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Document 61997TO0202

Order of the Court of First Instance (Third Chamber) of 25 March 1998.
Louis Koopman v Commission of the European Communities.
Officials - Classification in step - Seniority - Article 90 of the Staff Regulations - Inadmissibility.
Case T-202/97.

European Court Reports – Staff Cases 1998 I-A-00163; II-00511

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1998:67

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

25 mars 1998 ( *1 )

«Fonctionnaires — Classement en échelon — Ancienneté — Article 90 du stamt — Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-202/97,

Louis Koopman, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Keerbergen (Belgique), représenté par Mc Nicolas Lhoëst, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes Christine Berardis-Kayser et Florence Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 21 octobre 1996, portant rejet de la demande du requérant de bénéficier d'un reclassement au titre de l'article 32, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. C. P. Briët et A. Potocki, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique et faits à l'origine du litige

1

Le requérant est entré en fonction à la Cour des comptes des Communautés européennes le 3 septembre 1979, en qualité d'agent temporaire de grade A 6, échelon 3. Le 1er septembre 1981, il est passé au grade A 6, échelon 4.

2

Le 1er juillet 1982, après avoir réussi un concours d'administrateur, le requérant a été nommé fonctionnaire, avec classement au grade A 6, échelon 3.

3

Au moment du recrutement du requérant en qualité de fonctionnaire, l'article 32 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») disposait, dans son premier alinéa, que le «fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade». Toutefois, le deuxième alinéa ajoutait que 1'«autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique de l'intéressé, lui accorder une bonification d'ancienneté d'échelon dans ce grade; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades». C'est en application de ce deuxième alinéa que, lors de sa nomination en qualité de fonctionnaire, le requérant a été classé à l'échelon 3 au lieu d'être classé à l'échelon 1.

4

Le 1er septembre 1984, le requérant a été transféré à la Commission.

5

L'article 8 du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 3947/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, modifiant le statut et le régime applicable aux autres agents des Communautés (JO L 404, p. 1; ci-après «règlement no 3947/92»), a ajouté un troisième alinéa à l'article 32 du statut. Cet alinéa dispose que l'«agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l'institution garde l'ancienneté d'échelon qu'il a acquise en qualité d'agent temporaire lorsqu'il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période». Le règlement no 3947/92 a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 31 décembre 1992 et est, en application de son article 14, entré en vigueur le 1er janvier 1993.

6

Dans son arrêt du 6 mars 1996, Becker/Cour des comptes, T-93/94, Rec. p. II-141 (ci-après «arrêt Becker»), le Tribunal a interprété l'article 32, troisième alinéa, du statut comme s'appliquant également aux agents temporaires nommés fonctionnaires avant l'entrée en vigueur du règlement no 3947/92. Le Tribunal a précisé qu'il ne se prononçait pas en faveur d'une application rétroactive du règlement no 3947/92, mais en faveur d'une application immédiate de ce règlement (voir les points 26 à 32 et 37 dudit arrêt). En vertu de cet arrêt, il incombait à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») de réviser le classement en échelon de M. Becker, qui avait été nommé fonctionnaire en 1984, avec effet à partir du 1er janvier 1993.

7

Par note du 5 août 1996, le requérant a demandé à la Commission de réviser son classement en échelon à la lumière de l'arrêt Becker. Par note du 21 octobre 1996, la Commission a répondu qu'elle ne pouvait pas examiner la demande du requérant au motif que le classement initial de celui-ci avait été opéré par la Cour des comptes. En conclusion, la Commission a suggéré au requérant de s'adresser à la Cour des comptes.

8

Le 12 novembre 1996, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision de refus de la Commission.

9

Par note du 21 novembre 1996, le requérant a adressé la même demande de reclassement à la Cour des comptes. Par note du 2 décembre 1996, la Cour des comptes a répondu qu'elle ne pouvait pas reclasser le requérant, étant donné que celui-ci n'était plus fonctionnaire à la Cour des comptes.

