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Document 62010FJ0015
JUDGMENT OF THE EUROPEAN UNION CIVIL SERVICE TRIBUNAL (Second Chamber) 11 December 2013.#Carlos Andres and Others v European Central Bank (ECB).#Civil service — ECB staff — Reform of pension arrangements — Freezing of the retirement plan — Introduction of the pension scheme — Consultation of the Oversight Committee — Consultation of the Staff Committee — Consultation of the General Council — Consultation of the Governing Council — Triennial assessment of the retirement plan — Infringement of the Conditions of Employment — Manifest error of assessment — Principle of proportionality — Acquired rights — Principle of legal certainty and foreseeability — Duty to provide information.#Case F‑15/10.
JUDGMENT OF THE EUROPEAN UNION CIVIL SERVICE TRIBUNAL (Second Chamber) 11 December 2013.
Carlos Andres and Others v European Central Bank (ECB).
Civil service — ECB staff — Reform of pension arrangements — Freezing of the retirement plan — Introduction of the pension scheme — Consultation of the Oversight Committee — Consultation of the Staff Committee — Consultation of the General Council — Consultation of the Governing Council — Triennial assessment of the retirement plan — Infringement of the Conditions of Employment — Manifest error of assessment — Principle of proportionality — Acquired rights — Principle of legal certainty and foreseeability — Duty to provide information.
Case F‑15/10.
JUDGMENT OF THE EUROPEAN UNION CIVIL SERVICE TRIBUNAL (Second Chamber) 11 December 2013.
Carlos Andres and Others v European Central Bank (ECB).
Civil service — ECB staff — Reform of pension arrangements — Freezing of the retirement plan — Introduction of the pension scheme — Consultation of the Oversight Committee — Consultation of the Staff Committee — Consultation of the General Council — Consultation of the Governing Council — Triennial assessment of the retirement plan — Infringement of the Conditions of Employment — Manifest error of assessment — Principle of proportionality — Acquired rights — Principle of legal certainty and foreseeability — Duty to provide information.
Case F‑15/10.
European Court Reports 2013 -00000
ECLI identifier: ECLI:EU:F:2013:194
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
11 décembre 2013 (*)
« Fonction publique – Personnel de la BCE – Réforme du régime de prévoyance – Gel du plan de pension – Mise en œuvre du régime des pensions – Consultation du comité de surveillance – Consultation du comité du personnel – Consultation du conseil général – Consultation du conseil des gouverneurs – Évaluation triennale du plan de pension – Violation des conditions d’emploi – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de proportionnalité – Droits acquis – Principe de sécurité juridique et de prévisibilité – Devoir d’information »
Dans l’affaire F‑15/10,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité UE et au traité FUE,
Carlos Andres, membre du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), et les 168 autres membres du personnel de la Banque centrale européenne dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocats,
parties requérantes,
contre
Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. C. Kroppenstedt et F. Malfrère, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),
composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur) et M. K. Bradley, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mai 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 février 2010, M. Andres et 168 autres requérants demandent en substance, d’une part, l’annulation de leur bulletin de salaire du mois de juin 2009 dans la mesure où ce bulletin constitue la première mise en œuvre, à leur égard, de la réforme du régime de prévoyance de la Banque centrale européenne (BCE) décidée le 4 mai 2009 ainsi que l’annulation de tous les bulletins de salaire postérieurs et de tous les bulletins de pension à venir et, d’autre part, la condamnation de la BCE au paiement de la différence entre la rémunération ou la pension qu’ils auraient perçue en application du précédent régime de prévoyance et la rémunération ou la pension résultant du nouveau régime de prévoyance ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice qu’ils estiment avoir subi en raison de la diminution de leur pouvoir d’achat.
Cadre juridique
I – Dispositions générales applicables au litige
2 Le protocole no 18 annexé au traité CE, intitulé « Protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la [BCE] » (ci-après le « protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE »), établit un système réunissant la BCE et les banques centrales nationales des États membres de l’Union européenne.
3 Il ressort des articles 2 et 9 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE que, conformément à l’article 105, paragraphe 1, du traité CE, l’objectif principal du Système européen de banques centrales (ci-après le « SEBC ») est de maintenir la stabilité des prix et que la BCE veille à ce que les missions conférées au SEBC par le traité CE soient exécutées par ses propres activités ou par les banques centrales nationales.
4 Selon l’article 9.3 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, conformément à l’article 107, paragraphe 3, du traité CE, les organes de décision de la BCE sont le conseil des gouverneurs et le directoire.
5 L’article 10 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Le conseil des gouverneurs », dispose :
« 10.1 Conformément à l’article 112, paragraphe 1 du traité [CE], le conseil des gouverneurs se compose des membres du directoire et des gouverneurs des banques centrales nationales.
[…]
10.4 Les réunions sont confidentielles. Le conseil des gouverneurs peut décider de rendre public le résultat de ses délibérations.
[…] »
6 L’article 11 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Le directoire », prévoit :
« 11.1 Conformément à l’article 112, paragraphe 2, [sous] a), du traité [CE], le directoire se compose du président, du vice-président et de quatre autres membres.
[…]
11.6 Le directoire est responsable de la gestion courante de la BCE.
[…] »
7 Aux termes de l’article 12 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Responsabilités des organes de décision » :
« […]
12.2 Le directoire est responsable de la préparation des réunions du conseil des gouverneurs.
12.3 Le conseil des gouverneurs adopte un règlement intérieur déterminant l’organisation interne de la BCE et de ses organes de décision.
[…] »
8 L’article 36 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Personnel », contient les dispositions suivantes :
« 36.1 Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.
36.2 La Cour de justice [de l’Union européenne] est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »
9 L’article 45 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Le conseil général de la BCE », est rédigé comme suit :
« 45.1 Sans préjudice de l’article 107, paragraphe 3, du traité [CE], le conseil général est constitué comme troisième organe de décision de la BCE.
45.2 Le conseil général se compose du président et du vice-président de la BCE ainsi que des gouverneurs des banques centrales nationales. Les autres membres du directoire peuvent participer, sans droit de vote, aux réunions du conseil général.
[…] »
10 Conformément à l’article 47.2, dernier tiret, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, le conseil général contribue à définir les conditions d’emploi du personnel de la BCE, prévues à l’article 36 de ce même protocole.
11 Sur le fondement de l’article 12.3, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, le conseil des gouverneurs a adopté, le 7 juillet 1998, le règlement intérieur de la BCE. Ce règlement a été modifié à deux reprises puis remplacé par la décision BCE/2004/2 (2004/257/CE), du 19 février 2004, portant adoption du règlement intérieur de la BCE (JO L 80, p. 33), elle-même modifiée par la décision BCE/2009/5 (2009/328/CE), du 19 mars 2009 (JO L 100, p. 10, ci-après le « règlement intérieur de la BCE »).
12 L’article 6 du règlement intérieur de la BCE, intitulé « Date et lieu des réunions du directoire », se lit comme suit :
« 6.1 La date des réunions est fixée par le directoire sur proposition du président.
6.2 Le président peut aussi convoquer des réunions du directoire quand il le juge nécessaire. »
13 L’article 10.2 du règlement intérieur de la BCE prévoit que l’ensemble des services de la BCE sont placés sous la direction du directoire.
14 Selon l’article 12 du règlement intérieur de la BCE, intitulé « Relations entre le conseil des gouverneurs et le conseil général » :
« 12.1 Le conseil général de la BCE est mis en mesure de présenter ses observations avant que le conseil des gouverneurs adopte :
[…]
les conditions d’emploi du personnel de la BCE,
[…]
12.2 Lorsque, conformément au premier paragraphe du présent article, le conseil général est invité à présenter ses observations, il lui est accordé un délai raisonnable, qui ne peut être inférieur à dix jours ouvrables. En cas d’urgence, qui doit être motivée dans la demande, le délai peut être ramené à cinq jours ouvrables. Le président peut décider de recourir à une procédure écrite.
[…] »
15 L’article 21 du règlement intérieur de la BCE, intitulé « Régime applicable au personnel », dispose :
« 21.1 Les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel déterminent les relations de travail entre la BCE et son personnel.
21.2 Sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, le conseil des gouverneurs adopte les conditions d’emploi.
21.3 Le directoire adopte les règles applicables au personnel, qui mettent en application les conditions d’emploi.
21.4 Le comité du personnel est consulté préalablement à l’adoption de nouvelles conditions d’emploi ou de nouvelles règles applicables au personnel. Son avis est soumis respectivement au conseil des gouverneurs ou au directoire. »
16 L’article 23 du règlement intérieur de la BCE, intitulé « Confidentialité des documents de la BCE et accès à ceux-ci », prévoit notamment :
« 23.1 Les réunions des organes de décision de la BCE et de tout comité ou groupe créé par eux sont confidentielles, à moins que le conseil des gouverneurs n’autorise le président à rendre public le résultat de leurs délibérations.
23.2 L’accès du public aux documents établis ou détenus par la BCE est régi par une décision du conseil des gouverneurs.
[…] »
17 Le règlement intérieur de la BCE a été complété par la décision BCE/1999/7 (1999/811/CE), du 12 octobre 1999, concernant le règlement intérieur du directoire de la BCE (JO L 314, p. 34, ci-après le « règlement intérieur du directoire »).
18 L’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire, intitulé « Ordre du jour et délibérations », prévoit :
« L’ordre du jour de chaque réunion est adopté par le directoire. Un ordre du jour provisoire est établi par le président et est envoyé, en principe, avec les documents qui s’y rapportent, aux membres du directoire au moins deux jours ouvrables avant la réunion, sauf dans les situations d’urgence, auquel cas le président agit d’une manière appropriée selon les circonstances. »
19 Selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire, intitulé « Téléconférence » :
« À la demande du président, le directoire peut prendre des décisions par téléconférence, sauf si deux membres du directoire, au moins, s’y opposent. Des circonstances particulières sont nécessaires pour qu’une décision soit prise par téléconférence. Le président détermine la nature de ces circonstances et les membres du directoire peuvent demander à recevoir notification préalable de la téléconférence et de la question sur laquelle une décision doit être prise. »
20 L’article 4 de la décision BCE/2004/3 (2004/258/CE), du 4 mars 2004, relative à l’accès du public aux documents de la BCE (JO L 80, p. 42), intitulé « Exceptions », prévoit :
« 1. La BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :
a) de l’intérêt public, en ce qui concerne :
— la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE,
[…]
3. L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la BCE ou avec les [banques centrales nationales] est refusé même après que la décision a été prise, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.
[…] »
II – Les régimes de prévoyance de la BCE
A – Le régime de prévoyance applicable jusqu’au 31 mai 2009 : le plan de pension
1. Le plan de pension
21 Par décision du 9 juin 1998, modifiée le 31 mars 1999 (JO L 125, p. 32), le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté, sur le fondement de l’article 36.1 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, les conditions d’emploi du personnel de la BCE (ci-après les « conditions d’emploi »). Par la suite, les conditions d’emploi ont subi plusieurs modifications.
22 Les conditions d’emploi, dans leur version en vigueur du 1er janvier au 31 mai 2009, prévoyaient notamment :
[…]
9 a) Les relations de travail entre la BCE et les membres de son personnel sont régies par des contrats de travail compte tenu des présentes conditions d’emploi. […]
[…]
10. a) Les contrats de travail conclus entre la BCE et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement qui sont contresignées par les membres du personnel. Les lettres d’engagement contiennent les éléments relatifs aux conditions d’emploi requis par la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32).
[…] »
23 Les conditions d’emploi, dans leur version en vigueur du 1er janvier au 31 mai 2009, étaient complétées notamment par l’annexe III (ci-après l’« ancienne annexe III des conditions d’emploi ») , intitulée « Règles du [p]lan de pension de la [BCE]», dont l’objet est de servir aux membres du personnel de la BCE et, le cas échéant, à leurs ayants droit diverses prestations relevant d’un régime de prévoyance, notamment des pensions de retraite (ci-après le « plan de pension » ou le « plan »).
24 Le plan de pension est un système financé par capitalisation. Toutes les contributions, sommes, avoirs et autres actifs du plan de pension sont conservés par la BCE séparément de tous ses autres actifs et sont uniquement utilisés pour le versement des prestations et le paiement des dépenses liées à la gestion du plan de pension. Ces actifs constituent le « fonds », tel que défini à l’article 4.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi.
25 L’ancienne annexe III des conditions d’emploi est divisée en 20 parties. La deuxième partie concerne l’administration du plan de pension. Ainsi, aux termes de l’article 2.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, « [l]e [p]lan [de pension] est géré par l’administrateur » (ci-après l’« administrateur du plan de pension »), à savoir, en l’occurrence, la direction générale (DG) « Ressources humaines, budget et organisation » de la BCE. Outre l’administrateur du plan, figurent parmi les autres organes du plan de pension prévus dans la deuxième partie de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi le comité de surveillance du plan de pension (ci-après le « comité de surveillance ») et l’actuaire du plan de pension (ci-après l’« actuaire du plan »). La quatrième partie de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi est consacrée aux investissements du fonds et prévoit la création d’un comité d’investissement.
26 Conformément à l’article 6.10 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, le fonds est constitué des comptes de prestations de base de chaque membre du plan (ci-après le « membre »), des comptes de prestations flexibles des membres et de la réserve pour imprévus. Chaque membre possède, de façon générale, un compte de prestations de base et un compte de prestations flexibles. Les sommes inscrites sur les deux comptes précités sont investies par le fonds dans différents actifs.
27 Il ressort de la lecture combinée de l’article 7.2 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et de l’article 6.1 de ladite annexe que le compte de prestations de base est alimenté, premièrement, par la BCE, qui verse mensuellement, à partir de ses actifs généraux, l’équivalent de 16,5 % du salaire de base du membre concerné, deuxièmement, par la valeur du rendement des investissements crédité, troisièmement, par les contributions initiales ou spéciales décidées par le membre et, quatrièmement, par les montants transférés par ce dernier provenant d’autres régimes de prévoyance. L’article 7.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi prévoit que, afin de protéger les sommes versées sur le compte de prestations de base contre les rendements d’investissement négatifs, il est prévu un mécanisme de garantie du capital (ci-après la « garantie du capital »), lequel fonctionne de la manière suivante : lorsque le résultat des investissements des actifs a été positif, le compte de prestations de base est crédité dudit résultat positif, après déduction d’un montant fixé par l’administrateur du plan pour couvrir la garantie du capital. Selon l’article 9.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, le montant ainsi déduit est versé dans la réserve pour imprévus. Conformément à l’article 11.2 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et à la treizième partie de la même annexe, le compte de prestations de base est utilisé pour verser une pension de retraite (ci-après la « pension » ou « pension de retraite ») au membre concerné à partir de la date de son départ à la retraite et, le cas échéant, une prestation au conjoint survivant ou une prestation d’orphelin (ci-après les « prestations de survie »).
28 Il résulte de la lecture combinée de l’article 8.2 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et de l’article 6.4 de ladite annexe que le compte de prestations flexibles est alimenté, en substance, premièrement, par les contributions mensuelles du membre concerné, à savoir une contribution minimale obligatoire au taux fixé par l’administrateur du plan et des contributions volontaires supplémentaires, l’ensemble de ces contributions mensuelles ne devant pas dépasser 16,5 % du salaire de base, deuxièmement, par la valeur du rendement des investissements crédité, troisièmement, par les contributions initiales ou spéciales décidées par le membre et, quatrièmement, par les montants transférés par ce dernier provenant d’autres régimes de prévoyance . Il ressort du dossier que, en l’espèce, l’administrateur du plan avait fixé le taux de la contribution minimale obligatoire à 4,5 % du salaire de base. Conformément à l’article 11.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, la valeur des contributions minimales obligatoires (4,5 % du salaire de base, plus le rendement des investissements) est utilisée pour garantir les prestations de survie aux ayants droit. Tout solde, ou le montant total des contributions minimales obligatoires en l’absence d’ayant droit lors du départ à la retraite, est employé pour augmenter la pension du membre, sous réserve du montant maximal autorisé (voir point 32 du présent arrêt), ou pour verser un montant forfaitaire en capital. Les contributions volontaires sont employées pour augmenter les prestations de survie versées aux ayants droit ou, en l’absence de ces derniers, pour augmenter la pension du membre concerné jusqu’au montant maximal autorisé.
29 La troisième composante du fonds, à savoir la réserve pour imprévus, est un compte collectif. Selon l’article 9.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, la réserve pour imprévus est alimentée, entre autres, premièrement, par toute contribution supplémentaire versée par la BCE en vertu de l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, deuxièmement, par la valeur résiduelle du compte de prestations de base après que les prestations pertinentes ont été garanties ou payées et, troisièmement, par les montants périodiquement déduits, en vertu de l’article 7.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, à titre de correctif pour la protection du capital accumulé. L’article 9.2 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi prévoit que la réserve pour imprévus est employée, notamment, pour financer en cas de besoin les prestations minimales devant être versées aux membres et à leurs ayants droit ainsi que les dépenses du plan de pension.
30 Dans ce cadre, l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Contributions supplémentaires versées par la BCE », prévoit :
« La BCE verse ces sommes additionnelles à partir de ses actifs généraux, ainsi que le conseil des gouverneurs, agissant sur le conseil de l’actuaire, peut le juger approprié de temps à autre, afin de pourvoir aux prestations prévues par le [p]lan. »
31 Aux termes de l’article 1.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, l’« âge normal du départ à la retraite » est de 65 ans. Selon l’article 11.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, le plan de pension prévoit également que le membre peut partir à la retraite à tout moment de la période qui s’ouvre à son 60e anniversaire et se termine à son 65e anniversaire (ci-après la « période de départ à la retraite »). De plus, sous réserve de l’accord de l’administrateur du plan, un membre peut partir à la retraite à tout moment entre la fin de la période de départ à la retraite et l’âge de 70 ans, âge auquel le départ à la retraite devient obligatoire, ou encore à tout moment entre l’âge de 55 ans et le début de la période de départ à la retraite, pourvu qu’il ait accompli au moins dix années de service effectif.
32 En vertu de l’article 11.5 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, la pension de retraite annuelle totale payable à un membre au titre de l’ensemble de son compte de prestations de base et de son compte de prestations flexibles ne peut dépasser 70 % de son dernier salaire, soit 2 % du dernier salaire par année de service ouvrant droit à pension de retraite, sur une période maximale de 35 ans, le « dernier salaire » étant entendu, conformément à l’article 1.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, comme le taux annuel du salaire de base perçu au cours du mois précédant la cessation des fonctions, le départ à la retraite ou le décès du membre concerné (ci-après le «dernier salaire»). La pension de retraite est réduite pour paiement anticipé, lorsque le membre part à la retraite avant son 60e anniversaire, ou augmentée pour paiement différé, sans toutefois pouvoir dépasser 70 % du dernier salaire, lorsque le membre part à la retraite après son 65e anniversaire. Il ressort de l’article 9.1, sous iii), de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi que, lorsque la pension à verser au titre du compte de prestations de base est supérieure à la pension maximale autorisée, la pension du membre est limitée à ce montant maximal et le surplus transféré à la réserve pour imprévus.
33 L’article 11.6 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi prévoit une pension de retraite minimale garantie, soit 2 % de la rémunération réévaluée du membre concerné par année de service ouvrant droit à pension de retraite, sur une période maximale de 30 ans, la « rémunération réévaluée » étant entendue, conformément à l’article 1.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, comme la moyenne des salaires de base les plus élevés perçus par ce membre au cours d’une période de 30 années de service ouvrant droit à pension de retraite (ci-après la « rémunération réévaluée »). La pension minimale garantie ne peut pas dépasser 60 % de la rémunération réévaluée. Lorsque la pension de retraite à verser au membre à la date de son départ à la retraite au titre du compte de prestations de base est inférieure à la pension minimale garantie, le membre perçoit la pension minimale garantie, le solde étant financé par la réserve pour imprévus.
2. Autres dispositions pertinentes du plan de pension
a) Les évaluations actuarielles
34 L’article 6.8 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Évaluations actuarielles », dispose :
« L’administrateur [du plan de pension] donne l’instruction à l’actuaire du [p]lan de procéder à une évaluation triennale complète du fonds et le directoire peut donner l’instruction à l’administrateur [du plan de pension], à tout moment, de charger l’actuaire du [p]lan de réaliser une évaluation complète ou partielle du fonds. L’actuaire du [p]lan soumet ensuite un rapport au comité de surveillance, à l’administrateur [du plan de pension], au comité d’investissement et au directoire.
L’administrateur [du plan de pension] obtient de l’actuaire du [p]lan un état actuariel sur une base annuelle, aux fins de l’inclusion de celui-ci dans le rapport annuel et les comptes du [p]lan. »
b) La consultation du comité de surveillance
35 Les missions du comité de surveillance sont précisées à l’article 2.2 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, lequel prévoit :
« i) Le rôle du comité de surveillance est celui d’un ‘gardien’ (‘watchdog’), qui représente les intérêts des bénéficiaires du [p]lan, en surveillant le fonctionnement général du [p]lan. Il formule notamment des avis pour le directoire et pour le conseil des gouverneurs, ainsi qu’il est prévu aux articles 2[, paragraphe] 3, 5[, paragraphe] 1, 6[, paragraphe] 6 et 10[, paragraphe 5] des présentes règles.
Afin de mener à bien son rôle, le comité de surveillance doit accomplir ses fonctions conformément à son mandat, lequel doit être adopté par le directoire après consultation du comité du personnel.
[…]
iv) Le comité de surveillance a droit aux informations et accès aux personnes/organes qui lui sont nécessaires pour lui permettre d’assumer son rôle. »
36 L’article 2.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Avis donné par les professionnels », précise :
« Le directoire nomme un actuaire du [p]lan et un auditeur du [p]lan et il peut, après avoir sollicité l’avis du comité de surveillance, mettre fin aux fonctions de l’actuaire du [p]lan ou à celles de l’auditeur du [p]lan et procéder à son remplacement.
[…] »
37 L’article 5.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Cessation du [p]lan », dispose :
« Le conseil des gouverneurs, après avoir sollicité l’avis du comité de surveillance, peut mettre fin au [p]lan à tout moment en donnant au directoire un préavis écrit de six mois exposant son intention de mettre fin au [p]lan. »
38 Aux termes de l’article 6.6 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Fin et variation des contributions » :
« Le conseil des gouverneurs, après avoir sollicité l’avis du comité de surveillance, peut décider à tout moment que la BCE :
i) peut mettre fin à ses contributions au [p]lan, et
ii) peut faire varier le pourcentage de ses contributions au [p]lan. »
39 Selon l’article 10.5 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, intitulé « Restrictions » :
« Au cas où le conseil des gouverneurs adopte des dispositions spécifiques en matière de pension pour certaines catégories du personnel, ces membres du personnel peuvent être exclus du [p]lan. Lorsqu’ils cessent d’être inclus dans le [p]lan, les dispositions de la quatorzième partie s’appliquent.
Le conseil des gouverneurs peut également, après avoir sollicité l’avis du comité de surveillance, décider à tout moment qu’aucun nouveau membre du personnel ne sera admis dans le [p]lan ».
40 En application de l’article 2.2, sous i), deuxième alinéa, de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, le directoire a adopté, le 31 octobre 2006, un texte intitulé « Mandat du comité de surveillance » (ci-après le « mandat du comité de surveillance »). Il ressort du chapitre III du mandat du comité de surveillance, intitulé « Constitution », que le comité de surveillance se compose de cinq membres, élus parmi les bénéficiaires du plan de pension, dont au moins trois sont des membres à part entière ou à titre partiel du plan.
41 Le chapitre V du mandat du comité de surveillance, intitulé « Fonctions et mesures », dispose notamment :
« […]
25. Dans le cadre de l’accomplissement de leurs obligations relatives au suivi du fonctionnement général du [p]lan, les membres du comité [de surveillance] :
a) s’assurent que le [p]lan est administré conformément [à l’ancienne annexe III des conditions d’emploi] ; et
b) doivent tenir compte de tous les rapports de l’actuaire du [p]lan, de l’auditeur du [p]lan, de l’administrateur [du plan de pension] et du comité d’investissement auxquels ils ont accès.
26. À la demande du conseil des gouverneurs et/ou du directoire, le comité [de surveillance] émet des avis dans les cas suivants :
– révocation et remplacement de l’actuaire du [p]lan et de l’auditeur du [p]lan (article 2.3 [de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi]) ;
– cessation du [p]lan (article 5.1 [de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi]) ;
– cessation ou modification des contributions devant être versées au [p]lan (article 6.6 [de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi]) ;
– fermeture du [p]lan aux nouveaux membres du personnel (article 10.5 [de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi]).
27. De sa propre initiative, le comité de surveillance peut formuler des avis sur des questions qui le préoccupent dans l’exercice de sa mission, conformément à la procédure établie à l’article 29.
[…] »
42 Le chapitre VI du mandat du comité de surveillance, intitulé « Droits », dispose :
« 30. L’administrateur [du plan de pension] met à la disposition du comité [de surveillance] :
a) les rapports d’évaluation de l’actuaire du [p]lan ;
b) les rapports du comité d’investissement ;
c) le rapport annuel et les comptes du [p]lan […].
Les versions provisoires et définitives des rapports mentionnés ci-dessus sont fournies au comité [de surveillance] au moment où elles deviennent disponibles.
31. L’administrateur [du plan de pension] fournit, à la demande du comité [de surveillance], toutes les informations qui lui sont nécessaires pour lui permettre d’assumer son rôle.
[…] »
c) La consultation du comité du personnel
43 Les articles 48 et 49 des conditions d’emploi, dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2009, disposent :
« 48.Un comité du personnel, dont les membres sont élus au scrutin secret, est chargé de représenter l’intérêt général de l’ensemble des membres du personnel en ce qui concerne les contrats de travail, le régime applicable au personnel et les conditions de rémunération, d’emploi, de travail, de santé et de sécurité à la BCE, la couverture sociale et les régimes de [prévoyance].
49.Le comité du personnel est consulté préalablement à toute modification apportée aux présentes conditions d’emploi, aux règles applicables au personnel et aux questions y afférentes visées à l’article 48 ci-dessus. »
44 Le 17 juin 2003 a été signé par le directoire et le comité du personnel un « [p]rotocole d’accord portant sur les relations entre le directoire et le comité du personnel de la BCE » (« Memorandum of Understanding on Relations between Executive Board and the Staff Committee of the ECB », ci-après le « protocole d’accord ») et définissant plus particulièrement le contexte et les procédures à suivre.
45 Le chapitre II du protocole d’accord (articles 5 à 15 du protocole d’accord), relatif à la procédure de consultation applicable aux propositions du directoire, énonce tout d’abord les conditions dans lesquelles se déroule une demande de consultation du comité du personnel présentée par le directoire. Aux termes de l’article 6 du chapitre II du protocole d’accord, intitulé « Conditions applicables à la demande de consultation » :
« [L]orsque le/la président(e) [du directoire] ou son/sa représentant(e) entame une procédure de consultation, il/elle présente au comité du personnel une demande de consultation écrite ainsi que des informations complètes, c’est-à-dire des informations permettant au comité du personnel de se familiariser avec l’objet de la consultation et de l’examiner, dans la mesure où aucune raison impérieuse ne s’y oppose. […] »
46 L’article 8 du chapitre II du protocole d’accord, intitulé « Conditions applicables à l’avis du comité du personnel ; délai accordé », prévoit :
« [L]e comité du personnel rend un avis écrit. L’avis est émis au cours de la période convenue avec le/la président(e) [du directoire] ou son/sa représentant(e) avant la demande de consultation. Si, dans les deux jours ouvrables, aucun accord ne peut être trouvé sur le délai de consultation, un délai minimum de vingt jours ouvrables s’applique, à moins que cela soit manifestement inapproprié. […]
[…]Le délai peut être prorogé d’un commun accord. »
47 L’article 9 du chapitre II du protocole d’accord, intitulé « Réponse du/de la président(e) ou de son/sa représentant(e) », dispose :
« [L]e/la président(e) [du directoire] ou son/sa représentant(e) répond par écrit au comité du personnel dans un délai équivalant à celui qui a été accordé au comité du personnel. »
48 Aux termes de l’article 10 du chapitre II du protocole d’accord, intitulé « Avis complémentaire du comité du personnel » :
« [L]e comité du personnel peut adopter un avis complémentaire sur la réponse écrite du/de la président(e) [du directoire] ou de son/sa représentant(e) dans les dix jours ouvrables suivant la réception de cette réponse. […] »
49 Selon l’article 11 du chapitre II du protocole d’accord, intitulé « Discussion des propositions » :
« [À] tout stade de la consultation, chacune des parties peut demander une réunion pour discuter des propositions. Les propositions font l’objet d’une première discussion dans le cadre des réunions techniques entre le comité du personnel et la [DG ‘Ressources humaines, budget et organisation’]. Si la première discussion ne s’achève pas de façon satisfaisante, chacune des parties peut demander la tenue d’une réunion entre le comité du personnel et le/la président(e) [du directoire] ou son/sa représentant(e). »
50 L’article 13 du chapitre II du protocole d’accord, intitulé « Informations destinées aux organes de décision », est libellé comme suit :
« [A]vant qu’une décision définitive soit prise sur la question, le/la président(e) [du directoire] ou son/sa représentant(e) veille à ce que les documents afférents à la procédure de consultation (avis du comité du personnel, réponse du/de la président(e) [du directoire] ou de son/sa représentant(e) et, le cas échéant, avis complémentaire du comité du personnel) soient mis à la disposition de toutes les personnes et de tous les organes intervenant dans le cadre du processus décisionnel de la BCE […]. »
B – Le régime de prévoyance applicable à partir du 1er juin 2009 : la coexistence du plan de pension gelé et du régime des pensions
51 Le 4 mai 2009, le conseil des gouverneurs a adopté la décision BCE/2009/NP7 portant modification des conditions d’emploi pour les membres du personnel de la BCE (ci-après la « décision du 4 mai 2009 »), laquelle est entrée en vigueur le 1er juin 2009. Par cette décision, le conseil des gouverneurs a décidé, en substance, d’une part, de geler, avec effet au 1er juin 2009, le plan de pension, gel qui s’est matérialisé à travers la modification de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi (ci-après la « nouvelle annexe III des conditions d’emploi »), et, d’autre part, de remplacer le plan de pension à compter du 1er juin 2009 par un nouveau régime de prévoyance (ci-après le « régime des pensions »), lequel a fait l’objet d’une nouvelle annexe aux conditions d’emploi, l’annexe III bis, qui contient les règles régissant le régime des pensions (ci-après l’« annexe III bis des conditions d’emploi »).
52 Il ressort des considérants 3, 4, 5 et 8 de la décision du 4 mai 2009 que les raisons de la réforme du régime de prévoyance de la BCE ont été le manque de viabilité financière du plan sur le long terme, son manque de neutralité d’un point de vue actuariel, son caractère hybride, sa complexité et son manque de transparence ainsi que le souhait d’introduire un partage des risques équilibré entre les membres du personnel et la BCE.
1. Le plan de pension gelé
53 Le gel du plan de pension implique que, à partir du 1er juin 2009, aucune contribution ne peut être versée au plan que ce soit au titre du service futur des membres du personnel de la BCE engagés antérieurement au 1er juin 2009 ou du service futur des nouveaux agents engagés par la BCE à partir du 1er juin 2009. À compter de cette date, les contributions sont dues au régime des pensions. Cependant, les services cumulés au 31 mai 2009 dans le cadre du plan par les membres recrutés par la BCE avant le 1er juin 2009 restent couverts en vertu du plan gelé et tout droit à prestation généré dans le cadre du plan du fait desdits services est déterminé lors de la cessation des fonctions à la BCE du membre concerné.
