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Document 62022TO0250(02)

Ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 27 novembre 2023.
Ingeniería para el Desarrollo Tecnológico, SL (Indetec) contre Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement.
Recours en annulation et en indemnité – Clause compromissoire – Programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE) – Convention de subvention – Décision qualifiant de dépenses inéligibles certains coûts liés à un contrat de sous-traitance – Obligation de motivation – Droit à une bonne administration – Article 202, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 – Droits de la défense – Proportionnalité – Recours en partie manifestement porté devant une juridiction incompétente pour en connaître et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Affaire T-250/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2023:774

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

27 novembre 2023 (*)

« Recours en annulation et en indemnité – Clause compromissoire – Programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE) – Convention de subvention – Décision qualifiant de dépenses inéligibles certains coûts liés à un contrat de sous-traitance – Obligation de motivation – Droit à une bonne administration – Article 202, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 – Droits de la défense – Proportionnalité – Recours en partie manifestement porté devant une juridiction incompétente pour en connaître et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑250/22,

Ingeniería para el Desarrollo Tecnológico, SL (Indetec), établie à Valence (Espagne), représentée par Me J. Navas Marqués, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement (CINEA), représentée par MM. I. Ramallo et P. Rosa Plaza, en qualité d’agents, assistés de Mes J. Rivas Andrés et A. Manzaneque Valverde, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, S. Gervasoni et Mme I. Reine (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur les articles 263 et 272 TFUE, la requérante, Ingeniería para el Desarrollo Tecnológico, SL (Indetec), demande au Tribunal, premièrement, d’annuler la décision contenue dans la lettre portant la référence Ares(2022) 1775149 de l’Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement (CINEA), du 10 mars 2022, par laquelle certains coûts liés à un contrat de sous-traitance ont été qualifiés de dépenses inéligibles (ci-après la « décision attaquée »), deuxièmement, de dire pour droit qu’elle a correctement appliqué la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention à laquelle elle était partie et, troisièmement, de condamner la Commission européenne à lui verser la somme de 335 900 euros en exécution de ses obligations contractuelles découlant de ladite convention.

I.      Antécédents du litige

2        Le 10 juin 2016, en vue de l’exécution du projet no‑LIFE 15 CCM/ES/000080 « Valorisation of alcoholic wastes to produce H2 to be used in the sustainable generation of electricity » (Valorisation des déchets alcooliques pour produire du H2 à utiliser dans la production durable d’électricité) (ci-après le « projet »), l’Union européenne, représentée par l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME), le prédécesseur de l’Agence exécutive pour le Conseil européen de l’innovation et les PME (Eismea), a conclu une convention de subvention (ci-après la « convention de subvention ») avec Innotecno Development SL comme bénéficiaire coordinatrice du projet. Celle-ci faisait partie d’un consortium composé de cinq membres, parmi lesquels figurait la requérante. Cette dernière est devenue partie contractante à la convention de subvention, en tant que bénéficiaire associée, après avoir signé le « formulaire A 4 ». Le projet s’inscrivait dans le cadre du règlement (UE) no 1293/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à l’établissement d’un programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE) et abrogeant le règlement (CE) no 614/2007 (JO 2013, L 347, p. 185).

3        Parmi les objectifs du projet figurait l’élaboration d’un prototype dont la réalisation a été confiée à la requérante. À cet égard, le consortium a décidé de faire appel à un sous-traitant et de lui attribuer un contrat (ci-après le « contrat de sous-traitance »). Dans ce contexte, un premier versement au sous-traitant de 48 400 euros a eu lieu le 19 décembre 2018.

4        Le 1er avril 2021, en vertu de l’article 15 de la décision d’exécution (UE) 2021/173 de la Commission, du 12 février 2021, instituant la CINEA, l’Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique, l’Agence exécutive européenne pour la recherche, l’Eismea, l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche et l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture, et abrogeant les décisions d’exécution 2013/801/UE, 2013/771/UE, 2013/778/UE, 2013/779/UE, 2013/776/UE et 2013/770/UE (JO 2021, L 50, p. 9), d’une part, l’Eismea a succédé à l’EASME et a remplacé cette dernière et, d’autre part, la CINEA a succédé à l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA) et a remplacé cette dernière.

5        Conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous e), de la décision d’exécution 2021/173, la CINEA a assumé la charge de la mise en œuvre du reliquat des parties du programme LIFE qui relevait précédemment des responsabilités de l’EASME. De plus, l’article 16, paragraphe 1, de ladite décision d’exécution, prévoit qu’« [e]n cas de transfert de reliquat d’activités entre agences […] conformément à l’article 7 [de cette décision d’exécution], tous les dossiers et tous les engagements juridiques sont automatiquement repris, en vertu de [ladite] décision, par l’agence instituée par » cette décision d’exécution et « [c]ette agence est subrogée dans tous les droits et obligations respectifs » de l’autre agence.

6        Après quelques échanges, au cours de la période allant du 22 juillet 2019 au 19 novembre 2021, entre la requérante et, d’abord, l’EASME, et, ensuite, la CINEA, cette dernière ayant été subrogée dans les droits et les obligations de l’EASME découlant de la convention de subvention à partir du 1er avril 2021, la décision attaquée a été adoptée.

