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Document 62019TO0660(01)

Order of the General Court (Eighth Chamber) of 16 December 2020.
Universität Bremen v Research Executive Agency.
Action for annulment – Grant proposal – Framework Programme for Research and Innovation ‘Horizon 2020’ – Call for proposals H2020-SC6-Governance-2019 – REA decision rejecting a proposal – No representation by a lawyer – Manifest inadmissibility of the action.
Case T-660/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2020:633

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Recours en annulation – Projet de subvention – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » – Appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019 – Décision de la REA portant rejet d’une proposition – Absence de représentation par un avocat – Irrecevabilité manifeste du recours »

Dans l’affaire T‑660/19,

Universität Bremen, établie à Brême (Allemagne), représentée par M. C. Schmid, professeur d’université,

partie requérante,

contre

Agence exécutive pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agents, assistées de Mes R. van der Hout et C. Wagner, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision Ares(2019) 4590599 de la REA, du 16 juillet 2019, rejetant la proposition présentée par la requérante dans le cadre de l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2019, la requérante, l’Universität Bremen (université de Brême, Allemagne), a introduit le présent recours, tendant à obtenir l’annulation de la décision Ares(2019) 4590599 de l’Agence exécutive pour la recherche (REA), du 16 juillet 2019, rejetant la proposition qu’elle a présentée dans le cadre de l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019 (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est la coordinatrice du consortium de recherche Tenlaw qui effectue des recherches de droit comparé interdisciplinaires dans le domaine du droit et de la politique en matière de logement dans l’ensemble de l’Union européenne et qui comprend plusieurs universités européennes.

3        Le 17 mars 2019, la requérante a présenté à la REA la proposition de projet no 870693 « TenOpt », dans le cadre de l’appel à propositions « H2020-SC6-Governance-2019 » concernant le thème « Governance-04-2019 », intitulée « The right to housing as a right to adequate housing options for European citizens ».

4        La proposition de projet de la requérante a été évaluée par un groupe composé de trois experts indépendants, qui étaient respectivement spécialisés dans les domaines du droit, de la sociologie et de l’économie.

5        Cette proposition a obtenu un score total de dix points sur quinze, ce qui la rendait éligible au financement. Toutefois, elle a été classée à la dixième place sur quatorze candidatures et, dans la mesure où le budget était limité, seuls les trois premiers projets ont pu être sélectionnés.

6        C’est dans ces conditions que la REA a informé la requérante que sa proposition de projet « TenOpt » ne bénéficierait pas d’un financement, dès lors que le nombre de points obtenus par cette proposition n’était pas suffisant, eu égard aux ressources limitées disponibles pour les projets concernés.

 Procédure et conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la REA aux dépens.

8        La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable et comme non fondé dans son ensemble ;

–        condamner la requérante aux entiers dépens.

 En droit

9        Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

10      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

11      À l’appui de sa fin de non-recevoir, la REA fait valoir que le représentant de la requérante n’est pas un tiers indépendant par rapport à cette dernière, dans la mesure où il est en relation de travail avec elle du fait de sa qualité de professeur de droit économique européen, de droit économique et de droit privé auprès de la requérante. C’est en sa qualité de professeur que le représentant en justice représenterait la requérante. La REA ajoute que, en l’espèce, il est particulièrement évident que le représentant de la requérante n’est pas indépendant de celle-ci et n’est pas suffisamment détaché de la question litigieuse, puisque ledit représentant est personnellement lié à la proposition de projet en cause et a préparé et présenté lui-même la demande de subvention du projet. Ainsi qu’il ressortirait de la proposition de projet, ledit représentant devait non seulement être le coordinateur dudit projet ainsi que le chef d’équipe, mais devait également en assumer les fonctions essentielles.

12      La REA relève également que, même si les conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes ayant donné lieu à l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73), qui, selon elle, s’écartent de la jurisprudence constante des juridictions de l’Union, devaient être considérées comme exactes par la Cour en ce qui concerne l’interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cela aboutirait au même résultat, à savoir à la conclusion selon laquelle la requérante n’aurait pas été légalement représentée par son représentant. Les seuls effets différents concerneraient les conséquences juridiques de ce défaut de représentation.

13      La requérante fait valoir que le fait que la représentation en justice d’une partie soit assurée par un professeur d’université qui a déjà été impliqué dans l’affaire avant qu’elle ne soit portée en justice, qui n’y est pas personnellement intéressé sur le plan économique et qui exerce son mandat de représentation en justice de manière totalement indépendante et sans lien de subordination par rapport au mandant, à titre d’activité accessoire, est licite et juridiquement valable. Par ailleurs, elle soutient que, même à supposer qu’une telle représentation en justice ne soit pas admise, la sanction de l’irrecevabilité du recours serait incompatible avec le droit d’accès équitable aux juridictions de l’Union qui résulte de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le Tribunal devrait, dans une telle perspective, prévenir la partie concernée de l’existence d’un problème de recevabilité du recours.

