut tenir compte des faits de l’espèce. Par conséquent, la Commission serait tenue d’octroyer une pension de survie au conjoint survivant dès que la condition de cinq ans de mariage est remplie, même si elle devait constater un abus de droit ou une fraude. La requérante considère qu’une telle situation est contraire au principe général de l’interdiction des abus de droit et des fraudes et que la Commission est donc obligée d’effectuer une analyse in concreto. Elle soutient que le Tribunal, en considérant que la Commission était privée de tout pouvoir d’appréciation et devait uniquement rechercher si la condition tenant à la durée minimale du mariage était remplie, a commis une erreur de droit. Une condition abstraite, telle que celle tenant à la durée minimale du mariage, serait manifestement inadaptée pour atteindre l’objectif de prévention des abus de droit et des fraudes. Il importerait de tenir compte de la nature du lien matrimonial et de considérer qu’un conjoint survivant qui n’a pas contracté mariage en vue de commettre un abus de droit ou une fraude ne doit, en aucun cas, être privé de son droit à une pension de survie.

    7.      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal, en ayant jugé, au point 36 de l’arrêt attaqué, que la condition de durée du mariage, prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui ouvre droit à une pension de survie au conjoint d’un fonctionnaire décédé, “vise à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées”, a commis une erreur de droit. Il aurait violé l’objectif de cet article 20, qui consisterait à “assurer à tout conjoint survivant une pension de survie pour garantir la paix sociale en évitant qu’[il] se retrouve du jour au lendemain sans revenu”. La requérante relève que, selon l’interprétation dudit article retenue par le Tribunal, le conjoint survivant ne peut en aucun cas obtenir une pension de survie si le mariage contracté postérieurement à l’admission du fonctionnaire au bénéfice de la pension d’invalidité n’a pas duré cinq ans. Elle estime que cette solution jurisprudentielle est radicale, dans la mesure où elle prive, en toute hypothèse, le conjoint survivant de la pension de survie, alors que la condition de durée minimale du mariage ne vise qu’à prévenir des abus de droit ou des fraudes. Elle ajoute qu’il existe d’autres moyens moins contraignants pour atteindre le même objectif.

    8.      Par ailleurs, la requérante expose que, si elle ne s’est mariée qu’au cours du mois de mai 2020, elle et son époux étaient déjà en couple depuis l’année 1994 et cohabitaient depuis le mois de juin 2016. Alors que “la situation factuelle, réelle et concrète” démontrerait la stabilité et la réalité de sa relation avec ce dernier et qu’elle n’aurait commis ni abus de droit ni fraude, le Tribunal aurait méconnu l’objectif de l’article 20 de l’annexe VIII du statut en considérant que la Commission était fondée à la priver d’une source de revenus en raison d’une durée de mariage insuffisante.

    9.      Par ses premier et deuxième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante soutient, en substance, que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation du principe d’égalité de traitement en ce qu’il aurait considéré, à tort, que la différence de traitement de situations comparables effectuée par les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut n’apparaissait ni arbitraire ni manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi.

    10.      Le Tribunal a jugé à bon droit, aux points 18 à 20 de l’arrêt attaqué, que les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut traitaient de manière différente des situations comparables. Pour ce faire, il a notamment constaté, au point 19 de l’arrêt attaqué, que l’application de ces articles différait uniquement, selon que le mariage a été conclu avant ou après la date d’admission au bénéfice de l’allocation d’invalidité du fonctionnaire, l’article 20 de cette annexe prévoyant une condition de durée minimale du mariage au contraire de l’article 19 de ladite annexe.

    11.      Il convient d’examiner si le Tribunal a pu considérer, sans commettre d’erreur de droit, aux points 26 à 33 de l’arrêt attaqué, que cette différence de traitement était conforme à l’article 20 de la Charte en ce qu’elle répondait aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Aux termes de cette dernière disposition, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 78).

