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Document 61995TJ0142

Judgment of the Court of First Instance (Fifth Chamber) of 18 December 1997.
Jean-Louis Delvaux v Commission of the European Communities.
Officials - Promotion - Comparative examination of the merits - Staff report - Statement of reasons - Identical career conditions - Discrimination on grounds of nationality.
Case T-142/95.

European Court Reports – Staff Cases 1997 I-A-00477; II-01247

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1997:212

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 décembre 1997 ( *1 )

«Fonctionnaires — Promotion — Examen comparatif des mérites — Rapport de notation — Motivation — Conditions identiques de carrière — Discrimination en raison de la nationalité»

Dans l'affaire T-142/95,

Jean-Louis Delvaux, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Rhode-Saint-Genèse (Belgique), représenté par Me Nicolas Lhoëst, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Uebersyren (Luxembourg) auprès de M. Jean-Pascal Lange, 40, rue de Syre,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de deux décisions de la Commission, publiées dans les Informations administratives no 858 du 2 septembre 1994 et no 859 du 8 septembre 1994, au motif qu'elles ne mentionnaient le nom du requérant ni sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade LA 4 ni sur celle des fonctionnaires effectivement promus au grade LA 4 au titre de l'exercice 1994, en second lieu, à l'annulation de la décision de la Commission du 3 avril 1995 portant rejet de la réclamation du requérant et, en troisième lieu, à la condamnation de la partie défenderesse au paiement d'une indemnité de 100000 BFR en réparation du préjudice moral subi du fait de l'irrégularité de la procédure de promotion,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. R. Garcia-Valdecasas, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio Gonzalez, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 septembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1

La promotion annuelle des fonctionnaires de la Commission se déroule selon une procédure définie dans le Guide pratique à la procédure de promotion à la Commission des Communautés européennes (ci-après «Guide de la promotion»). Ce guide a été publié par la direction générale Personnel et administration (DG IX) en novembre 1988. La méthode d'appréciation y prévue a été jugée compatible avec l'article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») par le Tribunal dans son arrêt du 10 juillet 1992, Mergen/Commission (T-53/91, Rec. p. II-2041, points 27 et 34). La procédure comporte cinq étapes. La première consiste en la publication par l'administration de la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus. Il s'agit des fonctionnaires qui remplissent les conditions d'ancienneté prévues par l'article 45 du statut. Cette publication permet aux fonctionnaires intéressés de signaler à l'administration des erreurs ou des omissions éventuelles. Dans une deuxième étape, le directeur général, premièrement, procède à une comparaison des mérites des fonctionnaires de son service susceptibles d'être promus et, deuxièmement, communique au comité de promotion ses propositions de promotions en précisant l'ordre de priorité. Au cours de la troisième étape, ce comité de promotion établit un projet de liste des fonctionnaires les plus méritants, en comparant les mérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus selon une méthode d'appréciation adaptée au grade en cause. La quatrième étape consiste en l'entérinement de cette liste par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») et en sa publication par l'administration. La cinquième et dernière étape relève du membre de la Commission responsable du personnel, qui prend une décision de promotion à partir de la liste des fonctionnaires les plus méritants et qui signe, ensuite, les décisions individuelles.

2

La procédure de promotion dont il s'agit en l'espèce concerne des promotions à l'intérieur de la carrière, régies par l'article 45, paragraphe 1, du statut.

Faits à l'origine du recours

3

Au moment de la procédure de promotion pour l'année 1994, le requérant était fonctionnaire de grade LA 5 au service de traduction de la Commission. Celui-ci était divisé en sept groupes thématiques. Chacun de ces groupes thématiques comportait neuf unités linguistiques, une par langue officielle de la Communauté. Le requérant, de langue et de nationalité danoises, était affecté au groupe thématique E au sein de l'unité linguistique danoise. Ce groupe était spécialisé dans les domaines de la technologie, de l'énergie, de l'industrie, de l'environnement et des transports.

4

Lors de la procédure de promotion pour l'année 1994, le requérant figurait sur la liste des fonctionnaires promouvables au grade LA 4.

5

En prenant pour base cette liste des fonctionnaires promouvables, les chefs des unités linguistiques de langue danoise ont établi une liste alphabétique des fonctionnaires qu'ils proposaient à la promotion sur la base d'un classement chiffré (ci-après «liste linguistique»), sur laquelle le nom du requérant ne figurait pas.

6

Par la suite, les directeurs thématiques ont préparé leurs propositions de promotion conjointement avec les chefs des unités linguistiques.

7

Après une réunion de concertation avec le service de la coordination linguistique, les directeurs thématiques ont établi un projet de liste des propositions de promotion.

8

Au cours d'une réunion entre le directeur général du service de traduction et des représentants du personnel, l'un de ceux-ci a suggéré d'inclure le nom du requérant sur la liste des propositions de promotion. Un autre représentant du personnel a alors émis des appréciations négatives sur les mérites linguistiques du requérant.

9

Sous la présidence du directeur général du service de traduction, les directeurs thématiques ont ensuite établi en commun une liste de propositions par ordre de mérite des fonctionnaires.

10

Puis, cette liste a été approuvée par le directeur général du service de traduction, qui l'a communiquée aux différents comités de promotion.

11

Ces propositions de promotion ont été publiées aux Informations administratives no 845 du 11 mai 1994.

