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Document 61993TJ0038

Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 24 February 1994.
Axel Michael Stahlschmidt v European Parliament.
Official - Recovery of undue payment.
Case T-38/93.

European Court Reports – Staff Cases 1994 I-A-00065; II-00227

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1994:23

Arrêt du Tribunal (quatrième chambre)

24 février 1994 ( *1 )

«Fonctionnaires — Répétition de l'indu»

Dans l'affaire T-38/93,

Axel Michael Stahlschmidt, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bourglinster (Luxembourg), représenté par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté initialement par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, assisté de M. José Luis Rufas Quintana, membre du service juridique, en qualité d'agent, puis par M. José Luis Rufas Quintana, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision du Parlement européen du 9 octobre 1992, exigeant le remboursement des sommes indûment versées au titre de l'indemnité de dépaysement du 1er octobre 1987 au 1er juillet 1992,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. C. P. Briët, président, A. Saggio, C. W. Bellamy, juges,

greffier: M. J. Palacio Gonzalez,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 16 décembre 1993,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1

M. Axel Michael Stahlschmidt est fonctionnaire au Parlement européen (ci-après «Parlement») depuis 1964. Il est actuellement chef de division à la direction générale des commissions et délégations (DG II). Originairement de nationalité allemande, il a acquis, le 22 septembre 1987, la nationalité luxembourgeoise.

2

Le 6 octobre 1987, il a informé le directeur général du personnel, du budget et des finances, M. Van den Berge, de son changement de nationalité. Puis, par lettre du 19 octobre 1987, il a transmis à ce même directeur général une copie du certificat de naturalisation établi par les autorités luxembourgeoises. Par une note interne du 26 octobre 1987, le chef du service «statut et gestion du personnel» a demandé aux différents services compétents, notamment à la division des décomptes, d'«arrêter le versement de l'indemnité de dépaysement à l'intéressé, qui, depuis le 22 septembre 1987, a acquis la nationalité luxembourgeoise». Le requérant ne figurait pas parmi les destinataires de cette note.

3

Le 25 juin 1992, le chef de la division du personnel, M. Kyst, a communiqué au requérant que, à l'occasion d'une révision périodique des droits octroyés aux fonctionnaires, ses services avaient constaté qu'il bénéficiait toujours de l'indemnité de dépaysement, bien que, par note du 26 octobre 1987, précitée, l'arrêt du versement de cette indemnité eût été demandé à compter du 1er octobre 1987. M. Kyst affirmait que le requérant aurait dû recevoir à l'époque copie de cette note et précisait que celle-ci faisait suite à la lettre que le requérant avait adressée à M. Van den Berge le 6 octobre 1987. Il transmettait au requérant, en annexe, copie de la note du 26 octobre 1987. Il précisait que «cette note n'a pas par erreur fait l'objet d'une codification ad hoc dans le programme «Paie», ce qui explique pourquoi cette indemnité de dépaysement figure toujours dans votre rémunération». En conséquence, il signalait au requérant que, d'une part, il cesserait de toucher l'indemnité de dépaysement à partir du 1er juillet 1992 et que, d'autre part, en ce qui concernait les indemnités perçues depuis le 1er octobre 1987, il était envisagé de répéter les sommes indûment perçues en application de l'article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).

4

Le 13 juillet 1992, le requérant a accusé réception de la lettre de M. Kyst, susvisée, et a insisté sur le fait qu'il n'avait pas reçu, en son temps, la note du 26 octobre 1987. Il faisait valoir que, dans ces conditions, les sommes qui lui avaient été versées au titre de l'indemnité de dépaysement ne pouvaient pas être répétées sur la base de l'article 85 du statut.

5

Par lettre du 19 août 1992, M. Kyst a accusé réception de la lettre du requérant du 13 juillet précédent et a confirmé que, depuis qu'il avait acquis la nationalité de son lieu d'affectation, le requérant ne remplissait plus les conditions nécessaires pour bénéficier de l'indemnité de dépaysement. En outre, il ajoutait ce qui suit: «Pour ce qui concerne la répétition de l'indu en application de l'article 85 du statut, mes services doivent examiner de façon plus approfondie votre dossier à la lumière des éléments exposés dans votre lettre du 13 juillet.»

