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Document 62015FJ0067

    Judgment of the Civil Service Tribunal (Second Chamber) of 19 July 2016.
    Luisa Opreana v European Commission.
    Civil service — Temporary staff — Temporary staff occupying a permanent post — Non-renewal of a fixed-term contract — Pregnancy — Act adversely affecting a member of staff — Lack of competence of the author of an act adversely affecting a member of staff — Right to be heard — Duty to have regard for the welfare of staff.
    Case F-67/15.

    Court reports – Reports of Staff Cases

    ECLI identifier: ECLI:EU:F:2016:153

    ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

    19 juillet 2016 ( *1 )

    «Fonction publique — Agent temporaire — Agent temporaire occupant un emploi permanent — Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée — État de grossesse — Acte faisant grief — Incompétence de l’auteur de l’acte faisant grief — Droit d’être entendu — Devoir de sollicitude»

    Dans l’affaire F‑67/15,

    ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

    Luisa Opreana, ancien agent temporaire de la Commission européenne, demeurant à Arlon (Belgique), représentée initialement par Me A. Salerno, avocat, puis par Mes A. Salerno et P. Singer, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Commission européenne, représentée par M. G. Berscheid et Mme F. Simonetti, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),

    composé de MM. K. Bradley, président, J. Sant’Anna et A. Kornezov (rapporteur), juges

    greffier : M. P. Cullen, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2016,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 avril 2015, Mme Luisa Opreana demande l’annulation de la décision de la Commission européenne de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire arrivé à échéance le 31 août 2014.

    Cadre juridique

    Le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

    2

    Aux termes de l’article 2 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») :

    « Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

    […]

    b)

    [l]’agent engagé en vue d’occuper, à titre temporaire, un emploi permanent compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution ;

    […] »

    3

    L’article 6, premier alinéa, du RAA énonce que chaque institution détermine les autorités habilitées à conclure notamment les contrats d’engagement d’agents temporaires.

    4

    L’article 8, deuxième alinéa, du RAA prévoit ce qui suit :

    « L’engagement d’un agent visé à l’article 2, [sous] b) ou d), [du RAA] ne peut excéder quatre ans, mais il peut être limité à toute durée inférieure. Son contrat ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée de deux ans au plus, à condition que la possibilité de renouvellement ait été prévue dans le contrat initial, dans les limites fixées dans ce contrat. À l’issue de cette période, il est obligatoirement mis fin aux fonctions de l’agent en qualité d’agent temporaire au sens des présentes dispositions. À l’expiration de son contrat, l’agent ne peut occuper un emploi permanent de l’institution que s’il fait l’objet d’une nomination en qualité de fonctionnaire dans les conditions fixées par le statut [des fonctionnaires de l’Union européenne]. »

    La décision de la Commission du 16 décembre 2013

    5

    La décision C(2013) 9049 final de la Commission, du 16 décembre 2013, relative à la politique d’engagement et d’emploi des agents temporaires, publiée aux Informations administratives no 75‑2013 du 19 décembre 2013 (ci-après la « décision de la Commission du 16 décembre 2013 »), prévoit, à son article 3, intitulé « Agents temporaires relevant de l’article 2, [sous] b), du RAA », ce qui suit :

    « […]

    2.   Le recours [aux engagements d’agents temporaires relevant de l’article 2, sous b), du RAA] n’est susceptible d’être approuvé qu’après l’échec de la publication du poste en vertu des articles 4 et 29 du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne]. L’une des conditions suivantes doit en outre être remplie :

    a)

    il n’existe pas de listes de réserve de lauréats de concours internes ou externes ou celles-ci sont insuffisantes.

    […]

    La durée du contrat initial est calculée en fonction du calendrier prévisionnel de la publication des listes de réserve des concours externes pertinents et ne peut excéder quatre ans. En général, la période initiale maximale de ces recrutements est de trois ans. Lorsque la période initiale est plus longue ou lorsqu’il est proposé de prolonger le contrat au-delà de trois ans, il y a lieu d’organiser une procédure de sélection […].

    […] »

    La décision de la Commission du 4 juin 2013

    6

    La décision C(2013) 3288 final de la Commission, du 4 juin 2013, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») à l’autorité investie du pouvoir de nomination ainsi que par le RAA à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») et publiée aux Informations administratives no 26-2013 du 7 juin 2013 (ci-après la « décision de la Commission du 4 juin 2013 ») indique à son article 1er, lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci, que les pouvoirs dévolus par le RAA à l’AHCC sont exercés au sein de la Commission, en ce qui concerne l’engagement et la conclusion des contrats et des avenants aux contrats des agents temporaires visés à l’article 2, sous b), du RAA, par le directeur général des ressources humaines et de la sécurité de cette institution.

