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Document 62022CO0628

    Order of the Court (Seventh Chamber) of 23 November 2023.
    Criminal proceedings against DU and Others.
    Request for a preliminary ruling from the Cour d'appel de Liège.
    Case C-628/22.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:952

    ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

    23 novembre 2023 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Questions préjudicielles identiques – Travailleurs migrants – Sécurité sociale – Législation applicable – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 13, paragraphe 1, sous b), i) – Personnes exerçant normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres – Applicabilité de la législation de l’État membre du siège social – Notion de “siège social” – Entreprise ayant obtenu une licence communautaire de transport en vertu des règlements (CE) no 1071/2009 et (CE) no 1072/2009 – Incidence – Licence obtenue ou invoquée de manière frauduleuse – Règlement (CE) no 987/2009 – Article 5 – Certificat A 1 – Retrait provisoire – Effet contraignant – Certificat obtenu ou invoqué de manière frauduleuse »

    Dans l’affaire C‑628/22,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Liège (Belgique), par décision du 9 juin 2022, parvenue à la Cour le 3 octobre 2022, dans la procédure pénale contre

    DU,

    EX,

    FY,

    en présence de :

    Office national de sécurité sociale (ONSS),

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

    avocat général : M. J. Richard de la Tour,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), i), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO 2012, L 149, p. 4) (ci-après le « règlement no 883/2004 »), de l’article 5 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1), tel que modifié par le règlement no 465/2012 (ci‑après le « règlement no 987/2009 »), de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil (JO 2009, L 300, p. 51), ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route (JO 2009, L 300, p. 72).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre DU, EX et FY, notamment, pour la commission de fraudes en matière de cotisations de sécurité sociale.

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    3        DU, EX et FY dirigent à divers titres trois sociétés de droit belge actives dans le domaine du transport national et international de marchandises par route (ci-après les « sociétés belges »).

    4        Au cours de l’année 2013, divers contrôles routiers ont été réalisés en Belgique, impliquant des camions conduits par des chauffeurs ressortissants roumains ou slovaques, dont la remorque était immatriculée en Belgique au nom de l’une desdites sociétés belges et dont le tracteur était immatriculé en Slovaquie au nom de diverses sociétés de droit slovaque, à savoir Railraodtrans s. r. o., dont DU a racheté les parts au cours de l’année 2009, Onewaytrans s. r. o., constituée par FY au cours de l’année 2010, et Transvers s. r. o., constituée par DU au cours de l’année 2012 (ci-après les « sociétés slovaques »).

    5        À la suite de ces contrôles, les autorités judiciaires belges ont mené une enquête lors de laquelle les services de l’inspection sociale (Belgique, ci‑après l’« inspection sociale belge »), sollicités par ces autorités, ont recueilli diverses informations et ont fait part de leurs soupçons quant au caractère fictif des sociétés slovaques, dont les activités de transport seraient en réalité organisées depuis la Belgique par les sociétés belges dans le cadre d’un montage notamment destiné à éviter de payer à l’Office national de la sécurité sociale (ONSS) (Belgique) les cotisations sociales dues pour les travailleurs engagés par lesdites sociétés slovaques.

    6        Une instruction pénale a ainsi été ouverte le 20 janvier 2015, dans le cadre de laquelle une commission rogatoire internationale exécutée aux sièges sociaux des sociétés slovaques a permis de constater que les bureaux étaient vides et qu’aucune activité de transport n’y était exercée.

    7        À la demande du ministère public, le Service public fédéral (SPF) a, le 12 mai 2016, transmis à la Sociálna poisťovňa (caisse d’assurance sociale, Slovaquie) (ci-après l’« Office slovaque ») les éléments constatés au cours de l’enquête judiciaire et lui a demandé de procéder au retrait des certificats A 1 délivrés aux chauffeurs employés par les sociétés slovaques ainsi qu’au retrait de leur assujettissement à la sécurité sociale slovaque.

