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Έγγραφο 62014FJ0082

Απόφαση του Δικαστηρίου Δημόσιας Διοίκησης (πρώτο τμήμα) της 22ας Σεπτεμβρίου 2015.
Roberto Gioria κατά Ευρωπαϊκής Επιτροπής.
Υπαλληλική υπόθεση – Γενικοί διαγωνισμοί – Διαγωνισμός EPSO/AST/126/12 – Δεσμοί συγγένειας μεταξύ μέλους της εξεταστικής επιτροπής και υποψηφίου – Σύγκρουση συμφερόντων – Άρθρο 27 του ΚΥΚ – Πρόσληψη υπαλλήλων που διαθέτουν τα πλέον υψηλά προσόντα ακεραιότητας χαρακτήρα – Απόφαση περί αποκλεισμού του υποψηφίου από τον διαγωνισμό.
Υπόθεση F-82/14.

Συλλογή της Νομολογίας — Συλλογή υπαλληλικών υποθέσεων

Αναγνωριστικό ECLI: ECLI:EU:F:2015:108

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

22 septembre 2015 ( * )

«Fonction publique — Concours généraux — Concours EPSO/AST/126/12 — Lien de parenté entre un membre du jury et un candidat — Conflit d’intérêts — Article 27 du statut — Recrutement de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités d’intégrité — Décision d’exclure le candidat du concours»

Dans l’affaire F‑82/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Roberto Gioria, demeurant à Veruno (Italie), représenté par Me M. Cornacchia, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre),

composé de MM. R. Barents (rapporteur), président, E. Perillo et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 15 août 2014, M. Gioria demande, d’une part, l’annulation de la décision du 15 mai 2014 par laquelle le jury du concours général EPSO/AST/126/12 (ci-après le « jury ») a confirmé son exclusion dudit concours et, d’autre part, l’indemnisation du préjudice moral qu’il estime avoir subi.

Cadre juridique

2

Aux termes de l’article 27, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

3

Par ailleurs, le cadre juridique est constitué de l’article 30 du statut, de l’article 5, cinquième alinéa, de l’annexe III du statut et du point 3, intitulé « I[nformations sur les droits des parties concernées] », de l’annexe de la décision de la Commission européenne du 17 octobre 2000 modifiant son règlement intérieur (JO L 267, p. 63), intitulée « C[ode de bonne conduite administrative pour le personnel de la Commission européenne dans ses relations avec le public] » (ci-après le « code de bonne conduite administrative »).

4

Le point 3 du code de bonne conduite administrative prévoit :

5

Le 20 décembre 2012, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 394 A, p. 11) l’avis de concours général « EPSO/AST/126/12 – Assistants (AST 3), secteur recherche », en vue de la constitution d’une réserve de recrutement d’assistants dans six domaines (ci-après l’« avis de concours »). L’avis de concours précisait, dans sa partie introductive, que « [l]e concours a[vait] pour objet l’établissement de listes de réserve destinées à pourvoir des postes vacants au sein des institutions européennes, principalement pour le Centre commun de recherche […] de la Commission […] ».

6

Dans un encadré figurant en fin de la partie introductive de l’avis de concours, il était indiqué que le guide applicable aux concours généraux publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 septembre 2012 (JO C 270 A, p. 1) (ci-après le « guide ») faisait partie intégrante de l’avis de concours.

7

Le point 2.1.4 du guide, relatif aux cas d’exclusion liés à l’inscription, disposait :

8

Le point 3.2, intitulé « C[ommunication des candidats à l’]EPSO », du guide indiquait notamment :

Faits à l’origine du litige

9

La sœur du requérant, Mme Sabrina Gioria, travaille au sein du Centre commun de recherches (JRC) de la Commission depuis le 1er janvier 2003.

10

Le requérant s’est porté candidat au concours général EPSO/AST/126/12 destiné à pourvoir des postes vacants au sein des institutions européennes, principalement pour le JRC. Il a choisi le domaine de l’ingénierie civile et mécanique.

11

Le requérant a passé la première phase de sélection sur titres avec succès et a reçu, en date du 30 avril 2013, une invitation aux épreuves d’évaluation.

12

Le 27 juin 2013, l’EPSO a publié sur son site Internet la liste des noms des membres du jury par domaine, sur laquelle figurait celui de Mme Sabrina Gioria. En tête de cette liste figurait un avertissement indiquant que tout contact d’un candidat avec l’un des membres du jury était interdit.

