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Document 62021CO0322

    Order of the Court (Tenth Chamber) of 1 February 2022.
    Roberto Alejandro Macías Chávez and Others v European Parliament and Kingdom of Spain.
    Appeal – Article 181 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Action for failure to act and for damages – Institutional law – European Parliament’s Committee on Petitions – Petition alleging infringement by the Spanish courts of EU law in the field of fundamental rights – Decision to declare the petition closed – Appeal in part manifestly inadmissible and in part manifestly unfounded.
    Case C-322/21 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:80

    ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

    1er février 2022 (*)

    « Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Recours en carence et en indemnité – Droit institutionnel – Commission des pétitions du Parlement européen – Pétition alléguant la violation par les juridictions espagnoles du droit de l’Union en matière de droits fondamentaux – Décision de déclarer close la pétition – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

    Dans l’affaire C‑322/21 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 mai 2021,

    Roberto Alejandro Macías Chávez, demeurant à Séville (Espagne),

    Fernando Presencia, demeurant à Talavera de la Reina (Espagne),

    José María Castillejo Oriol, demeurant à Madrid (Espagne), représentés par Me J. Jover Padró, abogado,

    parties requérantes,

    les autres parties à la procédure étant :

    Parlement européen,

    Royaume d’Espagne,

    parties défenderesses en première instance,

    LA COUR (dixième chambre),

    composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. M. Ilešič et D. Gratsias (rapporteur), juges,

    avocat général : Mme L. Medina,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par leur pourvoi, les requérants demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 27 avril 2021, Macías Chávez e.a./Espagne et Parlement (T‑719/20, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:216), par laquelle celui-ci a rejeté leur recours visant à faire constater que le Parlement européen s’est illégalement abstenu de donner suite à la pétition déposée par les requérants concernant la prétendue violation par les juridictions espagnoles du droit de l’Union en matière de droits fondamentaux et à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi du fait de cette omission du Parlement ou, à titre subsidiaire, du fait du comportement du Royaume d’Espagne.

     Le cadre juridique

    2        Ainsi que l’énonce l’article 1er de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17), cette directive a pour objet de renforcer l’application du droit et des politiques de l’Union dans des domaines spécifiques en établissant des normes minimales communes assurant un niveau élevé de protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union.

    3        L’article 11, paragraphe 1, de cette directive dispose :

    « 1.      Les États membres désignent les autorités compétentes pour recevoir les signalements, fournir un retour d’informations et assurer un suivi des signalements, et mettent des ressources suffisantes à la disposition desdites autorités.

    [...] »

    4        L’article 19, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire toute forme de représailles, y compris les menaces de représailles et tentatives de représailles, contre les auteurs de signalement travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel.

    5        L’article 20, paragraphe 1, de la même directive indique que les États membres veillent à ce que les auteurs de signalement bénéficient, s’il y a lieu, de mesures de soutien, dont les mesures spécifiques énumérées dans la même disposition.

    6        L’article 22, paragraphe 1, de la directive 2019/1937 prévoit que les États membres veillent à ce que, conformément à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), les personnes concernées jouissent pleinement du droit à un recours effectif et à un procès équitable ainsi que de la présomption d’innocence et des droits de la défense, y compris le droit d’être entendues et le droit d’accéder à leur dossier.

     Les antécédents du litige

    7        Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 6 de l’ordonnance attaquée et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

    8        Le 8 juin 2020, les requérants ont présenté auprès de la commission des pétitions du Parlement européen une pétition, enregistrée le 12 juin 2020, sous le numéro 0654/2020.

    9        Le résumé de cette pétition, tel que mis à disposition sur le portail Internet des pétitions du Parlement, était rédigé comme suit :

    « Le pétitionnaire dépose une plainte auprès du Parlement européen contre [le Royaume d’] Espagne pour non-respect de la législation de l’Union [...] par certains tribunaux espagnols. Il se plaint, en particulier, du manque d’impartialité de certains membres de la justice espagnole. Sa pétition résume les cas de quatre citoyens espagnols qui ont été condamnés ou autrement sanctionnés par des décisions de justice, selon lui, en représailles à leur [égard]. Il ajoute que, par ces condamnations, les tribunaux espagnols ont infligé des tortures psychologiques à ces quatre victimes. »

    10      Par décision du 9 octobre 2020, la commission des pétitions du Parlement a, après examen, déclaré recevable la pétition et l’a déclarée close (ci-après la « décision du 9 octobre 2020 »). En substance, cette commission a estimé qu’elle n’avait pas compétence pour intervenir dans des affaires personnelles et ne pouvait pas annuler les décisions prises par les autorités compétentes des États membres ni infirmer les jugements rendus par les juridictions nationales. Elle a informé les requérants qu’ils pouvaient adresser une réclamation au Defensor del Pueblo (Défenseur du peuple, Espagne) ou, une fois épuisées les voies de recours nationales, de s’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme.

