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Document 62017CJ0075

Judgment of the Court (Seventh Chamber) of 19 April 2018.
Fiesta Hotels & Resorts, SL v European Union Intellectual Property Office.
Appeal — EU trade mark — Regulation (EC) No 207/2009 — Article 8(4) — Article 65 — Unregistered trade name GRAND HOTEL PALLADIUM — Figurative mark containing the word elements ‘PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA’ — Application for a declaration of invalidity based on a prior right acquired pursuant to national law — Conditions — Sign of more than merely local significance — Right to prohibit the use of a subsequent trade mark.
Case C-75/17 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:269

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

19 avril 2018 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 8, paragraphe 4 – Article 65 – Nom commercial non enregistré GRAND HOTEL PALLADIUM – Marque figurative comportant les éléments verbaux “PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA” – Demande en nullité fondée sur un droit antérieur acquis en vertu du droit national – Conditions – Signe dont la portée n’est pas seulement locale – Droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente »

Dans l’affaire C‑75/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 février 2017,

Fiesta Hotels & Resorts SL, établie à Ibiza (Espagne), représentée par Mes J.‑B. Devaureix et J. C. Erdozain López, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et D. Botis, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Residencial Palladium SL, établie à Ibiza (Espagne), représentée par Me D. Solana Giménez, abogado,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, Mmes C. Toader (rapporteur) et A. Prechal, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Fiesta Hotels & Resorts SL (ci-après « Fiesta ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 novembre 2016, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO – Residencial Palladium (PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA) (T‑217/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:691), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 février 2015 (affaire R 2391/2013-2), relative à une procédure de nullité entre Residencial Palladium SL et Fiesta (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        L’article 8 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), intitulé « Motifs relatifs de refus », dispose, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.      Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[...]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

[...]

4.      Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation [de l’Union] ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe :

a)      des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque [de l’Union européenne] ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque [de l’Union européenne] ;

b)      ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. » 

3        L’article 53 de ce règlement, intitulé « Causes de nullité relative », prévoit, à son paragraphe 1, sous c) :

« La marque [de l’Union européenne] est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

[...]

c)      lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies. » 

4        L’article 65 dudit règlement, intitulé « Recours devant la Cour de justice », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice.

2.      Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir. »

 Le droit espagnol

5        L’article 9, paragraphe 1, sous d), de la Ley 17/2001 de Marcas (loi 17/2001 sur les marques), du 7 décembre 2001 (BOE no 294, du 8 décembre 2001, p. 45579, ci-après la « loi sur les marques »), dispose :

« Sans autorisation dûment octroyée, l’enregistrement en tant que marque n’est pas autorisé pour :

[...]

d)      le nom commercial, la dénomination ou raison sociale d’une personne morale qui, avant la date de dépôt ou de priorité de la marque demandée, identifie dans la vie des affaires une autre personne que le demandeur, si, parce qu’elle est identique ou similaire à ces signes et parce qu’elle est identique ou similaire à son périmètre d’application, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public[ ; à] ces effets, la titulaire de ces signes devra prouver l’usage ou la connaissance notoire desdits signes sur l’ensemble du territoire national[ ; c]es conditions étant remplies, une même protection est accordée aux étrangers qui, conformément à l’article 3 [de la loi sur les marques], peuvent invoquer l’article 8 de la Convention de Paris ou le principe de réciprocité, dès lors qu’ils apportent la preuve de l’usage ou de la connaissance notoire, en Espagne, de leur nom commercial non enregistré. »

6        L’article 52, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« L’enregistrement de la marque peut être déclaré nul en vertu d’une décision passée en force de chose jugée et faire l’objet d’une annulation en cas de violation des articles 6, 7, 8, 9 et 10 [de la loi sur les marques]. »

7        Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de ladite loi :

« Sauf disposition contraire [...], les dispositions de la présente loi sur les marques sont applicables au nom commercial dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec sa nature même. »

 Les antécédents du litige

8        Le 23 décembre 2011, Fiesta a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, en vertu du règlement no 207/2009. La marque dont l’enregistrement a été demandé (ci-après la « marque contestée ») est le signe figuratif reproduit ci‑dessous :

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9        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 41 et 43, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ».

