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Document 61996TJ0028

    Judgment of the General Court (First Chamber) of 2 July 1997.
    Doreen Chew v European Commission.
    Case T-28/96.

    European Court Reports – Staff Cases 1997 I-A-00165; II-00497

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1997:97

    ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

    2 juillet 1997 ( *1 )

    «Fonctionnaires — Représentation — Comité du personnel — Élections — Liste des agents électeurs»

    Dans l'affaire T-28/96,

    Doreen Chew, agent local de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Suva (îles Fidji), représentée par Me Nicolas Lhoëst, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire My son SARL, 30, rue de Cessange,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet, d'une part, l'annulation du résultat des élections concernant la représentation du personnel hors Communauté, proclamé par le comité électoral le 13 février 1995, dans la mesure où il désigne l'élu régional dans le collège des agents locaux pour la zone géographique no 3, et, d'autre part, la condamnation de la Commission au paiement d'un franc belge en réparation du préjudice moral prétendument subi par la requérante,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

    composé de M. A. Saggio, président, M(tm) V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

    greffier: M. A. Mair, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 16 avril 1997,

    rend le présent

    Arrêt

    Faits

    1

    En décembre 1994 se sont déroulées, dans les différentes délégations de la Commission, des élections en vue de pourvoir à la représentation locale et régionale du personnel à l'extérieur de la Communauté. Préalablement aux élections, le comité électoral constitué à Bruxelles a communiqué, le 19 octobre 1994, des instructions aux chefs des délégations. Selon une de ces instructions, chaque votant devait signer, le jour du scrutin, une «liste des électeurs», afin de certifier ainsi sa participation au vote.

    2

    La requérante, agent local de la délégation de la Commission aux îles Fidji, était candidate aux élections dans la zone géographique no 3, qui inclut l'Australie, les îles Fidji, la Nouvelle Calédonie, les îles Salomón, Samoa, Tonga et Vanuatu.

    3

    Lors des élections, une anomalie est survenue dans le scrutin organisé par la délégation aux îles Salomon. Six bulletins de vote ont été recueillis dans cette délégation, mais la liste des électeurs qui y était tenue ne comportait que cinq signatures d'électeurs. Lors de sa réunion du 12 janvier 1995, le comité électoral a constaté cette anomalie et a constaté également que le résultat des élections dans la zone géographique no 3 dépendait de la comptabilisation ou non des voix émises dans la délégation des îles Salomon.

    4

    En réponse à une télécopie envoyée par le comité électoral le 26 janvier 1995 et visant à obtenir une clarification quant à ladite anomalie, le chef de la délégation aux îles Salomon a confirmé, par télécopie du 27 janvier 1995, que l'agent dont la signature manquait sur la liste des électeurs (ci-après «M. X») avait voté et que ce n'était que par mégarde que sa signature ne figurait pas sur la liste. A cette télécopie était joint un nouvel exemplaire de la liste des électeurs, sur lequel figurait la signature de M. X.

    5

    Après réception de cette nouvelle liste, le comité électoral a pris, lors d'une réunion qui s'est tenue le 13 février 1995, la décision de comptabiliser les six voix provenant de la délégation aux îles Salomon^ soit un vote pour la requérante et cinq votes pour un autre candidat (ci-après «M. Y»).

    6

    II n'est pas contesté entre les parties que, en cas de non-comptabilisation des six voix provenant de la délégation aux îles Salomon, la requérante aurait dû être proclamée l'élu régional dans le collège des agents locaux pour la zone géographique no 3. En effet, dans ce cas, le résultat pour la zone géographique no 3 aurait été de treize votes en faveur de la requérante et de onze votes en faveur de M. Y. En revanche, en raison de la comptabilisation des voix émises aux îles Salomon, M. Y a été proclamé élu avec seize votes ensa faveur contre quatorze en faveur de la requérante.

    7

    Le 21 avril 1995, la requérante a introduit une réclamation. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite de rejet, qui a été adoptée par la Commission le 7 novembre 1995.

    Procédure et conclusions des parties

    8

    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 1996, la requérante a introduit le présent recours.

    9

    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 16 avril 1997.

    10

    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    constater l'omission de la Commission de procéder à la vérification de la régularité et de la légalité de la procédure d'élection des représentants du personnel hors Communauté;

    annuler la décision du comité électoral d'accepter les voix provenant de la délégation des îles Salomon en vue d'élire le représentant des agents locaux au scrutin régional dans la zone géographique no 3;

    annuler le résultat des élections proclamé par le comité électoral lors de sa réunion du 13 février 1995, en ce qu'il a désigné M. Y en tant qu'élu régional dans le collège des agents locaux pour la zone géographique no 3;

    déclarer la requérante élue en tant qu'élu régional dans le collège des agents locaux dans la zone géographique no 3;

    annuler, pour autant que de besoin, la décision de la Commission rejetant la réclamation introduite par la requérante;

    condamner, à tout le moins, la Commission à verser à la requérante un franc belge symbolique, en réparation du préjudice moral subi;

    condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

    11

    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    rejeter le recours;

    statuer sur les dépens comme de droit.