12

Ne figurant pas sur la liste publiée, le requérant a adressé, le 16 mai 1994, une lettre au président du comité de promotion, M. Williamson, lui demandant de réexaminer son dossier et de l'inscrire sur cette liste.

13

Par note du 25 octobre 1994, M. Williamson a répondu au requérant que le groupe paritaire restreint chargé de l'examen de ce type de demandes n'avait pas été en mesure d'en recommander un examen favorable au comité de promotion du cadre LA.

14

Entre-temps, sur la base des propositions faites par toutes les directions générales de la Commission, y compris le service de traduction, les différents comités de promotion ont établi des projets de listes des fonctionnaires jugés les plus méritants.

15

Ces projets de listes ont ensuite été communiqués à 1'AIPN qui a arrêté, sur recommandation unanime des comités de promotion, la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade LA 4 au titre de l'exercice 1994.

16

Cette liste, sur laquelle le requérant ne figurait pas non plus, est parue aux Informations administratives no 858 du 2 septembre 1994.

17

L'AIPN a choisi, sur cette dernière liste, les fonctionnaires qu'elle souhaitait promouvoir au titre de l'exercice 1994. La liste des fonctionnaires promus, parmi lesquels ne figurait pas le requérant, a été publiée aux Informations administratives no 859 du 8 septembre 1994.

18

Le 1er décembre 1994, le requérant a introduit une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre les décisions de la Commission publiées aux Informations administratives nos 858 et 859, datées respectivement des 2 et 8 septembre 1994, au motif qu'elles ne mentionnaient le nom du requérant ni sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade LA 4 ni sur celle des fonctionnaires effectivement promus au grade LA 4 au titre de l'exercice 1994.

19

Le 3 avril 1995, cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite de rejet.

20

A la suite d'une demande du requérant du 6 juin 1995, le groupe paritaire restreint chargé de l'examen des recours a porté le présent cas devant le comité de promotion. Par note de M. Williamson, datée du 20 septembre 1995, le requérant a été informé du rejet de son recours.

Procédure et conclusions des parties

21

Le requérant a déposé la requête introductive du présent recours le 5 juillet 1995.

22

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une part, d'adopter une mesure d'organisation de la procédure en invitant la défenderesse à répondre par écrit à une question et à produire certains documents et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.

23

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 11 septembre 1997.

24

Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision de la Commission, publiée dans les Informations administratives no 858 du 2 septembre 1994, au motif qu'elle ne mentionne pas le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade LA 4 au titre de l'exercice 1994;

annuler la décision de la Commission, parue aux Informations administratives no 859 du 8 septembre 1994, au motif qu'elle ne mentionne pas le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires promus au grade LA 4 au titre de l'exercice 1994;

pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 3 avril 1995 portant rejet de la réclamation;

condamner la Commission au paiement d'une indemnité de 100000 BFR en réparation du préjudice moral subi du fait de l'irrégularité de la procédure de promotion;

condamner la Commission aux dépens.

25

La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme non fondé;

rejeter la demande d'indemnité comme non fondée;

statuer comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

26

Le requérant invoque trois moyens à l'appui de ses conclusions: le premier est tiré d'une violation des articles 45, paragraphe 1, et 26 du statut, le deuxième d'une violation de l'article 25, paragraphe 2, du statut et le troisième d'une violation des articles 5, paragraphe 3, et 27 du statut.

1. Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 45, paragraphe 1 (examen comparatif des mérites), et de l'article 26 (informations devant figurer dans le dossier personnel) du statut

27

Le premier moyen s'articule en trois branches, dont la première se subdivise en deux griefs. Dans la première branche, premier grief, le requérant reproche à la défenderesse de ne pas avoir procédé à un examen de tous les mérites du requérant. Dans le cadre du second grief, le requérant fait reproche à la défenderesse d'avoir mal comparé ses mérites par rapport à ceux d'une fonctionnaire promue. Dans la deuxième branche, le requérant soutient que la défenderesse n'aurait pas tenu compte des activités qu'il a exercées en dehors de son unité. La troisième branche est tirée d'une violation de l'article 26 relatif aux informations devant figurer dans le dossier individuel.

Sur la première branche du premier moyen, tirée d'une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut (examen comparatif des mérites)

Sur le premier grief de la première branche du premier moyen (tiré de l'absence d'examen comparatif de tous les mérites du requérant)

— Arguments des parties

28

Le requérant soutient que la défenderesse a violé l'article 45, paragraphe 1, du statut, en ce qu'elle n'aurait pas procédé à un examen comparatif de tous les mérites du requérant.

29

II allègue que les fonctionnaires promouvables ont fait l'objet d'une présélection au sein des unités linguistiques de même langue. Cette présélection aurait déterminé la suite de la procédure de promotion, car les fonctionnaires promouvables n'ayant pas été proposés à la promotion, ou n'ayant pas été désignés comme réserve, n'auraient eu aucune chance de figurer sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants et ensuite sur la liste des fonctionnaires promus. Une telle présélection au sein des unités linguistiques de même langue empêcherait l'examen comparatif des mérites et des rapports de tous les fonctionnaires promouvables au même grade. En effet, la réunion des chefs des unités linguistiques constituerait la seule étape de la procédure de promotion où toutes les candidatures des fonctionnaires promouvables de même langue seraient examinées.

