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Document 62019CO0011

Ordonnance de la Cour (neuvième chambre) du 6 février 2020.
Azienda ULSS n. 6 Euganea contre Pia Opera Croce Verde Padova.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.
Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Article 10, sous h) – Article 12, paragraphe 4 – Exclusions spécifiques pour les marchés de services – Services de défense civile, de protection civile et de prévention des risques – Organisations ou associations à but non lucratif – Service de transport sanitaire ordinaire et d’urgence – Législation régionale imposant prioritairement de recourir à un partenariat entre pouvoirs adjudicateurs – Liberté des États membres quant au choix du mode de prestation de services – Limites – Obligation de motivation.
Affaire C-11/19.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2020:88

 ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

6 février 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Article 10, sous h) – Article 12, paragraphe 4 – Exclusions spécifiques pour les marchés de services – Services de défense civile, de protection civile et de prévention des risques – Organisations ou associations à but non lucratif – Service de transport sanitaire ordinaire et d’urgence – Législation régionale imposant prioritairement de recourir à un partenariat entre pouvoirs adjudicateurs – Liberté des États membres quant au choix du mode de prestation de services – Limites – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑11/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 26 juillet 2018, parvenue à la Cour le 7 janvier 2019, dans la procédure

Azienda ULSS n. 6 Euganea

contre

Pia Opera Croce Verde Padova,

en présence de :

Azienda Ospedaliera di Padova,

Regione Veneto,

Croce Verde Servizi,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Pia Opera Croce Verde Padova, par Mes A. Veronese et R. Colagrande, avvocati,

pour le gouvernement roumain, par MM. C.‑R. Canţăr et S.‑A. Purza, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et P. Ondrůšek ainsi que par Mme L. Haasbeek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10, sous h), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), lu en combinaison avec le considérant 28 de cette directive, ainsi que de l’article 12, paragraphe 4, de ladite directive.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Azienda ULSS n. 6 Euganea (agence unité locale socio-sanitaire no 6 Euganea, Italie) (ci-après l’« AULSS no 6 ») à Pia Opera Croce Verde Padova (Œuvre caritative Croix Verte de Padoue, Italie) (ci-après la « Croce Verde ») au sujet de l’attribution du service de transport sanitaire de patients en ambulance et hémodialysés depuis l’AULSS no 6 et l’Azienda Ospedaliera di Padova (Centre hospitalier de Padoue, Italie).

Le cadre juridique

La directive 2014/24

3

Les considérants 2, 5, 28, 31 et 33 de la directive 2014/24 énoncent :

« (2)

Les marchés publics jouent un rôle essentiel dans la stratégie Europe 2020, exposée dans la communication de la Commission [européenne] du 3 mars 2010 intitulée “Europe 2020, une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive” [...], dans la mesure où ils constituent l’un des instruments fondés sur le marché à utiliser pour parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive, tout en garantissant l’utilisation optimale des fonds publics. À cette fin, les règles de passation des marchés publics adoptées en application de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil[, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1),] ainsi que de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil[, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114),] devraient être révisées et modernisées pour accroître l’efficacité de la dépense publique, en facilitant notamment la participation des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés publics, et pour permettre aux acheteurs de mieux utiliser l’instrument des marchés publics au service d’objectifs sociétaux communs. Il est également nécessaire d’éclaircir certains concepts et notions fondamentaux afin de garantir la sécurité juridique et de prendre en compte certains aspects de la jurisprudence bien établie de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière.

[...]

(5)

Il convient de rappeler que rien dans la présente directive ne fait obligation aux États membres de confier à des tiers ou d’externaliser la fourniture de services qu’ils souhaitent fournir eux-mêmes ou organiser autrement que par la passation d’un marché public au sens de la présente directive. [...]

[...]

(28)

La présente directive ne devrait pas s’appliquer à certains services d’urgence lorsque ceux-ci sont fournis par des organisations ou associations à but non lucratif, étant donné qu’il serait difficile de préserver la nature particulière de telles organisations si les prestataires de services devaient être sélectionnés conformément aux procédures définies dans la présente directive. Il convient toutefois que cette exclusion n’aille pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Par conséquent, il convient d’indiquer expressément que les services ambulanciers de transport de patients ne devraient pas être exclus. Dans ce contexte, il est en outre nécessaire de préciser que le code CPV [Common Procurement Vocabulary (vocabulaire commun pour les marchés publics)] 601 “Services de transport terrestre” n’inclut pas les services ambulanciers, qui relèvent de la classe CPV 8514. Il convient dès lors de préciser que les services relevant du code CPV 85143000-3, qui comprend exclusivement les services ambulanciers de transport de patients, devraient être soumis au régime spécial établi pour les services sociaux et autres services spécifiques (ci-après dénommé “régime assoupli”). Par conséquent, les marchés mixtes portant sur la fourniture de services ambulanciers en général seraient également soumis au régime assoupli si la valeur des services ambulanciers de transport de patients était supérieure à la valeur d’autres services ambulanciers.

[...]