    Faits à l’origine du litige

    7

    La requérante a été recrutée par la Commission le 1er septembre 2011 en tant qu’agent temporaire, au titre de l’article 2, sous b), du RAA, dans le groupe de fonction des assistants, grade 1, échelon l. Le contrat a été conclu pour trois ans, jusqu’au 31 août 2014, avec une affectation à la direction générale (DG) « Santé et consommateurs » à Bruxelles (Belgique). Par la suite, la requérante a été mutée à Luxembourg (Luxembourg), toujours au sein de la même direction générale.

    8

    L’article 4 de son contrat précisait que sa prolongation « ne serait possible que dans l’intérêt du service et dans les limites prévues à l’article 8 du RAA ».

    9

    Le 13 juin 2014, la requérante a adressé à l’unité des ressources humaines de la DG « Santé et consommateurs » un certificat attestant de sa grossesse et indiquant la date présumée de son accouchement.

    10

    Le 3 juillet 2014, l’avis de vacance COM/2014/1488, concernant le poste no 181846, c’est-à-dire le poste occupé par la requérante, a été publié dans le système informatique de gestion du personnel appelé « Sysper 2 » (ci-après « Sysper 2 »). Cet avis de vacance indiquait que les candidats devaient être fonctionnaires et que le poste était disponible à partir du 1er septembre 2014.

    11

    Le 10 juillet 2014, la requérante a adressé à Mme A, chef d’équipe au sein de l’unité des ressources humaines de la DG « Santé et consommateurs » à Luxembourg, le courriel suivant :

    « […]

    En consultant aujourd’hui [Sysper 2], je viens de constater, non sans surprise, que l’emploi que j’occupe actuellement est considéré comme devant être vacant [au 1er septembre] 2014. Pourriez-vous avoir l’obligeance de m’indiquer sans tarder si de cette publication il résulte implicitement qu’a déjà été arrêté[e] une décision de ne pas prolonger mon contrat, nonobstant le fait qu’une prolongation serait possible au regard des dispositions du RAA, [s’il vous plaît] ?

    […] »

    12

    Par courriel du même jour, Mme A a répondu à la requérante (ci-après la « réponse du 10 juillet 2014 ») dans les termes suivants :

    « […]

    Je confirme que le poste […] que vous occupez en tant qu’agent temporaire a été publié dans Sysper 2. Comme je vous l’ai dit avant – et contrairement à votre affirmation ci-dessous – votre contrat en tant qu’agent temporaire ne peut pas être prolongé au-delà de [trois] ans. Il est impossible pour vous de demeurer sur ce poste.

    Je vous envoie le lien vers la page pertinente de l’[intranet de la Commission]. Vous y trouverez également la législation : [la décision de la Commission du 16 décembre 2013] ; [s’il vous plaît] lisez [l’a]rticle 3[, paragraphe] 2[, sous] a) […].

    Je suis à votre disposition pour discuter à nouveau de ce sujet personnellement avec vous.

    […] »

    13

    Par courriel du même jour, la requérante a soumis sa candidature pour le poste annoncé dans l’avis de vacance mentionné au point 10 du présent arrêt.

    14

    La requérante a été informée, par courriel du 18 juillet 2014, que sa candidature ne pouvait être prise en considération puisqu’elle n’était pas fonctionnaire de la Commission.

    15

    Dans ces circonstances, la requérante a introduit, le 2 octobre 2014, une réclamation contre le refus de renouvellement de son contrat. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision de rejet de l’AHCC en date du 14 janvier 2015 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

    Conclusions des parties et procédure

    16

    La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler la décision de la Commission de ne pas renouveler son contrat ;

    condamner la Commission aux dépens.

    17

    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours ;

    condamner la requérante aux dépens.

    18

    Le 25 avril 2016, les parties ont été invitées à déférer à des mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal conformément à l’article 69 du règlement de procédure, consistant en la production de l’ensemble des prises de congés de maladie de la requérante ainsi que des certificats médicaux y afférents. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti et la requérante a présenté lors de l’audience du 23 mai 2016 ses observations à cet égard.

    En droit

    Sur la recevabilité du recours

    19

    En application de l’article 82 du règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

    20

    Les conditions de recevabilité d’un recours au titre des articles 90 et 91 du statut étant d’ordre public, il appartient, le cas échéant, au juge de l’Union de les examiner d’office, sous réserve d’avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 130).

    21

    Le Tribunal a entendu les parties lors de l’audience au sujet des conditions de recevabilité du présent recours.

    22

    L’existence d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut, est une condition indispensable de la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires ou agents contre l’institution dont ils relèvent (voir arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 131 et jurisprudence citée).

    23

    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir arrêt du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, EU:T:1995:181, point 23). En revanche, un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur constitue un acte purement confirmatif de celui-ci et ne saurait, de ce fait, avoir pour effet d’ouvrir un nouveau délai de recours (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 1970, Nebe/Commission, 24/69, EU:C:1970:22, point 8 ; du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, EU:C:1980:284, point 18, et du 14 septembre 2006, Commission/Fernández Gómez, C‑417/05 P, EU:C:2006:582, point 46).