10      La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 17/2012, du 25 janvier 2012, et le signe a été enregistré le 19 juillet 2012.

11      Le 14 septembre 2012, Residencial Palladium a présenté une demande en nullité de la marque contestée, dirigée contre tous les services couverts par celle-ci, au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de l’article 53, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement. Cette demande était fondée, d’une part, sur la prétendue mauvaise foi de Fiesta au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et, d’autre part, sur le nom commercial GRAND HOTEL PALLADIUM (ci-après le « signe invoqué »), utilisé en Espagne pour des services de restauration et d’hébergement temporaire.

12      Par décision du 15 octobre 2013, la division d’annulation de l’EUIPO a fait droit à la demande en nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, en ce qui concerne les services relevant de la classe 43, au sens de l’arrangement de Nice, et a rejeté cette demande pour les services relevant de la classe 41, au sens de cet arrangement. Elle a, notamment, considéré que le signe invoqué avait été utilisé de manière effective en Espagne dans la vie des affaires pour désigner un hôtel et que la portée de cette utilisation n’était pas seulement locale. Elle a ajouté que ce signe permettait à Residencial Palladium, conformément au droit espagnol, d’interdire l’usage d’une marque postérieure à l’égard de laquelle il existait un risque de confusion.

13      Le 2 décembre 2013, Fiesta a formé un recours auprès de l’EUIPO contre ladite décision de la division d’annulation.

14      Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO (ci-après la « chambre de recours ») a rejeté le recours.

15      S’agissant du motif de nullité prévu à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, la chambre de recours a considéré que Residencial Palladium avait démontré avoir développé une activité commerciale sur l’ensemble du territoire espagnol pour des services d’hébergement temporaire en utilisant le signe invoqué avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Elle a constaté que le droit espagnol conférait à Residencial Palladium le droit d’interdire l’usage de marques postérieures à l’égard desquelles il existait un risque de confusion. La chambre de recours a considéré qu’un tel risque existe pour les services relevant de la classe 43, au sens de l’arrangement de Nice, pour lesquels elle a confirmé la nullité de la marque contestée. En revanche, elle a constaté que les services de restauration et d’hébergement temporaire pour lesquels le signe invoqué avait été utilisé et les services relevant de la classe 41, au sens de cet arrangement, n’étaient pas similaires.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2015, Fiesta a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en invoquant deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement ainsi que de la jurisprudence espagnole relative aux marques dites « intermédiaires ».

17      Par son premier moyen, Fiesta a soutenu que la chambre de recours a erronément considéré que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 étaient réunies en ce qui concerne les services relevant de la classe 43, au sens de l’arrangement de Nice. Elle a contesté, en substance, les constatations de la chambre de recours quant à la portée pas seulement locale du signe invoqué et au fait que le droit à ce signe a été acquis conformément au droit espagnol et permettait à son titulaire d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

18      Le Tribunal a jugé, au point 50 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne la portée territoriale du signe invoqué, que Residencial Palladium avait développé, en utilisant ce signe, une activité commerciale sur l’ensemble du territoire espagnol avant la demande d’enregistrement de la marque contestée pour désigner un établissement commercial offrant des services d’hébergement temporaire, le signe invoqué ayant, dès lors, fait l’objet d’un usage dont la portée n’était pas seulement locale.

19      En ce qui concerne l’acquisition du droit au signe invoqué, Fiesta a fait valoir que la chambre de recours avait considéré à tort, en se fondant sur les arrêts du 4 février 2011 du Juzgado de lo Mercantil n° 2 de Palma de Mallorca (tribunal de commerce de Palma de Majorque, Espagne) et du 28 novembre 2011 de l’Audiencia Provincial de Palma de Mallorca (cour provinciale de Palma de Majorque, Espagne), que la preuve de la notoriété du signe invoqué a été apportée.

20      À cet égard, après avoir rappelé, au point 64 de l’arrêt attaqué, qu’il n’appartient pas à l’EUIPO de substituer son appréciation à celle des juridictions nationales compétentes, le Tribunal a constaté, au point 65, que, par l’arrêt du 28 novembre 2011, l’Audiencia Provincial de Palma de Mallorca (cour provinciale de Palma de Majorque) a prononcé la nullité d’une marque espagnole appartenant à Fiesta, qui comportait elle aussi le mot « Palladium », en faisant suite à une demande reconventionnelle formulée par Residencial Palladium sur la base de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques, fondée sur le signe invoqué. Par conséquent, au point 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que ladite juridiction a reconnu le droit au signe invoqué et que ce droit, n’ayant pas été invalidé par une décision juridictionnelle définitive, était acquis conformément au droit espagnol.

