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Document 62019TO0467(05)

Ordonnance du Tribunal (dixième chambre élargie) du 30 avril 2025.
BNP Paribas et BNP Paribas Arbitrage contre Conseil de résolution unique.
Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2019 – Retrait de l’acte initialement attaqué – Non-lieu à statuer partiel – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Exception d’illégalité – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Affaire T-467/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:450

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

30 avril 2025 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2019 – Retrait de l’acte initialement attaqué – Non-lieu à statuer partiel – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Exception d’illégalité – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑467/19,

BNP Paribas, établie à Paris (France), agissant en son nom propre et venant aux droits de BNP Paribas Securities Services,

BNP Paribas Arbitrage, établie à Paris (France),

représentées par Mes A. Gosset-Grainville et M. Trabucchi, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme C. De Falco et M. C. Flynn, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, G. Barthet et V. Del Pozo Espinosa de los Monteros, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par Mme C. Ionescu Dima, MM. L. Visaggio et J. Etienne, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Chavrier, J. Bauerschmidt, Mmes E. d’Ursel et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg, G. Hesse, D. Petrlík (rapporteur) et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 11 juin 2024 et les réponses de la Commission, du Conseil, du Parlement, du CRU et des requérantes, déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 18, le 25, le 26, le 27 et le 28 juin 2024,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, BNP Paribas, agissant en son nom propre et venant aux droits de BNP Paribas Securities Services, et BNP Paribas Arbitrage, demandent l’annulation de la décision SRB/ES/SRF/2019/10 du Conseil de résolution unique (CRU), du 16 avril 2019, sur le calcul des contributions ex ante 2019 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision initiale »), en ce qu’elle les concerne, et de la décision SRB/ES/2022/47 du CRU, du 8 août 2022, retirant la décision SRB/ES/SRF/2019/10 du CRU, du 16 avril 2019, relative aux contributions ex ante 2019 au Fonds de résolution unique, dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à l’annexe I de la présente décision et calculant les contributions ex ante 2019 de ces établissements au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle les concerne.

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours

2        Les requérantes sont des établissements de crédit établis en France.

3        Par la décision initiale, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2019 (ci-après la « période de contribution 2019 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont les requérantes.

4        Par avis de perception du 26 avril 2019, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, France), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint aux requérantes d’acquitter le montant de leurs contributions ex ante pour la période de contribution 2019, telles qu’elles avaient été fixées par le CRU.

5        Le 8 août 2022, le CRU a adopté la décision attaquée, par laquelle il a retiré et remplacé la décision initiale. Selon les considérants 15 à 18 de la décision attaquée, celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision initiale que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), et des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162).

6        Par courrier électronique du 19 août 2022, l’ACPR a informé les requérantes de l’adoption de la décision attaquée par le CRU.

II.    Décision attaquée

7        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné, en ce qui concerne les requérantes, de quatre annexes.

8        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2019, qui est applicable à tous les établissements.

9        Plus particulièrement, dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2019 (ci-après le « niveau cible annuel »).

10      Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,15 % du montant des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2018, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts (SGD) conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

11      Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2019. À cet égard, il a précisé, au considérant 86 de ladite décision, que, pour cette période, 26,67 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 73,33 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

12      Ensuite, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que les requérantes, en suivant les phases principales suivantes.

13      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

14      Dans la seconde phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2019 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

15      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

16      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

17      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement mentionné à cette annexe, dont les requérantes, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements. Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été affecté. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements soumis au versement des contributions ex ante et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

18      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

19      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des propositions faites au cours du processus de consultation sur les contributions ex ante de 2019 au Fonds de résolution unique », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre le 22 juin et le 5 juillet 2022 (ci-après la « procédure de consultation ») en vue de l’adoption de la décision attaquée.

20      Les annexes IVa à IVd de la décision attaquée contiennent des avis individuels sur l’évaluation des observations formulées au cours de la procédure de consultation sur les contributions ex ante pour la période de contribution 2019.

III. Conclusions des parties

21      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision initiale dans la mesure où elle les concerne ;

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle les concerne ;

condamner le CRU aux dépens.

22      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner les requérantes aux dépens ;

à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où celui-ci accueillerait les moyens tirés d’une violation de l’obligation de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une erreur de droit en ce qui concerne la limitation du recours aux engagements de paiement irrévocables (ci-après les « EPI »), annuler uniquement la section 11 de la décision attaquée portant sur les EPI ;

à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement.

23      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 ;

condamner les requérantes aux dépens.

24      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

25      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner les requérantes aux dépens.

IV.    En droit

26      Dans la requête, les requérantes ont invoqué quatre moyens.

27      Dans le mémoire en adaptation de la requête, déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2022 au titre de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, les requérantes indiquent qu’elles maintiennent l’intégralité de leur argumentation exposée dans la requête, tout en précisant qu’elles adaptent certains moyens et en soulèvent de nouveaux.

28      Ainsi, les requérantes invoquent au total huit moyens, tirés, le premier, d’une atteinte au principe d’égalité de traitement, le deuxième, d’une atteinte au principe de proportionnalité, le troisième, d’une atteinte au principe de sécurité juridique, le quatrième, d’une atteinte au principe de bonne administration, le cinquième, d’une erreur de droit, le sixième, d’une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le recours aux EPI, le septième, d’erreurs manifestes d’appréciation du CRU en ce qui concerne la limitation du recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante et la limitation des garanties aux seules espèces et, le huitième, d’une erreur de droit en ce qui concerne la limitation du recours aux EPI.

29      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure. Par ailleurs, aux termes de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

30      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 et de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, de statuer par voie d’ordonnance motivée et sans poursuivre la procédure.

31      En effet, d’une part, les premier à cinquième moyens et les septième et huitième moyens doivent être rejetés conformément à ce que le Tribunal a jugé dans les arrêts du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845), du 24 janvier 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑347/21, EU:T:2024:31), du 21 février 2024, NRW. Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111), du 17 juillet 2024, UniCredit Bank/CRU (T‑402/21, EU:T:2024:484), et du 9 avril 2025, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑336/20, EU:T:2025:383). D’autre part, tant les nouveaux arguments soulevés à l’appui de ces moyens que les cinquième et sixième moyens sont manifestement non fondés.

A.      Sur le premier chef de conclusions

32      Par leur premier chef de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal d’annuler la décision initiale.

33      Le CRU fait valoir que ce chef de conclusions est irrecevable, car il vise l’annulation d’une décision qui a été retirée et remplacée par la décision attaquée.

34      À cet égard, il convient de rappeler que l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 mars 2011, Access Info Europe/Conseil, T‑233/09, EU:T:2011:105, point 33).

35      Si, dans le cadre d’un recours en annulation, l’objet du recours disparaît au cours de la procédure, le Tribunal ne peut pas se prononcer sur le fond, dès lors qu’une telle décision de sa part ne saurait procurer aucun bénéfice à la partie requérante. La disparition de l’objet du litige peut notamment provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance (voir ordonnance du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, points 14 et 15 et jurisprudence citée) qui produit des effets équivalents à ceux d’un arrêt en annulation (ordonnance du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 20 ; voir, également, ordonnance du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 23 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, il y a lieu de relever que, par la décision attaquée, le CRU a procédé au retrait de la décision initiale, étant entendu que ce retrait emporte des effets équivalents à ceux d’un arrêt annulant cette dernière décision. Il en ressort que l’objet du premier chef de conclusions des requérantes, qui vise la décision initiale, a disparu au cours de l’instance, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

B.      Sur les fins de non-recevoir soulevées à l’encontre des premier, deuxième et troisième moyens

37      Par les trois premiers moyens, les requérantes soulèvent des exceptions d’illégalité de plusieurs dispositions du règlement no 806/2014, du règlement délégué 2015/63 et du règlement d’exécution 2015/81.

38      Le Parlement, le Conseil et la Commission considèrent que ces exceptions d’illégalité doivent être rejetées comme irrecevables en raison, premièrement, de leur manque de clarté, deuxièmement, du défaut d’un lien de connexité entre la décision attaquée et les dispositions dont la légalité est contestée et, troisièmement, de l’absence d’intérêt à obtenir une déclaration d’illégalité desdites dispositions.

39      Les requérantes soutiennent que lesdites exceptions d’illégalité sont recevables.

40      Bien que les exceptions d’irrecevabilité mentionnées au point 38 ci-dessus aient été soulevées uniquement par le Parlement, le Conseil et la Commission, en tant que parties intervenantes, et non par le CRU en tant que partie défenderesse, il n’est pas nécessaire d’examiner si ces parties disposent de la qualité pour soulever de telles exceptions d’irrecevabilité.

41      De même, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de ces exceptions.

42      En effet, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque cas d’espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter un moyen quant au fond, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52 ; voir, également, arrêt du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 85 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il y a lieu, dans un souci d’économie de la procédure, d’examiner les exceptions d’illégalité soulevées à l’appui des premier, deuxième et troisième moyens sans statuer préalablement sur leur recevabilité. En effet, l’argumentation des requérantes est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée dans son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845), de sorte que le Tribunal s’estime suffisamment éclairé pour la rejeter directement sur le fond.

C.      Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, du règlement délégué 2015/63 et du règlement d’exécution 2015/81

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

44      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014, les articles 6, 7, 10 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 ainsi que l’article 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81 violent le principe d’égalité de traitement. L’argumentation venant au soutien de ce moyen s’articule autour de trois branches, tirées, la première, du caractère injustifié des critères de calcul de la contribution annuelle de base, la deuxième, du caractère inapproprié des critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque et, la troisième, d’une inégalité de traitement des établissements selon leur taille.

45      S’agissant du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

46      Les requérantes ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à elles qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elles estiment qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elles estiment qu’elles ont été traitées de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].

47      Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

48      En ce qui concerne l’objet et le but du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que, tout comme la directive 2014/59, ces actes relèvent du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

49      En vue d’assurer un financement des activités du MRU, la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 ont instauré les contributions ex ante dont la nature spécifique consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de cette directive et du considérant 41 de ce règlement, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

50      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité des dispositions dont les requérantes excipent de l’illégalité.

51      Parmi ces dispositions figure tout d’abord l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014, qui prévoit la définition du niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

52      Par ailleurs, les requérantes contestent la légalité des articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63, qui précisent les critères de l’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements, tels qu’ils sont fixés par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. Plus concrètement, l’article 6 de ce règlement délégué énumère les piliers de risque et indicateurs de risque que le CRU doit prendre en compte pour évaluer le profil de risque des établissements, tandis que l’article 7 dudit règlement délégué précise la pondération relative de chaque pilier de risque et indicateur de risque qui doit être appliquée par le CRU lorsqu’il évalue le profil de risque de chaque établissement.

53      En outre, les requérantes excipent de l’illégalité de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, laquelle détaille les différentes étapes de la méthode de calcul utilisée par le CRU en vue de déterminer le montant des contributions ex ante et énonce les formules mathématiques devant être appliquées par le CRU.

54      Enfin, les requérantes contestent la légalité de l’article 10 du règlement délégué 2015/63 et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81, qui prévoient des régimes particuliers de calcul des contributions ex ante pour les établissements au regard du montant du total de leur passif et du total de leur actif.

a)      Sur la première branche, tirée du caractère injustifié des critères de calcul de la contribution annuelle de base

55      La première branche du premier moyen s’articule, en substance, autour de deux griefs tirés, le premier, du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base et, le second, de l’absence de prise en compte des engagements éligibles lors du calcul de cette contribution.

56      Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

1)      Sur le premier grief de la première branche, tiré du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base

57      Les requérantes soutiennent que leur structure financière, ainsi que celle des autres grands établissements français, se traduit par un volume de dépôts couverts réduit par rapport à la taille de leur bilan, en raison, notamment, de l’importance des placements alternatifs. Or, le faible montant de leurs dépôts couverts ne leur permettrait pas de réduire leur contribution annuelle de base et augmenterait donc de manière « artificielle » le poids relatif de cette contribution dans le calcul de la totalité de leur contribution ex ante. Ceci aurait eu pour conséquence que le secteur bancaire français représenterait en 2023 un pourcentage élevé de la contribution annuelle de base de la zone euro qui ne tiendrait pas suffisamment compte des particularités structurelles dudit secteur.