(31)

Il existe une importante insécurité juridique quant à la question de savoir dans quelle mesure les règles sur la passation des marchés publics devraient s’appliquer aux marchés conclus entre entités appartenant au secteur public. La jurisprudence applicable de la Cour de justice de l’Union européenne fait l’objet d’interprétations divergentes entre États membres et même entre pouvoirs adjudicateurs. Il est dès lors nécessaire de préciser dans quels cas les marchés conclus au sein du secteur public ne sont pas soumis à l’application des règles relatives à la passation des marchés publics.

Ces précisions devraient s’appuyer sur les principes énoncés dans la jurisprudence pertinente de la Cour de justice de l’Union européenne. La seule circonstance que les deux parties à un accord sont elles-mêmes des pouvoirs publics n’exclut pas en soi l’application des règles relatives à la passation des marchés publics. L’application de ces règles ne devrait toutefois pas interférer avec la liberté des pouvoirs publics d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées en utilisant leurs propres ressources, ce qui inclut la possibilité de coopérer avec d’autres pouvoirs publics.

Il convient de veiller à ce qu’aucune coopération public-public ainsi exclue n’entraîne de distorsion de concurrence à l’égard des opérateurs économiques privés dans la mesure où cela place un prestataire de services privé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

[...]

(33)

Les pouvoirs adjudicateurs devraient pouvoir choisir de fournir conjointement leurs services publics par la voie de la coopération, sans être contraints de recourir à une forme juridique particulière. Cette coopération pourrait porter sur tous les types d’activités liées à l’exécution de services et à l’exercice de responsabilités confiées aux pouvoirs adjudicateurs participants ou assumées par eux, telles que des missions obligatoires ou volontaires relevant d’autorités locales ou régionales ou des services confiés à des organismes particuliers par le droit public. Les services fournis par les différents pouvoirs adjudicateurs participants ne doivent pas nécessairement être identiques ; ils pourraient également être complémentaires.

Les marchés concernant la fourniture conjointe de services publics ne devraient pas être soumis à l’application des règles établies dans la présente directive, à condition qu’ils soient conclus exclusivement entre pouvoirs adjudicateurs, que la mise en œuvre de cette coopération n’obéisse qu’à des considérations d’intérêt public et qu’aucun prestataire privé de services ne soit placé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

Pour que ces conditions soient remplies, il convient que la coopération soit fondée sur le concept de coopération. Cette coopération n’exige pas que tous les pouvoirs participants se chargent de l’exécution des principales obligations contractuelles, tant que l’engagement a été pris de coopérer à l’exécution du service public en question. En outre, la mise en œuvre de la coopération, y compris tout transfert financier entre les pouvoirs adjudicateurs participants, ne devrait obéir qu’à des considérations d’intérêt public. »

4

L’article 2, paragraphe 1, point 4, de cette directive définit l’« organisme de droit public » en ces termes :

« tout organisme présentant toutes les caractéristiques suivantes :

a)

il a été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ;

b)

il est doté de la personnalité juridique ; et

c)

soit il est financé majoritairement par l’État, les autorités régionales ou locales ou par d’autres organismes de droit public, soit sa gestion est soumise à un contrôle de ces autorités ou organismes, soit son organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les autorités régionales ou locales ou d’autres organismes de droit public ».

5

Intitulé « Champ d’application et définitions », le chapitre I de ladite directive comporte une section 3 consacrée aux « [e]xclusions », laquelle comprend les articles 7 à 12 de la même directive.

6

Intitulé « Exclusions spécifiques pour les marchés de services », l’article 10 de la directive 2014/24 dispose :

« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics de services ayant pour objet :

[...]

h)

les services de défense civile, de protection civile et de prévention des risques qui sont fournis par des organisations ou des associations à but non lucratif et qui relèvent des codes CPV 75250000-3 [Services d’incendie et de secours], 75251000-0 [Services d’incendie], 75251100-1 [Services de lutte contre l’incendie], 75251110-4 [Services de prévention des incendies], 75251120-7 [Services de lutte contre les incendies de forêt], 75252000-7 [Services de secours/sauvetage], 75222000-8 [Services de protection civile], 98113100-9 [Services de sûreté nucléaire] et 85143000-3 [Services ambulanciers] excepté les services ambulanciers de transport de patients ;

[...] »

7

Intitulé « Marchés publics passés entre entités appartenant au secteur public », l’article 12 de cette directive dispose :

« 1.   Un marché public attribué par un pouvoir adjudicateur à une personne morale régie par le droit privé ou le droit public ne relève pas du champ d’application de la présente directive lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;

b)

plus de 80 % des activités de cette personne morale contrôlée sont exercées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle ; et

c)

la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

[...]

4.   Un marché conclu exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus ne relève pas du champ d’application de la présente directive, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;

b)

la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public ; et

c)

les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération ;

[...] »

8

Le régime assoupli mentionné au considérant 28 de ladite directive est défini aux articles 74 à 77 de cette directive.