    11      Par courriel du 14 octobre 2020, adressé au secrétariat de la commission des pétitions du Parlement, le premier requérant a contesté les affirmations figurant dans la décision du 9 octobre 2020. Le 18 novembre 2020, le premier requérant a reçu un courriel automatique du Parlement intitulé « Actualisation de la pétition » et comportant un lien vers le portail Internet des pétitions de l’institution. Selon les indications des requérants, la pétition apparaissait close sur ce portail.

     La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2020, les requérants ont introduit un recours contre le Parlement et le Royaume d’Espagne.

    13      Il ressort, en substance, du point 8 de l’ordonnance attaquée que, par leur recours, les requérants demandaient au Tribunal, premièrement, d’attribuer l’affaire à la grande chambre, ou à une autre formation de jugement élargie du Tribunal ; deuxièmement, d’adopter des mesures provisoires afin de suspendre les procédures juridictionnelles espagnoles les concernant et de déclarer leur droit à bénéficier d’une aide financière ; troisièmement, de constater, sur la base de l’article 265 TFUE, la carence du Parlement, s’agissant « en particulier » de la décision du 9 octobre 2020, de suspendre les mesures de représailles prises à leur égard et de condamner le Parlement à réparer le préjudice subi et, quatrièmement, à titre subsidiaire, de condamner le Royaume d’Espagne à réparer le préjudice découlant de la violation du droit de l’Union par les juridictions espagnoles, et de déclarer que cet État membre doit prévoir des sanctions contre les personnes qui ont empêché ou tenté d’empêcher le traitement des plaintes des requérants et adopter des mesures de contrôle du respect de cette obligation.

    14      Par l’ordonnance attaquée, adoptée sur le fondement de l’article 126 de son règlement de procédure, le Tribunal a rejeté le recours comme étant, en partie, porté devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître, en partie manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

    15      S’agissant, en premier lieu, de la demande des requérants tendant au renvoi de l’affaire à une formation de jugement élargie, le Tribunal, au point 15 de l’ordonnance attaquée, a jugé qu’aucun des critères mentionnés à l’article 28, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal pour justifier un tel renvoi n’était satisfait.

    16      En deuxième lieu, le Tribunal a considéré, aux points 19 et 20 de l’ordonnance attaquée, que la demande de mesures provisoires était irrecevable, faute d’avoir été présentée par acte séparé, ainsi que l’exige l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal.

    17      En troisième lieu, il ressort des points 26 à 30 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a rejeté la demande par laquelle les requérants, au titre de l’article 265 TFUE, dénonçait une carence du Parlement, comme étant manifestement irrecevable, au motif que, par la décision du 9 octobre 2020, ce dernier ne s’était nullement abstenu de statuer sur la pétition présentée par les requérants, mais a, au contraire, pris position en décidant de la déclarer close après l’avoir examinée.

    18      Au point 36 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré, pour les motifs exposés, « au surplus », aux points 31 à 35 de cette ordonnance, que la décision du 9 octobre 2020 ne constituait pas un acte attaquable et échappait au contrôle juridictionnel. Selon le Tribunal, le fait que, en adoptant cette décision, la commission des pétitions du Parlement n’avait pas donné à la pétition des requérants les suites souhaitées par ceux-ci ne pouvait être contestée par la voie d’une demande en carence.

    19      Après avoir écarté, au point 37 de l’ordonnance attaquée, un argument des requérants tiré des articles 1 à 4 de la Charte, le Tribunal a conclu que la demande des requérants fondée sur l’article 265 TFUE devait être rejetée comme étant manifestement irrecevable, également pour les motifs résumés au point précédent.