58      L’argument des requérantes doit ainsi être compris en ce sens qu’elles soutiennent, en substance, qu’elles sont désavantagées au regard des établissements disposant d’un montant élevé de dépôts couverts, qui sont, notamment, établis dans les autres États membres, en raison de la possibilité pour ces derniers de bénéficier d’une réduction plus importante des passifs qui sont utilisés aux fins du calcul de la contribution ex ante, de sorte qu’elles devraient, en réalité, être traitées de manière différente au regard de ces autres établissements.

59      Il y a lieu de relever que cette argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 55 à 64 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

60      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base, prévue à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, s’applique de la même manière à tous les établissements relevant de son champ d’application, y compris, donc, aux établissements français, dont les requérantes, et aux établissements des autres États membres, indépendamment du montant de leurs dépôts couverts.

61      S’agissant, ensuite, de la question de savoir si les établissements français, dont les requérantes, se trouvent dans une situation comparable à celle des établissements des autres États membres, aux fins de l’application de ladite exclusion, il convient de rappeler que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 visent, notamment, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, comme cela est indiqué au point 49 ci-dessus. En contrepartie de leurs obligations de verser des contributions ex ante, tous les établissements bénéficient de ces contributions au travers de la stabilité du système financier assuré par le FRU. Ce bénéfice existe indépendamment du montant des dépôts couverts dont les établissements disposent et de la mesure dans laquelle ils peuvent exclure ce montant de la base de calcul de leur contribution annuelle de base.

62      Dans ces conditions, le seul fait que les établissements disposent de montants différents de dépôts couverts n’a pas pour conséquence de les placer dans des situations différentes à la lumière de l’objet et du but de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014.

63      Enfin, la circonstance selon laquelle l’application de ces critères conduit à des montants de contributions ex ante différents pour les requérantes et pour les autres établissements est le résultat du simple fait qu’ils disposent de montants différents de dépôts couverts.

64      Or, à supposer même que les établissements français, dont les requérantes, disposent d’un montant de dépôts couverts moins élevé que celui des établissements des autres États membres, cette circonstance ne suffit pas à établir une violation du principe d’égalité de traitement.

65      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’adoption, par le législateur de l’Union, d’une réglementation dans un domaine d’action particulier peut avoir des répercussions différentes pour certains opérateurs économiques au regard de leur situation individuelle ou des règles nationales auxquelles ils sont par ailleurs soumis, une telle conséquence ne pouvant être considérée comme une atteinte au principe d’égalité de traitement si ladite réglementation est fondée sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 34 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, d’une part, il convient de constater que l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base est fondée sur des critères objectifs. À cet égard, il découle de l’article 3, paragraphe 1, point 11, du règlement no 806/2014, qui renvoie à l’article 2, paragraphe 1, point 5, de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149), que la notion de « dépôts couverts », au sens du règlement no 806/2014, correspond, aux fins de l’exclusion de ces dépôts de la base de calcul de la contribution annuelle de base, à la notion de « dépôts garantis » dans le cadre du SGD. Or, cette dernière notion est définie sur la base des critères prévus à l’article 2, points 3 et 4, et à l’article 6 de la directive 2014/49, qui ont un caractère objectif.

67      D’autre part, force est de relever que cette exclusion est fondée sur des critères adaptés aux buts poursuivis par l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014. En effet, ainsi que l’a expliqué le CRU, ladite exclusion a, notamment, pour but d’éviter un effet de double comptage des dépôts couverts. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les établissements sont tenus, en raison desdits dépôts, de verser des contributions aux SGD dont ils relèvent, en application de la directive 2014/49. Or, si, comme le revendiquent les requérantes, les dépôts couverts n’étaient pas exclus de la base de calcul des contributions ex ante, les établissements seraient tenus de payer, en raison de ces mêmes dépôts couverts, les contributions ex ante parallèlement aux contributions permettant le financement des SGD.

68      Dans ces conditions, le choix opéré par le législateur de l’Union, à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, d’exclure les dépôts couverts du total du passif des établissements dont il doit être tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base peut être considéré comme étant fondé sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par cette disposition.

69      Par conséquent, il convient d’écarter le premier grief de la première branche du premier moyen, comme étant manifestement non fondé.

2)      Sur le second grief de la première branche, tiré de l’absence de prise en compte des engagements éligibles lors du calcul de la contribution annuelle de base

70      Les requérantes soutiennent que l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014 viole le principe d’égalité de traitement au motif que, contrairement à ce qui concerne les fonds propres, ces dispositions ne prévoient pas une prise en compte, lors du calcul de la contribution annuelle de base, des « passifs éligibles », étant précisé qu’elles entendent par cette notion les engagements éligibles, au sens de ce règlement, qui sont émis pour respecter l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (ci-après les « engagements éligibles » et l’« EMEE »).

71      L’absence de prise en compte des engagements éligibles, aux fins du calcul de la contribution annuelle de base, traduirait une méconnaissance des particularités structurelles des systèmes bancaires nationaux et équivaudrait, en substance, à une rupture d’égalité entre les requérantes et d’autres établissements, puisque celles-ci disposeraient de montants élevés d’engagements éligibles qui ne sont pas pris en compte aux fins dudit calcul.

72      Ainsi, pour respecter le principe d’égalité de traitement, la réglementation applicable aurait dû prévoir, notamment, une déduction des engagements éligibles du passif dont il est tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base. En effet, les engagements éligibles constitueraient des « quasi-fonds propres » qui seraient mis en place pour répondre aux exigences prudentielles au titre de l’EMEE et qui serviraient à absorber des pertes ainsi qu’à mettre en place l’instrument de renflouement interne.

73      Il y a lieu de relever que cette argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 81 à 90 et 114 à 125 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

74      Tout d’abord, il convient de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, point 40, du règlement no 806/2014, les fonds propres correspondent aux moyens mis à la disposition d’un établissement par ses actionnaires, ou d’autres investisseurs, ainsi qu’aux bénéfices qu’il a réalisés et qui n’ont pas été distribués.

75      Ensuite, selon l’article 3, point 49, du règlement no 806/2014, les « engagements éligibles » sont les engagements ou éléments de passif et les instruments de capital qui ne sont pas des instruments de fonds propres relevant de certaines catégories et qui ne sont pas exclus du champ d’application de l’instrument de renflouement interne.

76      En outre, l’article 12, paragraphe 16, premier alinéa, sous a) à f), du règlement no 806/2014 prévoit qu’un engagement éligible émis pour respecter l’EMEE au sens du paragraphe 1 de cette même disposition doit être un instrument émis et entièrement libéré, qu’il ne doit pas s’agir d’un engagement envers l’établissement lui-même ou garanti par celui-ci, que l’achat de l’instrument ne doit avoir été financé ni directement ni indirectement par l’établissement, que l’engagement doit avoir une échéance résiduelle d’au moins un an, que l’engagement ne doit résulter ni d’un produit dérivé ni d’un dépôt bénéficiant d’une préférence dans la hiérarchie nationale en matière d’insolvabilité.

77      Enfin, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 73 et de l’article 27 du règlement no 806/2014, l’instrument de renflouement interne limite les coûts de résolution d’une entité défaillante supportés par le contribuable en garantissant que les actionnaires et créanciers de l’entité défaillante subissent des pertes appropriées et assument une part appropriée des coûts dus à la défaillance de l’entité. De même, il ressort du considérant 83 du règlement no 806/2014 que, afin de garantir que l’instrument de renflouement interne est efficace, l’article 12 de ce règlement prévoit que les établissements doivent détenir des montants suffisants de fonds propres et d’engagements éligibles pour absorber des pertes et recapitaliser les établissements défaillants.

78      Cela étant, les requérantes ne contestent pas que le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 les traitent de la même manière que les autres établissements concernés s’agissant de la prise en considération des exigences en matière d’EMEE et de mise en œuvre de l’instrument de renflouement interne.

79      Si, dans ces conditions, l’argumentation des requérantes devait être comprise en ce sens que ces dernières soutiennent, en réalité, qu’elles ont été désavantagées du fait que le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 n’ont pas suffisamment pris en compte les exigences en matière d’EMEE et de mise en œuvre de l’instrument de renflouement interne aux fins du calcul du montant des contributions ex ante, il convient de relever ce qui suit.

80      Tout d’abord, les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret visant à contester l’affirmation du CRU selon laquelle les établissements possédant des passifs importants, tels qu’elles-mêmes, sont les plus à même de bénéficier des mécanismes de résolution arrêtés par le règlement no 806/2014, et ce malgré les exigences auxquelles ils sont soumis en matière d’EMEE ou d’autres exigences prudentielles. Sur ce point, le considérant 5 du règlement délégué 2015/63 souligne d’ailleurs que, plus un établissement est important, plus il est probable que, en cas de difficulté, l’autorité de résolution jugera qu’il est dans l’intérêt public de procéder à sa résolution et de recourir au FRU afin de garantir l’application effective des instruments de résolution.

81      Ensuite, l’article 6, paragraphe 2, sous a), du règlement délégué 2015/63 prévoit un indicateur de risque fondé, notamment, sur les exigences en matière d’EMEE, dans le cadre de l’évaluation du profil de risque des établissements, aux fins de calculer le montant de leur contribution ex ante. Or, les requérantes n’ont pas soutenu que le poids de cet indicateur de risque était insuffisant dans le cadre du calcul des contributions ex ante.

82      À cet égard, il convient d’ajouter que si, certes, l’article 20 du règlement délégué 2015/63 permet au CRU de ne pas tenir compte, à titre transitoire, dudit indicateur de risque lors du calcul de la contribution ex ante, les requérantes n’ont toutefois pas contesté la validité de cette disposition.

83      Enfin, il ressort des articles 22 et 27 du règlement no 806/2014 que, dans le cadre de l’adoption d’une résolution au titre de ce règlement, l’instrument de renflouement interne a vocation à s’appliquer, de la même manière, à tous les établissements avant le recours au FRU. De plus, la possibilité de recourir à l’instrument de renflouement interne n’exclut pas un éventuel recours au FRU. Dans ces conditions, les requérantes n’ont pas démontré qu’elles se trouvaient dans une situation différente de celle des autres établissements en raison de leurs EMEE et de la possibilité pour elles d’appliquer l’instrument de renflouement interne.

84      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les engagements éligibles sont des « quasi-fonds propres » et doivent ainsi, au même titre que ces derniers, être déduits de la base du calcul de la contribution annuelle de base, il convient de relever ce qui suit.

85      En vertu de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, les fonds propres sont exclus du passif dont il est tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base. En revanche, ni l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 ni l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, qui prévoient l’exclusion de certains passifs du calcul de la contribution annuelle de base, n’ont exclu les engagements éligibles dudit passif.

86      Au regard de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, il convient d’examiner si, à la lumière de l’objet et du but du règlement no 806/2014, les engagements éligibles se trouvent dans une situation comparable à celle des fonds propres, de sorte qu’ils devraient être exclus du calcul de la contribution annuelle de base.

87      Sur ce point, il convient de constater que, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et à l’article 48, paragraphe 1, de la directive 2014/59, en cas d’application de l’instrument de renflouement interne à un établissement dans le cadre d’une procédure de résolution, les autorités nationales de résolution exercent les pouvoirs de dépréciation et de conversion des créances, d’abord sur les fonds propres et, ensuite – « si, et seulement si » les fonds propres disponibles n’ont pas été en mesure d’absorber les pertes –, sur les engagements éligibles.

