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Document 62013CO0050

    Order of the Court (Eighth Chamber) of 12 December 2013.
    Rocco Papalia v Comune di Aosta.
    Request for a preliminary ruling from the Tribunale ordinario di Aosta.
    Request for a preliminary ruling — Article 99 of the Rules of Procedure of the Court — Social policy — Directive 1999/70/EC — Clause 5 of the Framework Agreement on fixed-term work — Public sector — Successive contracts — Misuse — Compensation for damage — Conditions for the payment of compensation in the event of the unlawful fixing of a date on which a contract of employment will expire — Principles of equivalence and effectiveness.
    Case C‑50/13.

    European Court Reports 2013 -00000

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:873

    ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

    12 décembre 2013 (*)

    «Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée – Secteur public – Contrats successifs – Abus – Réparation du dommage – Conditions de l’indemnisation en cas de fixation illégale d’un terme au contrat de travail – Principes d’équivalence et d’effectivité»

    Dans l’affaire C‑50/13,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale ordinario di Aosta (Italie), par décision du 3 janvier 2013, parvenue à la Cour le 30 janvier 2013, dans la procédure

    Rocco Papalia

    contre

    Comune di Aosta,

    LA COUR (huitième chambre),

    composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

    avocat général: Mme J. Kokott,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Papalia au Comune di Aosta (commune d’Aoste) au sujet de la réparation du préjudice que celui-ci a subi en raison du recours abusif par cette commune à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

    3        La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE et vise, aux termes de son article 1er, «à mettre en œuvre l’accord‑cadre [...], figurant en annexe, conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

    4        L’article 2, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

    «Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive [et doivent] prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. [...]»

    5        Aux termes de la clause 1 de l’accord‑cadre, celui‑ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

    6        La clause 5 de l’accord-cadre dispose:

    «1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

    a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

    b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

    c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

    2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

    a)      sont considérés comme ‘successifs’;

    b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

     Le droit italien

    7        L’article 36 du décret législatif n° 165, portant les règles générales relatives à l’organisation du travail dans les administrations publiques (decreto legislativo n. 165 – Norme generali sull’ordinamento del lavoro alle dipendenze delle amministrazioni pubbliche), du 30 mars 2001 (supplément ordinaire à la GURI n° 106, du 9 mai 2001, ci-après le «décret n° 165/2001») prévoit ce qui suit:

    «1.      Pour les exigences liées à leurs besoins ordinaires, les administrations publiques embauchent exclusivement par voie de contrats de travail salarié à durée indéterminée selon les procédures de recrutement prévues à l’article 35.

    2.      Pour répondre à des exigences temporaires et exceptionnelles, les administrations publiques peuvent recourir aux formes contractuelles flexibles de recrutement et d’emploi du personnel prévues par le code civil et par les lois relatives aux relations de travail dans l’entreprise, dans le respect des procédures de recrutement en vigueur. Sans préjudice de la compétence des administrations quant à la définition des besoins organisationnels conformément aux dispositions législatives en vigueur, les conventions collectives nationales réglementent les contrats de travail à durée déterminée [...]

    [...]

    5.      En tout état de cause, la violation de dispositions impératives en matière de recrutement ou d’emploi de travailleurs par les administrations publiques ne saurait conduire à l’établissement de contrats de travail à durée indéterminée avec lesdites administrations publiques, sans préjudice de la responsabilité et des sanctions qu’elles peuvent encourir. Le travailleur concerné a droit à la réparation du dommage découlant de la prestation de travail effectuée en violation de décisions impératives. [...]»

     Le litige au principal et la question préjudicielle

    8        M. Papalia a travaillé au service du Comune di Aosta, en tant que chef de la fanfare municipale, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs, sans interruption depuis l’année 1983.

    9        Par lettre du 17 juillet 2012, le Comune di Aosta a fait savoir à M. Papalia que, à partir du 30 juin 2012, date d’expiration de son dernier contrat de travail à durée déterminée, il mettait un terme à leur relation de travail.

    10      M. Papalia a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunale ordinario di Aosta (tribunal ordinaire d’Aoste) en demandant, outre la constatation de l’illégalité du terme fixé par le contrat de travail, la transformation de la relation de travail à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée et, à titre subsidiaire, la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait du recours abusif, par son ancien employeur public, à des contrats de travail à durée déterminée successifs.