30

Aucun fonctionnaire faisant partie d'une unité linguistique mais ne figurant pas sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion établie par les groupes d'unités linguistiques n'aurait pu être ajouté par la suite sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion. Ce ne serait donc qu'à l'étape suivante, c'est-à-dire lors de l'examen du classement des candidats par le directeur général du service de traduction, que certains fonctionnaires promouvables pourraient être ajoutés à la liste. Néanmoins, les seuls fonctionnaires qui pourraient être ajoutés à la liste seraient des fonctionnaires qui n'appartiennent pas aux unités linguistiques mais qui font partie des unités détachées du service de traduction.

31

Le requérant soutient également qu'une procédure objective et impartiale ne serait pas garantie par une telle présélection, notamment en raison de l'absence d'un représentant du personnel à la réunion des chefs des unités linguistiques de même langue.

32

Enfin, le principe d'égalité des chances aurait été violé, car la sélection aurait eu lieu au sein de groupes n'utilisant pas les mêmes critères et sources d'information.

33

Selon la défenderesse, l'AIPN a le pouvoir statutaire de procéder à un examen comparatif des mérites des candidats promouvables suivant la méthode qu'elle juge la plus appropriée (arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, De Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et arrêt Mergen/Commission, précité au point 1 ci-dessus, point 34)

34

En l'espèce, le requérant n'aurait pas établi qu'elle avait dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (arrêts de la Cour du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, Rec. p. 1245, point 9, et du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85, Rec. p. 529, point 6) ou qu'elle avait commis une erreur manifeste d'appréciation des mérites et des qualifications des fonctionnaires susceptibles de bénéficier d'une promotion au grade LA 4.

35

Contrairement à ce que le requérant soutient, la liste établie au niveau des groupes d'unités linguistiques de même langue n'aurait qu'un caractère préparatoire. D'autres noms pourraient en effet y être ajoutés lors de l'examen comparatif des mérites tant au niveau des unités thématiques qu'au niveau de la direction générale. Dans le cadre de la procédure de promotion litigieuse, le nom d'un fonctionnaire LA affecté à un groupe thématique aurait d'ailleurs été ajouté à la liste lors de l'examen comparatif des mérites au niveau de la direction générale.

36

La défenderesse souligne également que la présence d'un représentant du personnel à la réunion des chefs des unités linguistiques de même langue ne serait ni imposée par une disposition statutaire ni prévue par la méthode utilisée par le service de traduction.

— Appréciation du Tribunal

37

II convient de rappeler, tout d'abord, qu'il ressort d'une jurisprudence constante que l'AIPN a le pouvoir statutaire, en décidant des promotions, de faire un choix sur la base d'un examen comparatif des mérites des candidats promouvables réalisé suivant la méthode qu'elle juge la plus appropriée (voir arrêts De Wind/Commission, précité au point 33 ci-dessus, point 17, et Mergen/Commission, précité au point 1 ci-dessus, point 33, et arrêt du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 65).

38

Pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose donc d'un large pouvoir d'appréciation, et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l'AIPN (voir arrêt Ragusa/Commission, précité au point 34 ci-dessus, point 9, et arrêts du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63, point 20, du 25 février 1992, Schloh/Conseil, T-11/91, Rec. p. II-203, point 51, et Baiwir/Commission, précité au point 37 ci-dessus, point 66).

39

Le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (voir arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 50, du 30 novembre 1995, Branco/Cour des comptes, T-507/93, RecFP p. II-797, point 28, et Baiwir/Commission, précité au point 37 ci-dessus, point 67).

40

C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner le premier grief, tiré par le requérant de l'absence d'examen comparatif des mérites.

41

En premier lieu, en ce qui concerne la méthode d'évaluation retenue par l'institution défenderesse en l'espèce, elle comporte, contrairement à ce que le requérant soutient, un double examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion: d'une part, au sein de leur unité linguistique et de leur direction générale, d'autre part, au sein des comités de promotion et de l'AIPN. Le Tribunal a déjà jugé, dans des circonstances analogues à celles de l'espèce, qu'un examen préalable des candidatures des fonctionnaires susceptibles d'être promus au sein de chaque direction générale de la Commission dont ils relèvent n'est pas de nature à faire échec à un examen comparatif des mérites des candidats, tel que visé à l'article 45 du statut, mais participe, au contraire, du principe de bonne administration (arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. II-603, points 21 et 22, et du 19 septembre 1996, Allo/Commission, T-386/94, RecFP p. II-1161, point 31).

42

En deuxième lieu, les chefs d'unité exercent un rôle important lors de l'examen comparatif des mérites puisqu'ils connaissent le mieux les capacités des fonctionnaires travaillant dans leur unité. Or, contrairement à ce que soutient le requérant, une présélection au niveau des chefs d'unité suivie d'un réexamen des mérites des candidats promouvables au niveau du directeur général (compte tenu surtout de l'organisation et de la structure du service de traduction) peut servir utilement de base à un examen comparatif des mérites des candidats.

43

En outre, les listes établies par les chefs d'unité n'ont, en principe, qu'un caractère préparatoire. Premièrement, il ne ressort d'aucune disposition du statut que les listes établies par les unités linguistiques ne sont pas susceptibles d'être modifiées. Deuxièmement, il résulte d'une comparaison des documents fournis par la défenderesse sur demande du Tribunal et des explications données par cette dernière à l'audience que, lors d'une phase ultérieure de la procédure litigieuse, le nom d'une fonctionnaire a été effectivement ajouté à la liste linguistique.