88      En outre, en vertu de l’article 21, paragraphes 1 et 7 bis, du règlement no 806/2014, le CRU exerce les pouvoirs de dépréciation ou de conversion des engagements éligibles, indépendamment d’une mesure de résolution, uniquement en ce qui concerne les engagements éligibles qui remplissent les conditions spécifiques et restrictives de l’article 12 octies, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, excepté la condition liée à l’échéance résiduelle des engagements mentionnée à l’article 72 quater, paragraphe 1, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1). Ces dispositions démontrent que les possibilités pour le CRU de procéder, indépendamment d’une mesure de résolution, à la dépréciation et à la conversion des engagements éligibles sont encadrées par des conditions spécifiques et limitatives, à la différence de ce qu’il en est pour les fonds propres.

89      Enfin, l’article 27, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 prévoit que, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque l’instrument de renflouement interne est appliqué, certains engagements éligibles peuvent être exclus totalement ou partiellement du champ d’application des pouvoirs de dépréciation ou de conversion. Or, une telle possibilité n’existe pas en ce qui concerne les fonds propres.

90      Dans ces conditions, il convient de conclure que, en dépit des exigences découlant de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus, les requérantes n’ont pas démontré que les engagements éligibles se trouvaient dans une situation comparable à celle des fonds propres en ce qui concernait leur capacité à absorber des pertes et à mettre en place l’instrument de renflouement interne.

91      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes par lequel elles soutiennent, en substance, que l’article 5 du règlement délégué 2015/63 aurait dû prévoir l’exclusion des engagements éligibles du calcul de la contribution annuelle de base, au motif que cette disposition a mis en place une exclusion comparable en ce qui concerne les établissements allemands faisant partie de systèmes de protection institutionnels (ci-après les « SPI »). En effet, les passifs créés par un membre d’un SPI, par le biais d’un accord conclu avec d’autres établissements qui sont membres du même SPI (ci-après les « passifs intra-SPI »), ne seraient pas pris en compte lors du calcul de la contribution annuelle de base de ces établissements.

92      Sur ce point, il suffit de relever que l’article 5 du règlement délégué 2015/63 ne prévoit pas non plus l’exclusion des fonds propres du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base, cette exclusion étant prévue à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014.

93      En outre, il ressort de la jurisprudence que la prise en compte du principe d’égalité de traitement ne saurait justifier la déduction des engagements éligibles du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).

94      Il découle de ce qui précède que le fait de ne pas avoir prévu à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 la déduction des engagements éligibles du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement.

95      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le second grief de la première branche du premier moyen comme étant manifestement non fondé et, partant, cette branche dans son ensemble.

b)      Sur la deuxième branche, tirée du caractère inapproprié des critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque

96      La deuxième branche du premier moyen s’articule, en substance, autour de trois griefs, tirés, le premier, de l’absence de prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement, le deuxième, de l’incohérence liée à l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU) et, le troisième, du poids réduit du multiplicateur d’ajustement lors du calcul des contributions ex ante.

97      Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

1)      Sur le premier grief de la deuxième branche, tiré de l’absence de prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement

98      Les requérantes soutiennent que les critères fixés aux « articles 6 et suivants » du règlement délégué 2015/63 reposent sur la prise en compte de facteurs de risque appréhendés individuellement, et non sur la prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement.

99      Il y a lieu de relever que cette argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 130 à 134 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

100    Tout d’abord, il convient de relever que, en méconnaissance de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus, les requérantes n’ont pas identifié avec précision les situations comparables qui, selon elles, ont été traitées de manière différente en ce qui concerne la détermination des critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque par le législateur de l’Union.

101    Ensuite, il est constant que les critères de calcul du multiplicateur d’ajustement, qui conduisent à l’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du critère de risque, s’appliquent de la même manière à tous les établissements concernés, tels que les requérantes, hormis ceux qui sont éligibles au versement d’une contribution forfaitaire en vertu de l’article 10 du règlement délégué 2015/63 et ceux qui sont mentionnés à l’article 11 de ce règlement délégué.

102    Tel est, notamment, le cas s’agissant de l’indicateur de risque « éventuelle appartenance à un [SPI] », dont les requérantes contestent l’introduction dans le règlement délégué 2015/63, au motif que cet indicateur de risque constituerait « un des facteurs de risque favorables », alors même que les effets favorables attachés à l’appartenance à des SPI n’auraient jamais été démontrés. À cet égard, il suffit de relever que ledit indicateur de risque s’applique de la même manière à tous les établissements, de sorte que les requérantes sont traitées de la même manière que les autres établissements.

103    Il en va de même des indicateurs de risque « ratio de fonds propres de base de catégorie 1 », prévu à l’article 6, paragraphe 2, sous c), du règlement délégué 2015/63 et « ratio de couverture des besoins de liquidité », prévu à l’article 6, paragraphe 3, sous b), de ce règlement délégué. En effet, bien que les requérantes soutiennent que ces indicateurs de risque, tels que prévus par ledit règlement délégué, sont calculés sur une base individuelle « sans aucune vision holistique des risques et des modèles d’affaires des institutions », elles n’expliquent pas avec suffisamment de clarté en quoi, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 45 à 47 ci-dessus, une telle circonstance entraînerait une violation du principe d’égalité de traitement. En outre, elles n’ont soumis au Tribunal aucun élément qui viserait à démontrer, au regard de cette jurisprudence, que lesdits indicateurs de risque leur seraient appliqués de manière différente par rapport aux autres établissements.

104    Dans ces conditions, rien n’indique que les requérantes sont traitées de manière différente des autres établissements en ce qui concerne les critères de calcul du multiplicateur d’ajustement, bien qu’elles se trouvent dans une situation comparable.

105    En outre, les requérantes n’ont pas soutenu, et encore moins démontré, que la violation du principe d’égalité de traitement découlerait du fait qu’elles ne devraient pas être traitées de la même manière que les autres établissements s’agissant de l’application des critères de calcul du multiplicateur d’ajustement susmentionnés.

106    Par ailleurs, à supposer même que la critique des requérantes doive être comprise en ce sens que ces dernières font valoir qu’elles ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des autres établissements et qu’elles doivent être traitées de manière différente – s’agissant, notamment, des indicateurs de risque « éventuelle appartenance à un [SPI] », « ratio de fonds propres de base de catégorie 1 » et « ratio de couverture des besoins de liquidité » –, il convient de relever que les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret qui démontrerait qu’elles se trouvent dans une telle situation.

107    De plus, il convient de rejeter les critiques des requérantes à l’encontre de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne ».

108    À cet égard, les requérantes soutiennent que la prise en compte de cet indicateur de risque aux fins du calcul du multiplicateur d’ajustement traduit également une atteinte au principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle conduit à la prise en considération des opérations de centralisation de l’épargne réglementée auprès du « Fonds d’Épargne ».

109    Or, les requérantes n’expliquent pas avec suffisamment de clarté en quoi, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 45 à 47 ci-dessus, la prise en compte des opérations mentionnées au point 108 ci-dessus entraînerait une violation du principe d’égalité de traitement.

110    À supposer même que l’argumentation des requérantes devrait être comprise en ce sens qu’elles soutiennent, en substance, que la prise en compte des opérations mentionnées au point 108 ci-dessus, au titre de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », conduit à une augmentation de leur profil de risque en raison des particularités du droit français, cette circonstance ne traduit pas une violation du principe d’égalité de traitement.

111    En effet, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 65 ci-dessus que l’adoption d’une réglementation de l’Union dans un domaine d’action particulier peut avoir des répercussions différentes pour certains opérateurs économiques au regard de leur situation individuelle ou des règles nationales auxquelles ils sont par ailleurs soumis, une telle conséquence ne pouvant être considérée comme une atteinte au principe d’égalité de traitement si ladite réglementation est fondée sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par celle-ci.

112    Or, d’une part, le calcul de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », tel qu’il est prévu à l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, se fonde sur des critères objectifs posés par l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », septième ligne, de ce règlement délégué, à savoir la somme des prêts et des dépôts interbancaires rapportée au total des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne. D’autre part, il n’est pas contesté que ces critères sont adaptés au but poursuivi par la mise en place de cet indicateur de risque, qui consiste, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 1, sous c) et paragraphe 4, dudit règlement délégué, à refléter l’importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie.

113    De surcroît, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes selon lequel elles auraient subi une inégalité de traitement en raison de l’absence de prise en compte, lors du calcul du multiplicateur d’ajustement, des « coussins de sécurité constitués de stocks d’actifs éligibles ». À cet égard, les requérantes n’expliquent pas, une fois encore et eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 45 à 47 ci-dessus, quelles sont les situations comparables qui auraient été traitées différemment ou les situations différentes qui auraient reçu un traitement égal.

114    Enfin, et en tout état de cause, l’argumentation des requérantes repose sur une prémisse erronée, car elles soutiennent à tort que les critères fixés par le règlement délégué 2015/63 ne tiennent pas compte du profil de risque global intrinsèque des établissements. En effet, plusieurs des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, notamment celui relatif à l’importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie, permettent une telle analyse globale.

115    Dès lors, il y a lieu d’écarter le présent grief comme étant manifestement non fondé.

2)      Sur le deuxième grief de la deuxième branche, tiré de l’incohérence liée à l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU

116    Les requérantes soutiennent que l’évaluation des risques encourus par les établissements dans le cadre du MSU constitue la seule évaluation crédible et cohérente du profil de risque des établissements. En outre, eu égard à la continuité et à la relation forte entre le MSU et le MRU, il est incohérent d’évaluer le risque présenté par un établissement dans le cadre du MRU sans prendre en considération les critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU, lesquels permettent de s’assurer que les établissements ayant la plus forte probabilité de recourir au FRU sont ceux qui contribuent le plus à son financement. L’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU conduirait ainsi à pénaliser les établissements pour qui le recours au FRU est le moins probable, compte tenu, notamment, de leur solidité reconnue dans le cadre du MSU.

117    Il y a lieu de relever que cette argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 99 à 110 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

118    À cet égard, il convient tout d’abord de constater que, en dépit des exigences découlant de la jurisprudence citée aux points 45 et 46 ci-dessus, les requérantes n’expliquent pas avec une clarté suffisante en quoi la prétendue crédibilité de l’évaluation du risque dans le cadre du MSU ou la prétendue exigence de cohérence avec les critères mentionnés au point 116 ci-dessus seraient pertinentes aux fins d’établir si elles ont subi une violation du principe d’égalité de traitement.

119    Si, dans ces conditions, l’argumentation des requérantes doit être comprise en ce sens que ces dernières soutiennent, en réalité, qu’elles sont traitées de la même façon que les autres établissements qui ont un profil de risque plus élevé au regard des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU, alors même que, selon ces critères, la probabilité pour elles de recourir au FRU serait moindre, il convient de relever ce qui suit.

120    Il est certes vrai, ainsi qu’il ressort des considérants 11, 13, 15 et 52 du règlement no 806/2014, qu’il existe un lien de complémentarité entre les règles établies dans le cadre du MRU et celles adoptées dans le cadre du MSU.

121    En particulier, certains des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MRU se rapprochent de ceux utilisés dans le cadre du MSU, tels qu’ils sont prévus, notamment, par le règlement no 575/2013.

122    Ainsi, plusieurs critères de la réglementation relative au MRU utilisent des notions qui correspondent à celles de la réglementation adoptée dans le cadre du MSU et sont même définies par une référence expresse à cette dernière. Tel est, notamment, le cas des notions de « fonds propres », de « ratio de levier » ou de « ratio de fonds propres de base de catégorie I », qui sont déterminantes aux fins de l’application des indicateurs de risque énumérés à l’article 6, paragraphe 2, sous a) à c), du règlement délégué 2015/63 et qui sont définies à l’article 3 de ce règlement délégué, par référence au règlement no 575/2013.