    11      Le Tribunale ordinario di Aosta constate qu’un travailleur illégalement engagé dans la fonction publique sur la base de contrats de travail à durée déterminée successifs non seulement n’a pas droit à la transformation de la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée en application de l’article 36, paragraphe 5, du décret n° 165/2001, mais, en vertu d’une jurisprudence constante de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), ne peut bénéficier de la réparation du préjudice subi de ce fait que s’il en établit l’existence concrète. Une telle preuve exigerait du requérant qu’il soit en mesure de démontrer qu’il a dû renoncer à de meilleures opportunités d’emploi.

    12      La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les dispositions de l’article 36, paragraphe 5, du décret n° 165/2001 peuvent être considérées comme étant de nature à protéger un travailleur contre les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, et si ces mêmes dispositions sont compatibles avec la clause 5 de l’accord-cadre.

    13      C’est dans ces conditions que le Tribunale ordinario di Aosta a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «La directive [1999/70, et plus particulièrement son article 1er et la clause 5 de l’accord-cadre qui lui est annexé, ainsi que toute autre disposition connexe ou liée,] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle permet qu’un travailleur engagé par une collectivité publique sur la base d’un contrat à durée déterminée, en dehors des conditions requises par la réglementation de l’Union susvisée, ait droit à l’indemnisation du dommage seulement s’il prouve le caractère effectif de celui-ci, c’est-à‑dire dans la mesure où il rapporte la preuve positive – il peut s’agir d’une preuve par indices, mais elle doit en tout état de cause être précise – qu’il a dû renoncer à de meilleures opportunités d’emploi?»

     Sur la question préjudicielle

    14      Par sa question, la juridiction de renvoi vise à déterminer si l’accord-cadre doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux mesures prévues par une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en cas de recours abusif par un employeur public à des contrats de travail à durée déterminée successifs, prévoit seulement le droit pour le travailleur concerné d’obtenir la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi de ce fait, à l’exclusion de toute transformation de la relation de travail à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée, lorsque le droit à cette réparation est subordonné à l’obligation pour ce travailleur d’apporter la preuve qu’il a dû renoncer à de meilleures opportunités d’emploi.

    15      Il y a lieu de constater que la réponse à ces questions peut être clairement déduite de la jurisprudence, en particulier des arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, Rec. p. I‑6057, points 91 à 105); du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino (C‑53/04, Rec. p. I‑7213, points 44 à 57); Vassallo (C‑180/04, Rec. p. I‑7251, points 33 à 42), et du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, Rec. p. I‑3071, points 145 et 182 à 190), ainsi que des ordonnances du 12 juin 2008, Vassilakis e.a. (C‑364/07, points 118 à 137); du 24 avril 2009, Koukou (C‑519/08, points 82 à 91); du 23 novembre 2009, Lagoudakis e.a. (C‑162/08 à C‑164/08, point 11), et du 1er octobre 2010, Affatato (C‑3/10, point 37), dans lesquels une question similaire était posée, les arrêts précités Marrosu et Sardino ainsi que Vassallo concernant, au demeurant, la même réglementation nationale que celle en cause dans l’affaire au principal.

    16      Il ressort de cette jurisprudence que la clause 5 de l’accord‑cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la transformation en un contrat à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée, pas plus qu’elle ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers, laissant un certain pouvoir d’appréciation en la matière aux États membres (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 91; Marrosu et Sardino, point 47; Angelidaki e.a., points 145 et 183, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 121; Koukou, point 85, et Affatato, point 38).

    17      Ainsi, afin qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit d’une façon absolue, dans le secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée puisse être considérée comme conforme à l’accord‑cadre, l’ordre juridique interne de l’État membre concerné doit comporter, dans ledit secteur, une autre mesure effective pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 105; Marrosu et Sardino, point 49; Vassallo, point 34; Angelidaki e.a., points 161 et 184, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 123; Koukou, points 67 et 86; Lagoudakis e.a., point 11, et Affatato, point 42).