    8        Le 15 mai 2017, l’Office slovaque a retiré provisoirement ces certificats, le temps que les chauffeurs concernés soient couverts par le système de sécurité sociale belge.

    9        Le 7 décembre 2018, l’ONSS a informé l’Office slovaque de l’assujettissement effectif de l’ensemble des travailleurs concernés au régime de sécurité sociale belge.

    10      Le 6 mars 2019, l’Office slovaque a répondu que, en dépit de l’assujettissement desdits travailleurs à l’ONSS, elle ne retirerait définitivement les certificats A 1 en cause que lorsque la procédure engagée devant les juridictions belges serait achevée et à la condition que les constatations effectuées au cours de l’enquête judiciaire soient confirmées par ces juridictions.

    11      Par un jugement du 14 septembre 2020 du tribunal de première instance de Liège, division Liège (Belgique), DU, EX et FY ont été déclarés coupables, notamment, de fraude en matière de cotisations de sécurité sociale.

    12      Les prévenus au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, à savoir la cour d’appel de Liège (Belgique). Dans ce contexte, d’une part, ils font, en substance, valoir que, en application notamment des articles 3, 5, 11 et 12 du règlement no 1071/2009 ainsi que de l’article 4 du règlement no 1072/2009, la détention par une société d’une licence communautaire de transport routier constitue une preuve de l’existence d’un établissement stable et effectif dans l’État membre l’ayant délivrée, et, dès lors, du siège social de cette société dans cet État membre, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 883/2004. D’autre part, DU, EX et FY soutiennent, en substance, que les certificats A 1 retirés provisoirement par l’Office slovaque continuent à être contraignants au regard des institutions des autres États membres.

    13      Dans ces conditions, la cour d’appel de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      L’article 13, paragraphe 1, sous b), i), du [règlement nº 883/2004], l’article 3, paragraphe 1, sous a), et l’article 11, paragraphe 1, du règlement [nº 1071/2009], et l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement [nº 1072/2009] doivent-ils être interprétés en ce sens que le fait qu’une entreprise qui obtient une licence de transport dans un État membre de l’Union européenne conformément au règlement [nº 1071/2009] et au règlement [nº 1072/2009] et doit, à ce titre, être établie de façon stable et effective dans cet État membre, implique ipso facto qu’elle apporte la preuve irréfragable que son siège social est établi dans cet État membre au sens de l’article 13, paragraphe 1, dudit [règlement nº 883/2004] pour déterminer le régime de sécurité sociale applicable et que les autorités de l’État membre d’emploi sont liées par ce constat ?

    2)      Dans le cas où la réponse à cette question serait affirmative :

    –        la délivrance d’une licence de transport fait-elle obstacle à ce que les autorités de l’État [membre] où les salariés exercent ou doivent exercer leur activité puissent ne pas tenir compte de la délivrance de cette licence en raison du comportement frauduleux de l’employeur ;

    –        un juge, autre que celui de l’État membre qui a délivré la licence de transport, peut-il pareillement écarter celle-ci quand bien même la procédure décrite à l’article 13, paragraphe 1, du règlement [nº 1072/2009], qui organise la dénonciation d’une infraction grave à ce règlement par l’État membre sur le territoire duquel l’infraction a été constatée aux autorités compétentes de l’État membre d’établissement du transporteur, n’a pas été respectée, si les faits soumis à son appréciation permettent de constater que cette licence a été obtenue de manière frauduleuse ?

    3)      L’article 5 du [règlement nº 987/2009] doit-il être interprété en ce sens que si, après que les autorités de l’État membre où les salariés exercent ou doivent exercer leur activité ont demandé le retrait rétroactif des certificats A 1, les autorités de l’État membre qui ont émis les certificats A 1 se limitent à retirer provisoirement ces certificats afin que la procédure, en l’espèce pénale, puisse se poursuivre dans l’État membre d’emploi et que l’État membre qui a émis les certificats A 1 ne statuera définitivement qu’à l’issue de cette procédure pénale, la présomption qui s’attache aux certificats A 1 de régularité de l’affiliation des travailleurs concernés au régime de sécurité sociale de cet État membre d’émission devient-elle caduque et, par voie de conséquence, lesdits certificats A l ne lient plus les autorités de l’État où les salariés exercent ou doivent exercer leur activité ?

