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Document 61993TJ0549
Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 26 January 1995. # D v Commission of the European Communities. # Officials - Disciplinary proceedings - Disciplinary board - Inquiry - Sexual harassment. # Case T-549/93.
Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 26 January 1995.
D v Commission of the European Communities.
Officials - Disciplinary proceedings - Disciplinary board - Inquiry - Sexual harassment.
Case T-549/93.
Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 26 January 1995.
D v Commission of the European Communities.
Officials - Disciplinary proceedings - Disciplinary board - Inquiry - Sexual harassment.
Case T-549/93.
European Court Reports – Staff Cases 1995 I-A-00013; II-00043
ECLI identifier: ECLI:EU:T:1995:15
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 26 janvier 1995. - D contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Procédure disciplinaire - Conseil de discipline - Enquête - Harcèlement sexuel. - Affaire T-549/93.
Recueil de jurisprudence - fonction publique 1995 page IA-00013
page II-00043
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
Dans l'affaire T-549/93,
D, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me Éric Boigelot, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 2, rue du Fort Reinsheim,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 30 septembre 1993, infligeant au requérant la sanction disciplinaire de la révocation sans suppression ni réduction du droit à pension d'ancienneté, prévue par l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(quatrième chambre),
composé de MM. K. Lenaerts, président, R. Schintgen et R. García-Valdecasas, juges,
greffier: M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 17 novembre 1994,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du recours
1 Le (...)(1), le requérant a été nommé chef de la délégation de la Commission pour le (...), où il a exercé ses fonctions jusqu'au mois de (...). A compter du (...), le requérant a occupé le poste de chef de la délégation de la Commission en (...). Auparavant, il avait exercé les fonctions de conseiller puis de chef de délégation de la Commission dans différents pays.
2 Lors d'une enquête menée, en février 1993, par l'inspection générale des délégations de la Commission auprès de la délégation à (...), un certain nombre d'accusations à l'encontre du requérant, relatives à la période pendant laquelle celui-ci avait exercé les fonctions de chef de la délégation, ont été portées à la connaissance des inspecteurs. Ces accusations [voir le rapport des inspecteurs A et B (annexe 3 au mémoire en défense) et les déclarations de Mmes C, E et F aux inspecteurs (annexe 4 au mémoire en défense)] concernaient, pour l'essentiel, des pratiques de harcèlement sexuel dont le personnel féminin de la délégation se serait plaint, ainsi que des irrégularités administratives, consistant notamment en des paiements injustifiés et discriminatoires à l'égard de certains membres du personnel et, en général, en une gestion incorrecte et abusive du personnel et des biens de la Commission.
3 Le 4 mai 1993, le directeur général de la direction générale du personnel et de l'administration (ci-après «DG IX»), en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), a informé le requérant de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre.
4 Après avoir entendu le requérant, le 26 mai 1993, l'AIPN, par décision du 28 mai 1993, l'a suspendu de ses fonctions sans perte de rémunération en application de l'article 88 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).
5 Le 2 juin 1993, l'AIPN a chargé un conseiller à la direction générale du personnel et de l'administration de «procéder en (ses) lieu et place à l'audition des témoins qui se sont manifestés et qui se trouvent à (...) ainsi qu'à l'inspection des lieux». Les plaignantes, ainsi que d'autres membres du personnel local, ont été entendus entre le 7 et le 13 juin 1993. D'autres fonctionnaires et agents, qui avaient par le passé travaillé avec le requérant, ont également été interrogés entre le 18 juin et le 2 juillet 1993.
6 Après avoir informé, le 29 juin 1993, le requérant de son intention, l'AIPN a saisi le conseil de discipline de la présente affaire par rapport du 9 juillet 1993 (annexe 5 au mémoire en défense). Dans ce rapport, il était reproché au requérant d'avoir harcelé sexuellement des agents locaux féminins employés par la délégation de la Commission à (...), pendant qu'il se trouvait à la tête de celle-ci. Le rapport ne portait pas sur les «graves irrégularités administratives» alléguées auparavant, l'AIPN faisant état de ce que «in view of the nature of the allegations and of the evidence relating to them (it) does not consider it appropriate, at this stage, to seize the Disciplinary Board in respect of them» [«au vu de la nature des allégations et des preuves y afférentes, (elle) ne considère pas approprié, à ce stade, de saisir le conseil de discipline de cette matière»].
7 Par avis du 27 juillet 1993, le conseil de discipline, après avoir pris connaissance de l'ensemble des pièces jointes au dossier et avoir entendu le requérant, assisté de son avocat, et l'enquêteur de la Commission, a recommandé à l'AIPN «d'infliger à M. D la sanction disciplinaire visée à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation, sans suppression de ses droits à pension». Lors de son audition devant le conseil de discipline, le requérant a demandé que soit menée une enquête complémentaire et contradictoire, comprenant notamment une confrontation avec les trois plaignantes et une expertise médicale. Cette demande a été rejetée par le conseil de discipline.
8 Après avoir entendu à nouveau le requérant, le 29 juillet 1993, l'AIPN lui a fait savoir, par note du 30 juillet 1993, qu'elle avait «décidé de faire droit à (sa) demande ... qu'une confrontation de chacune des plaignantes et de (lui)-même soit organisée avant toute prise de décision en rapport avec la procédure disciplinaire engagée contre (lui). Les résultats de ces confrontations, qui auront lieu dans les semaines à venir, compléteront l'avis du conseil de discipline du 27 juillet 1993 et seront versés au dossier».
9 La confrontation entre le requérant et les trois plaignantes, assistés de leurs avocats respectifs, a eu lieu le 7 septembre 1993 devant un délégué de l'AIPN.
10 Le 15 septembre 1993, l'AIPN a procédé à l'audition finale du requérant, conformément à l'article 7 de l'annexe IX du statut.
11 C'est au terme de cette procédure que, par décision du 30 septembre 1993, l'AIPN a infligé au requérant la sanction de la révocation sans suppression de ses droits à pension, à partir du 1er décembre 1993. Dans sa décision, l'AIPN considère, en substance, que les faits reprochés au requérant, tels qu'ils résultent des dépositions des victimes, constituent une faute très grave ainsi qu'un délit de droit commun que ni l'état de santé du requérant ni aucune autre circonstance ne permettent en aucun cas d'excuser.
12 Par lettre du 22 octobre 1993, le requérant a introduit une réclamation dirigée contre la décision de l'AIPN du 30 septembre 1993.
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 octobre 1993, le requérant a introduit le présent recours. Le même jour, il a déposé une demande de sursis à l'exécution de la décision litigieuse.
14 Par ordonnance du 30 novembre 1993, le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à exécution et a réservé les dépens.
15 Le 23 février 1994, la Commission a rejeté explicitement la réclamation introduite par le requérant.
16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. La procédure orale s'est déroulée à huis clos le 17 novembre 1994. Les parties ont été entendues en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
Conclusions des parties
17 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
déclarer le recours recevable et fondé;
en conséquence,
1) annuler la décision de la défenderesse, infligeant au requérant la sanction disciplinaire visée à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation sans suppression de ses droits à pension, prise le 30 septembre 1993, prenant effet au 1er décembre 1993 et interdisant au requérant de continuer à exercer ses fonctions jusqu'au 30 novembre 1993;
2) en conséquence, dire pour droit que la défenderesse aura à réintégrer le requérant dans toutes ses fonctions, grade, échelon et traitement avec effet rétroactif à la date de prise d'effet de la décision attaquée, par la simple application de l'arrêt à intervenir;
3) en conséquence de ce qui précède, condamner la défenderesse à verser au requérant tous ses arriérés de traitement, en ce compris les avantages dont il dispose, dus au requérant à partir du 1er décembre 1993 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, augmentés des intérêts au taux de 8 % l'an établis à partir de chaque échéance de rémunération;
4) condamner la défenderesse en tout état de cause aux entiers dépens.