7        Dans la décision attaquée, afin de déclarer les coûts liés au contrat de sous-traitance comme inéligibles, la CINEA s’est fondée sur le fait que le consortium n’avait pas démontré que l’appel d’offres avait été publié sur un média pertinent avant l’attribution du contrat de sous-traitance. En effet, selon la CINEA, le contrat de sous-traitance avait été attribué avant le 17 décembre 2018, alors que l’appel d’offres avait été publié le 20 décembre 2018. En outre, le premier versement réalisé en faveur du sous-traitant sélectionné aurait eu lieu le 19 décembre 2018. Enfin, l’appel d’offres de sous-traitance aurait été publié dans la section intitulée « Documents à télécharger » du site Internet du projet avec d’autres documents sans lien avec ledit appel d’offres et n’ayant qu’une visibilité limitée.

II.    Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        dire pour droit qu’elle a correctement appliqué la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention ;

–        condamner la Commission, à travers l’EASME, à lui verser la somme de 335 900 euros, en exécution de ses obligations contractuelles découlant de la convention de subvention ;

–        condamner la CINEA aux dépens.

9        La CINEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        rejeter l’action déclaratoire visant la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention ;

–        rejeter la demande de versement de 335 900 euros ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

10      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

11      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

A.      Sur la demande fondée sur l’article 263 TFUE

12      Sans soulever formellement une exception d’incompétence au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, la CINEA conteste, en substance, la compétence du Tribunal pour connaître de la demande d’annulation de la décision attaquée sur le fondement de l’article 263 TFUE, au motif que cette dernière ne produit pas d’effets dérivés de l’exercice, par la CINEA, de prérogatives de puissance publique. Au contraire, la décision attaquée serait indissociable des rapports contractuels existant entre la CINEA et le consortium.

13      La requérante ne prend pas position à ce sujet.

14      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE est ouvert à l’encontre de tous les actes pris par les institutions, quelle qu’en soit la nature ou la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir arrêt du 25 juin 2020, SC/Eulex Kosovo, C‑730/18 P, EU:C:2020:505, point 31 et jurisprudence citée).

15      Par ailleurs, l’article 272 TFUE constitue une disposition spécifique permettant de saisir le juge de l’Union, en vertu d’une clause compromissoire stipulée par les parties pour des contrats de droit public ou de droit privé, et ce sans limitation tenant à la nature de l’action introduite devant le juge de l’Union (voir arrêt du 25 juin 2020, SC/Eulex Kosovo, C‑730/18 P, EU:C:2020:505, point 30 et jurisprudence citée).

16      Ainsi, en présence d’un contrat liant la partie requérante à l’une des institutions de l’Union, le juge de l’Union ne peut être saisi d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE que si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques contraignants qui se situent en dehors de la relation contractuelle liant les parties et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa qualité d’autorité administrative (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 65 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, il importe de souligner que la décision attaquée s’inscrit dans un cadre purement contractuel. En effet, par cette décision, la CINEA a considéré que les coûts liés au contrat de sous-traitance devaient être rejetés comme inéligibles.

18      Par conséquent, la décision attaquée présente une nature contractuelle, ne visant pas à produire des effets juridiques contraignants se situant en dehors de la relation contractuelle liant la requérante et la CINEA et impliquant l’exercice, par cette dernière, de prérogatives de puissance publique. Partant, cette décision ne peut être considérée comme étant susceptible d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE.

19      La demande présentée sur le fondement de l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision attaquée doit, dès lors, être rejetée comme manifestement portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

B.      Sur la demande fondée sur l’article 272 TFUE

1.      Sur la compétence du Tribunal et la recevabilité

20      La CINEA soutient que le présent recours présenté sur le fondement de l’article 272 TFUE serait irrecevable en application de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. En effet, la requérante n’exposerait de manière claire et précise ni les moyens de fait ni les moyens de droit sur lesquels elle fonderait son recours en responsabilité contractuelle. En outre, la requête contiendrait une description incohérente et trompeuse des faits pertinents, des indications et des arguments vagues et abstraits sur les deuxième et troisième moyens, sans lien avec une supposée violation du principe de bonne administration, ainsi que sur la requalification éventuelle du recours sur le fondement de l’article 272 TFUE.

21      La requérante ne prend pas position à cet égard.

22      À titre liminaire, il convient de souligner que, aux termes de l’article 272 TFUE, lu conjointement avec l’article 256 TFUE, le Tribunal est compétent pour statuer, en première instance, en vertu d’une clause compromissoire figurant dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte.

23      En l’espèce, la requérante indique expressément que son recours est également fondé sur l’article 272 TFUE. À cet égard, la clause II.18.2 des conditions générales de la convention de subvention contient une clause compromissoire aux termes de laquelle, « [e]n vertu de l’article 272 TFUE, le Tribunal ou, sur pourvoi, la Cour de justice de l’Union européenne, sera exclusivement compétent pour connaître de tout différend entre l’Union et tout bénéficiaire concernant l’interprétation, l’application ou la validité de la présente convention, si ce différend ne peut être réglé à l’amiable ».

24      Le Tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en tant qu’il est fondé sur l’article 272 TFUE.

25      Cela étant établi, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens (arrêt du 16 mars 2023, GABO:mi/Commission, C‑696/21 P, non publié, EU:C:2023:217, point 46).