    24

    En particulier, une lettre se bornant à rappeler à un agent les stipulations de son contrat relatives à la date d’expiration de celui-ci et ne contenant aucun élément nouveau par rapport auxdites stipulations ne constitue pas un acte faisant grief (voir arrêts du 15 septembre 2011, Bennett e.a./OHMI, F‑102/09, EU:F:2011:138, point 57 et jurisprudence citée, et du 23 octobre 2013, Solberg/OEDT, F‑124/12, EU:F:2013:157, point 17).

    25

    En revanche, dans un cas où le contrat peut faire l’objet d’un renouvellement, la décision prise par l’administration de ne pas le renouveler constitue un acte faisant grief, distinct du contrat en question et susceptible de faire l’objet d’une réclamation, voire d’un recours, dans les délais statutaires (voir arrêts du 15 octobre 2008, Potamianos/Commission, T‑160/04, EU:T:2008:438, point 21 ; du 23 octobre 2013, Solberg/OEDT, F‑124/12, EU:F:2013:157, point 18, et du 5 février 2014, Drakeford/EMA, F‑29/13, EU:F:2014:10, point 23). En effet, une telle décision, qui intervient à la suite d’un réexamen de l’intérêt du service et de la situation de l’intéressé, contient un élément nouveau par rapport au contrat initial et ne saurait être regardée comme purement confirmative de celui-ci (voir arrêt du 15 septembre 2011, Bennett e.a./OHMI, F‑102/09, EU:F:2011:138, point 59).

    26

    En l’espèce, il n’est pas contesté entre les parties que le contrat d’agent temporaire de la requérante était renouvelable conformément à l’article 4 de celui-ci et que la requérante avait demandé son renouvellement.

    27

    À cet égard, la Commission a confirmé, lors de l’audience, que le courriel de la requérante du 10 juillet 2014 constituait, en substance, une demande de renouvellement de son contrat. Par ailleurs, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que ce courriel a été compris par l’AHCC comme portant précisément sur la « possibilité d’obtenir un renouvellement de son contrat, au-delà de son échéance ».

    28

    S’agissant du point de savoir si la réponse du 10 juillet 2014 présente un caractère décisionnel et constitue ainsi un acte faisant grief, il échet de constater que cette réponse est le seul acte émanant de la Commission et versé au dossier informant la requérante du non-renouvellement de son contrat.

    29

    Interrogée à ce sujet lors de l’audience, la Commission a indiqué que l’auteur de cette réponse, à savoir Mme A, était chef d’équipe au sein de l’unité des ressources humaines de la DG « Santé et consommateurs » à Luxembourg.

    30

    Or, compte tenu à la fois du libellé de la réponse du 10 juillet 2014 et de la qualité de son auteur, il ne saurait être fait grief à la requérante d’avoir considéré cette communication comme une décision émanant de l’autorité administrative compétente. En omettant de la mettre en cause, conformément à l’article 90 du statut, la requérante aurait risqué de se voir opposer ultérieurement une fin de non-recevoir pour ne pas avoir attaqué dans les délais un acte qui, l’informant de ce que son contrat « ne p[ouvait] […] être prolongé au-delà de [trois] ans », pouvait être considéré, objectivement, comme constituant une décision définitive (voir, par analogie, arrêt du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission, 161/80 et 162/80, EU:C:1981:51, point 14).

    31

    En effet, tant dans sa requête que lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle ignorait l’existence de tout autre acte à son égard, à l’exception de la réponse du 10 juillet 2014, et que la décision de l’AHCC de ne pas renouveler son contrat, si une telle décision devait exister, avait été « soigneusement gardée secrète », ne lui ayant jamais été communiquée et la date de celle-ci lui étant « parfaitement inconnue ».

    32

    Par ailleurs, la Commission a explicitement reconnu lors de l’audience que la réponse du 10 juillet 2014 constituait, selon elle, un acte faisant grief pris à la suite de l’examen de la demande de renouvellement du contrat de la requérante.

    33

    Dans ces circonstances, en l’absence de toute autre décision portée à la connaissance de la requérante à ce sujet, il y a lieu de considérer que la réponse du 10 juillet 2014 constitue un acte faisant grief, distinct du contrat en question et susceptible de faire l’objet d’une réclamation, voire d’un recours.

    34

    Partant, le recours est recevable.

    Sur le fond

    35

    À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, premièrement, d’une violation du droit d’être entendu, deuxièmement, de la violation du devoir de sollicitude, troisièmement, d’une violation du principe de non-discrimination à l’égard d’une femme enceinte et, quatrièmement, d’un détournement de pouvoir.