La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme non fondé;
statuer sur les dépens comme de droit.
Moyens et arguments des parties
18 Le requérant invoque six moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré d'une méconnaissance des délais imposés par l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut, ainsi que par l'article 88, troisième alinéa, du statut. Le deuxième moyen est pris d'une violation des règles de l'annexe IX du statut ayant trait à la procédure disciplinaire, de l'article 87, second alinéa, du statut et des droits de la défense, en ce que le conseil de discipline n'aurait pas procédé à une enquête contradictoire et ne disposait pas d'un dossier complet au moment où il a rendu son avis, et, à titre subsidiaire, en ce que l'AIPN n'aurait pas mené elle-même l'enquête contradictoire. Selon le troisième moyen, la décision attaquée reposerait sur des motifs qui ne sont pas légalement admissibles, en ce que le harcèlement sexuel ne serait pas prouvé et en ce que l'AIPN aurait méconnu la notion de harcèlement sexuel. Le quatrième moyen est tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir et de la violation des principes de droit selon lesquels l'AIPN ne peut exercer ses pouvoirs que dans l'intérêt du service et toute personne a droit à un procès impartial et équitable. Le cinquième moyen est pris d'une méconnaissance du principe de proportionnalité, en ce que la sanction infligée ne correspondrait pas à la gravité de la faute alléguée, et d'une violation de l'obligation de motivation, en ce que la sanction n'aurait pas été motivée par l'AIPN. Enfin, le sixième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de la violation de l'obligation de faire procéder à un examen psychiatrique du requérant afin de déterminer s'il était responsable de ses actes.
Premier moyen: violation de l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut et de l'article 88, troisième alinéa, du statut
Sur la violation de l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut
Arguments des parties
19 Le requérant fait valoir que l'AIPN a méconnu l'obligation qui lui incombait de prendre une décision définitive dans le délai d'un mois prévu par l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut ainsi que l'obligation, qui en découle d'après une jurisprudence constante, de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d'agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l'acte précédent (voir les arrêts de la Cour du 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275, du 19 avril 1988, M./Conseil, 175/86 et 209/86, Rec. p. 1891, et l'arrêt du Tribunal du 17 octobre 1991, De Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, point 88). En effet, l'avis du conseil de discipline a été rendu le 27 juillet 1993 alors que la décision définitive n'est intervenue que le 30 septembre 1993. Il ajoute qu'il lui a fallu attendre jusqu'au 7 septembre, date fixée par l'AIPN, soit 39 jours après l'avis du conseil de discipline, avant que l'AIPN ne procède aux mesures d'instruction qu'il avait demandées.
20 Il estime que la Commission ne saurait justifier un tel délai en se prévalant de l'éloignement de la représentation de la Commission en cause puisque, au cours de la procédure disciplinaire, cette distance n'a pas empêché la Commission d'agir rapidement.
21 Enfin, le requérant soutient que le contenu de l'avis rendu aurait dû inciter l'AIPN à prendre une décision définitive plus rapidement pour mettre un terme à l'état d'anxiété dans lequel se trouvait le requérant.
22 La Commission répond qu'il ressort de la jurisprudence précitée de la Cour que le délai prévu par l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut n'est pas un délai péremptoire.
23 Elle ajoute que, si elle est tenue, au titre de cette disposition, d'adopter sa décision définitive dans un délai raisonnable, il ne saurait lui être fait grief d'avoir méconnu cette exigence dans les circonstances de l'espèce.
24 Enfin, la Commission rappelle que, si la confrontation a eu lieu au début du mois de septembre, c'est parce que le requérant en avait demandé le report en raison de la survenance d'un décès dans sa famille.
Appréciation du Tribunal
25 Le Tribunal rappelle qu'il est de jurisprudence constante que le délai imposé par l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut n'est pas péremptoire, mais qu'il énonce néanmoins une règle de bonne administration dont le but est d'éviter, dans l'intérêt tant de l'administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l'adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire. Il en découle que les autorités disciplinaires ont l'obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d'agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l'acte précédent. La non-observation de ce délai qui ne peut être appréciée qu'en fonction des circonstances particulières de l'affaire peut entraîner l'annulation de la décision (voir, entre autres, les arrêts Van Eick/Commission, F./Commission, M./Conseil, précités, et De Compte/Parlement, précité, point 88).
26 En l'espèce, il ressort du dossier que les actes successifs de poursuite pris à l'encontre du requérant se sont succédés dans un délai raisonnable. En effet, la période la plus longue qui sépare deux actes de poursuite dans cette affaire est de 39 jours (entre le 30 juillet 1993, jour où la décision de l'AIPN de procéder à une confrontation a été prise, et le 7 septembre 1993, jour où la confrontation s'est déroulée). Eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, tels que l'éloignement des plaignantes ou la nécessité de préparer minutieusement la confrontation afin qu'elle se déroule de manière efficace et dans le respect des droits de la défense du requérant, le Tribunal considère que ce délai est raisonnable. De plus, il est constant entre les parties que le requérant avait pris contact avec la Commission le 13 août 1993 pour demander le report de la confrontation pour des raisons familiales. S'il est vrai que le requérant n'avait pas demandé de reporter la confrontation jusqu'au mois de septembre, il n'en reste pas moins que sa demande de report, combinée avec les nécessités du service, a contribué au rallongement de la procédure disciplinaire. Enfin, il convient de relever que la confrontation a été organisée à la fin de la procédure disciplinaire à la demande spécifique du requérant, ce qui a également rallongé la procédure. Même si cette circonstance ne saurait avoir eu pour effet de dispenser l'AIPN de son obligation d'agir dans un délai raisonnable, il s'agit néanmoins d'une circonstance particulière au cas d'espèce, qu'il y a lieu de prendre en considération afin d'apprécier la diligence avec laquelle l'AIPN a mené la procédure en cause.
27 Il résulte de ce qui précède qu'il ne saurait être fait grief à la Commission d'avoir violé l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut.
Sur la violation de l'article 88, troisième alinéa, du statut
Arguments des parties
28 Le requérant soutient que la décision attaquée a été adoptée en méconnaissance du délai prévu par l'article 88, troisième alinéa, du statut selon lequel «la situation du fonctionnaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet». Ce délai serait péremptoire pour trois raisons. En premier lieu, cette disposition utilise, à la différence de l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut, le verbe «devoir», ce qui lui donnerait un caractère obligatoire. En deuxième lieu, le cinquième alinéa de cette disposition prévoit la possibilité d'une période de suspension plus longue au cas où une procédure pénale est engagée contre le fonctionnaire pour les mêmes faits, ce qui indiquerait que le dépassement du délai prévu par cette disposition ne peut être autorisé qu'exceptionnellement, et ce uniquement dans les cas prévus par le statut. En troisième lieu, cette disposition viserait la protection des droits subjectifs du fonctionnaire suspendu et s'appliquerait indistinctement aux fonctionnaires suspendus avec maintien de leur rémunération et à ceux suspendus sans maintien de leur rémunération. Le fait que la deuxième phrase de cette disposition édicte une sanction spécifique en cas de dépassement du délai prévu lorsqu'il sagit d'un fonctionnaire suspendu sans maintien de sa rémunération, alors que le délai prévu s'applique dans les deux hypothèses, indiquerait que, dans la première hypothèse, la sanction générale, à savoir la nullité de la décision définitive, devrait s'appliquer.