21      En ce qui concerne le droit conféré par ce signe d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, Fiesta a soutenu que la possibilité d’obtenir, sur le fondement d’un nom commercial non enregistré, une déclaration de nullité d’une marque postérieure en vertu de la loi sur les marques n’équivalait pas à la possibilité d’interdire l’utilisation de cette marque, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

22      Au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté cet argument, en jugeant que le droit d’obtenir l’annulation d’une marque postérieure sur le fondement d’un nom commercial comprend a fortiori le droit de s’opposer à l’utilisation de cette marque.

23      Par son second moyen, Fiesta a affirmé que, étant titulaire de plusieurs marques nationales et de l’Union européenne depuis l’année 2002 contenant toutes le mot « Palladium » et antérieures à l’acquisition du droit au signe invoqué, elle jouissait d’un droit de priorité conféré par ces marques. Fiesta a également avancé que la coexistence paisible de plusieurs établissements hôteliers dans l’archipel des Baléares (Espagne) portant l’appellation Palladium réduit ou exclut le risque de confusion entre ces marques et ce signe.

24      En ce qui concerne, en premier lieu, l’existence d’un risque de confusion, le Tribunal a constaté, au point 76 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort des dispositions de la loi sur les marques qu’un nom commercial non enregistré confère le droit d’interdire l’usage de marques postérieures à l’égard desquelles existe un risque de confusion. Au point 78 de cet arrêt, le Tribunal a jugé qu’il y a lieu de tenir pour établies les appréciations de la chambre de recours quant à l’existence d’un tel risque, d’autant plus que Fiesta n’avait pas remis en cause l’application par analogie des dispositions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 effectuée par la chambre de recours et le bien-fondé des appréciations de celle-ci sur les similitudes entre les services en cause et entre les signes concernés.

25      Concernant, en second lieu, la théorie des marques intermédiaires ainsi que l’argument fondé sur la prétendue coexistence paisible des signes en conflit, le Tribunal a, aux points 81 à 83 et 85 de l’arrêt attaqué, rejeté ces arguments comme irrecevables, dans la mesure où ceux-ci avaient été invoqués pour la première fois devant lui. À titre surabondant, le Tribunal a considéré que lesdits arguments n’étaient, en tout état de cause, pas de nature à établir une erreur de droit que la chambre de recours aurait commise dans l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques.

26      Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble, sans examiner les arguments de Residencial Palladium sur la prétendue mauvaise foi au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Les conclusions des parties

27      Fiesta demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse et

–        de condamner l’EUIPO et Residencial Palladium aux dépens.

28      L’EUIPO et Residencial Palladium demandent à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Fiesta aux dépens.

 Sur le pourvoi

29      À l’appui de son pourvoi, Fiesta invoque quatre moyens, les premier à troisième étant tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et le quatrième étant tiré de la violation de l’article 65 de ce règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, en ce que le Tribunal aurait commis une erreur dans l’analyse de la condition relative à la portée pas seulement locale du signe invoqué

 Argumentation des parties

30      Par son premier moyen, Fiesta soutient que, aux points 30 et suivants de l’arrêt attaqué, en particulier aux points 44 et 53 de celui-ci, le Tribunal a commis une erreur de droit, en ayant retenu une interprétation trop large de l’exigence relative à la portée pas seulement locale d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires, établie à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, en considération du caractère hétérogène et international de la clientèle de l’établissement concerné, s’éloignant de la sorte de la dimension spatiale de cette exigence, telle qu’elle ressort du libellé et de la finalité de cette disposition.

31      Selon Fiesta, il résulte de l’interprétation textuelle de ladite disposition que l’utilisation de l’adjectif « locale » exprime l’idée de proximité et de dimension géographique limitée ou étroite. Or, l’interprétation retenue par le Tribunal ferait dépendre la notion de « portée pas seulement locale » non pas de la dimension strictement géographique de l’établissement à travers lequel le signe est utilisé, mais de l’origine géographique variée de la clientèle qui s’y rend ou du seul fait que cet établissement utilise ce signe par voie télématique.