    36

    Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief constitue un moyen d’ordre public qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner au besoin d’office (voir arrêts du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56 ; du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer, T‑160/08 P, EU:T:2010:294, point 61 ; du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, EU:T:2013:645, point 70 et jurisprudence citée ; du 9 septembre 2015, SV Capital/ABE, T‑660/14, EU:T:2015:608, point 57, faisant l’objet d’un pourvoi devant la Cour, affaire C‑577/15 P ; du 30 novembre 2009, Wenig/Commission, F‑80/08, EU:F:2009:160, point 83 et jurisprudence citée, et du 8 octobre 2015, FT/AEMF, F‑39/14, EU:F:2015:117, point 38).

    37

    Il s’ensuit que le Tribunal examinera, en premier lieu, la question de savoir si l’acte faisant grief à la requérante a été adopté par l’autorité compétente.

    Sur l’incompétence de l’auteur de l’acte faisant grief

    38

    Le Tribunal rappelle que l’obligation, pour le juge de l’Union, de relever d’office un moyen d’ordre public doit être exercée à la lumière du principe du contradictoire (voir arrêts du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, EU:T:2013:645, point 71 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, SV Capital/ABE, T‑660/14, EU:T:2015:608, point 58, faisant l’objet d’un pourvoi devant la Cour, affaire C‑577/15 P).

    39

    En l’espèce, les parties ont été entendues lors de l’audience sur la question de savoir si la décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante avait été prise par l’autorité compétente.

    40

    À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l’article 6 du RAA, chaque institution détermine les autorités habilitées à conclure les contrats d’engagement, notamment d’agents temporaires.

    41

    À cette fin, la Commission a décidé que les pouvoirs dévolus par le RAA à l’AHCC sont exercés par le directeur général des ressources humaines et de la sécurité de cette institution en ce qui concerne, en particulier, l’engagement et la conclusion des contrats et d’es avenants aux contrats des agents temporaires visés à l’article 2, sous b), du RAA, ainsi que cela ressort de l’article 1er de la décision de la Commission du 4 juin 2013, lu en combinaison avec l’annexe I de cette même décision, ce que la Commission a confirmé lors de l’audience.

    42

    Or, en l’espèce, force est de constater que, dans le dossier dont dispose le Tribunal, ne figure aucune décision prise par l’AHCC, telle qu’identifiée au point précédent du présent arrêt, de ne pas renouveler le contrat de la requérante.

    43

    En effet, bien qu’elle ait été expressément invitée, tant dans le rapport préparatoire d’audience que lors de l’audience elle-même, à préciser, preuves à l’appui, si une telle décision de l’AHCC avait été prise et à quelle date, la Commission s’est montrée incapable d’apporter le moindre élément concret à cet égard. Elle a même indiqué, lors de l’audience, qu’elle ne pouvait pas « assurer que l’autorité compétente, l’AHCC, a[vait] été saisie de cette question ».

    44

    La Commission n’a pas davantage produit une quelconque preuve relative à la décision de procéder au recrutement d’un fonctionnaire aux fins de pourvoir le poste de la requérante, qui a donné lieu à la publication de l’avis de vacance mentionné au point 10 du présent arrêt. Interrogée à ce sujet lors de l’audience, la Commission est restée en défaut d’apporter la moindre précision à cet égard et a d’ailleurs admis qu’elle ne disposait d’« aucune preuve » y relative. En tout état de cause, il suffit d’observer que la décision de recruter un fonctionnaire pour pourvoir le poste de la requérante est distincte de celle concernant le non-renouvellement du contrat de cette dernière. En effet, cette première décision n’implique pas automatiquement un tel non-renouvellement, puisque, dans l’hypothèse de « l’échec de la publication du poste », le renouvellement dudit contrat demeurait possible, ainsi que cela ressort de l’article 3, paragraphe 2, de la décision de la Commission du 16 décembre 2013.

    45

    Le seul acte pertinent produit par la Commission est la réponse du 10 juillet 2014, dont l’auteur, Mme A, était, ainsi qu’il a été relevé au point 29 du présent arrêt, chef d’équipe au sein de l’unité des ressources humaines de la DG « Santé et consommateurs » à Luxembourg.

    46

    Or, il ressort de la décision de la Commission du 4 juin 2013 que cette personne n’avait pas la compétence pour agir en qualité d’AHCC et n’était donc pas habilitée à prendre la décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante, ce que la Commission a explicitement reconnu lors de l’audience.

    47

    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la réponse du 10 juillet 2014, laquelle constitue un acte faisant grief, n’a pas été adoptée par l’autorité compétente.

    48

    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que la décision de la Commission de pas renouveler le contrat de la requérante n’a pas été prise par l’autorité compétente, à savoir l’AHCC de cette institution, contrairement aux exigences de l’article 6 du RAA et à celles de la décision de la Commission du 4 juin 2013.

    49

    Il s’ensuit que la décision de la Commission de ne pas renouveler le contrat de la requérante doit être annulée pour défaut de compétence.