    18      À cet égard, il convient de rappeler que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, en vue de prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures énumérées à cette disposition, dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (voir arrêts Adeneler e.a., précité, points 65, 80, 92 et 101; Marrosu et Sardino, précité, point 50; Vassallo, précité, point 35; du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, points 69 et 70; Angelidaki e.a., précité, points 74 et 151, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., points 80, 103 et 124; Koukou, point 53, et Affatato, point 43).

    19      Les mesures ainsi énumérées à ladite clause 5, point 1, sous a) à c), au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou relations de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci (voir arrêts précités Impact, point 69, et Angelidaki e.a., point 74, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 80; Koukou, point 54, et Affatato, point 44).

    20      En outre, lorsque, comme en l’occurrence, le droit de l’Union ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord‑cadre (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 94; Marrosu et Sardino, point 51; Vassallo, point 36, et Angelidaki e.a., point 158, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 125; Koukou, point 64, et Affatato, point 45).

    21      Ainsi, si, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre de telles normes relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, elles ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts précités Adeneler e.a., point 95; Marrosu et Sardino, point 52; Vassallo, point 37, et Angelidaki e.a., point 159, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 126; Koukou, point 65, et Affatato, point 46).

    22      Il s’ensuit que, lorsqu’un recours abusif à des contrats ou à des relations de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment cet abus et effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union. En effet, selon les termes mêmes de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres doivent «prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par [ladite] directive» (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 102; Marrosu et Sardino, point 53; Vassallo, point 38, et Angelidaki e.a., point 160, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 127; Koukou, point 66, et Affatato, point 47).

    23      À cet égard, M. Papalia fait valoir que la seule forme de protection existante pour les travailleurs du secteur public engagés sous contrat à durée déterminée en Italie est la réparation du dommage subi, dès lors que l’article 35, paragraphe 5, du décret n° 165/2001 ne prévoit un droit à la requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’au profit des travailleurs du secteur privé. Or, les preuves exigées par le droit interne afin d’obtenir une telle réparation du dommage, tel qu’interprété par la Corte suprema di cassazione, seraient impossibles à fournir par le travailleur du secteur public puisqu’elles exigeraient que ce dernier fournisse, notamment, la preuve de la perte d’opportunités d’emploi et celle du manque à gagner qui en a découlé. Une telle preuve ne serait pas exigée par la jurisprudence de la Cour qui préciserait uniquement que le dommage indemnisable du fait de la violation d’une règle contenue dans la directive 1999/70 doit résulter de manière immédiate et directe de la violation des règles visant à protéger les travailleurs précaires.

    24      Le gouvernement italien, pour sa part, souligne, notamment, que les mesures à prévoir par le droit national pour prévenir et sanctionner les abus au sens de la clause 5 de l’accord-cadre ne doivent pas présenter de difficultés excessives de mise en œuvre, mais doivent réparer de manière adéquate le préjudice subi et avoir un effet dissuasif, de sorte qu’elles ne soient pas moins favorables que les sanctions régissant des situations similaires de nature interne. La juridiction nationale n’aurait, pour l’heure, procédé à aucune de ces vérifications.

    25      Comme cela a déjà été souligné au point 21 de la présente ordonnance, l’accord-cadre doit être interprété en ce sens que les mesures prévues par une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, destinée à sanctionner l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance Affatato, précitée, point 63).

    26      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que la réglementation interne en cause au principal, telle qu’interprétée par la Corte suprema di cassazione, semble exiger qu’un travailleur du secteur public, tel que M. Papalia, qui souhaite obtenir la réparation du préjudice en cas de recours abusif par son ancien employeur public à des contrats de travail à durée déterminée successifs, ne bénéficie d’aucune présomption d’existence d’un préjudice et doive, partant, prouver concrètement celle-ci. Selon la juridiction de renvoi, une telle preuve, en ce qui concerne l’interprétation retenue en droit interne, nécessiterait que le requérant soit en mesure d’établir que la poursuite de la relation de travail dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs l’a amené à devoir renoncer à de meilleures opportunités d’emploi.