123    Cependant, en dépit de ce lien de complémentarité entre les règles établies dans le cadre du MRU et celles adoptées dans le cadre du MSU, force est de constater que, ainsi que le fait valoir le CRU sans être contredit sur ce point, les objectifs poursuivis par la réglementation relative au MRU en matière de résolution des établissements sont différents de ceux que poursuit la réglementation relative au MSU en ce qui concerne les exigences en matière de supervision.

124    Ainsi, d’une part, la réglementation de l’Union en matière de résolution des établissements a pour objectif, en ce qui concerne les contributions ex ante, de garantir, comme cela ressort du point 49 ci-dessus, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et d’encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

125    D’autre part, la réglementation de l’Union relative aux exigences prudentielles a, quant à elle, pour objectif, selon le considérant 32 du règlement no 575/2013, d’encourager les activités bancaires économiquement utiles qui servent l’intérêt général et de décourager la spéculation financière non viable, sans réelle valeur ajoutée, mais également, en vertu du considérant 42 de ce règlement, d’appliquer de meilleures méthodes de mesure et de gestion du risque et de les utiliser pour les exigences de fonds propres réglementaires.

126    Il s’ensuit, plus particulièrement, que l’évaluation du risque lors de l’application de la réglementation relative au MRU et l’évaluation du risque dans le cadre du MSU répondent à des objectifs différents. Ainsi, l’évaluation du risque dans le cadre du pilier II du MSU est effectuée afin de satisfaire aux exigences prudentielles fixées par celui-ci en vue de garantir qu’un établissement donné dispose des fonds propres suffisants pour faire face à tout risque spécifique qui ne serait pas couvert par le pilier I du MSU, lequel correspond à l’évaluation transversale du risque d’un établissement. Le résultat d’une telle évaluation tend à déterminer les exigences prudentielles auxquelles un établissement donné doit être soumis pour éviter qu’il ne se trouve dans une situation de défaillance.

127    En revanche, l’évaluation du risque dans le cadre de l’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque, prévue à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et aux articles 5 à 9 du règlement délégué 2015/63, est effectuée afin de répartir les contributions ex ante entre tous les établissements concernés. Le résultat d’une telle évaluation tend à apprécier non seulement le risque de défaillance d’un établissement donné, mais aussi, d’une manière plus large, le risque de recours au FRU par un établissement défaillant.

128    En outre, la réglementation relative au MRU répond à une logique particulière en ce sens que le profil de risque d’un établissement donné est également évalué au regard du profil de risque de l’ensemble des autres établissements concernés.

129    Compte tenu des objets et des buts spécifiques de la réglementation relative au MSU et de celle relative au MRU, ainsi que de la logique comparative de cette dernière, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait être tirée du seul fait que le cadre juridique régissant le calcul des contributions ex ante du MRU ne reprend pas, en tant que tels, les critères d’évaluation du risque prévus dans le cadre du MSU.

130    Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième grief de la deuxième branche du premier moyen comme étant manifestement non fondé.

3)      Sur le troisième grief, tiré du poids réduit du multiplicateur d’ajustement lors du calcul des contributions ex ante

131    Les requérantes soutiennent que, en raison des modalités de calcul des contributions ex ante, les établissements de grande taille présentant un profil de risque faible sont pénalisés, car ils ne bénéficient pas d’une réduction adaptée du montant de leur contribution. Une telle conséquence découlerait du fait que la taille des établissements constituerait le paramètre déterminant aux fins du calcul des contributions ex ante, alors que le multiplicateur d’ajustement, qui varie de 0,8 à 1,5, n’aurait qu’une influence limitée sur ces contributions.

132    Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du présent grief, soulevé pour la première fois dans la réplique, il convient de relever que les requérantes n’expliquent pas avec une clarté suffisante en quoi, au regard des exigences découlant de la jurisprudence citée aux points 45 à 47 ci-dessus, le principe d’égalité de traitement serait violé par le fait que la taille des établissements revêt une importance plus élevée lors du calcul des contributions ex ante que le multiplicateur d’ajustement. En particulier, l’argumentation des requérantes ne fait pas clairement apparaître si une telle violation découle d’un traitement différent de situations comparables ou d’un traitement identique de situations différentes.

133    En tout état de cause, il est constant que le principe selon lequel la taille des établissements a un poids plus important que le multiplicateur d’ajustement – dans le calcul des contributions ex ante – s’applique sans distinction entre les établissements. Sur ce point, les requérantes sont donc traitées de la même manière que les autres établissements.

134    Si, dans une telle situation, le présent grief devait être compris en ce sens que les requérantes soutiennent qu’elles devraient être traitées différemment des autres établissements en ce qui concerne la prise en compte des éléments mentionnés au point 133 ci-dessus, il convient de constater qu’elles n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret visant à démontrer qu’elles se trouvent dans une situation différente de celle de ces établissements.

135    Dans ces conditions, le présent grief doit être écarté comme étant manifestement non fondé.

c)      Sur la troisième branche, tirée d’une inégalité de traitement des établissements selon leur taille

136    Les requérantes soutiennent que le régime du calcul des contributions ex ante pour les petits et moyens établissements traduit une violation du principe d’égalité de traitement, dans la mesure où il n’est pas établi que de tels établissements sont moins susceptibles que les grands établissements, tels que les requérantes, de bénéficier du FRU.

137    Il y a lieu de relever que cette argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée au point 95 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

138    L’article 10 du règlement délégué 2015/63 et l’article 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81 prévoient des régimes particuliers en faveur des petits et des moyens établissements, dont il découle, d’une part, que les contributions ex ante des petits établissements sont constituées, en principe et sauf circonstances particulières, de montants forfaitaires et, d’autre part, que les contributions ex ante des établissements moyens, pour une partie, sont forfaitaires et, pour l’autre partie, peuvent être calculées selon les règles applicables à tous les autres établissements. Cependant, compte tenu des considérations énoncées au point 80 ci-dessus, les établissements de grande taille ayant un montant de passifs très élevé, tels que les requérantes, ne présentent pas, en ce qui concerne l’utilisation du FRU, un profil de risque équivalent à celui des petits et des moyens établissements ou plus faible que ce dernier. Par conséquent, ces deux catégories ne se trouvent pas dans une situation comparable aux fins du calcul des contributions ex ante.

139    Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être écartée comme étant manifestement non fondée ainsi que ce moyen dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

140    Les requérantes soutiennent que l’article 70, paragraphes 1 et 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014, les articles 5, 6, 7 et 10 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 et l’article 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81 établissent des modalités de calcul des contributions ex ante qui méconnaissent le principe de proportionnalité.

141    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

142    Il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes soulevée dans le cadre du présent moyen est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 150 à 181 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

143    Le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés (arrêts du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165, et du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 142 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).

144    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point 143 ci-dessus, il convient de rappeler que, lors de la détermination du mode de calcul des contributions ex ante, le législateur de l’Union bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation, puisqu’il est amené à intervenir dans un domaine impliquant, de sa part, des choix de nature politique et économique et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 117 et 118).

145    De même, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

146    Il en va, notamment, ainsi pour le règlement délégué 2015/63, par lequel la Commission a précisé les règles d’ajustement des contributions ex ante au profil de risque, en application de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

147    En effet, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], et « Commission Staff Working Document : estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

148    Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil, C‑358/14, EU:C:2016:323, points 79, 96 et 97 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2022, Firearms United Network e.a./Commission, T‑187/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:848, points 122 et 123 et jurisprudence citée), le contrôle, par le Tribunal, du respect du principe de proportionnalité doit se limiter à examiner si les mesures arrêtées par le législateur de l’Union et par la Commission sont manifestement inappropriées au regard de l’objectif poursuivi, si elles ne vont pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ou si elles n’entraînent pas d’inconvénients manifestement disproportionnés au regard dudit objectif.

149    En premier lieu, les requérantes soutiennent que tant l’assiette retenue pour le calcul de la contribution annuelle de base que les modalités de calcul de cette assiette, dont il n’est pas possible de déduire les « disponibilités couvertes par les règles prudentielles en vigueur », traduisent une violation du principe de proportionnalité.

150    Dans la mesure où l’argumentation des requérantes devait être comprise en ce sens que, par ces « disponibilités couvertes », elles visent les dépôts couverts et qu’elles soutiennent que l’article 70, paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014 viole le principe de proportionnalité, en ce qu’il prévoit une méthode de détermination de la contribution annuelle de base fondée sur la déduction des dépôts couverts du total des passifs des établissements, il convient de relever ce qui suit.

151    S’agissant du caractère approprié d’une telle méthode, il ressort, tout d’abord, du point 67 ci-dessus que la déduction des dépôts couverts vise à assurer que les établissements ne paient pas, en raison de ces mêmes dépôts, les contributions ex ante parallèlement aux contributions permettant le financement des SGD. Or, les requérantes n’ont apporté aucun élément de nature à démontrer qu’une telle méthode est manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif susmentionné.

152    Ensuite, aucun élément dont dispose le Tribunal n’est susceptible de démontrer qu’une méthode alternative de détermination de la contribution annuelle de base, lors de laquelle les dépôts couverts ne seraient pas déduits du total des passifs, aboutirait à une contribution ex ante moins élevée pour les établissements. Une telle méthode alternative irait même à l’encontre de l’objectif rappelé au point 151 ci-dessus, en ce que les établissements seraient obligés de payer, en raison desdits dépôts, les contributions ex ante parallèlement aux contributions permettant le financement des SGD.

153    Il n’est dès lors pas établi que la méthode de calcul de la contribution annuelle de base, fondée sur l’exclusion des dépôts couverts du total des passifs, va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif rappelé au point 151 ci-dessus.

154    Enfin, les requérantes n’ont invoqué aucun élément aux fins de démontrer que la méthode de détermination de la contribution annuelle de base, fondée sur la déduction des dépôts couverts, entraînerait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi, décrit au point 151 ci-dessus.

155    En deuxième lieu, il convient d’examiner l’argument des requérantes selon lequel, en substance, l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe de proportionnalité au motif que le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement dépend de la situation d’autres établissements, sans pour autant que l’objectif de répartition équilibrée, en fonction du risque, soit respecté. En particulier, en raison de cette interdépendance entre les établissements, le secteur bancaire français subirait une charge disproportionnée.

156    S’agissant, tout d’abord, du caractère approprié de la méthode de calcul des contributions ex ante, d’une part, il convient de rappeler que la Cour a déjà admis que le législateur de l’Union ait pu opter, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, pour un mode de calcul des contributions ex ante qui reposait sur la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé dans les États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

157    D’autre part, les requérantes n’ont invoqué aucun élément susceptible de remettre en cause les motifs appuyant cette constatation ou l’affirmation du CRU selon laquelle une telle méthode de calcul vise à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués en les incitant, en particulier, à améliorer leur position au regard de celle des autres établissements.

158    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient soutenir que le calcul des contributions ex ante sur la base de la prise en compte comparative de la situation financière de chaque établissement constitue une mesure manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif mentionné au point 157 ci-dessus.

159    En ce qui concerne le caractère nécessaire de la méthode mentionnée au point 157 ci-dessus, les requérantes font valoir que les contributions ex ante auraient pu être calculées par le biais d’une autre méthode, qui serait uniquement fondée sur les données propres à l’établissement concerné. Cependant, à supposer qu’une telle méthode aboutisse à une contribution ex ante moins élevée et qu’elle soit ainsi moins contraignante pour les établissements, il n’est pas établi qu’elle permettrait d’atteindre l’objectif énoncé au point 157 ci-dessus aussi efficacement que la méthode de calcul comparative mise en place par le législateur de l’Union et la Commission.

160    Au regard de la teneur des arguments des requérantes, il n’est ainsi pas établi que la méthode de calcul va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif mentionné au point 157 ci-dessus.

161    Enfin, les requérantes n’ont pas démontré que le calcul des contributions ex ante sur la base de la prise en compte comparative de la situation financière de chaque établissement entraînerait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi, décrit au point 157 ci-dessus.

162    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que l’absence en leur faveur de dérogations analogues à celles dont bénéficient les établissements allemands et permettant la réduction de leur contribution annuelle de base traduit une méconnaissance manifeste du principe de proportionnalité.