13

Après avoir passé toutes les épreuves du concours, le requérant a reçu le 18 décembre 2013, via son compte EPSO, une lettre de l’EPSO, signée pour le président du jury, l’informant de la décision du jury de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours général EPSO/AST/126/12 au motif qu’il avait omis d’informer l’EPSO en temps utile de son lien de parenté avec un membre du jury. Ladite lettre indiquait notamment ce qui suit :

14

Le 19 décembre 2013, le requérant a reçu un courrier électronique de l’EPSO l’invitant à ne pas tenir compte de la lettre du 18 décembre 2013 mentionnée au point précédent, envoyée par erreur (ci-après la « communication du 19 décembre 2013 »).

15

Par courrier électronique du 23 décembre 2013, le requérant a demandé à l’EPSO la confirmation qu’il ne devait pas tenir compte de la lettre du 18 décembre 2013.

16

Le 7 janvier 2014, le requérant a reçu, via son compte EPSO, une réponse de l’EPSO, au nom du président du jury (ci-après la « communication du 7 janvier 2014 »), formulée de la manière suivante :

17

Le 24 janvier 2014, le requérant a reçu, via son compte EPSO, une nouvelle lettre de l’EPSO, signée pour le président du jury (ci-après la « décision initiale du jury »), qui indiquait notamment ceci :

18

Le 31 janvier 2014, le requérant a présenté, au titre de l’article 6.4 du guide, une demande de réexamen de la décision initiale du jury. En se référant à des documents annexés à cette demande, il a fait valoir que lui et sa sœur vivaient depuis plus de treize ans à une trentaine de kilomètres l’un de l’autre, expliquant notamment ceci :

« L’adresse que nous partageons est la suivante : Via Caola 8, Veruno[, province de Novare (Italie)], il s’agit de [l’adresse de] nos parents […]. Moi et ma sœur ne vivons plus dans la même maison depuis au moins [treize] ans. La maison située Via Caola 8, Veruno ([province de Novare]), est seulement la maison où nos parents vivent actuellement.

En Italie, pour diverses raisons, l’adresse postale/officielle ([dénommée ‘résidence’]) est souvent différente de l’endroit où une personne vit réellement ([dénommé ‘domicile’]).

Comme je peux le démontrer avec les documents joints, j’ai mon ‘[domicile]’ à Cressa[, province de] Novare […], l’endroit où je vis réellement, alors que ma sœur a son ‘[domicile]’ à Angera[, province de Varèse (Italie)], l’endroit où elle vit réellement […]. Ces deux villes sont éloignées de plus de 30 km l’une de l’autre.

Dès lors qu’aucun candidat ne peut être disqualifié du simple fait qu’un membre de sa famille est membre du [j]ury (dans un autre domaine [du concours]), mes droits seraient violés dans le cas où [le jury] confirmer[ait] mon exclusion en raison du seul lien de parenté. »

19

Le 15 avril 2014, la sœur du requérant a adressé par voie électronique à l’EPSO un exposé de différents points sur lesquels elle souhaitait attirer l’attention du jury. Dans le courriel d’accompagnement de ce document, elle indiquait notamment qu’elle avait appris par hasard en discutant avec sa mère à la fin du mois d’août 2013 que son frère était candidat au concours général EPSO/AST/126/12.

20

Le 15 mai 2014, via son compte EPSO, le requérant a reçu une lettre de l’EPSO, signée pour le président du jury, l’informant de la décision du jury, qui s’était réuni le 26 mars précédent pour statuer sur sa demande de réexamen, de confirmer son exclusion du concours général EPSO/AST/126/12 (ci-après la « décision attaquée »). Celle-ci indiquait notamment :

Conclusions des parties

21

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission à la réparation du préjudice moral subi, estimé ex æquo et bono à la somme de 3000 euros ;

condamner la Commission aux dépens.

22

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner le requérant aux dépens.