    20      En quatrième lieu, le Tribunal a jugé, au point 39 de l’ordonnance attaquée, que la demande des requérants tendant à ce que soit ordonnée la suspension des mesures de représailles prises à leur égard était manifestement irrecevable, dès lors que, dans le cadre du contrôle de légalité des actes des institutions de l’Union fondé sur l’article 263 TFUE ou du recours en carence fondé sur l’article 265 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions.

    21      En cinquième lieu, le Tribunal a, au point 40 de l’ordonnance attaquée, rejeté comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit, la demande de réparation du préjudice dirigée contre le Parlement au motif que, le Tribunal n’étant pas en mesure de constater qu’une carence pourrait être imputée au Parlement, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée.

    22      En sixième lieu, le Tribunal a jugé, pour les motifs exposés aux points 43 à 45 de l’ordonnance attaquée, que les conclusions subsidiaires des requérants, dirigées contre le Royaume d’Espagne, devaient être rejetées comme ayant été portées devant une juridiction manifestement incompétente pour connaître des recours introduits par des personnes physiques ou morales à l’encontre d’États membres.

     Les conclusions des requérants devant la Cour

    23      Les requérants demandent à la Cour :

    –        d’ accueillir le pourvoi « jusqu’au prononcé d’un arrêt », d’ordonner le réexamen de leur recours devant le Tribunal et d’annuler l’ordonnance attaquée, et,

    –         conformément au principe iura novit curia, de considérer comme également formé tout autre recours ou mesure tendant à apporter une solution juridique à la grave situation dans laquelle se trouvent les requérants.

     Sur le pourvoi

    24      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale.

    25      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    26      À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 47 de la Charte ainsi que du non-respect de l’obligation de motivation, le deuxième, de la violation de l’article 41 de la Charte ainsi que du droit à une bonne administration, le troisième, de la violation du principe selon lequel toute souveraineté implique une responsabilité, le quatrième, de la violation de la directive 2019/1937 et, le cinquième, de l’importance des questions soulevées dans le pourvoi pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 47 de la Charte ainsi que du non-respect de l’obligation de motivation

     Argumentation des requérants

    27      Les requérants font valoir, en substance, que le Tribunal a violé leur droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte, ainsi que l’obligation de motivation, dès lors qu’il a dénaturé l’objet de leur recours, en estimant que celui-ci correspondait aux « demandes additionnelles » des requérants, reproduites au point 8 de l’ordonnance attaquée.

    28      Le Tribunal aurait ainsi méconnu la « demande principale » de leur recours, à savoir « l’absence de défense des citoyens et des intérêts de l’Union par le Parlement et la violation des droits des citoyens ». Les requérants auraient, plus particulièrement, dénoncé dans leur recours la violation du droit de ne pas être torturé et du droit à la dignité humaine. Or, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal n’aurait qu’une seule fois fait état de la violation, par le Parlement, de l’obligation de mener une enquête officielle et effective en cas de signalement d’une violation systématique par un État membre des droits fondamentaux, sans considérer qu’il s’agissait là de l’objet du recours.

    29      En outre, le Tribunal aurait considéré que l’invocation, par les requérants, de leurs droits fondamentaux visait à étayer leur demande tendant à ce que leur recours soit renvoyé à une formation élargie et il aurait répondu que ce seul fait ne conférait pas une importance significative à l’affaire. De plus, le Tribunal aurait pris en considération une carence du Parlement différente de celle visée dans le recours. En tout état de cause, la violation du droit de l’Union par le Parlement aurait entraîné une obligation, pour le juge de l’Union, d’agir.

    30      Quant au rejet de la demande de mesures provisoires, au motif qu’elle n’avait pas été présentée par acte séparé, les requérants soulignent que cette demande était purement accessoire et ne constituait pas l’objet de leur recours. Rejeter le recours pour ce motif et éviter ainsi que soit menée l’enquête officielle et effective que la jurisprudence de la Cour elle-même aurait avalisée et à laquelle le Tribunal serait également tenu constituerait une nouvelle violation de l’article 47 de la Charte.

    31      Les requérants estiment qu’une erreur de forme dans le cadre d’une demande additionnelle ne devrait pas être considérée comme un élément essentiel pour décider de l’irrecevabilité du recours. En effet, le point 20 de l’ordonnance ferait référence à l’irrecevabilité de la demande de mesures provisoires, mais l’ordonnance attaquée rejetterait le recours « en partie comme manifestement irrecevable ».