163    Le seul exemple concret d’une telle dérogation invoqué par les requérantes concerne l’exclusion des passifs intra-SPI du calcul de la contribution annuelle de base des établissements. Selon elles, une telle exclusion aurait permis à plus de 40 % des établissements allemands, qui représentent plus de 50 % des prêts aux ménages et aux entreprises, de bénéficier d’une réduction de 5 % à 9 % de leur contribution annuelle de base. En revanche, les passifs liés aux « systèmes d’entraide » autour desquels les requérantes sont structurées ne seraient pas visés par une telle exclusion et seraient ainsi pris en compte pour le calcul de la contribution annuelle de base.

164    L’exclusion des passifs intra-SPI du calcul de la contribution annuelle de base étant prévue par l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2015/63, il convient de comprendre l’argument des requérantes en ce sens que cette disposition viole le principe de proportionnalité, car une telle exclusion ne couvre pas également les passifs liés à d’autres « systèmes d’entraide » dont elles font partie.

165    Or, cet argument doit être rejeté. En effet, par analogie à la jurisprudence mentionnée au point 93 ci-dessus, la prise en compte du principe de proportionnalité ne saurait justifier la déduction des passifs autres que ceux figurant à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, dès lors que celui-ci a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause.

166    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent, en substance, que l’évaluation du profil de risque des établissements aux fins du calcul des contributions ex ante, telle que prévue par les dispositions évoquées au point 140 ci-dessous, enfreint le principe de proportionnalité, car elle est effectuée indépendamment de toute exigence imposée par l’autorité de supervision dans le cadre du MSU, de sorte qu’elle est incohérente avec la méthode d’évaluation du MSU.

167    Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, soulevé pour la première fois dans la réplique, il convient de relever ce qui suit.

168    S’agissant, premièrement, du caractère approprié des critères d’évaluation du profil de risque des établissements, tels qu’ils sont établis par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 – auquel renvoie d’ailleurs l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 – et les articles 6 et 7 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63, il ressort de leur contenu ainsi que du considérant 107 de la directive 2014/59, du considérant 109 du règlement no 806/2014 et du considérant 5 du règlement délégué 2015/63 que ces critères visent à assurer que les établissements ayant un mode de fonctionnement plus risqué sont tenus de verser des contributions ex ante plus élevées que ceux ayant adopté un mode de fonctionnement moins risqué.

169    Or, les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret qui remettrait en cause le fait que lesdits critères sont de nature à permettre d’atteindre un tel objectif. À cet égard, elles se sont bornées à formuler une affirmation non étayée selon laquelle les critères employés pour l’évaluation du risque dans le cadre du MSU seraient plus appropriés pour assurer que les établissements présentant un risque élevé contribuent le plus au FRU. Or, au regard des considérations énoncées aux points 123 à 129 ci-dessus, un tel argument ne peut être accueilli, les objectifs de la réglementation relative au MRU et ceux de celle concernant le MSU étant différents.

170    Dans ces conditions, les arguments des requérantes visant à démontrer que les dispositions mentionnées au point 168 ci-dessus, qui prévoient les critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements, sont manifestement inappropriées au regard de l’objectif rappelé audit point doivent être rejetés.

171    En ce qui concerne, deuxièmement, le caractère nécessaire de la prise en compte des critères issus des dispositions mentionnées au point 168 ci-dessus, les requérantes prétendent qu’une éventuelle prise en compte des critères utilisés dans le cadre du MSU, aux fins de calculer les contributions ex ante, pourrait entraîner moins de charges pour les établissements concernés.

172    Cependant, ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113), les critères prévus par les dispositions mentionnées au point 168 ci-dessus visent à répartir le montant du niveau cible annuel entre tous les établissements concernés. Ainsi, si des critères de substitution à ceux issus de ces dispositions, tels que les critères utilisés dans le cadre du MSU, entraînaient moins de charges pour certains établissements, ils engendreraient, en même temps, plus de charges pour d’autres établissements. Malgré cela, les requérantes n’ont pas expliqué comment l’application desdits critères de substitution créerait moins de charges pour tous les établissements concernés.

173    En outre, à supposer que de tels critères aboutissent à une contribution ex ante moins élevée pour les établissements, les requérantes ne précisent pas comment l’application de ces critères permettrait d’atteindre l’objectif énoncé au point 168 ci-dessus aussi efficacement que l’application des critères issus des dispositions mentionnées audit point, malgré le fait que, ainsi qu’il découle des points 123 à 129 ci-dessus, les objectifs poursuivis par le MSU et, plus particulièrement, par la réglementation de l’Union concernant les exigences en matière de supervision sont différents de ceux visés par la réglementation propre à la résolution des établissements.

174    Dans ces conditions, les requérantes n’ont pas établi en quoi les critères mis en place par les dispositions mentionnées au point 168 ci-dessus allaient manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif énoncé au même point.

175    Troisièmement, les requérantes n’ont pas démontré non plus que l’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements, au regard des critères institués par les dispositions mentionnées au point 168 ci-dessus, entraînait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi décrit au point susmentionné.

176    En cinquième lieu, les requérantes font valoir que le principe de proportionnalité est méconnu, puisque le montant des contributions ex ante est quasi exclusivement déterminé par la contribution annuelle de base. Selon elles, le principal paramètre des contributions ex ante reste la taille du bilan plutôt que le multiplicateur d’ajustement qui, en ce qu’il varie de 0,8 à 1,5, aurait une influence limitée. Un tel mécanisme impliquerait que les établissements de grande taille présentant un profil de risque faible seraient par principe pénalisés, puisqu’ils ne bénéficieraient pas d’une réduction adaptée du montant de leur contribution.

177    Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, invoqué pour la première fois dans la réplique, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec le considérant 5 du règlement délégué 2015/63, la contribution annuelle de base est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, cette contribution étant ainsi fondée sur la taille de l’établissement.

178    S’agissant du caractère approprié de la prise en compte de la taille des établissements aux fins du calcul de la contribution annuelle de base, il convient de relever, compte tenu des considérations énoncées au point 80 ci-dessus, que les établissements possédant des passifs importants – et présentant donc une grande taille – sont les plus susceptibles de se voir appliquer un instrument de résolution et de bénéficier ainsi des financements du FRU.

179    Or, c’est en se fondant sur le critère de l’importance des passifs des établissements – et, partant, sur leur taille – que le législateur de l’Union et la Commission ont voulu garantir les objectifs rappelés au point 49 ci-dessus, qui consistent, d’une part, à procurer au MRU des ressources financières suffisantes aux fins d’une application efficiente des instruments de résolution et, d’autre part, à inciter les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués en réduisant, notamment, leurs passifs.

180    À ce titre, les requérantes n’ont pas démontré que, en fondant le calcul de la contribution annuelle de base sur la taille des établissements, le législateur de l’Union et la Commission avaient préconisé une mesure manifestement inappropriée pour atteindre les objectifs mentionnés au point 179 ci-dessus.

181    S’agissant du caractère nécessaire du critère relatif à la taille, les requérantes soutiennent, en substance, que, si le calcul des contributions ex ante était plus fondé sur le multiplicateur d’ajustement que sur la taille des établissements, le montant de ces contributions serait moins élevé, puisqu’il refléterait le profil de risque faible des établissements.

182    Or, si l’argumentation des requérantes devait être interprétée en ce sens que ces dernières réclament l’application d’une fourchette du multiplicateur d’ajustement plus large que celle prévue à l’article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, à savoir une fourchette comprenant aussi des valeurs supérieures à 1,5 %, il n’est pas établi que le calcul des contributions ex ante sur la base d’une telle fourchette entraînerait moins de charges pour les établissements. En effet, dans une telle hypothèse, le multiplicateur d’ajustement pourrait être fixé à une valeur supérieure à 1,5 %, de sorte que le montant de ces contributions croîtrait.

183    Il ne saurait ainsi être allégué que, en fondant le calcul de la contribution ex ante plus sur la taille des établissements que sur le multiplicateur d’ajustement, la méthode de calcul desdites contributions prévue par le législateur de l’Union et précisée par la Commission va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif mentionné au point 179 ci-dessus.

184    Ainsi, les requérantes n’ont pas démontré que la prise en compte de la taille des établissements aux fins du calcul des contributions ex ante entraînait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard des objectifs poursuivis.

185    En sixième lieu, les requérantes soutiennent que les modalités de calcul du multiplicateur d’ajustement méconnaissent le principe de proportionnalité au motif qu’elles ne tiennent pas compte de la situation globale des établissements, mais consistent en un cumul de critères étudiés indépendamment les uns des autres. À cet égard, il suffit de relever que les requérantes ne fournissent aucune précision sur ce qu’elles entendent par « situation globale des établissements » et n’expliquent pas non plus comment la réglementation visée aurait dû déterminer le multiplicateur d’ajustement d’une manière globale.

186    En tout état de cause, à l’instar de ce qui a été constaté au point 114 ci-dessus, l’argumentation des requérantes repose sur une prémisse erronée, car elles soutiennent à tort que les critères fixés par le règlement délégué 2015/63 ne tiennent pas compte du profil de risque global intrinsèque des établissements. En effet, plusieurs des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, notamment celui relatif à l’importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie, permettent une telle analyse globale.

187    Dans ces conditions, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

188    Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que l’article 69, paragraphe 2, et l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014, les articles 4, paragraphe 2, 6, 7, 10 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 ainsi que les articles 4 et 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81 violent le principe de sécurité juridique.

189    L’argumentation venant au soutien du présent moyen s’articule autour de six branches, tirées, la première, de l’impossibilité pour les établissements de connaître à l’avance le montant de leurs contributions ex ante, la deuxième, de l’absence de prise en compte de certains indicateurs de risque, la troisième, des modalités inappropriées de détermination du « taux d’accroissement des dépôts couverts » servant à déterminer le niveau cible annuel, la quatrième, du caractère imprévisible des critères au regard desquels sont déterminés l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », ainsi que ceux faisant partie du pilier de risque mentionné à l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63, dénommé « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution » (ci-après le « pilier de risque IV »), la cinquième, de l’absence de communication aux établissements des informations nécessaires pour comprendre le calcul des contributions ex ante en amont de l’adoption des décisions du CRU et, la sixième, du défaut de motivation de la décision attaquée.

190    La sixième branche du présent moyen ne porte pas sur la légalité des dispositions mentionnées au point 188 ci-dessus et sera donc examinée aux points 270 à 301 ci-après.

191    S’agissant des autres branches, il y a lieu d’abord de préciser la portée de la présente exception d’illégalité.

192    À cet égard, force est de relever que, même si les requérantes soulèvent formellement une exception d’illégalité à l’encontre de toutes les dispositions mentionnées au point 188 ci-dessus, leur argumentation à l’appui de cette exception ne présente un lien qu’avec l’article 4, paragraphe 2, les articles 6, 7, l’article 20, paragraphe 1, ainsi qu’avec l’annexe I du règlement délégué 2015/63. En effet, par ces arguments, les requérantes contestent, tout d’abord, l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement délégué en ce qu’il oblige le CRU à évaluer chaque année un taux d’accroissement des dépôts couverts aux fins de la détermination du niveau cible annuel. Ensuite, les requérantes remettent en cause la légalité des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements qui sont prévus aux articles 6 et 7 ainsi qu’à l’annexe I de ce règlement délégué (voir point 52 ci-dessus). Enfin, elles font valoir que les conditions dans lesquelles certains indicateurs de risque peuvent ne pas être appliqués pour une période de contribution donnée ne sont pas suffisamment claires, ces conditions étant prévues par l’article 20, paragraphe 1, dudit règlement délégué. Dans ces conditions, il convient de constater que la présente exception d’illégalité porte, en réalité, sur ces seules dispositions.

a)      Sur la première branche, tirée de l’impossibilité de connaître à l’avance le niveau de la contribution ex ante

193    Les requérantes soutiennent, en substance, que les articles 6 et 7 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 méconnaissent le principe de sécurité juridique, car elles ne peuvent connaître suffisamment à l’avance le montant de la contribution ex ante qui leur sera imposée. Tout d’abord, la méthode de calcul dans son intégralité serait opaque. Par ailleurs, leur assignation aux différents bins serait faite de manière opaque. En outre, la fixation du montant des contributions ex ante serait fondée sur l’utilisation de données qui n’ont pas été rendues publiques. Enfin, le montant des contributions ex ante dépendrait des données des autres établissements, ce qui rendrait impossible le calcul par anticipation d’une contribution ex ante exacte.