En droit

Sur les conclusions en annulation

23

À l’appui de son recours, le requérant invoque six moyens, tirés, le premier, de l’illégalité des nouveaux griefs mentionnés dans la décision attaquée et, partant, de la violation des droits de la défense, le deuxième, de l’illégalité de la contestation du comportement d’un tiers et d’un abus de pouvoir, le troisième, de la violation des principes de légalité et d’égalité de traitement, le quatrième, de la motivation non véridique de la décision attaquée, le cinquième, d’une erreur dans la composition du jury et, le sixième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des nouveaux griefs mentionnés dans la décision attaquée et, partant, de la violation des droits de la défense

– Arguments des parties

24

Selon le requérant, la décision attaquée ne lui reprocherait pas une violation du point 3.2 du guide qui prévoit un comportement actif, mais plutôt une omission consistant à « ne pas avoir informé » le jury. À cet égard, il fait valoir que, contrairement à la décision initiale du jury, la décision attaquée ne ferait plus mention du point 3.2 du guide, mais d’un autre élément, à savoir le fait que son lien de parenté avec Mme Sabrina Gioria n’aurait pas été signalé à l’EPSO. Les motifs ainsi divergents de son exclusion du concours auraient donc un caractère contradictoire. Si le grief qui lui est fait se fonde uniquement sur une présomption résultant d’un lien de parenté, le jury lui impose une véritable « probatio diabolica », dans le sens où il ne pourra jamais démontrer qu’il n’a pas eu accès à des informations privilégiées, et commet ainsi une erreur dans l’interprétation de la réglementation. Il s’ensuit, toujours selon le requérant, que la décision attaquée constituerait une violation de l’article 18 du code de bonne conduite administrative selon lequel les décisions ne peuvent pas être fondées sur des motifs succincts ou imprécis.

25

La Commission conclut au rejet du premier moyen.

– Appréciation du Tribunal

26

L’argument du requérant relatif à une prétendue contradiction entre la décision initiale du jury et la décision attaquée manque en fait. En effet, au deuxième alinéa de la décision initiale du jury, il est fait état du fait que le jury a été informé de ce que la sœur du requérant était membre du jury et, au cinquième alinéa, que ni lui ni sa sœur n’ont informé le jury du fait qu’ils partageaient la même adresse postale. Au deuxième alinéa de la décision attaquée, l’EPSO, au nom du président du jury, se réfère explicitement à la décision initiale du jury en rappelant qu’elle était fondée sur le lien de parenté entre le requérant et Mme Sabrina Gioria et le fait que ceux-ci avaient omis d’en informer le jury.

27

Ainsi, le Tribunal ne peut que constater que la décision attaquée et la décision initiale du jury reposent sur la même constatation, à savoir le lien de parenté entre le requérant et Mme Sabrina Gioria, membre du jury du concours général EPSO/AST/126/12.

28

Contrairement à ce que prétend le requérant, la décision attaquée ne lui imposait pas une « probatio diabolica ». En effet, il ressort sans aucune ambiguïté de l’avant-dernier alinéa de celle-ci que le jury a admis que le requérant pouvait apporter la preuve de ce qu’il n’habitait pas à la même adresse que sa sœur, mais qu’il a considéré que ce nouvel élément d’information n’était pas suffisant pour exclure que, du fait de leur lien de parenté, il aurait pu avoir accès à des informations privilégiées.

29

Or, force est de constater que le requérant n’a pas contesté que, en raison de son lien de parenté avec un membre du jury, il a pu se trouver dans une position privilégiée par rapport aux autres candidats du concours général EPSO/AST/126/12.

30

Il s’ensuit que le requérant ne saurait reprocher à la Commission d’avoir invoqué de nouveaux griefs dans la décision attaquée. Partant, la Commission n’a violé ni les droits de la défense, ni le point 3 du code de bonne conduite administrative.

31

Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité de la contestation du comportement d’un tiers et d’un abus de pouvoir

– Arguments des parties

32

Le requérant fait valoir que le jury aurait violé le principe de la responsabilité personnelle subjective en ce qu’il aurait été exclu en raison du comportement d’un tiers, en l’occurrence sa sœur, qui n’aurait jamais fait l’objet d’aucun type de grief de la part de l’EPSO, et que, en tout état de cause, un tel comportement ne saurait affecter ses droits subjectifs. Le requérant observe également que, pour apprécier l’existence d’un conflit d’intérêts, le jury n’aurait pas pu se fonder sur la simple existence d’une relation entre deux personnes. À cet égard, le requérant se réfère à l’ordonnance du 25 février 2014, García Dominguez/Commission (F‑155/12, EU:F:2014:24, point 34). Enfin, le requérant observe que sa sœur ne serait intervenue ni dans les épreuves écrites ou orales, ni lors de la préparation ou l’évaluation de ses examens ou de ses titres.

33

La Commission conclut au rejet du deuxième moyen.