    32      Les requérants soulignent que leurs demandes n’excédaient pas les compétences des juridictions de l’Union. Le Parlement aurait refusé, de manière contraire au droit de l’Union, de mener une enquête officielle et effective. Il appartiendrait donc aux juridictions de l’Union de garantir l’interprétation et l’application du droit de l’Union par ses institutions, de sorte que la prétendue irrecevabilité des conclusions du recours dirigées contre le Parlement aurait été privée de fondement et constituerait une violation de l’article 47 de la Charte. Attribuer le refus du Parlement de mener une enquête à un « large pouvoir d’appréciation de nature politique » et affirmer que la décision du Parlement ne constitue pas un « acte attaquable et échappe au contrôle juridictionnel » pour fonder le rejet du recours constitueraient une nouvelle violation de l’article 47 de la Charte.

    33      Les requérants contestent également l’affirmation, figurant au point 34 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle « le juge de l’Union n’est pas [...] en mesure de constater une carence du Parlement, motif pris du fait que la commission des pétitions [du Parlement], après avoir déclaré une pétition recevable et après l’avoir examinée, décide de la déclarer close sans donner à celle-ci les suites souhaitées par le pétitionnaire ». Ils soulignent qu’ils n’ont pas demandé au Parlement de donner à leur pétition les suites souhaitées par les pétitionnaires.

     Appréciation de la Cour

    34      Par le premier moyen, les requérants reprochent au Tribunal, en substance, d’avoir violé leur droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte, en omettant de statuer sur la « demande principale » de leur recours.

    35      D’emblée, il convient de constater que, dans leur pourvoi, les requérants décrivent de manière variée l’objet de la « demande principale » de leur recours devant le Tribunal, en affirmant que ce recours visait tantôt « l’absence de défense des citoyens et des intérêts de l’Union par le Parlement et la violation des droits des citoyens », tantôt la violation de l’obligation du Parlement de « mener une enquête officielle » sur les prétendues violations des droits fondamentaux dénoncées par eux.

    36      En outre, les requérants n’identifient pas de manière précise le chef de conclusions correspondant à leur « demande principale » qu’ils reprochent au Tribunal d’avoir omis d’examiner.

    37      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la lecture de la requête devant le Tribunal, laquelle figure dans le dossier de première instance transmis à la Cour en application de l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal a correctement résumé, au point 8 de l’ordonnance attaquée, les différents chefs de conclusions avancés devant lui par les requérants et il les a tous examinés et rejetés dans l’ordonnance attaquée.

    38      Or, il importe de rappeler que, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 de celui-ci, toute requête présentée devant le Tribunal doit contenir, notamment, les conclusions de la partie requérante. Il s’ensuit qu’il appartient à la partie requérante de formuler les conclusions qu’elle estime appropriées, en relation avec ce qu’elle considère être l’objet de son recours. Pour sa part, sous peine de statuer ultra petita, le Tribunal ne doit se prononcer que sur les chefs de conclusions avancés devant lui par la partie requérante, ce qu’il a fait en l’occurrence.

    39      L’invocation, par les requérants, de leurs droits fondamentaux ne saurait conduire à une conclusion différente, dans la mesure où elle ne dispense pas ceux-ci de l’obligation de formuler de chefs de conclusions précis. Dès lors, à supposer que, comme l’allèguent les requérants, c’est à tort que le Tribunal a considéré que leur argument tiré de la prétendue violation de leurs droits fondamentaux visait à étayer leur demande tendant à ce que leur recours soit examiné par une formation élargie, une telle erreur ne saurait justifier l’annulation de l’ordonnance attaquée.

    40      Les requérants contestent également les motifs exposés aux points 21 à 41 de l’ordonnance attaquée, par lesquels le Tribunal a jugé que les demandes formulées à l’égard du Parlement dépassaient les compétences du juge de l’Union. Toutefois, il suffit de relever qu’une telle argumentation procède d’une lecture erronée de l’ordonnance attaquée. En effet, il ressort des points susmentionnés de celle-ci que, hormis leur demande tendant à ce qu’il ordonne la suspension des mesures des représailles prises à leur égard, le Tribunal n’a pas rejeté les conclusions des requérants dirigées contre le Parlement pour absence de compétence.

