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Document 62015TJ0733

    Judgment of the General Court (Third Chamber) of 28 March 2017.
    Portuguese Republic v European Commission.
    Failure to comply with a judgment of the Court of Justice finding that a State has failed to fulfil its obligations — Penalty payment — Decision quantifying the penalty payment — Repeal of the contested national measure — Date on which the infringement was brought to an end.
    Case T-733/15.

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:225

    DOCUMENT DE TRAVAIL

    ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

    28 mars 2017 (*)

    « Inexécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement d’État – Astreinte – Décision de liquidation de l’astreinte – Abrogation de la mesure nationale litigieuse – Date de la cessation du manquement »

    Dans l’affaire T‑733/15,

    République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo, en qualité d’agents, assistés de ML. Silva Morais, avocat,

    partie requérante,

    contre

    Commission européenne, représentée par Mmes L. Nicolae et P. Costa de Oliveira, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision Ares(2015)4178538 de la Commission, du 8 octobre 2015, demandant à la République portugaise le paiement de la somme de 580 000 euros, correspondant à l’astreinte liquidée, pour la période allant du 25 juin au 21 août 2014, en exécution de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029),

    LE TRIBUNAL (troisième chambre),

    composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, I. S. Forrester et E. Perillo, juges,

    greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

    vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 janvier 2017,

    rend le présent

    Arrêt

     Antécédents du litige

     Première procédure en manquement

    1        Par lettre du 21 mars 2005, la Commission des Communautés européennes a adressé une première mise en demeure à la République portugaise, dans laquelle elle considérait que cet État membre n’avait pas correctement transposé dans le droit national la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») (JO 2002, L 108, p. 51, ci-après la directive « service universel »).

    2        Par lettre du 25 mai 2005, la République portugaise a répondu à cette mise en demeure en indiquant que la Lei das Comunicações Electrónicas (loi n° 5/2004 sur les communications électroniques), du 10 février 2004 (Diário da República I, série A, n° 34, du 10 février 2004, p. 788, ci-après la « loi sur les communications électroniques »), avait expressément abrogé le décret-loi n° 458/99, du 5 novembre 1999, définissant le cadre du service universel de télécommunications et établissant les régimes respectifs de fixation des prix et de financement (Diário da República I, série A, n° 258, du 5 novembre 1999, p. 7703), et annulait également la désignation de Portugal Telecom SA (ci-après « PTC ») comme fournisseur du service universel ainsi que la durée de la concession jusqu’en 2025. Dans une lettre complémentaire du 10 octobre 2005, la République portugaise soutenait que ladite loi soumettait tous les intéressés à la fourniture du service universel à un régime d’accès transparent et non discriminatoire.

    3        Par lettre du 23 mars 2007, la Commission a adressé à la République portugaise une mise en demeure complémentaire. Dans celle-ci, elle indiquait que, plus de trois ans après la date d’entrée en vigueur de la loi sur les communications électroniques, les autorités portugaises n’avaient toujours pas arrêté les dispositions, ni pris l’initiative d’engager quelque action spécifique que ce soit visant à lancer une procédure de désignation du fournisseur du service universel conformément à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 8, paragraphe 2, de la directive « service universel ». La Commission précisait qu’elle ne percevait pas, notamment, de quelle manière étaient articulés le contenu de ladite loi et celui du décret-loi nº 31/2003, du 17 février 2003 (Diário da República I, série A, n° 40, du 17 février 2003, p. 1044), qui n’avait pas été abrogé et prévoyait que le contrat de concession devait prendre fin en 2025.

    4        Par lettres des 21 mars et 18 juin 2007, la République portugaise a annoncé la fixation d’un calendrier de lancement de la procédure de désignation du fournisseur du service universel ainsi qu’un plan détaillé visant à concrétiser cette procédure.