– Appréciation du Tribunal

34

S’agissant de la prétendue violation du principe de la responsabilité subjective, il suffit de constater que le requérant a été exclu du concours général essentiellement en raison de son lien de parenté avec Mme Sabrina Gioria, membre du jury.

35

La légalité de la décision d’exclure le requérant sera examinée dans le cadre du troisième moyen.

36

À titre surabondant, le Tribunal considère que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, le seul fait que la sœur du requérant avait, pour sa part, en violation des obligations lui incombant au titre de l’article 11 bis du statut, omis d’informer ses homologues siégeant dans le jury chargé du concours auquel participait le requérant du lien de parenté en cause ne saurait exonérer le requérant, en sa qualité de candidat à des fonctions dont le recrutement appelle, conformément à l’article 27 du statut, la démonstration des plus hautes qualités d’intégrité, de sa responsabilité pour ne pas avoir lui-même jugé utile d’informer l’EPSO et/ou le jury de son lien de parenté avec un membre du jury, une telle démarche étant le minimum de ce qui peut être attendu d’un candidat aspirant à être recruté en qualité de fonctionnaire de l’Union européenne, d’autant plus dans un contexte où l’EPSO avait rappelé, à plusieurs reprises, à l’attention des candidats l’interdiction d’entrer en contact avec l’un des membres du jury.

37

En ce qui concerne la prétendue erreur du jury dans son appréciation de l’existence d’un conflit d’intérêts, le requérant méconnaît que, dans l’ordonnance du 25 février 2014, García Dominguez/Commission (F‑155/12, EU:F:2014:24), à laquelle il fait référence, il s’agissait de l’existence de relations professionnelles, tandis que, dans le cas d’espèce, il s’agit d’un lien de parenté. Ainsi, le requérant reste en défaut de démontrer pourquoi le jury aurait eu tort de considérer que, en raison de son lien de parenté avec un membre du jury, il se trouvait dans une position privilégiée par rapport aux autres candidats du concours général EPSO/AST/126/12.

38

Quant à la prétendue absence d’intervention de la sœur du requérant dans les épreuves écrites ou orales ou lors de la préparation ou l’évaluation des examens ou titres du requérant, le Tribunal constate que, en annexe à son mémoire en défense, la Commission produit un résumé des réunions du jury du concours général EPSO/AST/126/12 mentionnant la présence de celle-ci à différentes réunions, et notamment aux réunions ayant eu lieu du 15 au 19 avril 2013, comportant sa signature, et dont il ressort qu’elle a participé à la fixation du niveau de difficulté des tests d’accès, à l’établissement du questionnaire à remplir pour la sélection sur titres et à l’élaboration des épreuves du centre d’évaluation. Il est constant que le requérant a passé avec succès ces tests et épreuves et que cela était nécessaire afin de pouvoir participer aux phases suivantes du concours.

39

À l’audience, le requérant a fait valoir, en se référant à des documents parvenus au greffe du Tribunal le 8 avril 2015, que, lors des réunions qui se sont tenues du 15 au 19 avril 2013, le jury n’a fait que contrôler les curriculum vitæ des candidats au concours général EPSO/AST/126/12.

40

Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette nouvelle offre de preuve, il suffit de constater que les courriers électroniques auxquels le requérant se réfère datent des 4 et 5 avril 2013 et qu’ils sont donc antérieurs aux réunions qui se sont tenues du 15 au 19 avril 2013. Il s’ensuit qu’ils sont dépourvus de pertinence.

41

Quant à la branche du moyen tirée d’un abus de pouvoir, celle-ci n’étant étayée par aucun argument, elle doit être rejetée.

42

Il s’ensuit que le deuxième moyen dans son ensemble doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de légalité et d’égalité de traitement

– Arguments des parties

43

Le requérant observe que le fait que, dans la décision attaquée, il est écrit que sa sœur « n’a pas exercé les fonctions d’évaluatrice » suffirait pour entraîner l’annulation de cette décision, dans la mesure où la règle qui interdit aux candidats d’établir des contacts avec les membres du jury ne viserait qu’à assurer la sérénité des travaux du jury concernant l’évaluation des prestations des candidats. Selon lui, il en découlerait que la décision attaquée, qui lui inflige une exclusion du concours général EPSO/AST/126/12 pour un motif autre que celui décrit par la norme elle-même que l’on présume violée, est illégale. Le requérant fait également valoir qu’il a été exclu au motif que sa sœur faisait partie du jury d’un autre domaine du même concours alors qu’il n’existerait aucune règle prévoyant l’exclusion d’un candidat pour un tel motif. Le requérant ajoute qu’aucune règle ne l’aurait obligé à informer l’EPSO de l’existence d’un rapport personnel, familial ou d’une autre nature, avec les membres du jury dans le domaine qu’il avait choisi et encore moins avec les membres du jury dans les autres domaines du concours.