194    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

195    Il y a lieu de relever que ladite argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 189 à 219 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

196    Le principe de sécurité juridique exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Ledit principe exige, notamment, qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêts du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 51, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 319).

197    Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s’opposant à ce qu’une institution de l’Union, dans le cadre d’une norme qu’elle adopte, emploie une notion juridique abstraite ni comme imposant qu’une telle norme abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par ladite institution (voir, par analogie, arrêts du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, points 39 et 40, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 320).

198    En conséquence, une disposition d’un acte de l’Union ne viole le principe de sécurité juridique, en raison de son manque de clarté, que si elle présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 31, et du 22 mai 2007, Mebrom/Commission, T‑216/05, EU:T:2007:148, point 108).

199    De même, le fait qu’un acte de l’Union confère un pouvoir d’appréciation aux autorités chargées de sa mise en œuvre ne méconnaît pas en soi l’exigence de prévisibilité, à la condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir soient définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une protection adéquate contre l’arbitraire (voir arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 321 et jurisprudence citée).

200    Conformément à la jurisprudence citée aux points 198 et 199 ci-dessus, il convient ainsi d’examiner, en l’espèce, si la réglementation applicable présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à la portée ou au sens des articles 6 et 7 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, dont les requérantes excipent de l’illégalité.

201    En premier lieu, s’agissant du prétendu caractère opaque de la méthode de calcul dans son intégralité, il appartient aux requérantes d’identifier le manque de clarté, les imprécisions ou le manque de prévisibilité dans les règles de droit qu’elles contestent. Or, les requérantes ne les ont pas identifiés, en se bornant à formuler des affirmations générales et non étayées.

202    En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que la réglementation applicable ne doit pas nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante, puisqu’une telle exigence impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union et à la Commission d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doivent disposer, à cette fin, le législateur et la Commission, en les empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

203    Ainsi, il est suffisant que les personnes concernées par une décision fixant des contributions ex ante, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

204    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

205    En outre, le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 139).

206    Dans ces conditions, il convient de rejeter le premier grief comme étant manifestement non fondé.

207    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel il ne leur est pas possible de connaître les règles déterminant les modalités du classement des établissements dans les bins pour chaque indicateur de risque (ci-après la « méthode de binning »), il convient de relever ce qui suit.

208    En application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner les établissements à chaque bin. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.

209    Par ailleurs, l’annexe I du règlement délégué 2015/63 détaille, notamment, les différentes étapes de la méthode de binning et énonce les formules mathématiques devant être appliquées par le CRU.

210    Or, les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à identifier un manque de clarté, de précision ou de prévisibilité en ce qui concerne ces différentes étapes ou ces formules.

211    En tout état de cause, au regard des considérations énoncées aux points 202 à 204 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de prévoir que les établissements se voient fournir des données leur permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de l’application de la méthode de binning.

212    En outre, le règlement délégué 2015/63 n’empêche aucunement le CRU de divulguer, afin de satisfaire aux exigences mentionnées aux points 203 et 204 ci-dessus, les valeurs limites de chaque bin et les indicateurs s’y rapportant, en vue de permettre à l’établissement concerné de s’assurer, notamment, que le classement qui lui a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs, telle que définie à l’annexe I de ce règlement délégué, correspond effectivement à sa situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par ce règlement délégué sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application du règlement no 806/2014 ainsi que dudit règlement délégué l’ont bien été.

213    En troisième lieu, les requérantes ne sauraient invoquer, à l’appui de la présente exception d’illégalité, le fait que les questions-réponses et les « annexes harmonisées » communiquées par le CRU aux établissements depuis 2017 ne leur auraient pas permis de recalculer leurs contributions ex ante. En effet, ces documents ne sont pas prévus par la réglementation applicable, plus particulièrement par le règlement délégué 2015/63. Par conséquent, une telle critique concerne la légalité des actes du CRU, et non la légalité de ce règlement délégué.

214    À supposer que ledit grief doive être compris en ce sens que, par celui-ci, les requérantes contestent la légalité de la décision attaquée, il suffit de relever que ces dernières n’expliquent pas comment, malgré le fait que la réglementation applicable n’oblige pas le CRU à mettre à la disposition des établissements les documents mentionnés au point 213 ci-dessus, des données prétendument insuffisantes dans lesdits documents affecteraient la validité de ladite décision. En tout état de cause, il découle de la jurisprudence citée aux points 202 et 203 ci-dessus que le CRU n’est pas tenu de divulguer des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.

215    En quatrième lieu, les requérantes soulignent que la publication de certains agrégats de données confidentielles dans les décisions déterminant les contributions ex ante d’une année donnée serait insuffisante, puisque d’autres éléments nécessaires à la bonne compréhension et à l’anticipation des calculs ne seraient toujours pas publiés par le CRU.

216    Or, par une telle argumentation, les requérantes ne remettent pas non plus en cause les dispositions de la réglementation applicable, mentionnées au point 193 ci-dessus, dont elles excipent de l’illégalité au regard du principe de sécurité juridique.

217    En effet, les requérantes se bornent à critiquer l’absence de publication, par le CRU, de certains éléments nécessaires au calcul des contributions ex ante, antérieurement à l’adoption des décisions déterminant ces contributions. Par conséquent, ce grief ne concerne pas la légalité de la réglementation applicable, mais les modalités de son application par le CRU.

218    À supposer que ledit grief doive être compris en ce sens que, par celui-ci, les requérantes contestent la légalité de la décision attaquée, les requérantes n’expliquent pas avec une clarté suffisante quels éléments concrets le CRU était tenu de publier afin de satisfaire aux exigences qui ressortent de la jurisprudence citée aux points 202 et 203 ci-dessus, alors qu’il ne l’a pas fait. À cet égard, il découle d’ailleurs de cette même jurisprudence qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement concerné (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123 et jurisprudence citée).

219    En cinquième lieu, s’agissant du fait que le calcul des contributions ex ante d’un établissement dépendrait des données relatives à la situation des autres établissements, ce qui accroîtrait l’imprévisibilité de la méthode de calcul, il convient de relever que l’argumentation des requérantes à cet égard n’est aucunement développée, de sorte qu’elle doit être écartée.

220    En tout état de cause, dans la mesure où, par cette argumentation, les requérantes soutiennent que la méthode de calcul des contributions ex ante est contraire au principe de sécurité juridique, en ce qu’elle repose sur les données confidentielles d’autres établissements, ladite argumentation se heurte aux enseignements découlant de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), qui portent certes sur le respect de l’obligation de motivation, mais valent tout autant s’agissant du respect du principe de sécurité juridique.

221    Dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), la Cour a admis que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressortait de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, pouvait impliquer l’utilisation, par le CRU, de données d’autres établissements couvertes par le secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

222    Dans ces conditions, d’une part, les requérantes ne sauraient s’appuyer sur la seule circonstance selon laquelle elles ne peuvent pas, du fait que les données des autres établissements ne sont pas portées à leur connaissance, calculer à l’avance la contribution ex ante dont elles sont redevables.

223    D’autre part, ainsi qu’il a été relevé au point 205 ci-dessus, le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

224    Par conséquent, il convient d’écarter la première branche du troisième moyen comme étant manifestement non fondée.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de prévisibilité quant à l’application de certains indicateurs de risque

225    La deuxième branche du troisième moyen s’articule, en substance, autour de deux griefs.

1)      Sur le premier grief de la deuxième branche, tiré de l’impossibilité d’anticiper la mise en œuvre de certains indicateurs de risque

226    Les requérantes soutiennent que certains indicateurs de risque n’ont pas été appliqués pour calculer les contributions ex ante pour la période de contribution 2019, à savoir le « ratio de financement net stable » (ci-après l’« indicateur RFNS »), l’EMEE (ci-après l’« indicateur EMEE ») ainsi que la « complexité » et la « résolvabilité ». L’absence de prise en compte de ces indicateurs de risque, ainsi que l’absence de prévisibilité quant à leur mise en place, irait à l’encontre du principe de sécurité juridique, dans la mesure où les requérantes ne pourraient pas anticiper leur mise en œuvre.

227    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

228    Il y a lieu de relever que l’argumentation soulevée dans le cadre du présent grief est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 224 à 227 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

229    Conformément à la jurisprudence citée aux points 196 à 199 ci-dessus, il convient d’examiner, en l’espèce, si la réglementation applicable présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à l’application de certains indicateurs de risque, tels que le RFNS, l’EMEE ainsi que la « complexité » et la « résolvabilité ».

230    Les conditions dans lesquelles le CRU peut s’abstenir, à titre transitoire, d’appliquer de tels indicateurs de risque sont prévues à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 selon lequel « [l]orsque les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique visé à l’annexe II [de ce règlement délégué] ne font pas partie des exigences d’information prudentielle, visées à l’article 14 [dudit règlement délégué], applicables pour l’exercice de référence, cet indicateur de risque ne s’applique pas tant que cette exigence d’information prudentielle n’est pas devenue applicable ».

231    L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 prévoit ainsi deux conditions dans lesquelles le CRU n’applique pas, à titre transitoire, un indicateur de risque, à savoir, en premier lieu, celle dans laquelle les informations requises au titre d’un tel indicateur ne font pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 de ce règlement délégué et, en second lieu, celle dans laquelle cet indicateur est mentionné à l’annexe II dudit règlement délégué, qui est intitulée « Données à soumettre aux autorités de résolution » et qui contient quinze catégories de données. Or, les requérantes n’ont pas soutenu, et encore moins démontré, que ces conditions présentaient une ambiguïté telle qu’elles feraient obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à l’application de certains indicateurs de risque.

232    Dans ces conditions, le grief des requérantes visant à démontrer que le règlement délégué 2015/63 serait illégal du fait d’une prétendue atteinte au principe de sécurité juridique en raison de l’absence de prévisibilité quant à la mise en place des indicateurs de risque doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      Sur le second grief de la deuxième branche, tiré de l’incompatibilité de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014

233    Les requérantes soutiennent que le fait que le règlement délégué 2015/63 laisserait, dans ses dispositions transitoires, la possibilité au CRU de ne pas retenir certains indicateurs de risque, tout en lui permettant pourtant d’ajuster la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque, traduirait une méconnaissance de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

234    Le CRU fait valoir que le présent grief est irrecevable au motif qu’il aurait dû être soulevé dans la requête introductive d’instance et non pas, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation. En tout état de cause, ce grief ne serait pas fondé.

235    Il convient de rappeler que l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que « [l]orsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau ». Auquel cas, le mémoire en adaptation contient, s’il y a lieu, les « moyens et arguments adaptés », ainsi que le précise l’article 86, paragraphe 4, sous b), dudit règlement.

236    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les conclusions des parties sont caractérisées, en principe, par leur immutabilité. L’article 86 du règlement de procédure constitue une codification d’une jurisprudence préexistante relative aux exceptions que ce principe d’immutabilité peut recevoir (voir arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland/Commission, T‑451/20, EU:T:2023:276, point 28 et jurisprudence citée).

237    La Cour a déjà jugé que, en tant qu’exception au principe d’immutabilité de l’instance, l’article 86 du règlement de procédure doit être interprété strictement (arrêt du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 54).