10

Par note du 2 avril 1997, la Commission a rejeté la réclamation du requérant, au motif que la demande de reclassement avait été introduite tardivement.

Procédure et conclusions

11

C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 1997, le requérant a introduit le présent recours.

12

Par acte séparé, conformément à l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, déposé au greffe du Tribunal le 3 octobre 1997, la défenderesse a soulevé une exception d'irrecevabilité. Le requérant a présenté ses observations sur l'exception d'irrecevabilité par mémoire déposé au greffe le 28 novembre 1997.

13

Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

dire pour droit que l'article 8 du règlement no 3947/92 lui est applicable;

annuler la décision de la Commission du 21 octobre 1996, portant rejet de la demande du requérant de bénéficier d'un reclassement au titre de l'article 32, troisième alinéa, du statut;

pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet explicite de la réclamation du requérant;

condamner la défenderesse aux dépens.

14

La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

15

En vertu de l'article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, la suite de la procédure sur l'exception d'irrecevabilité est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l'espèce, il est suffisamment informé par les pièces du dossier et qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure orale.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

16

La défenderesse fait valoir que la demande du requérant du 5 août 1996 a été introduite tardivement. Elle invoque, à cet égard, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle la faculté, prévue à l'article 90, paragraphe 1, du statut, pour tout fonctionnaire de demander à lAIPN de prendre une décision à son égard ne permet pas d'écarter les délais de réclamation et de recours prévus aux articles 90 et 91 du statut, en mettant indirectement en cause une décision antérieure non contestée dans ces délais. A la lumière de cette jurisprudence, la défenderesse expose que le requérant ne saurait introduire une demande, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à obtenir un reclassement, étant donné que la décision de classement du 1er juillet 1982 est devenue définitive et qu'il n'a pas introduit une réclamation contre celle-ci dans un délai de trois mois à compter de cette date.

17

La défenderesse ne conteste pas, néanmoins, que la modification de l'article 32 du statut par le règlement no 3947/92 pouvait constituer un fait nouveau. Elle estime, toutefois, que, dans cette hypothèse, le requérant aurait dû introduire sa demande de reclassement dans un délai raisonnable à compter du 31 décembre 1992, date de 1a publication du règlement no 3947/92. D'après elle, par analogie avec les délais prévus aux articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut, ce délai raisonnable ne peut excéder trois mois. Par conséquent, la demande introduite par le requérant serait tardive, même si la modification de l'article 32 du statut était qualifiée de fait nouveau.

18

La défenderesse ajoute que, à la différence de la modification de l'article 32 du statut, l'arrêt Becker ne constitue en aucun cas un fait nouveau, étant donné qu'un arrêt du Tribunal n'a autorité de chose jugée qu'à l'égard des parties au litige.

19

Le requérant fait observer, en premier lieu, que la jurisprudence citée par la défenderesse, en vertu de laquelle un fonctionnaire ne saurait écarter les délais de réclamation et de recours en remettant en cause, par le biais d'une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut une décision qui est devenue définitive, est dénuée de pertinence dans le cadre du présent litige. A cet égard, il souligne qu'il n'avait aucun grief à formuler à l'encontre de la décision fixant son classement initial et qu'il a bien respecté les délais de réclamation et de recours pour ce qui concerne la décision refusant sa demande de reclassement.

20

En deuxième lieu, le requérant souligne qu'il n'appartient pas à la Commission de fixer un délai pour l'introduction d'une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut. Il estime, par ailleurs, qu'il n'est pas souhaitable de soumettre l'introduction d'une telle demande à quelque délai que ce soit, puisqu'un tel délai contraindrait les fonctionnaires à introduire des demandes immédiatement après l'entrée en vigueur de modifications statutaires afin d'anticiper l'éventuelle méconnaissance de ces modifications par l'AIPN. En outre, un tel délai impliquerait que les fonctionnaires soient au courant dans les meilleurs délais de toute modification de leurs droits prévus au statut. Le requérant fait remarquer, à cet égard, qu'il n'a appris la modification de l'article 32 du statut qu'en lisant l'arrêt Becker.