44

La Commission conclut au rejet du troisième moyen.

– Appréciation du Tribunal

45

En ce qui concerne les fonctions exercées par la sœur du requérant en tant que membre du jury, il ressort de la décision attaquée que celle-ci n’a pas participé à l’évaluation des épreuves relatives aux compétences spécifiques du requérant dans le domaine du concours général EPSO/AST/126/12 choisi par ce dernier, à savoir celui de l’ingénierie civile et mécanique. En revanche, ainsi qu’observé au point 38 du présent arrêt, il est établi que la sœur du requérant a participé à la préparation des épreuves se déroulant au centre d’évaluation, étant donné que, vu la nature interdisciplinaire de ces épreuves, le jury en a défini le contenu lors d’une réunion conjointe regroupant l’ensemble de ses membres, toutes formations par domaines spécifiques confondues.

46

Il s’ensuit que, la sœur du requérant ayant participé, en qualité de membre du jury, à la préparation des épreuves auxquelles le requérant s’est ensuite présenté, le requérant s’est clairement retrouvé dans une situation privilégiée par rapport à tous les autres candidats du concours général EPSO/AST/126/12.

47

Dans le cas d’espèce, il importe peu de savoir si le requérant a ou non reçu et/ou utilisé des informations privilégiées lui permettant éventuellement de passer plus facilement la première étape du concours. Comme l’ont observé, à cet égard, tant le requérant que la Commission, la preuve de l’une ou l’autre hypothèse revient à imposer une « probatio diabolica ». De surcroît, comme la Commission l’a observé à juste titre, une telle exigence aurait pour conséquence d’ôter toute pertinence à l’existence d’un lien de parenté entre un candidat et un membre de jury de concours pour le bon déroulement du concours.

48

Il y a également lieu d’écarter l’argument du requérant selon lequel il n’existerait aucune règle qui l’aurait obligé à informer l’EPSO d’un lien de parenté avec un membre du jury. En effet, il est constant qu’en l’espèce le requérant a été exclu du concours uniquement du fait qu’il existait un lien de parenté entre lui et Mme Sabrina Gioria et que ce lien de parenté avait pour conséquence le risque qu’il ait pu avoir accès à des informations susceptibles de le placer dans une position privilégiée par rapport à tous les autres candidats.

49

Il y a donc lieu d’examiner si la décision attaquée est illégale du fait que le requérant a été exclu seulement en raison d’un lien de parenté avec un membre du jury qui a omis d’en informer l’EPSO.

50

À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui s’applique notamment dans le domaine des concours et au respect duquel le jury de concours doit veiller strictement lors du déroulement du concours (arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 43). Il y a également lieu de rappeler qu’un jury de concours est tenu de garantir que ses appréciations sur tous les candidats examinés soient portées dans des conditions d’égalité et d’objectivité et qu’il importe que les critères de notation soient uniformes et appliqués de manière cohérente à tous les candidats (arrêt du 13 septembre 2005, Pantoulis/Commission, T‑290/03, EU:T:2005:316, point 90).

51

En effet, chaque événement ou situation susceptible de perturber le respect des garanties fondamentales de l’égalité de traitement des candidats et de l’objectivité du choix opéré entre ceux-ci (arrêt du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, EU:T:2005:115, point 43) risque de porter atteinte à l’objectif que l’article 27 du statut assigne à toute procédure de recrutement, à savoir « assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité ».

52

À cet égard, il convient de rappeler que le jury de concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsque celui-ci est confronté à des irrégularités susceptibles de porter atteinte audit objectif (arrêts du 17 janvier 2001, Gerochristos/Commission, T‑189/99, EU:T:2001:12, point 25 ; du 20 janvier 2004, Briganti/Commission, T‑195/02, EU:T:2004:10, point 31, et du 29 septembre 2009, Aparicio e.a./Commission, F‑20/08, F‑34/08 et F‑75/08, EU:F:2009:132, point 77).