    50

    Le Tribunal considère néanmoins que, dans les circonstances de l’espèce, il convient également d’examiner, en second lieu, le bien-fondé des premier et deuxième moyens soulevés par la requérante.

    Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu

    – Arguments des parties

    51

    La requérante reproche à la Commission de ne l’avoir jamais entendue avant de prendre la décision de ne pas renouveler son contrat, en violation de son droit d’être entendue dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief.

    52

    Selon la requérante, cette violation emporterait comme conséquence l’annulation de la décision de ne pas renouveler son contrat. À cet égard, la Commission ne saurait valablement invoquer une prétendue « impossibilité juridique » de renouveler son contrat au motif que la décision de la Commission du 16 décembre 2013 ne le lui permettrait pas, étant donné que tant son contrat que l’article 8 du RAA prévoiraient explicitement la possibilité de prolonger celui-ci au-delà de sa première échéance.

    53

    Par ailleurs, la décision de la Commission du 16 décembre 2013 n’ayant été adoptée que postérieurement à la conclusion du contrat en question, celle-ci ne saurait, toujours selon la requérante, avoir pour conséquence, quelle que soit son interprétation, de faire obstacle à tout renouvellement dudit contrat, alors même que celui-ci prévoyait explicitement une telle possibilité.

    54

    Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que, si la décision de la Commission du 16 décembre 2013 devait être interprétée comme interdisant tout renouvellement d’un contrat d’un agent temporaire visé à l’article 2, sous b) du RAA, celle-ci serait, en tout état de cause, illégale, car contraire à l’article 8 du RAA.

    55

    La Commission rétorque que la requérante a été informée au préalable du non-renouvellement de son contrat, ainsi que cela ressortirait des termes « [c]omme je vous l’ai dit avant » et « [j]e suis à votre disposition pour discuter à nouveau de ce sujet personnellement avec vous », employés dans la réponse du 10 juillet 2014.

    56

    En tout état de cause, pour que le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, puisse aboutir à l’annulation de la décision de la Commission de ne pas renouveler le contrat de la requérante, il faudrait, selon la Commission, que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent. Or, de l’avis la Commission, tel ne serait pas le cas en l’occurrence. En effet, si l’article 8 du RAA prévoit la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire, cette possibilité ayant également été prévue dans le contrat lui-même, il ne s’agirait, selon la Commission, que d’une simple possibilité laissée au large pouvoir d’appréciation de l’AHCC.

    57

    De surcroît, les emplois permanents des institutions ayant, en principe, vocation à être pourvus par des fonctionnaires et ne pouvant, dès lors, être occupés par des agents temporaires qu’à titre d’exception, l’institution concernée ne pourrait, en application de l’article 29 du statut, recourir à l’engagement d’un agent temporaire qu’en l’absence de fonctionnaire doté du profil adéquat.

    58

    La décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante serait ainsi fondée, toujours selon la Commission, sur l’article 29 du statut et les articles 2 et 8 du RAA, ainsi que sur la décision de la Commission du 16 décembre 2013. Or, conformément à cette dernière décision, l’occupation d’un poste permanent par des agents temporaires serait limitée à trois ans, le renouvellement d’un tel contrat au-delà de cette période n’étant possible qu’à la suite d’une procédure de sélection.

    59

    En outre, la Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de l’exception d’illégalité soulevée lors de l’audience par la requérante à l’encontre de la décision de la Commission du 16 décembre 2013.

    – Appréciation du Tribunal

    60

    Selon une jurisprudence constante, la question de la concordance entre la réclamation et le recours est d’ordre public et doit donc être examinée par le Tribunal même si elle n’a pas été soulevée par la partie défenderesse (voir arrêts du 31 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T‑284/02, EU:T:2005:188, point 61, et du 8 octobre 2015, FT/AEMF, F‑39/14, EU:F:2015:117, point 38).

    61

    La règle de concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours découle de l’article 91, paragraphe 2, du statut. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse dont l’objet est de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou agents et l’administration. Elle implique notamment que, sous réserve des exceptions d’irrecevabilité et des moyens d’ordre public, les conclusions du recours ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73 et jurisprudence citée).

    62

    En l’espèce, il convient de constater que, dans sa réclamation, la requérante a dénoncé le fait qu’elle « n’a[vait] été convoquée à aucun entretien officiel au cours duquel lui auraient été exposées les raisons, liées à l’intérêt du service, qui auraient fait obstacle à la prolongation de son contrat […] ».

    63

    Dans sa décision de rejet de la réclamation, la Commission a pris position sur ce grief, en relevant que la réponse du 10 juillet 2014 démontrait que « non seulement la [requérante] a[vait] reçu une communication écrite portant sur le refus de sa demande de prolongation du contrat, mais aussi que cette question avait déjà été discutée auparavant avec [elle] ».

    64

    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission était en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de la requérante au sens de la jurisprudence (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 78).