    41      Or, c’est sans commettre d’erreur de droit et conformément à une jurisprudence constante de la Cour que le Tribunal a rejeté cette demande au point 39 de l’ordonnance attaquée. En effet, ni le Tribunal ni la Cour n’ont compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union dans le cadre des procédures entamées au titre des articles 263 et 265 TFUE (ordonnance du 1er octobre 2019, Clarke/Commission, C‑284/19 P, non publiée, EU:C:2019:799, point 41 et jurisprudence citée).

    42      Enfin, l’argumentation des requérants tirée du rejet de leur demande de mesures provisoires ne saurait non plus prospérer. En effet, les requérants ne contestent pas que cette demande n’avait pas été présentée par acte séparé, contrairement aux exigences de l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 20 de l’ordonnance attaquée, qu’elle devait être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

    43      Les requérants semblent toutefois considérer que, par la référence au fait qu’ils n’avaient pas présenté leur demande de mesures provisoires par acte séparé, le Tribunal a également justifié le rejet des autres chefs de conclusions de leur recours. Ce faisant, ils effectuent une lecture manifestement erronée de l’ordonnance attaquée, dans la mesure où il ressort des points 21 à 45 de celle-ci que le Tribunal, après avoir jugé irrecevable leur demande de mesures provisoires, a procédé à l’analyse des autres chefs de conclusions de leur recours et les a rejetés pour des motifs distincts.

    44      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

     Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 41 de la Charte ainsi que du droit à une bonne administration

     Argumentation des requérants

    45      Par leur deuxième moyen, les requérants font valoir que le Tribunal a violé leur droit fondamental à voir leurs affaires traitées de manière impartiale et équitable, consacré à l’article 41 de la Charte. Ils ajoutent que le fait que la formation de jugement du Tribunal qui a adopté l’ordonnance attaquée leur a été notifiée par une lettre dont la date était ultérieure à celle de cette ordonnance et par laquelle cette dernière leur a également été notifiée, viole l’article 41 de la Charte, notamment en ce qui concerne le droit d’être entendu, les droits de la défense et le droit d’être informé par une autorité, lorsque la décision peut avoir une incidence négative sur les intérêts de la personne concernée.

    46      Les requérants réitèrent que le Tribunal a méconnu la demande principale et l’objet de leur recours et a modifié l’objet de leur demande tendant à ce que soit menée une enquête officielle et effective concernant la violation des droits fondamentaux dénoncée.

     Appréciation de la Cour

    47      Il convient de constater que, à l’appui de leur deuxième moyen, les requérants avancent, quoique sous une forme beaucoup plus succincte, les mêmes arguments qu’ils ont avancés à l’appui du premier moyen. Par le deuxième moyen ils reprochent toutefois au Tribunal d’avoir violé l’article 41 de la Charte, lequel énonce, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union.

    48      Or, s’agissant, comme en l’espèce, de l’examen d’une affaire par une juridiction de l’Union, la disposition applicable de la Charte est celle de l’article 47, qui consacre le droit à une protection juridictionnelle effective. Dans la mesure où cette argumentation se confond avec celle développée dans le cadre du premier moyen, elle doit être rejetée pour les motifs exposés aux points 34 à 39 de la présente ordonnance.

    49      Quant à l’argument des requérants consistant à alléguer que leurs droits de la défense ont été enfreints au motif qu’ils ont été informés de la formation de jugement du Tribunal à laquelle l’affaire avait été attribuée par la lettre par laquelle l’ordonnance attaquée leur a été signifiée, force est de constater que les requérants n’expliquent pas en quoi une telle circonstance serait de nature à porter atteinte à l’exercice de leurs droits de la défense. Les requérants ont eu la possibilité d’exposer, dans leur requête, tous les arguments qu’ils estimaient pertinents à l’appui de leurs demandes et le Tribunal a adopté l’ordonnance attaquée sur la base du seul examen de cette requête, sans notifier celle-ci aux parties défenderesses ni entendre ces dernières. Cet argument est donc manifestement non fondé et doit, par suite, être rejeté.