53

Le Tribunal estime que, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, le jury, habilité à établir la liste d’aptitude conformément à l’article 30 du statut, a pu considérer à bon droit que le requérant, en raison de son lien de parenté avec un membre du jury, même s’il siégeait en lien avec un domaine voisin, s’est retrouvé à l’insu du jury dans une situation privilégiée par rapport aux autres candidats au concours général EPSO/AST/126/12 et que cette situation risquait de porter atteinte à la condition essentielle de chaque concours, à savoir la garantie du traitement égal de tous les candidats.

54

Partant, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, le jury ne disposait pas d’autre moyen, après avoir découvert l’existence du lien de parenté susmentionné à un moment où avaient déjà eu lieu les épreuves de sélection, que d’exclure le requérant du concours général EPSO/AST/126/12 afin de garantir que le concours puisse continuer de se dérouler dans le strict respect des conditions d’égalité nécessaires pour satisfaire à l’objectif de l’article 27 du statut, tel que rappelé au point 2.1.4 du guide.

55

Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la motivation non véridique de la décision attaquée

– Arguments des parties

56

Par ce moyen, le requérant conteste la véracité des affirmations contenues dans la décision attaquée quant à la participation de sa sœur aux réunions conjointes du jury.

57

La Commission conclut au rejet du quatrième moyen.

– Appréciation du Tribunal

58

Au vu de ce qui a été observé au point 45 du présent arrêt, le quatrième moyen ne peut qu’être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré de l’erreur dans la composition du jury

– Arguments des parties

59

Par ce moyen, le requérant fait valoir que sa sœur ne faisait pas partie du jury dans le domaine de l’ingénierie civile et mécanique, mais qu’elle était en revanche membre du jury du même concours dans le domaine de la biologie, des sciences de la vie et de la santé.

60

La Commission conclut au rejet du cinquième moyen.

– Appréciation du Tribunal

61

Au vu de ce qui a été observé au point 45 du présent arrêt, le cinquième moyen ne peut qu’être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

– Arguments des parties

62

Selon le requérant, l’EPSO aurait, par le biais de la décision attaquée, et par la référence dans cette décision à décision initiale du jury, violé la confiance légitime qu’il avait pu avoir suite aux communications des 19 décembre 2013 et 7 janvier 2014.

63

La Commission conclut au rejet du sixième moyen.

– Appréciation du Tribunal

64

Il est de jurisprudence constante que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêt du 26 septembre 2011, Pino/Commission, F‑31/06, EU:F:2011:151, points 80 et 81).

65

En l’espèce, il y a lieu d’observer que, par le courrier électronique du 23 décembre 2013 adressé à l’EPSO, le requérant a demandé à être rassuré sur le fait que la communication du 19 décembre 2013 était toujours valable et a indiqué qu’il restait dans l’attente d’une nouvelle communication de la part du jury. Bien que la réponse de l’EPSO, au nom du président du jury, du 7 janvier 2014 ait confirmé la communication du 19 décembre 2013, force est de constater que celle-ci indiquait expressément que le requérant recevrait rapidement d’autres informations. Il ressort du contexte que ces « autres informations » ne pouvaient concerner que les conséquences du lien de parenté entre le requérant et Mme Sabrina Gioria.

66

En tout état de cause, le requérant ne saurait prétendre que, par les communications des 19 décembre 2013 et 7 janvier 2014, il a reçu l’assurance de la part du jury que son nom avait été ou serait inscrit sur la liste de réserve. En effet, lesdites communications font seulement apparaître que le jury n’avait pas encore adopté de décision à cet égard.

67

Il s’ensuit que les communications des 19 décembre 2013 et 7 janvier 2014 n’étaient pas susceptibles de faire naître dans le chef du requérant la confiance légitime que son lien de parenté avec Mme Sabrina Gioria constaté par le jury n’était pas susceptible d’avoir des conséquences sur l’inscription de son nom sur la liste de réserve.

68

Enfin, tout en admettant que les communications des 19 décembre 2013 et 7 janvier 2014 ne peuvent qu’être qualifiées de manifestations de mauvaise administration de la part de l’EPSO, celles-ci ne sont pas de nature à mettre en cause la légalité de la décision attaquée, étant donné que, ainsi qu’observé au point 46 du présent arrêt, en raison de la fonction que la sœur du requérant a occupée dans le jury, celui-ci ne disposait pas d’autre moyen que d’exclure le requérant du concours général EPSO/AST/126/12 afin de garantir qu’il se déroule dans un strict respect des conditions d’égalité nécessaires pour satisfaire à l’objectif de l’article 27 du statut et au point 2.1.4 du guide.