54 Ainsi, l’article 2 de la décision du 4 mai 2009, intitulé « Gel du [p]lan de pension […] et dispositifs transitoires », dispose :
« 1. Les membres du personnel qui prennent leurs fonctions à la BCE à compter du 1er juin 2009 ne peuvent pas prétendre à l’affiliation au [p]lan de pension […].
2. Les membres du personnel qui ont pris leurs fonctions à la BCE avant le 31 mai 2009 inclus et les anciens membres du personnel restent couverts par le [p]lan de pension […] pour leur service passé.
3. Les membres du personnel se trouvant dans la période de départ à la retraite au 31 mai 2009 sont couverts par le [p]lan de pension […] en ce qui concerne leur service passé et leur service futur.
[…]
5. Aux fins du calcul des prestations pour la période de départ à la retraite, dans le cadre du [p]lan de pension […], relevant du compte de prestations de base, l’utilisation de facteurs de conversion uniformes et exclusivement masculins est maintenue, mais elle est actualisée conformément au paragraphe 6.
6. Aux fins du calcul des prestations, dans le cadre du [p]lan de pension, relevant du compte de prestations de base, des facteurs de conversion actualisés exclusivement masculins, fournis par l’actuaire du [p]lan et reflétant une modification de la longévité, s’appliquent à compter du 1er juin 2009.
7. Aux fins du calcul des prestations, dans le cadre du [p]lan de pensions […], relevant du compte de prestations flexibles, des facteurs de conversion actualisés, fournis par l’actuaire du [p]lan et reflétant une modification de la longévité, s’appliquent à compter du 1er juin 2009. Les facteurs de conversion actualisés sont progressivement introduits sur une période de cinq ans, au rythme d’un cinquième par an de l’actualisation globale requise.
[…] »
55 Selon l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 4 mai 2009, les membres du personnel qui prennent leurs fonctions à la BCE avant le 31 mai 2009 inclus et qui demeurent employés à cette date, à l’exception des membres du personnel qui se trouvent dans la période de départ à la retraite au 31 mai 2009, sont couverts par le régime des pensions en ce qui concerne leur service futur.
56 En vertu de l’article 3, paragraphe 5, de la décision du 4 mai 2009, les membres du personnel visés au paragraphe 1 du même article et qui remplissent certaines conditions, notamment celle de ne pas avoir de conjoint lors du départ à la retraite, ont droit à une augmentation de pension de 6 %. Par dérogation à l’article 12 de l’annexe III bis des conditions d’emploi, le montant maximal de la pension dans ce cas ne peut pas être supérieur à 74,2 % du dernier salaire.
57 Le libellé de l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi a été maintenu dans la nouvelle annexe III des conditions d’emploi.
2. Le régime des pensions
58 Le régime des pensions est un système financé par capitalisation. La BCE conserve les actifs du régime des pensions séparément de tous ses autres actifs et les utilise uniquement pour verser des prestations et payer des frais liés audit régime. Le régime des pensions est constitué de deux piliers, le premier, qui est un régime à participation obligatoire pour tous les membres du personnel de la BCE (ci-après le « régime obligatoire à prestations définies » ou le « pilier obligatoire »), et le second, qui est un régime à participation volontaire (ci-après le « régime volontaire à contributions définies » ou le « pilier volontaire »).
59 L’annexe III bis des conditions d’emploi est divisée en plusieurs « sections ». À la section V, intitulée « A[dministration] », il est prévu que le régime des pensions est administré par « l’administrateur », à savoir, conformément aux définitions données à l’article 1er de la même annexe, le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » ou toute autre personne désignée par celui-ci. Dans l’exécution de ses tâches, l’administrateur du régime des pensions est assisté d’un actuaire, nommé par le directoire. La section VI de l’annexe III bis des conditions d’emploi, intitulée « S[urveillance et audit] », est constituée des articles relatifs au comité de surveillance et à l’auditeur du régime des pensions.
60 Il ressort de la lecture combinée des articles 1er et 15 de l’annexe III bis des conditions d’emploi qu’il existe un compte collectif unique pour le régime obligatoire à prestations définies, lequel est financé , notamment, premièrement, par les contributions mensuelles de la BCE à partir de ses actifs généraux, à hauteur de 18 % du salaire de base des membres du personnel ou de tout autre taux décidé par le conseil des gouverneurs, deuxièmement, par les contributions obligatoires mensuelles des membres du personnel s’élevant à 6 % du salaire de base ou à tout autre taux décidé par le conseil des gouverneurs, troisièmement, par les montants transférés provenant d’autres régimes de prévoyance, quatrièmement, par les contributions supplémentaires et, cinquièmement, par le rendement des investissements. L’annexe III bis des conditions d’emploi est complétée par un premier appendice, qui concerne les prestations servies dans le cadre du régime obligatoire à prestations définies (ci-après l’« appendice 1 »). Selon l’appendice 1, le régime obligatoire à prestations définies est destiné, premièrement, au versement de pensions de retraite, deuxièmement, à l’octroi de prestations équivalentes aux membres du personnel qui quittent le régime des pensions et aux anciens membres dudit régime qui possèdent des droits différés à pension et, troisièmement, au versement, le cas échéant, de prestations de survie aux ayants droit.
61 Dans le cadre du régime volontaire à contributions définies, l’administrateur du régime des pensions ouvre à chaque membre du personnel un compte de contributions volontaires, conformément à l’article 15 de l’annexe III bis des conditions d’emploi. Il ressort de la lecture combinée de cet article et de l’article 1er de la même annexe que ce compte est financé, en substance, premièrement, par les contributions volontaires mensuelles du membre du personnel concerné à hauteur du taux maximal de 12 % de son salaire de base, deuxièmement, par la valeur du rendement des investissements crédité et, troisièmement, par les contributions initiales ou spéciales décidées par le membre du personnel. L’annexe III bis des conditions d’emploi est complétée par un deuxième appendice, qui concerne les prestations servies dans le cadre du régime volontaire à contributions définies (ci-après l’« appendice 2 »). Selon l’appendice 2, le régime volontaire à contributions définies est destiné, premièrement, au versement de pensions de retraite supplémentaires, deuxièmement, à l’octroi de prestations équivalentes aux membres du personnel qui quittent le régime des pensions et aux anciens membres dudit régime qui possèdent des droits différés à pension et, troisièmement, au versement, le cas échéant, de prestations de survie aux ayants droit.
62 Conformément à l’article 1er de l’annexe III bis des conditions d’emploi, l’âge normal de départ à la retraite est de 65 ans. Le régime des pensions autorise un départ à la retraite anticipé, entre 55 et 65 ans, ainsi qu’un départ à la retraite différé, entre 65 et 70 ans. L’accord de l’administrateur du régime des pensions est requis pour tout départ à la retraite différé ainsi que pour tout départ à la retraite anticipé entre 55 et 59 ans compris. Il ressort de l’article 1er de l’annexe III bis des conditions d’emploi, de l’appendice 1 et de l’appendice 2 que le droit à la pension de retraite est acquis après cinq ans de service.
63 L’article 4 de l’annexe III bis des conditions d’emploi, intitulé « Accord de travail à temps partiel », prévoit :
« Si un membre a conclu un ou plusieurs accords de travail à temps partiel, une durée maximale totale de dix ans effectuée dans le cadre de ces accords peut être traitée comme service ouvrant entièrement droit à pension de retraite, à condition que le membre, au plus tard dans les trois mois suivant son retour au travail dans le cadre d’un accord de travail à plein temps, verse les contributions obligatoires et un montant équivalant aux contributions de la BCE qui auraient été dues si le membre avait travaillé à plein temps pendant cette période.[…] »
64 Aux termes de l’article 8 de l’annexe III bis des conditions d’emploi, intitulé « Transferts vers la BCE » :
« a) La BCE conclut des accords et convient de mesures appropriées avec d’autres régimes de retraite, d’autres organisations et gouvernements qu’elle détermine, aux fins de l’acceptation du transfert de sommes d’argent vers le [régime des pensions], pour les membres ayant achevé leur période d’essai à la BCE.
b) Les montants transférés vers la BCE sont alloués au régime [obligatoire] à prestations définies et le membre est crédité de services ouvrant droit à pension conformément aux conseils actuariels.
[…] »
65 L’article 12, sous a), de l’annexe III bis des conditions d’emploi dispose que la pension de retraite annuelle totale payable à un membre du personnel au titre de l’ensemble du régime obligatoire à prestations définies et du régime volontaire à contributions définies ne peut dépasser 70 % de son dernier salaire.
66 L’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi, intitulé « Ajustements », dispose :
« a) S’il ressort d’une évaluation [actuarielle] que la valeur des actifs du régime [obligatoire] à prestations définies pourrait ne pas être suffisante pour faire face à son passif lié au service passé, le conseil des gouverneurs, sur conseil de l’actuaire du [régime des pensions], décide que la BCE verse des contributions supplémentaires.
b) S’il ressort d’une évaluation [actuarielle] s’agissant du passif lié au service futur que l’actuaire du [régime des pensions] estime la viabilité financière du régime [obligatoire] à prestations définies compromise, le conseil des gouverneurs, sur conseil de l’actuaire du [régime des pensions], décide :
i) d’augmenter l’ensemble des contributions liées au service futur uniquement ; et/ou
ii) d’ajuster l’âge normal de départ à la retraite, sous réserve de mesures transitoires.
Toute augmentation de l’ensemble des contributions est financée pour deux tiers par la contribution de la BCE et pour un tiers par la contribution obligatoire. L’âge normal de départ à la retraite ne peut être ajusté :
i) qu’à compter de 2019 ; et
ii) si le taux de l’ensemble des contributions est ou a été ajusté, au moins jusqu’à 26,4 %.
[…]
d) Toute décision du conseil des gouverneurs, prise en vertu du [présent article 23, sous b)], est soumise à une recommandation du comité de surveillance et à la consultation du comité du personnel. »
67 L’article 3 de l’appendice 1 prévoit que, en cas de départ à la retraite à partir de 65 ans, un membre du personnel a le droit de percevoir, au titre du régime obligatoire à prestations définies, une pension de retraite équivalente à 2 % de la rémunération réévaluée par année de service ouvrant droit à pension de retraite, sous réserve de la pension maximale autorisée. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, le montant résultant de ce calcul est réduit en fonction de l’âge du membre du personnel au moment de son départ à la retraite conformément à des facteurs actuariels établis au troisième appendice de l’annexe III bis des conditions d’emploi (ci-après l’« appendice 3 »).
68 Il résulte de l’article 3 de l’appendice 2 que, indépendamment des prestations dues au titre du régime obligatoire à prestations définies, tout membre du personnel disposant d’un compte de contributions volontaires peut, sous réserve de la pension maximale autorisée, utiliser la valeur de ce compte soit pour le paiement d’une somme équivalente à l’intégralité ou à une partie de la valeur dudit compte, soit pour le transfert de l’intégralité ou d’une partie de la somme à un autre régime de retraite ou à une compagnie d’assurance, soit pour le paiement d’une pension de retraite complémentaire pour lui-même ou pour une prestation de survie complémentaire à son conjoint, soit pour n’importe quelle combinaison des possibilités susmentionnés.
Faits à l’origine du litige
69 Le 6 décembre 2006, l’actuaire du plan a émis, à la demande de l’administrateur du plan, un rapport d’évaluation actuarielle du plan sur le long terme, à partir des données disponibles au 31 décembre 2005 (ci-après le « rapport d’évaluation actuarielle de 2006 »). L’actuaire du plan est arrivé à la conclusion que, à long terme, au cas où les hypothèses utilisées pour la préparation du rapport viendraient à se réaliser, les contributions aux comptes de prestations de base et les contributions minimales obligatoires aux comptes de prestations flexibles ne permettraient pas de financer les prestations garanties par le plan. Au vu de ces conclusions, l’actuaire du plan a recommandé à la BCE soit de modifier la structure du plan de pension en réduisant les prestations ou en augmentant les contributions, ou encore en conjuguant les deux, soit de payer à partir du 1er janvier 2008 des contributions supplémentaires annuelles équivalant à 4,2 % des salaires des membres.
70 Le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 contenait également une évaluation de la solvabilité du plan pour 2006. Cette évaluation visait à déterminer si le plan disposerait de suffisamment d’actifs pour faire face à ses obligations dans l’hypothèse où il serait liquidé à la date de l’évaluation. Selon l’actuaire du plan, le ratio de solvabilité du plan au 31 décembre 2005 était de 95,7 %, soit un ratio légèrement supérieur à celui calculé au 31 décembre 2004, qui était de 95,4 %. Pour 2006, l’actuaire du plan arrivait donc à la conclusion qu’il y aurait une insuffisance de solvabilité d’environ 4,3 % du passif, équivalant à environ 4,7 millions d’euros.
71 Par note du 6 mars 2007, la division de la gestion des risques de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a transmis, entre autres, au directoire et au comité de surveillance une étude sur la répartition des actifs du fonds (« review of the asset allocation of the ECB’s pension fund », ci-après l’« étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds »). Cette étude examinait la stratégie d’investissement suivie pour les actifs du fonds. Elle arrivait notamment à la conclusion que le plan était sous-financé, les contributions régulières étant insuffisantes pour financer les prestations garanties, et indiquait que le paiement de contributions supplémentaires annuelles à hauteur d’environ 4 % des salaires annuels devait permettre de rendre le plan autosuffisant à long terme.
72 Par lettre du 6 septembre 2007 adressée au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », l’actuaire du plan a proposé trois approches différentes pour calculer le taux de contribution requis pour un nouveau régime de prévoyance et est arrivé à la conclusion que, en fonction des hypothèses retenues, pour avoir un régime de prévoyance viable, ce taux de contribution se situerait entre 20,5 % et 27,4 % des salaires.
73 Pendant les mois d’octobre et de novembre 2007, le comité du personnel de la BCE a participé à une procédure d’échanges de vues préliminaires sur la proposition de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » de réformer le plan de pension [ci-après la « procédure d’échanges de vues préliminaires » (« early involvement procedure »)].
74 Le 20 décembre 2007, la division du recrutement et de la compensation de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a soumis au directoire un mémorandum sur la nécessité de réviser le plan de pension (ci-après le « mémorandum du 20 décembre 2007 »). Dans ce document, la division du recrutement et de la compensation de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a conclu que les hypothèses financières et de mortalité qui étaient à la base des facteurs de conversion du plan, c’est-à-dire les facteurs employés pour calculer les prestations, ne pouvaient plus être maintenues. S’agissant des hypothèses de mortalité, elle a indiqué que celles-ci n’étaient plus valables étant donné que l’espérance de vie à l’âge de 65 ans était passée de 16,1 en 1998 à 19,9 années. Elle a également souligné le caractère hybride et complexe du plan de pension, lequel se situerait entre un régime à contributions définies et un régime à prestations définies. Elle a dès lors proposé une réforme substantielle du plan de pension. Concrètement, elle a conseillé de passer à un régime de prévoyance à prestations définies pur, dans lequel toutes les contributions obligatoires seraient versées dans un seul fonds aux fins de financer les prestations définies prévisibles, avec possibilité pour le personnel d’augmenter ces prestations définies prévisibles en versant des contributions volontaires dans un fonds séparé et, dans le même temps, de geler le plan de pension.
75 Le 21 janvier 2008, la BCE a présenté à l’ensemble du personnel la réforme envisagée du plan de pension, laquelle suivait la proposition contenue dans le mémorandum du 20 décembre 2007. Il était précisé que la réforme du plan de pension était censée entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
76 Par note du 30 janvier 2008 adressée au comité du personnel, le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a annoncé la décision du directoire, prise lors de sa réunion du 15 janvier 2008, d’ouvrir formellement la procédure de consultation, laquelle se déroulerait en deux étapes : la première, portant sur les principes généraux de la réforme du régime de prévoyance de la BCE envisagée (« the broad picture of the reform »), principes généraux repris dans une proposition jointe en annexe à la note, et la seconde, portant sur les règles détaillées du projet de régime des pensions ainsi que sur les règles détaillées du gel du plan. La note précisait que chaque étape comporterait deux sessions de consultation. Le délai de 20 jours ouvrables prévu pour répondre dans le cadre de la première session de la consultation sur les principes généraux de la réforme du régime de prévoyance de la BCE envisagée étant porté à 40 jours ouvrables, le comité du personnel était invité à se prononcer pour le 31 mars 2008. Le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 et l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds étaient annexés à la note adressée au comité du personnel.
77 Par une autre note du 30 janvier 2008, le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a informé le comité de surveillance de la décision du directoire prise lors de sa réunion du 15 janvier 2008. Ainsi, le comité de surveillance était invité à émettre un avis pour le 31 mars 2008, dans le cadre de la première étape de la consultation, « sur les principes généraux de la réforme [du régime de prévoyance de la BCE] envisagée », lesquels étaient repris dans une proposition jointe en annexe à la note, et en particulier sur la possibilité d’un gel du plan. Il était précisé que, dans le cadre de la seconde étape de la consultation, le comité de surveillance serait consulté sur les règles détaillées régissant le gel du plan de pension. Le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 et l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds étaient annexés à la note adressée au comité de surveillance.
78 Les 5 et 6 février 2008, une réunion du conseil des gouverneurs s’est tenue, au cours de laquelle le membre du directoire en charge des questions concernant le personnel de la BCE, Mme T., a fait une présentation de la réforme envisagée du plan de pension.
79 Par mémorandum du 31 mars 2008, le comité de surveillance a émis un avis intermédiaire sur la possibilité d’un gel du plan de pension.
80 Par mémorandum du 1er avril 2008, le comité du personnel a émis son avis dans le cadre de la première session de la consultation sur les principes généraux de la réforme du plan de pension envisagée.
81 Par mémorandum du 8 mai 2008, la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a répondu au mémorandum du comité du personnel du 1er avril 2008, ce qui a déclenché l’ouverture de la seconde session de la consultation sur les principes généraux de la réforme du plan de pension envisagée afin que le comité du personnel émette un avis complémentaire. Le délai de 10 jours ouvrables prévu pour émettre ledit avis a été porté à 20 jours ouvrables, soit jusqu’au 10 juin 2008. Il ressort du dossier que, à la demande du comité du personnel, ce nouveau délai a été prolongé de 20 jours ouvrables additionnels, soit jusqu’au 8 juillet 2008.
82 Par mémorandum du 2 juin 2008, le comité de surveillance a émis son avis sur les principes généraux de la réforme du plan de pension envisagée et sur l’éventuel gel du plan, en réponse à la note du directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » du 30 janvier 2008.
83 Par lettre du 1er juillet 2008, le comité du personnel a informé le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » qu’il ne serait pas en mesure de rendre dans le délai fixé, à savoir le 8 juillet 2008 au plus tard, son avis complémentaire dans le cadre de la seconde session de la consultation sur les principes généraux de la réforme du plan de pension envisagée, étant donné que l’actuaire mandaté par le comité du personnel pour analyser la réforme proposée n’avait toujours pas reçu de la BCE les données nécessaires à cet effet et ne pourrait donc pas terminer son analyse avant la fin du mois de juillet 2008.
84 Le 16 juillet 2008, une réunion du conseil des gouverneurs s’est tenue, au cours de laquelle le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », entre autres personnes, a fait une présentation sur écran de la réforme envisagée du régime de prévoyance de la BCE.
85 Par lettre du 18 juillet 2008, le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a annoncé au comité du personnel que, sans préjudice du résultat final de la première étape de la consultation sur les principes généraux de la réforme du régime de prévoyance de la BCE envisagée, il déclarait néanmoins ouverte la seconde étape de la consultation, portant sur les règles détaillées de ladite réforme. Le délai de 20 jours ouvrables prévu pour répondre, dans le cadre de la première session de la consultation sur les règles détaillées du projet de régime des pensions et du gel du plan, ayant été prolongé à 40 jours ouvrables, le comité du personnel était invité à se prononcer pour le 10 septembre 2008 sur la proposition, jointe en annexe à la lettre du 18 juillet 2008, de décision de la BCE portant modification des conditions d’emploi pour les membres du personnel de la BCE (ci-après la « proposition de décision du 18 juillet 2008 »).
86 Par lettre du 25 juillet 2008 adressée au directoire, le comité du personnel s’est plaint notamment du fait que la procédure de consultation était dépourvue d’effet utile dès lors que la seconde étape de la consultation avait été entamée sans que la première étape ait été clôturée. Ainsi, il a demandé au directoire de suspendre la procédure de consultation ainsi que toute mission associée de mise en œuvre de la consultation et de se réunir avec les représentants du personnel pour trouver un accord sur les démarches à suivre.
87 Par lettre du 30 juillet 2008, venant compléter celle du 25 juillet précédent, le comité du personnel a informé le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » qu’il suspendait sine die sa participation à la procédure de consultation sur les règles détaillées de la réforme du régime de prévoyance de la BCE et qu’il n’y participerait de nouveau qu’après avoir reçu la réponse de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » à son avis complémentaire sur les principes généraux de la réforme envisagée (voir points 81 et 83 ci-dessus), ajoutant à cet égard que l’actuaire mandaté par le comité du personnel lui soumettrait son rapport le lendemain et qu’il serait en mesure d’émettre son avis complémentaire sur les principes généraux de la réforme peu de temps après.
88 Par lettre du 13 août 2008, l’actuaire mandaté par le comité du personnel a envoyé son rapport au comité du personnel. Il soulignait, notamment, que l’ampleur du déficit financier du plan dépendait fortement des hypothèses utilisées pour les calculs. À son avis, un régime de prévoyance dans lequel des prestations définies se conjuguent avec des contributions définies est toujours un système hybride et la question du déficit financier peut se poser à tout moment.
89 Par lettre du 14 août 2008 adressée au comité du personnel, Mme T., le membre du directoire en charge des questions de personnel, a accepté d’organiser une réunion avec le comité du personnel, à laquelle assisterait également le président de la BCE, et a proposé que cette réunion se tienne le 28 août 2008. Elle a également fixé le 22 août 2008 comme date limite pour l’avis complémentaire du comité du personnel dans le cadre de la seconde session de la première étape de la consultation portant sur les principes généraux de la réforme. Après avoir souligné que la seconde étape de la consultation, portant sur les règles détaillées de la réforme, avait été entamée sans préjudice du résultat final de la consultation sur les principes généraux, elle a lancé un appel au comité du personnel pour qu’il participe de nouveau à cette seconde étape de la consultation et lui a donné un nouveau délai pour émettre son avis dans le cadre de cette seconde étape de la consultation : initialement fixé au 10 septembre 2008, le délai a été reporté au 8 octobre 2008.
90 Par lettre du 19 août 2008 adressée à Mme T., le comité du personnel a accepté l’invitation à la réunion du 28 août 2008. Il a également indiqué qu’il ne serait pas en mesure de respecter le délai du 22 août 2008, car tout délai pour rendre son avis complémentaire sur les principes généraux de la réforme échappait à son contrôle du fait du retard prolongé de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » dans la transmission de données à l’actuaire mandaté par le comité du personnel. Le comité du personnel a ajouté qu’il reprendrait sa participation à la seconde étape de la consultation sur les règles détaillées de la réforme du régime de prévoyance de la BCE dès qu’il le jugerait opportun, mais sûrement pas avant la réunion du 28 août 2008.
91 Par lettre du 20 août 2008, Mme T. a accordé au comité du personnel un nouveau et dernier report du délai pour rendre son avis complémentaire dans le cadre de la seconde session de la consultation sur les principes généraux de la réforme et a fixé ce nouveau délai au 1er septembre 2008. Elle a également exhorté le comité du personnel à reprendre sa participation à la seconde étape de la consultation, portant sur les règles détaillées de la réforme, et à respecter le délai du 8 octobre 2008 pour rendre son avis dans le cadre de cette seconde étape.
92 Le 28 août 2008, la réunion prévue entre le président de la BCE, Mme T. et des membres du comité du personnel s’est tenue. Au cours de cette réunion, les parties ont accepté la création d’un groupe de travail, constitué de représentants de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », de membres du comité du personnel et de membres du syndicat International and European Public Services Organisation (ci-après le « syndicat IPSO »), aux fins de finaliser la procédure de consultation sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE dans sa totalité, y compris sur les règles détaillées régissant le nouveau régime envisagé (ci-après le « groupe de travail »).
93 Le 15 septembre 2008, le comité du personnel a signé avec la BCE un accord sur l’établissement du groupe de travail (ci-après l’« accord du comité du personnel sur l’établissement du groupe de travail »). Le même jour, le syndicat IPSO a lui aussi signé avec la BCE un accord sur l’établissement du groupe de travail (ci-après l’« accord du syndicat IPSO sur l’établissement du groupe de travail »). Les deux accords disposaient que le groupe de travail devait soumettre un rapport au directoire au plus tard le 1er décembre 2008, lequel comprendrait notamment les avis finaux du comité du personnel et du syndicat IPSO sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE dans sa totalité (à savoir sur les principes généraux et sur les règles détaillées) et les points de vue de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » sur les mêmes questions. L’accord du comité du personnel sur l’établissement du groupe de travail prévoyait également que la contribution du comité du personnel au rapport du groupe de travail viendrait compléter la procédure de consultation dans sa totalité et se substituerait, d’une part, à l’avis complémentaire, initialement prévu, que le comité du personnel aurait dû émettre sur les principes généraux et, d’autre part, aux deux avis, également initialement prévus, que le comité du personnel aurait dû émettre sur les règles détaillées de la réforme. L’accord du syndicat IPSO sur l’établissement du groupe de travail disposait quant à lui que la contribution du syndicat IPSO au rapport du groupe de travail viendrait compléter la procédure de consultation dans sa totalité et se substituerait à la consultation initiale du syndicat IPSO sur les règles détaillées de la réforme, consultation sur laquelle un accord avait été conclu.
94 Du 10 septembre au 28 novembre 2008, le groupe de travail s’est réuni à quinze reprises.
95 Début décembre 2008, à une date non précisée, le groupe de travail a soumis au directoire un rapport provisoire sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE. Ce rapport provisoire était constitué d’un rapport provisoire de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », d’un rapport provisoire du syndicat IPSO et d’un rapport provisoire du comité du personnel. Dans leurs rapports provisoires respectifs, le comité du personnel et le syndicat IPSO ont demandé notamment un report du délai pour soumettre leurs rapports définitifs jusqu’à la fin du mois de mars 2009.
96 Le 9 décembre 2008, le directoire s’est réuni. Sa réunion a porté essentiellement sur les caractéristiques de la réforme initialement proposée qui, à son avis, étaient à l’origine de l’inquiétude du personnel, du comité du personnel et du syndicat IPSO. Le directoire a indiqué être prêt à modifier le projet de réforme afin d’en diminuer les répercussions défavorables au personnel. Ainsi, le directoire a proposé des modifications concernant le départ à la retraite anticipée, les règles applicables aux membres du personnel sans ayant droit, et l’engagement de la BCE de faire face à des dettes correspondant à des services rendus dans le cadre du régime des pensions ainsi qu’au déséquilibre actuariel éventuel dudit régime. La mission du groupe de travail n’étant pas totalement achevée, le directoire lui a demandé de compléter son examen des règles détaillées du régime des pensions conformément aux modifications qu’il venait de proposer, avec pour conséquence la poursuite de la mission du groupe de travail jusqu’à la mi-février 2009, dans la perspective d’une mise en œuvre de la réforme en mai 2009 au plus tard.
97 Le groupe de travail a repris ses travaux en janvier 2009. Du 13 janvier au 24 mars 2009, il s’est réuni à douze reprises.
98 Par lettre du 14 janvier 2009, l’actuaire du plan a fourni des informations à la BCE sur le paiement des contributions supplémentaires au plan au titre de la garantie du capital de l’année 2008 (ci-après la « lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009 »).
99 Le 23 janvier 2009, l’actuaire mandaté par le comité du personnel a émis une évaluation sur la proposition de réforme, dans sa version du 10 décembre 2008, du régime de prévoyance de la BCE.
100 Par lettre du 6 février 2009 adressée au conseil des gouverneurs, le directoire a informé ledit conseil de l’état d’avancement du projet de réforme et l’a invité à demander l’avis du comité de surveillance sur le gel prévu du plan de pension.
101 Par lettre du 20 février 2009, le président de la BCE, au nom du conseil des gouverneurs, a invité le comité de surveillance à lui faire parvenir, pour le 20 mars 2009, son avis sur les règles détaillées régissant le gel du plan de pension telles que contenues dans un projet de décision joint en annexe à sa lettre.
102 Le 8 mars 2009, le mémorandum du 20 décembre 2007 a été communiqué au comité de surveillance.
103 Le 25 mars 2009, une réunion s’est tenue entre le président de la BCE, Mme T. et des membres du comité du personnel, du syndicat IPSO et du comité de surveillance.
104 Le 1er avril 2009, une réunion s’est tenue entre Mme T., le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » et des membres du comité du personnel et du syndicat IPSO, afin de trouver un accord global sur la réforme du régime de prévoyance envisagée.
105 Par lettres du 2 avril 2009, le président de la BCE a informé le conseil des gouverneurs et le conseil général de ce que, lors de sa réunion du 23 avril 2009, le conseil des gouverneurs examinerait une proposition du directoire concernant la réforme du régime de prévoyance de la BCE ainsi qu’un projet de décision portant modification des conditions d’emploi et que le conseil général serait invité à présenter ses observations avant l’adoption de la décision du conseil des gouverneurs. Les échanges de courriers de la BCE avec le comité du personnel, le syndicat IPSO et le comité de surveillance étaient annexés à ces lettres.
106 Par lettre du 7 avril 2009, l’actuaire du plan a fourni des renseignements à la BCE sur le taux de contribution requis dans le cadre du projet de régime des pensions (ci-après la « lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009 »).
107 Par lettre du même 7 avril 2009, le président de la BCE a envoyé au conseil des gouverneurs et au conseil général de la documentation complémentaire liée à la réforme envisagée.
108 Par mémorandum du 7 avril 2009 également, le comité de surveillance a rendu son avis sur la réforme envisagée, intitulé « A[vis sur la proposition de gel du plan de pension] », en réponse à la lettre du président de la BCE du 20 février 2009.
109 Par lettre du 9 avril 2009, le président de la BCE a transmis au conseil des gouverneurs et au conseil général l’avis du comité de surveillance mentionné au point précédent.
110 Par mémorandum de ce même 9 avril 2009, le groupe de travail a rendu son rapport final sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE. Ce rapport contenait, notamment, les points de vue finaux de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » sur plusieurs sujets débattus pendant les réunions du groupe de travail, l’avis final du comité du personnel, l’avis final du syndicat IPSO et des points de vue supplémentaires de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » sur les avis finaux susmentionnés du comité du personnel et du syndicat IPSO.
111 Par lettre du 14 avril 2009, le président de la BCE a transmis au conseil des gouverneurs et au conseil général, entre autres, un mémorandum du directoire, daté du même jour et intitulé « Proposition de réforme du plan de pension […] », le rapport final du groupe de travail du 9 avril 2009, ainsi qu’un projet de décision portant modification des conditions d’emploi, daté du 14 avril 2009.
112 Ce même 14 avril 2009, le comité de surveillance a envoyé une lettre au président de la BCE intitulée « D[emande de renseignements à propos de la communication de l’avis du comité de surveillance au conseil des gouverneurs] ».
113 Par note du 22 avril 2009, le président de la BCE a répondu à la lettre du comité de surveillance du 14 avril 2009.
114 Lors de la réunion du conseil des gouverneurs qui s’est tenue le 23 avril 2009, Mme T. a fait une présentation sur écran de la réforme du plan de pension.
115 Par lettre de ce même 23 avril 2009, le président de la BCE a informé les membres du conseil des gouverneurs de ce que la date prévue pour l’adoption, notamment, de la décision portant modification des conditions d’emploi avait été fixée au 4 mai 2009 et que, dans le cas où, à cette date, il n’aurait pas reçu d’observations de leur part, ils seraient censés avoir adopté en date du 4 mai 2009 la dernière version de cette décision, en l’espèce celle datée du 23 avril 2009 jointe à la lettre, et qui présentait une seule différence par rapport à la version du 14 avril 2009, à savoir la date d’entrée en vigueur fixée au 1er juin 2009.