    12.      À cet égard, en premier lieu, il est constant que ladite différence de traitement est prévue par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, dès lors qu’elle résulte de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lu en combinaison avec l’article 19 de cette annexe. Tandis que ce dernier article ne prévoit pas de condition de durée minimale du mariage, l’article 20 de ladite annexe prévoit une condition de durée minimale du mariage chiffrée de manière précise qui définit la portée de la limitation de l’exercice du droit à l’égalité de traitement (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 87).

    13.      En deuxième lieu, la limitation apportée au régime des pensions de survie par la différence de traitement en cause respecte le contenu essentiel du principe d’égalité de traitement, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En effet, cette limitation ne remet pas en cause ce principe en tant que tel dans la mesure où elle ne porte que sur la question, limitée, de la condition minimale de durée du mariage à laquelle les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés doivent satisfaire ou non pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, sans que les conjoints relevant de l’article 20 de l’annexe VIII du statut soient privés de la possibilité de bénéficier, à l’instar de ceux relevant de l’article 19 de cette annexe, d’une telle pension (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 88).

    14.      En troisième lieu, ladite limitation répond à un objectif d’intérêt général, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir celui visant à prévenir les abus de droit et les fraudes, l’interdiction de ceux‑ci constituant un principe général du droit de l’Union dont le respect s’impose aux justiciables. La Cour a, en effet, déjà jugé que la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré un certain temps pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie vise à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées. Il s’agit d’un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui vise non pas à présumer l’existence d’abus ou de fraudes dans le chef des conjoints survivants, mais à prévenir la commission de tels abus ou fraudes (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 89).

    15.      En quatrième lieu, s’agissant de l’examen de la proportionnalité, il convient, dans le cadre du contrôle de la légalité d’une disposition du droit de l’Union au regard du principe d’égalité de traitement et en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union en matière de règles statutaires, de vérifier si, en imposant une condition de durée minimale du mariage de cinq ans au conjoint survivant ayant épousé un fonctionnaire après l’admission de ce dernier au bénéfice d’une allocation d’invalidité, alors que l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas une telle condition dans le cas d’un mariage contracté avec un fonctionnaire qui ne bénéficie pas d’une telle allocation, l’article 20 de cette annexe instaure une différence de traitement arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif d’intérêt général de prévention des abus de droit et des fraudes (voir, en ce sens, ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 90).

    16.      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, rappelée par le Tribunal aux points 31 et 32 de l’arrêt attaqué, il n’apparaît ni arbitraire ni manifestement inadéquat d’exiger, à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une durée minimale du mariage, alors qu’une telle condition de durée n’est pas exigée à l’article 19 de cette annexe.

    17.      En effet, dans l’hypothèse visée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, caractérisée par le fait que le mariage est contracté après l’admission du fonctionnaire au bénéfice d’une allocation d’invalidité, l’incitation aux abus ou à la fraude est susceptible d’être favorisée, d’une part, par l’état de faiblesse et de dépendance dans laquelle peut se trouver un fonctionnaire tombé gravement malade au point qu’il a été reconnu invalide et, partant, dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du statut, et, d’autre part, par les implications financières pouvant découler de la reconnaissance d’un état d’invalidité, le conjoint du fonctionnaire pouvant être amené à contracter mariage dans l’espoir que, en fonction de la maladie dont souffre ce fonctionnaire, l’espérance de vie de ce dernier sera sensiblement inférieure à la moyenne et lui permettra ainsi de bénéficier d’une pension de survie à un âge précoce et pour une durée potentiellement très longue (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 91).

    18.      Certes, comme le fait valoir la requérante dans son pourvoi, l’octroi d’une allocation d’invalidité n’implique pas nécessairement que son bénéficiaire voit son espérance de vie réduite. Toutefois, dès lors que le législateur de l’Union dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation, il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, de rechercher si la différence de traitement en cause était appropriée et nécessaire afin de lutter contre les abus ou la fraude. En effet, compte tenu de l’étendue de son contrôle juridictionnel, c’est à bon droit que le Tribunal s’est borné à rechercher si l’application à l’espèce d’une durée minimale de mariage, requise par l’article 20 de l’annexe VIII du statut, alors qu’aucune durée minimale n’est requise pour les situations couvertes par l’article 19 de cette annexe, ne constituait pas une différence de traitement arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 129).