44

En troisième lieu, le requérant n'a pas démontré en quoi l'absence d'un représentant du personnel aux réunions des chefs d'unité entraînerait une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut (voir également l'arrêt Allo/Commission, précité au point 41 ci-dessus, point 35), alors qu'aucune disposition statutaire ne prescrit la présence d'un représentant du personnel lors de telles réunions.

45

Les arguments du requérant concernant une violation du principe d'égalité des chances se confondent avec la première branche du troisième moyen, tirée d'une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut, et seront examinés dans ce contexte.

46

II résulte de tout ce qui précède que le requérant n'a pas établi que la procédure de comparaison des mérites suivie en l'espèce violait l'article 45, paragraphe 1, du statut. Le premier grief de la première branche du premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.

Sur le deuxième grief de la première branche du premier moyen (tiré de l'erreur d'évaluation des mérites respectifs du requérant et d'un fonctionnaire promu)

— Arguments, des parties

47

Le requérant reproche à la défenderesse d'avoir considéré que ses mérites étaient équivalents à ceux d'une fonctionnaire ayant été promue, Mme X, alors que le rapport de notation de cette dernière faisait état d'une note «excellent» de moins que le sien. En outre, il fait grief à la défenderesse d'avoir accordé plus d'importance au critère de l'âge qu'à celui de l'ancienneté.

48

La défenderesse considère que, en l'espèce, les mérites du requérant et ceux de Mme X étaient égaux. Les mérites ne pourraient s'évaluer de manière strictement arithmétique, d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, les fonctionnaires ont été notés par des notateurs différents. Elle ajoute qu'elle était en droit d'accorder la préférence au critère de l'âge par rapport à celui de l'ancienneté (arrêts de la Cour du 24 mars 1983, Colussi/Parlement, 298/81, Rec. p. 1131, et du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23).

— Appréciation du Tribunal

49

L'examen des pièces du dossier administratif et, en particulier, du tableau contenant une comparaison des rapports de notation des candidats proposés de langue danoise appartenant au groupe thématique E avec le rapport de notation du requérant révèle que les mérites de ce dernier étaient inférieurs à ceux des fonctionnaires promus, à l'exception de ceux de Mme X.

50

Une comparaison des mérites respectifs de Mme X et du requérant montre qu'ils sont identiques, à l'exception de l'appréciation relative à une rubrique, pour laquelle ce dernier a obtenu une note «excellent» alors que Mme X a obtenu une note «très bien».

51

Quant à l'appréciation d'ordre général, les rapports de notation du requérant font expressément état d'un «certain nombre d'initiatives excellentes», d'une «aptitude particulière à établir et exploiter des contacts à l'extérieur de son unité» et de 1'«accomplissement d'une mission de coordinateur de la formation du groupe thématique de manière particulièrement satisfaisante». Mme X a été décrite dans son rapport de notation comme une «traductrice pleine de talent avec un sens remarquable de l'utilisation de la langue, et ayant, pendant la période de notation, fourni des prestations de haut niveau, tant au niveau qualitatif [que] quantitatif».

52

Au vu de l'ensemble de ces appréciations, le Tribunal considère que la défenderesse a pu à bon droit considérer les mérites de Mme X et ceux du requérant comme équivalents. En effet, la différence entre ces mérites est marginale et nullement indicative de la supériorité de l'un par rapport à l'autre. A cet égard, il convient de relever que, étant donné les particularités de la structure du service de traduction, les notateurs étaient différents dans les deux cas, ainsi que la défenderesse l'a affirmé en réponse à une question du Tribunal.

53

Quant à l'argument du requérant selon lequel, en cas d'égalité de mérites, le critère de l'âge ne pourrait pas primer celui de l'ancienneté, force est de constater qu'il ne trouve aucun appui ni dans le statut, ni dans" la jurisprudence, ni dans la pratique de l'institution défenderesse (voir notamment les arrêts Colussi/Parlement, précité au point 48 ci-dessus, point 22, et Vainker/Parlement, précité au point 48 ci-dessus, point 16). Par ailleurs, la Cour a considéré que l'ancienneté ne constituait qu'un critère d'appréciation parmi d'autres (arrêts du 14 juillet 1983, Øhrgaard et Delvaux/Commission, 9/82, Rec. p. 2379, point 19, et Vainker/Parlement, précité au point 48 ci-dessus, point 16).

54

II résulte de ce qui précède qu'il ne saurait être reproché à la défenderesse d'avoir considéré que les mérites de Mmc X et du requérant étaient égaux et d'avoir accordé davantage de poids au critère de l'âge par rapport à celui de l'ancienneté.

55

II s'ensuit que le requérant n'a pas établi que la défenderesse avait usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ou abusive dans l'examen comparatif des mérites. Le deuxième grief de la première branche du premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.

Sur la deuxième branche du premier moyen (tirée de l'absence de prise en compte des activités exercées par le requérant en dehors de son unité)

Arguments des parties

56

Le requérant fait valoir que la défenderesse n'a pas tenu compte, dans l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, des activités qu'il a exercées en dehors de son unité linguistique (participation à des jurys de concours et au comité directeur de la formation et correspondant de formation d'un groupe thématique au sein du service de traduction).