    4)      Dans le cas où la réponse à cette question serait négative, les autorités de l’État où les salariés exercent ou doivent exercer leur activité peuvent-elles ne pas tenir compte desdits certificats A 1 dans l’hypothèse où les faits soumis à leur appréciation permettent de constater que ces certificats ont été obtenus à la suite d’un comportement jugé comme frauduleux de l’employeur ? »

     La procédure devant la Cour

    14      Par une décision du président de la Cour du 10 novembre 2022, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen (C‑410/21 et C‑661/21, EU:C:2023:138).

    15      Par une lettre du 5 avril 2023, le greffe de la Cour a communiqué cet arrêt à la juridiction de renvoi et l’a invitée à lui indiquer si, à la lumière de celui-ci, elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

    16      Par une lettre du 25 mai 2023, déposée au greffe de la Cour le 13 juin 2023, cette juridiction a informé la Cour qu’elle entendait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

     Sur les questions préjudicielles

    17      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué.

    18      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    19      En effet, les questions posées dans cette affaire sont, nonobstant quelques différences de rédaction mineures, identiques aux questions sur lesquelles la Cour a déjà statué dans son arrêt du 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen (C‑410/21 et C‑661/21, EU:C:2023:138, points 31, 37, 41 et 69).

    20      Dans cet arrêt, la Cour a jugé que :

    –        l’article 5 du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens qu’un certificat A 1 délivré par l’institution compétente d’un État membre lie les institutions et les juridictions de l’État membre dans lequel le travail est effectué, y compris lorsque, à la suite d’une demande de réexamen et de retrait adressée par l’institution compétente de ce dernier État membre à l’institution émettrice, celle‑ci a déclaré suspendre provisoirement les effets contraignants de ce certificat jusqu’à ce qu’elle statue définitivement sur cette demande. Toutefois, dans de telles circonstances, une juridiction d’un État membre dans lequel le travail est effectué, saisie dans le cadre d’une procédure pénale diligentée contre des personnes soupçonnées d’avoir obtenu ou utilisé frauduleusement le même certificat A 1, peut constater l’existence d’une fraude et écarter en conséquence ce certificat,  pour les besoins de cette procédure pénale, pour autant, d’une part, qu’un délai raisonnable s’est écoulé sans que l’institution émettrice ait procédé au réexamen du bien-fondé de la délivrance de ce même certificat et ait pris position sur les éléments concrets soumis par l’institution compétente de l’État membre d’accueil qui donnent à penser que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse, le cas échéant, en annulant ou en retirant le certificat en cause, et, d’autre part, que les garanties inhérentes au droit à un procès équitable qui doivent être accordées à ces personnes soient respectées ;

    –        l’article 13, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004, lu à la lumière de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1071/2009, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1072/2009, doit être interprété en ce sens que la détention par une société d’une licence communautaire de transport routier délivrée par les autorités compétentes d’un État membre ne constitue pas la preuve irréfragable du siège social de cette société dans cet État membre aux fins de la détermination, conformément à l’article 13, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004, de la législation nationale de sécurité sociale applicable (arrêt du 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen, C‑410/21 et C‑661/21, EU:C:2023:138, points 68 et 82 ainsi que dispositif).

     Sur les dépens

    21      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.


    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

    Les réponses aux questions posées à titre préjudiciel par la cour d’appel de Liège (Belgique) figurent dans l’arrêt du 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen (C410/21 et C661/21, EU:C:2023:138, points 68 et 82 ainsi que dispositif).

    Signatures


    *      Langue de procédure : le français.

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