    5        Par lettre du 1er février 2008, la Commission, considérant que la République portugaise n’avait pas correctement transposé dans son droit national l’article 3, paragraphe 2, et l’article 8, paragraphe 2, de la directive « service universel » et que, en tout état de cause, elle n’avait pas correctement appliqué ces dispositions, lui avait adressé un avis motivé, en l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

    6        Par lettre du 25 février 2008, la République portugaise a répondu audit avis motivé en indiquant qu’elle avait lancé la procédure de désignation d’un fournisseur du service universel par l’ouverture de la phase de consultation publique. En outre, elle a fait valoir, par lettre du 29 janvier 2009, qu’elle avait engagé une renégociation du contrat de concession et qu’elle était sur le point de prendre les décisions nécessaires concernant la procédure de désignation du fournisseur du service universel.

    7        La Commission, n’étant pas convaincue par les explications fournies par la République portugaise, a décidé d’introduire un recours en manquement.

    8        Par arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591), la Cour a jugé que, « en n’ayant pas correctement transposé dans le droit national les dispositions du droit de l’Union réglementant la désignation du fournisseur ou des fournisseurs du service universel et, en tout état de cause, en n’ayant pas assuré l’application pratique de ces dispositions, la République portugaise a[vait] manqué aux obligations qui lui incomb[aient] en vertu des articles 3, paragraphe 2, et 8, paragraphe 2, de la [directive “service universel”]) ».

     Seconde procédure en manquement

    9        À la suite de cet arrêt, la Commission a invité la République portugaise à lui communiquer les mesures prises pour s’y conformer. La République portugaise ayant, en substance, répondu qu’elle prévoyait de conclure un accord avec PTC au mois de janvier 2011 et de lancer, immédiatement après la conclusion de cet accord, un appel d’offres pour la désignation des futurs fournisseurs du service universel, la Commission lui a adressé, le 7 avril 2011, une lettre de mise en demeure, en l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit arrêt dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre.

    10      Le 9 juin 2011, la République portugaise a répondu à la Commission qu’elle travaillait activement à réunir les conditions préalables pour se conformer à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591). Elle indiquait, notamment, qu’elle devait renégocier et ajuster les termes du contrat de concession avec PTC avant de procéder au lancement d’un appel d’offres.

    11      Le 23 mai 2012, la République portugaise annonçait la publication de la résolution du Conseil des ministres nº 50/2012, du 22 mai 2012, qui, selon elle, permettait d’assurer le respect des obligations découlant de l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591). Le 12 novembre 2012, la République portugaise a adressé un complément de réponse informant la Commission de la publication de l’arrêté nº 318/2012, du 12 octobre 2012, et a annoncé la publication des appels d’offres, qui lui permettraient de se conformer audit arrêt. Le 5 février 2013, la République portugaise a informé la Commission de l’état d’avancement des procédures d’appels d’offres. Elle a indiqué qu’il ne serait pas possible de désigner le ou les fournisseurs du service universel avant la fin du premier semestre de l’année 2013.

    12      Estimant toutefois que la République portugaise ne s’était pas conformée à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591), la Commission a décidé de former un nouveau recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

    13      Par courrier du 13 janvier 2014, la Cour a demandé aux parties de fournir, avant le 10 mars 2014, des renseignements sur l’état de l’exécution de l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591).

    14      Dans sa réponse, la République portugaise a soutenu qu’elle s’était conformée à cet arrêt, tout d’abord, en lançant trois appels d’offres, visant la fourniture des prestations relatives aux différentes composantes du service universel au Portugal, ensuite, en adoptant la résolution du Conseil des ministres nº 66-A/2013, du 18 juillet 2013 (Diário da República, 1re série, suplemento, nº 202, du 18 octobre 2013), qui emportait résiliation de l’ancien contrat de concession avec PTC et procédait à la désignation des nouveaux fournisseurs et, enfin, en abrogeant l’article 124, paragraphe 2, de la nouvelle loi sur les communications électroniques par l’adoption du décret-loi nº 35/2014, du 7 mars 2014 (Diário da República, 1re série, nº 47, du 7 mars 2014). Elle indiquait que, afin d’assurer la transition, les contrats avec les nouveaux fournisseurs prendraient effet, au plus tard, au 1er juin 2014. Elle signalait également que l’accord de résiliation du contrat de concession avec PTC avait été formalisé et signé le 28 octobre 2013.