32      Fiesta affirme que l’objectif de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 vise à limiter les possibilités de former opposition à une demande de marque de l’Union européenne aux seules hypothèses dont l’importance génère une obligation de respect suffisante des marques non enregistrées ou des autres signes utilisés dans la vie des affaires, les protégeant contre des demandes de marques postérieures. Par conséquent, l’interprétation retenue par le Tribunal irait à l’encontre de cette finalité restrictive.

33      Residencial Palladium excipe de l’irrecevabilité du premier moyen dans la mesure où il tend à une réévaluation des circonstances factuelles et des preuves soumises à l’analyse du Tribunal. À titre subsidiaire, à l’instar de l’EUIPO, elle conclut au rejet de ce moyen comme non fondé.

 Appréciation de la Cour

34      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires peut obtenir la nullité d’une marque de l’Union européenne si ce signe remplit cumulativement quatre conditions, à savoir ledit signe doit être utilisé dans la vie des affaires, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où ce signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne et, enfin, le droit audit signe doit permettre à son titulaire d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Si les deux premières conditions doivent être interprétées à la lumière du droit de l’Union, les deux dernières s’apprécient au regard du droit qui régit le signe concerné (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI, C‑325/13 P et C‑326/13 P, non publié, EU:C:2014:2059, points 46 et 47).

35      En ce qui concerne la condition relative à la portée pas seulement locale du signe invoqué, il convient de rappeler qu’une telle exigence a pour objet de limiter les conflits entre les signes en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse faire obstacle à l’enregistrement d’une nouvelle marque de l’Union européenne. Une telle faculté d’opposition doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 157).

36      Au point 23 de l’arrêt attaqué, dont la portée n’a pas été contestée par les parties, le Tribunal a précisé les critères en vertu desquels il allait procéder à l’analyse de l’affaire. Il a ainsi relevé que, pour établir la portée pas seulement locale d’un signe non enregistré, il y a lieu de tenir compte de la dimension géographique de la portée de ce signe, à savoir du territoire sur lequel il est utilisé pour identifier l’activité économique de son titulaire, ainsi que de la dimension économique de cette portée, évaluée au regard de plusieurs indices, notamment la durée pendant laquelle il a rempli sa fonction dans la vie des affaires, l’intensité de son usage au regard du cercle des destinataires parmi lesquels ledit signe est devenu connu en tant qu’élément distinctif ainsi que la diffusion qui a été donnée au signe, notamment par voie de publicité ou sur Internet.

37      Au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les factures antérieures à la demande d’enregistrement de la marque contestée concernaient une partie importante du territoire espagnol, ayant notamment été adressées à des personnes physiques ou morales établies dans au moins seize provinces espagnoles. Les origines géographiques de la clientèle de l’établissement de Residencial Palladium étant variées, le Tribunal a entériné la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, dans sa dimension géographique, la portée du signe invoqué n’était pas seulement locale.

38      Toutefois, ainsi qu’il ressort notamment du point 50 de l’arrêt attaqué, cette appréciation du Tribunal était fondée sur un faisceau d’éléments de preuve ayant trait à la dimension économique de la portée dudit signe concernant le volume commercial de l’utilisation du signe invoqué, la durée et la fréquence de l’usage de celui-ci et la circonstance que Residencial Palladium avait développé, en utilisant ce signe, une activité commerciale sur l’ensemble du territoire espagnol avant la demande d’enregistrement de la marque contestée pour désigner un établissement commercial offrant des services d’hébergement temporaire.

39      Or, ladite appréciation est de la sorte conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe, celui qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale, ce qui implique, lorsque le territoire de protection de ce signe peut être considéré comme autre que local, que cette utilisation ait lieu sur une partie importante de ce territoire. Afin de déterminer si tel est le cas, il doit être tenu compte de la durée et de l’intensité de l’utilisation dudit signe en tant qu’élément distinctif pour ses destinataires que sont tant les acheteurs et les consommateurs que les fournisseurs et les concurrents. À cet égard, sont notamment pertinentes les utilisations faites du signe dans la publicité et la correspondance commerciale (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, points 159 et 160).