116 Par courriel envoyé le 29 avril 2009 à 12 heures, le comité du personnel a demandé notamment au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » de transmettre au conseil des gouverneurs, dans les deux heures et en tout cas avant 15 heures, la lettre adressée au conseil des gouverneurs, datée du même jour, et jointe à son courriel.
117 Le 4 mai 2009, le conseil des gouverneurs s’est prononcé en faveur de la réforme du régime de prévoyance de la BCE et a adopté la décision du 4 mai 2009, laquelle est entrée en vigueur le 1er juin 2009 (voir point 51 du présent arrêt).
118 Le 15 juin 2009, chacun des requérants a reçu son bulletin de salaire du mois de juin 2009 et a pu constater à cette occasion que la décision du 4 mai 2009 lui avait été appliquée, étant donné que sa contribution obligatoire au régime de prévoyance de la BCE était passée de 4,5 % à 6 % de son salaire.
119 Dans les deux mois suivant la notification de leur bulletin de salaire du mois de juin 2009, les requérants ont chacun introduit une demande de réexamen (« administrative review ») de ce bulletin de salaire en ce qu’il mettait en œuvre la décision du 4 mai 2009, laquelle serait, selon eux, entachée d’illégalité. Toutes les demandes de réexamen étaient rédigées en termes identiques, suivant un modèle type, mais certains requérants ont ajouté des informations sur leur situation personnelle.
120 Par décisions du 28 août 2009, rédigées en termes identiques pour tous les requérants, le directeur général adjoint de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a rejeté chacune des demandes de réexamen (ci-après les « décisions de rejet de la demande de réexamen »).
121 Dans les deux mois suivant la notification des décisions de rejet de la demande de réexamen, chaque requérant a introduit une réclamation (« grievance procedure »), au titre de l’article 41 des conditions d’emploi, contre la décision le concernant. Toutes les réclamations étaient rédigées en termes identiques, suivant un modèle type, mais certains requérants ont ajouté des informations sur leur situation personnelle.
122 Par décisions du 17 décembre 2009, rédigées en termes identiques pour tous les requérants, chacune des réclamations a été rejetée (ci-après les « décisions de rejet de la réclamation »).
123 À la date d’introduction du présent recours, le 26 février 2010, les requérants étaient tous membres du personnel de la BCE en activité. Au 1er juin 2009, date d’entrée en vigueur de la réforme du régime de prévoyance de la BCE, certains d’entre eux avaient plus de 60 ans. D’autres ont eu 60 ans peu de temps après cette date.
124 Le 10 mai 2010, l’actuaire du plan a rendu un rapport d’évaluation à long terme du plan qui révèle que, dans l’hypothèse d’un gel du plan au 31 mai 2009, le plan afficherait un déficit de 687 000 euros. Le même jour, l’actuaire du plan a rendu un autre rapport d’évaluation à long terme du plan sur la base de l’hypothèse inverse, dont il ressort que, si le plan n’était pas gelé au 31 mai 2009, il afficherait un déficit de 31,5 millions d’euros, ce qui équivaudrait à une contribution supplémentaire de 2,5 % des salaires futurs.
Conclusions des parties et procédure
125 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le présent recours recevable et fondé et, en conséquence :
– annuler leur bulletin de salaire du mois de juin 2009 dans la mesure où ce bulletin constitue la première mise en œuvre, à leur égard, de la décision du 4 mai 2009, ainsi qu’annuler, dans la même mesure, tous les bulletins de salaire postérieurs ainsi que les bulletins de pension à venir ;
– pour autant que de besoin, annuler les décisions de rejet de la demande de réexamen et les décisions de rejet de la réclamation ;
– partant, condamner la partie défenderesse au paiement de la différence entre la rémunération ou la pension qu’ils auraient perçue en application du précédent régime de prévoyance et la rémunération ou la pension résultant de la décision du 4 mai 2009, cette différence de rémunération ou de pension devant être augmentée d’intérêts de retard, au taux de la BCE augmenté de 3 points, courant à compter du 15 juin 2009 et, ensuite, le 15 de chaque mois, jusqu’à complet apurement ;
– condamner la partie défenderesse au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de la diminution du pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex aequo et bono, et à titre provisionnel, à 1 % de la rémunération mensuelle de chaque requérant ;
– condamner la partie défenderesse à l’ensemble des dépens.
126 La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours non fondé ;
– condamner les requérants aux dépens.
127 Par lettre du greffe du 10 janvier 2013, les parties ont été invitées à répondre à plusieurs mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal. Les requérants ont déféré à cette invitation par mémoire du 13 février 2013 et la BCE par mémoires des 4 et 25 mars 2013.
128 Dans le rapport préparatoire d’audience, les parties ont été invitées à répondre à des mesures d’organisation de la procédure complémentaires. Elles ont déféré à cette invitation par mémoires respectifs du 14 mai 2013.
En droit
I – Sur l’objet des conclusions en annulation
129 En ce qui concerne les conclusions en annulation dirigées contre les bulletins de salaire du mois de juin 2009 et des mois suivants ainsi que contre les bulletins de pension à venir, il y a lieu de considérer, eu égard aux arguments des requérants, que ceux-ci soutiennent que lesdits bulletins (ci-après les « décisions litigieuses ») doivent être annulés, car le taux de contribution obligatoire au nouveau régime de prévoyance de la BCE figurant sur leur bulletin de salaire du mois de juin 2009 est dépourvu de base légale, dans la mesure où ce dernier taux a été fixé en application de la décision du 4 mai 2009, à l’encontre de laquelle les requérants soulèvent une exception d’illégalité.
130 Quant aux conclusions dirigées, pour autant que de besoin, contre les décisions de rejet de la demande de réexamen et contre les décisions de rejet de la réclamation, il ressort de la jurisprudence relative à la procédure précontentieuse prévue aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8). Il convient, par analogie, d’appliquer cette jurisprudence au système des voies de recours précontentieux ouvertes aux membres du personnel de la BCE (ordonnance du Tribunal du 18 mai 2006, Corvoisier e.a./BCE, F‑13/05, point 25 ; arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Heath/BCE, F‑121/10, point 47).
131 En l’espèce, le Tribunal constate que les décisions de rejet de la demande de réexamen et les décisions de rejet de la réclamation ne font que confirmer les décisions litigieuses dans la mesure où elles ne contiennent pas de réexamen de la situation des requérants en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux ni ne modifient ou complètent les décisions litigieuses. Les conclusions en annulation des décisions de rejet de la demande de réexamen et des décisions de rejet de la réclamation étant, comme telles, dépourvues de contenu autonome, elles se confondent en réalité avec les conclusions en annulation des décisions litigieuses.
II – Sur les conclusions en annulation des décisions litigieuses
132 Pour demander l’annulation des décisions litigieuses, les requérants soulèvent uniquement l’exception d’illégalité de la décision du 4 mai 2009, exception faite de la deuxième branche du septième moyen invoqué à l’appui de cette exception d’illégalité, branche directement dirigée contre les décisions litigieuses. À l’appui de l’exception d’illégalité de la décision du 4 mai 2009, les requérants invoquent sept moyens. Les premier et deuxième moyens sont tirés, en substance, de la violation des règles de consultation, respectivement, du comité de surveillance et du comité du personnel. Le troisième est tiré du défaut d’évaluation triennale du plan de pension au 31 décembre 2008. Le quatrième est tiré de la violation de l’article 6.3 et de l’article 7.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe de proportionnalité. Le cinquième est déduit du défaut de consultation du conseil général et de l’absence d’effet utile de l’intervention du conseil des gouverneurs. Le sixième est tiré de la violation des conditions fondamentales de la relation d’emploi, des droits acquis, du principe de sécurité juridique et de prévisibilité et de celui de la protection de la confiance légitime. Le septième est fondé sur le caractère inapproprié de l’information fournie aux membres du personnel.
A – Sur le premier moyen
133 Le premier moyen est divisé en trois branches. Par la première branche du moyen, les requérants font valoir que la BCE a méconnu les compétences du comité de surveillance, par la deuxième branche du moyen, que la BCE n’aurait pas dûment communiqué au comité de surveillance certaines informations et, par la troisième branche du moyen, que la BCE se serait opposée à ce que le comité de surveillance rencontre le conseil des gouverneurs.
1. Sur la première branche, tirée de la méconnaissance des compétences du comité de surveillance
a) Arguments des parties
134 Les requérants affirment que la BCE a méconnu les compétences du comité de surveillance, telles qu’elles ressortent de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et du mandat du comité de surveillance, en ayant limité la consultation dudit comité au seul problème du gel du plan de pension. Les requérants font grief à la BCE de ne pas avoir consulté le comité de surveillance sur l’intégralité de la réforme du régime de prévoyance, et notamment sur le remplacement du plan par le régime des pensions, au motif que le développement du régime des pensions impliquerait une modification législative des conditions d’emploi, laquelle échapperait aux compétences dudit comité.
135 D’une part, les requérants font valoir que la BCE, en agissant de la sorte, a violé l’ancienne annexe III des conditions d’emploi dans la mesure où l’article 2.3, l’article 5.1, l’article 6.6 et l’article 10.5 de cette annexe prévoient les situations dans lesquelles le comité de surveillance doit obligatoirement émettre un avis. En l’espèce, la réforme du régime de prévoyance aurait entraîné pour la BCE la fin de ses contributions au plan, la modification de ses contributions au régime de prévoyance et l’impossibilité pour les nouveaux agents d’adhérer au plan. Comme il s’agirait de cas de figure prévus à l’article 6.6 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et à l’article 10.5 de la même annexe, le comité de surveillance aurait dû être consulté sur ces aspects de la réforme, lesquels dépasseraient le simple gel du plan de pension. Il en serait d’autant plus ainsi que le gel du plan ne saurait se concevoir seul, le plan ayant été gelé parce que la BCE avait mis sur pied un nouveau régime de prévoyance, à savoir le régime des pensions, dans le cadre duquel le comité de surveillance disposerait du même mandat. Les requérants ajoutent que certaines décisions prévues par les dispositions précitées et pour lesquels l’avis préalable du comité de surveillance est requis, telles que les décisions de résilier le plan de pension ou de mettre fin aux contributions de la BCE ou de modifier celles-ci, entraînent en tout état de cause une modification des conditions d’emploi et emportent donc un acte législatif. La BCE ne saurait donc valablement affirmer que, en l’espèce, le comité de surveillance n’était pas compétent pour se prononcer sur des mesures visant à modifier les conditions d’emploi.
136 D’autre part, les requérants estiment que la BCE a également violé le mandat du comité de surveillance, car il ressortirait des articles 25 et 27 dudit mandat que le comité de surveillance a « la possibilité de formuler des [avis] au-delà » des articles de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi mentionnés au point précédent. Ainsi, dans le passé, le comité de surveillance aurait déjà émis des avis sur de nombreuses questions en dehors du strict cadre des dispositions précitées de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi. Ces avis auraient été pris en considération par la BCE, même s’ils conduisaient à une modification des conditions d’emploi.
137 Les requérants ajoutent que l’interprétation par la BCE de la réglementation applicable au comité de surveillance n’est conforme « ni à la lettre ni à l’esprit du rôle [du comité de surveillance] compte tenu [de] l’objectif poursuivi ». La BCE aurait dû interpréter la réglementation applicable au comité de surveillance de bonne foi, de façon à préserver l’effet utile du rôle de surveillance dudit comité. En se basant sur l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 20 novembre 2003, Cerafogli et Poloni/BCE (T‑63/02), lequel serait d’application par analogie, les requérants rappellent que le comité de surveillance n’a que le droit d’être consulté et que ses avis ne sont pas contraignants. Ce droit, modeste, aurait dû être respecté, sous peine de violer les principes de bonne administration et de sollicitude, d’autant plus que le comité de surveillance avait tiré la sonnette d’alarme parce qu’il considérait que la réforme du régime de prévoyance de la BCE était non seulement injustifiée, mais encore méconnaissait les droits des bénéficiaires.
138 La BCE conclut au rejet de la première branche comme non fondée.
b) Appréciation du Tribunal
139 S’agissant de la prétendue violation de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et du mandat du comité de surveillance, il y a lieu de constater que l’article 2.2 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi dispose que le rôle du comité de surveillance, lequel est composé de cinq bénéficiaires du plan, est de surveiller, comme un « gardien », le « fonctionnement général du [p]lan ». De même, l’article 25 du mandat du comité de surveillance énonce que, dans le cadre de l’accomplissement de leurs obligations relatives au suivi du « fonctionnement général du [p]lan », les membres du comité de surveillance doivent s’assurer que le plan est administré conformément aux règles le régissant.
140 Par ailleurs, l’article 26 du mandat du comité de surveillance énumère les cas de figure dans lesquels le comité de surveillance est invité à émettre un avis à la demande du conseil des gouverneurs et/ou du directoire. Il s’agit des cas visés par l’article 2.3, par l’article 5.1, par l’article 6.6 et par l’article 10.5 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, lesquels concernent la destitution et le remplacement de l’actuaire du plan et de l’auditeur du plan, la cessation du plan, la cessation ou la variation des contributions devant être versées au plan ainsi que la fermeture du plan aux nouveaux membres du personnel.
141 Il ressort du libellé des dispositions mentionnées aux points 139 et 140 du présent arrêt que les tâches du comité de surveillance concernent uniquement le fonctionnement du plan de pension et non sa conception. Il y a également lieu de constater qu’aucune de ces dispositions ne prévoit explicitement l’obligation de consulter le comité de surveillance sur des modifications des conditions d’emploi telles que la réforme du régime de prévoyance en vigueur à la BCE et, en particulier, sur la mise en œuvre du régime des pensions. Or, même si la réforme du régime de prévoyance issue de la décision du 4 mai 2009 emporte des conséquences en ce qui concerne le niveau des contributions devant être versées au plan et l’adhésion des nouveaux agents de la BCE au plan, de telles conséquences ne relèvent pas à proprement parler du « fonctionnement général » du plan, mais relèvent précisément de la réforme générale du régime de prévoyance. Ces conséquences n’entrent donc pas dans les prévisions de l’article 26 du mandat du comité de surveillance ni non plus dans celles de l’article 6.6 et de l’article 10.5 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi.
142 S’il est vrai que l’article 27 du mandat du comité de surveillance permet à ce comité, de sa propre initiative, de formuler des avis sur des questions qui le préoccupent dans l’exercice de sa mission, il demeure que, dans la mesure où la mission du comité de surveillance ne concerne que la mise en œuvre du régime de prévoyance en place, la portée de ces avis, formulés sans demande préalable de la part du conseil des gouverneurs ou du directoire, doit également se limiter à des questions concernant la seule mise en œuvre du régime de prévoyance. En tout état de cause, les avis que le comité de surveillance pourrait adopter de sa propre initiative ne seraient pas de nature à faire obstacle à l’exercice du pouvoir qui est dévolu au directoire.
143 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, dans le cadre de la consultation sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE, le comité de surveillance pouvait seulement émettre des avis en lien avec des aspects touchant au fonctionnement général du plan de pension et n’avait aucune compétence pour émettre des avis sur les modifications envisagées par la BCE du régime de prévoyance en général. C’est donc à bon droit que la consultation du comité de surveillance a été limitée à la partie de la réforme du régime de prévoyance se rapportant au gel du plan de pension.
144 Pour les mêmes raisons, force est de constater que les requérants n’ont pas prouvé que, en ne consultant le comité de surveillance que sur une partie de la réforme du régime de prévoyance et non sur la totalité de la réforme, la BCE aurait interprété les dispositions mentionnées aux points 139 et 140 du présent arrêt en violation des principes de bonne foi, de l’effet utile et de bonne administration.
145 Pour ce qui est de l’argument tiré de la violation du devoir de sollicitude, il convient de rappeler que la notion de devoir de sollicitude de l’administration, telle que développée par la jurisprudence du juge de l’Union, reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, Saracco/BCE, F‑66/09, point 106).
146 Le devoir de sollicitude, qui doit être pris en compte par les institutions lorsqu’elles adoptent à l’égard d’un de leurs fonctionnaires un acte lui faisant grief, s’impose également à la BCE lorsqu’elle adopte un tel acte à l’égard d’un des membres de son personnel (arrêt Saracco/BCE, précité, point 107). En l’espèce, ce devoir de sollicitude s’impose aussi à la BCE lorsqu’elle adopte un acte de portée générale à l’égard de ses agents.
147 Le devoir de sollicitude ne saurait toutefois pas contraindre l’administration à méconnaître la portée des dispositions applicables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Angé Serrano/Parlement, F‑9/07, point 89). S’il est vrai que, en l’espèce, ni l’ancienne annexe III des conditions d’emploi ni le mandat du comité de surveillance n’interdisent expressément la consultation du comité de surveillance sur les modifications des conditions d’emploi envisagées par la BCE dans le cadre de la réforme de son régime de prévoyance, il demeure, d’une part, que ces dispositions ne prévoient pas l’obligation d’effectuer une telle consultation et, d’autre part, qu’il vient d’être jugé que le comité de surveillance était seulement en droit d’émettre des avis sur des questions relevant du fonctionnement général du plan de pension. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la BCE de ne pas avoir pris en considération l’intérêt des requérants en décidant de ne pas consulter le comité de surveillance sur la mise en place du régime des pensions.
148 Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du premier moyen, fondée sur la méconnaissance des compétences du comité de surveillance, comme non fondée.
2. Sur la deuxième branche, tirée de la communication incomplète ou tardive de documents au comité de surveillance
a) Arguments des parties
149 Les requérants font valoir que la BCE a violé le principe de bonne foi du fait de ne pas avoir communiqué au comité de surveillance, ou de lui avoir communiqué tardivement, les documents et les informations qui lui auraient été utiles pour établir ses avis . Les requérants se plaignent du fait que le comité de surveillance aurait reçu tardivement le mémorandum du 20 décembre 2007, lequel ne lui aurait été communiqué que le 8 mars 2009, soit neuf jours ouvrables avant la date limite du 20 mars suivant fixée dans la lettre du président de la BCE du 20 février 2009 l’invitant, au nom du conseil des gouverneurs, à rendre son avis, alors qu’il s’agissait d’un document important. En effet, il ressortirait notamment du mémorandum du 20 décembre 2007 que le régime des pensions aurait un déficit de départ s’élevant à 5 % des salaires de base, soit un déficit supérieur à celui, estimé au 31 décembre 2005, de 4,2 % pour le plan de pension. Le caractère éventuellement préparatoire du mémorandum du 20 décembre 2007 n’aurait pas exonéré la BCE de le communiquer au comité de surveillance. Les requérants ajoutent que le comité de surveillance aurait également reçu tardivement la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009, laquelle lui aurait été transmise postérieurement à l’adoption de la décision du 4 mai 2009. D’autres documents importants, tels que des études effectuées par Morgan Stanley en novembre 2001 et en 2002 et celles réalisées par deux professeurs d’université en 2002 et 2003, n’auraient été communiquées qu’en 2008.
150 Les requérants font également grief à la BCE de n’avoir jamais transmis au comité de surveillance les informations suivantes : les rapports montrant que la BCE aurait examiné d’autres options pour rétablir la situation financière du plan de pension et les motifs du rejet de ces options ; la lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009 ; le document de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » intitulé « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées » (« Overview of actuarial assumptions used »), qui aurait été annexé sous la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL au rapport final du groupe de travail, du 9 avril 2009 ; les procès-verbaux des réunions du directoire, du conseil des gouverneurs et du conseil général, les documents qui ont été remis à ces organes et les présentations sur écran faites lors de leurs réunions ; et, en dernier lieu, la demande du directoire adressée à l’actuaire du plan d’entreprendre une révision du plan de pension, demande dont le comité de surveillance aurait appris incidemment l’existence en septembre 2005.
151 La BCE estime que la deuxième branche est non fondée.
b) Appréciation du Tribunal
152 Il ressort du dossier que la consultation du comité de surveillance s’est déroulée en deux étapes. Ainsi, par note du 30 janvier 2008, la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a demandé au comité de surveillance de lui soumettre son avis sur les principes généraux de la réforme du régime de prévoyance de la BCE envisagée et, en particulier, sur le possible gel du plan (voir point 77 du présent arrêt). Par mémorandums des 31 mars et 2 juin 2008, le comité de surveillance a déféré à cette demande. Postérieurement, par lettre du 20 février 2009, le président de la BCE a, au nom du conseil des gouverneurs, invité le comité de surveillance à lui faire parvenir son avis sur les règles détaillées régissant le gel du plan (voir point 101 du présent arrêt). Par mémorandum du 7 avril 2009, le comité de surveillance a donné suite à cette demande.
153 S’agissant des procès-verbaux des réunions tenues par le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général que la BCE n’aurait jamais transmis au comité de surveillance, il suffit de rappeler que, conformément à l’article 10, paragraphe 4, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et à l’article 23, paragraphe 1, du règlement intérieur de la BCE, les réunions des organes de décision de la BCE sont confidentielles à moins que le conseil des gouverneurs n’autorise le président de la BCE à rendre public le résultat de leurs délibérations. Dans la mesure où les procès-verbaux susmentionnés doivent, en principe, être qualifiés de documents confidentiels et qu’il n’est pas exclu qu’ils contenaient également des informations autres que celles relatives à la réforme du régime de prévoyance, la BCE n’était pas tenue de les fournir, de sa propre initiative, au comité de surveillance.
154 En ce qui concerne les documents préparatoires des réunions tenues par le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général, ainsi que les présentations sur écran faites au cours de celles-ci, il y a lieu de considérer que ces documents ont, à l’instar des réunions elles-mêmes, un caractère confidentiel. Les requérants n’ont pas non plus démontré la nécessité pour le comité de surveillance d’avoir accès à ces documents pour l’accomplissement de sa mission. Dès lors, ils ne sauraient reprocher à la BCE de ne pas avoir communiqué lesdits documents préparatoires au comité de surveillance.
155 S’agissant des études effectuées par Morgan Stanley en 2001 et en 2002 et de celles réalisées par deux professeurs d’université en 2002 et en 2003, la BCE affirme que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces études ont été communiquées au comité de surveillance au plus tard en octobre 2003, ce que les requérants n’ont pas nié dans leur mémoire en réplique ni non plus à l’audience. Le Tribunal a donc toutes les raisons de penser que le comité de surveillance a reçu les documents susvisés largement avant 2008, année au cours de laquelle les requérants affirment que le comité de surveillance en a reçu communication.
156 En ce qui concerne les autres documents mentionnés par les requérants, il n’est pas contesté par la BCE que le mémorandum du 20 décembre 2007, les lettres de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009 et du 7 avril 2009, le document de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » intitulé « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées », ainsi que la demande du directoire portant sur la révision du plan de pension n’ont pas été communiqués au comité de surveillance, ou l’ont été tardivement. S’agissant des rapports qui montreraient que la BCE aurait examiné d’autres options pour rétablir la situation financière du plan de pension, le dossier ne permet pas au Tribunal de vérifier si ces documents ont été communiqués et si une telle communication a été tardive ou non.
157 Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’obligation de consultation incombant à la BCE sur la réforme envisagée de son régime de prévoyance impliquait qu’elle devait fournir au comité de surveillance les informations pertinentes tout au long de la procédure de consultation, l’objectif étant de permettre au comité de surveillance de participer au processus de consultation aussi complètement et effectivement que possible. Pour ce faire, toutes nouvelles informations pertinentes devaient lui être fournies par la BCE jusqu’au dernier moment dudit processus (voir, s’agissant de l’obligation de consultation des représentants des travailleurs dans le cadre de licenciements collectifs, arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a., C‑44/08, point 53).
158 Par conséquent, il incombe au Tribunal d’examiner, s’agissant des documents non communiqués ou communiqués tardivement au comité de surveillance, mentionnés au point 156 du présent arrêt, s’il s’agissait de documents qui auraient été nécessaires pour que le comité de surveillance puisse mener à bien sa tâche d’émettre des avis sur le gel envisagé du plan de pension.
159 En ce qui concerne le mémorandum du 20 décembre 2007 (voir point 74 du présent arrêt), le Tribunal constate qu’il s’agit d’un document adressé au directoire, rédigé par la division du recrutement et de la compensation de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », dans lequel cette DG fait part de ses conclusions à la suite du réexamen du plan effectué à l’issue du rapport d’évaluation actuarielle de 2006 et de l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds. Après avoir analysé plusieurs solutions pour rétablir la situation financière du plan, la DG « Ressources humaines, budget et organisation » propose au directoire de modifier le régime de prévoyance en vigueur et l’invite à réfléchir sur quelques propositions concrètes. Le mémorandum du 20 décembre 2007 constitue ainsi un document interne aux organes de décision de la BCE, qui examine de manière générale l’avenir du régime de prévoyance en vigueur, et non pas en particulier le gel du plan de pension. En tout état de cause, si les requérants soutiennent que ce mémorandum, comprenant 19 pages hors annexes, dont une seule page est consacrée à la question du gel du plan, n’a été communiqué au comité de surveillance que le 8 mars 2009, il demeure que ce dernier disposait toujours d’au moins neuf jours ouvrables pour lire cette page et rédiger son avis dans le cadre de la deuxième étape de la consultation. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la communication, le 8 mars 2009, du mémorandum du 20 décembre 2007 n’a pas empêché le comité de surveillance de formuler utilement son avis sur la question qui lui avait été soumise.
160 En ce qui concerne les rapports qui montreraient que la BCE aurait examiné d’autres options pour rétablir la situation financière du plan, le Tribunal observe que, dans la mesure où, dans ces rapports, la BCE aurait analysé des options n’envisageant pas le gel du plan, qui était la seule question soumise à l’avis du comité de surveillance, ces rapports ne peuvent pas être considérés comme ayant été nécessaires au comité de surveillance pour formuler ses avis en l’espèce.
161 Quant aux lettres de l’actuaire du plan des 14 janvier et 7 avril 2009 (voir points 98 et 106 du présent arrêt), le Tribunal constate que ces lettres n’ont pas de lien avec le gel du plan de pension envisagé en tant que tel. En effet, dans la première lettre, l’actuaire du plan fait part à la BCE de ses réflexions sur les intentions de la BCE de verser une contribution supplémentaire pour couvrir le financement de la garantie du capital pour l’année 2008 et, si nécessaire, une contribution supplémentaire afin de rétablir la solvabilité du plan de pension à 100 % à partir de la date à laquelle il allait être gelé. En particulier, l’actuaire du plan formule des réflexions sur le moment où une telle contribution supplémentaire pourrait être versée. Dans la seconde lettre, l’actuaire du plan fait référence au taux de contribution annuel, calculé sur les salaires des membres, qui est nécessaire pour le projet de régime des pensions et explique que, sur la base d’une série d’hypothèses actuarielles, il est arrivé à la conclusion qu’un taux de contribution de 24 % des salaires annuels serait approprié. Ainsi que le fait valoir à juste titre la BCE, l’actuaire du plan souligne, dans cette lettre, qu’une variation des hypothèses actuarielles peut entraîner une modification du taux de contribution requis. Dans la mesure où les tâches du comité de surveillance concernent uniquement le fonctionnement général du plan de pension et non sa conception (voir point 141 du présent arrêt) et qu’il a été jugé (voir point 143 du présent arrêt) que le comité de surveillance pouvait seulement émettre des avis en lien avec des aspects touchant au fonctionnement général du plan, le Tribunal estime que le défaut de communication des deux lettres susvisées n’a pas empêché ledit comité de formuler utilement des avis sur le gel envisagé du plan.
162 En ce qui concerne le document de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » intitulé « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées », qui aurait été annexé sous la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL au rapport final du groupe de travail du 9 avril 2009, le Tribunal observe que l’annexe ainsi référencée au rapport susvisé est intitulée « Réforme du plan de pension de la BCE », et non « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées » comme le soutiennent les requérants.
163 En réponse aux mesures d’organisation de la procédure, la BCE a signalé que le document portant la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL est en réalité une annexe au mémorandum du 20 décembre 2007, qu’elle avait produite avec son mémoire en duplique, et que le document intitulé « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées » est un tableau comportant une vue d’ensemble des hypothèses actuarielles provenant de la documentation du groupe de travail (ci-après le « tableau des hypothèses actuarielles »), tableau dont elle a fourni une copie.
164 À cet égard, le Tribunal rappelle que le mémorandum du 20 décembre 2007 est un document préparatoire interne et que la BCE était en principe en droit de refuser à des organes autres que ses organes de décision l’accès audit mémorandum en tant que tel (voir point 159 du présent arrêt). Par conséquent, si, en mentionnant le document portant la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL, les requérants visent une annexe du mémorandum du 20 décembre 2007, c’est à bon droit que la BCE n’a pas transmis cette annexe au comité de surveillance.
165 Si, en revanche, en mentionnant le document portant la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL, les requérants visent le tableau des hypothèses actuarielles produit par la BCE en réponse aux mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal constate que ce tableau reprend les hypothèses actuarielles employées lors de la création du plan en 1998, celles, aux dires de la BCE, utilisées en 2005 pour le rapport d’évaluation actuarielle de 2006, et celles employées pour la réforme du régime de prévoyance à partir des paramètres suivants : le rendement obligataire net, l’inflation à long terme, les rendements à long terme des obligations émises par les gouvernements, les rendements estimés des actifs et les prévisions en matière d’espérance de vie des hommes âgés de 65 ans. Or, il n’a pas été établi devant le Tribunal, au vu des informations contenues dans ce tableau, que la prise de connaissance de ces informations était indispensable pour émettre un avis sur le gel du plan de pension. Par conséquent, il convient de constater que le défaut de prise de connaissance du tableau des hypothèses actuarielles par le comité de surveillance n’a pas pu empêcher ce dernier d’émettre des avis sur le gel du plan de pension.
166 Par suite, il y a lieu de conclure que le grief tiré du défaut de communication du tableau des hypothèses actuarielles au comité de surveillance doit être rejeté.
167 S’agissant, enfin, de la demande du directoire adressée à l’actuaire du plan d’entreprendre une révision du plan de pension, le Tribunal constate que cette demande a été faite au plus tard en septembre 2005, donc bien avant que l’actuaire du plan a émis, le 6 décembre 2006, le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 et que la division de la gestion des risques de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a déposé, le 6 mars 2007, l’étude sur la répartition des actifs du fonds. Dans la mesure où ce rapport et cette étude, ainsi que le mémorandum du 20 décembre 2007, se trouvent, selon les requérants eux-mêmes, à la base de la réforme du régime de prévoyance envisagée, le Tribunal estime que la demande du directoire susvisée n’était pas nécessaire au comité de surveillance pour la formulation de ses avis sur le gel envisagé du plan de pension.
168 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen, tirée de la communication incomplète ou tardive de documents au comité de surveillance, comme non fondée.
3. Sur la troisième branche, tirée du refus d’accorder au comité de surveillance l’accès au conseil des gouverneurs
a) Arguments des parties
169 Les requérants estiment que la BCE a violé l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et le mandat du comité de surveillance en ayant refusé à ce dernier de participer à la réunion du conseil des gouverneurs qui a eu lieu le 23 avril 2009 et donc de rencontrer le conseil des gouverneurs avant qu’il n’adopte la décision du 4 mai 2009. Or, selon les requérants, dans sa lettre du 14 avril 2009 adressée au président de la BCE, le comité de surveillance lui avait toutefois demandé « de façon certes polie mais claire, d’être présent à [cette] réunion ». Les requérants ajoutent que la présence du comité de surveillance à ladite réunion aurait pu conduire à un autre résultat que la décision du 4 mai 2009.