Le droit italien

9

Consacré aux « [a]ccords entre administrations publiques », l’article 15 de la legge n. 241 – Nuove norme in materia di procedimento amministrativo e di diritto di accesso ai documenti amministrativi (loi no 241, portant nouvelles règles relatives à la procédure administrative et au droit d’accès aux documents administratifs), du 7 août 1990 (GURI no 192, du 18 août 1990), dans sa version applicable aux faits de l’affaire au principal (ci-après la « loi no 241/1990 »), dispose, à son paragraphe 1 :

« Même en dehors des cas prévus à l’article 14, les administrations publiques ont toujours la faculté de conclure entre elles des accords portant sur une coopération dans des activités présentant un intérêt commun. »

10

Intitulé « Principes communs en matière d’exclusion pour les concessions, les marchés publics et les accords entre organismes publics et pouvoirs adjudicateurs dans le cadre du secteur public », l’article 5 du decreto legislativo n. 50 – Codice dei contratti pubblici (décret législatif no 50, portant code des contrats publics), du 18 avril 2016 (supplément ordinaire à la GURI no 91, du 19 avril 2016, ci-après le « code des contrats publics »), prévoit, à son paragraphe 6 :

« Un accord conclu exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus ne relève pas du champ d’application du présent code, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs ou les entités publiques adjudicatrices participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;

b)

la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public ; et

c)

les pouvoirs adjudicateurs ou les entités publiques adjudicatrices participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération. »

11

L’article 17 de ce code, qui s’intitule « Exclusions spécifiques pour les marchés et concessions de services », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les dispositions du présent code ne s’appliquent pas aux marchés publics et concessions de services ayant pour objet :

[...]

h)

les services de défense civile, de protection civile et de prévention des risques qui sont fournis par des organisations ou des associations à but non lucratif et qui relèvent des codes CPV 75250000-3 [Services d’incendie et de secours], 75251000-0 [Services d’incendie], 75251100-1 [Services de lutte contre l’incendie], 75251110-4 [Services de prévention des incendies], 75251120-7 [Services de lutte contre les incendies de forêt], 75252000-7 [Services de secours/sauvetage], 75222000-8 [Services de protection civile], 98113100-9 [Services de sûreté nucléaire] et 85143000-3 [Services ambulanciers], excepté les services ambulanciers de transport de patients ;

[...] ».

12

Le decreto legislativo n. 117 – Codice del Terzo settore (décret législatif no 117, portant code du troisième secteur), du 3 juillet 2017 (supplément ordinaire à la GURI no 179, du 2 août 2017), dispose, au paragraphe 1 de l’article 57, intitulé « Service de transport sanitaire d’extrême urgence et d’urgence » :

« Les services de transport d’extrême urgence et d’urgence en ambulance peuvent être attribués en priorité, par voie de convention, à des organisations de bénévolat inscrites depuis au moins six mois au registre national unique du troisième secteur, faisant partie d’un réseau associatif visé à l’article 41, paragraphe 2, et agréées conformément à la réglementation régionale applicable, le cas échéant, lorsque, en raison de la nature spécifique des services, l’attribution directe garantit l’exécution des services d’intérêt général dans le cadre d’un système contribuant effectivement à un objectif social et poursuivant des objectifs de solidarité, dans des conditions d’efficacité économique et d’adéquation, ainsi que dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination. »

13

La legge regionale n. 26 – Disciplina del sistema regionale di trasporto sanitario di soccorso ed emergenza (loi régionale no 26, portant réglementation du système régional de transport sanitaire de secours et d’intervention d’urgence), du 27 juillet 2012 (Bollettino Ufficiale della Regione del Veneto no 61, du 3 août 2012, ci‑après la « loi régionale no 26/2012 »), établit le « système régional de transport de secours et d’urgence en ambulance ».

14

L’article 1er de cette loi, intitulé « Objet et finalités », prévoit :

« 1.   La région de la Vénétie [(Italie)] réglemente le système régional de transport de secours et d’urgence en ambulance en octroyant aux établissements de santé et aux associations autorisées et accréditées la possibilité de participer à l’exécution des activités de transport de secours et d’urgence à caractère intrinsèquement médical, compte tenu de leur répartition géographique, de leur enracinement dans le tissu social et médical de la Vénétie, ainsi que des valeurs d’efficacité et de qualité du service rendu, dans l’intérêt général et dans le respect des principes d’universalité, de solidarité, d’économie et d’adéquation. »

15

Intitulé « Définitions », l’article 2 de ladite loi dispose, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de la présente loi, est définie comme [“]transport de secours et d’urgence en ambulance[”] l’activité effectuée au moyen de véhicules de secours par le personnel, de santé ou autre, chargé de ce service, dans l’exercice des fonctions suivantes :

a)

les services de transport d’urgence effectués au moyen de véhicules de secours et dirigés par les centrales opérationnelles de coordination du [Servizio urgenze ed emergenze mediche (service médical d’urgence) (SUEM)] ;

b)

les services de transport prévus dans le cadre des [livelli essenziali di assistenza (niveaux essentiels de prise en charge) (LEA)] effectués au moyen de véhicules de secours ;

c)

les services de transport dans le cadre desquels la pathologie du patient exige exclusivement l’utilisation d’un véhicule de secours et, durant le trajet, nécessite l’assistance de personnel de santé ou de personnel formé à cet effet, ainsi que la garantie de la continuité des soins. »