238    Il ressort des termes de l’article 86 du règlement de procédure que cette disposition permet à la requérante d’« adapter » sa requête « pour tenir compte de [l’]élément nouveau » que constitue le remplacement ou la modification de l’acte initialement attaqué, et de présenter, à cette fin, des conclusions et, s’il y a lieu, des moyens et arguments « adaptés ». Ainsi, ladite disposition ne visant qu’une « adaptation » de la requête initiale, la finalité d’une telle adaptation est limitée à la prise en compte des éléments nouveaux liés au remplacement ou à la modification de l’acte initialement attaqué, à savoir, notamment, des éléments nouveaux figurant dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué. Dès lors, l’article 86 du règlement de procédure ne saurait être interprété comme permettant à la requérante de soulever, dans un mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, alors même que les éléments de fait et de droit sur lesquels il repose lui étaient déjà connus lors de l’introduction de sa requête et qu’ils n’ont pas été modifiés dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué.

239    En l’espèce, il ressort, en premier lieu, des considérants 3, 4 et 31 de la décision initiale que le CRU a appliqué l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 en ce qui concerne les indicateurs RFNS et EMEE et les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » et qu’il ne les a donc pas pris en compte pour le calcul des contributions ex ante pendant la période de contribution 2019. À cet égard, il découle de ces mêmes considérants que les données nécessaires pour l’application de ces indicateurs et sous-indicateurs de risque n’étaient pas disponibles.

240    Les requérantes pouvaient ainsi comprendre, sur la base de la décision initiale, que l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 avait été appliqué et que, partant, les indicateurs de risque mentionnés au point 239 ci-dessus n’avaient pas été pris en compte pour la période de contribution 2019.

241    En second lieu, les considérants 36 à 43 de la décision attaquée n’ont apporté aucun élément nouveau s’agissant de l’application de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, par rapport aux éléments contenus dans la décision initiale.

242    Dans ces conditions, les requérantes disposaient, déjà au stade de la requête introductive d’instance, de tous les éléments de fait et de droit leur permettant de contester, en toute connaissance de cause, la conformité de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, sans que ces éléments aient été, d’une quelconque manière, modifiés par la décision attaquée.

243    Il en va d’autant plus ainsi que, comme cela ressort du point 226 ci-dessus, les requérantes ont contesté, au stade de la requête introductive d’instance, la compatibilité de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 avec le principe de sécurité juridique.

244    Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté comme étant manifestement irrecevable.

c)      Sur la troisième branche, tirée des modalités de détermination du « taux d’accroissement des dépôts couverts »

245    Les requérantes considèrent que l’objectif d’atteindre un niveau cible final, qui doit être atteint par la somme des contributions prélevées avant la fin de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), égal à 1 % du montant des dépôts couverts de l’union bancaire (ci-après le « niveau cible final »), implique que, chaque année, le CRU évalue un « taux d’accroissement [de ces dépôts] couverts », qui serait déterminé de façon opaque et dont l’évolution serait difficilement prévisible par les établissements.

246    Le CRU, le Parlement et le Conseil contestent cette argumentation.

247    Il convient de relever que les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à démontrer que les dispositions mentionnées au point 188 ci-dessus présentent une ambiguïté telle qu’elles feraient obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à la détermination du niveau cible final ou du niveau cible annuel.

248    En outre, par une partie de leur argumentation, les requérantes contestent, en réalité, le défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. Ce grief ne concerne pas la légalité des dispositions mentionnées au point 188 ci-dessus et sera examiné aux points 278 à 301 ci-après.

249    Dès lors, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen comme étant manifestement non fondée dans la mesure où les requérantes contestent la légalité de l’article 4, paragraphe 2, des articles 6, 7, de l’article 20, paragraphe 1, ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63.

d)      Sur la quatrième branche, tirée du caractère imprévisible des critères au regard desquels sont déterminés les indicateurs de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », ainsi que ceux faisant partie du pilier de risque IV

250    Les requérantes soutiennent que le règlement délégué 2015/63 ne contient pas les données requises aux fins du calcul de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », ainsi que les indicateurs de risque faisant partie du pilier de risque IV.

251    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

252    Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes relatif aux indicateurs de risque faisant partie du pilier de risque IV, il ressort de l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, sous a) à c), du règlement délégué 2015/63 que ce pilier de risque se compose de trois indicateurs de risque, à savoir celui concernant « les activités de négociation, les expositions hors bilan, les instruments dérivés, la complexité et la résolvabilité de l’établissement », celui concernant « l’éventuelle appartenance de l’établissement à un [SPI] » et celui concernant « la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

253    En outre, conformément à l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63, l’autorité de résolution, dont le CRU, détermine les indicateurs de risque mentionnés au point 252 ci-dessus compte tenu de « la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin ».

254    L’article 6, paragraphes 6 à 8, du règlement délégué 2015/63 précise les critères que le CRU doit prendre en compte aux fins de déterminer les indicateurs de risque mentionnés au point 252 ci-dessus.

255    À cet égard, s’agissant du premier indicateur de risque qui relève du pilier de risque IV et qui est relatif aux activités de négociation, aux expositions hors bilan, aux instruments dérivés, à la complexité et à la résolvabilité de l’établissement, l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 prévoit plusieurs éléments que le CRU doit prendre en compte lors de la détermination de cet indicateur, dont certains peuvent conduire à augmenter le profil de risque de l’établissement concerné et d’autres à le diminuer.

256    Ainsi, les éléments pouvant entraîner une augmentation de ce profil de risque sont au nombre de quatre, à savoir, premièrement, « l’importance des activités de négociation par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement », deuxièmement, « l’importance des expositions hors bilan par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres et au degré de risque des expositions », troisièmement, « l’importance du montant des instruments dérivés par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement » et, quatrièmement, « la mesure dans laquelle […] le modèle économique et la structure organisationnelle de l’établissement sont jugés complexes ».

257    Les éléments pouvant entraîner une diminution dudit profil de risque sont au nombre de deux, à savoir « le montant relatif des instruments dérivés qui sont compensés par une contrepartie centrale » et « la mesure dans laquelle […] l’établissement peut faire l’objet d’une résolution rapide et sans obstacles juridiques ».

258    S’agissant, par ailleurs, de la détermination de l’indicateur de risque « éventuelle appartenance de l’établissement à un [SPI] », il découle de l’article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 que le CRU doit tenir compte de l’adéquation du montant des fonds immédiatement disponibles avec celui des fonds nécessaires « pour permettre un soutien crédible et efficace de [l’établissement concerné] » et du degré de sécurité juridique ou contractuelle quant au fait que ces fonds « seront pleinement utilisés avant que le moindre soutien public extraordinaire puisse être demandé ».

259    En ce qui concerne, enfin, l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel », il ressort de l’article 6, paragraphe 8, du règlement délégué 2015/63 que cet indicateur de risque retient la valeur maximale de la fourchette visée à l’annexe I, sous le titre « Étape 3 », de ce règlement délégué pour deux catégories d’établissements, à savoir, premièrement, pour « tout établissement faisant partie d’un groupe qui a été mis en restructuration après avoir reçu une aide de l’État ou un financement équivalent provenant, par exemple, d’un dispositif de financement pour la résolution, et qui est encore en période de restructuration ou de liquidation, sauf pour les deux dernières années de mise en œuvre du plan de restructuration » et, deuxièmement, pour « tout établissement qui est liquidé, jusqu’à la fin du plan de liquidation (dans la mesure où l’établissement est toujours tenu de payer la contribution) ». En revanche, il découle de cette même disposition que ledit indicateur de risque retient la valeur minimale de cette fourchette « pour tous les autres établissements ».

260    Dans ce contexte, les requérantes n’ont identifié, à l’appui de leur argumentation, aucun élément concret qui viserait à démontrer que les critères prévus à l’article 6, paragraphes 5 et 8, du règlement délégué 2015/63 et qui sont exposés aux points 253 à 259 ci-dessus présentent une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette disposition.

261    Deuxièmement, ainsi qu’il a été relevé au point 112 ci-dessus, l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », tel qu’il est prévu à l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, est calculé, selon l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », septième ligne, de ce règlement délégué, sur la base de la somme des prêts et des dépôts interbancaires de l’établissement concerné rapportée au total des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union.

262    Or, les requérantes n’ont pas soutenu, et encore moins démontré, que les dispositions mentionnées au point 261 ci-dessus souffraient d’un manque de clarté, d’imprécisions ou d’un manque de prévisibilité qui pourraient faire naître des doutes quant à leur sens ou à leur portée.

263    Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du troisième moyen comme étant manifestement non fondée.

e)      Sur la cinquième branche, tirée de l’absence de communication aux établissements des informations nécessaires pour comprendre le calcul des contributions ex ante en amont de l’adoption des décisions du CRU

264    Les requérantes soutiennent que, bien que le CRU ait notifié aux établissements certaines informations qui sont nécessaires à une meilleure compréhension du calcul des contributions ex ante, des informations supplémentaires étaient indispensables pour que le principe de sécurité juridique soit respecté. Celles-ci devraient porter, notamment, sur le montant total des dépôts couverts et leur taux de croissance, sur certaines données relatives au multiplicateur d’ajustement – telles que le taux de croissance desdits dépôts, le nombre des bins et les indicateurs de risque non appliqués –, sur la répartition des contributions annuelles de base par type d’établissements ainsi que sur la « maquette » du formulaire de déclaration.

265    Le CRU, le Conseil, le Parlement et la Commission contestent cette argumentation.

266    Par leur argumentation, les requérantes soutiennent, en substance, que la réglementation applicable viole le principe de sécurité juridique, en ce qu’elle n’oblige pas le CRU à porter à la connaissance des établissements, en amont de ses décisions, des informations leur permettant de prévoir le montant de leur contribution ex ante.

267    À cet égard, il ressort, d’une part, de la jurisprudence citée aux points 202 et 203 ci-dessus que la réglementation applicable ne doit pas nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante, mais qu’il est suffisant que les personnes concernées par une décision fixant des contributions ex ante, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

268    Or, l’article 4, paragraphe 2, les articles 6, 7 et l’article 20, paragraphe 1, ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 n’empêchent aucunement le CRU de divulguer aux établissements concernés les informations qui sont nécessaires pour satisfaire à ces exigences.

269    Par conséquent, la cinquième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

D.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur la sixième branche du troisième moyen et la première branche du quatrième moyen, tirées d’un défaut de motivation de la décision attaquée 

a)      Observations liminaires

270    L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

271    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

272    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

273    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes relatifs au défaut de motivation de la décision attaquée et à la violation de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte.

b)      Sur la sixième branche du troisième moyen, tirée d’un défaut de motivation de la détermination du niveau cible annuel 

274    À l’appui de leur troisième moyen, les requérantes n’excipent pas seulement de l’illégalité des dispositions mentionnées au point 188 ci-dessus, mais soulèvent également des griefs relatifs à la motivation de la décision attaquée (voir point 248 ci-dessus).

275    Ainsi, par la sixième branche du troisième moyen, les requérantes soutiennent que la décision attaquée a déterminé de manière opaque le niveau cible annuel pour la période de contribution 2019. En outre, cette décision serait entachée des mêmes vices de motivation concernant ce niveau cible que ceux qui ont été constatés dans l’arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845), qui portait sur la détermination du niveau cible annuel pour la période de contribution 2021.

276    Le CRU conteste l’argumentation des requérantes.

277    Il convient de relever d’emblée que la motivation de la détermination du niveau cible annuel figurant aux considérants 52 à 75 de la décision attaquée est différente de celle contenue dans la décision qui a fait l’objet de l’arrêt du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑389/21, EU:T:2023:827), et que, contrairement aux circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, rien n’indique dans la présente affaire que le CRU a appliqué une autre méthode de calcul du niveau cible annuel que celle exposée dans la décision attaquée.