29 La Commission répond que l'article 88, troisième alinéa, du statut prescrit certes le respect d'un délai et attache une sanction au non-respect de celui-ci, à savoir l'obligation pour l'AIPN de verser à nouveau l'intégralité de sa rémunération au fonctionnaire en cause. Toutefois, en l'espèce, le requérant ayant continué à percevoir sa rémunération pendant sa suspension, son argument serait inopérant.
30 Elle ajoute que le requérant ne saurait se prévaloir du cinquième alinéa de cette disposition, lequel prévoit expressément la possibilité d'un dépassement du délai sans que celui-ci ait une incidence sur la validité de la décision définitive.
31 La Commission relève, enfin, que la suspension du requérant a été décidée dans le cadre d'une procédure disciplinaire et qu'il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de celle-ci, les délais ne sont pas péremptoires.
Appréciation du Tribunal
32 Afin d'examiner la portée du délai de quatre mois prévu par le troisième alinéa de l'article 88 du statut, il y a lieu de replacer préalablement cet alinéa dans son contexte. Le premier alinéa de l'article 88 confère à l'AIPN la compétence de suspendre un fonctionnaire en cas de faute grave. Le deuxième alinéa impose à l'AIPN l'obligation de préciser si le fonctionnaire impliqué conserve pendant le temps où il est suspendu le bénéfice de sa rémunération ou de déterminer la quotité de la retenue qu'il subit. Le troisième alinéa prévoit que la situation du fonctionnaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension prend effet. Lorsqu'aucune décision n'est intervenue au bout de quatre mois, l'intéressé reçoit à nouveau l'intégralité de sa rémunération. En outre, le quatrième alinéa dispose qu'il a droit au remboursement des retenues opérées sur sa rémunération si, à l'expiration de ce délai, il n'a pu être statué sur son cas. Enfin, le dernier alinéa règle l'hypothèse dans laquelle le fonctionnaire fait en même temps l'objet d'une poursuite pénale pour les même faits.
33 Il ressort du contexte dans lequel s'inscrit le troisième alinéa de l'article 88 du statut que cette disposition vise à empêcher qu'un fonctionnaire qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire puisse être privé de sa rémunération pendant plus de quatre mois, sans qu'il soit statué sur son cas. Il s'ensuit que le délai qu'elle prévoit est seulement péremptoire en ce sens que, après son écoulement, le fonctionnaire retrouve le bénéfice de l'intégralité de sa rémunération, comme le prévoit le quatrième alinéa de l'article 88.
34 Eu égard au fait que le requérant a continué à percevoir sa rémunération pendant sa suspension, l'argument tiré de la violation du délai prévu par l'article 88, troisième alinéa, du statut est inopérant.
35 Il découle des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.
Deuxième moyen: violation de l'article 87, second alinéa, du statut et des droits de la défense
Arguments des parties
36 Le requérant soutient que la décision définitive a été adoptée sans que la procédure disciplinaire prévue à l'annexe IX du statut ait été accomplie, l'AIPN ne disposant pas au moment de son adoption d'un avis régulier du conseil de discipline. En effet, ce dernier aurait rendu son avis sans disposer de tous les éléments du dossier et, notamment, des résultats de l'enquête contradictoire qui est intervenue postérieurement.
37 Il expose que, si l'AIPN a jugé utile de procéder à une enquête contradictoire et d'organiser une confrontation entre le requérant et les personnes qui l'accusaient de harcèlement sexuel après que le conseil de discipline eut rendu son avis, elle ne pouvait priver ce dernier du bénéfice de ce complément d'instruction. C'est pourquoi l'AIPN aurait dû saisir le conseil de discipline de ces éléments nouveaux et organiser devant celui-ci une confrontation entre le requérant et ses accusatrices. En omettant de saisir à nouveau le conseil de discipline, l'AIPN aurait privé le requérant du droit de présenter devant le conseil de discipline ses observations écrites et verbales sur les résultats de l'enquête complémentaire et contradictoire qui avait eu lieu. A l'audience, le représentant du requérant a toutefois précisé qu'il n'avait pas demandé la réouverture de la procédure disciplinaire, en application de l'article 11 de l'annexe IX du statut, qui aurait permis au conseil de discipline de se prononcer à nouveau.
38 Le requérant souligne que le caractère contradictoire de la procédure est un principe fondamental de la procédure disciplinaire (arrêt de la Cour du 20 juin 1985, De Compte/Parlement, 141/84, Rec. p. 1951, point 16), destiné à assurer le respect des droits de la défense. Il insiste tout particulièrement sur le fait que le conseil de discipline aurait dû procéder lui-même, ainsi que le requérant le lui avait demandé, à une enquête contradictoire avant d'émettre son avis, dans la mesure où le fait de mener soi-même une enquête contradictoire pourrait donner une impression très différente de celle que laisserait la simple lecture d'un document écrit (arrêt du 20 juin 1985, De Compte/Parlement, précité, point 18).
39 A titre subsidiaire, le requérant fait valoir que le directeur général de la DG IX aurait dû assister lui-même à l'enquête contradictoire et prendre connaissance des faits directement, plutôt que de se fier au rapport de l'un de ses fonctionnaires.
40 La Commission répond que le conseil de discipline est un organe indépendant qui a pour mission d'effectuer, à la demande de l'AIPN, les enquêtes destinées à constater les infractions disciplinaires et à établir les circonstances essentielles pour déterminer la sanction à infliger (arrêt F./Commission, précité, point 16). Il appartiendrait dès lors au conseil de discipline de déterminer s'il y avait lieu de procéder à une enquête contradictoire. L'article 6 de l'annexe IX du statut ne prévoyant à cet égard qu'une faculté, il n'imposerait certainement pas une obligation. En l'espèce, le conseil de discipline aurait estimé à juste titre qu'il était suffisamment éclairé et qu'il n'était, dès lors, plus nécessaire de procéder à une enquête contradictoire.
41 Dans un tel contexte et eu égard au fait que l'enquête contradictoire n'a fait que confirmer les déclarations et constatations de l'enquête préalable, la Commission ne voit pas pourquoi l'AIPN aurait dû saisir une nouvelle fois le conseil de discipline.
42 Quant à la thèse du requérant, selon laquelle le directeur général de la DG IX aurait dû assister personnellement à l'enquête contradictoire, la Commission souligne qu'il est de jurisprudence constante que l'autorité disciplinaire peut déléguer l'exercice de ses pouvoirs en cette matière (arrêts de la Cour du 8 juillet 1965, Fonzi/Commission, 27/64 et 30/64, Rec. p. 615, du 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, et Drescig/Commission, 49/72, Rec. p. 565).
Appréciation du Tribunal
43 Le Tribunal relève, à titre liminaire, qu'il ressort du procès-verbal de l'audience qu'il est constant entre les parties que la procédure disciplinaire s'est déroulée régulièrement jusqu'à la confrontation organisée par l'AIPN entre le requérant et les plaignantes, puisque l'avis rendu par le conseil de discipline le 27 juillet 1993 reposait sur un dossier disciplinaire complet qui indiquait clairement, conformément à l'article 1er de l'annexe IX du statut, les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils avaient été commis.
44 Le Tribunal rappelle également qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que le conseil de discipline dispose, en vertu de l'article 6 de l'annexe IX du statut, d'un pouvoir d'appréciation quant à la nécessité d'ordonner une enquête contradictoire (arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, R./Commission, 255/83 et 256/83, Rec. p. 2473, point 24). Le requérant ne saurait se prévaloir de l'arrêt du 20 juin 1985, De Compte/Parlement, précité (point 18) pour prétendre que le conseil de discipline était tenu de procéder à une enquête contradictoire. En effet, cet arrêt, loin d'établir une telle obligation, s'est borné à affirmer que, lorsque le conseil de discipline procède à un interrogatoire de témoins, le respect du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire exige que le fonctionnaire concerné puisse y assister.