16

Aux termes de l’article 4 de la loi régionale no 26/2012, qui concerne la « [l]iste régionale » :

« 1.   Dans les 60 jours à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le conseil régional approuve une liste régionale dans laquelle, dans une première phase, sont inscrits les établissements de santé et associations déjà autorisés qui effectuent l’activité de transport de secours et d’urgence en ambulance sur le territoire régional depuis au moins cinq ans, pour le compte des [unità locali socio-sanitarie (unités locales socio-sanitaires) (ULSS)] compétentes sur le territoire, sur la base de contrats et ou de conventions spécifiques conclus à cette fin et qui satisfont aux conditions d’autorisation visées à la [legge regionale n. 22 – Autorizzazione e accreditamento delle strutture sanitarie, socio-sanitarie e sociali (loi régionale no 22, portant autorisation et accréditation d’installations sanitaires, socio-sanitaires et sociales), du 16 août 2002 (Bollettino Ufficiale della Regione del Veneto n. 82)] et ses modifications successives, dans le respect de la réglementation européenne en matière de liberté d’établissement et de libre circulation des services.

2.   Outre les personnes visées au paragraphe 1, sont inscrits dans la liste régionale prévue par le même paragraphe les comités de la Croix‑Rouge italienne (CRI), à la suite d’un accord spécifique conclu avec le comité régional Vénète de la même organisation, ainsi que les Istituti Pubblici di Assistenza e Beneficienza (instituts publics d’assistance et de bienfaisance) (IPAB) qui effectuent des activités de transport de secours et d’urgence en ambulance, sur accord et déclaration substitutive quant à la satisfaction des conditions d’autorisation prévues par la loi régionale [no 22] et ses modifications successives ainsi que des conditions indiquées par le conseil régional, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, dans le respect de la réglementation européenne en matière de liberté d’établissement et de libre circulation des services.

3.   La liste régionale mentionnée au paragraphe 1 est mise à jour chaque année, avec de nouveaux établissements médicaux et associations qui satisfont aux conditions d’autorisation et d’accréditation prévues par la loi régionale [no 22] et ses modifications successives.

4.   Les personnes inscrites sur la liste régionale sont soumises à des vérifications périodiques, visant à établir que ces conditions sont toujours remplies. »

17

L’article 5 de cette loi, relatif à l’« [o]rganisation de l’activité de transport de secours et d’urgence en ambulance », dispose :

« 1.   L’activité de transport de secours et d’urgence en ambulance est effectuée par les [ULSS] ainsi que par les personnes inscrites sur la liste régionale visée à l’article 4.

2.   Les rapports avec les [ULSS], ainsi que les modalités selon lesquelles les personnes inscrites sur la liste régionale visée à l’article 4 participent à l’activité de secours et d’urgence sont régis par des conventions spécifiques, conclues sur la base d’un modèle type approuvé par le conseil régional et publiées conformément aux dispositions de la réglementation nationale et européenne en vigueur en matière de marchés publics.

3.   Les conventions visées au paragraphe 2 prévoient un système de budget défini suivant des critères fondés sur l’application de coûts standards déterminés par le conseil régional et mis à jour tous les trois ans.

[...]

5.   Si l’activité de transport de secours et d’urgence en ambulance ne peut pas être assurée par les personnes inscrites sur la liste régionale visée à l’article 4, les [ULSS] peuvent la confier à des personnes déterminées, à titre onéreux, au moyen de procédures d’adjudication publiques, dans le respect des dispositions de la réglementation nationale et européenne en vigueur en matière de marchés publics, lesquelles répondent aux exigences permettant de garantir des niveaux adéquats de qualité et de valoriser la fonction sociale du service. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

En 2017, l’AULSS no 6 a lancé un appel d’offres en vue de l’attribution, suivant le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse, du marché concernant le service de transport sanitaire de patients en ambulance et hémodialysés pour une durée de cinq ans, avec une année supplémentaire en option (ci-après l’« appel d’offres litigieux »). La valeur annuelle de ce marché était estimée à 5043560 euros, correspondant, pour la période de cinq ans, à 25217800 euros.

19

La Croce Verde a contesté devant le Tribunale amministrativo regionale del Veneto (tribunal administratif régional de Vénétie, Italie) la décision de l’AULSS no 6 d’opter pour la passation d’un marché public plutôt que pour un partenariat entre entités appartenant au secteur public. En effet, lorsque les conditions requises pour conclure un tel partenariat sont remplies, la loi régionale no 26/2012 imposerait de conclure une convention régie par l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 et l’article 5, paragraphe 6, du code des contrats publics avec l’organisme public agréé, sans qu’il y ait lieu d’envisager la passation d’un marché public, voire d’un marché public soumis au régime simplifié, tel que prévu à l’article 10, sous h), de cette directive et à l’article 17, paragraphe 1, sous h), dudit code.