    19.      Le fait que l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas, contrairement à l’article 20 de cette annexe, une condition de durée minimale du mariage s’explique par le fait que, la mise en invalidité d’un fonctionnaire de l’Union étant le plus souvent imprévisible pour un couple déjà marié et venant bouleverser la situation de ce couple, le risque d’abus ou de fraude apparaît négligeable, de sorte que le législateur de l’Union a souhaité faire abstraction de cette condition, de la même manière qu’il en a également fait abstraction dans le cadre de l’article 17, second alinéa, et de l’article 18, second alinéa, de l’annexe VIII du statut pour tenir compte des situations dans lesquelles, d’une part, le décès du fonctionnaire résulte soit d’une infirmité ou d’une maladie contractée à l’occasion de l’exercice de ses fonctions soit d’un accident et, d’autre part, le conjoint survivant pourvoit ou a pourvu aux besoins des enfants issus d’un mariage contracté antérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 92). L’argument de la requérante selon lequel il ressort de cette jurisprudence que tout risque d’abus ou de fraude n’est pas exclu dans les situations relevant de l’article 19 de l’annexe VIII du statut est dénué de toute pertinence. Ce risque ayant été considéré comme n’étant que minime dans ces situations par le législateur de l’Union, le fait que ce dernier n’en ait pas tenu compte ne saurait être qualifié d’arbitraire.

    20.      Dans ces conditions, en fixant à l’article 20 de l’annexe VIII du statut une durée minimale du mariage de cinq ans afin de prévenir les abus et les fraudes alors qu’aucune durée minimale du mariage n’est prévue dans les situations couvertes par l’article 19 de cette annexe, le législateur de l’Union, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui appartient, n’a pas opéré de différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate.

    21.      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

    22.      Premièrement, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle il appartient à la Commission de procéder, aux fins de l’octroi d’une pension de survie, à une analyse in concreto de la situation particulière des personnes concernées afin de s’assurer de l’absence d’abus de droit ou de fraude, il convient de considérer que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 39 de l’arrêt attaqué, que, la condition de durée minimale du mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut étant un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par cette disposition, une telle analyse in concreto ne saurait être effectuée.

    23.      Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que, même s’il doit résulter dans des situations marginales des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors qu’elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit. La même conclusion s’impose a fortiori dans les circonstances où ces situations marginales comportent des avantages casuels (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 81).

    24.      Deuxièmement, en ce qui concerne les arguments de la requérante tirés de la vie commune qu’elle a partagée avec son époux entre-temps décédé, la Cour a déjà jugé que, au regard de la pension de survie, les concubins ne sont pas dans une situation comparable à celle des personnes mariées ni à celle des partenaires ayant conclu un partenariat non matrimonial enregistré, au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut, pour bénéficier de l’application de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, et que cette disposition ne viole ainsi pas le principe général d’égalité de traitement ni le principe de non-discrimination. Au demeurant, la requérante ne prétend pas, en tout état de cause, que le concubinage ferait naître, dans le droit national dont elle relève, des obligations de même nature que celles issues du mariage (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 105 et jurisprudence citée).

    25.      Il convient d’ajouter que, à l’heure actuelle, il existe toujours, dans les différents États membres de l’Union, une absence générale d’assimilation entre le mariage, d’une part, et les autres formes d’union légale ainsi que les unions de fait, d’autre part. Dans la mesure où le législateur de l’Union a uniquement entendu réserver le bénéfice des pensions de survie aux personnes mariées et aux personnes ayant conclu un partenariat non matrimonial enregistré, au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut, il n’appartient pas au juge de l’Union d’interpréter le statut en ce sens que seraient assimilées au mariage et à de tels partenariats des situations légales ou de fait qui en sont distinctes. Au contraire, il incombe au seul législateur de l’Union d’adopter, le cas échéant, des mesures modificatrices en ce sens (ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 107 et jurisprudence citée).