    27      Le gouvernement italien, dans ses observations soumises à la Cour, conteste la pertinence d’une telle interprétation. Il indique que, en droit interne, le travailleur du secteur public peut établir par voie de présomptions l’existence du dommage qu’il estime avoir subi du fait du recours abusif, par son ancien employeur public, à des contrats de travail à durée déterminée successifs et qu’il peut faire valoir, dans ce contexte, des éléments graves, précis et concordants qui, bien qu’ils ne puissent pas être qualifiés de preuve complète, pourraient toutefois fonder la conviction du juge quant à l’existence d’un tel préjudice. Le gouvernement italien souligne également le fait que la preuve ainsi exigée n’est pas de nature à priver ce travailleur de la possibilité d’obtenir la réparation de son dommage.

    28      Il convient de rappeler qu’il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et les juridictions nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (voir, notamment, arrêt du 4 décembre 2008, Jobra, C‑330/07, Rec. p. I-9099, point 17 et jurisprudence citée). Dès lors, l’examen de la présente question préjudicielle doit être effectué au regard de l’interprétation du droit interne donnée par la juridiction de renvoi (voir, par analogie, arrêts du 9 novembre 2006, Chateignier, C‑346/05, Rec. p. I‑10951, point 22; Angelidaki e.a., précité, point 51, ainsi que du 29 octobre 2009, Pontin, C‑63/08, Rec. p. I‑10467, point 38).

    29      Pour ce qui concerne le respect du principe d’effectivité, qui est principalement visé par la question posée par la juridiction de renvoi, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par le droit de l’Union doit être analysée en tenant compte de la place de la disposition en cause dans l’ensemble de la procédure ainsi que du déroulement et des particularités de celle-ci devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir arrêts du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication, C‑426/05, Rec. p. I‑685, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que Pontin, précité, point 47).

    30      Par ailleurs, il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour se prononcer sur l’interprétation du droit interne, d’apprécier dans quelle mesure les dispositions de ce droit visant à sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs respectent les principes d’effectivité et d’équivalence (voir, en ce sens, ordonnance précitée Affatato, point 60).

    31      Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son appréciation (voir arrêts Marrosu et Sardino, précité, point 54; Vassallo, précité, point 39, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 143).

    32      En l’occurrence, selon la décision de renvoi, la preuve exigée en droit interne peut s’avérer très difficile, voire quasi impossible, à rapporter par un travailleur tel que M. Papalia. Ainsi, il ne peut être exclu que cette exigence soit de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice par ce travailleur des droits qui lui sont conférés par le droit de l’Union et, notamment, son droit à la réparation du préjudice qu’il a subi du fait du recours abusif, par son ancien employeur public, à des contrats de travail à durée déterminée successifs.

    33      Il incombe à la juridiction nationale d’effectuer les vérifications à cet égard. Dans ce cadre, il lui appartient également d’examiner dans quelle mesure, à les supposer démontrées, les allégations du gouvernement italien figurant au point 27 de la présente ordonnance sont susceptibles d’assouplir cette obligation de preuve et, partant, d’affecter l’analyse concernant le respect du principe d’effectivité dans une affaire telle que celle au principal.

    34      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’accord-cadre doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux mesures prévues par une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en cas de recours abusif par un employeur public à des contrats de travail à durée déterminée successifs, prévoit seulement le droit pour le travailleur concerné d’obtenir la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi de ce fait, à l’exclusion de toute transformation de la relation de travail à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée, lorsque le droit à cette réparation est subordonné à l’obligation pour ce travailleur d’apporter la preuve qu’il a dû renoncer à de meilleures opportunités d’emploi, si cette obligation a pour effet de rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice par ledit travailleur des droits conférés par le droit de l’Union.

    35      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les dispositions de droit interne visant à sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs sont conformes à ces principes.

     Sur les dépens

    36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

    L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux mesures prévues par une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en cas de recours abusif par un employeur public à des contrats de travail à durée déterminée successifs, prévoit seulement le droit pour le travailleur concerné d’obtenir la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi de ce fait, à l’exclusion de toute transformation de la relation de travail à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée, lorsque le droit à cette réparation est subordonné à l’obligation pour ce travailleur d’apporter la preuve qu’il a dû renoncer à de meilleures opportunités d’emploi, si cette obligation a pour effet de rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice par ledit travailleur des droits conférés par le droit de l’Union.

    Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les dispositions de droit interne visant à sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs sont conformes à ces principes.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’italien.

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