20

À cet égard, la Croce Verde fait valoir qu’elle est non pas une simple association de droit privé faisant du bénévolat, mais un établissement public non économique, plus précisément un IPAB. À ce titre, elle participerait depuis plus d’un siècle à l’assistance sanitaire des habitants du territoire de Padoue (Italie), en assurant principalement le transport, sans but lucratif, de blessés et de malades. Elle se serait d’ailleurs vu attribuer le service d’urgence et d’extrême urgence médicales de l’AULSS no 6 par une convention conclue le 22 décembre 2017, en application de la loi régionale no 26/2012. Par ailleurs, à l’issue d’un appel d’offres lancé en 2010, qui avait été prorogé à deux reprises et qui était arrivé à expiration le 31 mars 2018, le service de transport ordinaire lui aurait également été attribué.

21

Le Tribunale amministrativo regionale del Veneto (tribunal administratif régional de Vénétie) a toutefois considéré que les articles 10 et 74 de la directive 2014/24 ainsi que l’article 17, paragraphe 1, sous h), du code des contrats publics prévoyaient d’attribuer le marché du transport en ambulance à caractère non urgent au moyen d’un appel d’offres.

22

Cette juridiction ayant néanmoins accueilli le moyen tiré de l’absence d’habilitation de l’AULSS no 6 à organiser l’appel d’offres litigieux, cette dernière a interjeté appel du jugement du Tribunale amministrativo regionale del Veneto (tribunal administratif régional de Vénétie) portant sur ce point devant la juridiction de renvoi, à savoir le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

23

La juridiction de renvoi, qui a rejeté l’appel principal, doit encore se prononcer sur l’appel incident dans le cadre duquel la Croce Verde réitère l’argumentation qu’elle avait soulevée en première instance.

24

La juridiction de renvoi estime qu’il convient de distinguer, d’une part, le service de secours sanitaire d’extrême urgence et, d’autre part, le service de transport en ambulance. L’article 10 de la directive 2014/24, lu en combinaison avec le considérant 28 de cette dernière, ainsi que l’article 17, paragraphe 1, sous h), du code des contrats publics excluraient des règles de passation des marchés publics le service de secours sanitaire d’extrême urgence, qui consiste, pour des organisations sans but lucratif, à transporter en ambulance et à fournir les premiers secours à un patient en situation d’extrême urgence. En revanche, le service de transport en ambulance ne présentant pas de caractère d’urgence, il serait, quant à lui, soumis au « régime assoupli » établi par les articles 74 à 77 de la directive 2014/24 dès lors que, comme dans l’affaire au principal, sa valeur est au moins égale au seuil de 750000 euros prévu par la directive 2014/24.

25

Cela étant, l’article 5 de la loi régionale no 26/2012 prévoirait que, lorsqu’il n’est pas effectué directement par les ULSS, le transport « de secours et d’urgence » en ambulance doit être effectué par des personnes inscrites sur la liste régionale visée à l’article 4 de cette loi et que les relations avec ces ULSS ainsi que les modalités d’exécution dudit service sont régies par des conventions ad hoc. En outre, le marché portant sur l’activité de transport sanitaire de secours et d’urgence en ambulance ne pourrait être attribué à l’issue d’un appel public à la concurrence que lorsque cette activité ne peut pas être assurée par les personnes inscrites sur ladite liste régionale.

26

D’ailleurs, en vertu de l’article 2 de la loi régionale no 26/2012, le régime de l’attribution du marché portant sur le service de « transport de secours et d’urgence » aurait pour champ d’application l’activité exercée au moyen de véhicules de secours par, entre autres, du personnel de santé, consistant notamment en des « services de transport prévus dans le cadre des niveaux essentiels de prise en charge (LEA) effectués au moyen de véhicules de secours » ainsi qu’en des « services de transport dans le cadre desquels la pathologie du patient exige exclusivement l’utilisation d’un véhicule de secours et, durant le trajet, nécessite l’assistance de personnel de santé ou de personnel formé à cet effet, ainsi que la garantie de la continuité des soins ». Selon la juridiction de renvoi, les activités couvertes par ledit régime seraient donc des activités, surtout dans le dernier cas, qui semblent relever non pas du transport d’urgence, mais du transport ordinaire de patients.

27

Par conséquent, la juridiction de renvoi estime que le service en cause au principal peut être qualifié de « service de transport ordinaire » ou de « service de transport sanitaire de secours », et non pas de « service de transport sanitaire d’extrême urgence ». Dès lors, conformément à l’article 5 de la loi régionale no 26/2012, la juridiction de renvoi considère que le pouvoir adjudicateur ne pourrait recourir à un appel d’offres qu’en cas d’impossibilité de procéder à une attribution directe du marché moyennant une convention.