170 La BCE estime que la troisième branche doit être rejetée comme non fondée.
b) Appréciation du Tribunal
171 Conformément à l’article 2.2, sous i) et iv) de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, le comité de surveillance a accès aux personnes et organes nécessaires pour pouvoir remplir son rôle, à savoir celui de surveiller le fonctionnement général du plan de pension. Cette disposition accorde donc au comité de surveillance le droit d’accès au conseil des gouverneurs. En l’espèce, il ressort de la lettre adressée au président de la BCE le 14 avril 2009 que le comité de surveillance lui a demandé « gentiment de bien vouloir informer le [c]onseil des [g]ouverneurs que le [c]omité de [s]urveillance rest[ait] à sa disposition pour présenter directement ses recommandations aux membres du [c]onseil des [g]ouverneurs le 23 avril [2009] ». Le comité de surveillance n’ayant pas demandé expressément à avoir accès au conseil des gouverneurs, mais s’étant limité à se mettre à sa disposition, il y a lieu de conclure que les requérants ne sauraient reprocher à la BCE de ne pas avoir invité le comité de surveillance à la réunion du conseil des gouverneurs du 23 avril 2009. En tout état de cause, il est constant que le conseil des gouverneurs avait reçu, avant cette réunion, le mémorandum du comité de surveillance du 7 avril 2009 contenant son avis sur la réforme du régime de prévoyance envisagée (voir point 108 du présent arrêt).
172 Par conséquent, la troisième branche du premier moyen, tirée du refus d’accorder au comité de surveillance l’accès au conseil des gouverneurs, doit également être rejetée.
173 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.
B – Sur le deuxième moyen
174 Par leur deuxième moyen, les requérants reprochent à la BCE, en substance, d’avoir violé la procédure de consultation du comité du personnel dans le cadre de l’élaboration de la décision du 4 mai 2009. Ce moyen comporte six branches, consistant en la prétendue violation des articles 45 et 46 des conditions d’emploi (devenus articles 48 et 49 à partir du 1er janvier 2009), du protocole d’accord, de la liberté syndicale, de l’accord du comité du personnel sur l’établissement du groupe de travail, du principe de bonne administration ainsi que de l’obligation de bonne foi.
175 Il convient d’examiner ensemble les six branches du deuxième moyen dans la mesure où elles sont liées et où les requérants ont développé à leur soutien un raisonnement unique, divisé en quatre arguments.
1. Sur le premier argument, tiré de ce que la procédure de consultation suivie avant la mise en place du groupe de travail aurait été inappropriée et entachée d’irrégularités
a) Arguments des parties
176 Les requérants estiment que la procédure de consultation suivie avant la mise en place du groupe de travail était inappropriée. En effet, la BCE aurait opté pour la procédure de consultation habituelle, laquelle prévoirait des délais trop courts. En outre, la BCE aurait refusé de communiquer certaines données à l’actuaire mandaté par le comité du personnel, sans lesquelles ce dernier ne pouvait pas analyser utilement la proposition de réforme du régime de prévoyance. Étant donné que l’actuaire mandaté par le comité du personnel n’avait pas été en mesure d’émettre son rapport dans le délai prévu, le comité du personnel n’avait pas pu respecter le délai pour soumettre son avis complémentaire sur les principes généraux de la réforme envisagée. La BCE aurait toutefois refusé de prolonger le délai susvisé et aurait ouvert la seconde étape de la consultation, portant sur les règles détaillées de la réforme du régime de prévoyance, sans que la première étape de la consultation, sur les principes généraux, n’ait été clôturée. Par conséquent, le comité du personnel aurait été soumis à une pression considérable due aux délais à respecter pour émettre ses avis et se serait trouvé dans l’impossibilité d’appréhender utilement la proposition de réforme du régime de prévoyance présentée par la BCE et d’en apprécier l’impact. Les requérants ajoutent que la procédure d’échanges de vues préliminaires ne saurait être considérée comme faisant partie de la procédure de consultation proprement dite dans la mesure où il s’agissait en fait d’un exercice unilatéral de la BCE sur les thèmes que celle-ci avait choisis.
177 En défense, la BCE conclut au rejet de cet argument.
b) Appréciation du Tribunal
178 Le Tribunal observe, tout d’abord, que les requérants font valoir, à juste titre, que la procédure d’échanges de vues préliminaires ne fait pas partie de la procédure de consultation formelle, prévue au protocole d’accord. Dès lors, le Tribunal se bornera à examiner la régularité de la procédure de consultation telle que prévue par le protocole d’accord.
179 Il y a lieu de rappeler, à ce stade, que, conformément aux articles 8 à 10 du chapitre II du protocole d’accord, toute procédure de consultation pour discuter des propositions du directoire comporte deux sessions de consultation. La première s’ouvre par la demande de consultation adressée par la BCE au comité du personnel, lequel est invité à émettre un premier avis sur la proposition concernée dans un délai minimum de 20 jours ouvrables. La réponse de la BCE à cet avis du comité du personnel, réponse qui doit intervenir dans un délai équivalent à celui accordé au comité du personnel pour émettre son premier avis, ouvre la seconde session de consultation et donne droit au comité du personnel d’émettre un avis complémentaire dans un délai minimum de 10 jours ouvrables.
180 En l’espèce, il est constant que, par mémorandum du 1er avril 2008, le comité du personnel a émis son premier avis dans le cadre de la première étape de la consultation, mais qu’il n’a pas émis l’avis complémentaire prévu dans le cadre de cette première étape, ni non plus les deux avis qu’il aurait dû émettre dans le cadre de la seconde étape de la consultation, ces trois avis ayant été remplacés par les travaux du groupe de travail (voir point 93 du présent arrêt). Or, le Tribunal constate que tous les délais minima prévus au protocole d’accord pour que le comité du personnel émette ses avis ont été multipliés par deux et que plusieurs extensions de délai ont en outre été accordées.
181 En effet, dans le cadre de la première étape de la consultation, le délai de 20 jours ouvrables pour l’émission du premier avis a été porté à 40 jours ouvrables. De même, le délai de 10 jours ouvrables pour la présentation de l’avis complémentaire a été porté au double dès le début, la date limite ayant été initialement fixée au 10 juin 2008. Il ressort également du dossier qu’une première prolongation de ce délai expirant le 10 juin 2008 a été accordée au comité du personnel, repoussant la date limite pour la transmission de son avis complémentaire au 8 juillet 2008, soit une prolongation du délai de 20 jours ouvrables. Ensuite, par lettre du 14 août 2008, Mme T. a accepté une deuxième prolongation du délai, qui a ainsi été fixé au 22 août 2008. Enfin, par lettre du 20 août 2008, Mme T. a accepté un troisième et dernier report dudit délai au 1er septembre 2008.
182 Dans le cadre de la seconde étape de la consultation, lancée le 18 juillet 2008, le comité du personnel s’est vu accorder initialement un délai de 40 jours ouvrables pour émettre son premier avis. Ce délai, fixé au 10 septembre 2008, a été prolongé jusqu’au 8 octobre 2008 par lettre de Mme T. du 14 août 2008.
183 Il résulte des constatations factuelles qui précèdent que le reproche des requérants selon lequel le comité du personnel aurait été soumis à une pression considérable à cause du refus de la BCE de prolonger les délais, selon eux trop brefs, pour émettre ses avis ne peut être accueilli. Cette conclusion ne saurait être infirmée par la thèse des requérants selon laquelle l’actuaire mandaté par le comité du personnel ne disposant pas des informations nécessaires pour pouvoir rendre son rapport sur la réforme du régime de prévoyance envisagée, le comité du personnel, à son tour, n’aurait pas pu soumettre dans le délai son avis complémentaire dans le cadre de la seconde session de la première étape de la consultation. En effet, dans sa lettre du 30 juillet 2008 au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » (voir point 87 du présent arrêt), le comité du personnel a informé celui-ci que l’actuaire mandaté par le comité du personnel lui soumettrait son rapport le lendemain et qu’il serait en mesure d’émettre son avis complémentaire peu de temps après. Étant donné que le comité du personnel se disait lui-même prêt à rendre son avis complémentaire dans un court délai après le 31 juillet 2008, il ne saurait être considéré que la décision de Mme T., communiquée au comité du personnel par lettre du 14 août 2008, de reporter au 22 août 2008 le délai, alors fixé au 8 juillet 2008 pour la soumission de cet avis complémentaire (voir point 81 du présent arrêt), était inappropriée. Par conséquent, la décision de Mme T., communiquée par lettre du 20 août 2008 de reporter ce délai au 1er septembre 2008, n’était pas non plus inappropriée.
184 S’agissant du reproche selon lequel la BCE a ouvert la seconde étape de la consultation sans avoir clôturé la première, le Tribunal observe que le protocole d’accord n’interdit pas que la procédure de consultation se déroule en plusieurs étapes menées en parallèle. Étant donné que la première étape portait sur les principes généraux de la réforme du régime de prévoyance de la BCE envisagée et la seconde sur les règles détaillées du projet de régime des pensions ainsi que sur les règles détaillées du gel du plan, il y a lieu de comprendre qu’il s’agissait de deux étapes indépendantes. Il s’ensuit que la BCE était en droit d’ouvrir la seconde étape de la procédure de consultation avant la fin de la première étape.
185 Au vu des considérations qui précèdent, le premier argument, tiré de ce que la procédure de consultation suivie avant la mise en place du groupe de travail aurait été inappropriée et entachée d’irrégularités, doit être écarté.
2. Sur le deuxième argument, tiré du défaut d’effet utile de la procédure de consultation et de l’irrégularité des travaux du groupe de travail
a) Arguments des parties
186 Les requérants font valoir que la BCE n’a jamais eu l’intention de donner un effet utile à la procédure de consultation du comité du personnel, ce qui serait d’autant plus grave qu’elle savait que le coût de la réforme du régime de prévoyance serait supporté par les membres de son personnel. Ainsi, avant même l’ouverture de la procédure de consultation, la BCE aurait identifié certaines questions tout à fait marginales de sa proposition de réforme du régime de prévoyance initiale, sur lesquelles elle était prête à évoluer, alors qu’elle n’aurait pas entendu négocier les points fondamentaux de sa proposition. En effet, selon les requérants, dans le mémorandum du 20 décembre 2007, la BCE affirmerait qu’« [i]l va de soi que les membres du personnel âgés de 60 à 65 ans (environ 21 personnes) doivent être complètement exclus de la réforme » et qu’« [i]l est suggéré de laisser ouverte la question de savoir s’il faut instaurer un régime de transition au-delà de cette catégorie d’âge jusqu’à la seconde étape de la négociation, ce qui crée une certaine marge au comité du personnel pour exercer son influence » [« It can already be taken for granted that staff currently between age 60 and 65 (around 21 in number) will have to be fully excluded from the reform. It is suggested to leave the decision on the need of a transition regime beyond that age category open until the second round of consultation. This creates room for influencing by the Staff Committee »].
187 Selon les requérants, comme le démontrerait le passage repris ci-dessus du mémorandum du 20 décembre 2007, la BCE avait identifié dès le départ des questions conflictuelles que, de mauvaise foi, elle avait toutefois laissées dans sa proposition de réforme du régime de prévoyance afin que le comité du personnel puisse être satisfait de voir que ses demandes sur ces questions seraient acceptées. Or, l’impossibilité pour le comité du personnel d’influer sur le processus décisionnel serait démontrée par le fait que la décision du 4 mai 2009 ne s’écarterait de la proposition de réforme du régime de prévoyance de janvier 2008 que de façon marginale dans un sens favorable aux agents, en l’occurrence sur les conditions de la retraite anticipée et sur les prestations servies aux agents sans ayant droit. À cet égard, les requérants soulignent que les conditions, plus favorables aux agents, finalement retenues sont financées principalement par les agents eux-mêmes, dont le niveau de contribution a été augmenté de 1,5 %, passant de 4,5 % du salaire à 6 % du salaire. Ils font également valoir que le niveau de contribution de la BCE au régime des pensions a en réalité diminué de 2,7 % par rapport à ce qu’il était dans le plan de pension et que, contrairement à la proposition de réforme de janvier 2008, la décision du 4 mai 2009 prévoit la possibilité pour la BCE d’ajuster le niveau des contributions des agents et l’âge de départ à la retraite, ce qui serait défavorable aux agents. Les requérants ajoutent que leur thèse, selon laquelle la BCE a porté atteinte à l’effet utile de la consultation obligatoire du comité du personnel, ne saurait être infirmée par l’organisation de nombreuses réunions tenues par la BCE avec le comité du personnel pendant la procédure de consultation ni par la durée de celles-ci.
188 Les requérants font également valoir que les travaux du groupe de travail sont entachés d’irrégularités. En effet, les accords du comité du personnel et du syndicat IPSO sur l’établissement du groupe de travail disposeraient que ce dernier devait s’engager dans un échange constructif sur la réforme du plan « dans son ensemble » (« as a whole ») et auraient confié au groupe de travail l’examen de certaines questions. Or, une liste non exhaustive de propositions de modification de la réforme envisagée, soumise au groupe de travail le 16 octobre 2008 par le comité du personnel et le syndicat IPSO, n’aurait pas été prise en considération, et ce sans qu’une explication utile ne soit fournie. De même, les requérants affirment qu’après avoir soumis au directoire, début décembre 2008, son rapport provisoire sur la réforme, le groupe de travail aurait vu ses travaux limités à la seule mise en œuvre des orientations décidées par le directoire lors de sa réunion du 9 décembre 2008. Toute question dépassant ce cadre, telle que celle relative au niveau des contributions ou des prestations, n’aurait plus été débattue par le groupe de travail malgré les demandes du comité du personnel en ce sens. Enfin, les requérants font valoir que la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a soumis le rapport final du groupe de travail au directoire et au conseil des gouverneurs en y annexant une note de sa part portant des commentaires et des critiques sur l’avis du comité du personnel, alors que le protocole d’accord ne prévoirait pas que les avis du comité du personnel fassent l’objet de commentaires lors de leur communication aux autorités décisionnelles.
189 En défense, la BCE fait valoir qu’une consultation en bonne et due forme du comité du personnel a eu lieu, cette procédure de consultation ayant été la plus complète qui ait jamais été menée à la BCE.
b) Appréciation du Tribunal
190 En premier lieu, s’agissant de l’absence alléguée d’effet utile de la procédure de consultation du comité du personnel tenant à ce que la BCE n’aurait pas eu l’intention de tenir compte des propositions de modification faites par le comité du personnel dans le cadre de la consultation, le Tribunal observe que la référence expresse, dans le mémorandum du 20 décembre 2007, à une certaine marge de manœuvre laissée au comité du personnel ne constitue pas la preuve que la BCE, avant même le début de la procédure de consultation, aurait eu une position inflexible sur toute modification de sa proposition initiale de réforme du régime de prévoyance en ce qui concerne d’autres questions.
191 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue impossibilité pour le comité du personnel d’influer sur le processus décisionnel, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la consultation du comité du personnel ne comporte que le droit d’être entendu. Même si la consultation préalable du comité du personnel constitue un élément essentiel du dialogue social, en ce qu’elle permet au comité du personnel de participer effectivement, en certaines matières touchant aux intérêts du personnel, au processus décisionnel, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une forme de participation modeste à une prise de décision dans la mesure où elle n’implique pas l’obligation pour l’administration de donner une suite aux observations formulées par le comité du personnel dans le cadre de sa consultation. Cela étant, à moins de porter atteinte à l’effet utile de l’obligation de consultation du comité du personnel, l’administration doit strictement respecter cette obligation chaque fois où la consultation du comité du personnel est de nature à pouvoir exercer une influence sur le contenu de l’acte à adopter (arrêt Cerafogli et Poloni/BCE, précité, point 23, et la jurisprudence citée).
192 Il ressort de la jurisprudence mentionnée au point précédent que le droit du comité du personnel de la BCE d’être consulté n’implique pas l’assurance d’influer sur le processus décisionnel, la BCE n’étant pas tenue de suivre les points de vue exprimés par l’organe consulté. La réponse à la question de savoir si la procédure de consultation a manqué ou non d’effet utile en l’espèce ne dépend donc pas du nombre ou du contenu des modifications apportées par la BCE, à la demande du comité du personnel, à sa proposition de réforme initiale, mais des possibilités réelles qui ont été offertes au comité du personnel de s’exprimer utilement sur les propositions de la BCE et d’examiner d’autres solutions envisageables.
193 Par conséquent, afin de vérifier si la BCE a respecté l’effet utile de son obligation de consultation, il incombe au Tribunal d’examiner si le comité du personnel a été en mesure de s’exprimer utilement sur la proposition de réforme du régime de prévoyance de la BCE avant l’adoption de la décision du 4 mai 2009.
194 À cet égard, le Tribunal observe que, dans l’accord du comité du personnel sur l’établissement du groupe de travail, composé par des représentants de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », du comité du personnel et du syndicat IPSO, les parties reconnaissent que la procédure de consultation a été dûment menée jusqu’au 15 septembre 2008 et qu’elles sont convenues de dialoguer sur la réforme du régime de prévoyance dans son ensemble à partir des résultats de la procédure de consultation tels qu’obtenus à la date du 29 août 2008. Ainsi, il avait été convenu que les travaux du groupe de travail reposeraient sur la première partie de la procédure de consultation, portant sur les principes généraux de la réforme, tels qu’ils avaient été énoncés dans la demande de consultation du 30 janvier 2008 faite par la DG « Ressources humaines, budget et organisation », sur le premier avis du comité du personnel du 1er avril 2008, sur la réponse de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » du 8 mai 2008 ainsi que sur le projet des règles détaillées de la réforme, non seulement la version du projet soumise par la BCE le 18 juillet 2008, à savoir la proposition de décision du 18 juillet 2008, mais aussi les versions révisées du projet. Il avait également été convenu que la contribution du comité du personnel au rapport du groupe de travail compléterait la procédure de consultation sur la réforme dans sa totalité et se substituerait à l’avis complémentaire, initialement prévu, du comité du personnel sur les principes généraux ainsi qu’aux deux avis qu’il aurait dû émettre sur les règles détaillées de la réforme (voir point 93 du présent arrêt).
195 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de comprendre que les requérants ne mettent pas en cause l’effet utile de la procédure de consultation menée jusqu’au 1er avril 2008, date de l’émission du premier avis du comité du personnel dans le cadre de la première session de la première étape de la consultation, portant sur les principes généraux de la réforme. Par conséquent, le Tribunal se bornera à examiner si le comité du personnel a été dûment entendu lors des travaux du groupe de travail.
196 À cet égard, le Tribunal observe que, conformément aux accords du comité du personnel et du syndicat IPSO sur l’établissement du groupe de travail, ce dernier devait se réunir au moins une fois par semaine afin de soumettre un rapport au directoire au plus tard le 1er décembre 2008. Ainsi, entre le 10 septembre et le 28 novembre 2008, le groupe de travail s’est réuni à quinze reprises. Il ressort toutefois du dossier que le groupe de travail n’a pas été en mesure de finaliser ses travaux avant la date butoir du 1er décembre 2008, raison pour laquelle il a soumis au directoire, début décembre 2008, un rapport provisoire. Après que le directoire, dans sa réunion du 9 décembre 2008, a accordé un report du délai pour que le groupe de travail achève sa mission, ce dernier a tenu douze réunions entre le 13 janvier et le 24 mars 2009 et a rendu son rapport définitif le 9 avril 2009.
197 Si, comme le soutiennent à juste titre les requérants, le nombre et la durée des réunions du groupe de travail ne permettent pas de savoir si la BCE a respecté l’effet utile de son obligation de consultation, il résulte néanmoins des comptes rendus des réunions du groupe de travail que les discussions se sont déroulées en profondeur sur de nombreux aspects de la réforme envisagée et que les membres du comité du personnel siégeant au groupe de travail ont pu utilement faire valoir leur point de vue.
198 Par ailleurs, dans le rapport provisoire soumis par le groupe de travail au directoire début décembre 2008, le syndicat IPSO a déclaré que « [l]e groupe de travail s’[était] réuni au moins une fois par semaine depuis le 10 septembre 2008 pour s’engager dans un dialogue très ouvert et constructif, orienté sur l’obtention de résultats. Après avoir délimité le cadre des discussions, les deux parties ont identifié leurs soucis fondamentaux et les réunions suivantes ont visé l’identification et l’analyse d’une solution créative et réfléchie » (« The [task force] has met since 10 September 2008 at least once a week in a very open and constructive and results-oriented dialogue. After delineating the framework for the discussions, both parties identified their key concerns and subsequent meetings were focused on creative and deliberate solution identification and analysis »).
199 Concrètement, dans le rapport provisoire mentionné au point précédent, le syndicat IPSO a déclaré qu’il avait identifié dix « questions clés » qui auraient fait l’objet d’une discussion, à savoir, premièrement, le niveau des prestations pour les agents de la BCE et pour leurs ayants droit, deuxièmement, le niveau des contributions de la BCE et des agents, troisièmement, les ajustements futurs du régime des pensions, quatrièmement, l’âge de départ à la retraite et les conditions pour partir à la retraite pendant la période de départ à la retraite, cinquièmement, les règles transitoires destinées à atténuer les répercussions du régime des pensions sur le personnel en place, sixièmement, la gouvernance du plan de pension, septièmement, les montants transférés provenant d’autres régimes de prévoyance, huitièmement, l’utilisation et l’actualisation des tables de mortalité, neuvièmement, l’utilisation de tables de mortalité basées uniquement sur une population masculine et, dixièmement, l’instauration d’une pension de retraite minimum. Le syndicat IPSO a déclaré que les parties étaient arrivées à un accord sur les cinq dernières « questions clés » ainsi identifiées.
200 Il ressort du dossier que le comité du personnel a partagé la déclaration du syndicat IPSO mentionnée au point précédent. En effet, dans le rapport provisoire du groupe de travail soumis au directoire début décembre 2008, le comité du personnel a déclaré que « les membres du syndicat IPSO […] soumettront [au directoire] un aperçu des sujets ayant fait l’objet d’une discussion, des prises de position et de quelques options possibles pour l’avenir, dont le contenu est pleinement partagé par les représentants du comité du personnel au sein du groupe de travail » (« the IPSO membres in the task force will present you with an overview of the issues discussed, the stances taken and some options for the way forward ‑ the content of which is fully shared by the staff committee representatives in the task force »). Dans la mesure où le comité du personnel déclare « approuver », notamment, les « prises de position » du syndicat IPSO, il y a lieu de comprendre que le comité du personnel a accepté également l’identification par le syndicat IPSO des dix « questions clés » mentionnées au point précédent et qu’il a reconnu que ces dix « questions clés » ont fait l’objet d’une discussion ouverte et constructive au sein du groupe de travail, qu’un accord a été trouvé pour cinq d’entre elles, alors qu’un désaccord persistait sur cinq autres. Dans ces circonstances, le grief selon lequel la BCE n’aurait jamais eu l’intention de négocier les points fondamentaux de la réforme du régime de prévoyance et aurait seulement été prête à discuter de certaines questions marginales ne saurait être accueilli, car, comme il vient d’être relevé, les discussions au sein du groupe de travail ne se sont ni limitées à un nombre restreint de questions ni n’ont porté sur des questions considérées comme marginales par le comité du personnel et, de surcroît, se sont déroulées en profondeur.
201 Par ailleurs, la thèse des requérants selon laquelle les conditions de la retraite anticipée et les prestations servies aux agents sans ayant droit seraient les seuls aspects de la réforme sur lesquels le comité du personnel aurait pu influer, et ce seulement de façon marginale, ne saurait pas non plus prospérer. En effet, le Tribunal constate que ces questions, nullement marginales car figurant parmi les questions identifiées par le comité du personnel comme des « questions clés », ne sont pas les seuls sujets sur lesquels le comité du personnel a exercé son influence. Ainsi, il ressort du dossier que d’autres prévisions de la proposition de décision du 18 juillet 2008 ont été modifiées suite aux travaux du groupe de travail dans un sens favorable aux agents, tels que la clause régissant les ajustements futurs du régime des pensions et le rachat des années de service ouvrant droit à pension de retraite en cas de travail à temps partiel.
202 Le Tribunal constate également que, d’après les pièces figurant au dossier, les modifications apportées aux questions mentionnées au point précédent ne sont pas marginales.
203 En effet, en ce qui concerne tout d’abord les conditions du départ anticipé à la retraite, la proposition de décision du 18 juillet 2008 ne faisait pas de distinction entre les conditions applicables aux agents de la BCE déjà employés et celles applicables aux membres du personnel recrutés après l’entrée en vigueur de la réforme du régime de prévoyance et prévoyait des taux de réduction annuels allant de 5,4 % (pour un départ à la retraite à l’âge de 64 ans) à 3% (pour un départ à la retraite à l’âge de 55 ans). En revanche, aux termes de l’appendice 3, pour les membres du personnel recrutés par la BCE antérieurement au 1er juin 2009, le taux de réduction en cas de départ anticipé à la retraite entre 60 et 65 ans est de 1,5 % par an pour un départ entre 63 et 65 ans et de 3 % par an pour un départ entre 60 et 63 ans. Pour les membres du personnel recrutés par la BCE à partir du 1er juin 2009, le taux de réduction en cas de départ anticipé à la retraite a été fixé à 3,75 % par an pour un départ de 60 à 65 ans. Ainsi, il ressort du dossier que, en cas de départ anticipé à la retraite à 60 ans, le taux de réduction qui était de 25,2 % dans la proposition de décision du 18 juillet 2008 pour tous les agents, indépendamment de leur date de recrutement, a été ramené par la décision du 4 mai 2009 à 12 % pour un agent en fonction avant la réforme et à 18,75 % pour une personne prenant ses fonctions à compter du 1er juin 2009. Il résulte donc de la décision du 4 mai 2009 que les taux de réduction en cas de départ anticipé à la retraite figurant dans la proposition de décision du 18 juillet 2008 ont été révisés à la baisse, et ce de façon substantielle, suite aux travaux du groupe de travail.
204 Ensuite, concernant les prestations servies aux agents sans ayant droit, le Tribunal observe que la proposition de décision du 18 juillet 2008 ne prévoyait pas de régime transitoire pour les membres du personnel recrutés avant le 1er juin 2009 et sans conjoint à la date de leur départ à la retraite. Or, l’article 3, paragraphe 5, de la décision du 4 mai 2009 dispose que la pension de retraite de ces membres du personnel sera augmentée de 6 %, sans pouvoir dépasser 74,2 % du dernier salaire. Le Tribunal estime qu’il n’est pas exclu que ce soient les travaux du groupe de travail qui ont abouti à l’introduction de ce régime transitoire dans la décision du 4 mai 2009.
205 Par ailleurs, pour ce qui est de la clause régissant les ajustements futurs du régime des pensions, figurant à l’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi, le Tribunal constate que le libellé de cet article a été modifié considérablement par rapport à sa rédaction figurant dans la proposition de décision du 18 juillet 2008. En effet, ledit article 23, tel que rédigé dans la proposition de décision du 18 juillet 2008, disposait que, au cas où des évaluations actuarielles révéleraient que la valeur des actifs du régime obligatoire à prestations définies pourrait ne pas être suffisante pour faire face au passif dudit régime, le conseil des gouverneurs, sur avis actuariel, déciderait que la BCE verserait des contributions supplémentaires et/ou, en lien avec les services futurs, prendrait des mesures appropriées. Si ces mesures impliquaient l’augmentation du taux de contribution, il était prévu que cette augmentation serait partagée entre la BCE (à concurrence des deux tiers) et le personnel (à concurrence d’un tiers).
206 Or, dans la version adoptée par la décision du 4 mai 2009, l’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi fait une distinction entre le passif lié aux services passés, accumulés dans le cadre du régime des pensions mais avant la date de l’évaluation actuarielle, et le passif lié aux services futurs, services qui doivent encore être rendus au moment de l’évaluation actuarielle du régime des pensions. S’agissant du passif lié aux services passés, ledit article prévoit que le conseil des gouverneurs, sur avis actuariel, décide que la BCE versera des contributions supplémentaires. S’agissant du passif lié aux services futurs, le conseil des gouverneurs pourra décider d’augmenter les contributions liées aux services futurs et/ou d’ajuster l’âge normal de départ à la retraite. Il est toutefois prévu qu’un tel ajustement de l’âge normal de départ à la retraite est soumis à l’adoption de mesures transitoires et que l’âge normal de départ à la retraite ne peut être ajusté qu’à compter de 2019 et à condition que le taux de l’ensemble des contributions soit ou ait été ajusté, au moins jusqu’à 26,4 %. De même, cet article 23 prévoit que tout ajustement pour services futurs mentionné ci-dessus doit être soumis à l’avis du comité de surveillance et à la consultation du comité du personnel.
207 Enfin, concernant les agents de la BCE qui ont opté pour un travail à temps partiel pendant un certain nombre d’années, il ressort du dossier que la proposition de décision du 18 juillet 2008 prévoyait qu’ils pouvaient racheter un maximum de trois années de service ouvrant droit à pension de retraite lorsqu’ils reprenaient le travail à temps complet. Cette limite de trois années a toutefois été portée à dix années par la décision du 4 mai 2009, ainsi qu’il ressort de l’article 4 de l’annexe III bis des conditions d’emploi.
208 Certes, les requérants affirment que les conditions finalement retenues, plus favorables aux agents, sont financées principalement par les agents eux-mêmes et que la contribution de la BCE au régime des pensions a diminué de 2,7 % par rapport à la contribution de la BCE au plan de pension. Dans la mesure où cette argumentation recouvre une partie de l’argumentation développée dans la quatrième branche du quatrième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité, elle sera examinée par le Tribunal dans le cadre de l’examen de cette branche (voir points 320 et suivants du présent arrêt).
209 En troisième lieu, s’agissant du grief selon lequel une liste de propositions de modifications à apporter au projet de réforme du régime de prévoyance de la BCE, soumise le 16 octobre 2008 par le comité du personnel et le syndicat IPSO, n’aurait pas été prise en considération par le groupe de travail, le Tribunal constate que cette liste contient plusieurs propositions liées au calcul des prestations et à l’âge de départ à la retraite. Or, il ressort des comptes rendus des réunions du groupe de travail qu’au cours des réunions des 16, 22 et 28 octobre 2008 et de celle du 5 novembre 2008 le groupe de travail a discuté largement du calcul des prestations et de l’âge de départ à la retraite et que, plus particulièrement, les discussions ont porté sur quelques-unes des propositions spécifiques figurant sur la liste susvisée, telles que les prestations à hauteur de 2 % du dernier salaire par année de service selon la pratique suivie dans d’autres institutions publiques internationales (réunion du 16 octobre 2008) et la « règle des 85 », selon laquelle, lorsque le cumul de l’âge au moment du recrutement et du nombre d’années de service est égal à 85, la retraite anticipée est autorisée sans application d’un taux de réduction (réunion du 28 octobre 2008).
210 S’il est vrai que les comptes rendus des réunions du groupe de travail ne semblent rien indiquer à propos des autres propositions qui figuraient sur la liste mentionnée au point précédent, il ressort du compte rendu de la réunion du 16 septembre 2008 que, d’un commun accord entre tous les membres du groupe de travail, il avait été convenu que « les comptes rendus [devaient] contenir le résultat des discussions mais non le détail de toutes les contributions » (« minutes should reflect the outcome of the discussions but should not record all contributions in all details »). Dès lors, le Tribunal estime qu’il ne peut pas être exclu que toutes les propositions soumises au groupe de travail par le comité du personnel et le syndicat IPSO aient été abordées au sein du groupe de travail.
211 En tout état de cause, il ressort des comptes rendus des réunions du groupe de travail que tous les participants se sont prononcés librement. Par conséquent, dans la mesure où les requérants n’apportent pas de preuves, et ne prétendent d’ailleurs même pas, que les membres du comité du personnel siégeant au groupe de travail et qui assistaient à ces réunions n’auraient pas pu s’exprimer librement et, en particulier, n’auraient pas pu discuter des propositions faites par le comité du personnel lui-même, le Tribunal estime que, si ces membres du comité du personnel avaient souhaité aborder chacune des propositions contenues dans la liste soumise par le comité du personnel et le syndicat IPSO, rien ne les empêchait de le faire.