26      En effet, l’« exposé sommaire des moyens » qui doit être indiqué dans toute requête, au sens des dispositions mentionnées au point 25 ci-dessus, signifie que celle-ci doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir arrêt du 16 mars 2023, GABO:mi/Commission, C‑696/21 P, non publié, EU:C:2023:217, point 47 et jurisprudence citée).

27      Ainsi, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, il est nécessaire, notamment, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins, sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 16 mars 2023, GABO:mi/Commission, C‑696/21 P, non publié, EU:C:2023:217, point 48 et jurisprudence citée).

28      Il convient enfin de rappeler que les exigences prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure visent, d’une part, à permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle, et, dans ce contexte, à éviter que le Tribunal ne statue ultra petita ou n’omette de statuer sur un grief (voir arrêt du 16 mars 2023, GABO:mi/Commission, C‑696/21 P, non publié, EU:C:2023:217, point 50 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, premièrement, il importe de relever qu’il ressort clairement de la requête que la requérante expose de manière claire la version des et soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’un défaut de motivation, le deuxième, de la violation de la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention, le troisième, de la violation de l’article 298 TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et, le quatrième, de la violation de l’article 202, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), des droits de la défense et du principe de proportionnalité.

30      Deuxièmement, il ressort des arguments de la requérante présentés dans le cadre du deuxième moyen notamment que, selon celle-ci, l’appel d’offres aux fins de l’attribution du contrat de sous-traitance a été publié en temps utile, dans le respect de la procédure applicable et en toute bonne foi. De plus, le contrat de sous-traitance serait attribué en fonction du critère de l’offre la moins coûteuse au regard de la qualité proposée.

31      Troisièmement, il ressort des arguments de la requérante formulés dans le cadre du troisième moyen que, selon elle, la CINEA a tardivement fourni son interprétation du principe de transparence au regard de la publication des appels d’offres. De plus, les réponses successives de l’EASME auraient été contradictoires.

32      Quatrièmement, ainsi qu’il est indiqué au point 23 ci-dessus, le recours est expressément fondé également sur l’article 272 TFUE. Dès lors, la requérante n’était pas tenue d’étayer davantage sa requête au regard d’une requalification éventuelle du recours en recours au titre de l’article 272 TFUE.

33      Enfin, il ressort du mémoire en défense que, en prenant position sur les moyens invoqués par la requérante, la CINEA est parvenue à comprendre leur teneur.

34      Partant, l’argumentation de la requérante est suffisamment claire et précise pour permettre, d’une part, à la CINEA de préparer sa défense sur la base du présent recours, introduit conformément à l’article 272 TFUE et à la clause compromissoire figurant à la clause II.18.2 des conditions générales de la convention de subvention, et, d’autre part, au Tribunal de statuer sur ce recours.

35      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter les fins de non-recevoir de la CINEA et de déclarer recevable le recours fondé sur l’article 272 TFUE.

2.      Sur le fond

36      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, d’un défaut de motivation, le deuxième, de la violation de la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention, le troisième, de la violation de l’article 298 TFUE et de l’article 41 de la Charte et, le quatrième, de la violation de l’article 202, paragraphe 4, du règlement 2018/1046, des droits de la défense et du principe de proportionnalité.

a)      Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation

37      La requérante soutient que la décision attaquée n’est pas motivée, étant donné qu’aucun élément de preuve n’y est mentionné et qu’il y a une confusion des dates et des faits. Elle fait valoir, en substance, que les motifs de la décision attaquée ne sont pas fondés et ne peuvent pas justifier la conclusion tirée dans cette décision. En outre, selon la requérante, la décision attaquée indique simplement le montant déclaré inéligible sans mentionner les dispositions légales sur lesquelles elle s’appuie, ce qui constitue également une atteinte à ses droits de la défense. Ladite décision ne mentionnerait pas non plus les modalités requises de publication de l’appel d’offres lié au contrat de sous-traitance.

38      La requérante déplore également une disproportion entre les obligations des parties, en ce qu’elle devait respecter des délais stricts, alors que son cocontractant répondait toujours tardivement à ses courriers.

39      La CINEA conteste l’argumentation de la requérante.

40      Il convient de souligner que l’obligation de motivation, invoquée par la requérante, a été inscrite dans l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, aux termes duquel les institutions, organes et organismes de l’Union sont obligés de motiver leurs décisions (arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 27).

41      Ainsi, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger que la Charte, qui fait partie du droit primaire, prévoit, à son article 51, paragraphe 1, sans exception, que ses dispositions « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité » et que, dès lors, les droits fondamentaux ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel [voir arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 28 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2022, JC/EUCAP Somalia, T‑165/20, EU:T:2022:453, point 89 (non publié)].

42      De même, lorsque les institutions, organes ou organismes de l’Union exécutent un contrat, ils restent soumis aux obligations qui leur incombent en vertu de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 86).

43      De plus, si les parties décident, dans leur contrat, au moyen d’une clause compromissoire, d’attribuer au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (voir arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 30 et jurisprudence citée).

44      Enfin, étant donné que le législateur de l’Union a prévu qu’une subvention peut être octroyée tant par la voie contractuelle que par la voie administrative, les institutions, organes et organismes de l’Union ne sauraient, à leur gré, se soustraire à leurs obligations découlant du droit primaire, y compris de la Charte, en fonction de leur choix d’octroyer des subventions par voie de convention plutôt que par décision (arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Commission, T‑753/20, non publié, EU:T:2022:806, point 196).