57

La défenderesse affirme au contraire que les fonctions exercées par le requérant en dehors de son unité ont été prises en considération.

Appréciation du Tribunal

58

Le Tribunal relève que les rapports de notation du requérant afférents, respectivement, aux périodes du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991 et du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993 font expressément mention de ses activités en dehors de son unité. Il en ressort qu'il a exercé des fonctions relatives à la formation de l'unité de base et du groupe thématique «de manière particulièrement satisfaisante». Sa fonction comme membre du jury de concours COM/T/B 92 y apparaît également.

59

Or, les rapports de notation, tels que visés à l'article 43 du statut, sont établis par le supérieur hiérarchique de chaque fonctionnaire concerné. Dès lors, le chef d'unité du requérant était au courant des activités qui y étaient relatées, ainsi que de l'appréciation y afférente. Il s'ensuit qu'il n'y a aucun indice que les activités exercées en dehors de son unité n'auraient pas, comme le soutient le requérant, été prises en considération lors de l'examen comparatif des mérites, et, plus particulièrement, lors de l'établissement de la liste des fonctionnaires proposés à la promotion.

60

Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d'une violation de l'article 26 du statut (absence d'informations devant figurer dans le dossier individuel)

Arguments des parties

61

Le requérant soutient que la défenderesse a violé l'article 26 du statut en ce qu'elle n'aurait pas consigné dans son dossier individuel des critiques qu'un représentant du personnel aurait émises sur ses compétences professionnelles au cours de l'ultime réunion de préparation des propositions de promotion, tenue en présence du directeur général du service de traduction et des représentants du personnel.

62

Cette appréciation, qui trancherait avec les évaluations élogieuses contenues dans ses rapports de notation afférents aux périodes 1989-1991 et 1991-1993, tiendrait lieu de rapport au sens de l'article 26 du statut. A ce titre, elle aurait dû être consignée par écrit, et la pièce ainsi établie aurait dû être versée au dossier personnel du requérant (arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec. p. II-735, point 76). En s'en abstenant, la défenderesse aurait tenu un rapport de notation parallèle (arrêt du Tribunal du 11 octobre 1995, Baltsavias/Commission, T-39/93 et T-553/93, RecFP p. II-695), privant le requérant de toute possibilité de se défendre.

63

Compte tenu que le nom du requérant ne figurait pas sur la liste établie par les chefs des unités linguistiques de langue danoise, ces critiques, que personne au sein du comité de promotion n'aurait tempérées, auraient déterminé la décision de celui-ci d'écarter définitivement le requérant de la liste des candidats proposés à la promotion. Ces critiques auraient été d'autant plus déterminantes qu'elles auraient été exprimées lors de l'ultime réunion de préparation des propositions de promotion, tenue en présence du directeur général du service de traduction, après qu'un autre représentant du personnel avait recommandé l'inscription du nom du requérant sur la liste des candidats proposés à la promotion. La thèse de la défenderesse selon laquelle ces critiques n'auraient pas influencé les propositions de promotion reviendrait à priver d'utilité la règle imposant la présence au sein du comité de promotion des représentants du personnel dans le cadre des procédures de promotion.

64

Se fondant sur l'arrêt de la Cour du 18 octobre 1976, N./Commission (128/75, Rec. p. 1567, point 10), le requérant estime en outre que la défenderesse a manqué à son devoir d'assistance en omettant de contester les critiques en cause.

65

La défenderesse reconnaît qu'un représentant du personnel a tenu des propos négatifs à l'égard du requérant lors de la réunion de préparation des propositions de promotion, mais considère qu'ils ne sauraient être qualifiés de rapport au sens de l'article 26 du statut. La présente espèce se distinguerait de celle dont le Tribunal a eu à connaître dans l'affaire Marcato/Commission, précitée au point 62 ci-dessus (point 76).

66

La défenderesse conteste, en outre, avoir tenu un dossier parallèle concernant le requérant.

67

De surcroît, la défenderesse conteste l'affirmation du requérant, soutenue pour la première fois au stade de la réplique, selon laquelle elle aurait manqué à son devoir d'assistance en violation de l'article 24 du statut. Ce moyen, n'ayant pas été soulevé dans la requête, devrait être rejeté comme irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

Appréciation du Tribunal

68

Selon l'article 26 du statut, «le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement et b) les observations formulées par le fonctionnaire à l'égard desdites pièces». Ce même article dispose que «l'institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées au point a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement». En vertu de l'article 43 du statut, le rapport périodique sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire est communiqué à l'intéressé, qui «a la faculté d'y joindre toutes observations qu'il juge utiles».

69

II ressort de la jurisprudence que le but des articles 26 et 43 du statut est d'assurer les droits de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l'AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel. Il en résulte qu'une décision basée sur de tels éléments est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d'une procédure entachée d'illégalité (voir les arrêts de la Cour du 3 février 1971, Rittweger/Commission, 21/70, Rec. p. 7, points 29 à 41, du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 11, ainsi que les arrêts du Tribunal, Marcato/Commission, précité au point 62 ci-dessus, point 78, du 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T-78/92, Rec. p. II-1299, point 27, et du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice, T-109/92, RecFP p. II-105, point 68).