212 Il s’ensuit que le grief tiré de ce que la totalité des propositions visées au point 209 du présent arrêt n’aurait pas été prise en considération au sein du groupe de travail ne saurait prospérer.
213 En quatrième lieu, en ce qui concerne la critique formulée par les requérants selon laquelle, après la soumission au directoire du rapport provisoire du groupe de travail sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE, début décembre 2008, les travaux du groupe de travail n’auraient porté que sur la seule mise en œuvre des orientations décidées par le directoire au cours de sa réunion du 9 décembre 2008, il ressort du compte rendu de la réunion du groupe de travail du 13 janvier 2009 que, pendant cette réunion, le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a souligné que « le comité du personnel et le syndicat IPSO [avaient] toujours la possibilité d’exprimer leurs points de vue, de préférence par écrit, sur les orientations données par le directoire [lors de sa réunion du 9 décembre 2008] ou sur d’autres questions liées à la réforme dont ils [souhaitaient] discuter et qui n’[étaient] pas directement couvertes par les discussions proposées sur les règles détaillées de la réforme » (« the Staff Committee and IPSO still have the possibility to ventilate their views, preferably in writing on the orientations made by the executive board or on other pension reform issues they wish to raise and which are not directly covered by the proposed discussions on the detailed rules ») . Dès lors, ainsi que le fait valoir à juste titre la BCE, rien n’empêchait le comité du personnel de continuer à soumettre d’autres commentaires et propositions de modifications sur les propositions de réforme du directoire. Le comité du personnel était donc en mesure de formuler des observations sur toutes les questions de la réforme envisagée qui l’inquiétaient, même si elles avaient déjà été discutées, y compris sur les modifications proposées par le directoire lors de sa réunion du 9 décembre 2008. La critique selon laquelle, à partir de janvier 2009, le comité du personnel aurait été empêché de débattre au sein du groupe de travail de certaines questions liées à la réforme du régime de prévoyance envisagée, telles que le niveau des contributions et des prestations, ne saurait donc prospérer.
214 Pour ce qui est, enfin et en cinquième lieu, du reproche selon lequel la DG « Ressources humaines, budget et organisation » n’aurait pas transmis en toute neutralité le rapport final du groupe de travail au directoire, car elle y aurait annexé une note avec des critiques sur l’avis du comité du personnel, le Tribunal constate qu’aucune disposition n’interdit à la DG « Ressources humaines, budget et organisation » d’analyser les avis qu’elle reçoit et de faire part aux autorités décisionnelles de la BCE, en l’occurrence le directoire et le conseil des gouverneurs, de ses commentaires y afférents. Ce reproche ne peut donc qu’être rejeté.
215 Au vu des considérations qui précèdent, le deuxième argument, tiré du défaut d’effet utile de la procédure de consultation et de l’irrégularité des travaux du groupe de travail, doit être rejeté.
3. Sur le troisième argument, tiré de la communication incomplète ou tardive de documents au comité du personnel
a) Arguments des parties
216 Les requérants affirment que le comité du personnel n’a pas disposé de toutes les informations nécessaires lui permettant de donner un avis utile. Ils reprochent à la BCE de ne pas lui avoir communiqué, ou de lui avoir communiqué tardivement, certains documents auxquels le comité du personnel avait toutefois demandé l’accès au titre de la décision BCE/2004/3 ou dans le cadre de la procédure précontentieuse.
217 En défense, la BCE soutient que le comité du personnel a reçu tous les documents et informations pertinents pour remplir sérieusement son rôle d’organisme consultatif et lui permettre d’émettre un avis éclairé sur la proposition de réforme du régime de prévoyance.
b) Appréciation du Tribunal
218 Les requérants font valoir que, pendant la procédure de consultation, le comité du personnel n’a reçu ni le mémorandum du 20 décembre 2007, ni la lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009, ni l’étude comparative des régimes de prévoyance en vigueur dans les organisations publiques de référence telles que, notamment, la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et certaines banques centrales nationales, ni le document de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » intitulé « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées », qui aurait été annexé sous la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL au rapport final du groupe de travail du 9 avril 2009, ni les procès-verbaux des réunions du directoire, du conseil des gouverneurs et du conseil général, ni les présentations sur écran faites pendant ces réunions et ni non plus une partie des documents remis au conseil des gouverneurs en vue de ses réunions. Dans ses mémoires en défense et en duplique, la BCE ne conteste pas que les documents susmentionnés n’ont pas été communiqués au comité du personnel, à l’exception de l’étude comparative mentionnée ci-dessus qu’elle déclare avoir transmise au comité du personnel.
219 De plus, le comité du personnel aurait reçu tardivement, le 20 juillet 2009, la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009. Or, la BCE affirme, pour sa part, que, en mars 2009, elle avait reçu un projet de cette lettre et que les informations qu’elle contenait avaient été immédiatement communiquées aux représentants du comité du personnel lors de la réunion du groupe de travail du 24 mars 2009. Ces derniers auraient donc pris connaissance du contenu de la lettre susmentionnée le 24 mars 2009, même si la version définitive de la lettre ne leur avait été communiquée que le 20 juillet suivant.
220 À cet égard, il a été jugé au point 153 du présent arrêt que les procès-verbaux des réunions tenues par le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général devaient être qualifiés de documents confidentiels. En outre, les procès-verbaux visés par les requérants pouvaient éventuellement porter sur des sujets autres que la réforme du régime de prévoyance. Dans ces conditions, la BCE n’était pas tenue de les communiquer, de sa propre initiative, au comité du personnel.
221 Il a également été jugé au point 154 du présent arrêt que les documents préparatoires des réunions tenues par le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général et les présentations sur écran faites au cours de celles-ci sont en principe également confidentiels. De même, il a été exposé au point 159 du présent arrêt que le mémorandum du 20 décembre 2007 contient les conclusions auxquelles la DG « Ressources humaines, budget et organisation » est arrivée suite à son réexamen du plan de pension sur le fondement du rapport d’évaluation actuarielle de 2006 et de l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds. Le mémorandum du 20 décembre 2007 est un document contenant l’avis de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » sur l’avenir du régime de prévoyance en vigueur et destiné à la consultation préliminaire au sein du directoire. En tant que document préparatoire d’une réunion du directoire, le mémorandum du 20 décembre 2007 est donc également un document confidentiel. Par conséquent, il y a lieu de conclure que la BCE n’était pas tenue de communiquer au comité du personnel les documents préparatoires, y compris le mémorandum du 20 décembre 2007, et les présentations susmentionnés.
222 S’agissant de l’étude comparative des régimes de prévoyance en vigueur dans des organisations publiques de référence, la BCE a indiqué, en réponse à des mesures d’organisation de la procédure, que la documentation complète de cette étude se compose d’une présentation sur écran des résultats, sous forme de diapositives, d’un résumé de trois pages, rédigé à l’aide d’un programme informatique de traitement de textes, et des réponses individuelles des organisations publiques de référence. Il ressort d’un échange de courriels couvrant la période allant du 2 au 9 octobre 2007 entre des représentants du comité du personnel et des représentants de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », produit par la BCE en réponse à des mesures d’organisation de la procédure, que le résumé de trois pages de l’étude comparative ainsi que les réponses individuelles des organisations publiques de référence ont été communiqués au comité du personnel au plus tard le 9 octobre 2007.
223 Contrairement à ce que prétend la BCE, il ne ressort pas dudit échange de courriels que la présentation sur écran des résultats sous forme de diapositives aurait également été transmise au comité du personnel. Les diapositives de cette présentation sur écran ont toutefois été produites par la BCE en annexe à son mémoire en défense. Or, le Tribunal constate que les requérants n’indiquent pas dans leur mémoire en réplique en quoi cette présentation aurait été pertinente et nécessaire pour que le comité du personnel puisse formuler utilement son avis. Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure d’examiner le bien-fondé du grief des requérants selon lequel le défaut de communication au comité du personnel de la présentation sur écran de l’étude comparative en question l’aurait empêché de mener à bien sa tâche. Il s’ensuit que le grief concernant le défaut de communication de l’étude comparative des régimes de prévoyance en vigueur dans des organisations publiques de référence doit être rejeté.
224 Ensuite, ainsi qu’il a été rappelé au point 157 du présent arrêt par rapport au comité de surveillance, l’obligation de consultation incombant à la BCE implique que cette dernière devait fournir aux représentants du personnel les informations pertinentes tout au long des consultations. Il incombe donc au Tribunal d’examiner si les documents autres que ceux mentionnés aux points 220 à 222 ci-dessus et dont le comité du personnel incrimine le défaut de communication ou la communication tardive étaient effectivement nécessaires aux fins de la procédure de consultation du comité du personnel sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE.
225 En ce qui concerne la lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009, il a été indiqué au point 161 du présent arrêt que cette lettre contient des réflexions de son auteur sur l’intention de la BCE de verser une contribution supplémentaire au titre de la garantie du capital pour l’année 2008 et, si nécessaire, une contribution supplémentaire afin d’assurer la solvabilité du plan à la date où il serait gelé. Or, le Tribunal estime que ces réflexions, notamment sur le moment approprié pour verser des contributions supplémentaires dans le cadre du gel envisagé du plan, ne constituent pas des informations dont le comité du personnel pouvait avoir besoin pour être en mesure de donner un avis utile sur la réforme du plan de pension. Il s’ensuit que les requérants ne sauraient reprocher à la BCE de ne pas avoir fourni au comité du personnel la lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009.
226 Pour ce qui est de la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009, dans laquelle ce dernier fait référence au taux de contribution nécessaire pour la viabilité du projet de régime des pensions et explique que, sur la base d’une série d’hypothèses actuarielles, il est arrivé à la conclusion qu’un taux de contribution de 24 % serait approprié pour que le régime des pensions envisagé soit viable (voir point 161 du présent arrêt), la BCE a admis, en réponse à des mesures d’organisation de la procédure, que cette lettre n’avait été transmise au comité du personnel que le 20 juillet 2009, soit après l’entrée en vigueur de la réforme du plan de pension. À cet égard, le Tribunal observe, d’une part, qu’il ressort du compte rendu de la dernière réunion du groupe de travail, du 24 mars 2009, que, lors de cette réunion, la BCE a informé toutes les personnes présentes de la conclusion de l’actuaire du plan selon laquelle un taux de contribution à hauteur de 24 % était approprié pour assurer la viabilité du régime des pensions projeté. D’autre part, le Tribunal constate que les requérants, qui ont produit la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009 en annexe à la requête, n’indiquent pas en quoi ce document aurait été nécessaire pour que le comité du personnel puisse utilement formuler son avis. Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure d’examiner le bien-fondé du grief des requérants selon lequel la communication tardive au comité du personnel de la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009 l’aurait empêché d’émettre utilement un avis sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE. Il découle des considérations qui précèdent que le grief se rapportant à la communication tardive de la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009 doit être rejeté comme étant irrecevable.
227 Quant au document intitulé « Aperçu des hypothèses actuarielles utilisées », qui aurait été annexé sous la référence (08) 009g RCO PH/mn PENPL au rapport final du groupe de travail du 9 avril 2009, les requérants ont clarifié dans leur mémoire du 14 mai 2013, produit en réponse aux mesures d’organisation de la procédure figurant dans le rapport préparatoire d’audience, qu’ils faisaient référence au tableau des hypothèses actuarielles (voir point 163 du présent arrêt). Ils font valoir que, si ce tableau avait été transmis en temps utile, le comité du personnel aurait pu démontrer que, en se basant sur les hypothèses de 2005, le régime des pensions présenterait un déficit équivalent à celui du plan ou, inversement, qu’en se fondant sur les hypothèses utilisées pour la réforme du plan, le plan était équilibré.
228 Dans son mémoire du 14 mai 2013, produit en réponse aux mêmes mesures d’organisation de la procédure, la BCE a expliqué que, en tout état de cause, les hypothèses de 2005 figurant dans le tableau des hypothèses actuarielles étaient incluses dans le rapport d’évaluation actuarielle de 2006, lequel avait été annexé à la note du directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » du 30 janvier 2008 adressée au comité du personnel pour l’informer de l’ouverture de la procédure de consultation. Les hypothèses utilisées pour la réforme envisagée du plan de pension résulteraient essentiellement de la lettre du 6 septembre 2007 adressée par l’actuaire du plan au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », laquelle avait été transmise au comité du personnel. Les autres hypothèses figurant dans le tableau des hypothèses actuarielles, mais non dans la lettre du 6 septembre 2007 susmentionnée, auraient fait l’objet de discussions au sein du groupe de travail. Par conséquent, toutes les hypothèses figurant dans le tableau des hypothèses actuarielles auraient été connues du comité du personnel.
229 À l’audience, la BCE a admis que le tableau des hypothèses actuarielles n’avait pas été transmis au comité du personnel. S’agissant des hypothèses utilisées pour la réforme du régime de prévoyance, elle a toutefois souligné que ces données étaient connues du comité du personnel, car soit elles lui avaient été communiquées à travers la lettre de l’actuaire du plan du 6 septembre 2007, soit il s’agissait de données relevant du domaine public. Les requérants contestent cette affirmation.
230 À cet égard, le Tribunal constate que toutes les hypothèses de 2005 mentionnées dans le tableau des hypothèses actuarielles figurent effectivement dans le rapport d’évaluation actuarielle de 2006, lequel était joint à la note susmentionnée du 30 janvier 2008 du directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » adressée au comité du personnel pour l’informer de l’ouverture de la procédure de consultation (voir point 76 du présent arrêt), à l’exception de l’hypothèse basée sur le rendement obligataire net de 1,5 %. Il ressort toutefois du compte rendu de la réunion du groupe de travail tenue le 20 novembre 2008 que le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a expliqué lors de cette réunion que le déficit de 4,2 %, constaté dans le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 à partir des données disponibles au 31 décembre 2005, avait été calculé sur la base, notamment, de l’hypothèse d’un rendement obligataire net de 1,5 %. Il s’ensuit que toutes les hypothèses de 2005 mentionnées dans le tableau des évaluations actuarielles étaient connues du comité du personnel.
231 S’agissant des hypothèses utilisées pour la réforme du régime de prévoyance, il y lieu d’observer, d’abord, qu’il n’est pas contesté par les requérants que la lettre de l’actuaire du plan du 6 septembre 2007 a été communiquée au comité du personnel. Ce sont d’ailleurs les requérants eux-mêmes qui ont produit cette lettre en réponse à des mesures d’organisation de la procédure. Or, le Tribunal constate que la seule hypothèse utilisée pour la réforme du régime de prévoyance, à la fois reprise dans le tableau des hypothèses actuarielles et figurant dans la lettre susmentionnée, est celle relative aux rendements estimés des actifs, en l’espèce un rendement estimé des actifs de 5,6 %. Il ressort toutefois des comptes rendus des réunions du groupe de travail des 2 octobre et 20 novembre 2008 que les hypothèses basées sur le rendement obligataire net ont aussi fait l’objet d’un débat au sein du groupe de travail. S’il est certes vrai que les comptes rendus susmentionnés ne font pas mention, comme base des discussions, d’un rendement obligataire net de 2,5 %, mais d’un rendement de 2 % ou de 2,25 %, il demeure que le paramètre du rendement obligataire net, un paramètre parmi d’autres, a fait l’objet de discussion au sein du groupe de travail. De même, selon les comptes rendus des réunions du groupe de travail des 5 et 18 mars 2009, les discussions ont porté sur les prévisions en matière d’espérance de vie à l’âge de 65 ans.
232 Ensuite, le Tribunal estime que les requérants, membres du personnel de la BCE, laquelle a pour mission d’assister le SEBC dans sa tâche de maintien de la stabilité des prix, devaient connaître le taux d’inflation à long terme au cours des négociations sur la réforme du régime de prévoyance, puisque l’estimation du taux de cette inflation est faite par la BCE elle-même. Enfin, le Tribunal observe que, ainsi que l’a fait valoir la BCE lors de l’audience, les rendements à long terme des obligations émises par les gouvernements sont des données portées à la connaissance du public et que le comité du personnel était dès lors en mesure de les connaître.
233 Il ressort des considérations qui précèdent que le comité du personnel connaissait, ou était en mesure de connaître, les hypothèses de 2005 et celles utilisées pour la réforme du régime de prévoyance figurant dans le tableau des hypothèses actuarielles. Par conséquent, le défaut de communication dudit tableau au comité du personnel n’a pas été susceptible d’empêcher ce dernier de donner un avis utile sur la réforme du régime de prévoyance de la BCE.
234 Il s’ensuit que le troisième argument, tiré de la communication incomplète ou tardive de documents au comité du personnel, doit être rejeté.
4. Sur le quatrième argument, tiré du refus d’accorder au comité du personnel l’accès au conseil des gouverneurs
a) Arguments des parties
235 Les requérants font valoir que le comité du personnel s’est vu refuser le droit de communiquer avec le conseil des gouverneurs. En effet, son courrier daté du 29 avril 2009, annexé à son courriel du même jour, adressé notamment au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » (voir point 116 du présent arrêt), n’aurait pas été transmis au conseil des gouverneurs, malgré sa demande en ce sens. Avoir accès au conseil des gouverneurs aurait toutefois été important dans la mesure où la DG « Ressources humaines, budget et organisation » ne transmettait pas de façon neutre les avis du comité du personnel et que le conseil des gouverneurs n’avait pas été informé de bonne foi de la position dudit comité lors de sa réunion du 23 avril 2009.
236 La BCE rétorque que tous les avis du comité du personnel rendus dans le cadre de la procédure de consultation sur la réforme du régime de prévoyance ont été transmis au conseil des gouverneurs dans leur intégralité par l’intermédiaire du directoire. La BCE conclut au rejet du quatrième argument.
b) Appréciation du Tribunal
237 Le Tribunal observe, d’une part, que, conformément aux articles 11.6 et 12.2 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et à l’article 10, paragraphe 2, du règlement intérieur de la BCE, la transmission d’informations et de documents au conseil des gouverneurs se fait par l’intermédiaire du directoire, lequel, en tant qu’organe responsable de la gestion courante de la BCE et de l’ensemble des services de la BCE, est chargé de la préparation des réunions du conseil des gouverneurs.
238 D’autre part, selon l’article 21, paragraphes 2 et 4, du règlement intérieur de la BCE, seul le conseil des gouverneurs est compétent pour modifier les conditions d’emploi et, préalablement à l’adoption de nouvelles conditions d’emploi, le comité du personnel doit être consulté, son avis devant être soumis au conseil des gouverneurs. En lien avec ces dispositions, l’article 13 du protocole d’accord (voir point 50 du présent arrêt) dispose que, avant l’adoption d’une décision finale sur une proposition du directoire, le président de la BCE ou son représentant font en sorte que les documents de la procédure de consultation (avis du comité du personnel, réponse du président de la BCE ou de son représentant et avis complémentaire du comité du personnel) soient transmis à toutes les personnes prenant part à la procédure décisionnelle, y compris donc le conseil des gouverneurs.
239 Le Tribunal constate à cet égard que la lettre du comité du personnel, datée du 29 avril 2009, à l’attention du conseil des gouverneurs et qui était annexée au courriel du même jour, adressé notamment au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », ne contient pas d’avis formel tel que ceux que le comité du personnel était appelé à émettre dans le cadre de la procédure de consultation sur la réforme du régime de prévoyance ni ne correspond à l’un des rapports que le comité du personnel était chargé d’élaborer dans le cadre des travaux du groupe de travail. Dès lors, les requérants ne sauraient prétendre que la lettre du 29 avril 2009 susvisée aurait dû être transmise au conseil des gouverneurs par les voies de communication formelles prévues au sein de la BCE.
240 En tout état de cause, à supposer même que la lettre du comité du personnel du 29 avril 2009 puisse être qualifiée d’avis formellement émis par le comité du personnel dans le cadre de la procédure de consultation sur la réforme du régime de prévoyance, il demeure que des formalités devaient être remplies pour qu’un tel avis ait pu être transmis par le directoire au conseil des gouverneurs. En l’occurrence, le Tribunal observe que, dans le courriel du 29 avril 2009 envoyé à 12 heures et auquel était annexée ladite lettre, le comité du personnel a demandé que celle-ci soit transmise au conseil des gouverneurs dans un délai maximum de trois heures, soit avant 15 heures. Or, les requérants n’indiquent même pas qu’une réunion du directoire était prévue pour ce même 29 avril 2009, dans l’après-midi, pour que le directoire ait la possibilité de décider, à supposer qu’un débat sur le courriel et la lettre en cause ait pu être ajouté à l’ordre du jour de la réunion, s’il fallait faire parvenir la lettre susmentionnée aux membres du conseil des gouverneurs.
241 Si les requérants veulent dire que, en l’absence d’une réunion planifiée du directoire pour le 29 avril 2009, le président de la BCE aurait dû, dès réception, sur l’intervention du directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », du courriel du comité du personnel, convoquer une telle réunion le même jour, une telle argumentation ne saurait prospérer. En effet, s’il est vrai que, conformément à l’article 6 du règlement intérieur de la BCE, le président de la BCE peut convoquer des réunions du directoire quand il le juge nécessaire et que l’article 4 du règlement intérieur du directoire prévoit la possibilité pour le directoire de prendre des décisions par téléconférence, il demeure qu’il incombe au président de la BCE d’apprécier la nécessité de convoquer une telle réunion du directoire ou d’organiser une téléconférence. Le président de la BCE n’était donc nullement tenu de prendre des mesures pour que le courriel et la lettre y annexée du comité du personnel du 29 avril 2009 puissent être soumis aux membres du directoire le même 29 avril 2009.
242 Il s’ensuit que le quatrième argument, tiré du refus d’accorder au comité du personnel l’accès au conseil des gouverneurs, doit être rejeté.
243 Tous les arguments ayant été écartés, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble comme non fondé.
C – Sur le troisième moyen
244 Le troisième moyen comporte deux branches, tirées, la première, de la violation de l’article 6.8 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et, la seconde, de la violation du principe de confiance légitime. Le Tribunal constate toutefois que, dans leurs écrits, les requérants ne développent pas d’arguments au soutien de la seconde branche. Cette branche, simplement énoncée et qui n’est étayée par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclarée irrecevable. Le Tribunal se bornera dès lors à examiner la première branche.
1. Arguments des parties
245 Les requérants reprochent à la BCE de ne pas avoir procédé à l’évaluation triennale du plan de pension au 31 décembre 2008, malgré les demandes en ce sens du comité de surveillance. S’il est vrai que, à cette date, la consultation sur la réforme du régime de prévoyance était en cours et l’entrée en vigueur du régime des pensions prévue sous peu, il demeure que le plan de pension était toujours applicable. La BCE ne pouvait donc pas se soustraire à l’article 6.8 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi.
246 Les requérants ajoutent que plusieurs indices portent à croire qu’une telle évaluation actualisée et complète du plan de pension au 31 décembre 2008 aurait pu influer sur la réforme du régime de prévoyance dans la mesure où elle aurait permis « à l’administrateur et aux autres personnes et organes en lien avec le [p]lan » de prendre des décisions ou de rendre des avis utiles.
247 Dans le mémoire en réplique, les requérants soulignent que, en invoquant l’existence d’une procédure décisionnelle en cours au 31 décembre 2008, la BCE cherche à s’exonérer, sans contrôle, du cadre légal existant.
248 La BCE estime que la branche du troisième moyen tirée de la violation de l’article 6.8 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi est non fondée.
2. Appréciation du Tribunal
249 Il est constant que, conformément à l’article 6.8 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, l’administrateur du plan doit donner l’instruction à l’actuaire de procéder à une évaluation triennale complète du fonds. Cette évaluation triennale vise notamment à examiner la viabilité sur le long terme du plan de pension et doit permettre aux organes de direction de la BCE d’adopter les mesures appropriées lorsque cette viabilité est menacée.
250 En l’espèce, l’évaluation actuarielle sur le long terme du plan de pension effectuée par l’actuaire du plan à partir des données disponibles au 31 décembre 2005 a conclu à l’absence de viabilité du plan. En outre, l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds est arrivée à la conclusion que le plan était sous-financé. Postérieurement, la division du recrutement et de la compensation de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » a soumis au directoire le mémorandum du 20 décembre 2007, dans lequel elle recommandait au directoire de réformer substantiellement le plan de pension en gelant ce dernier et en le remplaçant par un régime de prévoyance similaire au régime des pensions mis en œuvre en vertu de la décision du 4 mai 2009.
251 Il ressort du dossier que, lors de sa réunion du 15 janvier 2008, le directoire, organe de la BCE chargé, conformément à l’article 36.1 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, de présenter au conseil des gouverneurs toute proposition de modification des conditions d’emploi, a décidé de suivre la recommandation de la division du recrutement et de la compensation de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » susmentionnée et d’ouvrir la consultation formelle avec le comité du personnel et le comité de surveillance pour que ces deux comités se prononcent sur le gel du plan et sur la mise en œuvre du régime des pensions. Il est constant que, le 21 janvier 2008, lorsqu’elle a présenté à l’ensemble du personnel la réforme du régime de prévoyance envisagée, la BCE a précisé que cette réforme était censée entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
252 Il est également constant que la procédure de consultation du comité du personnel s’est déroulée pendant tout le premier semestre de l’année 2008 pour se poursuivre, à partir de septembre 2008 et jusqu’en 2009, à travers les travaux du groupe de travail, auquel participaient des représentants du comité du personnel. Pendant l’année 2008, la BCE a également consulté le comité de surveillance sur les principes généraux de la réforme et en particulier sur la possibilité d’un gel du plan de pension.
253 Dans ces circonstances, le Tribunal estime que, dans la mesure où, au 31 décembre 2008, le directoire avait décidé d’abandonner le plan de pension et d’instaurer un nouveau régime de prévoyance, à savoir le régime des pensions, et eu égard aux discussions déjà intervenues au sein du comité de surveillance et du comité du personnel, y compris dans le cadre du groupe de travail, l’obligation de procéder au 31 décembre 2008 à l’évaluation actuarielle triennale du plan, soit trois ans après celle effectuée au 31 décembre 2005 et peu avant l’entrée en vigueur de la réforme du plan envisagée, était devenue caduque, puisqu’une nouvelle évaluation actuarielle du plan, à ce stade de la procédure, aurait été dépourvue de tout effet utile.
254 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme non fondée et, dès lors, le troisième moyen dans son ensemble comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.
D – Sur le quatrième moyen
255 Le quatrième moyen est divisé en cinq branches. La première est tirée de la violation des articles 6.3 et 7.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi. La deuxième est fondée sur une erreur manifeste d’appréciation. La troisième est déduite des motifs manifestement irréguliers en fait et en droit de la décision du 4 mai 2009. La quatrième porte sur la violation du principe de proportionnalité. La cinquième est tirée du principe de non-discrimination.
256 Le Tribunal constate d’abord que, dans leurs écrits, les requérants ne développent aucune argumentation au soutien du grief tiré de la violation de l’article 7.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi. Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclaré irrecevable.
257 Ensuite, le Tribunal observe que la troisième branche du moyen, tirée de ce que les motifs mis en avant par la BCE dans les considérants de la décision du 4 mai 2009 pour justifier la réforme seraient manifestement irréguliers en fait et en droit, se confond avec les première et deuxième branches du moyen. Il n’y a donc pas lieu d’examiner séparément ladite branche.
258 Enfin, le Tribunal constate que la cinquième branche du moyen, fondée sur la violation du principe de non-discrimination, est développée dans le cadre de la quatrième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité. Elle sera donc examinée ensemble avec cette dernière branche.
259 Dans leur mémoire en réplique, les requérants font valoir que la décision du 4 mai 2009 est entachée d’un détournement de pouvoir. Le Tribunal observe qu’il s’agit d’un moyen nouveau, qui figure pour la première fois dans le mémoire en réplique et n’a pas été soulevé dans la requête. Dès lors, conformément à l’article 43 du règlement de procédure, il y a lieu de le déclarer irrecevable.
1. Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, ainsi que de l’irrégularité en droit des motifs de la réforme avancés par la BCE
a) Arguments des parties
260 Les requérants reprochent à la BCE de chercher à justifier la réforme du régime de prévoyance par un prétendu manque de viabilité financière du plan de pension au 31 décembre 2005 au motif que, selon le rapport d’évaluation actuarielle de 2006, les contributions obligatoires au plan (16,5 % du salaire de base payés par la BCE et 4,5 % du salaire de base payés par les membres) ne permettaient pas de financer les prestations minimales garanties aux membres à long terme. Ainsi, ils font grief à la BCE de soutenir que l’évaluation actuarielle du plan de pension au 31 décembre 2005 montrait l’existence d’un déficit de financement sur le long terme de 4,2 % des salaires de base et que l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds conduisait à un résultat comparable.
261 Les requérants estiment que rien n’indique que la viabilité financière du plan de pension était mise en cause au moment où le conseil des gouverneurs s’est prononcé en faveur du remplacement du plan par le régime des pensions. Ils soutiennent que le plan ne pouvait pas présenter de problème de viabilité étant donné que la BCE avait l’obligation de financer son déficit éventuel et disposait des moyens financiers pour ce faire. En effet, cette viabilité aurait été assurée non seulement par les contributions régulières de la BCE et du personnel, mais également par les contributions supplémentaires que la BCE était tenue de verser, conformément à l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, lorsque les contributions régulières s’avéraient insuffisantes. Les contributions supplémentaires couvraient la garantie du capital et la garantie des prestations minimales aux membres et à leurs ayants droit et constituaient le mécanisme prévu dans le plan pour assurer sa viabilité financière. Si la BCE avait versé les contributions supplémentaires requises à la réserve pour imprévus, la réforme du régime de prévoyance aurait pu être évitée. Or, pour conclure à l’existence d’un « gouffre » financier au 31 décembre 2005, qu’elle évalue à 4,2 % des salaires de base, la BCE aurait retenu dans son calcul ses seules contributions régulières de 16,5 %. La BCE partirait donc du principe qu’elle n’avait pas à payer les contributions supplémentaires, en violation de son obligation contenue à l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, laquelle obligation constituait un avantage financier pour les membres et conférait aux requérants le droit acquis à la viabilité financière du plan à long terme. Ainsi, la motivation réelle de la décision du 4 mai 2009 serait le refus de la BCE de respecter son obligation de verser des contributions supplémentaires lorsque les contributions régulières sont insuffisantes et son souhait de faire des économies aux dépens de son personnel. La BCE prétendrait donc modifier la réglementation applicable pour échapper à ses obligations.
262 Les requérants ajoutent que, à supposer que le plan de pension ait présenté un déficit financier au 31 décembre 2005, un tel déficit ne se serait pas élevé à 4,2 % des salaires de base. En effet, dans la mesure où la garantie du capital contribuerait au financement du plan de pension et où la valeur historique des montants versés au titre de la garantie du capital serait de 3,3 % des salaires de base, ce déficit éventuel n’aurait pu être que de 0,9 %, à savoir la différence entre 4,2 % et 3,3 %. Dans ces circonstances, la BCE aurait dû commencer par respecter ses obligations et assurer la viabilité du plan moyennant le versement de contributions supplémentaires, et seulement ensuite elle aurait pu le modifier.