45 Force est de constater qu'en l'espèce l'AIPN, saisie d'un avis régulier du conseil de discipline, a décidé dans l'intérêt du requérant de procéder à une confrontation entre celui-ci et les plaignantes alors même que le conseil de discipline avait jugé une telle confrontation inutile. Devant le Tribunal, le requérant soutient que, après avoir procédé elle-même à cette mesure d'enquête, l'AIPN était obligée de ressaisir le conseil de discipline du résultat de celle-ci pour qu'il puisse rendre un nouvel avis informé des développements postérieurs à son premier avis.
46 Il y a donc lieu d'examiner si, eu égard au fait que le conseil de discipline ne pouvait se saisir d'office, l'AIPN avait l'obligation de le ressaisir du résultat de la confrontation qui a eu lieu entre le requérant et les plaignantes.
47 A cet égard, le Tribunal relève que, selon l'annexe IX du statut et plus particulièrement son article 11, aucune obligation de rouvrir la procédure disciplinaire en ressaisissant le conseil de discipline ne s'impose à l'AIPN. En effet, l'article 11 de l'annexe IX dispose:
«La procédure disciplinaire peut être rouverte par l'autorité investie du pouvoir de nomination, de sa propre initiative ou à la demande de l'intéressé, sur faits nouveaux appuyés par des moyens de preuves pertinents.»
48 Toutefois, le fait que le libellé de l'article 11 de l'annexe IX du statut n'impose pas d'obligation à cet égard n'empêche pas qu'une telle obligation puisse résulter de cette disposition lue à la lumière du principe supérieur de droit que constitue le respect des droits de la défense. En effet, dans l'hypothèse où l'AIPN procède à une mesure d'instruction complémentaire, qui révèle un fait nouveau modifiant le contenu ou la teneur des faits reprochés ou les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, l'avis du conseil de discipline, ayant été rendu dans l'ignorance de ce nouvel élément, ne repose plus sur une connaissance complète du dossier disciplinaire. Or, le droit pour chaque fonctionnaire de voir son dossier disciplinaire examiné par le conseil de discipline et de voir ce dernier prendre connaissance de l'ensemble des faits reprochés et des circonstances dans lesquelles ils ont été commis, constitue une garantie essentielle du respect des droits de la défense, d'autant plus que le conseil de discipline est un organe composé paritairement (articles 4 et 5, paragraphes 1 et 2, de l'annexe II du statut) devant lequel le fonctionnaire peut se défendre.
49 Le Tribunal considère que le contenu de la notion de «faits nouveaux» utilisée à l'article 11 de l'annexe IX du statut doit être déterminé à la lumière de l'article 1er de cette même annexe, qui dispose que le rapport par lequel le conseil de discipline est saisi «doit indiquer clairement les faits reprochés et, s'il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis». Par conséquent, si une mesure d'instruction complémentaire révèle un nouveau fait reproché ou une nouvelle circonstance dans laquelle les faits reprochés ont été commis ou tout autre élément susceptible de modifier de manière substantielle l'appréciation de la réalité, de la portée ou de la gravité des faits reprochés, modifiant ainsi le contenu du rapport dont le conseil de discipline a été saisi, l'AIPN est obligée, en vertu de l'article 11 de l'annexe IX du statut lu à la lumière du principe supérieur de droit que constitue le respect des droits de la défense, de rouvrir la procédure disciplinaire par le dépôt d'un nouveau rapport devant le conseil de discipline.
50 Il convient donc de vérifier si, en l'espèce, l'enquête complémentaire à laquelle a procédé l'AIPN a effectivement révélé des faits nouveaux au sens qui vient d'être défini.
51 Le Tribunal prend acte de ce que l'AIPN a considéré que la confrontation entre le requérant et les plaignantes n'avait révélé aucun fait nouveau, ce que conteste le requérant.
52 A cet égard, force est de relever que le procès-verbal de la confrontation ne révèle aucun fait modifiant la teneur ou l'appréciation des faits reprochés ou des circonstances dans lesquelles les faits reprochés ont été commis par rapport au contenu du rapport dont l'AIPN a saisi le conseil de discipline en application de l'article 1er de l'annexe IX du statut.
53 Lors de l'audience, le Tribunal a demandé au requérant de lui indiquer quels étaient les faits nouveaux qui étaient apparus lors de la confrontation. En réponse à cette question, le requérant s'est borné à mentionner, comme seul fait nouveau, les réponses apportées par ses accusatrices à la question qu'il leur avait posée concernant la manière dont elles lui avaient montré qu'elles ne consentaient pas à son comportement. Or, il s'est avéré (voir ci-après points 78 à 80) que ces réponses avaient la même teneur que les déclarations faites par les plaignantes à l'un des inspecteurs lors de l'inspection de février 1993, déclarations qui contenaient déjà des indices clairs et concordants de ce qu'elles avaient manifesté leur désaccord avec le comportement du requérant.
54 Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'AIPN a conclu que la confrontation n'a pas révélé de faits nouveaux. Par conséquent, l'AIPN n'avait pas l'obligation de ressaisir le conseil de discipline.
55 Le bien-fondé de cette analyse est corroboré par le fait que, lors de sa dernière audition par l'AIPN, le requérant lui-même n'a ni indiqué des faits qui, selon lui, devraient être considérés comme des faits nouveaux, ni demandé à l'AIPN de rouvrir la procédure disciplinaire en saisissant à nouveau le conseil de discipline, alors que l'article 11 de l'annexe IX du statut lui en reconnaissait le droit.
56 Le requérant ne saurait prétendre que, dans pareille situation, l'AIPN est seul juge de l'opportunité de ressaisir ou non le conseil de discipline, puisqu'il aurait pu demander à l'AIPN de saisir à nouveau le conseil de discipline et qu'il a pu soumettre au juge communautaire la question de l'existence ou non d'un fait nouveau obligeant l'AIPN à ressaisir le conseil de discipline.
57 Par ailleurs, en ce qui concerne l'argument du requérant invoqué à titre subsidiaire, selon lequel la confrontation a été entachée d'une irrégularité en ce que l'AIPN, en l'occurrence le directeur général de la DG IX, n'a pas participé elle-même à la confrontation, le Tribunal relève que, selon une jurisprudence constante, l'AIPN est autorisée à déléguer ses pouvoirs, pour des raisons tenant au bon fonctionnement des services au cours de la procédure disciplinaire, à condition que les garanties accordées aux fonctionnaires par le statut soient préservées et que les règles d'une bonne administration en matière de gestion du personnel ne soient pas mises en péril (voir arrêts Fonzi/Commission, De Greef/Commission, et Drescig/Commission, précités).
58 Or, en l'espèce, les garanties accordées au requérant par le statut n'ont pas été méconnues par le fait que le directeur général concerné n'a pas assisté lui-même à l'enquête contradictoire. En effet, un procès-verbal décrivant en détail le déroulement de la confrontation l'a suffisamment renseigné.
59 A cet égard, le requérant ne saurait se prévaloir de l'arrêt de la Cour du 20 juin 1985, De Compte/Parlement, précité (point 18), puisque celui-ci se borne à imposer, au titre du respect du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire, que le fonctionnaire concerné puisse assister à l'interrogatoire des témoins si le conseil de discipline décide d'y procéder. En l'espèce, le requérant a pu assister et participer à l'enquête contradictoire.
60 Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.