45      Partant, la requérante est fondée à se prévaloir de l’obligation de motivation protégée par la Charte dans le cadre de son recours fondé sur l’article 272 TFUE.

46      Cela étant précisé, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte est un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Commission, T‑753/20, non publié, EU:T:2022:806, point 199).

47      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’étendue de l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications, et il importe, pour apprécier le caractère suffisant de la motivation, de la replacer dans le contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte en cause. Ainsi, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Commission, T‑753/20, non publié, EU:T:2022:806, point 200 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, tout d’abord, force est de constater que la décision attaquée indique les stipulations pertinentes des conditions générales de la convention de subvention, régissant les relations contractuelles des parties à la convention de subvention, à savoir les clauses II.9.1, II.10.1 et II.19.1.(f). Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatifs à l’absence de mention des stipulations sur lesquelles la décision attaquée s’appuie.

49      En outre, la décision attaquée expose, de manière détaillée, le contexte factuel entourant son adoption.

50      Ensuite, dans la décision attaquée, il est indiqué que la requérante avait attribué le contrat de sous-traitance avant le 17 décembre 2018, qu’elle avait effectué le premier versement de 48 400 euros au sous-traitant le 19 décembre 2018, que l’appel d’offres avait été publié sur le site Internet du projet le 20 décembre 2018, c’est-à-dire après l’attribution du contrat de sous-traitance, et que ledit contrat avait été publié dans la section intitulée « Documents à télécharger » du site Internet du projet. Sur le fondement de ces constatations, la CINEA a conclu que le consortium ne lui avait pas fourni des preuves suffisantes de ce que l’appel d’offres avait été publié de manière transparente dans un média pertinent et qu’il n’avait pas respecté les conditions prévues par les clauses II.9.1 et II.10.1 des conditions générales de la convention de subvention.

51      Enfin, la décision attaquée s’est référée aux communications précédentes adressées au consortium, qui en constituent le contexte pertinent, dans lesquelles étaient expressément identifiées les clauses contractuelles et les conséquences attachées à l’absence de respect de ces stipulations.

52      Dans ces conditions, dans la décision attaquée, la CINEA a maintenu sa position selon laquelle le montant de 335 900 euros, concernant les coûts de sous-traitance, et les coûts liés de 23 513 euros devaient être considérés comme inéligibles.

53      Il en ressort que la décision attaquée, s’inscrivant dans un contexte connu de la requérante, contenait une motivation suffisante.

54      De plus, il convient de relever que le fait que la requérante était en mesure de comprendre les motifs justifiant l’adoption de la décision attaquée est confirmé par la teneur des deuxième, troisième et quatrième moyens du présent recours, dans lesquels elle a pu identifier les faits précis ayant fondé l’adoption de cette décision et de contester ces motifs.

55      De surcroît, les arguments tirés de la prétendue absence d’éléments de preuve, de la confusion des dates et des faits et du caractère non fondé et illogique des motifs de la décision attaquée relèvent de la contestation du bien-fondé de ladite décision.

56      Or, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé des motifs, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de cette décision, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien‑fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêts du 16 novembre 2017, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission, C‑250/16 P, EU:C:2017:871, point 16, et du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 79).

57      Par ailleurs, des arguments tirés d’une prétendue disproportion entre les obligations des parties à la convention de subvention ne sont pas susceptibles de démontrer un défaut de motivation de la décision attaquée.

58      Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée était suffisante pour permettre à la requérante d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle.

59      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention

60      La requérante indique qu’elle n’a pas obtenu le paiement des sommes liées aux coûts déclarés inéligibles.

61      La requérante précise que, après avoir consulté, conformément aux recommandations de l’EASME, l’équipe de suivi externe mise en place par la clause II.1.4 des conditions générales de la convention de subvention, elle a décidé de publier l’appel d’offres relatif au contrat de sous-traitance sur le site Internet du projet, ainsi que cela avait été fait pour d’autres projets relevant du programme LIFE, et que ce site devrait être considéré comme un « média pertinent » au sens de la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention. En effet, le 31 octobre 2018, elle aurait transmis un courriel à la bénéficiaire coordinatrice du projet afin que celle-ci procède à la publication des spécifications techniques du projet sur le site Internet du projet, ce qui, selon la requérante, aurait été fait avant l’attribution du contrat de sous-traitance, intervenue le 17 décembre 2018. Toutefois, malgré la preuve de publication fournie par la requérante et son exécution de bonne foi, la décision attaquée aurait été adoptée.

62      La requérante déplore également le fait que son cocontractant n’aurait jamais indiqué quel serait le média de publication suffisant et acceptable, ce qui d’ailleurs ne serait indiqué ni dans la convention de subvention ni dans la législation de l’Union applicable au projet.

63      La requérante ajoute que la publication de l’appel d’offres est intervenue avant l’attribution du contrat de sous-traitance, que plusieurs offres ont été présentées par des entreprises qu’elle avait contactées et que le contrat de sous-traitance a été attribué à l’entreprise ayant présenté l’offre la moins coûteuse au regard de la qualité proposée. De plus, la requérante aurait enregistré tous les documents et tous les échanges relatifs à la procédure d’appel d’offres et à l’attribution du contrat de sous-traitance, alors que son cocontractant aurait avancé des arguments toujours différents et contradictoires. Enfin, la requérante soutient qu’elle a livré le prototype faisant l’objet du contrat de sous-traitance et a versé la somme de 335 900 euros au sous-traitant.