263 Dans leur mémoire en réplique, les requérants soulignent que la BCE est en droit de modifier son régime de prévoyance, même dans un sens défavorable pour les membres, mais qu’elle ne peut le faire que pour l’avenir. Par conséquent, en l’espèce, afin de couvrir le déficit financier du plan s’élevant à 4,2 % des salaires de base, lequel « rel[evait] du passé », la BCE aurait d’abord dû respecter les obligations qui étaient les siennes en vertu du plan et rétablir l’équilibre financier de celui-ci par le versement de contributions supplémentaires, conformément à l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, ou bien par l’augmentation des contributions régulières, en vertu de l’article 6.6 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi. Les requérants soulignent que l’actuaire du plan lui-même aurait estimé que le déficit constaté au 31 décembre 2005 devait être financé par des contributions supplémentaires futures de la BCE.
264 La BCE conclut au rejet de la première branche.
b) Appréciation du Tribunal
265 Il est constant que, conformément à l’article 36.1 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et à l’article 21.2 du règlement intérieur de la BCE, le conseil des gouverneurs, sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, adopte les conditions d’emploi. Ce pouvoir réglementaire portant sur les conditions d’emploi dont est investi le conseil des gouverneurs implique le pouvoir de modifier les conditions d’emploi à un moment donné lorsqu’il l’estime nécessaire. Par conséquent, le conseil des gouverneurs était à tout moment en droit d’initier la procédure prévue aux conditions d’emploi afin de modifier l’ancienne annexe III des conditions d’emploi.
266 En l’espèce, il ressort du dossier que le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 a indiqué que la viabilité à long terme du régime de prévoyance en vigueur était menacée et que l’étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds est arrivée à la même conclusion. Selon la BCE, cette évaluation à long terme couvrirait une période de 40 ans, ce qui impliquerait que des contributions supplémentaires de 4,2 % des salaires futurs auraient dû être versées pendant 40 ans si elle avait choisi de financer le déficit de 4,2 %, constaté par l’actuaire du plan, de cette façon (c’est-à-dire par des contributions supplémentaires).
267 Lors de l’audience, les requérants ont contesté que l’évaluation à long terme effectuée par l’actuaire du plan au 31 décembre 2005 couvre une période de 40 ans. À leur avis, cette évaluation couvre une période plus courte, de 15 ans, voire de 11 ou 12 ans. Le déficit de 4,2 % constaté par l’actuaire du plan dans le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 signifierait donc qu’une contribution supplémentaire de 4,2 % des salaires futurs aurait dû être versée pendant un maximum de 15 ans seulement.
268 À cet égard, le Tribunal estime que, à supposer même que l’évaluation à long terme effectuée par l’actuaire du plan au 31 décembre 2005 n’ait couvert qu’une période allant de onze à quinze ans, la BCE était en droit de considérer que le plan de pension présentait un déficit structurel. S’il est vrai que la BCE pouvait financer un tel déficit moyennant le versement de contributions supplémentaires ou de contributions régulières majorées, il demeure que ces contributions seraient provenues des actifs généraux de la BCE, et donc de fonds publics, et n’auraient pas remédié aux causes dudit déficit. C’est donc à bon droit que la BCE fait valoir que, conformément au principe de bonne gestion financière, il relevait de sa responsabilité d’adopter les mesures qu’elle estimait appropriées pour pallier ce déficit structurel du plan de pension.
269 Ne saurait prospérer l’argument des requérants selon lequel, conformément à l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, la BCE était tenue de verser des contributions supplémentaires aux fins de financer le déficit du plan. En effet, la disposition précitée prévoit que la BCE paiera à partir de ses actifs généraux les contributions supplémentaires que le conseil des gouverneurs, sur avis actuariel, aura estimé appropriées. Il ressort du libellé même de cette disposition que le paiement des contributions supplémentaires n’est pas automatique, mais requiert le consentement préalable du conseil des gouverneurs. Lorsque, comme en l’espèce, le conseil des gouverneurs avait estimé qu’il n’était pas approprié de maintenir pour l’avenir l’obligation pour la BCE de verser des contributions supplémentaires au plan, la BCE n’était pas tenue de procéder à un tel versement.
270 Les requérants font valoir que, dans le rapport d’évaluation actuarielle de 2006, l’actuaire du plan lui-même aurait indiqué que le déficit constaté au 31 décembre 2005 devait être financé par des contributions supplémentaires futures de la BCE. Toutefois, le Tribunal constate que, dans ledit rapport, l’actuaire du plan a indiqué que « à [son] avis, la BCE devrait reconsidérer la structure en vigueur du [p]lan afin de réduire les prestations, d’augmenter les contributions ou de conjuguer [la réduction des prestations et l’augmentation des contributions] » et que « [s]i la BCE ne [souhaitait] pas reconsidérer la structure actuelle du [p]lan et faire les modifications appropriées, [il] recommand[ait] que, à partir du 1er janvier 2008, des contributions supplémentaires équivalentes à 4,2 % des salaires soient versées annuellement ». Il s’ensuit que l’actuaire du plan a recommandé le paiement de contributions supplémentaires seulement au cas où la BCE ne souhaiterait pas modifier substantiellement le régime de prévoyance alors en vigueur. Or, le conseil des gouverneurs a choisi de suivre la première recommandation de l’actuaire du plan et a décidé d’apporter une solution à long terme au problème structurel du plan moyennant une réforme en profondeur du régime de prévoyance. En tout état de cause, à supposer même que l’affirmation des requérants quant à la recommandation de l’actuaire du plan soit exacte, il demeure qu’un avis de l’actuaire du plan n’est pas contraignant pour les organes de direction de la BCE et il ne saurait donc être reproché au conseil des gouverneurs d’avoir choisi une autre solution que celle recommandée par l’actuaire du plan.
271 Ne saurait non plus prospérer l’argument des requérants selon lequel la BCE aurait dû rétablir l’équilibre financier du plan par l’augmentation de ses contributions régulières, en vertu de l’article 6.6 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi. En effet, cette disposition prévoit que le conseil des gouverneurs « peut décider » que la BCE modifie le pourcentage de sa contribution au plan de pension. Il ressort donc du libellé même de cette disposition qu’une telle décision relève de l’entière discrétion du conseil des gouverneurs.
272 À titre surabondant, le Tribunal constate que le conseil des gouverneurs était à tout moment en droit de mettre un terme aux contributions de la BCE et au plan proprement dit, conformément à l’article 5.1 et à l’article 6.6 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi. A fortiori était-il également en droit de prendre des décisions beaucoup moins drastiques, telles que le refus de payer des contributions supplémentaires ou des contributions régulières majorées.
273 Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi ainsi que de l’irrégularité en droit des motifs de la réforme avancés par la BCE, n’est pas fondée.
2. Sur la deuxième branche, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation, ainsi que de l’irrégularité en fait des motifs de la réforme avancés par la BCE
274 Selon les requérants, la BCE avance trois motifs pour justifier la réforme du régime de prévoyance, à savoir le manque de viabilité financière, la complexité et l’asymétrie du plan de pension. Les requérants estiment qu’aucun de ces trois motifs n’est de nature à justifier la réforme, puisqu’ils seraient chacun entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.
275 Le Tribunal examinera d’abord le premier motif (premier grief), puis conjointement les deuxième et troisième motifs (deuxième et troisième griefs) aux fins de déterminer s’ils sont chacun entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.
a) Sur le premier grief, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation entachant le motif selon lequel le plan de pension manquait de viabilité financière
276 Au soutien de ce premier grief, les requérants formulent trois arguments, ayant trait, respectivement, aux données prises en compte (premier argument), à la gouvernance et au conflit d’intérêts (deuxième argument) et à la conception et la gestion du plan de pension (troisième argument).
Sur le premier argument
– Arguments des parties
277 Les requérants affirment que, à supposer que le plan de pension n’ait plus été viable au 31 décembre 2005, plusieurs évaluations et rapports d’experts révéleraient que les constatations faites au 31 décembre 2005 n’étaient plus d’actualité au 31 mai 2009, soit juste avant l’entrée en vigueur de la décision du 4 mai 2009. La BCE aurait donc commis une erreur manifeste d’appréciation lorsque, sur la base des évaluations et des rapports d’experts susmentionnés, elle a décidé de réformer le plan de pension au motif que sa solvabilité et son équilibre actuariels étaient en danger.
278 Plus particulièrement, les requérants font valoir, en premier lieu, que l’évaluation du plan effectuée en août 2008 par l’actuaire mandaté par le comité du personnel aurait révélé que la moitié du déficit financier constaté dans le rapport d’évaluation actuarielle de 2006 s’expliquait par le fait que l’actuaire du plan avait retenu un taux d’intérêt de 1,5 %, les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire les taux d’intérêt moins l’inflation, étant « exceptionnellement bas » en 2005. Or, en se fondant sur des taux d’intérêt actualisés en 2008, l’actuaire mandaté par le comité du personnel aurait retenu un taux d’intérêt de 3 % et aurait conclu à un déficit financier d’à peine 2 %. Selon les requérants, une augmentation des contributions de seulement 2 % aurait donc permis de supprimer ce déséquilibre pour les membres alors en activité. Les requérants ajoutent que l’actuaire du plan aurait par ailleurs appliqué un taux d’intérêt de 2,5 % pour effectuer son évaluation du plan au 31 mai 2009 sur la base de l’hypothèse selon laquelle le plan serait gelé à cette date et aurait conclu dans son évaluation, basée sur l’hypothèse selon laquelle le plan n’aurait pas été gelé à cette date, que le plan afficherait un déficit de 2,5 %.
279 En deuxième lieu, dans la lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009, l’actuaire du plan aurait souligné qu’après le paiement de la garantie du capital au titre de l’année 2008 le plan « pourra[it] se trouver en excédent » et que, en raison de l’absence d’évaluation actuarielle du plan au 31 décembre 2008, il n’était pas en mesure de préciser si ce dernier était déficitaire ou excédentaire.
280 En troisième lieu, les requérants soulignent, également dans des déclarations faites à l’audience, que, dans la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009, l’actuaire du plan lui-même aurait reconnu que, en appliquant au régime des pensions les mêmes hypothèses que celles retenues en 2005 pour le plan, le régime des pensions aurait affiché un déficit de 5,25 %, soit un déficit plus important que celui de 4,2 %, déficit estimé pour le plan au 31 décembre 2005. Au printemps 2009, la solvabilité estimée du nouveau régime de prévoyance, à savoir le futur régime des pensions, aurait donc été moins bonne que celle évaluée pour le plan au 31 décembre 2005.
281 En quatrième lieu, il ressortirait de « l’évaluation [effectuée par l’actuaire du plan] au 31 mai 2009, […] la date [du] ‘gel’ [du plan] », que le plan ne serait plus en déficit mais en équilibre financier pour le long terme, et ce principalement en raison du fait que, suite à l’entrée en vigueur de la décision du 4 mai 2009, les droits à pension futurs des membres avaient basculé dans le régime des pensions et que les taux d’intérêt avaient été actualisés, passant de 1,5 % au 31 décembre 2005 à 2,5 % au 31 mai 2009.
282 La BCE conclut au rejet du premier argument comme non fondé.
– Appréciation du Tribunal
283 En premier lieu, s’agissant de l’évolution des taux d’intérêt réels qui, en 2005, auraient été « exceptionnellement bas », il y a lieu d’observer qu’il ressort du dossier que les parties sont d’accord sur le fait que le taux de contribution nécessaire pour servir les prestations est très sensible aux variations des taux d’intérêt réels retenus pour les calculs actuariels et sur le fait que la prise en considération d’un taux d’intérêt réel plus ou moins élevé a un impact considérable sur l’estimation du déséquilibre financier. Ainsi, la prise en considération d’un taux d’intérêt réel élevé aboutit à une réduction significative du taux de contribution nécessaire pour assurer les prestations. À l’inverse, retenir, aux fins du calcul actuariel, un taux d’intérêt réel bas aboutit à une augmentation significative du taux de contribution requis.
284 Toutefois, si les requérants prétendent que les taux d’intérêt réels ont évolué d’un niveau « exceptionnellement bas » au 31 décembre 2005, soit 1,5 %, pour atteindre le niveau « plus naturel » de 3 % en août 2008, ils n’apportent aucun élément de preuve au soutien de cette thèse. Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas à même de se prononcer sur le bien-fondé de cet argument.
285 En deuxième lieu, s’agissant de la lettre de l’actuaire du plan du 14 janvier 2009, le Tribunal constate que les requérants en font une lecture erronée. En effet, il ressort clairement de son libellé qu’elle est une réponse « à l’approche ayant la préférence de la BCE consistant à payer une [c]ontribution [s]upplémentaire pour couvrir le financement de la garantie du capital pour l’année 2008 et, si nécessaire, une [c]ontribution [s]upplémentaire afin de rétablir la solvabilité du [p]lan [de pension] à 100 % à partir de la date à laquelle il sera[it] gelé ». Les réflexions de l’actuaire du plan s’inscrivent donc dans l’optique, choisie par la BCE, de geler le plan. Par conséquent, lorsque l’actuaire du plan indique que la BCE pourrait payer une contribution supplémentaire avant que les résultats de l’évaluation actuarielle du plan, qui serait effectuée à la date de son gel, ne soient connus et précise qu’une telle contribution pourrait se révéler postérieurement excessive et donc aboutir à une évaluation actuarielle du plan selon lequel celui-ci est « en excédent », il y a lieu de comprendre qu’il s’agirait d’un excédent du plan dans son état gelé, et non pas, comme le prétendent les requérants, dans l’hypothèse où ledit plan n’aurait pas été gelé.
286 En troisième lieu, le Tribunal observe que les requérants font également une lecture erronée de la lettre de l’actuaire du plan du 7 avril 2009. En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 161 du présent arrêt, dans cette lettre, l’actuaire du plan fait référence au taux de contribution nécessaire pour le projet de régime des pensions et explique que, sur la base d’une série d’hypothèses actuarielles et notamment d’un taux d’actualisation de 5,6 %, il est arrivé à la conclusion qu’un taux de contribution de 24 % serait approprié. Il souligne également que la prise en considération d’un taux d’actualisation plus bas, soit de 4,7 %, aboutirait à une augmentation du taux de contribution équivalent à environ 5,25 % des salaires. Dès lors, contrairement à ce que déclarent les requérants, dans la lettre susmentionnée, l’actuaire du plan ne se réfère aucunement à un quelconque déficit qu’afficherait le projet de régime des pensions. Cette lettre ne permet donc pas de conclure, comme le font les requérants, qu’au printemps 2009 la solvabilité estimée du futur régime des pensions aurait été moins bonne que celle évaluée pour le plan au 31 décembre 2005.
287 En quatrième lieu, s’agissant de l’évaluation au 31 mai 2009 effectuée par l’actuaire du plan, le Tribunal rappelle que, le 10 mai 2010, ce dernier a établi deux rapports d’évaluation actuarielle à long terme du plan au 31 mai 2009, le premier sur la base de l’hypothèse d’un gel du plan au 31 mai 2009 et le second basé sur l’hypothèse qu’un tel gel n’aurait pas lieu (voir point 124 du présent arrêt).
288 Il y a lieu d’observer que les requérants appuient leur affirmation, selon laquelle, sur le long terme, le plan ne serait plus en déficit mais en équilibre financier, sur une évaluation actuarielle basée sur l’hypothèse d’un gel du plan au 31 mai 2009. Or, une telle évaluation manque de pertinence. En effet, afin de vérifier si la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que le plan manquait de viabilité financière, il convient de prendre en compte l’évaluation actuarielle au 31 mai 2009 effectuée sur la base de l’hypothèse d’un plan non gelé. Il ressort précisément de cette dernière évaluation, fondée sur l’hypothèse d’un plan non gelé, que le plan afficherait un déficit de 31,5 millions d’euros, ce qui aurait justifié une contribution supplémentaire de 2,5 % des salaires futurs.
289 À cet égard, d’une part, le Tribunal observe qu’il ressort des écritures des requérants et notamment de leur mémoire en réplique que les requérants eux-mêmes reconnaissent que le plan aurait affiché ce déficit de 2,5 % au 31 mai 2009 s’il n’avait pas été gelé. D’autre part, le Tribunal constate que les parties s’accordent sur le fait qu’une évaluation actuarielle sur le long terme couvre une période d’au moins onze ans. Il s’ensuit que, si le plan n’avait pas été gelé au 31 mai 2009, une contribution supplémentaire de 2,5 % des salaires futurs aurait dû être versée pendant à tout le moins onze ans. Dans ces circonstances, le Tribunal se doit de conclure que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le plan de pension avait un déficit structurel et manquait de viabilité financière au 31 mai 2009.
290 À l’audience, les requérants ont fait valoir que le régime des pensions affiche actuellement un déficit d’environ 31 millions d’euros. Selon le mémoire des requérants du 14 mai 2013 produit en réponse à des mesures d’organisation de la procédure, ce chiffre ressortirait de la dernière évaluation du régime des pensions, évaluation au 31 décembre 2012 et réalisée en 2013. La BCE a répliqué lors de l’audience que cette évaluation ne ferait pas apparaître un tel déficit étant donné qu’il s’agirait d’un document comptable élaboré sur la base d’hypothèses actuarielles différentes de celles employées pour une évaluation actuarielle à long terme et qui n’avait pas été établi dans le but de déterminer si le régime des pensions affichait un déficit.
291 À ce propos, il suffit de relever que le prétendu déficit du régime des pensions en 2013, à supposer même qu’il se réalise, ne fait pas partie du présent litige, de telle sorte que le Tribunal ne saurait en tirer aucune conclusion sur la viabilité financière du plan au 31 mai 2009. L’argumentation des requérants manque donc de pertinence.
292 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier argument du premier grief.
Sur le deuxième argument
– Arguments des parties
293 Les requérants affirment que le prétendu manque de viabilité du plan est dû à un problème de gouvernance. En effet, l’administration du plan serait assurée par le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » et les décisions quant aux investissements seraient prises par le directoire avec l’avis du comité d’investissement. Or, la BCE aurait un intérêt direct dans le choix des investissements puisque, en fonction de ceux-ci, la BCE se verrait obligée ou non de payer des contributions supplémentaires au titre de la garantie du capital. Elle ne serait pas en mesure d’assurer son rôle d’administrateur (« trustee ») et d’agir dans le seul intérêt des bénéficiaires du fonds, mais se trouverait dans une situation de conflit d’intérêts, en violation de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 juin 2003, concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (JO L 235, p. 10). Il s’ensuit que la BCE aurait donné un mandat indirectement biaisé à l’actuaire du plan et aurait choisi des investissements critiquables qui auraient contribué à affecter la solvabilité et l’équilibre du plan de pension. Selon les requérants, si la stratégie d’investissement avait reposé sur la prise en considération du seul intérêt des bénéficiaires du plan, la viabilité financière du plan aurait été acquise ou n’aurait été mise en cause que de façon limitée sans pouvoir justifier une réforme du régime de prévoyance.
294 La BCE estime que le deuxième argument n’est pas fondé.
– Appréciation du Tribunal
295 Force est de constater, à titre liminaire, ainsi qu’il ressort de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, que la BCE n’a pas un intérêt direct dans le choix des investissements. En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la BCE, il existe un intérêt commun de la BCE et des membres à répartir les actifs de manière à ce que les comptes de prestations de base aient une valeur supérieure au coût des prestations minimales étant donné que, dans une telle situation, la BCE éviterait en principe de verser des contributions supplémentaires pour couvrir le coût des prestations minimales et les bénéficiaires percevraient une pension supérieure à la pension minimale.
296 Quant au mandat supposément biaisé que la BCE aurait donné à l’actuaire du plan, le Tribunal se doit de constater que les requérants n’ont apporté aucun élément de preuve au soutien de cette affirmation, laquelle ne peut qu’être écartée.
297 Il s’ensuit que le deuxième argument du premier grief doit être rejeté.
Sur le troisième argument
– Arguments des parties
298 Les requérants font valoir que le prétendu manque de viabilité financière du plan démontrerait que le plan n’aurait pas été correctement conçu au départ, en juin 1998, ou n’aurait pas été correctement géré pendant ses dix années d’existence, ce qui, dans les deux cas, constituerait une faute de la BCE. Ainsi, ils affirment que la BCE aurait utilisé dès le départ des tables de mortalité dépassées, qu’elle n’aurait pas actualisé les facteurs de conversion malgré les recommandations formulées en ce sens par l’actuaire du plan depuis 2005 et que, excepté en 2003, elle n’aurait jamais rien payé au titre des contributions supplémentaires pour provisionner le déficit identifié.
299 La BCE conclut au rejet du troisième argument comme non fondé.
– Appréciation du Tribunal
300 À supposer même établi que les tables de mortalité utilisées à la création du plan de pension étaient effectivement déjà obsolètes, que la BCE ait refusé d’actualiser les facteurs de conversion malgré des recommandations formulées en ce sens par l’actuaire du plan depuis 2005 et qu’elle n’ait pas versé de contributions supplémentaires pour provisionner le déficit identifié, le Tribunal constate que les requérants n’ont pas apporté de preuve à l’appui de leur allégation selon laquelle l’emploi de tables de mortalité désuètes et de facteurs de conversion non actualisés ainsi que le non-versement des contributions supplémentaires pour provisionner le déficit constaté auraient contribué au déficit du plan de pension constaté au 31 décembre 2005 par l’actuaire du plan.
301 Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure de se prononcer sur la question de savoir si le manque de viabilité financière du plan est la conséquence de fautes commises par la BCE et le troisième argument doit donc être rejeté.
302 Il s’ensuit que le premier grief de la deuxième branche du quatrième moyen, tiré de ce que le motif avancé par la BCE pour justifier la réforme du régime de prévoyance selon lequel le plan de pension manquait de viabilité financière serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, doit être rejeté.
b) Sur les deuxième et troisième griefs, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation entachant les motifs selon lesquels le plan de pension était asymétrique et complexe
Arguments des parties
303 Par leur deuxième grief, les requérants contestent l’affirmation de la BCE selon laquelle le risque financier du plan était réparti de manière asymétrique. À leur avis, cette répartition était bel et bien équilibrée dans la mesure où la BCE assumait les risques des comptes de prestations de base et les membres assumaient ceux des comptes de prestations flexibles. En réalité, ce serait le régime des pensions qui aurait créé une situation d’asymétrie qui n’existait pas dans le plan de pension. En effet, le régime des pensions, en tant que régime à prestations définies, fixerait les prestations des agents, mais obligerait ceux-ci à participer davantage aux coûts éventuels.
304 Au soutien de ce grief, les requérants font valoir, d’abord, que la BCE a remplacé un plan hybride (le plan de pension), au sein duquel, certes, elle payait en cas de déficit d’un compte individuel, mais, en contrepartie, récupérait le surplus en cas d’excédent, par un autre plan hybride (le régime des pensions), dans lequel, d’une part, ce sont les membres qui paient en cas de déficit et, d’autre part, les membres ne récupèrent pas les excédents. Ensuite, ils affirment que, conformément à l’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi, la BCE aura le choix, lorsque le régime des pensions affichera un déficit, d’imposer aux agents une partie de la charge d’ajustement en augmentant leurs contributions ou de leur imposer cette charge dans sa totalité en augmentant l’âge normal de départ à la retraite. De même, ils soulignent que, selon cette même disposition, la BCE paiera seulement des contributions supplémentaires pour remplir ses obligations par rapport aux droits acquis dans le passé, à savoir durant les premières années de carrière des membres, période qui n’est jamais en déficit, alors que les agents seront tenus de financer les droits à prestations acquis durant leurs dernières années de carrière, période qui est toujours déficitaire. Enfin, les requérants estiment que les agents continueront à assumer le risque lié au régime volontaire à contributions définies. Ils ajoutent que, contrairement à ce que soutient la BCE dans sa décision de rejet de la réclamation, ni l’inflation ni la longévité ne constitueraient des risques assumés par la BCE dans le cadre du plan de pension.
305 Par leur troisième grief, les requérants contestent la thèse de la BCE selon laquelle le plan était particulièrement complexe à cause de sa nature hybride et d’une série de particularités, telles que les tables de mortalité utilisées, basées uniquement sur une population masculine, les facteurs de conversion appliqués dans la période de départ à la retraite, uniformes et basés sur un âge de départ à la retraite fixé à 65 ans avec pour conséquence que ceux qui partaient à la retraite avant cet âge percevaient un subside, et un calcul généreux des prestations pour ceux qui quittaient le plan avant l’âge normal de départ à la retraite.
306 Selon les requérants, la complexité du plan, avant qu’il ne soit gelé, ne justifiait pas la réforme du régime de prévoyance. Ce serait précisément la coexistence du plan et du régime des pensions qui engendrerait une augmentation de la complexité de la situation, ainsi que des frais liés à leurs gestions respectives. En outre, le régime des pensions ne serait pas un régime à prestations définies pur étant donné que les contributions et l’âge normal de départ à la retraite peuvent être augmentés. Il constituerait dès lors, à l’instar du plan de pension et contrairement à ce que soutient la BCE dans sa décision de rejet de la réclamation, un régime hybride.
307 La BCE conclut au rejet des deuxième et troisième griefs.
Appréciation du Tribunal
308 Les requérants soutiennent que les motifs de la réforme du régime de prévoyance avancés par la BCE, tirés de la complexité et de l’asymétrie du plan, sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation. Or, il vient d’être jugé que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation quant au motif fondé sur le défaut de viabilité financière du plan de pension. À cet égard, le Tribunal constate que, selon les pièces versées au dossier, la réforme du régime de prévoyance s’est basée principalement sur le manque de viabilité financière du plan et il estime que le motif fondé sur le défaut de viabilité financière du plan suffit, à lui seul, à justifier la réforme du régime de prévoyance. Par suite, les deuxième et troisième griefs, fondés sur la complexité et l’asymétrie du plan, apparaissent comme surabondants et peuvent être écartés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 septembre 2011, AZ/Commission, F‑26/10, point 80).
309 Ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième griefs, tirés de ce que la BCE aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le plan de pension était asymétrique et complexe, lesquels sont inopérants, il y a lieu de rejeter dans son ensemble la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation ainsi que de l’irrégularité en fait des motifs de la réforme avancés par la BCE.
3. Sur la quatrième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité
a) Arguments des parties
310 En premier lieu, les requérants reprochent à la BCE de ne jamais avoir demandé à l’actuaire du plan de procéder à une analyse comparative du plan de pension et du régime des pensions en se plaçant à la même date et avec des hypothèses identiques dans le but de connaître l’impact financier sur les membres et sur la BCE du maintien du plan ou de son remplacement par le régime des pensions. Cette absence d’étude d’impact montrerait que le conseil des gouverneurs, au moment où il a adopté la décision du 4 mai 2009, n’était manifestement pas en mesure de s’assurer que celle-ci serait utile et proportionnée. Les requérants font valoir que la BCE a toujours soutenu que le plan présentait un déficit de 4,2 % et qu’elle a utilisé ce chiffre pour justifier la réforme du régime de prévoyance. Or, selon l’évaluation actuarielle à long terme du plan au 31 mai 2009 basée sur l’hypothèse d’un plan non gelé à cette date, le plan de pension ne présenterait qu’un déficit de 2,5 %. Une augmentation des contributions de 2,5 % des salaires de base aurait donc permis de garantir sa solvabilité, sans qu’il soit besoin d’instaurer le régime des pensions. Ce chiffre de 2,5 % de déficit serait cohérent avec l’estimation fournie par l’actuaire mandaté par le comité du personnel dans son évaluation du mois d’août 2008 et rejoindrait également les conclusions de l’évaluation du plan au 31 mai 2009, effectuée par l’actuaire du plan sur la base de l’hypothèse d’un gel du plan au 31 mai 2009. Les mesures mises en œuvre par la réforme du régime de prévoyance seraient donc disproportionnées par rapport à ce modeste déficit de 2,5 % sur le long terme. Par ailleurs, l’actuaire du plan n’aurait pas conseillé de geler le plan pour le remplacer par un nouveau régime de prévoyance. Les requérants affirment que la BCE aurait elle-même déclaré avoir étudié trois options pour combler le prétendu « gouffre » financier, dont deux auraient impliqué le maintien du plan. Ils reprochent à la BCE d’avoir retenu la troisième option, consistant dans le gel du plan et la mise en œuvre du régime des pensions, au motif principal que les deux premières options auraient entraîné une augmentation des contributions, ce que la BCE aurait souhaité éviter. Ils lui reprochent également de n’avoir jamais prouvé qu’elle avait effectivement examiné les deux options susmentionnées.
311 En deuxième lieu, les requérants font valoir que, à supposer qu’un déficit financier du plan existait au 31 décembre 2005, un tel déficit s’élevait tout au plus à 0,9 % des salaires de base (voir point 262 du présent arrêt), ce qui ne pouvait justifier l’ampleur de la réforme du régime de prévoyance.
312 En troisième lieu, les requérants estiment que plusieurs éléments, au nombre de sept, démontreraient le caractère disproportionné de la réforme du régime de prévoyance. Premièrement, ils soulignent que les conséquences de la réforme ne sont pas les mêmes pour les membres et pour la BCE. Deuxièmement, selon l’évaluation du 23 janvier 2009 faite par l’actuaire mandaté par le comité du personnel, la réforme du régime de prévoyance entraînerait des économies substantielles pour la BCE. Troisièmement, la BCE éviterait de payer les contributions supplémentaires requises par le plan de pension. Quatrièmement, plusieurs évaluations actuarielles effectuées par l’actuaire du plan et par l’actuaire mandaté par le comité du personnel montreraient que la réforme est disproportionnée pour résoudre le problème de la viabilité du plan causé par l’augmentation de l’espérance de vie des membres. Cinquièmement, la réforme serait disproportionnée dans la mesure où elle s’applique à tous les membres, y compris à ceux dont les comptes n’étaient pas concernés par le déficit. Sixièmement, la réforme pénaliserait les femmes par rapport aux hommes et les célibataires par rapport aux non-célibataires et elle aurait un impact similaire pour tous les membres, indépendamment de leur âge souhaité de départ à la retraite. Septièmement, la BCE aurait refusé de négocier la réforme avec un syndicat de la BCE.
313 En défense, la BCE rétorque essentiellement qu’elle a adopté un certain nombre de mesures visant à éliminer les défaillances structurelles du plan de pension et à atteindre la viabilité financière sur le long terme. Le but serait légitime et les moyens utilisés pour l’atteindre seraient appropriés. Elle conclut dès lors au rejet de la quatrième branche comme non fondée.
b) Appréciation du Tribunal
314 Selon les requérants, la décision du 4 mai 2009 enfreint le principe de proportionnalité dans la mesure où elle outrepasse les mesures nécessaires pour assurer la viabilité financière du régime de prévoyance qui était en vigueur jusqu’au 31 mai 2009, puisque, à cette date, le plan de pension affichait un déficit modeste de 2,5 % et que, au 31 décembre 2008, son déficit était tout au plus de 0,9 %, et non pas de 4,2 % comme le soutient la BCE.
315 Ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté à propos du régime des pensions des fonctionnaires et agents de l’Union européenne (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, point 70), l’équilibre actuariel de ce régime, dont l’annexe XII du statut définit les modalités, suppose la prise en compte, sur le long terme, des évolutions économiques et de variables financières et exige la réalisation de calculs statistiques complexes. C’est pourquoi le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour arrêter les modalités de l’équilibre actuariel dudit régime de prévoyance.
316 Il doit en être de même du dispositif réglementaire mis en place par le conseil des gouverneurs de la BCE, ce dernier disposant également d’un large pouvoir d’appréciation pour garantir l’équilibre actuariel du régime de prévoyance applicable aux membres du personnel de la BCE.
317 Il convient, en outre, de rappeler que, en vertu du principe de proportionnalité, la légalité d’une réglementation de l’Union est subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient aptes à réaliser l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (arrêt Wils/Parlement, précité, point 72, et la jurisprudence citée).
318 Toutefois, il est de jurisprudence constante que, s’agissant d’un domaine où le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle de proportionnalité se limite à l’examen du seul caractère manifestement inapproprié de la mesure en cause par rapport à l’objectif que l’institution compétente est chargée de poursuivre (arrêt Wils/Parlement, précité, point 73, et la jurisprudence citée). Le Tribunal estime que cette jurisprudence est également d’application à l’examen du nouveau régime de prévoyance instauré par la BCE.