    15      La Commission a considéré, dans sa réponse, que la République portugaise ne s’était pas conformée à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591). Sur les trois appels d’offres qu’elle a indiqués relatifs à la fourniture des prestations portant sur les différentes composantes du service universel, deux n’auraient eu aucun effet, puisque le contrat de concession à PTC du service public des télécommunications serait toujours en vigueur. En effet, la résolution du Conseil des ministres nº 66-A/2013, du 18 juillet 2013, approuverait uniquement les termes de l’accord devant être conclu entre le gouvernement portugais et PTC relatif à la résiliation dudit contrat de concession. Or, cet accord, formalisé et signé par la suite, n’aurait été suivi d’aucune publication et la Commission ne serait pas en mesure de connaître son éventuelle entrée en vigueur.

    16      Par ailleurs, le décret-loi nº 35/2014, abrogeant le décret-loi nº 31/2003 ainsi que l’article 124 de la nouvelle loi sur les communications électroniques, n’entrerait en vigueur que le 1er juin 2014 et ne prévoirait en aucun cas la résiliation du contrat de concession avec PTC.

    17      Par l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), la Cour a constaté, au point 1 du dispositif, que, « [e]n n’ayant pas pris l’ensemble des mesures nécessaires que comport[ait] l’exécution de l’arrêt [du 7 octobre 2010,] Commission/Portugal (C‑154/09, [non publié,] EU:C:2010:591), la République portugaise a[vait] manqué aux obligations qui lui incomb[aient] en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ».

    18      En conséquence, aux points 2 et 3 du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), la Cour a condamné la République portugaise à payer à la Commission, d’une part, la somme forfaitaire de 3 millions d’euros et, d’autre part, une astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591), à compter de la date du prononcé dudit arrêt jusqu’à son exécution.

     Suites et décision attaquée

    19      Par lettre du 23 juillet 2014, la Commission a demandé le paiement de la somme forfaitaire. Cette somme a été versée par la République portugaise le 14 août 2014.

    20      Dans la même lettre, la Commission a également demandé à la République portugaise une preuve de la résiliation du contrat de concession à PTC de la fourniture du service universel de communications électroniques.

    21      En réponse à cette demande, la République portugaise a envoyé à la Commission, par lettre du 22 août 2014, l’accord de résiliation du contrat de concession du service public de télécommunications conclu entre l’État portugais et PTC.

    22      Par la décision Ares(2015)4178538, du 8 octobre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), le directeur général de la direction générale « Réseaux de communication, du contenu et des technologies » de la Commission a demandé à la République portugaise le paiement de la somme de 580 000 euros, correspondant à l’astreinte liquidée, pour la période allant du 25 juin au 21 août 2014, en exécution de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029).

     Procédure et conclusions des parties

    23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2015, la République portugaise a introduit le présent recours.

    24      La République portugaise conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        annuler la décision attaquée ;

    –        condamner la Commission aux dépens.

    25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter le recours ;

    –        condamner la République portugaise aux dépens.

     En droit

    26      Au soutien de son recours, la République portugaise invoque formellement plusieurs moyens. Le premier moyen est tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter la décision attaquée, celle-ci ayant empiété sur les pouvoirs des juridictions de l’Union. Le deuxième moyen est tiré de ce que, par la décision attaquée, la Commission aurait procédé à une division artificielle des effets de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), en violation du traité et des règles de droit relatives à son application. Le troisième moyen est pris de la violation du principe d’autorité de la chose jugée et le quatrième moyen, en substance, de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Par le cinquième moyen, la République portugaise allègue une méconnaissance du principe ne bis in idem.

    27      En substance, comme cela a été exposé aux parties dans le rapport d’audience, ces moyens visent à faire valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a erronément interprété, d’une part, l’objet de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), et le contenu des mesures nécessaires pour s’y conformer et, d’autre part, le moment auquel la République portugaise se serait conformée à cet arrêt. En effet, la « détermination de l’exécution par les États membres » relèverait de la compétence exclusive de la Cour et la Commission n’aurait aucune marge d’appréciation pour aller au-delà de ce qui résulte des dispositifs des arrêts rendus en vertu des articles 258 à 260 TFUE.