28

La juridiction de renvoi doute toutefois de la compatibilité au droit de l’Union de l’article 5 de la loi régionale no 26/2012, lorsque cette disposition est appliquée pour d’autres services que les services de transport sanitaire de secours et d’urgence. Ce doute concernerait d’ailleurs également l’hypothèse dans laquelle l’attribution directe du marché constituerait la mise en œuvre d’un partenariat entre pouvoirs adjudicateurs.

29

La juridiction de renvoi relève que, en vertu de l’article 15 de la loi no 241/1990, les organismes publics peuvent toujours utiliser l’instrument de la convention pour conclure entre eux des accords visant à encadrer le déroulement en coopération de l’activité d’intérêt commun. Néanmoins, une telle collaboration entre organismes publics ne saurait remettre en cause l’objectif principal des règles de l’Union applicables en matière de marchés publics, à savoir la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres.

30

L’article 5, paragraphe 6, du code des contrats publics confirmerait l’exclusion de l’application des règles de passation des marchés publics lorsque les conditions qu’il pose sont réunies. Or, tel serait le cas en l’occurrence. En effet, l’AULSS no 6 et la Croce Verde auraient pour objectifs communs de faire participer des personnes inscrites sur la liste régionale visée l’article 4 de la loi régionale no 26/2012 et d’encourager le bénévolat. En outre, la Croce Verde serait inscrite sur ladite liste régionale en sa qualité d’IPAB. Enfin, elle exercerait une part minimale de son activité sur le marché du service de transport sanitaire de secours et d’urgence.

31

La juridiction de renvoi relève toutefois que l’article 15 de la loi no 241/1990 et l’article 5, paragraphe 6, du code des contrats publics se bornent à présenter le partenariat entre entités appartenant au secteur public comme une alternative à la passation d’un marché public et qu’ils ne sauraient l’imposer comme une modalité prioritaire. L’accord entre administrations adjudicatrices serait donc une option ouverte aux pouvoirs adjudicateurs et requerrait la formation d’une entente bilatérale entre les parties contractantes. Il s’ensuivrait qu’un pouvoir adjudicateur pourrait seulement exprimer sa volonté de conclure un tel partenariat, sans pouvoir contraindre un autre pouvoir adjudicateur à opter pour cette option. La juridiction de renvoi relève, à cet égard, que, en l’occurrence, l’AULSS no 6 n’a pas entendu se prévaloir de cette faculté puisqu’elle a décidé de lancer l’appel d’offres litigieux.

32

Par ailleurs, la juridiction de renvoi estime que l’article 5 de la loi régionale no 26/2012 ne saurait obliger le pouvoir adjudicateur à motiver son choix d’attribuer le marché portant sur le service en cause au principal moyennant un appel d’offres. En effet, une telle exigence de motivation ne se justifierait que dans l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur entendrait recourir à une attribution directe, à l’issue de négociations bilatérales, puisqu’une telle démarche ne permettrait pas de disposer d’éléments de comparaison destinés à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse.

33

À l’inverse, la procédure d’appel d’offres garantirait le respect des principes du droit de l’Union que sont les principes d’impartialité, de publicité, de transparence, de participation et d’égalité de traitement, par la comparaison de plusieurs offres au regard du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse.

34

Ainsi, dès lors que le droit de l’Union ne qualifie pas des intérêts généraux différents et concomitants, tels que la mise en valeur du bénévolat, le recours à l’attribution directe du marché au moyen d’une convention ne saurait se justifier. Tel serait le cas en l’occurrence puisque la Croce Verde prétend être la seule personne agréée dans la région de la Vénétie ayant la qualité d’établissement public, ce qui exclurait toute concurrence et comparaison entre les potentiels opérateurs intéressés par la prestation de service en cause au principal. En revanche, à l’instar des autres organisations de bénévolat inscrites sur la liste régionale visée à l’article 4 de la loi régionale no 26/2012, la Croce Verde aurait pleinement le droit, en tant qu’opérateur économique, de participer à l’appel d’offres litigieux et pourrait ainsi faire valoir dans ce cadre le caractère avantageux de son offre.

35

C’est dans ce contexte que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Dans le cas où les deux parties sont des organismes publics, le considérant 28, l’article 10 et l’article 12, paragraphe 4, de la directive [2014/24] s’opposent‑ils à l’application de l’article 5, en combinaison avec les articles 1er [à] 4 de la loi régionale [no 26/2012], sur la base du partenariat public-public visé à l’article 12, paragraphe 4, [de cette directive], [à l’]articl[e] 5, paragraphe 6, du [code des contrats publics] et [à l’article] 15 de la loi no 241/1990 ?