319 Au vu des considérations qui précèdent, il incombe au Tribunal d’examiner si la décision du 4 mai 2009 était manifestement inappropriée pour assurer la viabilité financière du régime de prévoyance, tel qu’il était en vigueur au 31 mai 2009.
320 Premièrement, les requérants soulignent que les conséquences de la réforme ne sont pas les mêmes pour les membres et pour la BCE. Les agents contribueraient à présent davantage qu’avant la réforme, alors que leurs prestations auraient diminué. La BCE, en revanche, ferait des économies. En effet, s’il est vrai qu’elle aurait augmenté de 1,5 % ses contributions régulières, celles-ci étant passées de 16,5 % à 18 % des salaires de base, en réalité, avant la réforme, ses contributions ne se seraient pas limitées à 16,5 % des salaires, mais se seraient bel et bien élevées à 20,7 % des salaires (16,5 % au titre des contributions régulières plus 4,2 % au titre des contributions supplémentaires). En limitant, avec la réforme, ses contributions à 18 % des salaires, la BCE ferait donc directement des économies d’un montant égal à 2,7 % des salaires (20,7 % moins 18 %). Le poids de la réforme pèserait ainsi sur les seuls agents.
321 Or, le simple fait que les conséquences de la réforme soient différentes en termes de contributions pour les membres du personnel et pour la BCE, en sa qualité d’employeur, ne permet pas, à lui seul, d’établir une violation du principe de proportionnalité dès lors que, ainsi qu’il a été jugé au point 269 du présent arrêt, l’ancienne annexe III des conditions d’emploi n’imposait aucunement à la BCE de verser automatiquement des contributions supplémentaires aux fins de combler un éventuel déficit du plan, un tel versement étant d’ailleurs subordonné au consentement du conseil des gouverneurs, lequel a précisément estimé, en l’espèce, qu’il convenait de geler le plan et de le remplacer par le régime des pensions.
322 Deuxièmement, les requérants affirment que, selon l’évaluation du 23 janvier 2009 faite par l’actuaire mandaté par le comité du personnel, la réforme du régime de prévoyance entraînerait des économies substantielles pour la BCE, s’élevant à 95 millions d’euros, et une baisse de 20 % des prestations pour les agents, alors que l’actuaire du plan ainsi que la division de la gestion des risques de la DG « Ressources humaines, budget et organisation », dans son étude du 6 mars 2007 sur la répartition des actifs du fonds, auraient estimé que des économies de seulement 57 millions auraient suffi pour garantir la viabilité financière du plan .
323 À cet égard, le Tribunal constate que, comme le fait valoir à juste titre la BCE, les requérants essayent de tirer argument de la différence de points de vue entre l’actuaire du plan et l’actuaire mandaté par le comité du personnel. Toutefois, dans la mesure où ils ne fournissent pas d’informations circonstanciées permettant au Tribunal d’apprécier le bien-fondé de cette argumentation, celle-ci ne peut qu’être écartée.
324 Troisièmement, les requérants font valoir que la BCE éviterait de payer les contributions supplémentaires requises par le plan, car le déficit de celui-ci aurait été basculé vers le régime des pensions, dans lequel ces contributions supplémentaires ont été supprimées. La BCE ferait supporter le déficit du plan, ainsi basculé vers le régime des pensions, sur les agents par l’augmentation de l’âge normal de départ à la retraite « sans pénalités » et par une augmentation des contributions des agents.
325 Le Tribunal rappelle que le conseil des gouverneurs de la BCE disposait d’un large pouvoir d’appréciation dans l’aménagement du régime des pensions applicable à son personnel et de son mode de financement (voir point 316 du présent arrêt), aucune règle de droit supérieur n’imposant pour tel niveau de couverture du risque vieillesse une quelconque clef de répartition entre les contributions du personnel et celles de la BCE, sans préjudice toutefois de la nécessité de protéger la confiance légitime et les droits acquis du personnel en cas de modification du régime de prévoyance antérieurement en vigueur. À cet égard, il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphes 2 et 3, et de l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 4 mai 2009 que les membres du personnel recrutés par la BCE avant le 1er juin 2009 restent couverts par le plan de pension pour leurs services rendus au 31 mai 2009 et qu’ils sont couverts par le régime des pensions pour leurs services rendus à partir du 1er juin 2009. Exception est faite pour les membres du personnel qui ont entre 60 et 65 ans au 31 mai 2009, lesquels restent couverts par le plan de pension.
326 Par conséquent, à compter du 1er juin 2009, les droits à prestations pour services futurs de tous les membres du personnel de la BCE qui avaient pris leurs fonctions à la BCE avant le 1er juin 2009, excepté ceux qui avaient entre 60 et 65 ans au 31 mai 2009, ne peuvent se cumuler que dans le cadre du régime des pensions. Les droits à pension correspondant aux services rendus sous le régime du plan, cumulés jusqu’au 31 mai 2009, ont été conservés dans le plan de pension gelé et le déficit dudit plan n’a donc pas basculé vers le régime des pensions, contrairement à ce qu’affirment les requérants. Dès lors, si, dans le futur, une évaluation actuarielle du plan de pension gelé révèle que le plan gelé présente un déficit, la BCE devra faire face à ce déficit conformément aux règles régissant le plan de pension gelé.
327 En revanche, il résulte de l’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi que, lorsqu’une évaluation actuarielle révèle que la valeur des actifs du régime obligatoire à prestations définies peut être insuffisante pour faire face aux responsabilités liées aux services passés, rendus après l’entrée en vigueur du régime des pensions, mais avant la date de toute évaluation actuarielle, le conseil des gouverneurs décide, sur avis actuariel, que la BCE paye des contributions supplémentaires. Il s’ensuit que la BCE se porte garante du financement de tout déficit du régime des pensions lié aux services rendus à partir du 1er juin 2009 jusqu’à la date d’évaluation actuarielle. Or, si une évaluation actuarielle postérieure révèle que la viabilité financière du régime des pensions par rapport aux responsabilités liées aux services futurs, rendus à partir de l’évaluation, est mise en péril, le conseil des gouverneurs pourra décider soit d’augmenter les contributions, soit d’ajuster l’âge normal de départ à la retraite, soit de combiner les deux. Le Tribunal constate à la lecture de l’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi qu’une telle décision est toutefois soumise à l’accomplissement d’un certain nombre de conditions et à l’adoption de mesures transitoires. Ainsi, toute augmentation des contributions devra être financée pour deux tiers par la contribution de la BCE et pour le tiers restant par la contribution obligatoire du personnel, et l’âge normal de départ à la retraite ne pourra être ajusté qu’à compter de 2019, sous réserve au surplus que le taux de l’ensemble des contributions ait été ajusté, au moins jusqu’à 26,4 %.
328 Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’article 2, paragraphes 2 et 3, et l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 4 mai 2009 ainsi que l’article 23 de l’annexe III bis des conditions d’emploi contiennent des mesures qui ne sont pas manifestement inappropriées pour assurer la viabilité financière du régime de prévoyance en vigueur au 31 mai 2009.
329 Quatrièmement, les requérants soutiennent que les différentes évaluations actuarielles effectuées tant par l’actuaire du plan que par l’actuaire mandaté par le comité du personnel entre 2006 et 2010 montrent que la réforme a été « deux fois plus loin qu’il ne l’aurait fallu pour prendre en compte le seul facteur de la longévité accrue ». Selon les requérants, la réduction des droits à pension lors d’un départ à la retraite avant l’âge de 65 ans constitue pour les membres une double pénalité et est donc une mesure disproportionnée. À leur avis, la révision des tables de mortalité et l’ajustement des facteurs de conversion constitueraient une mesure suffisante pour répondre à la contrainte de l’allongement de l’espérance de vie des membres. Par ailleurs, une évaluation effectuée en février 2009 par l’actuaire mandaté par le comité du personnel aurait montré qu’il existait une alternative à la réforme du plan, alternative basée sur une contribution de la BCE à hauteur de 20 % et une contribution des membres à hauteur de 6 % qui aboutissait à une réduction des prestations à hauteur d’environ 11 %, soit un pourcentage considérablement inférieur à la baisse des prestations de 20 % imposée aux agents par la réforme du plan.
330 À cet égard, il convient de souligner, d’une part, que la longévité accrue des membres n’était pas la seule cause de la réforme du régime de prévoyance de la BCE. D’autre part, la synthèse d’un certain nombre d’évaluations réalisées par les deux actuaires susvisés produite par les requérants a été faite par eux-mêmes et ne permet pas d’établir que, dans chacune des évaluations ainsi synthétisées, ces deux actuaires auraient effectivement estimé que la réforme du régime de prévoyance de la BCE était une mesure disproportionnée pour résoudre le problème de la viabilité financière du plan causé par la longévité accrue des membres. Le quatrième argument des requérants doit donc être rejeté.
331 Cinquièmement, les requérants affirment que la réforme du régime de prévoyance de la BCE est disproportionnée dans la mesure où les membres dont les comptes du plan de pension n’étaient pas concernés par le déficit subissent pleinement les conséquences de la réforme. Les requérants soutiennent que la BCE reconnaîtrait que 34 % des comptes individuels ne seraient pas concernés par le déficit financier. Les requérants font valoir que, selon l’actuaire mandaté par le comité du personnel, le nombre de comptes individuels non concernés par le déficit financier serait plus important et qu’il s’agirait en réalité de 72 % des comptes individuels. De même, l’évaluation actuarielle à long terme du plan au 31 mai 2009 « menée par l’actuaire en février 2010 (annexe A.66) » montrerait que, dans le plan de pension, 82 % des comptes individuels afficheraient un surplus alors que seulement 18 % des comptes individuels seraient déficitaires. La réforme du plan constituerait donc une mesure disproportionnée pour 82 % des membres. De plus, cette même évaluation démontrerait qu’« un pourcentage très élevé [de membres] aura un [compte de prestations de base] dont la valeur dépassera largement la valeur requise pour financer la pension maximale », ce qui se traduirait par un profit pour la BCE, qui percevrait la différence.
332 À cet égard, il ne ressort pas du dossier que l’actuaire mandaté par le comité du personnel aurait effectivement conclu que 72 % des comptes individuels seraient concernés par le déficit financier.
333 Ensuite, l’annexe à la requête à laquelle font référence les requérants, à savoir l’annexe cotée A.66, est l’évaluation effectuée le 23 janvier 2009 par l’actuaire mandaté par le comité du personnel (voir point 99 du présent arrêt). L’examen de ce document ne permet pas au Tribunal de constater que son auteur aurait effectivement considéré que 82 % des membres auraient des comptes individuels présentant un surplus. À supposer que les requérants aient voulu faire référence aux résultats préliminaires, arrêtés à la date du 22 février 2010, de l’évaluation actuarielle à long terme du plan au 31 mai 2009 effectuée par l’actuaire du plan le 10 mai 2010 (voir point 124 du présent arrêt) effectivement joints en annexe à la requête, mais sous la cote A.63, le Tribunal observe que ce document ne permet pas non plus de constater que l’actuaire du plan aurait conclu que 82 % des comptes individuels présenteraient un surplus.
334 Enfin, les requérants ne nient pas que les tables de mortalité utilisées dans le plan étaient basées uniquement sur une population masculine ni que les facteurs de conversion appliqués lorsque le membre part à la retraite pendant la période de départ à la retraite étaient uniformes et basés sur un âge de départ à la retraite fixé à 65 ans, mais ils estiment que ces circonstances ne rendaient pas le plan d’une complexité telle qu’elle justifiait sa réforme (voir point 305 du présent arrêt). Or, il y a lieu de remarquer que l’emploi des tables de mortalité et les facteurs de conversion utilisés dans le plan fournissent un avantage aux membres féminins du personnel ainsi qu’aux membres masculins du personnel prenant leur retraite avant l’âge de 65 ans. Les facteurs de conversion de pension pour les femmes et pour les hommes prenant leur retraite avant l’âge de 65 ans ne sont donc pas neutres d’un point de vue actuariel et il est possible que les comptes de prestations de base de ces deux catégories de personnel ne suffisent pas à couvrir le coût des prestations qui leur seront servies. Le Tribunal constate toutefois que les requérants n’ont pas prouvé que l’ensemble des comptes de prestations de base des agents susvisés, c’est-à-dire le personnel féminin et le personnel masculin partant à la retraite avant 65 ans, ne représente qu’une infime partie de l’ensemble des comptes de prestations de base de tous les agents, ni que la plupart des comptes de prestations de base concernent des agents pour lesquels les facteurs de conversion de pension sont neutres d’un point de vue actuariel. Par conséquent, le fait que la réforme du plan affecte tous les comptes de prestations de base, y compris ceux des agents masculins pour lesquels les facteurs de conversion de pension sont neutres d’un point de vue actuariel, n’est pas considéré par le Tribunal comme étant manifestement inapproprié ou de nature à faire de la réforme du plan une mesure disproportionnée.
335 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le cinquième argument doit également être écarté.
336 Sixièmement, les requérants affirment qu’une étude effectuée par leurs soins avec le modélisateur de la DG « Ressource humaines, budget et organisation » sur 132 d’entre eux montre que la réduction de la pension issue de la réforme affecte tous les agents de manière similaire, quel que soit l’âge auquel ils ont l’intention de partir à la retraite. Étant donné que l’un des objectifs de la réforme était de « pénaliser » les seuls agents qui partent à la retraite avant l’âge de 65 ans, la réforme du régime de prévoyance aurait dès lors un effet disproportionné. Cette même étude révélerait également une pénalisation significativement plus importante pour les célibataires que pour les non-célibataires et pour les femmes que pour les hommes. La réforme du régime de prévoyance entraînerait donc une discrimination envers le personnel féminin.
337 Le Tribunal observe, d’une part, que l’étude mentionnée au point précédent et produite par les requérants se borne à indiquer le sexe des 132 requérants concernés, la réduction de leur pension exprimée en années de service perdues, ainsi que l’âge auquel chacun a l’intention de partir à la retraite dans le cadre du régime des pensions et le pourcentage dont leur pension de retraite sera réduite par rapport à celle qui leur aurait été servie dans le cadre du plan de pension. Dans la mesure où cette étude ne permet pas de connaître les critères qui ont été employés pour sélectionner les 132 requérants susvisés, ni non plus leur âge et leur situation personnelle, et qu’elle ne prend pas en considération les autres facteurs qui déterminent le calcul des pensions de retraite, tels que le nombre des années de service ouvrant droit à pension de retraite, ladite étude ne permet pas d’établir devant le Tribunal l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe découlant de la réforme du régime de prévoyance ni même, à tout le moins, une apparence de discrimination à l’encontre du personnel féminin. Par ailleurs, le Tribunal ne dispose pas d’éléments suffisants pour lui permettre d’appréhender exactement la portée de l’argument tiré de ce que l’impact de la réforme du régime de prévoyance ne dépendrait pas de l’âge auquel les agents auraient l’intention de prendre leur retraite.
338 D’autre part, s’agissant de l’argument selon lequel la réforme du régime de prévoyance entraînerait une « pénalisation » plus forte pour les célibataires que pour les non-célibataires, il ressort de leurs écritures que les requérants se réfèrent en réalité aux agents ayant ou non des ayants droit lors de leur départ à la retraite. À cet égard, le Tribunal observe que, par la réforme en cause, la contribution minimale obligatoire des membres aux comptes de prestations flexibles, soit 4,5 % du salaire de base, dans le cadre du plan de pension, a été abandonnée en faveur d’une contribution obligatoire de 6 % (soit une augmentation de 1,5 %) au compte collectif unique pour le régime obligatoire à prestations définies dans le cadre du régime des pensions. Par conséquent, il est vrai que les contributions minimales obligatoires de 4,5 % ne sont plus employées, dans le régime des pensions, pour augmenter la pension de retraite des agents sans ayant droit lors de leur départ à la retraite, cette pension ayant été mise au même niveau que celui des membres du personnel avec des ayants droit lors du départ à la retraite. Il ressort toutefois du dossier que cette modification s’inspire du principe de solidarité et vise à ce que tous les agents de la BCE contribuent dans la même proportion, à savoir au taux de 6 % de leur salaire de base, au financement du régime obligatoire à prestations définies, qu’ils aient ou non des ayants droit lors du départ à la retraite. En outre, l’article 3, paragraphe 5, de la décision du 4 mai 2009 prévoit un régime transitoire pour les membres du personnel entrés en service à la BCE avant le 1er juin 2009 qui n’ont pas de conjoint au moment du départ à la retraite. En effet, il est prévu que ces membres du personnel ont droit à une augmentation de pension de 6 %, le montant maximal de la pension ne pouvant être supérieur à 74,2 % du dernier salaire. Dans ces circonstances, la répercussion de la réforme du régime de prévoyance sur les agents sans ayant droit lors de leur départ à la retraite ne permet pas de qualifier la décision du 4 mai 2009 de mesure manifestement inappropriée.
339 Septièmement, les requérants font grief à la BCE d’avoir refusé de s’engager dans une procédure de négociation sur la réforme avec un syndicat. Ce faisant, la BCE aurait manifestement manqué à son obligation d’obtenir une « réforme ‘proportionnelle’ » aux objectifs suivis.
340 À cet égard, le Tribunal observe que les requérants, lorsqu’ils reprochent à la BCE son refus de « s’engager dans une procédure de négociation avec un syndicat », n’identifient pas ledit syndicat. De même, le comité du personnel, lequel, en vertu de l’article 48 des conditions d’emploi « [représente] l’intérêt général de l’ensemble des membres du personnel », a accepté de participer au groupe de travail en l’absence du syndicat visé par les requérants. Par ailleurs, les requérants ne précisent pas en quoi la participation dudit syndicat au groupe de travail aurait rendu la réforme plus « proportionnelle » aux objectifs suivis. Enfin, il convient de rappeler que l’accord du syndicat IPSO sur l’établissement du groupe de travail est intervenu entre ce syndicat et la BCE et que le syndicat IPSO a participé, dès la création du groupe de travail, aux travaux de celui-ci. Dans ces circonstances, l’argument des requérants concernant le refus de la BCE de « s’engager dans une procédure de négociation avec un syndicat » doit être écarté.
341 Étant donné que tous les arguments avancés par les requérants pour démontrer le caractère disproportionné de la réforme et qu’il incombe au Tribunal d’examiner ont été écartés, il y a lieu de conclure qu’il n’a pas été établi que la décision du 4 mai 2009 est manifestement inappropriée pour assurer la viabilité financière du régime de prévoyance, tel qu’il était en vigueur au 31 mai 2009. La quatrième branche du quatrième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité, doit donc être rejetée comme non fondée.
342 Toutes les branches du quatrième moyen ayant été rejetées, il convient de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.
E – Sur le cinquième moyen
343 Le cinquième moyen est divisé en deux branches dont la première est fondée sur l’absence de consultation du conseil général, en violation des articles 36 et 47 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et de l’article 12 du règlement intérieur de la BCE, et la seconde sur le défaut d’effet utile de l’intervention du conseil des gouverneurs en tant qu’auteur de la décision du 4 mai 2009.
344 Le Tribunal constate toutefois que, dans leurs écrits, les requérants ne développent pas d’argument au soutien du grief tiré de la violation de l’article 36 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE. Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclaré irrecevable.
1. Sur la première branche, tirée du défaut de consultation du conseil général
a) Arguments des parties
345 Les requérants reprochent à la BCE le fait d’avoir indiqué, dans les décisions de rejet de la réclamation, qu’une lettre avait été adressée au conseil général le 14 avril 2009 aux fins de le consulter sur le projet de réforme du régime de prévoyance, alors qu’une telle lettre ne figure pas sur la liste, jointe à ces décisions de rejet, des documents distribués au conseil des gouverneurs. Ils estiment que, dans ces conditions, il y a lieu de conclure que le conseil général n’a pas été consulté et que ce dernier n’a pas pu contribuer à définir la modification des conditions d’emploi, en violation de l’article 47 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE. En tout état de cause, même si cette lettre avait été envoyée au conseil général le 14 avril 2009 en vue de la réunion du conseil des gouverneurs du 23 avril suivant, le conseil général ne se serait pas vu accorder le délai minimum de dix jours ouvrables prévu à l’article 12 du règlement intérieur de la BCE.
346 La BCE estime que le conseil général a été dûment consulté.
b) Appréciation du Tribunal
347 En premier lieu, il ressort du dossier que, par lettres du président de la BCE des 2, 7 et 9 avril 2009 (voir points 105, 107 et 109 du présent arrêt), le conseil général a été informé de la réforme du régime de prévoyance envisagée et a reçu grand nombre de documents se rapportant à celle-ci. Il est également constant que, par lettre du président de la BCE du 14 avril 2009, le conseil général a reçu, avec d’autres documents, un projet, daté du même jour, de la décision du 4 mai 2009 (voir point 111 du présent arrêt). Il s’ensuit que le conseil général a bel et bien été consulté sur le projet de réforme en cause, comme l’affirme à juste titre la BCE.
348 En second lieu, il est également constant que le conseil des gouverneurs s’est réuni le 23 avril 2009. Le conseil général n’a donc pas disposé du délai minimum de dix jours ouvrables entre le 14 avril 2009 au mieux, date de réception du projet du 14 avril 2009 de la décision du 4 mai 2009, et le 23 avril 2009, délai minimum prévu à l’article 12.2 du règlement intérieur de la BCE, pour présenter ses observations sur la version du 14 avril 2009 du projet de décision du 4 mai 2009 avant la réunion du conseil des gouverneurs du 23 avril 2009. Il résulte toutefois de la lettre adressée par le président de la BCE au conseil général le 14 avril 2009 que le président de la BCE s’est prévalu de l’article 12.2 du règlement intérieur de la BCE, qui prévoit que, en cas d’urgence, motivée dans la demande, le délai de dix jours ouvrables peut être ramené à cinq jours ouvrables, au motif que l’avis du comité de surveillance n’avait été reçu que le 7 avril précédent et a fixé le délai de consultation du conseil général au 21 avril 2009 à 12 heures. Il s’ensuit que la consultation du conseil général a été conforme à l’article 47 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et à l’article 12 du règlement intérieur de la BCE.
349 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du cinquième moyen, tirée du défaut de consultation du conseil général, comme non fondée.
2. Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’effet utile de l’intervention du conseil des gouverneurs
a) Arguments des parties
350 Les requérants font valoir que l’intervention du conseil des gouverneurs n’a pas eu d’effet utile. D’une part, ils soutiennent que les orientations adoptées par le directoire lors de sa réunion du 9 décembre 2008 étaient en réalité contraignantes, alors que le directoire n’a pas de compétence pour adopter de telles orientations obligatoires, l’organe compétent à cet effet étant le conseil des gouverneurs.
351 D’autre part, les requérants estiment que le conseil des gouverneurs n’a pas disposé du temps nécessaire pour décider en connaissance de cause, le 23 avril 2009, de la réforme du régime de prévoyance, étant donné qu’il n’avait reçu que le 14 avril 2009, ou les jours suivants, le mémorandum du directoire du 14 avril 2009, intitulé « Proposition de réforme du plan de pension », lequel comptait plusieurs centaines de pages.
352 La BCE estime que la seconde branche n’est pas fondée.
b) Appréciation du Tribunal
353 S’agissant de la prétendue nature contraignante des orientations adoptées par le directoire le 9 décembre 2008, il suffit de constater que seul le conseil des gouverneurs est compétent, conformément à l’article 36 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, pour arrêter, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE. Les orientations dont il s’agit ne pouvaient, dans ces conditions, avoir un quelconque caractère contraignant à l’égard du conseil des gouverneurs. Le directoire lui-même a, d’ailleurs, observé dans sa lettre de transmission du 6 février 2009 adressée au conseil des gouverneurs qu’il soumettait ces orientations à son approbation. De plus, il y a lieu de rappeler qu’il a été jugé au point 213 du présent arrêt que l’argument tiré de ce que, après la soumission au directoire par le groupe de travail de son rapport provisoire sur la réforme du régime de prévoyance, les travaux du groupe de travail auraient été limités à la seule mise en œuvre des orientations décidées par le directoire dans sa réunion du 9 décembre 2008 devait être rejeté.
354 En ce qui concerne l’argument tiré de ce que le conseil des gouverneurs n’aurait pas eu le temps nécessaire pour décider de la réforme du régime de prévoyance en connaissance de cause, il ressort du dossier que le conseil des gouverneurs a été informé, au plus tard lors de sa réunion des 5 et 6 février 2008, de la décision du directoire de réformer le plan de pension. Le Tribunal constate également que, au cours de la réunion du conseil des gouverneurs du 16 juillet 2008, le directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et orientation » a fait une présentation sur écran des enjeux de la réforme proposée et que, grâce à la lettre que lui a adressée le directoire le 6 février 2009, le conseil des gouverneurs a pris connaissance des démarches effectuées dans le cadre de la procédure de consultation du comité du personnel. Enfin, le Tribunal observe que, par lettres du président de la BCE des 2, 7 et 9 avril 2009, le conseil des gouverneurs a reçu un nombre très élevé de documents liés à la réforme du régime de prévoyance (voir points 105, 107 et 109 du présent arrêt). Par conséquent, le Tribunal estime que, lorsqu’il a reçu, le 14 avril 2009, la version datée de ce même jour du projet de la décision du 4 mai 2009, laquelle était, à l’exception de la date d’entrée en vigueur, la version finale de ladite décision, le conseil des gouverneurs disposait déjà d’amples informations et de la documentation pertinente lui permettant de bien comprendre ledit projet et d’en discuter en connaissance de cause lors de sa réunion du 23 avril suivant. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la BCE à juste titre, il est constant que l’adoption dudit projet, modifié le 23 avril 2009 pour ce qui concerne la date d’entrée en vigueur, n’a pas eu lieu lors de la réunion du conseil des gouverneurs du 23 avril 2009, mais qu’elle a été reportée au 4 mai 2009 (voir point 115 du présent arrêt). Au vu des considérations qui précèdent, le grief tiré de l’absence de temps imparti au conseil des gouverneurs pour décider de la réforme en connaissance de cause ne saurait prospérer.
355 Par conséquent, la seconde branche du cinquième moyen, tirée de l’absence d’effet utile de l’intervention du conseil des gouverneurs, doit être rejetée comme non fondée.
356 Les deux branches du cinquième moyen ayant été rejetées, il convient de rejeter le cinquième moyen dans sa totalité comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.
F – Sur le sixième moyen
357 Le sixième moyen est tiré de la violation des conditions fondamentales de la relation d’emploi et des droits acquis, ainsi que de la violation du principe de sécurité juridique et de prévisibilité et de celui de la protection de la confiance légitime.
1. Arguments des parties
358 En se basant sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE (C‑409/02 P), et sur l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 18 octobre 2001, X/BCE (T‑333/99), les requérants font valoir que la relation de travail entre la BCE et ses agents est de nature contractuelle et non statutaire. Tout en admettant que les agents de la BCE sont liés à la BCE par un contrat de travail de droit public, ils soutiennent que, conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (OIT), il y a lieu de distinguer dans les conditions d’emploi, même si elles sont prévues de façon réglementaire, entre les conditions fondamentales et celles qui ne le sont pas. Les conditions fondamentales seraient celles ayant conduit les agents à entrer au service de l’employeur public international et à y rester et ne sauraient être modifiées qu’avec l’accord des agents concernés.
359 Les requérants admettent que les règles de fixation des droits à pension étaient prévues de façon réglementaire dans le plan de pension et qu’elles sont, en principe, modifiables unilatéralement par le pouvoir réglementaire. Ils estiment toutefois qu’elles constituaient des conditions fondamentales de leur contrat de travail qui les avaient conduits à entrer au service de la BCE et à y rester. En adoptant la décision du 4 mai 2009 sans leur consentement préalable, la BCE aurait donc modifié à leur détriment des conditions fondamentales de leur contrat de travail et elle aurait ainsi, conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif de l’OIT, violé leurs droits acquis.
360 À l’audience, les requérants ont fait valoir qu’il ressort également de l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, point 60), et de l’arrêt du Tribunal de première instance du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE (T‑178/00 et T‑341/00, point 53), que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que la BCE en tant qu’employeur impose des modifications aux conditions fondamentales des contrats de travail, telles que les règles de fixation des droits à pension, sans l’accord des agents concernés.
361 Plus particulièrement, les requérants reprochent à la BCE d’avoir supprimé, avec la réforme du plan de pension, quatre règles concrètes du plan qui, à leur avis, constituaient des conditions fondamentales de leur contrat de travail.
362 La première condition fondamentale de leur contrat de travail qui aurait été supprimée serait la règle du plan selon laquelle les droits à pension acquis au 31 mai 2009 étaient définis selon le plan de pension. Les requérants critiquent le fait que, à compter du 1er juin 2009, ces droits à pension ne sont plus liquidés selon les règles du plan, mais que des tables de mortalité actualisées, basées sur la seule population masculine, sont appliquées. Ils déplorent également que le calcul des prestations des membres se trouvant dans la période de départ à la retraite au 31 mai 2009 se fait à partir du 1er juin 2009 sur la base de nouveaux facteurs de conversion.
363 La deuxième condition fondamentale de leur contrat de travail qui aurait été supprimée serait la règle du plan selon laquelle la garantie du capital s’appliquait annuellement à la charge de la BCE. En ayant supprimé, à partir du 1er juin 2009, l’obligation de la BCE de payer annuellement la garantie du capital, la BCE aurait mis le risque financier du régime des pensions à la charge des agents.
364 La troisième condition fondamentale de leur contrat de travail qui aurait été supprimée serait la règle du plan selon laquelle les requérants avaient la possibilité de partir à la retraite à l’âge de 60 ans sans réduction des prestations et en bénéficiant d’une pension complète. Or, cette règle aurait été supprimée dans le régime des pensions et un départ à la retraite entre 60 et 65 ans entraînerait désormais une réduction des prestations.
365 Enfin, la quatrième condition fondamentale de leur relation de travail, dorénavant supprimée, consisterait dans l’engagement pris par la BCE de payer entièrement dans le futur, moyennant le versement de contributions supplémentaires, toute différence entre la valeur des actifs du plan et le montant nécessaire pour financer la pension minimale garantie. Les requérants reprochent à la BCE d’avoir limité, dans le régime des pensions, son obligation de verser des contributions supplémentaires à l’hypothèse où la valeur des actifs du régime des pensions ne serait pas suffisante pour couvrir les obligations et les dettes en relation avec les services rendus dans le passé, « à partir du 31 mai 2009 », alors que, pour le passif lié aux services futurs, « après le 31 mai 2009 », le conseil des gouverneurs pourrait décider d’augmenter les contributions et/ou d’ajuster l’âge normal de départ à la retraite.
366 Dans un tel contexte, les requérants admettent que l’autorité compétente peut modifier un régime de prévoyance dans un sens défavorable aux membres du personnel. Ils soulignent toutefois que, ce faisant, cette autorité ne peut pas « porter atteinte aux droits que les membres de son personnel ont acquis sous l’empire de l’ancien régime ».
367 Les requérants ajoutent que, selon l’arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission (T‑135/05, ci-après l’« arrêt Campoli »), et en particulier les points 85 et 105 de cet arrêt, lorsque le législateur apporte au cadre réglementaire les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service et adopte des dispositions moins favorables pour les agents concernés, il doit se limiter à adopter des dispositions pour l’avenir et est tenu de fixer une période transitoire d’une durée appropriée. Or, en l’espèce, le régime des pensions serait entré pleinement en vigueur le 1er juin 2009 sans mesures transitoires. Ceci serait d’autant plus grave que le plan aurait été modifié onze ans à peine après son entrée en vigueur et sans justification impérieuse de nature financière.