    50      Il ressort des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

     Sur le troisième moyen, tiré de la violation du « principe selon lequel toute souveraineté implique une responsabilité »

     Argumentation des requérants

    51      Les requérants rappellent que, dans l’arrêt du 5 février 1963, van Gend & Loos (26/62, EU:C:1963:1, p. 23), la Cour a affirmé que l’Union constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres mais également leurs ressortissants. Ils soulignent que, lorsqu’une compétence est transférée à l’Union, ce qui lui est transféré est une souveraineté. Toutefois, dans les États modernes, la souveraineté constituerait non seulement un privilège, mais également une responsabilité, surtout envers les citoyens.

    52      Les requérants font valoir qu’à tout transfert de souveraineté, à l’instar de celui dont ont bénéficié l’Union européenne et ses institutions, correspond un transfert de responsabilité, c’est-à-dire à la création d’obligations. Or, le Tribunal ne se serait pas acquitté de « cette obligation », eu égard notamment à son refus d’enquêter sur de graves signalements des violations de droits fondamentaux, non seulement des requérants, mais également de tout un groupe de population civile, ainsi que cela aurait été expliqué à la commission des pétitions du Parlement, laquelle aurait méconnu son obligation de mener une enquête. Le refus d’enquêter serait en soi une torture et, par conséquent, une nouvelle violation d’un droit fondamental. En cas de rejet du pourvoi introduit par les requérants, les personnes victimes des violations dénoncées seraient privées de la protection découlant d’« une souveraineté en tant que responsabilité ». De même, les requérants seraient privés de leur droit à ce qu’une enquête officielle et effective soit menée sur la violation de leurs droits fondamentaux.

     Appréciation de la Cour

    53      Il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Selon une jurisprudence constante de la Cour, ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne comporte pas une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 127, ainsi que ordonnance du 19 mars 2019, Shindler e.a./Conseil, C‑755/18 P, non publiée, EU:C:2019:221, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

    54      En l’espèce, force est de constater que le troisième moyen ne répond manifestement pas à ces exigences. En effet, les requérants n’identifient aucunement les éléments critiqués de l’ordonnance attaquée ni n’exposent une argumentation visant à identifier des erreurs de droits concrètes dont cette ordonnance serait entachée.

    55      Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant manifestement irrecevable.

     Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la directive 2019/1937

     Argumentation des requérants

    56      Premièrement, les requérants font valoir une violation de l’obligation, découlant de l’article 11 de la directive 2019/1937, d’assurer un suivi des signalements que, selon eux, ni le Royaume d’Espagne, ni le Parlement, ni le Tribunal n’ont voulu faire.

    57      Deuxièmement, les requérants invoquent l’interdiction des représailles, consacrée à l’article 19 de la directive 2019/1937 et font valoir que, depuis qu’ils ont commencé à signaler la « fraude » portant sur des fonds européens ainsi que les « violations constantes, systématiques et graves » du droit de l’Union par certains fonctionnaires du Royaume d’Espagne et d’un syndicat ouvrier, ils ont fait l’objet de représailles « constantes, sauvages et impitoyables ».

    58      Troisièmement, ils rappellent que l’article 20 de la directive 2019/1937 prévoit des mesures de soutien que les États membres doivent prendre à l’égard de ceux qui informent ou signalent des violations du droit de l’Union. Or, ils n’auraient bénéficié d’aucune telle mesure, ni de la part de l’État membre concerné, ni du Parlement, ni du Tribunal.

    59      En particulier, ils estiment que, en se déclarant manifestement incompétent pour ordonner la suspension temporaire des représailles qu’ils subissent et en jugeant dépourvue de tout fondement juridique leur demande de réparation du préjudice subi, le Tribunal a violé l’article 279 TFUE, l’article 158 de son règlement de procédure ainsi que la directive 2019/1937.

    60      Quatrièmement, les requérants font valoir que, contrairement à ce qui est prévu à l’article 22 de la directive 2019/1937, lequel renvoie à la Charte, ils n’ont pas bénéficié d’une protection juridictionnelle effective et que leurs signalements n’ont pas non plus été jugés par des juges impartiaux.

     Appréciation de la Cour

    61      Par le quatrième moyen, les requérants invoquent, en substance, une violation de la directive 2019/1937 par le Royaume d’Espagne, par le Parlement et par le Tribunal lui-même.

    62      S’agissant de l’argument selon lequel le Parlement ou le Tribunal auraient violé cette directive, il y a lieu de relever que celle-ci s’adresse aux États membres et non pas aux institutions susmentionnées.