70

A cet égard, le Tribunal a déclaré que les dispositions précitées ne visaient pas, en principe, les avis émis par les supérieurs hiérarchiques consultés dans le cadre d'une procédure de promotion. En effet, de tels avis ne doivent pas être portés à la connaissance des candidats concernés, dans la mesure où ils renferment uniquement une évaluation comparative de leurs qualifications et mérites, fondée sur des éléments de fait mentionnés dans leur dossier individuel ou communiqués aux intéressés, lesquels, de ce fait, ont déjà eu la possibilité de faire valoir leurs observations. Ces avis expriment le pouvoir d'appréciation dont dispose l'administration en la matière et ne relèvent pas des prescriptions de l'article 26 du statut, lesquelles tendent à assurer les droits de la défense du fonctionnaire et à permettre de la sorte à l'administration de se prononcer en pleine connaissance de cause (arrêts Perakis/Parlement, précité au point 69 ci-dessus, point 28, et Lacruz Bassols/Cour de justice, précité au point 69 ci-dessus, point 69).

71

Tel n'est cependant pas le cas lorsque ces avis contiennent également, outre les appréciations découlant de l'examen comparatif des candidatures, des éléments concernant la compétence, le rendement ou le comportement d'un candidat qui n'avaient pas été préalablement versés à son dossier individuel. Dans une hypothèse de ce type, l'article 26 du statut impose à l'administration d'insérer lesdits éléments dans le dossier personnel de l'intéressé, comme l'a jugé la Cour dans son arrêt Bonino/Commission (précité au point 69 ci-dessus, point 13).

72

Conformément à une jurisprudence bien établie, l'absence de communication de ces mêmes éléments à l'intéressé, en vue de lui permettre de présenter ses observations, ne saurait toutefois vicier les décisions portant rejet de sa candidature et nomination d'un autre candidat que s'ils ont «exercé une influence déterminante sur le choix opéré par 1'AIPN» (voir les arrêts de la Cour Rittweger/Commission, précité au point 69 ci-dessus, point 35, et du 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, point 18). Il incombe à l'administration de démontrer qu'une telle omission n'a exercé aucune influence déterminante sur le choix opéré par l'AIPN (arrêt Perakis/Parlement, précité au point 69 ci-dessus, point 29).

73

En l'espèce, il est constant qu'un représentant du personnel a effectivement émis un avis négatif sur les mérites linguistiques du requérant lors de la réunion de préparation des propositions de promotion entre le directeur général et plusieurs représentants du personnel (voir ci-dessus point 65). En outre, il n'est pas contesté que les éléments sur lesquels cet avis se serait fondé n'avaient pas été versés au dossier individuel du requérant ni portés à sa connaissance avant l'adoption des décisions litigieuses.

74

II convient d'examiner si ces éléments, qui n'ont pas été portés à la connaissance du requérant avant l'adoption des décisions attaquées, ont effectivement exercé une influence déterminante sur le contenu de celles-ci, entachant de la sorte leur validité.

75

Premièrement, il ne ressort pas du dossier, notamment du dossier personnel du requérant, que l'AIPN aurait tenu un dossier parallèle le concernant, comme ce fut le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Baltsavias/Commission, précité (au point 62 ci-dessus). En toute hypothèse, un avis émis oralement lors d'une réunion ne saurait être assimilé à un dossier parallèle. De plus, le requérant n'a pas fourni le moindre indice permettant de suspecter l'existence d'un dossier clandestin le concernant.

76

Deuxièmement, il ressort explicitement de la décision rejetant la réclamation introduite par le requérant que la décision de promotion est essentiellement fondée sur un examen comparatif des mérites des candidats. Aucun élément du dossier ne permet de suspecter que l'AIPN aurait usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ou abusive dans l'examen comparatif des mérites (voir ci-dessus points 38 et 55), de sorte qu'il n'y a aucune raison de douter que cet examen a effectivement constitué le fondement essentiel de la décision de promotion contestée.

77

C'est ainsi que la liste des propositions de promotions soumise au directeur général de la traduction avait déjà été préparée sur la base d'un examen comparatif des mérites tels qu'ils figuraient aux dossiers personnels des candidats. Cette liste, qui reflétait déjà les appréciations de la décision de promotion, a été élaborée avant la réunion entre le directeur général et les représentants du personnel et en constituait le point de départ. Ladite liste n'a pas été modifiée à la suite des critiques litigieuses. Il n'est donc aucunement établi que, en prenant les décisions attaquées, la défenderesse aurait été influencée de manière déterminante par les commentaires défavorables émis par un des représentants du personnel lors d'une réunion entre ceux-ci et le directeur général. Par conséquent, il n'y a pas de raison suffisante de penser que, dans le cas d'espèce, les éléments à la base de ces commentaires critiques, qui n'ont pas été portés à la connaissance du requérant avant l'adoption des décisions attaquées, ont exercé une influence sur le contenu de celles-ci. Il s'ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être'rejetée.

78

II résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans sa totalité.