    Sur la recevabilité

    Argumentation des parties

    12

    La défenderesse expose que le recours est irrecevable dans la mesure où il tend à obtenir la proclamation de la requérante en tant qu'élu régional dans le collège des agents locaux pour la zone géographique no 3 (quatrième chef de conclusions). Cette irrecevabilité serait due au défaut de compétence du Tribunal pour adresser des injonctions aux institutions.

    13

    La défenderesse fait observer également que les deux premiers chefs de conclusions de la requérante, visant à la constatation d'une omission de la part de la Commission et à l'annulation de la décision du comité électoral de comptabiliser les voix provenant de la délégation aux îles Salomon, ne sont pas autonomes par rapport au troisième chef de conclusions visant à l'annulation du résultat des élections et qu'il s'agit plutôt de griefs invoqués à l'appui de ce dernier chef de conclusions.

    14

    Le chef de conclusions visant à l'annulation de la décision rejetant la réclamation ne serait, lui non plus, pas autonome par rapport à celui visant à l'annulation du résultat des élections.

    15

    Selon la requérante, le chef de conclusions visant à ce qu'elle soit déclarée élue n'équivaut pas à une demande d'injonction, mais tend uniquement à obtenir la confirmation, de la part du Tribunal, de ce que la conséquence de l'annulation qu'elle lui demande de prononcer est qu'elle doit être considérée comme élue à l'issue des élections.

    16

    Quant aux deux premiers chef de conclusions, la requérante confirme qu'ils sont étroitement liés au troisième, mais les maintient néanmoins.

    Appréciation du Tribunal

    17

    Le Tribunal rappelle qu'il ne lui incombe pas, dans le cadre d'un recours introduit au titre de l'article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, de faire des déclarations de principe ou d'adresser des injonctions aux institutions communautaires. D'une part, le juge communautaire est manifestement incompétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires. D'autre part, en cas d'annulation d'un acte, l'institution concernée est tenue, en vertu de l'article 176 du traité CE, de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt (voir les arrêts du Tribunal du 9 juin 1994, X/Commission, T-94/92, RecFP p. II-481, point 33, et du 8 juin 1995, P/Commission, T-583/93, RecFP p. II-433, point 17).

    18

    Par conséquent, le chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal déclare la requérante élue en tant qu'élu régional dans le collège des agents locaux dans la zone géographique no 3 doit être déclaré irrecevable.

    19

    En ce qui concerne, ensuite, le chef de conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation, il suffit de rappeler que la décision de rejet d'une réclamation ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (arrêt du Tribunal du 1er juin 1994, André/Commission, T-4/93, RecFP p. II-471, point 21). Ce chef de conclusions est, dès lors, également irrecevable.

    20

    Pour ce qui est, finalement, des deux premiers chef de conclusions de la requête, force est de constater qu'ils concernent une abstention et un acte qui sont étroitement liés à la décision qui est, en substance, attaquée, à savoir la proclamation, le 13 février 1995, du résultat des élections pour la zone géographique no 3. Il suffit de rappeler, à cet égard, que le Tribunal peut examiner si les comportements d'une institution qui ont précédé et sont étroitement liés à la décision finale prise par celle-ci sont entachés d'illégalité (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 11 août 1995, Commission/Noonan, C-448/93 P, Rec. p. I-2321, point 17, et l'arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Marx Esser et Del Amo Martinez/Parlement, T-182/94, RecFP p. II-1197, point 37).

    Sur le fond

    Sur la demande en annulation

    Argumentation des parties

    21

    Selon la requérante, le comité électoral a méconnu une des instructions qu'il avait lui-même communiquées aux chefs des délégations le 19 octobre 1994, à savoir celle exigeant la signature de chaque votant sur la liste des électeurs le jour même du scrutin. Elle souligne qu'il s'agit d'une formalité essentielle, voire même de la pierre angulaire de la régularité des élections, visant notamment à assurer qu'aucun votant n'exprime plus d'un seul vote et que personne ne vote par procuration. A cet égard, elle fait remarquer que le vote par procuration n'était pas autorisé en l'espèce.

    22

    Ladite méconnaissance équivaudrait à une négligence de la part de la Commission, puisque celle-ci a l'obligation de veiller à la régularité des élections et d'intervenir si les règles électorales ne sont pas observées.