40      Dans ces conditions, l’argumentation soulevée par Fiesta à l’appui de son premier moyen, qui procède au demeurant d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, doit être rejetée.

41      De plus, pour autant que Fiesta entend remettre en cause l’appréciation du Tribunal sur la portée géographique et économique du signe invoqué au regard des éléments de preuve dont il disposait, il convient de rappeler que l’analyse effectuée à cet égard par le Tribunal est de nature factuelle. Or, l’appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, non alléguée en l’espèce, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 4 mai 2017, August Storck/EUIPO, C‑417/16 P, non publié, EU:C:2017:340, point 45).

42      Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant, en partie, non fondé et, en partie, manifestement irrecevable.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques, en ce que le Tribunal aurait commis une erreur en s’abstenant d’analyser l’exigence de l’usage notoire du signe invoqué prévue par cette dernière disposition

 Argumentation des parties

43      Par son deuxième moyen, Fiesta reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, en s’abstenant d’analyser l’exigence du caractère notoire de l’usage du signe invoqué, prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques. Selon Fiesta, Residencial Palladium n’a pas acquis antérieurement le droit d’utiliser le signe invoqué, car l’usage de celui-ci n’était pas notoire, alors qu’il s’agit d’une condition requise par la loi et la jurisprudence nationales. Fiesta allègue à cet égard qu’il résulte de la jurisprudence nationale sur l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques que, pour invoquer un droit antérieur non enregistré, il y a lieu d’apporter la preuve de l’usage notoire ou de la connaissance notoire et pas uniquement la preuve du simple usage. À l’appui de son argument, Fiesta cite un arrêt du 16 mars 2015 du Tribunal Superior de Justicia del País Vasco (Cour supérieure de justice du Pays basque, Espagne), un arrêt du 9 février 2015 du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) ainsi qu’un arrêt du 26 septembre 2012 de l’Audencia Provincial d’Alicante (cour provinciale d’Alicante, Espagne).

44      L’EUIPO et Residencial Palladium concluent au rejet du deuxième moyen, estimant que Fiesta n’a pas prouvé l’erreur de droit alléguée.

 Appréciation de la Cour

45      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en ce qui concerne l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des constatations effectuées par le Tribunal au sujet du droit national applicable, la Cour est compétente pour vérifier, tout d’abord, si celui-ci, sur le fondement des documents et des autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative ou encore des écrits de doctrine qui les concernent, ensuite, si le Tribunal ne s’est pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu et, enfin, si ce dernier n’a pas, dans l’examen de l’ensemble des éléments, attribué à l’un d’entre eux, aux fins de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressort de façon manifeste des pièces du dossier (arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 56 et jurisprudence citée).

46      Dès lors, la Cour est compétente pour vérifier si l’argumentation de Fiesta vise des erreurs qu’aurait commises le Tribunal lorsqu’il a effectué ses constatations au regard de la condition du caractère notoire de l’usage du signe invoqué.

47      À cet égard, au point 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’arrêt du 28 novembre 2011 de l’Audiencia Provincial de Palma de Mallorca (cour provinciale de Palma de Majorque) était suffisant pour prouver que le droit au signe invoqué avait été acquis conformément au droit espagnol, l’existence d’une controverse jurisprudentielle et doctrinale sur la portée de l’obligation de démontrer « l’usage ou la connaissance notoire » d’un signe non enregistré aux fins de l’application de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques n’étant pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

48      Le Tribunal a ainsi relevé qu’il résultait dudit arrêt que, indépendamment de la question de savoir si l’usage qui a été fait par Residencial Palladium du signe invoqué était notoire, cette décision juridictionnelle ayant acquis force de chose jugée a constaté l’existence du droit au signe invoqué. Ce droit n’ayant pas été invalidé, le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit en confirmant son existence, nonobstant les controverses doctrinales et jurisprudentielles.