    65

    Partant, le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, doit être admis comme recevable.

    66

    Quant au fond, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les droits de la défense s’imposent comme principe général du droit de l’Union dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci qui doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Si la procédure de renouvellement des contrats d’agent temporaire n’est pas une procédure diligentée à l’encontre de la requérante, il n’en demeure pas moins que la décision de ne pas renouveler son contrat affecte défavorablement la situation de cette dernière, en ce qu’elle a pour conséquence de la priver de la possibilité de poursuivre sa relation de travail avec la Commission. Or, les droits de la défense, tels que désormais consacrés par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lequel, selon le juge de l’Union, est d’application générale, recouvrent, tout en étant plus étendus, le droit procédural, prévu au paragraphe 2, sous a), dudit article, de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. En conséquence, il incombait à la Commission de permettre à la requérante de faire valoir utilement ses observations avant d’adopter la décision de ne pas renouveler son contrat (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, Wahlström/Frontex, F‑117/13, EU:F:2014:215, points 25 à 27 et jurisprudence citée).

    67

    Or, en l’espèce, il ne ressort d’aucun élément du dossier dont dispose le Tribunal que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir utilement ses observations avant l’adoption de la décision de ne pas renouveler son contrat.

    68

    L’unique argument avancé par la Commission à cet égard, à savoir que la réponse du 10 juillet 2014 démontrerait que la requérante aurait été « auparavant » informée de cette décision compte tenu de l’emploi des termes « [c]omme je vous l’ai dit avant », n’emporte guère la conviction. En effet, interrogée à cet égard lors de l’audience, la Commission est restée en défaut d’indiquer le moment précis, l’endroit et les détails de cette prétendue information préalable.

    69

    De surcroît, le renvoi, dans ladite réponse, à la « législation » par le biais d’un lien hypertexte et l’invitation faite à la requérante de « li[re] » l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la décision de la Commission du 16 décembre 2013 suggèrent que cette disposition venait d’être invoquée pour la première fois à l’encontre de la requérante.

    70

    Si, lors de l’audience, la Commission a indiqué que Mme A aurait « reçu dans son bureau » la requérante au sujet du non-renouvellement de son contrat « au mois d’avril ou de mai 2014 », elle a cependant admis qu’elle ne disposait d’aucune « trace écrite » relative à cette rencontre et que le calendrier de Mme A n’en contenait pas non plus une quelconque mention.

    71

    Les réponses fournies par la Commission n’ont dès lors pas permis de dissiper les incertitudes manifestes qui entourent cette supposée information préalable de la requérante quant au non-renouvellement de son contrat.

    72

    Dans ces circonstances, rien ne permet d’établir que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir utilement ses observations avant l’adoption de la décision de ne pas renouveler son contrat.

    73

    Partant, il convient de considérer que le droit d’être entendue de la requérante a été méconnu.

    74

    Toutefois, pour qu’une violation du droit d’être entendu puisse aboutir à l’annulation de la décision attaquée, encore faut-il établir si, en l’absence de cette irrégularité, la partie requérante aurait effectivement eu la possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 23 et jurisprudence citée, et, en ce sens, arrêt du 5 février 2016, GV/SEAE, F‑137/14, EU:F:2016:14, point 79 et jurisprudence citée).

    75

    En l’espèce, la Commission ne saurait valablement arguer que la requérante n’aurait eu aucune possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause, même si elle avait été entendue, au motif que son contrat ne pouvait, en aucun cas, être renouvelé.

    76

    D’une part, l’article 8, deuxième alinéa, du RAA prévoit expressément que le contrat d’un agent temporaire visé à l’article 2, sous b), du RAA peut être renouvelé une fois pour une durée de deux ans au plus, à condition que la possibilité de renouvellement ait été prévue dans le contrat initial, dans les limites fixées dans ce contrat. À cet égard, il est constant que l’article 4 du contrat de la requérante prévoyait une telle possibilité.

    77

    D’autre part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’AHCC ne saurait entièrement renoncer à la faculté que lui confère l’article 8, deuxième alinéa, du RAA de renouveler les contrats à durée déterminée des agents, en décidant de manière absolue de ne jamais renouveler un tel contrat. En effet, ce n’est qu’après avoir examiné au regard de l’intérêt du service une demande de renouvellement d’un contrat que l’AHCC peut la rejeter (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2012, Sipos/OHMI, F‑59/11, EU:F:2012:164, point 52).