64      La CINEA conteste l’argumentation de la requérante.

65      À cet égard, il importe de rappeler que, saisi dans le cadre d’une clause compromissoire en vertu de l’article 272 TFUE, le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable au contrat (voir arrêt du 27 octobre 2021, Egis Bâtiments International et InCA/Parlement, T‑610/20, non publié, EU:T:2021:735, point 23 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, la clause II.18.1 des conditions générales de la convention de subvention prévoit que la convention de subvention est régie par le droit pertinent de l’Union, complété, le cas échéant, par le droit belge.

67      Dans le cadre de ce droit applicable, les litiges nés lors de l’exécution d’un contrat doivent être tranchés en premier lieu sur la base des clauses contractuelles (voir arrêt du 27 octobre 2021, Egis Bâtiments International et InCA/Parlement, T‑610/20, non publié, EU:T:2021:735, point 24 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, les clauses contractuelles figurant dans la convention de subvention sont suffisantes pour examiner le présent moyen.

69      Aux fins de la vérification du respect de ces stipulations contractuelles, il convient de rappeler que, afin que l’institution ou l’organisme concerné puisse exercer un rôle de contrôle, les bénéficiaires de subventions doivent démontrer la réalité des coûts imputés aux projets subventionnés, la fourniture par ces bénéficiaires d’informations fiables étant indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d’octroi des concours sont remplies (voir arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 61 et jurisprudence citée).

70      Il ne suffit donc pas de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Son bénéficiaire doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier (voir arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 62 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, dans la décision attaquée, afin de déclarer les coûts liés au contrat de sous-traitance comme inéligibles, la CINEA s’est fondée sur le fait que le consortium n’avait pas démontré que l’appel d’offres avait été publié sur un média pertinent avant l’attribution du contrat de sous-traitance. En effet, selon la CINEA, le contrat de sous-traitance a été attribué avant le 17 décembre 2018, alors que l’appel d’offres a été publié le 20 décembre 2018. Or, conformément à la clause II.9.1, troisième alinéa, des conditions générales de la convention de subvention, la publication de l’appel d’offres aurait dû avoir lieu avant l’attribution du contrat de sous-traitance. En outre, le premier versement réalisé en faveur du sous-traitant sélectionné aurait eu lieu le 19 décembre 2018. Enfin, l’appel d’offres de sous-traitance aurait été publié dans la section intitulée « Documents à télécharger » du site Internet du projet avec d’autres documents sans lien avec ledit appel d’offres et n’ayant qu’une visibilité limitée.

72      En premier lieu, il convient de constater que la requérante affirme, d’une part, que le contrat de sous-traitance a été attribué le 17 décembre 2018.

73      À cet égard, il ressort du procès-verbal de la dixième réunion du consortium des bénéficiaires, tenue le 17 décembre 2018, que l’attribution du contrat au sous-traitant sélectionné a été approuvée lors de ladite réunion sur proposition de la requérante. En revanche, la CINEA n’a pas apporté d’éléments de preuve démontrant que, au contraire, ladite attribution a eu lieu antérieurement à la tenue de cette réunion le 17 décembre 2018. En tout état de cause, les parties s’accordent que cette attribution n’a pas eu lieu après cette date.

74      D’autre part, la requérante ne conteste pas que le premier versement au profit du sous-traitant sélectionné a été effectué le 19 décembre 2018.

75      En second lieu, la requérante indique que, le 31 octobre 2018, elle a transmis l’appel d’offres de sous-traitance à la bénéficiaire coordinatrice en vue de sa publication par ce dernier, qui était chargé de la gestion du site Internet du projet.

76      Cependant, la requérante ne produit aucun élément de preuve de ce que l’appel d’offres aurait été publié avant l’attribution du contrat de sous-traitance, le 17 décembre 2018. En outre, si elle avait disposé d’un tel élément de preuve, elle aurait dû le produire au stade de la requête conformément à l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, dans la mesure où la publication de l’appel d’offres aurait dû avoir lieu avant l’attribution du contrat de sous-traitance le 17 décembre 2018 et où la requête a été déposée le 6 mai 2022.

77      Certes, la requérante s’appuie sur le procès-verbal de la dixième réunion du consortium des bénéficiaires, du 17 décembre 2018, dans lequel la publication antérieure de l’appel d’offres de sous-traitance est expressément mentionnée.

78      En effet, à la page 3 du procès-verbal de la dixième réunion du consortium des bénéficiaires, du 17 décembre 2018, figure la mention « [c]ompte tenu des antécédents et après la publication du projet sur l’Internet ».

79      Toutefois, cette mention vague n’est appuyée par aucun élément et est directement contredite par l’affirmation de la bénéficiaire coordinatrice, chargée, ainsi que le soutient la requérante, du téléchargement de l’appel d’offres de sous-traitance sur le site Internet du projet. En effet, en réponse à une question de la CINEA sur la date précise de publication de l’appel d’offres de sous-traitance envoyée par courriel du 7 février 2022, la bénéficiaire coordinatrice a répondu, par courriel du 8 février 2022, que la date de la publication en cause était le 20 décembre 2018. Cette information est corroborée par d’autres éléments transmis par la requérante à la CINEA. De plus, dans une lettre de la requérante du 5 novembre 2020, il est indiqué que les spécifications techniques ont été transmises à la bénéficiaire coordinatrice le 7 janvier 2019, aux fins de leur publication sur le site Internet du projet.