21

Finalement, le requérant observe que l'attitude de la défenderesse est paradoxale et contraire au devoir de sollicitude, dans la mesure où elle conteste la possibilité pour le requérant de demander un reclassement, alors que, en vertu de l'arrêt Becker, elle aurait dû reclasser d'office tous les fonctionnaires de la Commission qui se trouvent dans une situation similaire à celle de M. Becker, de sorte que sa demande n'aurait pas dû être nécessaire.

Appréciation du Tribunal

22

Selon une jurisprudence constante, le recours introduit par un fonctionnaire auprès du Tribunal doit être déclaré irrecevable si la procédure précontentieuse n'a pas suivi un cours régulier (voir, par exemple, les ordonnances du Tribunal du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T-34/91, Rec. p. II-1723, point 18, et du 15 février 1995, Moat/Commission, T-112/94, RecFP p. II-135, point 25). Il convient donc d'examiner si, comme le prétend la défenderesse, la demande de reclassement du requérant a été introduite tardivement.

23

A cet égard, le Tribunal rappelle que l'article 90, paragraphe 1, du statut ne permet pas d'introduire une demande administrative qui tend, en substance, à ce que l'AIPN reconsidère une décision qui est devenue définitive (voir, par exemple, les arrêts du Tribunal du 22 septembre 1994, Carrer e.a./Cour de justice, T-495/93, RecFP p. II-651, point 19, et du 29 janvier 1997, Adriaenssens e.a./Commission, T-7/94, RecFP p. II-1, point 27). Toutefois, l'existence d'un fait nouveau et substantiel peut justifier la présentation d'une demande tendant au réexamen d'une telle décision (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 26 septembre 1985, Valentini/Commission, 231/84. Rec. p. 3027, point 14).

24

En l'espèce, il n'est pas contesté entre les parties que le règlement no 3947/92 constitue un fait nouveau et substantiel par rapport au classement initial du requérant en 1982 (voir, en outre, l'arrêt du Tribunal du 28 avril 1994, Cucchiara e.a./Commission, T-35/93, RecFP p. II-413, point 16). Force est de constater, toutefois, que le requérant a attendu plus de trois ans et demi pour introduire une demande de reclassement en application de la nouvelle disposition incorporée dans le statut. La demande a, en effet, été introduite le 5 août 1996, tandis que le règlement no 3947/92 est entré en vigueur le 1er janvier 1993. Or, il convient de considérer que, afin de pouvoir utilement invoquer un fait nouveau et substantiel, il incombe au fonctionnaire d'introduire sa demande administrative dans un délai raisonnable. L'intérêt du fonctionnaire à demander l'adaptation de sa situation administrative à une nouvelle réglementation doit, en effet, être mis en balance avec l'impératif de sécurité juridique.

25

En l'espèce, la période de plus de trois ans et demi écoulée entre l'entrée en vigueur du règlement no 3947/92 et l'introduction de la demande du requérant dépasse manifestement le temps nécessaire pour préparer une demande et pour la présenter, par la voie hiérarchique, à l'AIPN. Il en résulte que le requérant n'a pas introduit sa demande dans un délai raisonnable.

26

Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que, en réalité, le requérant a introduit sa demande en considération de la solution de l'arrêt Becker. A cet égard, il suffit de rappeler qu'un arrêt annulant un acte administratif n'est susceptible de constituer un fait nouveau qu'à l'égard des personnes concernées directement par l'acte annulé (ordonnance du Tribunal du 15 décembre 1995, Progoulis/Commission, T-131/95, RecFP p. II-907, points 41 à 44).

27

II résulte de tout ce qui précède que la demande de reclassement du requérant a été introduite tardivement. Par conséquent, le présent recours doit être déclaré irrecevable.

Sur les dépens

28

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne:

 

1)

Le recours est rejeté comme irrecevable.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 25 mars 1998.

Le greffier

H. Jung

Le président

V. Tiili


( *1 ) Langue de procedure: Ic français.

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