    78

    Par ailleurs, la Commission a elle-même reconnu qu’une telle possibilité de renouvellement n’était pas entièrement exclue. Dans sa décision de rejet de la réclamation, la Commission a ainsi indiqué que la décision du 16 décembre 2013, invoquée sommairement dans sa réponse du 10 juillet 2014 pour justifier le non-renouvellement du contrat de la requérante, « impose l’organisation d’une procédure de sélection […] lorsqu’il est proposé de prolonger le contrat au-delà de trois ans ». Elle a, en outre, tant dans la décision de rejet de la réclamation que dans son mémoire en défense, fait valoir son « large pouvoir d’appréciation […] pour renouveler ou non un contrat à durée déterminée arrivé à son terme ». Lors de l’audience, la Commission a indiqué que, si la décision du 16 décembre 2013 limitait sa marge d’appréciation quant à la possibilité de renouvellement des contrats des agents temporaires visés à l’article 2, sous b), du RAA, elle lui laissait néanmoins « un peu de marge de manœuvre ».

    79

    Dans ces circonstances, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception d’illégalité invoquée au point 54 du présent arrêt, il ne pourrait être exclu que, en l’absence de la méconnaissance du droit d’être entendue de la requérante, méconnaissance constatée au point 73 du présent arrêt, celle-ci aurait effectivement eu la possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause.

    80

    Partant, il convient d’accueillir le premier moyen soulevé par la requérante et d’annuler, en conséquence, la décision de la Commission ne pas renouveler son contrat.

    81

    Le Tribunal estime opportun d’examiner également le deuxième moyen soulevé par la requérante.

    Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

    – Arguments des parties

    82

    La requérante considère que la Commission était tenue, dans le respect du devoir de sollicitude, d’examiner si le renouvellement de son contrat pouvait se justifier au regard tant de son intérêt personnel que de celui du service.

    83

    S’agissant de l’intérêt du service, la requérante estime que, au regard de ses bons rapports de notation et de son expérience de près de trois ans au sein du service concerné, le non-renouvellement de son contrat ne serait pas dans l’intérêt du service.

    84

    Par ailleurs, son recrutement en 2011 ayant été justifié par l’indisponibilité des lauréats de nationalité roumaine sur les listes de réserve pour secrétaires, la requérante s’interroge sur le point de savoir si le besoin du service de disposer d’une secrétaire de langue roumaine aurait pu effectivement disparaître en 2014 lorsque l’avis de vacance pour son poste, lequel n’exige pas la maîtrise de la langue roumaine, a été publié. Selon la requérante, ce changement s’expliquerait non pas par un changement réel des besoins du service, mais par le souhait de la Commission de recruter une personne qui n’était pas enceinte, qu’elle maîtrise ou non la langue roumaine.

    85

    Si l’intérêt du service de pourvoir un emploi permanent par un fonctionnaire est certes légitime, cet intérêt ne dispenserait pas la Commission de son obligation de procéder, ainsi que l’exige le devoir de sollicitude, à une mise en balance entre l’intérêt du service et l’intérêt de l’agent temporaire. En l’occurrence, l’intérêt de la requérante devrait s’apprécier à l’aune de sa situation personnelle et professionnelle précaire. En effet, dans la mesure où son accouchement devait intervenir quelques semaines après l’expiration de son contrat, ce dont la Commission avait connaissance, la requérante aurait été dans l’impossibilité de trouver rapidement un nouvel emploi, s’exposant ainsi à une situation de chômage pendant un laps de temps considérable à un moment de sa vie où elle serait particulièrement vulnérable.

    86

    L’intérêt de la requérante à conserver son emploi, même pour une durée limitée, devrait dès lors l’emporter sur l’intérêt du service à lui substituer immédiatement un fonctionnaire. Bien qu’elle admette que son état de grossesse ne lui donne pas droit à un renouvellement automatique de son contrat, la requérante soutient que « cet état [aurait dû] peser d’un poids certain dans la mise en balance des intérêts [en cause] ».

    87

    La Commission rétorque que, selon la jurisprudence, si le devoir de sollicitude lui impose de prendre en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle doit tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui de la personne concernée, en l’occurrence, l’intérêt du service ne justifiait pas, au regard des dispositions de l’article 29 du statut et des articles 2 et 8 du RAA, ainsi que de celles contenues dans la décision de la Commission du 16 décembre 2013, le renouvellement du contrat de la requérante. L’argumentation contraire de cette dernière aboutirait de facto à un renouvellement automatique des contrats de tout agent temporaire en état de grossesse.

    88

    En tout état de cause, la Commission conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle la grossesse de celle-ci constituait le véritable motif du non-renouvellement de son contrat. En effet, s’il est vrai que la requérante a informé la Commission de son état de grossesse le 13 juin 2014, c’est-à-dire avant la publication de l’avis de vacance intervenu le 3 juillet 2014, il serait « de notoriété [publique] que les procédures de recrutement prennent un certain temps ». Ainsi, selon la Commission, la décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante aurait été prise « bien avant que la requérante informe l’administration sur sa grossesse et surtout indépendamment de ce fait ».