Troisième moyen: erreur manifeste d'appréciation
Arguments des parties
61 Le requérant fait valoir que la décision attaquée repose sur des motifs qui ne sont pas légalement admissibles.
62 A cet égard, il fait valoir, en premier lieu, que l'AIPN n'a jamais donné de définition précise de la notion de harcèlement sexuel. Se référant tant à la résolution 90/C 157/02 du Conseil, du 29 mai 1990, concernant la protection de la dignité de la femme et de l'homme au travail (JO C 157, p. 3), qu'à la recommandation 92/131/CEE de la Commission, du 27 novembre 1991, sur la protection et la dignité des femmes et des hommes au travail (ci-après «recommandation 92/131»), et, plus particulièrement, à son annexe instituant un code de pratique visant à combattre le harcèlement sexuel (JO 1992, L 49, p. 1), il estime que trois éléments essentiels doivent être établis avant qu'un comportement puisse être qualifié de harcèlement sexuel. Tout d'abord, le comportement devrait être indésirable pour les «victimes», et celles-ci devraient l'avoir clairement montré. En l'espèce, ni les éléments du dossier ni les déclarations des «victimes» lors de l'enquête contradictoire (voir les extraits cités sous les points 32 à 34 de la requête) ne révéleraient que les femmes impliquées ont clairement montré que le comportement du requérant était indésirable. Ensuite, le comportement devrait atteindre les victimes dans leur intégrité physique propre. A cet égard, le requérant estime que les faits retenus ne peuvent être qualifiés que d'exhibitionnisme et de perversion puisqu'il n'y aurait eu aucun contact physique. Enfin, le harcèlement devrait entraîner des conséquences sur le plan professionnel (soit une accélération, soit un frein à une carrière), provoquées par la position hiérarchique de l'auteur, ou affecter la dignité de la «victime». Or, une note du requérant à son successeur, décrivant les qualités et les défauts du personnel, révélerait que les trois plaignantes ont été traitées de façon totalement impartiale (voir annexe 3 au rapport de l'enquête contradictoire annexe 7 à la requête).
63 Le requérant ajoute que les faits reprochés n'ont été révélés que quinze mois après son départ et deux à cinq ans après avoir été commis. Il indique que, si sa position hiérarchique avait empêché ses prétendues victimes de révéler ces faits pour des raisons professionnelles, elles auraient néanmoins pu le faire dès son départ du poste. Un tel hiatus dans le temps prouverait que les faits n'ont jamais été commis ou que, s'ils ont été commis, ils l'ont été avec le consentement des trois agents locaux plaignants. Par conséquent, une qualification de harcèlement sexuel ne pourrait être retenue.
64 En second lieu, le requérant fait valoir que la décision confond la plainte et la preuve en ce qu'elle considère comme établi, sans autre preuve, le contenu des déclarations des trois «victimes». Les autres personnes interrogées ne pourraient pas être considérées comme des témoins parce qu'aucune n'aurait été témoin des actes allégués par les trois prétendues victimes (voir points 36 à 37 de la requête). En outre, le conseil de discipline et l'AIPN n'auraient pas retenu les nombreux témoignages du dossier disciplinaire favorables au requérant, comme les déclarations de Mmes K, L et M et de MM. G, H, I et J (voir point 38 de la requête).
65 Se référant à des extraits du dossier disciplinaire (voir point 56 du mémoire en défense), la Commission conteste les griefs formulés par le requérant, en faisant valoir que les faits qui lui sont reprochés constituent certainement un harcèlement sexuel au sens de sa recommandation 92/131, précitée. Les trois plaignantes étaient des agents locaux dont le contrat d'emploi dépendait exclusivement du ressort du requérant. Par conséquent, celui-ci aurait disposé de moyens de pression non négligeables. La Commission souligne également que le harcèlement sexuel est un comportement auquel son auteur ne se livre délibérément pas en public. Les victimes craindraient donc que le dépôt d'une plainte les expose à des représailles émanant de l'auteur et à l'incrédulité publique et qu'il soit, ainsi, porté atteinte à leur réputation personnelle. Ce serait la raison pour laquelle les plaignantes ont tant attendu avant de révéler les faits en cause.
66 En ce qui concerne la confusion de la plainte et de la preuve, la Commission fait valoir que les déclarations des plaignantes ont été confirmées par des indices pertinents et concordants, résultant des dépositions des autres agents (la déclaration de Mme E aurait été confirmée par les déclarations de MM. N, O et P; la déclaration de Mme C aurait été confirmée par la déclaration de M. O voir point 56 du mémoire en défense). La Commission souligne en outre que, dans le cadre de l'enquête, toutes les personnes qui auraient pu avoir des contacts professionnels avec le requérant ont été interrogées, ce qui prouverait la rigueur avec laquelle l'enquête a été menée.
Appréciation du Tribunal
67 Le Tribunal constate, tout d'abord, que, contrairement à ce que le requérant allègue, l'AIPN n'a pas confondu les plaintes des victimes et la preuve en considérant comme établis les faits reprochés.
68 Les faits reprochés au requérant concernent des actes à connotation sexuelle, qui auraient été commis par le requérant à l'égard de trois agents féminins de sa délégation dans son bureau, en général fermé à clé, ou dans un appartement privé qui était à la disposition d'un stagiaire, absent à l'époque. Le requérant se serait, entre autres, adressé aux victimes de manière vulgaire, exprimant ses désirs sexuels. Il aurait commis des actes d'exhibitionnisme, se serait masturbé devant une des victimes, aurait forcé une des victimes à toucher ses organes génitaux et aurait tenté d'avoir des rapports sexuels avec l'une d'entre elles. Tous ces actes se seraient produits à plusieurs reprises et sans le consentement des agents locaux impliqués.
69 En l'espèce, le Tribunal constate que plusieurs éléments de preuve ont été apportés par l'AIPN. Il y a d'abord les déclarations des trois victimes, Mmes E, F et C. Ces déclarations ont été faites à trois reprises et concordent en tous points: en février 1993, lors de l'inspection de la délégation de la Commission, en juin 1993, lors de l'enquête de M. Q, l'envoyé spécial de l'AIPN, et en septembre 1993, à l'occasion de la confrontation avec le requérant organisée par l'AIPN dans le cadre de la procédure disciplinaire. Or, ces déclarations révèlent la réalité des faits reprochés au requérant.
70 A cet égard, le Tribunal remarque que le fait que trois agents féminins se plaignent simultanément d'un même type de comportement attribue plus de poids à leurs déclarations que si seule l'une d'entre elles avait fait de telles déclarations.
71 Il convient de relever, en outre, que la crédibilité des déclarations des victimes est corroborée par les indices résultant des déclarations d'autres membres du personnel de la délégation recueillies par l'inspecteur A et par l'enquêteur Q. Il s'agit des déclarations de:
M. R (...): «The female staff was sometimes upset, notably Ms C and Ms S. The latter resigned in 1990 apparently for reasons of unwanted attention from Mr D.» («Il arrivait que le personnel féminin soit choqué, notamment Mme C et Mme S. Cette dernière a démissionné en 1990, apparemment en raison de l'attention indésirable dont elle faisait l'objet de la part de M. D.»)
M. N (...): «Mr N remembers a number of times, when he took Mr D and Ms E to check the staff apartments. He was told to remain downstairs. Ms E coming down by herself looked upset, and later told him how she had been approached and grabbed by Mr D.»
«There were goings-on in the office. I was suspecting that he (Mr D) was after the girl most of all Ms E. If he goes out to see houses he wants Mr T to stay and takes Ms E. When the Italian Mr U was away on leave, Mr D asked me to take him and Ms E to Mr U's flat on the hill (two or three times). He always told me to stay down on the ground floor and he went up with Ms E. After 10 or 15 minutes Ms E came down the stairs by herself. Once I asked her where he was and she told me she did not know and maybe he took the lift. We waited for him he did not come and we went back to the office, where he was already before us. He said nothing to us, which was strange for him.