    28      C’est dans ce contexte qu’il y a lieu d’exposer et de répondre aux arguments des parties.

    29      En premier lieu, la République portugaise soutient que, pour exécuter l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), il lui appartenait seulement de résilier le contrat de concession à PTC de la fourniture du service universel et non de prouver que cette résiliation était intervenue. Le moment où la résiliation produirait ses effets ne serait donc pas le 22 août 2014, date à laquelle les autorités portugaises ont communiqué à la Commission une copie de l’accord de résiliation précédemment mentionné dans différentes communications et documents adressés à la Cour au titre de l’affaire C‑76/13, mais un moment antérieur.

    30      En effet, l’extinction du contrat de concession résulterait de l’accord de résiliation conclu le 28 octobre 2013 entre l’État portugais et PTC. Il ressortirait de cet accord que, afin d’éviter une situation de cessation ou d’interruption de fourniture du service public de télécommunications, ses effets extinctifs se produiraient progressivement, en fonction du moment où interviendrait la désignation des nouveaux fournisseurs conformément aux procédures prescrites par la directive « service universel ».

    31      En l’espèce, la République portugaise fait valoir que la résiliation du contrat de concession a produit tous ses effets le 1er juin 2014. Cette date résulterait de l’effet combiné de la clause 3, paragraphe 1, et de la clause 1, paragraphe 1, sous j), de l’accord de résiliation, qui entraînerait la « production progressive d’effets » de la résiliation en ce qui concerne le service universel « à chacune des dates de cessation de la fourniture du service universel ». Selon la République portugaise, lesdites dates de cessation coïncidaient, pour chacune des composantes du service universel en cause, avec les dates du début de fourniture desdites composantes par les nouveaux fournisseurs désignés à la suite d’une procédure transparente. S’agissant des nouveaux contrats relatifs à la fourniture du service de téléphonie fixe, la date limite aurait été le 1er juin 2014. Pour les nouveaux contrats de fourniture de services de postes téléphoniques payants publics et du service d’annuaires et de renseignements téléphoniques, les dates de cessation auraient même été antérieures. En effet, le début de la fourniture des services se serait produit à la date d’entrée en vigueur des contrats correspondants conclus le 20 février 2014, comme la République portugaise l’aurait fait savoir à la Cour en réponse aux questions posées dans le cadre de l’affaire C‑76/13. La République portugaise aurait également transmis, dans le cadre de cette affaire, la copie intégrale de l’ensemble des quatre nouveaux contrats de fourniture du service universel conclus avec les fournisseurs désignés à la suite de procédures ouvertes et transparentes.

    32      Dans ces circonstances, la lettre du 22 août 2014, par laquelle a été transmise une copie de l’accord de résiliation en vigueur depuis le 1er juin 2014, aurait une valeur purement déclarative de l’exécution de l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591). L’accord de résiliation aurait été communiqué à la Commission avec l’intention que cette communication et ses effets soient exclusivement déclaratoires. Cette lettre se bornerait à prouver un fait extinctif, constitutif de l’exécution de cet arrêt, survenu à un moment antérieur au prononcé de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029).

    33      En second lieu, la République portugaise soutient que, en considérant que le manquement ne prenait fin qu’au jour de la transmission de la preuve de la résiliation effective du contrat de concession, la Commission a effectué une interprétation erronée du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029). La Commission aurait dû considérer que la résiliation du contrat de concession produisait ses effets au moment où elle était intervenue. En effet, dès lors que l’accord de concession serait résilié à tout le moins depuis le 1er juin 2014, la République portugaise se serait pleinement conformée au dispositif de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029). L’astreinte serait donc dépourvue d’objet et constituerait une dénaturation à des fins punitives de la finalité pour laquelle cette sanction avait été conçue.

    34      La Commission conteste les arguments de la République portugaise.

    35      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’esprit du traité et de l’articulation entre l’article 258 TFUE et l’article 260, paragraphe 2, TFUE qu’un arrêt de la Cour procédant à la constatation d’un manquement ainsi qu’un arrêt subséquent constatant l’absence d’une pleine exécution du premier arrêt doivent être considérés comme un cadre juridique permettant à l’État membre de déterminer avec précision les mesures nécessaires à mettre en œuvre afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union (arrêt du 19 octobre 2011, France/Commission, T‑139/06, EU:T:2011:605, point 43).