80      Par ailleurs, ainsi que l’affirme la requérante, elle a invité trois soumissionnaires, incluant une entreprise, qui, selon la CINEA et ainsi qu’il ressort du dossier, appartenait au même groupe que la requérante, à participer à la procédure d’appel d’offres aux fins de l’attribution du contrat de sous-traitance, dont elle a reçu des offres. En revanche, la requérante ne soutient pas avoir reçu d’autres offres en réponse à la prétendue publication de l’appel d’offres. De plus, il ressort également du dossier que la requérante souhaitait, dès le début, modifier la convention de subvention pour pouvoir inclure l’entreprise de son groupe en tant que bénéficiaire associée aux fins de l’élaboration du prototype.

81      De surcroît, dans ses réponses au courrier de la CINEA du 21 septembre 2021, la requérante soutient qu’elle n’est pas responsable d’une publication irrégulière de l’appel d’offres de sous-traitance, dans la mesure où la bénéficiaire coordinatrice en était chargée et qu’elle-même n’avait pas d’accès au site Internet du projet.

82      À cet égard, d’une part, il suffit de relever que, conformément à la clause II.1.1.a) des conditions générales de la convention de subvention, tous les bénéficiaires étaient conjointement responsables pour l’exécution du projet dans le respect des conditions prévues dans la convention de subvention. De plus, en vertu de la clause II.1.3 des conditions générales de la convention de subvention, le bénéficiaire coordinateur était chargé de surveiller cette exécution et de conclure des contrats avec les bénéficiaires associés reprenant leur participation technique et financière dans le projet.

83      D’autre part, la requérante ne fournit aucune indication sur les démarches qu’elle aurait entreprises afin de s’assurer que la bénéficiaire coordinatrice avait bien procédé à la publication de l’appel d’offres de sous-traitance.

84      Dès lors, la CINEA n’est pas tenue d’assumer les conséquences d’une défaillance éventuelle de la bénéficiaire coordinatrice ou de la requérante et, pour ce motif, de devoir verser des montants correspondant à des coûts qui ont été considérés comme inéligibles.

85      Il s’ensuit que la requérante n’a pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait en application de la jurisprudence citée aux points 69 et 70 ci-dessus afin de démontrer que la publication de l’appel d’offres lié à l’attribution du contrat de sous-traitance avait eu lieu avant l’attribution dudit contrat le 17 décembre 2018.

86      En outre, premièrement, s’agissant des arguments tirés de la prétendue absence de précision par la CINEA de la façon dont il convient d’appliquer la stipulation contractuelle en cause, ainsi que des prétendus motifs différents et contradictoires avancés par la CINEA, il convient de les examiner dans le cadre du troisième moyen.

87      Deuxièmement, la requérante ne saurait non plus se fonder sur une prétendue acceptation de la procédure d’appel d’offres de sous-traitance par l’équipe de suivi externe.

88      Ainsi que le relève la requérante, le rôle de l’équipe de suivi externe est défini par la clause II.1.4 des conditions générales de la convention de subvention.

89      Aux termes de cette clause, l’équipe de suivi externe n’était pas « autorisée à prendre des décisions au nom de l’Agence » et « [u]ne recommandation ou déclaration fournies par l’équipe de suivi externe aux bénéficiaires ne p[ouvai]t pas être interprétée en tant que position de l’Agence ».

90      Par conséquent, conformément à la clause II.1.4 des conditions générales de la convention de subvention, la requérante ne pouvait pas s’appuyer sur les positions exprimées par l’équipe de suivi externe.

91      En tout état de cause, il ressort des échanges entre la requérante et l’équipe de suivi externe que celle-ci n’a pas validé la procédure d’appel d’offres de sous-traitance.

92      En effet, dans un courriel du 12 juin 2018, la représentante de l’équipe de suivi externe a indiqué que l’EASME insistait sur le respect de la convention de subvention, ce qui excluait l’attribution du contrat à une entreprise appartenant au groupe de la requérante.

93      Dans un courriel du 14 juin 2018, sur lequel s’appuie la requérante, la représentante de l’équipe de suivi externe s’est limitée à indiquer que la proposition de la requérante présentée au consortium pouvait être acceptable au regard des conditions générales de la convention de subvention. Toutefois, ladite proposition ne portait pas sur l’attribution d’un contrat de sous-traitance.

94      S’agissant de l’attribution du contrat de sous-traitance à l’entreprise du groupe de la requérante, dans un courriel du 24 juillet 2018, la représentante de l’équipe de suivi externe a écrit que l’EASME demandait un contrat unique et laissait ouverte la possibilité que ledit contrat unique soit attribué à l’entreprise du groupe de la requérante. Toutefois, si tel était le cas, il était particulièrement important que la requérante démontre, dans la documentation de sa procédure de sous-traitance, qu’il n’y avait pas de solution de remplacement de cette entreprise. Cette information figure également en annexe du courrier de l’EASME du 4 juillet 2018. Cependant, il ressort d’un courriel de la requérante du 25 juillet 2018 qu’elle n’a pas choisi de procéder à une telle attribution directe, puisqu’elle a indiqué à la bénéficiaire coordinatrice qu’elle envisageait de solliciter des offres de trois fournisseurs, incluant l’entreprise du groupe de la requérante.