69

Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté.

70

Tous les moyens étant écartés, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

71

Le requérant soutient avoir subi un préjudice moral du fait d’une exclusion injuste du concours général EPSO/AST/126/12, pour des motifs qui ne sont prévus par aucune réglementation, et dont il évalue la réparation ex æquo et bono à la somme de 3000 euros. Selon lui, la simple annulation de la décision attaquée ne pourrait pas réparer le préjudice effectivement subi, dès lors que son honnêteté, sa dignité et, par conséquent, ses qualités morales auraient été mises en doute.

72

À l’audience, la Commission a contesté la recevabilité de la demande indemnitaire formulée par le requérant dans sa requête en raison du non-respect de la procédure précontentieuse. Pour le surplus, la Commission conclut au rejet des conclusions en indemnité comme dénuées de tout fondement.

Appréciation du Tribunal

73

Conformément à une jurisprudence constante en matière de fonction publique, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière, soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (arrêts du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43 ; du 4 mai 2010, Fries Guggenheim/Cedefop, F‑47/09, EU:F:2010:36, point 119, et du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, EU:F:2010:74, point 94).

74

Par ailleurs, si un recours indemnitaire est recevable en l’absence même de demande préalablement adressée en ce sens à l’administration, lorsqu’il existe un lien direct entre ledit recours et le recours en annulation, il en va autrement lorsque le préjudice allégué résulte de fautes ou omissions commises par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, EU:C:1989:259, point 22). Dans ce dernier cas, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas de l’acte dont l’annulation est demandée, mais de fautes et omissions prétendument commises, la procédure précontentieuse doit impérativement débuter par une demande invitant l’administration à réparer ce préjudice (arrêts du 11 mai 2005, de Stefano/Commission, T‑25/03, EU:T:2005:168, point 78, et du 24 avril 2013, Demeneix/Commission, F‑96/12, EU:F:2013:52, point 87).

75

En outre, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose que le requérant démontre l’existence d’une illégalité ou d’une faute, d’un préjudice certain et évaluable et d’un lien de causalité entre l’illégalité ou la faute et le préjudice allégué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52). Ces conditions devant être cumulativement remplies, le fait que l’une d’entre elles fasse défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14, et du 24 avril 2013, Demeneix/Commission, F‑96/12, EU:F:2013:52, point 88).

76

En l’espèce, le requérant sollicite la réparation du préjudice qu’il aurait subi suite à une exclusion injuste du concours pour des motifs qui ne seraient prévus par aucune réglementation, autrement dit suite à un comportement illégal du jury, et qui ne trouverait pas son origine directe dans la décision attaquée. De telles conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu’aucune demande n’a été adressée, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, préalablement au recours contentieux en réparation d’un tel préjudice.

77

Pour le surplus, il y a lieu de constater que le préjudice moral dont le requérant se prévaut trouve bien son origine dans l’adoption de la décision attaquée, prise afin de garantir que le concours se déroule dans le strict respect des conditions d’égalité nécessaires pour satisfaire à l’objectif de l’article 27 du statut. Or, dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées, sans qu’aucune illégalité n’ait été constatée, il convient, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions en indemnité du requérant.

78

Compte tenu de ce qui précède, les conclusions en indemnité en réparation du préjudice moral qu’aurait subi le requérant ne peuvent qu’être rejetées.

79

Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

80

Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Par ailleurs, selon le paragraphe 2 du même article, une partie, même gagnante, peut être condamnée à supporter ses propres dépens et à prendre en charge partiellement, voire totalement, les dépens exposés par l’autre partie, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance.

81

Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens.

82

Toutefois, il découle du présent arrêt que les communications contradictoires des 19 décembre 2013 et 7 janvier 2014 témoignent d’une mauvaise administration de la part de l’EPSO et ont pu susciter chez le requérant un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée qui a raisonnablement pu l’inciter à introduire le présent recours.

83

En conséquence, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard des dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, en décidant que la Commission supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter la moitié des dépens exposés par le requérant.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

M. Gioria supporte la moitié de ses propres dépens.

 

3)

La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter la moitié des dépens exposés par M. Gioria.

 

Barents

Perillo

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2015.

Le greffier

W. Hakenberg

Le président

R. Barents


( * )   Langue de procédure : l’italien.

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