79

Enfin, le moyen tiré d'un manquement au devoir de sollicitude ayant été soulevé pour la première fois au stade de la réplique, il doit être déclaré irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

2. Sur le deuxième moyen tiré, de la violation de l'obligation de motivation prescrite par l'article 25, paragraphe 2, du statut

Arguments des parties

80

Le requérant soutient que la défenderesse n'a pas respecté l'obligation de motivation prescrite par l'article 25, paragraphe 2, du statut. Premièrement, les décisions de la défenderesse de ne pas inscrire le requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants ainsi que sur la liste des fonctionnaires promus — qui n'ont été portées à sa connaissance que par la publication dans les Informations administratives des noms des fonctionnaires retenus — ne seraient aucunement motivées. Deuxièmement, la réponse du 25 octobre 1994 à sa demande du 16 mai 1994 ne serait pas non plus motivée. Troisièmement, la décision de rejet de la réclamation de la défenderesse du 5 avril 1995 contiendrait seulement des considérations d'ordre général relatives au déroulement régulier de la procédure de promotion et serait dès lors insuffisamment motivée. Enfin, la défenderesse n'aurait pas correctement décrit le déroulement de la procédure de promotion en ce qu'elle n'a pas mentionné les propositions faites par les groupes de chefs d'unité de même langue.

81

La défenderesse rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'AIPN n'est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l'égard des candidats non promus, mais bien celles portant rejet d'une réclamation introduite au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut (par un candidat non promu). La motivation d'une telle décision de rejet est censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 36, et du 23 février 1994, Coussios/Commission, T-18/92 et T-68/92, RecFP p. II-171, point 69). En outre, la motivation ne saurait concerner que l'existence des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure de promotion (arrêt Schönherr/CES, précité au point 38 ci-dessus, point 21).

82

La défenderesse estime avoir satisfait à l'obligation de motivation dans sa lettre du 5 avril 1995 portant rejet de la réclamation du requérant, car le déroulement de la procédure et les raisons pour lesquelles le requérant n'a pas été promu au grade LA 4 y seraient clairement exposées.

Appréciation du Tribunal

83

II convient de rappeler, à titre liminaire, qu'il ressort de la jurisprudence que l'AIPN n'est pas tenue, aux termes de l'article 45 du statut, de motiver les décisions de promotion, notamment à l'égard des candidats non promus (voir arrêts de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 12, et du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 13).

84

En revanche, elle est tenue de motiver sa décision de rejet d'une réclamation introduite en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non promu (arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. 1-6549, point 22, arrêts du Tribunal, Mergen/Commission, précité au point 1 ci-dessus, point 40, et du 19 septembre 1996, Brunagel/Parlement, T-158/94, RecFP p. II-1131, point 107). Cette obligation de motiver, tout au moins au stade du rejet de la réclamation, une décision de promotion contestée a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision de promotion (arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Carbajo Ferrero/Parlement, T-237/95, RecFP p. II-429, point 82). Comme les promotions et les mutations se font au choix, il suffit que la motivation du rejet de la réclamation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure (arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 22).

85

Dans sa lettre du 5 avril 1995 portant rejet de la réclamation du requérant, la défenderesse a décrit le déroulement de la procédure litigieuse et a indiqué que «les mérites de l'ensemble des fonctionnaires promouvables étaient jugés supérieurs à ceux du requérant, comparés sur base de leurs rapports de notation, sauf dans un cas où les mérites ont été considérés égaux à ceux du réclamant, et c'est ainsi que [...] il a été tenu compte, à titre subsidiaire, du critère de l'âge et [que] l'autre fonctionnaire, plus âgé que le réclamant, a été proposé».

86

Le Tribunal estime que cette lettre expose à suffisance de droit les raisons pour lesquelles le nom du requérant ne figurait pas sur la liste litigieuse des fonctionnaires proposés à la promotion.

87

II s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation doit être rejeté.

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 5, paragraphe 3, et de l'article 27 du statut (violation des principes d'égalité des chances et de non-discrimination)

Arguments des parties

88

Le requérant estime que la présélection dans les groupes d'unités linguistiques exclut l'application de critères de sélection identiques et viole de cette façon le principe d'égalité des chances consacré à l'article 5, paragraphe 3, du statut. La présélection se déroulerait individuellement au sein des unités linguistiques, et les fonctionnaires d'un groupe d'unités linguistiques ne seraient pas en concurrence avec ceux des autres groupes d'unités linguistiques.

89

La défenderesse aurait aussi violé le principe d'égalité des chances, en ne tenant pas compte des activités exercées par le requérant en dehors de son unité linguistique.

90

Enfin, le requérant soutient que la défenderesse a violé le principe de non-discrimination entre ressortissants des États membres, garanti à l'article 27 du statut, en ce qu'elle l'aurait placé sur la liste des fonctionnaires promouvables dans une «colonne à part», au motif que «les promotions sont réservées aux Danois de naissance». Le requérant déclare qu'il lui aurait été confirmé que sa candidature avait été écartée au motif qu'il n'était pas danois de naissance.

91

La défenderesse conteste que les critères de sélection n'aient pas été identiques pour tous les candidats à la promotion de langue danoise. En effet, la procédure de sélection suivie au niveau des unités linguistiques serait purement préparatoire, d'autres candidats pouvant être ajoutés à la liste. Les mérites des fonctionnaires seraient ensuite comparés au niveau des groupes thématiques et des directions générales.

92

La défenderesse nie également avoir traité différemment les fonctionnaires ayant vocation à la promotion en fonction de leur lieu de naissance ou de leur nationalité.

Appréciation du Tribunal

93

Ce moyen comporte, en substance, deux branches: la première concerne le fait que la défenderesse a procédé à une sélection des candidats promouvables au sein des unités linguistiques de même langue; dans la seconde, le requérant allègue que la défenderesse aurait distingué parmi les candidats promouvables selon leur lieu de naissance ou leur nationalité.