One day I asked her and she told me he was trying to get hold of her and she ran around the room. I was getting suspicious. The next time she asked that I go up with her but he refused saying `you wait here'. This happened several times.»
[«M. N se souvient d'un certain nombre de fois où il a emmené M. D et Mme E inspecter les appartements du personnel. On lui a dit de rester en bas. Lorsqu'elle est redescendue toute seule, Mme E avait l'air bouleversé et lui a dit plus tard que M. D s'était approché d'elle et l'avait empoignée.»
«Il se passait des choses au bureau. Je le (M. D) soupçonnait de courir après les filles, principalement Mme E. Lorsqu'il s'en va visiter des maisons, il demande à M. T de rester et emmène Mme E. Lorsque M. U, un italien, était en congé, M. D m'a demandé de les emmener, lui et Mme E, à l'appartement de M. U sur la colline (deux ou trois fois). Il m'a toujours demandé de rester au rez-de-chaussée et est monté avec Mme E. Au bout de dix ou quinze minutes, Mme E est redescendue toute seule par l'escalier. Une fois, je lui ai demandé où il était et elle m'a répondu qu'elle ne le savait pas et qu'il avait peut-être pris l'ascenseur. Nous l'avons attendu. Il n'est pas venu et nous sommes retournés au bureau où il nous avait précédé. Il ne nous a rien dit, ce qui est étonnant de sa part.
Un jour, j'ai posé des questions à Mme E et elle m'a dit qu'il avait essayé de l'attraper et qu'elle avait couru à travers toute la chambre. Je commençais à avoir des soupçons. La fois suivante, elle m'a demandé de monter avec elle, mais il a refusé en disant `vous, attendez ici'. Cela s'est reproduit plusieurs fois.»]
M. V (...): «On the accusations of sexual harassment of female staff he confirmed having been informed and discussed this with the other drivers but he had not himself witnessed any incidents during the time Mr D stayed with the delegation.» («A confirmé avoir bien entendu parler des accusations de harcèlement sexuel du personnel féminin et en avoir discuté avec les autres chauffeurs, mais il n'a, lui-même, jamais été témoin d'aucun incident au cours de la période pendant laquelle M. D était membre de la délégation.»)
M. P: «He did not himself in any way witness any sexual harassment of female staff by Mr D. However, he heard from former colleagues, Mr O, ..., and Mr I, ... , that this harassment had been going on. The predecessor of Ms E, Ms S, had left for this reason.
Although Mr P states that he has never witnessed any sexual harassment of the kind alleged, he believes it to be true and bases this on the general conduct of Mr D and his belief in the honesty and integrity of the local staff of the Delegation.»
(«N'a personnellement été témoin d'aucune scène de harcèlement sexuel du personnel féminin par M. D. Cependant, d'anciens collègues, M. O, ... , et M. I, ... , lui ont parlé de ce harcèlement. Mme S, qui avait précédé Mme E dans ses fonctions, s'en était allée pour cette raison.
Bien qu'il n'ait jamais assisté personnellement à aucune scène de harcèlement sexuel du genre qui a été allégué, il croit que c'est vrai et se fonde en cela sur l'attitude générale de M. D. Il croit d'ailleurs à l'honnêteté et à l'intégrité du personnel local de la délégation.»)
M. W (...): «He has not himself, owing to the nature of his work, witnessed any act of sexual harassment, but he noticed regularly that Ms E, Ms C and Ms F were very upset after having been to the Delegate, Mr D's office. Working closer with Ms E, he noticed that she `hated' going into Mr D's office and was very upset when she came out.» («Compte tenu de la nature de son travail, il n'a personnellement assisté à aucune scène de harcèlement sexuel, mais il a remarqué régulièrement que Mme E, Mme C et Mme F étaient très bouleversées après avoir été dans le bureau de M. D, le délégué. Travaillant en plus étroite collaboration avec Mme E, il a remarqué qu'elle `détestait' aller dans le bureau de M. D et qu'elle était très bouleversée quand elle en sortait.»)
Mme L (...): «Ms L has obviously heard from her colleagues about the harassment exercised by Mr D.» («Mme L a manifestement entendu ses collègues parler du harcèlement auquel se livrait M. D.»)
72 Le Tribunal constate que ces éléments de preuve étaient suffisants pour permettre à l'AIPN de considérer que les faits reprochés étaient établis. Dans ces conditions, l'objection du requérant selon laquelle la longueur du délai qui s'est écoulé entre, d'une part, son départ ou encore le comportement incriminé et, d'autre part, la plainte des victimes serait de nature à mettre en doute la réalité des faits qui lui sont reprochés doit être écartée.
73 De même, contrairement à ce qu'affirme le requérant, les déclarations à décharge auxquelles il se réfère au point 38 de la requête ne peuvent en aucun cas mettre en doute cette conclusion. En effet, il en ressort uniquement que leurs auteurs n'ont pu observer directement les actes reprochés au requérant. Le Tribunal estime que le fait que ces personnes n'ont jamais été témoins des actes imputés au requérant n'implique pas que ces actes n'ont pas eu lieu et n'affaiblit en aucun cas les éléments de preuve cités aux points 69 à 71 ci-dessus. En effet, les auteurs de tels actes ayant tendance à les cacher, leur observation directe ne peut pas être requise comme seul indice probant de leur réalité.
74 De plus, il importe de relever que, lors de la procédure devant le conseil de discipline, le requérant n'a jamais cité ces témoins à décharge, ainsi que le lui permettait l'article 4 de l'annexe IX du statut.
75 Eu égard au fait que ces actes portent, sans aucun doute, atteinte à la dignité de la fonction au sens de l'article 12 du statut, le Tribunal considère que l'AIPN était en droit de conclure que le requérant a manqué gravement à ses obligations statutaires et aux obligations liées à ses fonctions.
76 Le Tribunal observe également que, contrairement à ce que le requérant fait valoir, les faits ainsi établis relèvent de la notion de harcèlement sexuel, tel qu'elle ressort de l'annexe à la recommandation 92/131. En effet, pour qu'il y ait harcèlement sexuel, trois éléments doivent être réunis. En premier lieu, il doit s'agir d'un comportement à connotation sexuelle ou fondé sur le sexe. Il est sans importance qu'il s'agisse d'un comportement physique, verbal ou non verbal. En l'espèce, les faits établis ont sans aucun doute une connotation sexuelle et constituent, à tout le moins en partie, un comportement physique. En deuxième lieu, ce comportement doit être ressenti comme indésirable par celui qui en fait l'objet. En l'espèce, il ressort clairement du dossier et plus précisément de la manière dont les victimes ont réagi que le comportement de M. D était ressenti comme indésirable (voir ci-après point 78). En troisième lieu, un tel comportement doit créer un climat d'intimidation, d'hostilité ou d'humiliation à l'égard de la personne qui en fait l'objet ou lui être présenté comme devant engendrer pour elle des avantages ou désavantages professionnels selon qu'elle l'accepte ou le refuse. En l'espèce, il ressort manifestement des faits établis que les victimes ont été intimidées et humiliées par le comportement du requérant.
77 Le Tribunal relève, en outre, que, en présence de faits d'une telle nature, il n'est pas nécessaire que les victimes montrent clairement que le comportement du requérant était indésirable pour qu'il puisse être qualifié de harcèlement sexuel. Selon la recommandation, une telle exigence n'est requise que dans le cas où les faits reprochés ne portent que sur un simple intérêt sexuel. En l'espèce, le Tribunal considère que les faits retenus ne correspondent pas à une manière courante d'exprimer son intérêt sexuel et, par conséquent, qu'il n'était pas nécessaire que les victimes montrent clairement que le comportement du requérant était indésirable.