    63      Dans la mesure où les requérants se réfèrent à une prétendue violation de ladite directive par le Royaume d’Espagne, il y a lieu de rappeler que, au point 43 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé, à juste titre et en se référant à la jurisprudence constante de la Cour, qu’il est incompétent pour connaître des recours introduits par des personnes physiques ou morales à l’encontre d’États membres. Le Tribunal était, dès lors, incompétent pour connaître d’une éventuelle violation, par le Royaume d’Espagne, des dispositions de la directive 2019/1937, telle que celle alléguée par les requérants. Il était également incompétent pour ordonner la suspension des mesures adoptées par les autorités et juridictions espagnoles à l’égard des requérants, qualifiées par ces dernières de « représailles ».

    64      S’agissant de l’argument des requérants selon lequel ils n’ont pas bénéficié de la protection juridictionnelle effective garantie par l’article 47 de la Charte, il suffit de relever qu’il ne constitue qu’une réitération de leur argumentation avancée dans le cadre du premier moyen, laquelle a été rejetée pour les motifs exposés aux points 34 à 39 de la présente ordonnance.

    65      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme étant manifestement non fondé.

     Sur le cinquième moyen, tiré de l’importance des questions soulevées dans le pourvoi pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union

     Argumentation des requérants

    66      Les requérantes font valoir que le « revirement de jurisprudence » opéré par le Tribunal, en ce qui concerne la manière d’agir face à des signalements de violations de droits fondamentaux constitue une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, au sens de l’article 58 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

    67      Ils ajoutent que « le présent moyen comporte trois branches », tirées, respectivement, de la violation systématique de l’État de droit dans un État membre, de la violation du principe en vertu duquel toute souveraineté implique une responsabilité et de la violation de droits fondamentaux par le Parlement et par le Tribunal, en ce que ces institutions ont refusé de mener une enquête.

    68      Les requérants reprochent également au Tribunal une violation de son propre règlement de procédure, dans la mesure où l’article 2 de celui-ci énonce que ses dispositions mettent en œuvre et complètent les dispositions des traités ainsi que du statut de la Cour de justice de l’Union. Or, selon les requérants, « l’interdiction de la torture et de la violation de la dignité humaine ainsi que l’obligation incombant aux institutions de mener une enquête officielle et effective lorsque de telles violations sont dénoncées ont été intégrées dans le corpus juridique auquel l’article susvisé fait référence ». Ils estiment que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 19 janvier 2021, González c. Espagne (CE:ECHR:2021:0119JUD002069017, point 53), vient également à l’appui de leur argumentation.

     Appréciation de la Cour

    69      S’agissant de l’argument des requérants selon lequel la présente affaire soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, il convient de rappeler que le critère tenant à l’existence d’une telle question, prévu à l’article 58 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, est pertinent pour l’admission préalable d’un pourvoi, à laquelle est subordonné l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’un des offices et agences de l’Union mentionnées aux premiers et deuxième alinéas de cet article.

    70      Or, le pourvoi des requérants ne concerne pas une telle hypothèse et, partant, ne nécessite pas de faire l’objet d’une admission préalable par la Cour.

    71      Pour le reste, les requérants se bornent, dans le cadre du cinquième moyen, à réitérer l’argumentation au soutien du premier moyen et tirée de la violation de leurs droits fondamentaux, notamment du droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte. Or, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, cette argumentation est manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

    72      Par voie de conséquence, le cinquième moyen doit être écarté comme étant, en partie, manifestement inopérant et, en partie, manifestement non fondé.

     Sur le second chef de conclusions des requérants

    73      Par le second chef de leurs conclusions, les requérants demandent à la Cour de « considérer comme également formé tout autre recours ou mesure tendant à apporter une solution juridique à la grave situation dans laquelle se trouvent les requérants ».

    74      Or, ainsi formulé, le second chef de conclusions ne permet pas de saisir la nature et l’objet d’un éventuel « autre recours » que ceux-ci entendaient former. Partant, ce chef de conclusions est manifestement irrecevable.

    75      Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

     Sur les dépens

    76      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux parties défenderesses en première instance et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérants supporteront leurs propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

    2)      MM. Roberto Alejandro Macías Chávez, Fernando Presencia et José María Castillero Oriol supportent leurs propres dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’espagnol.

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