2)

Dans le cas où les deux parties sont des organismes publics, le considérant 28, l’article 10 et l’article 12, paragraphe 4, de la directive [2014/24] s’opposent‑ils à l’application des dispositions de la loi régionale [no 26/2012], sur la base du partenariat public-public visé à l’article 12, paragraphe 4, [de cette directive] et [à l’]articl[e] 5, paragraphe 6, du [code des contrats publics] et [à l’article] 15 de la loi no 241/1990, seulement dans le sens d’obliger le pouvoir adjudicateur à fournir les motivations du choix de confier le service de transport sanitaire ordinaire par voie d’appel d’offres, au lieu de l’attribuer directement moyennant une convention ? »

Sur les questions préjudicielles

36

En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

37

Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

Sur la première question

38

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation régionale qui subordonne la passation d’un marché public à la circonstance qu’un partenariat entre entités appartenant au secteur public ne permette pas d’assurer le service de transport sanitaire ordinaire.

39

Ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 3 octobre 2019, Irgita (C‑285/18, ci-après l’« arrêt Irgita , EU:C:2019:829, point 41), la directive 2014/24 a pour objet, comme l’énonce son considérant 1, de coordonner les procédures nationales de passation de marchés dépassant un certain montant.

40

Il ressort du point 43 de l’arrêt Irgita que l’article 12, paragraphe 1, de cette directive, relatif aux opérations internes, également dénommées « contrats in house», qui se limite ainsi à préciser les conditions qu’un pouvoir adjudicateur doit respecter lorsqu’il souhaite conclure une opération interne, a seulement pour effet d’habiliter les États membres à exclure une telle opération du champ d’application de la directive 2014/24.

41

Cette disposition ne saurait, par conséquent, priver les États membres de la liberté de privilégier un mode de prestation de services, d’exécution de travaux ou d’approvisionnement en fournitures au détriment des autres. En effet, cette liberté implique un choix qui s’effectue à un stade antérieur à celui de la passation d’un marché et qui ne saurait, dès lors, relever du champ d’application de la directive 2014/24 (arrêt Irgita, point 44).

42

La liberté des États membres quant au choix du mode de prestation de services par lequel les pouvoirs adjudicateurs pourvoiront à leurs propres besoins découle également du considérant 5 de la directive 2014/24, qui énonce que « rien dans la présente directive ne fait obligation aux États membres de confier à des tiers ou d’externaliser la fourniture de services qu’ils souhaitent fournir eux-mêmes ou organiser autrement que par la passation d’un marché public au sens de la présente directive », consacrant, en cela, la jurisprudence de la Cour antérieure à ladite directive (arrêt Irgita, point 45).

43

Ainsi, de même que la directive 2014/24 n’oblige pas les États membres à recourir à une procédure de passation de marché public, elle ne saurait les contraindre à recourir à une opération interne lorsque les conditions prévues à l’article 12, paragraphe 1, sont remplies (arrêt Irgita, point 46).

44

D’ailleurs, comme la Cour l’a relevé au point 47 de l’arrêt Irgita, la liberté ainsi laissée aux États membres est plus nettement mise en lumière à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1), aux termes duquel :

« La présente directive reconnaît le principe de libre administration par les autorités nationales, régionales et locales, conformément au droit national et de l’Union. Ces autorités sont libres de décider du mode de gestion qu’elles jugent le plus approprié pour l’exécution de travaux ou la prestation de services, pour assurer notamment un niveau élevé de qualité, de sécurité et d’accessibilité, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des usagers en matière de services publics.

Les autorités peuvent choisir d’exécuter leurs missions d’intérêt public en utilisant leurs propres ressources ou en coopération avec d’autres autorités, ou de déléguer ces missions à des opérateurs économiques. »

45

La liberté dont disposent les États membres quant au choix du mode de gestion qu’ils jugent le plus approprié pour l’exécution de travaux ou la prestation de services ne saurait toutefois être illimitée. Elle doit, au contraire, s’exercer dans le respect des règles fondamentales du traité FUE, notamment de la libre circulation des marchandises, de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, ainsi que des principes qui en découlent comme l’égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence (arrêt Irgita, point 48).

46

En conséquence, la Cour a relevé, au point 50 de l’arrêt Irgita, que l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une règle nationale par laquelle un État membre subordonne la conclusion d’une opération interne, notamment, à la condition que la passation d’un marché public ne permette pas de garantir la qualité des services réalisés, leur accessibilité ou leur continuité, tant que le choix exprimé en faveur d’un mode de prestation de services en particulier, et effectué à un stade antérieur à celui de la passation de marché public, respecte les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de reconnaissance mutuelle, de proportionnalité et de transparence.

47

Il découle des considérations qui précèdent que, en premier lieu, la liberté des États membres quant au choix du mode de prestation de services par lequel les pouvoirs adjudicateurs pourvoiront à leurs propres besoins les autorise, mutatis mutandis, à subordonner la passation d’un marché public à l’impossibilité de conclure un partenariat entre pouvoirs adjudicateurs, conformément aux conditions posées à l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24.

48

Aux termes de cette disposition, un partenariat entre pouvoirs adjudicateurs ne peut être conclu que si le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun, si la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public et si les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération.

49

À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission dans ses observations écrites, que, même si la Croce Verde constitue un IPAB, il n’est pas certain pour autant qu’elle constitue un « organisme de droit public » au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 4, de la directive 2014/24.