Sur la première branche du troisième moyen, tirée d'une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut et du principe de non-discrimination

94

L'article 5, paragraphe 3, du statut exige que les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre bénéficient de conditions identiques de déroulement de carrière. Il y a lieu de centrer l'examen de cette branche sur la question de savoir si la présélection des candidats promouvables au sein des unités linguistiques viole l'article 5, paragraphe 3, du statut et le principe de non-discrimination.

95

Selon une jurisprudence constante (voir, par exemple, arrêt Lacruz Bassols/Cour de justice, précité ci-dessus au point 69, point 87), le principe général d'égalité et de non-discrimination veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée. A cet égard, force est de constater que tous les traducteurs du service de traduction de l'institution défenderesse, dont les fonctions consistent en la traduction d'une ou de plusieurs langues de départ vers une langue cible, se trouvent dans des situations comparables.

96

La procédure de présélection dans le cadre des unités linguistiques, suivie d'un réexamen de cette présélection prenant en considération les fonctionnaires promouvables de l'ensemble du service de traduction, ne viole ni l'article 5, paragraphe 3, du statut ni le principe de non-discrimination (voir également les conclusions du Tribunal dans le cadre du premier moyen, ci-dessus points 37 à 46).

97

Premièrement, tous les fonctionnaires du service de traduction font d'abord l'objet d'une présélection au sein du groupe d'unités linguistiques auquel ils appartiennent. Ils sont donc tous traités d'une manière égale.

98

Deuxièmement, cette présélection est suivie d'un réexamen susceptible de tenir compte de l'ensemble des fonctionnaires promouvables du service de traduction au niveau du directeur général. Cette étape permet d'éviter qu'un fonctionnaire, non proposé à la promotion à la suite de la présélection par le groupe d'unités linguistiques dont il relève fasse l'objet d'une discrimination par rapport à un fonctionnaire d'un autre groupe d'unités linguistiques qui serait proposé à la promotion mais dont les mérites seraient inférieurs. Il ressort d'ailleurs du dossier et des réponses données aux questions du Tribunal à l'audience que, lors de la procédure litigieuse, le nom d'une fonctionnaire a effectivement été ajouté sur la liste des candidats à promouvoir lors de la réunion avec le directeur général.

99

II s'ensuit que le requérant n'a pas démontré que la procédure suivie en l'espèce constituait une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut ou du principe de non-discrimination.

100

Dès lors, ce moyen, en sa première branche, doit être rejeté.

Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée d'une violation de l'article 27, troisième alinéa, du statut (discrimination en raison de la nationalité)

101

II convient de rappeler que la règle de l'article 27, troisième alinéa, du statut prévoit qu'«aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d'un État membre déterminé».

102

Selon une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, point 26, et arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des régions, T-178/95 et T-179/95, RecFP p. II-155, point 66), les dispositions combinées des articles 7 et 27 du statut prévoient que pour le recrutement, la promotion et l'affectation de ses fonctionnaires toute institution communautaire doit, d'une part, s'inspirer de l'intérêt du service sans considération de nationalité et, d'autre part, assurer un recrutement sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés.

103

Dans le cas d'espèce, le requérant a soutenu que sa candidature aurait été écartée au motif qu'il est né en Belgique. Toutefois, il ressort des pièces présentées à l'audience que, contrairement à ce qu'allègue le requérant, son nom n'apparaît nulle part dans une «colonne à part» sur la liste des fonctionnaires promouvables.

104

Étant donné que le dossier ne contient aucun indice d'une discrimination en raison de la nationalité ou du lieu de naissance, la deuxième branche du moyen doit être rejetée comme non fondée.

105

II s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté dans sa totalité.

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

106

Selon le requérant, la défenderesse l'a fautivement privé de toute chance d'obtenir une promotion au titre de l'exercice de promotion 1994, lui causant ainsi un préjudice matériel et moral qu'il évalue à 100000 BFR.

107

Au stade de la réplique, le requérant a ajouté que les critiques émises à son encontre auraient également réduit ses chances de promotion au titre de l'exercice de promotion 1995.

108

La défenderesse conclut au rejet de la demande en contestant que le requérant ait subi un quelconque préjudice.

Appréciation du Tribunal

109

La responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T-36/93, RecFP p. II-497, point 130, et du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. II-187, point 82). Il est de jurisprudence constante que doit être rejetée la demande introduite par un fonctionnaire visant à obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé par un comportement de l'administration l'ayant privé d'une possibilité de promotion, dès lors que l'illégalité de ce comportement n'est pas établie (arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, précité au point 39 ci-dessus, point 66, et Latham/Commission, T-82/91, RecFP p. II-61, point 75, du 21 février 1995, Moat/Commission, T-506/93, RecFP p. II-147, points 46 à 49, et du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, précité, point 82).

110

En l'espèce, il a été jugé (voir points 46, 55, 60, 78, 87, 105 ci-dessus) qu'aucun comportement illégal ne pouvait être reproché à la défenderesse.

111

Partant, les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

112

II résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans sa totalité.

Sur les dépens

113

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Garcia-Valdecasas

Azizi

Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 décembre 1997.

Le greffier

H. Jung

Le président

J. Azizi


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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