14      La requérante ajoute qu’il n’existe, en l’occurrence, aucune preuve quant à l’existence de liens portant manifestement atteinte à la capacité de son représentant à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client. Selon elle, son représentant n’a pas d’intérêts économiques dans la défense de ses intérêts. Elle soutient que, s’il est vrai que le consortium qui a demandé le financement avait prévu que son représentant devant le Tribunal soit également celui qui était le coordinateur du projet proposé, manifestant ainsi un intérêt scientifique audit projet, il n’existe, en revanche, aucun intérêt de nature économique entre elle et son représentant.

15      S’agissant précisément de l’intérêt scientifique, la requérante fait valoir que son intérêt en tant qu’université est identique à celui de son représentant, en sorte qu’il serait même plus avantageux pour elle d’être représentée par un professeur qui est impliqué dans la « candidature scientifique ».

16      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 19, troisième à cinquième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53 dudit statut, prévoit que « [l]es autres parties doivent être représentées par un avocat » et que « [s]eul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant la Cour ».

17      L’article 51 du règlement de procédure prévoit, en ses paragraphes 2 et 3, que « [l]’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE » et que « [l]es avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière ».

18      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, concernant les deux conditions cumulatives énoncées à l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir, d’une part, avoir la qualité d’avocat et, d’autre part, être habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), contrairement à l’habilitation à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à cet accord, la notion d’avocat ne comporte aucun renvoi exprès au droit desdits États pour déterminer son sens et sa portée. Dès lors, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union européenne que du principe d’égalité que les termes d’une telle disposition du droit de l’Union doivent normalement trouver dans toute l’Union une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, EU:C:2000:468, point 43 ; du 14 décembre 2006, Nokia, C‑316/05, EU:C:2006:789, point 21 ; ordonnances du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia/Commission, C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99, points 21 et 25, et du 4 décembre 2014, ADR Center/Commission, C‑259/14 P, non publiée, EU:C:2014:2417, point 34).

19      Partant, les dispositions concernant la représentation des parties non privilégiées devant les juridictions de l’Union doivent être interprétées, dans la mesure du possible, de manière autonome, sans faire référence au droit national (arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 35, et ordonnance du 4 décembre 2014, ADR Center/Commission, C‑259/14 P, non publiée, EU:C:2014:2417, point 35).

20      À cet égard, il convient de rappeler que la conception du rôle de l’avocat dans l’ordre juridique de l’Union, qui émane des traditions juridiques communes aux États membres et sur laquelle l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se fonde, est celle d’un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale dont le client a besoin (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 24 ; du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 42 ; ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission, C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 52, et arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 23).

21      Or, l’exigence d’indépendance de l’avocat implique l’absence de tout rapport d’emploi entre ce dernier et son client (voir ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission, C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 53 et jurisprudence citée). En effet, la notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi (arrêts du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 45, et du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 24).

22      La Cour a précisé, entérinant la constatation effectuée par le Tribunal dans l’ordonnance du 6 septembre 2011, ClientEarth/Conseil (T‑452/10, non publiée, EU:T:2011:420), qu’une personne morale ne pouvait être valablement représentée devant les juridictions de l’Union par un avocat qui détenait, au sein de l’entité qu’il représentait, des compétences administratives et financières importantes (voir ordonnance du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil, C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, point 12 et jurisprudence citée). En effet, l’exigence de représentation par un tiers vise à assurer que les personnes morales soient défendues par un représentant qui est suffisamment détaché de la personne morale qu’il représente (ordonnances du 29 septembre 2010, EREF/Commission, C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, points 50 et 51 ; du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil, C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, point 14, et du 4 décembre 2014, ADR Center/Commission, C‑259/14 P, non publiée, EU:C:2014:2417, point 25).

23      Ainsi l’exigence d’indépendance de l’avocat s’applique-t-elle également dans une situation dans laquelle l’avocat, bien qu’il ne soit pas employé par la société qu’il représente et dont il possède des actions, en préside le conseil d’administration (ordonnance du 4 décembre 2014, ADR Center/Commission, C‑259/14 P, non publiée, EU:C:2014:2417, point 27).