    23

    La requérante ajoute qu'il est impossible d'assurer, par l'établissement d'un nouvel exemplaire de la liste des électeurs plus d'un mois après le scrutin, que personne n'a émis deux votes et que personne n'a voté par procuration. Il s'ensuit, selon elle, qu'il est possible que le votant en question ait voté par correspondance, ou qu'il ait voté par procuration et que le collègue en possession de la procuration n'ait pas voté pour le candidat désigné. Dans cette dernière hypothèse, la requérante aurait pu obtenir un vote de plus et M. Y un vote de moins, transformant ainsi le résultat total pour la zone géographique no 3 en une égalité de voix pour les deux candidats (quinze chacun).

    24

    La défenderesse souligne que les griefs formulés par la requérante portent, en substance, uniquement sur la régularité du vote émis par l'agent dont la signature manquait sur la liste des électeurs. Elle maintient dès lors que, même si l'irrégularité procédurale dont se plaint la requérante était reconnue, il n'en resterait pas moins que les cinq autres votes émis aux îles Salomon devaient être comptabilisés. Il s'ensuit, selon la défenderesse, qu'indépendamment de l'accueil ou du rejet des arguments soulevés par la requérante et portant sur la régularité de la procédure le résultat des élections fait toujours apparaître une victoire de M. Y.

    25

    Pour le reste, la défenderesse soutient qu'elle a bien respecté son obligation de veiller à la régularité des élections, notamment en demandant une clarification auprès du chef de la délégation aux îles Salomon. Cette vérification aurait révélé qu'il s'agissait d'une simple erreur matérielle et, de l'avis de la défenderesse, cette erreur ne saurait mettre en cause la validité du vote émis par l'agent en question.

    Appréciation du Tribunal

    26

    Bien que la règle procédurale invoquée ne soit qualifiée que ď «orientation» par la note qui l'a communiquée aux chefs des délégations, il n'est pas contesté entre les parties qu'il s'agit d'une règle électorale. Il résulte de la jurisprudence que, en interprétant une règle électorale, le Tribunal doit se placer dans la logique même du système électoral qui a été établi par l'institution concernée dans le cadre de son pouvoir d'arrêter les règles de droit électoral. Le libellé de la règle en cause doit dès lors être interprété eu égard à la fonction de celle-ci dans le système électoral global (voir l'arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T-534/93, RecFP p. II-595, points 39 à 42).

    27

    Selon le libellé de la règle en cause, les votants devaient signer la liste des électeurs «le jour du scrutin». Il convient de considérer que, comme la requérante l'a observé à juste titre, la finalité des signatures consiste à certifier que les bulletins de vote émanent d'électeurs différents qui ont réellement et personnellement exercé leur droit de vote. Toutefois, il y a lieu de considérer également que, si la signature sur la liste des électeurs certifie donc l'exercice réel et personnel du droit de vote, elle n'est pas en tant que telle constitutive de celui-ci ni la seule preuve possible de celui-ci.

    28

    En l'espèce, l'exercice réel et personnel, par M. X, de son droit de vote a été confirmé formellement au comité électoral par le chef de la délégation aux îles Salomon, par la télécopie susmentionnée du 27 janvier 1995. La requérante n'a pas véritablement contesté la sincérité de cette confirmation et n'a pas apporté le moindre indice permettant de supposer que quelqu'un au sein de la délégation concernée a pu avoir un intérêt à fausser le déroulement des élections ou à émettre de fausses déclarations à propos du scrutin.

    29

    Dans ces circonstances, le Tribunal estime que c'est à bon droit et dans le plein respect de son obligation de veiller au bon déroulement des élections que le comité électoral, après avoir effectué une vérification auprès du chef de délégation, a comptabilisé la totalité des votes recueillis lors du scrutin organisé par la délégation aux îles Salomon.

    30

    II s'ensuit que la demande en annulation doit être rejetée.

    Sur la demande en indemnité

    Argumentation des parties

    31

    La requérante n'a pas avancé des arguments portant en particulier sur le préjudice moral qu'elle a prétendument subi. Il ressort toutefois de ses conclusions que le préjudice prétendument subi est lié directement à la décision de la défenderesse de comptabiliser les votes provenant des îles Salomon.

    32

    La défenderesse soutient que, étant donné que la demande en annulation est non fondée et qu'elle présente un lien étroit avec la demande en indemnité, cette dernière doit également être rejetée.

    Appréciation du Tribunal

    33

    Toute demande tendant à la réparation d'un préjudice moral doit être rejetée dans la mesure où elle présente un lien étroit, comme dans le cas d'espèce, avec une demande en annulation, qui a, elle-même, été rejetée (voir, par analogie, les arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T-1/91, Rec. p. II-2145, point 34, et du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93, RecFP p. II-737, point 88).

    34

    II résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

    Sur les dépens

    35

    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses conclusions, chaque partie supportera ses propres dépens.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (première chambre)

    déclare et arrête:

     

    1)

    Le recours est rejeté.

     

    2)

    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

     

    Saggio

    Tiili

    Moura Ramos

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juillet 1997.

    Le greffier

    H. Jung

    Le président

    A. Saggio


    ( *1 ) Langue de procédure: le français.

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