    36      De même, si un dialogue constructif entre un État membre et la Commission doit toujours être recherché dans le cadre de l’obligation de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE et s’appliquant tant aux États membres qu’aux institutions de l’Union, une nouvelle condamnation prononcée par la Cour exige que l’État membre prenne l’initiative de se conformer aux obligations qui lui incombent au regard du droit de l’Union et d’en informer la Commission eu égard à son rôle d’institution chargée de superviser la bonne mise en œuvre de ce droit par les États membres (arrêt du 19 octobre 2011, France/Commission, T‑139/06, EU:T:2011:605, point 44).

    37      Il ressort également de la jurisprudence que la Commission est en principe compétente, en sa qualité d’ordonnateur et de comptable du budget de l’Union, pour procéder au recouvrement des sommes dues par les États membres lorsque ceux-ci se voient infliger une astreinte par la Cour sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, TFUE. Cette compétence implique que la Commission puisse apprécier si les conditions posées par la Cour dans l’arrêt prononçant une astreinte sont réunies, aux fins de déterminer la date de la cessation du manquement en cause. En revanche, cette compétence ne s’étend pas à la possibilité, pour la Commission, d’apprécier la conformité au droit de l’Union d’une norme ou d’un comportement d’un État membre sur laquelle la Cour n’a pas préalablement pris position (ordonnance du 27 juin 2016, Portugal/Commission, T‑810/14, EU:T:2016:417, point 40).

    38      C’est au vu de ce qui précède qu’il y a lieu d’apprécier les arguments des parties relatifs au bien-fondé de la liquidation de l’astreinte dans la décision attaquée en ce qui concerne la notion de « mesures nécessaires pour se conformer » à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591), en application du point 3 du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029).

    39      À cet égard, les parties s’opposent sur le point de savoir quelles étaient les mesures nécessaires dans la présente affaire.

    40      Pour la République portugaise, il suffisait de résilier le contrat de concession à PTC de la fourniture du service universel, indépendamment de la communication à la Commission de la preuve de cette résiliation. Dès lors, la République portugaise fait valoir que, étant donné que l’accord de résiliation conclu le 28 octobre 2013 a produit tous ses effets au 1er juin 2014, la transmission à la Commission d’une copie de cet accord par lettre du 22 août 2014 prouve un fait extinctif, constitutif de l’exécution de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), survenu antérieurement au prononcé de cet arrêt. Un tel fait ne pourrait donc pas être invoqué pour justifier la liquidation de l’astreinte.

    41      Au contraire, pour la Commission, la communication de la preuve de la résiliation du contrat de concession à PTC de la fourniture du service universel faisait partie intégrante des mesures nécessaires pour qu’il soit mis fin au manquement constaté, ce qui a pour conséquence que tant que cette preuve n’était pas communiquée le manquement perdurait. Dès lors, la Commission soutient que, jusqu’au 21 août 2014, elle était en droit de liquider l’astreinte définie au point 3 du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029).

    42      Force est de constater que l’argumentation de la République portugaise ne correspond pas au contenu de l’arrêt de la Cour qui procède à la constatation d’un manquement ainsi qu’à l’arrêt subséquent qui observe l’absence d’une pleine exécution du premier arrêt.

    43      D’une part, en effet, il ressort de l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591), que la Cour a jugé que la République portugaise n’avait pas correctement transposé certaines dispositions de la directive « service universel » en droit national et que, en tout état de cause, elle n’avait pas assuré l’application pratique de ces dispositions.