6

Par lettre du 9 octobre 1992, M. Kyst a informé le requérant que le montant représentant l'indemnité de dépaysement indûment versée s'élevait à 3 29489 BFR. Il reconnaissait que la note du 26 octobre 1987 était «restée dans le circuit administratif interne et malheureusement ne (lui avait) pas été notifiée directement». Il relevait toutefois qu'une fiche individuelle de renseignements, datée du 12 juin 1989, communiquée, selon lui, en son temps au requérant, «précisait bien que l'indemnité de dépaysement était mise en suspens depuis le 1er octobre 1987». Cette fiche était jointe en annexe à la lettre en cause. M. Kyst parvenait à la conclusion que, dans ces circonstances, l'administration était tenue, en vertu de l'article 85 du statut, de procéder à la répétition de l'indu.

7

Le 28 octobre 1992, le requérant a présenté une réclamation contre la lettre de M. Kyst du 9 octobre précédent. Cette réclamation a été enregistrée le 4 novembre 1992. Le Parlement n'y a pas donné de réponse explicite dans les délais statutaires, en dépit des sollicitations tant du requérant que de son conseil.

8

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 1993, le requérant a demandé l'annulation de la décision du 9 octobre 1992 exigeant la répétition des sommes qui lui avaient été versées au titre de l'indemnité de dépaysement à partir du 1er octobre 1987, soit un montant global de 3129489 BFR. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. La procédure orale s'est déroulée le 16 décembre 1993.

9

Le 25 juin 1993, le président du Parlement a adressé au requérant une décision rejetant explicitement la réclamation, au motif que l'irrégularité du versement présentait un caractère évident. Dans cette même lettre, il précisait que le montant à récupérer s'élevait à 3447326 BFR.

Conclusions des parties

10

La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision du 9 octobre 1992, la condamnant à rembourser les sommes indûment versées au titre de paiement de l'indemnité de dépaysement depuis le 1er octobre 1987 jusqu'au 1er juillet 1992;

condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

dire le recours non fondé;

statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables.

Sur le fond

Sur le moyen unique tiré de la violation de l'article 85 du statut

Argumentation des parties

11

A l'appui de sa demande en annulation, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l'article 85 du statut sur lequel est fondée la décision attaquée. Il fait valoir qu'en l'espèce les conditions donnant lieu à répétition de l'indu, énoncées à cet article, ne sont pas remplies.

12

En ce qui concerne la première de ces conditions, relative à la connaissance de l'irrégularité du versement par le fonctionnaire concerné, le requérant souligne qu'il n'a reçu ni une copie de la note du 26 octobre 1987, précitée, demandant aux services compétents de cesser de lui verser l'indemnité de dépaysement, ni la fiche individuelle de renseignements du 12 juin 1989, précitée, indiquant que l'indemnité de dépaysement avait été mise en suspens depuis le 1er octobre 1987.

13

Pour ce qui est de la seconde condition, relative au caractère évident de l'irrégularité, le requérant soutient que ce caractère évident est uniquement pris en considération lorsque l'intéressé n'a pas informé en temps utile l'administration de la modification de son statut susceptible d'avoir une incidence sur le paiement d'une indemnité. En outre, il fait observer que l'article 4, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut, régissant l'octroi de l'indemnité de dépaysement, ne prévoit pas expressément que le fonctionnaire cesse de bénéficier de cette indemnité s'il acquiert, en cours de carrière, la nationalité de l'État d'affectation. A cet égard, le requérant souligne que les diverses institutions communautaires ont retenu des interprétations différentes de cette disposition et que lui-même, bien que chef de division du Parlement, n'était pas en mesure, n'ayant pas une formation juridique, de comprendre qu'elle pouvait lui faire perdre le droit à l'indemnité de dépaysement. Il invoque l'arrêt du 11 octobre 1979, Berghmans/Commission (142/78, Rec. p. 3125), concernant la répétition d'une allocation de foyer indûment versée, dans lequel la Cour a jugé qu'une «allocation d'un montant minime ne présentait pas un caractère d'irrégularité évidente, puisque le comportement de l'administration pouvait avoir créé dans l'esprit de l'intéressé la certitude raisonnable d'avoir droit à ce qui lui avait été versé» (point 16 de l'arrêt).