78 En tout état de cause, le fait que les trois victimes ont clairement montré au requérant que son comportement était indésirable est amplement illustré par les déclarations qu'elles ont faites. C'est ainsi que Mme E a déclaré, en décrivant les scènes de masturbation:
«Sometimes I manage to escape from his room if he is not standing by the door.» («Parfois, je parviens à m'échapper de son bureau lorsqu'il ne se tient pas près de la porte.»)
Le fait de s'enfuir démontre déjà suffisamment que le comportement auquel la victime était forcée d'assister n'était pas désiré. Décrivant les faits qui se sont déroulés dans l'appartement, Mme E a déclaré:
«He then walked into the bedroom and started asking questions about things that were in the bedroom. I had to enter the bedroom to see what he was referring to when he grabbed me and pushed me onto the bed. I held on to his shirt, pushed him and got out of is reach. He was annoyed as I had ripped a button of his shirt when I pushed him and he told me to take the driver and the vehicle back to the office and that he would walk back.» («Il est alors entré dans la chambre à coucher et il a commencé à poser des questions sur les choses qui s'y trouvaient. J'ai dû entrer dans la chambre pour voir de quoi il parlait. C'est alors qu'il m'a attrapée et m'a poussée sur le lit. Je me suis agrippée à sa chemise, je l'ai poussé et me suis mise hors de sa portée. Il était ennuyé parce que j'avais arraché un bouton de sa chemise en le poussant et il m'a dit de retourner au bureau avec la voiture et le chauffeur et qu'il rentrerait à pied.»)
79 Il s'ensuit que Mme E a clairement montré dans ces deux cas que le comportement du requérant était indésirable. En ce qui concerne Mme F, il convient de relever qu'elle a déclaré, entre autres, que «after struggling with him he would act as if nothing had happened ... He could not understand why I was so upset» («quand je lui avais résisté, il faisait comme si rien ne s'était passé ... Il ne pouvait pas comprendre pourquoi je me mettais dans un état pareil»), indiquant ainsi qu'elle avait, elle aussi, clairement montré que le comportement du requérant n'était pas désiré.
80 Mme C, pour sa part, a menacé de dévoiler le comportement du requérant à son mari et à la femme du requérant, ce qui prouve qu'elle a également manifesté au requérant qu'elle n'acceptait pas son comportement.
81 Par conséquent, c'est à bon droit que l'AIPN a considéré que les faits reprochés au requérant étaient établis et les a qualifiés de harcèlement sexuel.
82 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que ce moyen doit être rejeté.
Quatrième moyen: détournement de pouvoir
Arguments des parties
83 Le requérant fait valoir que la décision a été prise pour d'autres motifs que ceux figurant dans la décision et que celle-ci constitue donc un détournement de pouvoir. Cette décision violerait en outre différents principes de droit, tels que le principe selon lequel l'AIPN ne peut exercer ses pouvoirs que dans l'intérêt du service et celui selon lequel toute personne a droit à un procès impartial et équitable.
84 Le requérant rappelle, exemples à l'appui, que ses exigences sur le plan professionnel ainsi que ses interventions contre certains abus commis au sein de la délégation n'avaient pas été bien accueillies par la plupart des personnes qui l'ont accusé ou ont «confirmé» ces accusations par des «ouï-dire». En outre, une ambiance d'animosité aurait régné entre l'AIPN, quelques fonctionnaires de haut niveau et le requérant à cause d'une de ses interventions à l'occasion d'une réunion des chefs de délégation de la Commission et des problèmes qu'il aurait soulevés à propos de sa résidence en (...). Dans ce contexte et au regard des circonstances qui ont caractérisé la procédure disciplinaire ainsi que des vices entachant la décision attaquée, le requérant allègue que la décision n'a été prise que dans le seul but de le révoquer pour des raisons autres que celles indiquées dans la décision. Il serait donc victime d'un détournement de pouvoir.
85 La Commission souligne que le requérant ne présente pas d'indices pertinents et concordants démontrant que l'AIPN aurait usé de son pouvoir disciplinaire dans un autre but que la répression d'un comportement disciplinairement fautif (voir l'arrêt de la Cour de 4 février 1982, Buyl e.a./Commission, 817/79, Rec. p. 245, et l'arrêt de Tribunal du 12 juillet 1990, Scheuer/Commission, T-108/89, Rec. p. II-411).
86 Elle rappelle que la friction entre l'AIPN et le requérant concernant sa résidence en (...) avait pour origine la conclusion, par le requérant, d'un contrat de bail sans couverture préalable. La proposition finale de l'AIPN pour résoudre cette question aurait été avantageuse pour le requérant et cet ancien désaccord ne saurait donc être invoqué comme indice d'un détournement de pouvoir.
Appréciation du Tribunal
87 Le Tribunal relève que dès lors qu'il a été jugé que les faits reprochés étaient établis, le moyen pris de l'existence d'un détournement de pouvoir ne saurait être fondé. En effet, les faits en cause suffisent amplement pour justifier dans son principe la décision attaquée, qui a pour objet de réprimer le comportement disciplinairement fautif du requérant.
88 Au surplus, il convient de relever que le requérant n'a pas présenté d'indices objectifs, pertinents et concordants de nature à établir que la décision attaquée a été adoptée à des fins autres que la sanction du comportement dont il s'est rendu coupable, comme le requiert la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (voir, entre autres, l'arrêt de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 30, et l'arrêt Scheuer/Commission, précité, point 50). Les frictions avec l'AIPN dont le requérant fait état dans ses mémoires sont en effet trop dérisoires pour constituer des indices de ce que, en révoquant le requérant sous prétexte de harcèlement sexuel, l'AIPN aurait, en réalité, entendu sanctionner le requérant pour des différends antérieurs.
89 Il découle des considérations qui précèdent que ce moyen doit être rejeté.
Cinquième moyen: violation du principe de proportionnalité et de la recommandation 92/131
Arguments des parties
90 Le requérant expose d'abord que la sanction prononcée ne correspond pas à la gravité de la faute alléguée, à supposer qu'elle ait été commise, et viole ainsi le principe de proportionnalité. Il fait remarquer que la Commission n'a pas établi une échelle de sanctions pour les actes de harcèlement sexuel obligation prévue par sa recommandation 92/131 et que l'AIPN se trouvait donc dans l'impossibilité de fixer une sanction adéquate et adaptée aux faits reprochés. En effet, l'obligation de la recommandation 92/131 d'établir une échelle de sanctions indiquerait nécessairement que l'existence d'un harcèlement sexuel n'implique pas automatiquement la révocation de celui qui s'y est livré.
91 Il soutient ensuite que, à supposer que les faits aient été commis, une sanction adéquate et juste aurait été, selon les indications de la recommandation 92/131, une réaffectation ou une mutation du requérant déjà réalisée dans les faits éventuellement accompagnée d'un blâme ou d'une suspension temporaire de l'avancement d'échelon, voire d'un abaissement d'échelon. Une telle sanction aurait été plus proportionnée vu, d'une part, l'absence de preuve et le fait que le requérant avait déjà quitté la délégation litigieuse depuis (...), cessant ainsi ses prétendues pratiques de harcèlement, et, d'autre part, le fait que le requérant n'a jamais eu un tel comportement avant ou après son passage à la délégation litigieuse.
92 Le requérant fait valoir, enfin, que l'AIPN a violé son obligation de motiver la peine infligée. Il fait observer, à cet égard, que l'AIPN n'a ni motivé la sanction imposée, ni entrepris de recherche quant à la sanction adéquate.