    – Appréciation du Tribunal

    89

    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire est une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, les institutions disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à condition que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (voir arrêt du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 28). En outre, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné. Cela résulte, en effet, du devoir de sollicitude de l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, EU:C:1994:273, point 38 ; du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, EU:T:1996:50, point 52 ; du 21 mai 2014, Commission/Macchia, T‑368/12 P, EU:T:2014:266, point 49, et du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 28). Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dévolu aux institutions dans ce contexte, le contrôle du juge est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, EU:T:2009:313, point 162 et jurisprudence citée, et du 24 novembre 2015, Commission/D’Agostino, T‑670/13 P, EU:T:2015:877, point 32 et jurisprudence citée).

    90

    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas pris en considération l’ensemble des éléments qui étaient susceptibles de déterminer sa décision. En effet, aucun élément du dossier dont dispose le Tribunal ne fait ressortir une quelconque prise en considération de l’intérêt de la requérante.

    91

    Ainsi, premièrement, il n’est pas établi que la requérante ait été entendue, ni autrement invitée à faire valoir ses observations quant à son intérêt de conserver son emploi au sein de la Commission ainsi qu’il a été constaté aux points 66 à 73 du présent arrêt. Cela démontre que la Commission n’a pas cherché à recueillir tous les éléments pertinents avant de prendre sa décision.

    92

    Deuxièmement, ainsi que la Commission l’a reconnu lors de l’audience, celle-ci n’a même pas averti la requérante de la publication imminente d’un avis de vacance concernant son poste. En effet, il ressort du dossier que la requérante a elle-même découvert cet avis en consultant Sysper 2 et en a ainsi déduit que son contrat ne serait pas renouvelé.

    93

    Troisièmement, le temps consacré par la Commission à l’examen de la demande de renouvellement du contrat de la requérante suggère que ledit examen a été effectué de façon particulièrement sommaire, voire expéditive. En effet, il ressort du dossier que la demande de la requérante a été envoyée le 10 juillet 2014 à 16 h 04, tandis que la réponse à cette demande est parvenue à la requérante le même jour à 17 h 17.

    94

    Quatrièmement, aucun élément dont dispose le Tribunal n’indique que la Commission ait, en réalité, tenu compte de l’intérêt de la requérante et notamment de sa situation de précarité au regard de son état de grossesse et de son accouchement imminent, ce qui l’empêchait, pendant un certain temps, de rechercher activement un autre emploi et de réintégrer le marché du travail. Il est constant à cet égard que la Commission avait connaissance de cette situation depuis au moins le 13 juin 2014, c’est-à-dire avant que l’avis de vacance concernant son poste n’ait été publié le 3 juillet suivant et que la requérante n’ait été informée du non-renouvellement de son contrat par la réponse du 10 juillet 2014. Si la Commission prétend avoir pris la décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante « bien avant » que cette dernière ne l’ait informée de sa grossesse, cette institution ne soumet toutefois aucun élément permettant au Tribunal de vérifier l’exactitude de cette affirmation.

    95

    Cinquièmement, s’il est incontestable que l’intérêt du service veut que les emplois permanents des institutions aient, en principe, vocation à être pourvus par des fonctionnaires et que ce n’est donc qu’à titre d’exception que de tels emplois peuvent être occupés par des agents temporaires (voir arrêt du 27 novembre 2012, Sipos/OHMI, F‑59/11, EU:F:2012:164, point 37), il n’en reste pas moins que la possibilité de renouveler le contrat d’un tel agent, ne serait-ce que pour une période limitée, n’est pas exclue même si elle est soumise à certaines conditions, ainsi qu’il a été relevé aux points 76 à 78 du présent arrêt et tel que l’a admis la Commission lors de l’audience.

    96

    Partant, le devoir de sollicitude qui incombe à la Commission ne saurait, sous peine de vider de son sens ledit devoir, se limiter uniquement à la prise en compte de l’intérêt du service, tel qu’identifié au point précédent du présent arrêt. En effet, force est de rappeler que le devoir de sollicitude exige également, selon la jurisprudence constante citée au point 89 du présent arrêt, la prise en considération des intérêts de l’agent concerné.

    97

    Dès lors, en omettant de prendre en considération, de quelque manière que ce soit, les intérêts de la requérante lorsqu’elle a décidé de ne pas renouveler le contrat de cette dernière, la Commission a manifestement méconnu son devoir de sollicitude.

    98

    Par conséquent, il convient d’accueillir le deuxième moyen soulevé par la requérante.

    99

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision de la Commission de ne pas renouveler le contrat de la requérante.

    Sur les dépens

    100

    Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

    101

    Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la requérante.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)

    déclare et arrête :

     

    1)

    La décision de la Commission européenne de ne pas renouveler le contrat d’agent temporaire de Mme Luisa Opreana arrivé à échéance le 31 août 2014 est annulée.

     

    2)

    La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par Mme Opreana.

     

    Bradley

    Sant’Anna

    Kornezov

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juillet 2016.

    Le greffier

    W. Hakenberg

    Le président

    K. Bradley


    ( *1 ) Langue de procédure : le français.

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