368 Les requérants admettent que les membres ayant atteint l’âge de 60 ans au 31 mai 2009 ont été exclus de la réforme litigieuse. Toutefois, cette mesure d’exclusion n’affecterait que 1,71 % des agents de la BCE et constituerait dès lors une mesure protectrice d’un nombre très limité d’agents, mais pas une mesure transitoire. Les membres en service au 31 mai 2009 qui n’avaient pas encore atteint l’âge de 60 ans se seraient vu appliquer pleinement, et non pas de façon progressive pendant une certaine période de transition, les nouvelles règles, qui leur sont moins favorables. Les requérants ajoutent que le gel du plan ne constitue pas un régime transitoire dans la mesure où une mesure de gel a vocation à protéger certains droits acquis, mais non à prévoir l’entrée en vigueur progressive d’un nouveau régime.
369 La BCE estime que le sixième moyen est non fondé.
2. Appréciation du Tribunal
370 Le Tribunal examinera d’abord le grief tiré de ce que les conditions fondamentales de la relation de travail existant entre les requérants et la BCE auraient été méconnues. Ensuite, les requérants ayant également invoqué des droits acquis en termes de droits à pension, le Tribunal examinera si ces droits acquis, à condition qu’ils soient établis, ont été violés en méconnaissance de la protection de la confiance légitime et si, en tout état de cause, la BCE a violé le principe de sécurité juridique et de prévisibilité en ne fixant pas de période transitoire d’une durée appropriée.
a) Sur la violation des conditions fondamentales de la relation de travail
371 Les requérants soutiennent, en substance, que leur relation de travail avec la BCE étant de nature contractuelle la BCE ne pouvait pas sans leur accord modifier des conditions essentielles ou fondamentales de leur contrat de travail, telles que les règles du plan de pension.
372 Les requérants se fondent notamment sur le point 53 de l’arrêt du Tribunal de première instance Pflugradt/BCE, précité. Il y a lieu d’observer qu’il en ressort que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que la BCE, en tant qu’employeur, impose des modifications aux conditions d’exécution des contrats sans l’accord des agents concernés, lorsque ces conditions correspondent à des « éléments essentiels » desdits contrats.
373 À cet égard, il convient de souligner, à titre liminaire, que, si les relations de travail entre la BCE et son personnel sont de nature contractuelle (arrêts du Tribunal de première instance X/BCE, précité, point 61, et Pflugradt/BCE, précité, point 49), il ressort aussi de l’article 9, sous a), des conditions d’emploi que les relations de travail entre la BCE et les membres de son personnel sont régies par des contrats de travail conclus en conformité avec les conditions d’emploi. Il s’ensuit que les termes des conditions d’emploi, et en l’espèce l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, font partie des contrats de travail des requérants (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 34).
374 Aux termes de l’article 10, sous a), des conditions d’emploi dans leur version en vigueur jusqu’au 31 mai 2009, « [l]es contrats de travail conclus entre la BCE et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement qui sont contresignées par les membres du personnel [et qui] contiennent les éléments relatifs aux conditions d’emploi requis par la directive 91/533 […] ». L’article 2 de la directive 91/533, qui précise les « éléments essentiels » du contrat, ne fait cependant pas mention des règles régissant les droits à pension. Certes, l’article 2, sous i), de la directive 91/533 prévoit que l’employeur doit communiquer les « accords collectifs régissant les conditions de travail du travailleur ». Toutefois, les conditions d’emploi ne sauraient être considérées comme de tels accords collectifs, car elles ont été adoptées unilatéralement par le seul conseil des gouverneurs dans l’exercice du pouvoir réglementaire qui lui est dévolu par l’article 36.1 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et elles n’ont pas fait l’objet de négociations entre les agents et l’institution (voir conclusions de l’avocat général M. Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 34).
375 Il n’est donc pas possible de conclure que, sur le fondement du point 53 de l’arrêt du Tribunal de première instance Pflugradt/BCE, précité, la BCE était dans l’incapacité juridique de modifier, sans l’accord de son personnel, les règles régissant le plan de pension contenues dans l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et que, en agissant de la sorte, la BCE aurait violé les conditions fondamentales de leur contrat de travail.
376 De même, dans l’arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, il a été jugé que les contrats de travail entre la BCE et son personnel sont des contrats conclus avec un organisme communautaire, chargé d’une mission d’intérêt général et habilité à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel, et qu’il en résulte que la volonté des parties à un tel contrat trouve nécessairement ses limites dans les obligations de toute nature qui découlent de cette mission particulière et qui s’imposent tant aux organes de direction de la BCE qu’à ses agents (arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 34).
377 Les contrats de travail étant conclus en conformité avec les conditions d’emploi, selon l’article 9, sous a), des conditions d’emploi dans leur version en vigueur jusqu’au 31 mai 2009, il s’ensuit que, en contresignant la lettre d’engagement prévue à l’article 10, sous a), des conditions d’emploi, les agents adhèrent aux conditions d’emploi sans pouvoir en négocier individuellement aucun des éléments. L’accord de volontés se trouve ainsi en partie limité à l’acceptation des droits et obligations prévus par les conditions d’emploi (arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 35). Ces contrats de travail sont de type largement statutaire et, déjà au stade de leur conclusion, l’autonomie de la volonté des futurs agents est très faible (conclusions de l’avocat général M. Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 34).
378 Certes, les contrats de travail des membres du personnel de la BCE peuvent contenir d’autres éléments acceptés par l’agent concerné au terme de discussions portant, par exemple, sur les caractéristiques essentielles des tâches qui lui sont confiées. Toutefois, l’existence de tels éléments ne fait pas, en soi, obstacle à l’exercice, par les organes de direction de la BCE, du pouvoir d’appréciation dont ils disposent pour mettre en œuvre les mesures qu’impliquent les obligations d’intérêt général découlant de la mission particulière impartie à la BCE. Ces organes peuvent être ainsi contraints, pour faire face à de telles exigences du service, et notamment pour permettre à celui-ci de s’adapter à de nouveaux besoins, de prendre des décisions ou des mesures unilatérales susceptibles de modifier, notamment, les conditions d’exécution des contrats de travail (arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 36).
379 Il en résulte que, dans l’exercice de ce pouvoir, les organes de direction de la BCE ne se trouvent nullement dans une situation distincte de celle que connaissent les organes de direction des autres organismes et institutions de l’Union dans leurs relations avec leurs agents (arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 37).
380 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les dispositions des conditions d’emploi relatives au régime de prévoyance des agents de la BCE ne sauraient être considérées comme des conditions intangibles de la relation de travail entre la BCE et son personnel dont toute modification nécessiterait l’accord des agents concernés.
381 L’arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, précité, ne remet pas en cause la conclusion qui précède. En effet, au point 60 de l’arrêt, spécialement invoqué par les requérants, la Cour s’est bornée à préciser que, le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration étant de nature statutaire et non contractuelle, les droits et les obligations des fonctionnaires peuvent être modifiés à tout moment par le législateur. En l’espèce, les conditions d’emploi ayant précisément un caractère statutaire, comme il vient d’être jugé au point 377 du présent arrêt, il n’y a pas lieu de procéder à une lecture a contrario du point 60 de l’arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, précité, comme suggéré à l’audience par les requérants aux fins d’arriver à la conclusion que la BCE ne pouvait pas unilatéralement modifier les conditions de leur contrat.
382 Enfin, il y a également lieu d’observer que la jurisprudence du Tribunal administratif de l’OIT, invoquée par les requérants au soutien de leur thèse, n’est pas applicable. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2011, Whitehead/BCE (F‑98/09, point 76), cette jurisprudence ne constitue pas, en tant que telle, une source du droit de l’Union et, par suite, ne saurait être invoquée autrement qu’au soutien d’une règle ou d’un principe reconnu par le droit de l’Union, ce qui, comme il vient d’être jugé, n’est pas le cas en l’espèce.
383 Par voie de conséquence, le grief tiré de la violation des conditions fondamentales des contrats de travail des requérants doit être rejeté.
b) Sur la violation des droits acquis et des principes de protection de la confiance légitime ainsi que de sécurité juridique et de prévisibilité
384 Les requérants font valoir qu’ils ont acquis le droit à prendre leur retraite sans réduction des prestations à partir de l’âge de 60 ans. Ils soutiennent également que leurs droits à pension cumulés au 31 mai 2009, de même que les droits à pension des agents âgés de 60 ans ou plus au 1er juin 2009, devront être déterminés conformément aux règles de liquidation prévues au plan, dans sa version en vigueur au 31 mai 2009. En particulier, ils font valoir que les facteurs de conversion utilisés au 31 mai 2009 devraient leur être appliqués. Enfin, les requérants reprochent à la BCE d’avoir réformé le régime de prévoyance en vigueur au 31 mai 2009 sans avoir fixé une période transitoire d’une durée appropriée, en violation du principe de sécurité juridique et de prévisibilité.
Sur la violation des droits acquis et du principe de protection de la confiance légitime
385 En ce qui concerne le droit acquis à prendre sa retraite à partir de l’âge de 60 ans sans réduction des prestations, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de son droit s’est produit sous l’empire d’un régime statutaire antérieur à la modification qui a été apportée à ce régime et qu’il conteste par son recours (arrêts du Tribunal de première instance Campoli, point 78, et du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, point 58, et la jurisprudence citée). Le principe ainsi énoncé dans cette jurisprudence constante concernant les fonctionnaires a vocation à s’appliquer de manière générale et, en particulier, au cas d’espèce.
386 Conformément aux articles 11.1 et 11.5 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, un membre peut prendre sa retraite, sans réduction des prestations, à toute date située au cours de la période de départ à la retraite. Il découle de ces dispositions que, pour acquérir le droit à prendre sa retraite sans réduction des prestations, un membre doit avoir à tout le moins 60 ans. C’est donc le fait pour un membre d’atteindre l’âge de 60 ans qui constitue le fait générateur et lui permet de demander la liquidation immédiate de ses droits à pension et le paiement des prestations sans subir aucune réduction de celles-ci.
387 Il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 385 du présent arrêt que les requérants peuvent se prévaloir uniquement du droit acquis au titre du plan de pension de prendre leur retraite sans réduction des prestations à l’âge de 60 ans lorsque le fait générateur de ce droit, à savoir avoir atteint l’âge de 60 ans, s’est produit sous l’empire du plan. Par conséquent, les requérants qui n’avaient pas atteint cet âge à la date du 1er juin 2009, lors de l’entrée en vigueur de la décision du 4 mai 2009, ne détenaient à cette date qu’un droit en cours d’acquisition et nullement un droit acquis à la liquidation immédiate de leur droit à pension sans réduction des prestations. C’est donc à tort que ces requérants invoquent la violation d’un droit, prétendument acquis, de prendre leur retraite à l’âge de 60 ans sans que leurs prestations ne soient réduites.
388 S’agissant des requérants qui étaient âgés de 60 ans ou plus au 1er juin 2009, il ressort de l’article 2, paragraphe 3, de la décision du 4 mai 2009, et la BCE l’a confirmé à l’audience, que les membres qui avaient entre 60 et 65 ans au 31 mai 2009 restent couverts par le plan de pension, tant pour les périodes de service accomplies dans le cadre du plan que pour celles accomplies à partir du 1er juin 2009 dans le cadre du plan gelé. Il s’ensuit que ces requérants ont le droit de prendre leur retraite avant l’âge de 65 ans sans réduction des prestations.
389 En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel tant les agents qui n’avaient pas atteint l’âge de 60 ans à la date du 1er juin 2009, date d’entrée en vigueur de la décision du 4 mai 2009, que ceux qui étaient âgés de 60 ans ou plus au 1er juin 2009 auraient acquis le droit à ce que leurs droits à pension pour les périodes de service accomplies sous le plan de pension et le plan gelé soient liquidés selon les règles du plan, dans leur version antérieure à la réforme, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle il existe une distinction nette entre la fixation du droit à pension et le paiement des prestations qui en résultent. Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal de première instance, les droits acquis en termes de fixation d’une pension ne sont pas violés lorsque des changements intervenus dans les montants effectivement payés résultent du jeu des coefficients correcteurs, ces changements ne portant pas atteinte au droit à pension proprement dit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 mars 1982, Grogan/Commission, 127/80, points 14 et 15 ; arrêt Campoli, point 80).
390 Le Tribunal estime que cette jurisprudence vaut également pour les facteurs de conversion de pension. Contrairement à ce qu’affirment les requérants, les facteurs de conversion de pension ne sont pas des éléments constitutifs des droits à pension. Ce sont des facteurs employés pour calculer les prestations qui doivent être payées avec les actifs des comptes de prestations de base et les comptes de prestations flexibles. Il n’est pas contesté par les parties que les facteurs de conversion sont basés, notamment, sur des tables de mortalité. Or, il est constant que l’espérance de vie, tant de la population masculine que de la population féminine, évolue. Par conséquent, ainsi que l’observe justement la BCE, une mise à jour régulière des facteurs de conversion de pension est impérative pour refléter les prévisions en matière d’espérance de vie. Les facteurs de conversion de pension ne font donc pas partie des droits à pension proprement dits, mais constituent un instrument qui assure que les prestations de pension sont calculées à partir de tables de mortalité actualisées. Il s’ensuit que les requérants n’ont pas de droit acquis au maintien des facteurs de conversion de pension appliqués au 31 mai 2009 ni, par conséquent, à la liquidation, le moment venu, de leurs droits à pension pour les périodes accomplies sous le plan et le plan gelé selon, notamment, les facteurs de conversion en vigueur au 31 mai 2009.
Sur la violation du principe de sécurité juridique et de prévisibilité
391 Enfin, pour ce qui est de la violation du principe de sécurité juridique et de prévisibilité, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt Campoli, s’agissant d’un fonctionnaire mis à la retraite avant le 1er mai 2004, date de l’entrée en vigueur de la réforme dont est issu le statut, qui contestait le remplacement progressif à partir de cette date du coefficient correcteur applicable jusqu’alors à sa pension, il a été jugé que, selon une jurisprudence bien établie, le législateur de l’Union est libre d’apporter à tout moment aux règles statutaires les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service et d’adopter, pour l’avenir, des dispositions statutaires moins favorables pour les fonctionnaires concernés, à condition de fixer une période transitoire d’une durée suffisante pour éviter que les modalités de liquidation des pensions telles qu’elles seront acquises à l’âge de la retraite soient modifiées de manière inattendue (arrêt Campoli, points 85 et 105).
392 Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le point 105 de l’arrêt Campoli doit être interprété en ce sens qu’il se borne à relever que, au cas où un régime de prévoyance moins favorable serait introduit, le législateur de l’Union est tenu de prévoir une période transitoire appropriée (conclusions de l’avocat général M. Mengozzi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 17 juillet 2008, Campoli/Commission, C‑71/07 P, point 74)
393 À cet égard, il convient de constater que, jusqu’au 31 mai 2009, des contributions mensuelles ont été versées sur les comptes de prestations de base et les comptes de prestations flexibles des requérants. En vertu de ces contributions, les requérants ont acquis des droits à pension futurs. Ces droits à pension, cumulés au fur et à mesure que des contributions ont été versées pendant les périodes de services rendus sous le plan, ne peuvent pas être liquidés dans l’immédiat, mais ils permettront aux requérants d’exiger dans le futur, lorsqu’ils rempliront les conditions prévues par la réglementation applicable et que se produira le fait générateur de leur droit à prendre leur retraite, qu’ils soient pris en compte pour la fixation des prestations dues.
394 En ce qui concerne la protection des droits à pension futurs, acquis par les requérants sous le plan, le Tribunal constate que ces droits sont protégés par le gel du plan. En effet, l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 4 mai 2009 prévoit que les membres du personnel qui ont pris leurs fonctions à la BCE avant le 31 mai 2009 inclus ainsi que les anciens membres du personnel restent couverts par le plan de pension pour leurs services rendus dans le cadre du plan au 31 mai 2009. En outre, conformément à l’article 6.3 de la nouvelle annexe III des conditions d’emploi, dont le libellé est identique à celui de l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, la BCE est tenue de financer tout déficit éventuel lié au passif passé et futur correspondant aux services rendus par les membres dans le cadre du plan. La décision du 4 mai 2009 a donc instauré une période transitoire qui se prolongera dans le temps jusqu’à ce que la dernière prestation due sous le plan gelé ait été payée et durant laquelle la BCE se portera garante du paiement des prestations dues.
395 Le Tribunal observe que la décision du 4 mai 2009 prévoit également des mesures transitoires complémentaires. En effet, il ressort de l’article 2, paragraphe 6, de cette décision que des facteurs de conversion de pension actualisés exclusivement masculins s’appliquent à compter du 1er juin 2009 aux fins de calculer les prestations relevant des comptes de prestations de base. Ensuite, l’article 2, paragraphe 7, de la décision du 4 mai 2009 prévoit l’introduction progressive, sur une période de cinq ans, de facteurs de conversion de pension actualisés aux fins du calcul, au titre du plan de pension, des prestations relevant des comptes de prestations flexibles. Enfin, comme il a été exposé au point 204 du présent arrêt, l’article 3, paragraphe 5, de la décision du 4 mai 2009 dispose que la pension de retraite des membres employés par la BCE avant le 1er juin 2009 et qui n’ont pas de conjoint à la date de leur départ à la retraite sera augmentée de 6 %, sans pouvoir dépasser 74,2 % du dernier salaire.
396 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré de la violation des droits acquis et du principe de sécurité juridique et de prévisibilité doit être rejeté.
397 Par conséquent, il convient de rejeter le sixième moyen dans sa totalité comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.
G – Sur le septième moyen
398 Le septième moyen est divisé en deux branches. Par la première branche, les requérants font grief à la BCE de ne pas avoir informé le personnel de la BCE de manière claire et précise sur la réforme du régime de prévoyance. Par leur seconde branche, ils reprochent à la BCE de ne pas avoir répondu à certains griefs qui leur étaient propres, formulés dans leurs demandes de réexamen ou leurs réclamations respectives.
1. Sur la première branche, tirée du manque d’information claire et précise sur la réforme
a) Arguments des parties
399 Dans le cadre de la première branche, les requérants formulent plusieurs griefs selon lesquels la BCE n’aurait pas fourni d’informations claires et précises sur la réforme du régime de prévoyance, et ceci tant avant qu’après l’adoption de la décision du 4 mai 2009. Ils estiment que, par son attitude, la BCE a violé les principes de bonne administration, de sollicitude, de transparence, de sécurité juridique et de prévisibilité, l’article 20.1 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, l’article 34 de l’annexe III bis des conditions d’emploi et les articles 9 et 11 de la directive 2003/41.
400 Premièrement, les requérants font valoir que la décision du 4 mai 2009 manque de clarté. Deuxièmement, ils affirment que les agents ignorent toujours de quelle façon leurs prestations de retraite seront calculées dans le cas où ils ont acquis des droits à pension au titre du plan ainsi qu’au titre du régime des pensions. Troisièmement, la BCE refuserait de calculer l’impact, sur les prestations perçues par les agents, du gel du plan de pension. Quatrièmement, la BCE n’aurait mis un modélisateur à la disposition des agents que tardivement, soit après l’adoption de la décision du 4 mai 2009, et ce modélisateur ne serait même pas fiable. À titre d’exemple de ce manque de fiabilité, les requérants relèvent que le modélisateur ne prend pas en compte la perte de pension résultant de l’application des nouvelles tables de mortalité. Cinquièmement, les fiches annuelles de retraite pour l’année 2008 auraient déjà pris en compte les nouvelles tables de mortalité. Par conséquent, une comparaison de ces fiches avec celles établies pour l’année 2009 ne permettrait pas aux agents de s’apercevoir de l’impact lié à l’application des nouvelles tables de mortalité. Sixièmement, la BCE n’aurait donné aucune information sur la valeur des droits à pension dans l’hypothèse où un agent quitterait la BCE avant l’âge normal de départ à la retraite, ni non plus sur les conséquences de la réforme pour ceux qui en sont exclus et sur la mise en place des nouveaux facteurs de conversion de pension. Septièmement, la BCE aurait donné des informations fausses en soutenant que les agents partant à la retraite à l’âge de 65 ans ne subiraient aucun préjudice dans le régime des pensions par rapport au plan : or, dans le mémorandum du 20 décembre 2007, la division du recrutement et de la compensation de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » aurait signalé que, avec la réforme, les prestations pour un départ à la retraite à l’âge de 65 ans seraient réduites d’environ 5 à 7 % par rapport à ce qu’elles auraient été avec le plan. Selon les requérants, cette diminution se serait même avérée plus importante. En outre, le président de la BCE aurait déclaré, le 4 août 2008, que le taux de contribution ne serait pas augmenté, alors que tel n’aurait pas été le cas.
401 La BCE conclut au rejet de la première branche comme non fondée.
b) Appréciation du Tribunal
402 Il y a lieu de relever que la première branche du septième moyen a été soulevée par les requérants au soutien de leur exception d’illégalité de la décision du 4 mai 2009 (voir point 132 du présent arrêt).
403 Force est de constater que le caractère prétendument obscur, imprécis et incorrect des informations fournies aux agents de la BCE avant et après l’adoption de la décision du 4 mai 2009 ne saurait affecter la légalité de cette décision. En effet, les conditions d’emploi, dans leur version en vigueur avant leur modification par la décision du 4 mai 2009, n’assujettissaient pas la légalité des modifications qui seraient apportées auxdites conditions d’emploi à l’exigence que les agents de la BCE soient informés de ces modifications, avant ou après leur adoption. Par conséquent, les irrégularités en matière de communication d’information sur la réforme du régime de prévoyance aux membres du personnel que les requérants reprochent à la BCE d’avoir commises, à les supposer contraires aux principes invoqués par les requérants, ne sont pas de nature à avoir pu exercer la moindre incidence sur la légalité même de la décision du 4 mai 2009.
404 La première branche du septième moyen, tirée du manque d’information claire et précise sur la réforme, doit donc être écartée.
2. Sur la seconde branche, tirée du caractère insuffisant de la réponse donnée à certaines demandes de réexamen et à certaines réclamations
a) Arguments des parties
405 Par la seconde branche, les requérants reprochent à la BCE de ne pas avoir répondu à certains griefs qu’ils avaient formulés dans leurs demandes de réexamen ou leurs réclamations respectives et de s’être limitée à rédiger une réponse standard pour toutes les demandes de réexamen et toutes les réclamations. Ce faisant, la BCE aurait violé son devoir de motivation, les conditions d’emploi, les règles applicables au personnel, le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude.
406 La BCE ne se prononce pas sur cette branche.
b) Appréciation du Tribunal
407 Tout d’abord, le Tribunal rappelle que la seconde branche du septième moyen ne se rattache pas à l’exception d’illégalité soulevée par les requérants contre la décision du 4 mai 2009, mais que, par cette branche, les requérants contestent directement la légalité des décisions litigieuses (voir point 132 du présent arrêt).
408 Le Tribunal rappelle que toutes les demandes de réexamen et toutes les réclamations ont été rédigées en termes identiques, suivant un modèle type, mais que certains requérants ont ajouté des informations sur leur situation personnelle. Toutes les décisions de rejet de la demande de réexamen et toutes les décisions de rejet de la réclamation ont également été rédigées en termes identiques pour tous les requérants.
409 Le Tribunal constate toutefois que, dans les décisions de rejet de la demande de réexamen, la BCE a fourni, de façon anonyme, une réponse en rapport avec les informations personnelles complémentaires que certains requérants avaient ajoutées dans leur demande de réexamen. Cette réponse, qui figurait dans la décision type de rejet de la demande de réexamen, a donc été communiquée à tous les requérants et, par voie de conséquence, a été portée à la connaissance de ceux qui avaient rajouté des informations personnelles dans leur demande de réexamen.
410 S’agissant des décisions de rejet de la réclamation, il ressort du dossier que certaines informations personnelles complémentaires ajoutées dans les réclamations se confondent avec celles qui avaient été ajoutées dans les demandes de réexamen. Le Tribunal constate qu’à tout le moins une partie de ces informations a été examinée dans les décisions de rejet de la réclamation.
411 De plus, il y a lieu de relever que, dans la requête, les requérants n’identifient pas les informations personnelles complémentaires auxquelles la BCE n’aurait pas réagi dans les décisions de rejet de la demande de réexamen et dans les décisions de rejet de la réclamation.
412 Certes, les requérants ont produit les demandes de réexamen et les réclamations qui s’écartent des modèles type ainsi qu’un tableau, préparé par leurs soins, récapitulant les informations personnelles complémentaires fournies par les requérants concernés. Toutefois, ainsi qu’il l’est jugé de manière constante, il n’incombe pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes à la requête introductive d’instance si des éléments susceptibles de combler les lacunes de cette dernière y figurent, les annexes ayant seulement une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, point 93, et la jurisprudence citée).
413 Par conséquent, le Tribunal n’ayant ni à rechercher ni à identifier lesquelles des informations mentionnées aux points précédents n’auraient pas entraîné de réaction de la part de la BCE, il s’ensuit que la deuxième branche du septième moyen, tirée du caractère insuffisant de la réponse donnée à certaines demandes de réexamen et à certaines réclamations, doit être écartée.
414 Par conséquent, il convient de rejeter le septième moyen dans sa totalité.
415 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter les conclusions en annulation des décisions litigieuses.
III – Sur les conclusions indemnitaires
A – Arguments des parties
416 Les requérants demandent que la BCE soit condamnée à leur payer la différence entre la rémunération ou la pension résultant de l’application de la décision du 4 mai 2009 et la rémunération ou la pension qu’ils auraient perçue en application du plan de pension dans sa version antérieure à la réforme. Ces arriérés devraient se voir appliquer un intérêt de retard correspondant au taux de la BCE augmenté de trois points à dater du 15 juin 2009 et ensuite le 15 de chaque mois et jusqu’à complet apurement du solde dû.
417 De même, les requérants estiment avoir subi un préjudice consistant dans la diminution de leur pouvoir d’achat, préjudice qu’ils chiffrent ex aequo et bono à 1 % de leur rémunération mensuelle.
418 En défense, la BCE estime qu’en l’absence d’illégalité de la décision du 4 mai 2009 les conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
B – Appréciation du Tribunal
419 S’agissant des conclusions tendant à obtenir le versement par la BCE de la différence entre la rémunération ou la pension résultant de la décision du 4 mai 2009 et la rémunération ou la pension résultant de l’application du plan de pension dans sa version antérieure à la réforme, chacun de ces arriérés devant se voir appliquer des intérêts de retard, ces conclusions doivent être rejetées dès lors que les conclusions en annulation des décisions litigieuses ont été rejetées.
420 S’agissant des conclusions tendant à indemniser les requérants du préjudice matériel qu’ils prétendent avoir subi, lié à la diminution de leur pouvoir d’achat, il convient de rappeler que, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (voir, à titre d’exemple, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2012, Eklund/Commission, F‑57/11, point 106).
421 Par exception, lorsque les conclusions en annulation ont été rejetées, des conclusions indemnitaires qui leur sont étroitement liées peuvent néanmoins être accueillies si le préjudice allégué trouve son origine dans une illégalité de la décision contestée qui, bien que n’ayant pas été susceptible de fonder l’annulation de cette décision, a occasionné un dommage au requérant (voir, en ce sens, s’agissant du non-respect d’un délai, arrêt du Tribunal de première instance du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, points 164 à 167).
422 En l’espèce, il doit être relevé que le préjudice matériel dont les requérants se prévalent trouve son origine dans le comportement décisionnel de la BCE et que les conclusions en annulation ont été rejetées. Par ailleurs, aucune irrégularité du comportement décisionnel de la BCE n’a été constatée par le Tribunal. En conséquence, il convient de rejeter les conclusions tendant à indemniser les requérants d’un préjudice matériel qui serait lié à la diminution de leur pouvoir d’achat, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si la diminution d’un pouvoir d’achat constitue un préjudice distinct de celui de ne pas avoir disposé à la date de son échéance d’une somme d’argent due.
423 Par conséquent, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires.
424 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
425 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
426 Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, la BCE a, dans ses conclusions, expressément demandé que les requérants soient condamnés aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner les requérants aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Andres et les 168 autres requérants dont les noms figurent en annexe supportent leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Banque centrale européenne.
Van Raepenbusch |
Rofes i Pujol |
Bradley |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2013.
Le greffier |
Le président |
W. Hakenberg |
S. Van Raepenbusch |
Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.
Table des matières
Cadre juridique
I – Dispositions générales applicables au litige
II – Les régimes de prévoyance de la BCE
A – Le régime de prévoyance applicable jusqu’au 31 mai 2009 : le plan de pension
1. Le plan de pension
2. Autres dispositions pertinentes du plan de pension
a) Les évaluations actuarielles
b) La consultation du comité de surveillance
c) La consultation du comité du personnel
B – Le régime de prévoyance applicable à partir du 1er juin 2009 : la coexistence du plan de pension gelé et du régime des pensions
1. Le plan de pension gelé
2. Le régime des pensions
Faits à l’origine du litige
Conclusions des parties et procédure
En droit
I – Sur l’objet des conclusions en annulation
II – Sur les conclusions en annulation des décisions litigieuses
A – Sur le premier moyen
1. Sur la première branche, tirée de la méconnaissance des compétences du comité de surveillance
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. Sur la deuxième branche, tirée de la communication incomplète ou tardive de documents au comité de surveillance
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
3. Sur la troisième branche, tirée du refus d’accorder au comité de surveillance l’accès au conseil des gouverneurs
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
B – Sur le deuxième moyen
1. Sur le premier argument, tiré de ce que la procédure de consultation suivie avant la mise en place du groupe de travail aurait été inappropriée et entachée d’irrégularités
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. Sur le deuxième argument, tiré du défaut d’effet utile de la procédure de consultation et de l’irrégularité des travaux du groupe de travail
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
3. Sur le troisième argument, tiré de la communication incomplète ou tardive de documents au comité du personnel
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
4. Sur le quatrième argument, tiré du refus d’accorder au comité du personnel l’accès au conseil des gouverneurs
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
C – Sur le troisième moyen
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
D – Sur le quatrième moyen
1. Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 6.3, de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, ainsi que de l’irrégularité en droit des motifs de la réforme avancés par la BCE
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. Sur la deuxième branche, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation, ainsi que de l’irrégularité en fait des motifs de la réforme avancés par la BCE
a) Sur le premier grief, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation entachant le motif selon lequel le plan de pension manquait de viabilité financière
Sur le premier argument
– Arguments des parties
– Appréciation du Tribunal
Sur le deuxième argument
– Arguments des parties
– Appréciation du Tribunal
Sur le troisième argument
– Arguments des parties
– Appréciation du Tribunal
b) Sur les deuxième et troisième griefs, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation entachant les motifs selon lesquels le plan de pension était asymétrique et complexe
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
3. Sur la quatrième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
E – Sur le cinquième moyen
1. Sur la première branche, tirée du défaut de consultation du conseil général
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’effet utile de l’intervention du conseil des gouverneurs
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
F – Sur le sixième moyen
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
a) Sur la violation des conditions fondamentales de la relation de travail
b) Sur la violation des droits acquis et des principes de protection de la confiance légitime ainsi que de sécurité juridique et de prévisibilité
Sur la violation des droits acquis et du principe de protection de la confiance légitime
Sur la violation du principe de sécurité juridique et de prévisibilité
G – Sur le septième moyen
1. Sur la première branche, tirée du manque d’information claire et précise sur la réforme
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. Sur la seconde branche, tirée du caractère insuffisant de la réponse donnée à certaines demandes de réexamen et à certaines réclamations
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
III – Sur les conclusions indemnitaires
A – Arguments des parties
B – Appréciation du Tribunal
Sur les dépens
ANNEXE
ANNEXE
Compte tenu du nombre élevé de requérants dans cette affaire, leurs noms ne sont pas repris dans la présente annexe.
* Langue de procédure : le français.