14

Le requérant allègue qu'en l'espèce il a agi de bonne foi et avec diligence, en communiquant immédiatement à l'administration son changement de nationalité. Il fait observer que, l'administration ayant continué à le faire bénéficier de l'indemnité de dépaysement jusqu'au mois d'août 1993, il a pu légitimement penser, pendant les cinq années durant lesquelles l'indemnité lui a été versée, que, après avoir reçu sa communication relative à son changement de nationalité, elle avait décidé de continuer à lui verser l'indemnité.

15

Le Parlement rejette cette argumentation. En ce qui concerne la première condition donnant lieu à la répétition de l'indu, relative à la connaissance de l'irrégularité par le fonctionnaire, il reconnaît qu'il ne peut pas prouver que le requérant connaissait l'irrégularité du versement.

16

Toutefois, le Parlement estime que la seconde condition, relative à l'évidence de l'irrégularité, était remplie, en l'espèce. Il fait valoir que le requérant était en mesure de procéder aux vérifications nécessaires et de s'apercevoir, en faisant preuve d'une diligence normale, de l'erreur commise par l'administration. Il souligne que M. Stahlschmidt, en sa qualité de chef de division de grade A 3, était censé connaître les règles régissant son traitement.

Appréciation du Tribunal

17

Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 85 du statut, «toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance». La présence de l'une de ces conditions suffit pour justifier la répétition de l'indu.

18

En ce qui concerne la première de ces conditions, il appartient à l'administration de prouver que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement. A cet égard, le Parlement reconnaît qu'il n'est pas en mesure d'apporter cette preuve. En effet, la note du 26 octobre 1987, précitée, par laquelle les services compétents étaient invités à cesser le paiement de l'indemnité de dépaysement, n'a pas été adressée au requérant. Par ailleurs, le dossier ne fournit aucun indice sérieux permettant de présumer que la fiche individuelle de renseignements du 12 juin 1989, précitée, ou d'autres fiches similaires mentionnées dans la réponse explicite à la réclamation, lui aient été communiquées. Il s'ensuit que la première des deux conditions alternatives visées à l'article 85 n'est pas remplie en l'espèce.

19

En ce qui concerne la seconde des conditions donnant lieu à restitution de l'indu, relative au caractère évident de l'irrégularité, il résulte de la jurisprudence que cette condition est remplie lorsqu'il s'agit d'une irrégularité qui n'échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent. A cet égard, il convient de tenir compte, dans chaque espèce, de la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires (voir les arrêts de la Cour du 11 juillet 1979, Broe/Commission, 252/78, Rec. p. 2393, points 13 et 14, et du 17 janvier 1989, Stempels/Commission, 310/87, Rec. p. 43, points 10 et 11, ainsi que l'arrêt du Tribunal du 28 février 1991, Kormeier/Commission, T-124/89, Rec. p. II-125, points 17 et 18).

20

Partant, il y a lieu de vérifier si, dans la présente espèce, l'irrégularité du versement de l'indemnité de dépaysement prévue par l'article 4, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut, pendant une période de presque cinq ans à partir de l'acquisition par le requérant de la nationalité de son lieu d'affectation, était tellement évidente que l'intéressé aurait dû en avoir connaissance en faisant preuve d'une diligence normale.

21

A cet égard, le Tribunal estime que l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut, énonçant que l'indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire «qui n'a pas et n'a jamais eu la nationalité de l'État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation», est dénué de toute ambiguïté. En effet, il en résulte clairement que l'indemnité en cause ne bénéficie pas à un fonctionnaire possédant la nationalité de l'État du lieu d'affectation. Dans ces conditions, le requérant, qui était, de surcroît, au service du Parlement depuis près de trente ans et était classé à un grade élevé, était en mesure, en faisant preuve d'une diligence normale, de se rendre compte de l'erreur commise par l'administration.

22

II en résulte que la condition relative au caractère évident de l'irrégularité du versement en cause est remplie en l'espèce, de sorte que le Parlement était tenu de procéder à la répétition des sommes indûment versées, en vertu de l'article 85 du statut.

23

Contrairement aux allégations du requérant, cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que l'administration avait commis une négligence ou une erreur en hésitant sur l'interprétation à donner à l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut. De telles circonstances sont, en effet, sans incidence sur l'application de l'article 85 du statut, qui présuppose précisément que l'administration a commis une erreur en procédant au versement irrégulier.

24

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté comme non fondé.

Sur les dépens

25

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Briët

Saggio

Bellamy

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 février 1994.

Le greffier

H. Jung

Le président

C. P. Briët


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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