24      La Cour a également précisé que, dans une situation dans laquelle l’avocat était lié par un contrat de droit civil à la requérante, même si, en l’absence d’un lien de subordination entre l’avocat et la requérante, la relation d’emploi créée par ce contrat de droit civil pourrait être considérée comme formellement absente, elle était susceptible d’influer sur l’indépendance de l’avocat, en sorte qu’il existait un risque que l’opinion professionnelle de l’avocat soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 25).

25      En l’occurrence, il convient de constater que M. C. U. Schmid, qui a signé la requête et qui « représente » la requérante, outre qu’il est employé par cette dernière dans le cadre d’un lien statutaire de droit public, est également, ainsi qu’il ressort du projet, coordinateur du projet proposé ainsi que chef d’équipe de celui-ci et a pour mission d’assumer les tâches et fonctions essentielles au sein dudit projet. M. C. U. Schmid a donc un lien personnel étroit avec l’objet du litige. En particulier, dans la mesure où la réalisation de ce projet dépend, du moins en partie, du financement refusé à la requérante par la Commission, il a un intérêt direct à la solution qui serait apportée à ce litige, compromettant sa capacité à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de la justice, l’assistance légale dont la requérante a besoin. À cet égard, la requérante n’a d’ailleurs pas contesté que M. C. U. Schmid avait préparé ainsi que présenté la demande de financement devant la REA.

26      Il doit donc être considéré que, dans les circonstances de l’espèce, les fonctions importantes que M. C. U. Schmid détient et exerce effectivement au sein de la personne morale au nom de laquelle il a introduit le recours sont de nature à compromettre sa qualité de tiers indépendant, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 65 de l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73). De tels liens ne sauraient donc, en l’espèce, être considérés comme étant de nature quelconque, mais doivent, au contraire, être considérés comme portant manifestement atteinte à la capacité de M. C. U. Schmid à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de la requérante.

27      Il s’ensuit que, la requête introductive d’instance ayant été signée par M. C. U. Schmid, le présent recours n’a pas été introduit conformément à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure, en sorte qu’il doit être considéré comme étant manifestement irrecevable.

28      Cette conclusion n’est pas, contrairement à ce que prétend la requérante, infirmée par l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73).

29      En effet, il convient de rappeler que, aux points 61 à 63 de l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73), la Cour a rappelé sa jurisprudence relative aux conditions de recevabilité des recours introduits par des avocats qui peuvent être considérés comme ayant la qualité de tiers par rapport à la partie requérante, et notamment le fait que l’objectif de la représentation, par un avocat, des parties non visées aux deux premiers alinéas de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne est, d’une part, d’empêcher que les parties privées agissent elles-mêmes en justice sans avoir recours à un intermédiaire et, d’autre part, de garantir que les personnes morales soient défendues par un représentant qui est suffisamment détaché de la personne morale qu’il représente.

30      Dans ce contexte, la Cour a souligné, au point 64 de l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73), que le devoir d’indépendance incombant à l’avocat s’entend non pas comme l’absence de tout lien quelconque avec son client, mais de liens qui portent manifestement atteinte à sa capacité à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client.

31      C’est ainsi que, au point 65 de l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73), la Cour a rappelé, en se fondant sur sa jurisprudence antérieure, certaines des circonstances dans lesquelles l’indépendance du représentant de la personne morale ayant introduit le recours n’était pas suffisante, à savoir lorsque l’avocat est investi de compétences administratives et financières importantes au sein de cette personne morale, qui situent sa fonction à un niveau exécutif élevé en son sein, de nature à compromettre sa qualité de tiers indépendant, lorsque l’avocat occupe de hautes fonctions de direction au sein de la personne morale qu’il représente ou encore lorsque l’avocat possède des actions de la société qu’il représente et dont il préside le conseil d’administration.

32      Ainsi, la Cour n’a nullement remis en cause sa jurisprudence antérieure constante ni suivi les propositions de l’avocat général relatives à la « [modification du] critère utilisé aux fins de l’application de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en l’adaptant tant en ce qui concerne le contenu matériel de ces dispositions, mais également les conséquences procédurales de leur non-respect » (conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2019:774, point 30).

33      La Cour a en effet, après avoir repris sa jurisprudence antérieure aux points 55 à 65 de l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73), estimé seulement, aux points 66 et 67 dudit arrêt, que, dans l’affaire qui lui était soumise, le lien entre le conseil juridique et l’université qu’il représentait était insuffisant pour permettre de considérer que ledit conseil se trouvait dans une situation portant manifestement atteinte à sa capacité à défendre au mieux, en toute indépendance, les intérêts de son client.