95      Dans le dernier courriel provenant de la représentante de l’équipe de suivi externe adressé à la bénéficiaire coordinatrice le 25 juillet 2018, celle-ci a indiqué que l’EASME exigeait que soient fournies les pièces justificatives de la procédure de sous-traitance et des explications sur la manière dont cette procédure aurait été appliquée en l’espèce, tout en insistant sur l’importance de ces informations.

96      À la lumière de tout ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré que la CINEA a fait une application erronée des clauses II.9.1 et II.10.1 des conditions générales de la convention de subvention.

97      Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

c)      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 298 TFUE et de l’article 41 de la Charte

98      La requérante fait valoir que l’EASME a violé son droit à une bonne administration. Selon la requérante, l’EASME n’a jamais indiqué, au cours de la période comprise entre 2018 et 2021, quelle était son interprétation du principe de transparence au regard de la publication de l’appel d’offres lié à l’attribution du contrat de sous-traitance, pour, ensuite, fournir cette interprétation avec un retard de quatre ans. De plus, les réponses successives de l’EASME auraient été contradictoires et confuses.

99      La CINEA conteste l’argumentation de la requérante.

100    En l’espèce, en premier lieu, il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 41 et 42 ci-dessous que, lorsque la CINEA exécute un contrat, elle reste soumise aux obligations qui lui incombent en vertu de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.

101    Elle est ainsi tenue, contrairement à ce qu’elle affirme, de respecter le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte.

102    En second lieu, il y a lieu de rappeler que l’article 41, paragraphe 1, de la Charte prévoit que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

103    À cet égard, d’une part, s’agissant du prétendu retard avec lequel la CINEA a fourni son interprétation du principe de transparence au regard de la publication des appels d’offres, il ressort clairement de la clause II.9.1, troisième alinéa, des conditions générales de la convention de subvention que la requérante, via le consortium, était tenue d’organiser une procédure d’appel d’offres ouverte. De plus, les « lignes directrices financières et administratives », annexées à la convention de subvention en tant qu’annexe X, prévoyaient le respect des principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination des contractants potentiels dans le cadre des procédures d’appels d’offres. Dès lors, la requérante disposait d’informations suffisantes quant aux caractéristiques requises de la procédure d’appel d’offres de sous-traitance ou, à tout le moins, des indications suivant lesquelles une telle procédure devrait être organisée avant l’attribution du contrat de sous-traitance. Or, ainsi qu’il a été conclu au point 85 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré qu’une telle procédure a été organisée avant l’attribution dudit contrat.

104    D’autre part, en ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels les réponses successives de l’EASME auraient été contradictoires, il y a lieu de constater que, dès son courrier du 4 juillet 2017, l’EASME a attiré l’attention du consortium sur le respect des clauses II.9.1 et II.10.1 des conditions générales de la convention de subvention.

105    Par courrier du 22 juillet 2019, l’EASME a indiqué que le consortium n’avait pas démontré que les conditions prévues dans la clause II.9.1 des conditions générales de la convention de subvention, en particulier la publication de l’appel d’offres de sous-traitance, avaient été respectées et que le site Internet du projet n’était pas considéré comme un média pertinent, étant donné qu’il n’y avait pas de garantie que des soumissionnaires potentiels soient informés d’une telle publication. La position de l’EASME et, ensuite, de la CINEA n’a pas été modifiée dans leurs communications ultérieures du 5 novembre 2020 et du 1er juillet. Dans son courrier du 20 septembre 2021, la CINEA a pris en compte les informations et les éléments additionnels qui lui avaient été fournis et a considéré que la publication de l’appel d’offres de sous-traitance dans la section intitulée « Documents à télécharger » du site Internet du projet avec d’autres documents sans lien avec ledit appel d’offres rendait très improbable le fait que des fournisseurs potentiels aient pu facilement accéder à cette information sur ce site.

106    Par conséquent, l’EASME et, ensuite, la CINEA n’ont pas avancé d’arguments contradictoires.

107    Partant, le présent moyen doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 202, paragraphe 4, du règlement 2018/1046, des droits de la défense et du principe de proportionnalité

108    Le quatrième moyen est divisé en trois branches, tirées, la première, de la violation de l’article 202, paragraphe 4, du règlement 2018/1046, la deuxième, de la violation des droits de la défense et, la troisième, de la violation du principe de proportionnalité.

1)      Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 202, paragraphe 4, du règlement 2018/1046

109    La requérante invoque l’article 202, paragraphe 4, du règlement 2018/1046, portant sur la détermination des montants devant être réduits ou recouvrés en raison de l’impossibilité de quantifier avec précision le montant des coûts inéligibles. La requérante s’appuie également sur le considérant 71 dudit règlement, relatif à des exclusions ou à l’imposition d’une sanction financière à une personne ou à une entité.