49      L’appréciation du Tribunal faite au point 66 de l’arrêt attaqué est confortée par la jurisprudence de la Cour, transposable à une procédure de nullité, selon laquelle, pour que l’opposant puisse, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, empêcher l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il faut et il suffit que, à la date à laquelle l’EUIPO vérifie que toutes les conditions de l’opposition sont remplies, puisse être invoquée l’existence d’un droit antérieur qui n’a pas été invalidé par une décision juridictionnelle devenue définitive (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 94).

50      Ainsi, s’il incombe au Tribunal de prendre en considération les décisions des juridictions des États membres concernés portant sur l’existence, la validité ou la qualification d’un droit antérieur afin de s’assurer que ce droit produit toujours les effets exigés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des juridictions nationales compétentes, pouvoir que ce règlement ne lui confère pas (voir, par analogie, arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 95).

51      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner (C‑598/14 P, EU:C:2017:265), invoqué par Fiesta, par lequel la Cour a jugé que, dans des litiges portant sur l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, il peut être tenu compte d’une évolution de l’interprétation de la règle de droit national examinée par la chambre de recours de l’EUIPO. En effet, en l’occurrence, il suffit de constater, d’une part, qu’il existe une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ayant reconnu le droit au signe invoqué et, d’autre part, qu’il s’agit non pas d’un revirement de la jurisprudence nationale, mais bien de l’existence concomitante de controverses jurisprudentielles. En tout état de cause, s’agissant de l’arrêt du 9 février 2015 du Tribunal Supremo (Cour suprême) invoqué par Fiesta, il apparaît que Fiesta et l’EUIPO sont en désaccord à propos de l’interprétation que celui-ci a donné à l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques, en ce qui concerne le point de savoir si le titulaire de signes doit ou non prouver l’usage notoire de ceux-ci.

52      Il résulte de ces considérations que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques, en ce que le Tribunal aurait commis une erreur en jugeant que le signe invoqué donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente

 Argumentation des parties

53      Par son troisième moyen, Fiestasoutient que le Tribunal a, à tort, considéré comme étant remplie la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement no 207/2009, selon laquelle le signe invoqué donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation de la marque contestée.

54      Fiesta avance que le point 71 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit dans la mesure où la conclusion qu’il énonce, à savoir celle selon laquelle le droit d’obtenir l’annulation d’une marque plus récente sur le fondement d’un nom commercial comprend a fortiori le droit de s’opposer à l’utilisation de cette marque, est fondée sur l’application par analogie de l’arrêt du 21 octobre 2014, Szajner/OHMI – Forge de Laguiole (LAGUIOLE) (T‑453/11, EU:T:2014:901), alors que cet arrêt visait la législation française et non la législation espagnole.

55      En concluant au rejet de ce moyen, l’EUIPO estime que, au point 37 de l’arrêt du 21 octobre 2014, Szajner/OHMI – Forge de Laguiole (LAGUIOLE) (T‑453/11, EU:T:2014:901), le Tribunal ne s’est pas limité à interpréter le droit français, mais il a statué à titre de principe en interprétant l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

 Appréciation de la Cour

56      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la condition d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, selon laquelle le signe invoqué donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation de la marque contestée, s’apprécie au regard du droit national applicable (ordonnance du 29 novembre 2011, Tresplain Investments/OHMI, C‑76/11 P, non publiée, EU:C:2011:790, point 56). À cet égard, c’est à juste titre que le Tribunal a constaté, au point 68 de l’arrêt attaqué, qu’il n’a pas été contesté que les dispositions combinées de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de l’article 52, paragraphe 1, et de l’article 87, paragraphe 3, de la loi sur les marques prévoient que l’enregistrement d’une marque peut être annulé sur le fondement d’un nom commercial remplissant les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous d), de cette loi.

57      Par ailleurs, le droit au signe invoqué ayant été reconnu par une décision juridictionnelle définitive dont les dispositions n’ont pas été invalidées, il importait également de vérifier s’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques, entre ce signe et la marque contestée.

58      À cette fin, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a validé la conclusion de la chambre de recours en constatant que Fiesta n’avait remis en question ni l’application par analogie de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 pour apprécier le risque de confusion, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques, ni le bien-fondé des appréciations portées par la chambre de recours sur les similitudes entre les services en cause et les signes en conflit et sur le caractère distinctif des éléments composant ces signes.