34      Il résulte donc de l’arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA (C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73), que la Cour a uniquement clarifié l’étendue de la notion d’indépendance, en ce sens que tout lien quelconque ne saurait être considéré comme portant atteinte au devoir d’indépendance, mais que seuls des liens qui portent manifestement atteinte à la capacité de l’avocat à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client étaient contraires au degré d’indépendance requis pour mener à bien ladite mission. Par cette clarification, la Cour, en reprenant sa jurisprudence antérieure et en se fondant sur l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’a nullement opéré une remise en question fondamentale des conditions de recevabilité des recours introduits par des parties non privilégiées.

35      Par ailleurs, en ce que la requérante fait valoir que l’irrecevabilité du recours porterait atteinte à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Rome le 4 novembre 1950, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé, dans le même contexte, qu’il ressortait de sa jurisprudence ainsi que de celle de la Cour européenne des droits de l’homme que le droit d’accès à un tribunal n’était pas un droit absolu et que, ainsi, il pouvait comporter des restrictions proportionnées qui poursuivent un but légitime et ne portent pas atteinte à ce droit dans sa substance même (arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci, C‑205/15, EU:C:2016:499, point 44, et ordonnance du 6 avril 2017, PITEE/Commission, C‑464/16 P, non publiée, EU:C:2017:291, point 31).

36      La Cour a, en outre, rappelé que la présentation d’une requête signée par le requérant lui-même ne saurait suffire aux fins de l’introduction d’un recours, et cela même si le requérant est un avocat habilité à plaider devant une juridiction nationale (arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, point 59 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 5 décembre 1996, Lopes/Cour de justice, C‑174/96 P, EU:C:1996:473, points 8 et 10 et jurisprudence citée).

37      Il résulte de ce qui précède que le droit d’accès au Tribunal répond à des conditions précisées par la jurisprudence, étant observé, au demeurant, qu’il est inexact de prétendre, ainsi que le fait la requérante, que la jurisprudence en la matière ne serait accessible que dans certaines versions linguistiques. Il résulte incontestablement des points 18 à 24 ci‑dessus que, si certaines décisions ont effectivement été rendues dans le cadre d’ordonnances non publiées, la jurisprudence relative à la représentation par un avocat n’ayant pas la qualité de tiers a été établie par des décisions ayant fait l’objet d’une publication, les ordonnances non publiées ne faisant que reprendre cette jurisprudence bien établie par des décisions antérieures publiées.

38      En outre, la requérante n’a fourni, en tout état de cause, aucun élément permettant de considérer que son accès aux juridictions de l’Union a été entravé de manière disproportionnée en raison de l’obligation, instituée par l’article, 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de se faire représenter par un avocat indépendant ni que cette obligation porterait atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective dans sa substance (voir, en ce sens, ordonnance du 6 avril 2017, PITEE/Commission, C‑464/16 P, non publiée, EU:C:2017:291, point 32).

39      La requérante dispose en effet de la liberté de choix quant à l’avocat chargé de la représenter et la jurisprudence ne s’oppose pas non plus à ce que M. C. U. Schmid signe la requête, pour autant que cette dernière soit également, en tout état de cause, signée par une personne ayant la qualité d’avocat indépendant au sens de cette jurisprudence (voir, en ce sens, ordonnance du 6 avril 2017, PITEE/Commission, C‑464/16 P, non publiée, EU:C:2017:291, points 33 et 34).

40      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel elle aurait dû être prévenue de l’existence d’un problème de recevabilité du recours afin de pouvoir y remédier, il convient de rappeler que, s’il est vrai que l’article 21, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et l’article 51, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure prévoient la possibilité de régulariser une requête qui ne respecte pas certaines exigences de forme, il n’en reste pas moins que, en tout état de cause, le non-respect de l’obligation de représentation par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE ne figure pas au nombre des exigences susceptibles de faire l’objet d’une régularisation après l’expiration du délai de recours, conformément à l’article 21, deuxième alinéa, dudit statut et à l’article 51, paragraphes 1 et 4, dudit règlement (voir, en ce sens, ordonnances du 27 novembre 2007, Diy-Mar Insaat Sanayi ve Ticaret et Akar/Commission, C‑163/07 P, EU:C:2007:717, point 26, et du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia/Commission, C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99, point 34).

41      Il s’ensuit qu’il n’y avait pas lieu de prévenir la requérante du problème de recevabilité du recours lié au non-respect de l’obligation de représentation par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE, dès lors que, en tout état de cause, celle-ci ne pouvait pas y remédier, conformément aux dispositions et à la jurisprudence citées au point 40 ci-dessus.

42      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la fin de non-recevoir soulevée par la REA doit être accueillie, en sorte que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la REA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      L’Universität Bremen supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par l’Agence exécutive pour la recherche (REA).

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

J. Svenningsen


*      Langue de procédure : l’allemand.

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