93 La Commission estime que la gravité des faits ainsi que les circonstances aggravantes qui les ont entourés en l'espèce, notamment l'existence d'une contrainte hiérarchique évidente et la possibilité qu'un tel comportement de la part d'un représentant de la Commission nuise à la réputation et à la crédibilité de l'institution, justifient amplement la sanction infligée. Elle fait également valoir que le fait que le comportement de harcèlement sexuel avait cessé ne saurait en aucun cas effacer le manquement disciplinaire commis et n'est, dès lors, pas pertinent.
94 La Commission estime que l'absence d'une échelle de sanctions spécifique pour les actes de harcèlement sexuel n'empêche pas que le harcèlement est une faute ou un manquement disciplinaire, pour lequel l'article 86 du statut prévoit une échelle de peines applicables. En effet, le harcèlement sexuel serait à la fois une atteinte à la dignité de la fonction et à la dignité des personnes et constituerait par conséquent une faute disciplinaire. La Commission fait remarquer en outre que l'exigence d'une corrélation fixe entre l'acte de harcèlement sexuel et la sanction applicable ne correspond pas au système disciplinaire établi par le statut et porterait atteinte au principe selon lequel l'AIPN doit, une fois établie la réalité des faits imputés au fonctionnaire, déterminer la sanction disciplinaire adéquate.
95 Quant à l'absence de motivation de la sanction infligée, la Commission relève que l'étendue de l'obligation de motivation est également déterminée par le contexte dans lequel la décision a été prise. Le requérant, disposant du dossier disciplinaire complet, ne pourrait pas légitimement soutenir qu'il n'était pas au courant des motifs ayant conduit l'AIPN à prononcer la sanction de la révocation. La Commission fait également valoir que, au cas où la motivation de la décision attaquée devrait être considérée comme insuffisante, cette insuffisance pouvait néanmoins être palliée en cours de procédure. A cet égard, le rejet explicite de la réclamation du requérant aurait complété de manière suffisante la motivation de la décision attaquée.
Appréciation du Tribunal
96 Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que, dès lors que la réalité des faits retenus à charge du fonctionnaire est établie, le choix de la sanction adéquate appartient à l'autorité disciplinaire. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation à celle de l'AIPN qu'en cas d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir entre autres l'arrêt F./Commission, précité).
97 En l'espèce, le Tribunal considère que, eu égard à la gravité des faits retenus, la sanction disciplinaire infligée par l'AIPN ne résulte pas d'une erreur manifeste d'appréciation. En effet, les circonstances invoquées par le requérant ne peuvent pas diminuer la gravité de son comportement. Ainsi, ni le fait que le requérant avait déjà quitté la délégation litigieuse depuis quinze mois au moment où le harcèlement sexuel a été révélé, ni son allégation selon laquelle il ne s'est jamais comporté d'une telle façon avant ou après son passage à ladite délégation, ne sont de nature à atténuer la gravité des faits retenus, et ce en raison de la nature intrinsèque de ceux-ci.
98 Quant à l'absence d'échelle de sanctions obligation prévue par la recommandation 92/131 le Tribunal constate que, comme la Commission l'a rappelé à juste titre, un acte de harcèlement sexuel constitue un manquement disciplinaire, pour lequel l'article 86 du statut prévoit une échelle des sanctions applicables. L'AIPN avait donc la possibilité d'infliger une sanction appropriée aux faits de l'espèce. A cet égard, il convient de rappeler que le régime disciplinaire mis en place par le statut n'établit pas un rapport fixe entre la sanction et le manquement commis. Il s'ensuit que la Commission n'était pas tenue d'établir une échelle de sanctions correspondant aux différents types de harcèlement sexuel pour pouvoir sanctionner sur le plan disciplinaire de tels actes.
99 En ce qui concerne la motivation de la sanction infligée, le Tribunal rappelle, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision faisant grief a pour but, d'une part, de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et, d'autre part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires sur le bien-fondé ou non de celle-ci (voir, entre autres, les arrêts de la Cour du 9 juin 1983, Verzyck/Commission, 225/82, Rec. p. 1991, et du 13 juillet 1989, Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711). Cette obligation doit être appréciée dans chaque cas concrètement, en tenant compte des circonstances entourant la décision litigieuse (arrêt Lux/Cour des comptes, précité, point 36).
100 A cet égard, le Tribunal constate que la motivation de la décision litigieuse se réfère d'une manière détaillée au déroulement de la procédure disciplinaire, qu'elle indique que les faits retenus constituent «une faute très grave ainsi qu'un délit de droit commun», qu'elle considère que «les documents fournis par l'intéressé au conseil de discipline faisant état de la qualité de son travail sont sans influence par rapport aux faits qui lui sont reprochés» et que «ni son état de santé, ni aucune autre circonstance ne permettent, en aucun cas, de le disculper des faits reprochés». Elle en tire la conclusion que «le comportement de M. D constitue un manquement extrêmement grave à ses obligations statutaires correspondantes et aux obligations de ses fonctions».
101 Le Tribunal considère que cette motivation suffit à justifier la sanction infligée, d'autant plus que, pendant le déroulement de la procédure disciplinaire, le requérant a pu prendre connaissance de la teneur exacte des faits qui lui étaient reprochés, en particulier dans le rapport soumis par l'AIPN au conseil de discipline.
102 Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.
Sixième moyen: violation de l'obligation de faire procéder à un examen psychiatrique du requérant
Arguments des parties
103 A titre subsidiaire, le requérant soutient que le conseil de discipline ou, le cas échéant, l'AIPN avait l'obligation de le soumettre, comme il l'avait demandé, à un examen psychiatrique, afin de vérifier s'il était responsable des actes qui lui étaient reprochés. En effet, les faits allégués pouvaient laisser présumer qu'il souffrait d'une grave maladie mentale ou d'un trouble psychologique, susceptible d'effacer ou, à tout le moins, d'atténuer sa responsabilité.
104 La Commission fait valoir que, si le requérant avait voulu se prévaloir d'un état mental susceptible d'écarter ou d'atténuer sa responsabilité, il aurait dû en apporter la preuve à l'AIPN. Or, en l'espèce, il n'aurait, à aucun moment au cours de la procédure disciplinaire, produit quelque élément que ce soit de nature à établir des troubles psychologiques pré-existants.
Appréciation du Tribunal
105 Le Tribunal considère que le caractère anormal du comportement du requérant ne saurait constituer, en soi, un indice de ce qu'il n'aurait pas été responsable de ses actes et ne pouvait donc obliger le conseil de discipline ou l'AIPN à faire procéder à un examen psychiatrique du requérant. En effet, pour que l'imputabilité au requérant de son comportement puisse être mise en doute, ce qui aurait rendu un examen psychiatrique nécessaire, il aurait fallu qu'il présente d'autres éléments, comme des certificats médicaux.
106 Or, force est de constater qu'en l'espèce le requérant n'a présenté aucun indice de nature à établir que, en raison de son état mental, il n'était pas responsable de son comportement. Il s'ensuit que ni le conseil de discipline ni l'AIPN n'était obligé de faire procéder à un examen psychiatrique du requérant.
107 Il ressort de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.
108 Il résulte de tout ce qui précède que le premier chef des conclusions de la requête doit être rejeté. Les autres chefs de conclusions n'ayant pas de portée autonome par rapport à celui-ci, il convient de les rejeter également, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité.
109 Le recours doit donc être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
110 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL
(quatrième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chacune des parties supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
(1) Certaines dates et données sont occultées dans la version non confidentielle de l'arrêt.