    26.      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième moyens comme étant manifestement non fondés.

     Sur le troisième moyen

    27.      Par son troisième moyen, qui vise le point 37 de l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 7 TFUE et, partant, l’a privée d’un droit conféré par le droit national. Elle relève que l’encadrement juridique des régimes matrimoniaux relève de la compétence exclusive des États membres et que l’Union doit assurer une certaine cohérence entre ses différentes politiques et actions, de sorte que cette dernière ne peut adopter des décisions qui porteraient atteinte aux droits dont bénéficient les citoyens de l’Union en application du droit national.

    28.      La requérante soutient qu’il ressort de l’arrêt attaqué que la condition de durée minimale du mariage vise uniquement à prévenir des abus de droit ou des fraudes, à savoir à s’assurer que le mariage en cause ne soit pas un “mariage blanc”. Elle relève que, en vertu du droit national, la preuve du caractère fictif d’un mariage doit être rapportée, à défaut de quoi, il y a lieu de considérer que les conjoints n’ont pas contracté mariage dans un objectif d’abus ou de fraude et de leur reconnaître tous les droits qui y sont attachés. En revanche, en vertu de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, le conjoint survivant ne bénéficierait pas de l’ensemble des droits attachés au mariage si celui-ci n’a pas duré au moins cinq ans, même si la preuve de son caractère fictif n’est pas rapportée. Le droit de l’Union distinguerait donc entre les conjoints en fonction de la durée du mariage, alors que, en vertu du droit national, ils jouiraient des mêmes droits indépendamment de cette durée. Eu égard à la compétence exclusive des États membres en la matière, l’Union ne saurait adopter des textes mettant en cause les droits découlant du droit national.

    29.      Par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant, au point 37 de l’arrêt attaqué, que ses arguments tirés d’une invocation du droit national belge étaient dépourvus de pertinence.

    30.      Il convient de relever que l’article 270 TFUE prévoit que la Cour est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le régime applicable aux autres agents de l’Union.

    31.      Il découle de cet article que tout litige entre un fonctionnaire ou un agent de l’Union et l’institution dont il dépend qui trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit l’intéressé à cette institution relève de la compétence exclusive de la Cour (arrêt du 23 mars 2023, PV/Commission, C‑640/20 P, EU:C:2023:232, point 60 et jurisprudence citée).

    32.      Il en va de même des litiges entre toute personne qui, quoique non fonctionnaire, est visée au statut en raison des liens de famille qu’elle entretient avec un fonctionnaire, et une institution, lorsque lesdits litiges trouvent leur origine dans le lien d’emploi qui unit ce fonctionnaire à cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑417/14 RX‑II, EU:C:2015:588, point 42).

    33.      En revanche, il ne ressort nullement du libellé de l’article 270 TFUE que la relation de travail entre un fonctionnaire et son institution serait exclusivement régie par le statut (arrêt du 23 mars 2023, PV/Commission, C‑640/20 P, EU:C:2023:232, point 61).

    34.      En effet, d’une part, d’autres dispositions du droit de l’Union, relevant tant du droit primaire que du droit dérivé, s’appliquent à la relation de travail entre un fonctionnaire et son institution. D’autre part, certaines dispositions du statut comportent des renvois au droit national des États membres (arrêt du 23 mars 2023, PV/Commission, C‑640/20 P, EU:C:2023:232, points 62 et 63).

    35.      Or, tel n’est pas le cas de l’article 20 de l’annexe VIII du statut.

    36.      Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en déniant à cet égard, au point 37 de l’arrêt attaqué, toute pertinence au droit national belge.

    37.      Au vu de ce qui précède, le troisième moyen et, partant, le pourvoi dans son ensemble doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés. »

    5        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé.

     Sur les dépens

    6        Conformément à l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

    2)      Mme Viviane Van Oosterwijck supporte ses propres dépens.

    Fait à Luxembourg, le 3 septembre 2024.

    Le greffier

     

    Le président de chambre

    A. Calot Escobar

     

    F. Biltgen


    *      Langue de procédure : le français.

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