59      Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a estimé que les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les marques étaient remplies pour que Residencial Palladium puisse théoriquement demander la nullité de l’enregistrement de la marque contestée et, de ce fait, s’opposer valablement à l’utilisation de cette marque.

60      En effet, l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 ayant notamment pour objet de garantir une protection aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur le marché pertinent, la notion de « droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente », au sens de cette disposition, doit s’entendre en ce sens qu’elle englobe l’hypothèse dans laquelle le titulaire d’un signe est, en vertu du droit national applicable, à même d’empêcher une telle utilisation au moyen d’une action en nullité dirigée contre une marque plus récente.

61      Le fait que le Tribunal a cité à cet égard, au point 71 de l’arrêt attaqué, un arrêt rendu dans une affaire dans laquelle était en cause l’interprétation du droit français ne saurait entacher l’arrêt attaqué d’une erreur de droit.

62      Il résulte de tout ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 65 du règlement no 207/2009

 Argumentation des parties

63      Par son quatrième moyen, Fiesta fait valoir que, en ayant rejeté comme irrecevable son argumentation liée à la théorie des marques intermédiaires, le Tribunal a interprété d’une manière excessivement restrictive l’article 65 du règlement no 207/2009. À cet égard, elle allègue que le Tribunal aurait dû examiner au fond cette théorie et tenir compte du fait qu’elle est déjà titulaire d’une marque de l’Union européenne comportant le mot « Palladium » dont la demande d’enregistrement date du 30 octobre 2002 et qui lui confère, selon la jurisprudence espagnole, un droit de priorité par rapport au signe invoqué, à tout le moins en ce qui concerne le terme en question.

64      Elle affirme que, par cette argumentation, elle n’avait pas cherché à modifier la base factuelle sur laquelle la chambre de recours s’est prononcée et qu’elle s’est uniquement limitée à faire valoir un moyen de droit mettant en évidence l’erreur dont était entachée la décision litigieuse. D’ailleurs, elle mentionne que le Tribunal a examiné, même à titre surabondant, le bien-fondé de ladite argumentation.

65      L’EUIPO et Residencial Palladium considèrent que c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté comme irrecevable l’argumentation de Fiesta liée à la théorie des marques intermédiaires.

 Appréciation de la Cour

66      En ce qui concerne le quatrième moyen, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que, au point 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que Fiesta n’avait pas invoqué la jurisprudence espagnole relative aux marques intermédiaires en relation avec ladite marque au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO. L’argument invoqué par Fiesta dans son mémoire en réplique, selon lequel il ressort du dossier administratif qu’elle avait fait référence à l’existence de la marque de l’Union européenne dont la demande d’enregistrement date du 30 octobre 2002, est dénué de pertinence à cet égard. En effet, la simple référence à l’existence de cette marque ne permet pas de considérer que Fiesta avait déjà invoqué la théorie découlant prétendument de la jurisprudence espagnole relative aux marques intermédiaires au cours de la procédure administrative.

67      Ensuite, le Tribunal a indiqué, au point 82 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’un éventuel droit résultant de l’application de la jurisprudence sur les marques intermédiaires est, en principe, une question de fait qu’il appartient à la partie qui s’en prévaut d’établir.

68      Le Tribunal a enfin conclu, à bon droit, au point 83 de l’arrêt attaqué, que l’argument de Fiesta relatif à l’application prétendument erronée de la jurisprudence espagnole relative aux marques intermédiaires aux faits en cause était irrecevable. En effet, il apparaît que Fiesta n’a pas invoqué la marque susmentionnée devant l’EUIPO aux fins de qualification de celle-ci au regard de ladite jurisprudence. Or, si le Tribunal est appelé à apprécier la légalité de la décision litigieuse en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par la chambre de recours eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à celle-ci, il n’est pas, en revanche, tenu d’effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 54). La circonstance que, à titre surabondant, le Tribunal a brièvement examiné la pertinence de l’argumentation de Fiesta liée à la théorie des marques intermédiaires n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

69      L’examen du quatrième moyen n’ayant pas permis d’établir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en qualifiant d’irrecevable ladite argumentation de Fiesta, il y a lieu de le rejeter comme non fondé.

70      Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Fiesta ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de Residencial Palladium.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Fiesta Hotels & Resorts SL est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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