    44      En particulier, dans cet arrêt, la Cour a relevé l’« état d’incertitude » des opérateurs concernés en rattachant cette situation au maintien de la concession à PTC de la fourniture du service universel (arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal, C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591, point 49) :

    « En outre, la loi sur les communications électroniques n’instaure pas une situation juridique suffisamment précise et claire, de sorte que les opérateurs concernés ne sont pas en mesure de connaître avec clarté la plénitude de leurs droits découlant des dispositions de la directive “service universel”, et, par conséquent, une telle loi ne constitue pas une transposition correcte des articles 3, paragraphe 2, et 8, paragraphe 2, de cette directive. D’ailleurs, le maintien de la concession au profit de PTC pour la fourniture du service universel, en méconnaissance de la procédure prévue à l’article 99 de la loi sur les communications électroniques, accroît l’ambiguïté juridique, car il en résulte que cette disposition n’est pas appliquée en pratique. Ainsi, cette situation de fait ambiguë contribue à placer les opérateurs concernés dans un état d’incertitude, en violation des exigences de sécurité juridique. »

    45      D’autre part, il ressort de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029, voir notamment points 28, 29 et 63 à 65), que la situation en ce qui concerne les mesures à prendre par la République portugaise pour se conformer à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591), a évolué au cours de cette procédure.

    46      En effet, la République portugaise a adopté certaines mesures, notamment l’abrogation définitive de l’article 124 de la nouvelle loi sur les communications électroniques, qui a pris effet à compter du 1er juin 2014. Toutefois, malgré l’évolution positive constatée de la situation de manquement, la Cour a jugé que la République portugaise n’avait pas pris l’ensemble des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591). Dans l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), la Cour a donc imposé le paiement non seulement d’une somme forfaitaire, mais également d’une astreinte journalière à partir du jour du prononcé de l’arrêt jusqu’à la date à laquelle la République portugaise se serait mise en conformité avec l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591).

    47      À cet égard, dans le cadre de l’appréciation du montant de la somme forfaitaire, la Cour a notamment relevé que, comme il ne ressortait pas des éléments qui lui avaient été soumis que le contrat de concession à PTC de la fourniture du service universel jusqu’en 2025 aurait été résilié, il n’avait pas été mis fin à la situation d’insécurité juridique précédemment constatée au point 49 de l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591) (arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal, C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029, point 63).

    48      De même, sur le principe de l’imposition de l’astreinte, la Cour a rappelé que celle-ci ne se justifiait, en principe, que pour autant que perdurait le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour et a ajouté que, au moment de cet examen, toutes les mesures nécessaires n’avaient pas encore été adoptées (arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal, C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029, points 69 et 70).

    49      Avant de conclure que l’imposition d’une astreinte constituait un moyen financier approprié afin d’assurer l’exécution complète de l’arrêt initial, la Cour a également expliqué (arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal, C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029, point 71) ce qui suit :

    « En effet, selon la République portugaise, les contrats désignant les entreprises chargées de la fourniture du service universel ainsi que l’abrogation définitive de l’article 124 de la nouvelle loi sur les télécommunications ne prendront effet que le 1er juin 2014. En outre, il a déjà été indiqué au point 63 du présent arrêt que cet État membre n’a pas mis fin à l’insécurité juridique découlant du fait qu’il n’a pas apporté la preuve de la résiliation effective du contrat de concession attribuant à PTC la fourniture du service universel jusqu’en 2025. »

    50      Dès lors, ainsi qu’il ressort des points 65 et 71 de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), dans la mesure où les contrats désignant les entreprises chargées de la fourniture du service universel ainsi que l’abrogation définitive de l’article 124 de la nouvelle loi sur les télécommunications ont pris effet le 1er juin 2014, c’est-à-dire avant le prononcé de l’arrêt, il ne restait à la République portugaise qu’à prendre la mesure visée dans la seconde phrase du point 71 dudit arrêt, à savoir « apport[er] la preuve de la résiliation effective du contrat de concession attribuant à PTC la fourniture du service universel jusqu’en 2025 ».

    51      Ainsi que le fait valoir la Commission, en exigeant la preuve de la résiliation du contrat de concession, malgré les affirmations de la République portugaise selon lesquelles ce contrat avait été résilié (arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal, C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029, points 16, 41 et 63), la Cour a jugé que la production de cette preuve faisait partie intégrante des mesures nécessaires pour mettre un terme à l’insécurité juridique qu’elle avait précédemment constatée.