50

Il appartient également à la juridiction de renvoi de s’assurer que l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la loi régionale no 26/2012 est effectivement de nature à établir l’existence d’une coopération entre pouvoirs adjudicateurs dès lors que, aux termes de cette disposition, les rapports entre les ULSS et les personnes inscrites sur la liste régionale visée à l’article 4 de cette loi et qui participent à l’activité de secours et d’urgence sont régis par des conventions spécifiques, conclues sur la base d’un modèle type approuvé par le conseil régional.

51

En second lieu, la liberté des États membres quant au choix du mode de prestation de services par lequel les pouvoirs adjudicateurs pourvoiront à leurs propres besoins les autorise, dans le cadre des services de défense civile, de protection civile et de prévention des risques, à privilégier la passation, avec des organisations ou des associations à but non lucratif, d’un marché soumis au régime assoupli, défini aux articles 74 à 77 de la directive 2014/24, sous réserve de respecter les conditions prévues à l’article 10, sous h), de cette directive.

52

À cet égard, il convient de rappeler que l’article 10, sous h), de ladite directive doit être interprété en ce sens que l’exclusion de l’application des règles de passation des marchés publics qu’il prévoit couvre la prise en charge de patients en situation d’urgence dans un véhicule de secours par un secouriste/ambulancier, couverte par le code CPV 75252000-7 (services de secours) ainsi que le transport en ambulance qualifié, couvert par le code CPV 85143000-3 (services ambulanciers), pour autant, s’agissant du transport en ambulance qualifié, qu’il est effectivement assuré par un personnel dûment formé aux premiers secours et qu’il vise un patient pour lequel existe un risque de dégradation de son état de santé durant ce transport (arrêt du 21 mars 2019, Falck Rettungsdienste et Falck, C‑465/17, EU:C:2019:234, point 51). Le bénéfice de cette exclusion suppose, en outre, que le service ambulancier soit fourni par des organisations ou des associations à but non lucratif au sens de cette disposition et qu’une situation d’urgence soit caractérisée (ordonnance du 20 juin 2019, Italy Emergenza et Associazione Volontaria di Pubblica Assistenza  Croce Verde , C‑424/18, EU:C:2019:528, point 28).

53

Enfin, dans les deux hypothèses mentionnées aux points 47 et 51 de la présente ordonnance, il appartient aux États membres, dans l’exercice de leur liberté de choix du mode de prestation de services par lequel les pouvoirs adjudicateurs pourvoiront à leurs propres besoins, de veiller au respect des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de reconnaissance mutuelle, de proportionnalité et de transparence (arrêt Irgita, point 48).

54

Il y a donc lieu de répondre à la première question que l’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation régionale qui subordonne la passation d’un marché public à la circonstance qu’un partenariat entre entités appartenant au secteur public ne permette pas d’assurer le service de transport sanitaire ordinaire, tant que le choix exprimé en faveur d’un mode de prestation de services en particulier, et effectué à un stade antérieur à celui de la passation de marché public, respecte les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de reconnaissance mutuelle, de proportionnalité et de transparence.

Sur la seconde question

55

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation régionale qui impose au pouvoir adjudicateur de motiver son choix d’attribuer le marché portant sur le service de transport sanitaire ordinaire par voie d’appel d’offres plutôt que de l’attribuer directement moyennant une convention conclue avec un autre pouvoir adjudicateur.

56

Ainsi qu’il ressort de la réponse apportée à la première question, ni l’article 10, sous h), ni l’article 12, paragraphe 4, de cette directive ne s’oppose à une réglementation régionale qui n’envisage la passation d’un marché public qu’à titre subsidiaire et dérogatoire.

57

Partant, le droit de l’Union, en particulier l’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24, ne saurait s’opposer à une réglementation régionale qui impose au pouvoir adjudicateur de démontrer que les conditions d’application de ces dispositions ne sont pas remplies.

58

Il convient donc de répondre à la seconde question que l’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation régionale qui impose au pouvoir adjudicateur de motiver son choix d’attribuer le marché portant sur le service de transport sanitaire ordinaire par voie d’appel d’offres plutôt que de l’attribuer directement moyennant une convention conclue avec un autre pouvoir adjudicateur.

Sur les dépens

59

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation régionale qui subordonne la passation d’un marché public à la circonstance qu’un partenariat entre entités appartenant au secteur public ne permette pas d’assurer le service de transport sanitaire ordinaire, tant que le choix exprimé en faveur d’un mode de prestation de services en particulier, et effectué à un stade antérieur à celui de la passation de marché public, respecte les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de reconnaissance mutuelle, de proportionnalité et de transparence.

 

2)

L’article 10, sous h), et l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation régionale qui impose au pouvoir adjudicateur de motiver son choix d’attribuer le marché portant sur le service de transport sanitaire ordinaire par voie d’appel d’offres plutôt que de l’attribuer directement moyennant une convention conclue avec un autre pouvoir adjudicateur.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.

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