110    La CINEA conteste l’argumentation de la requérante.

111    À cet égard, d’une part, s’agissant du considérant 71 du règlement 2018/1046, relatif aux exclusions d’une personne ou d’une entité ou à l’imposition d’une sanction financière à une personne ou à une entité, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la force normative dudit considérant, il suffit de constater que, en l’espèce, la requérante n’a fait l’objet ni d’une exclusion ni d’une sanction. En effet, par la décision attaquée, la CINEA a déclaré inéligibles les coûts liés au contrat de sous-traitance en raison du non-respect des clauses II.9.1 et II.10.1 des conditions générales de la convention de subvention.

112    D’autre part, en ce qui concerne l’article 202, paragraphe 4, du règlement 2018/1046, il est constant entre les parties que le montant des coûts inéligibles a été quantifié avec précision. Par conséquent, ce montant n’est pas régi par cette disposition, qui ne s’applique que lorsqu’il est impossible de quantifier précisément le montant concerné.

113    Dès lors, la présente branche est inopérante et doit donc être rejetée.

2)      Sur la deuxième branche, tirée de la violation des droits de la défense

114    La requérante soutient qu’elle n’a pas eu la possibilité de proposer une autre méthode avant la réduction des coûts éligibles, de sorte que ses droits de la défense ont été violés.

115    La CINEA conteste l’argumentation de la requérante.

116    Il convient de rappeler que le respect des droits de la défense exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt du 14 avril 2021, SGI Studio Galli Ingegneria/Commission, T‑285/19, non publié, EU:T:2021:190, point 76).

117    À cet égard, force est de constater que la requérante a eu la possibilité de soumettre, à plusieurs reprises, ses observations sur les interrogations de l’EASME et, ensuite, de la CINEA sur l’éventuelle inéligibilité des coûts liés au contrat de sous-traitance, y compris de proposer, si elle le souhaitait, une autre méthode avant la réduction des coûts éligibles. En particulier, avant l’adoption de la décision attaquée, la requérante a apporté des réponses au courrier de l’EASME du 22 juillet 2019, au courrier de l’EASME du 5 novembre 2020, au courrier de la CINEA du 1er juillet 2021 et au courrier de la CINEA du 20 septembre 2021.

118    La deuxième branche est donc rejetée comme manifestement non fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir tirée d’un défaut de clarté suffisante soulevée à cet égard par la CINEA.

3)      Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

119    La requérante soutient que le montant des coûts inéligibles à hauteur de 335 900 euros, majoré de 7 % au titre des frais généraux, est disproportionné. Or, conformément au règlement 2018/1046, le respect du principe de proportionnalité s’imposerait à la CINEA, d’autant que, en l’espèce, les faits litigieux ne seraient ni récurrents ni intentionnels. Selon la requérante, la CINEA aurait dû tenir compte de sa coopération.

120    La CINEA conteste l’argumentation de la requérante.

121    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité constitue un principe général du droit de l’Union, qui est consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE et qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Ce principe a vocation à régir tous les modes d’action de l’Union, qu’ils soient ou non contractuels, étant donné que, dans le contexte de l’exécution d’obligations contractuelles, le respect de ce principe participe à l’obligation plus générale des parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi (arrêt du 14 avril 2021, SGI Studio Galli Ingegneria/Commission, T‑285/19, non publié, EU:T:2021:190, point 92).

122    Dans ce contexte, il convient de relever que la CINEA est tenue, aux termes de l’article 317 TFUE, de respecter le principe de bonne gestion financière. Elle veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci. Il en est de même en matière contractuelle, dès lors que les subventions accordées par la CINEA sont issues du budget de l’Union. Selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 100).

123    Dans le cadre d’une convention de subvention, l’octroi de cette subvention est subordonné au respect, par le bénéficiaire, de certains critères et de certaines obligations portant, notamment, sur la justification financière des coûts déclarés comme ayant été encourus pour l’exécution des projets concernés. Partant, le bénéficiaire de la subvention n’acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si l’ensemble des conditions auxquelles l’octroi de la subvention est subordonné sont remplies (voir arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 157 et jurisprudence citée).

124    Étant donné que le non-respect des clauses de la convention de subvention est un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces frais et qu’il résulte de l’analyse du deuxième moyen que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’éligibilité des coûts liés au contrat de sous-traitance, la CINEA n’a pas méconnu le principe de proportionnalité en considérant lesdits coûts comme inéligibles (voie, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 159).

125    En effet, la requérante ne conteste pas que le montant déclaré inéligible, dont elle a d’ailleurs demandé le versement dans le cadre de son troisième chef de conclusions, correspond à celui du contrat de sous-traitance. Dès lors, il est constant qu’il n’existe pas d’écart entre ces deux sommes, de sorte que la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation du principe de proportionnalité.

126    Partant, il y a lieu d’écarter la présente branche comme étant manifestement non fondée et, par conséquent, le quatrième moyen dans son ensemble.

127    Par ailleurs, s’agissant du troisième chef de conclusions, par ordonnance du 6 février 2023, Indetec/Commission e.a. (T‑250/22, non publiée, EU:T:2023:61), le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable en ce qu’il était dirigé contre la Commission. Par conséquent, il n’y a plus lieu d’examiner ce chef de conclusions, dirigé contre celle-ci, dans le cadre de la présente affaire.

128    Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté en partie comme manifestement porté devant une juridiction incompétente pour en connaître et en partie comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

IV.    Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la CINEA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ingeniería para el Desarrollo Tecnológico, SL (Indetec) est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 27 novembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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