    52      En conséquence, la résiliation du contrat de concession à PTC de la fourniture du service universel et la notification à la Commission de la preuve de cette résiliation faisaient partie intégrante des mesures que la République portugaise devait prendre pour exécuter l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591).

    53      Dès lors, tant que la République portugaise n’avait pas apporté la preuve demandée par la Cour, le doute subsistait quant au maintien de la concession du service universel au profit de PTC, ce qui laissait subsister l’incertitude juridique constatée dans les deux arrêts.

    54      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’il ne saurait être a priori exclu que, au jour du prononcé de l’arrêt qui constate l’absence de pleine exécution, l’arrêt de la Cour qui a procédé à la constatation d’un manquement ait été exécuté de manière complète. Ainsi, l’astreinte ne doit être infligée que dans l’hypothèse où le manquement persisterait à la date de ce prononcé (voir arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal, C‑557/14, EU:C:2016:471, point 66 et jurisprudence citée).

    55      Dans son arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:471), la Cour a ainsi jugé au point 2 du dispositif, en ce qui concernait l’astreinte, que, dans le cas où le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt aurait persisté au jour du prononcé de son arrêt, la République portugaise aurait été condamnée à payer une astreinte de 8 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à son précédent arrêt.

    56      Dans la présente affaire, toutefois, outre le fait que le dispositif de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), ne comporte pas la précision précitée faite au dispositif de l’arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:471), il y a lieu de relever que, au point 74 de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), la Cour a indiqué que, « [e]n l’espèce, il résult[ait] notamment du point 71 du présent arrêt, que l’astreinte ne [devait] être ni suspendue ni imposée de manière dégressive avant que la République portugaise n’ait pris toutes les mesures nécessaires que comport[ait] l’exécution de l’arrêt Commission/Portugal (EU:C:2010:591). »

    57      Au demeurant, il y a lieu de rappeler que la liquidation d’une astreinte prononcée par la Cour ne confère à la Commission aucune marge d’appréciation en opportunité. En effet, lorsque la Cour condamne un État membre au paiement d’une astreinte, la Commission est tenue de vérifier si l’État membre condamné respecte les conditions définies par l’arrêt de la Cour et de procéder à la liquidation de l’astreinte pour la période durant laquelle celui-ci ne s’y est pas pleinement conformé (ordonnance du 27 juin 2016, Portugal/Commission, T‑810/14, EU:T:2016:417, point 64).

    58      En conséquence, aux fins de calculer l’astreinte liquidée dans la décision attaquée en application des points 1 et 3 du dispositif, tels que précisés aux points 63 et 71 de l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), la Commission était en droit de considérer que, jusqu’au 21 août 2014, veille de la date à laquelle la République portugaise avait transmis à la Commission la preuve demandée par la Cour, cet État membre n’avait pas pris, ni mis en œuvre l’ensemble des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 7 octobre 2010, Commission/Portugal (C‑154/09, non publié, EU:C:2010:591).

    59      Il ressort de ce qui précède que, en adoptant la décision attaquée, qui liquide l’astreinte définie par l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029), pour la période allant du 25 juin au 21 août 2014, la Commission n’a pas, contrairement à ce qu’affirme la République portugaise à cet égard, outrepassé sa compétence, violé la répartition des compétences prévue par les articles 258 et 260 TFUE et le principe d’autorité de la chose jugée, porté atteinte aux principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime ou encore méconnu le principe ne bis in idem, le traité et les règles de droit relatives à son application. Les moyens et arguments soulevés en ce sens doivent être rejetés comme non fondés. En effet, ceux-ci reposent sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission n’aurait pas correctement interprété l’arrêt du 25 juin 2014, Commission/Portugal (C‑76/13, non publié, EU:C:2014:2029). L’interprétation de cet arrêt faite par la Commission dans la décision attaquée étant correcte, il ne saurait donc y avoir violation des différentes règles de droit invoquées par la République portugaise dans la requête.

    60      Il ressort de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

     Sur les dépens

    61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République portugaise ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre)

    déclare et arrête :

    1)      Le recours est rejeté.

    2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

    Frimodt Nielsen

    Forrester

    Perillo

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2017.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le portugais.

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