278    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

279    Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 278 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

280    En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

281    Le Tribunal a déjà jugé que les établissements redevables des contributions ex ante doivent pouvoir comprendre, à la lecture de la décision attaquée, au moins les principales étapes de la méthode de calcul du montant du niveau cible annuel pour la période de contribution concernée (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU, T‑383/21, EU:T:2023:845, points 298 à 300).

282    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 75 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2019, le montant du niveau cible annuel à 8 313 090 248 euros.

283    Au considérant 54 de la décision attaquée, le CRU a rappelé avoir déterminé ce niveau cible compte tenu, notamment, du montant pronostiqué du niveau cible final, qui devait être atteint à la fin de la période initiale, ainsi que des moyens financiers déjà disponibles dans le FRU.

284    Le CRU a exposé la démarche suivie pour déterminer le niveau cible annuel aux considérants 56 à 74 de la décision attaquée.

285    Tout d’abord, le CRU a constaté, au considérant 56 de la décision attaquée, une tendance à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants pendant les années 2014 à 2018. Dans ce contexte, il a également noté que le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2018 à 5,783 billions d’euros.

286    Ensuite, le CRU a exposé, aux considérants 57 à 60 de la décision attaquée, l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les années restantes de la période initiale, à savoir pour les années 2019 à 2023. À cet égard, il s’est appuyé sur le taux de croissance des dépôts des ménages et des dépôts des sociétés non financières publié par la Banque centrale européenne (BCE) ainsi que sur ses propres observations s’agissant des taux de croissance des dépôts couverts dans les années 2015 à 2018.

287    En outre, le CRU a effectué, aux considérants 61 à 71 de la décision attaquée, une évaluation de la phase du cycle d’activités et de l’incidence procyclique potentielle que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements.

288    Au considérant 73 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, compte tenu des éléments d’incertitude entourant la reprise économique et de leur incidence négative potentielle tant sur la croissance future pronostiquée des dépôts couverts que sur le cycle économique, ainsi que des séries limitées de données utilisées pour prévoir l’évolution future des dépôts couverts, il convenait d’adopter une « approche prudente » en ce qui concerne les taux de croissance pronostiqués des dépôts couverts au cours des années suivantes jusqu’en 2023 et de prendre 2,5 % comme taux de croissance pronostiqué des dépôts couverts pour le reste de la période initiale.

289    Au considérant 74 de la décision attaquée, le CRU a expliqué que, compte tenu du taux de croissance de 2,5 % appliqué aux futurs montants annuels des dépôts couverts calculés en moyenne trimestrielle, le niveau cible final du FRU devrait atteindre 65,3 milliards d’euros. En outre, le CRU a indiqué, au même considérant, avoir pris en compte le montant des moyens financiers déjà disponibles dans le FRU dès le début de 2019, soit 24,9 milliards d’euros.

290    À cet égard, le CRU a également précisé, à la note de bas de page 36 de la décision attaquée, que, afin de combler l’écart entre le montant disponible dans le FRU et le niveau cible final pronostiqué, qui représentait cinq années supplémentaires de croissance des dépôts couverts, supposée être de 2,5 % par an, il devait appliquer, pour chaque année restante de la période initiale, au moins un coefficient de 1,15 % à 1/8 du montant des dépôts couverts de chaque année précédente, calculé en moyenne trimestrielle. Selon cette même note de bas de page, cela permettrait aussi de prendre en compte la croissance des dépôts couverts au cours de la dernière année de la période initiale, à savoir 2023.

291    Enfin, au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 75 de la décision attaquée, le niveau cible annuel à un huitième des 1,15 % des dépôts couverts de tous les établissements agréés dans les États membres participants en 2018, soit à 8 313 090 248 euros, conformément à la formule mathématique suivante (ci-après la « formule mathématique ») :

« Cible2019 [montant du niveau cible annuel] = 5 782 358 635 710 [Total dépôts couverts2018] * 0,0115 * ⅛ = EUR 8 313 090 248 ».

292    S’agissant du caractère suffisant de cette motivation, il ressort des points 282 à 291 ci-dessus, en premier lieu, que, aux fins de déterminer le niveau cible annuel, le CRU a précisé qu’il avait fixé le taux annuel de croissance des dépôts couverts jusqu’au terme de la période initiale au chiffre précis de 2,5 %, qu’il avait calculé, sur cette base, le montant du niveau cible final à 65,3 milliards d’euros et qu’il a déterminé le niveau cible annuel également en tenant compte du montant des moyens financiers déjà disponibles dans le FRU dès début 2019, soit 24,9 milliards d’euros.

293    En deuxième lieu, il s’avère que les considérants 53, 54, 74 et 75 ainsi que la note de bas de page n  36 de la décision attaquée permettaient à tout opérateur économique averti, tel que les requérantes, de comprendre que le CRU a procédé aux deux opérations suivantes.

294    Premièrement, dès lors que la note de bas de page no 36 précise que le CRU a appliqué le coefficient « afin de combler l’écart entre le montant [des moyens financiers dans le FRU] et le niveau cible pronostiqué », les requérantes pouvaient comprendre que le CRU avait déduit du niveau cible final pronostiqué (65,3 milliards d’euros) les moyens financiers déjà disponibles dans le FRU (24,9 milliards d’euros) afin d’obtenir le montant à percevoir pendant les cinq périodes de contribution restantes, à savoir de 2019 à 2023. Deuxièmement, étant donné que les considérants 53 et 72 de la décision attaquée soulignent la nécessité de répartir, conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les contributions ex ante aussi uniformément que possible dans le temps, les requérantes pouvaient également comprendre que le CRU avait divisé en parts équivalentes le montant à percevoir pendant les cinq périodes de contribution restantes, afin d’obtenir le montant du niveau cible annuel pour la période de contribution 2019.

295    En troisième lieu, le CRU a exposé la formule mathématique, qui est composée du total des dépôts couverts en 2018, de la fraction de 1/8 et du coefficient (voir point 291 ci-dessus).

296    À cet égard, il ressort des considérants 54 et 75 de la décision attaquée que l’un des termes de la formule mathématique est le coefficient. Or, il résulte des considérants 53 et 54 et de la note de bas de page n °36 de cette décision ainsi que du point 42 de l’annexe III de ladite décision que le CRU a fixé ce coefficient sur la base des éléments pris en compte dans le cadre des étapes mentionnées aux points 292 et 293 ci-dessus. Ainsi, des opérateurs économiques avertis, tels que les requérantes, pouvaient comprendre que, en intégrant ledit coefficient dans la formule mathématique et en l’appliquant aux autres termes de celle-ci, le CRU avait fait en sorte que cette formule puisse aboutir au montant du niveau cible annuel, tel qu’il avait été obtenu en application des étapes évoquées aux points 292 et 293 ci-dessus.

297    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au CRU d’avoir omis d’exposer, dans la décision attaquée, les principales étapes de la méthode de calcul du montant du niveau cible annuel pour la période de contribution 2019.

298    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérantes par lesquels elles font grief au CRU de ne pas leur avoir communiqué le taux de croissance des dépôts des ménages et des dépôts des sociétés non financières, qui étaient considérés comme des indicateurs appropriés pour estimer le taux d’évolution des dépôts couverts, et de ne pas avoir exposé dans la décision attaquée son analyse sur le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) et sur la variation des passifs de l’ensemble du secteur financier.

299    À cet égard, d’une part, il ressort de la jurisprudence qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

300    D’autre part, les requérantes n’expliquent pas les raisons pour lesquelles les informations mentionnées au point 298 ci-dessus auraient été nécessaires pour respecter les exigences rappelées aux points 271, 272 et 281 ci-dessus et, en particulier, pour comprendre les conclusions du CRU énoncées au considérant 71 de la décision attaquée, portant sur la phase du cycle d’activités et l’incidence procyclique potentielle que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements.

301    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la sixième branche du troisième moyen comme étant manifestement non fondée ainsi que ce moyen dans son ensemble.

c)       Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une absence de motivation de l’absence d’application de certains indicateurs de risque

302    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée ne précise pas les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le CRU n’a pas appliqué l’indicateur EMEE et les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » pour la période de contribution 2019.

303    Le CRU conteste cette argumentation.

304    Il y a lieu de relever que l’argumentation soulevée à l’appui de la présente branche est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 97 à 100 de son arrêt du 17 juillet 2024, UniCredit Bank/CRU (T‑402/21, EU:T:2024:484), qui portait sur une décision similaire de calcul des contributions ex ante, étant entendu que cette décision contenait une motivation de l’absence d’application des mêmes indicateurs et sous-indicateurs de risque qui était presque identique à celle figurant dans la décision attaquée. Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

305    L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 prévoit que « [l]orsque les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique visé à l’annexe II [de ce règlement délégué] ne font pas partie des exigences d’information prudentielle, visées à l’article 14 [dudit règlement délégué], applicables pour l’exercice de référence, cet indicateur de risque ne s’applique pas tant que cette exigence d’information prudentielle n’est pas devenue applicable ».

306    En l’espèce, le CRU a indiqué, aux considérants 36 à 39 et 41 à 43 de la décision attaquée, qu’il n’avait pas appliqué l’indicateur EMEE ni les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » au motif que, au moment de l’adoption de cette décision, les informations requises au titre de ces indicateur et sous-indicateurs de risque n’étaient pas disponibles sous une forme harmonisée pour tous les établissements.

307    Plus particulièrement, s’agissant de l’indicateur EMEE, le CRU a précisé que, « parce que les exigences relatives à l’EMEE [avaient] dans l’ensemble été mises en œuvre de manière progressive au niveau national, [il] ne dispos[ait] pas de données lui permettant d’appliquer cet indicateur au niveau de chaque établissement contribuant au [FRU] ». En ce qui concerne les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité », le CRU a exposé que « [l]es données requises pour [ces sous-indicateurs] n’étaient pas disponibles sous une forme harmonisée pour tous les établissements des États membres participants pour la date de référence du cycle ex ante 2019, à savoir le 31 décembre 2017 ».

308    À l’instar de ce qui a été jugé dans l’arrêt du 17 juillet 2024, UniCredit Bank/CRU (T‑402/21, EU:T:2024:484), il convient de constater qu’une telle motivation permet aux requérantes de comprendre les motifs pour lesquels le CRU n’a pas appliqué les indicateur et sous-indicateurs de risque concernés et remplit ainsi les exigences énoncées par la jurisprudence citée aux points 271 et 272 ci-dessus.

309    Partant, la première branche du quatrième moyen doit être écartée comme étant manifestement non fondée.

2.      Sur les deuxième à quatrième branches du quatrième moyen, tirées d’une violation du principe de bonne administration

a)      Sur la deuxième branche, tirée de l’absence d’application de certains indicateurs de risque

310    Les requérantes font valoir que l’absence d’application, par le CRU, de l’indicateur EMEE et des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » revient à ne pas tenir compte de tous les éléments pertinents pour la détermination des contributions ex ante. Le CRU n’aurait ainsi pas effectué toutes les diligences nécessaires pour s’assurer que le multiplicateur d’ajustement appréhendait au mieux la situation de chacun des établissements.

311    Or, le CRU aurait dû faire en sorte que les données nécessaires soient collectées aussi rapidement que possible, d’autant plus que le délai nécessaire pour procéder à une telle collecte aurait été amplement dépassé.

312    Il en irait d’autant plus ainsi que, depuis 2017, les requérantes étaient obligées de constituer des engagements éligibles, de sorte que le CRU ne saurait prétendre qu’il ne disposait pas de données harmonisées aux fins de l’application de l’indicateur EMEE.

313    Le CRU conteste l’argumentation des requérantes.

314    Par leur argumentation, les requérantes soutiennent, en substance, que le CRU a violé le principe de bonne administration, en ce qu’il aurait omis de tenir compte de toutes les données nécessaires aux fins d’appliquer l’indicateur EMEE et les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ». Une telle argumentation est largement similaire à celle que le Tribunal a rejetée aux points 252 à 263 et 269 à 286 de son arrêt du 17 juillet 2024, UniCredit Bank/CRU (T‑402/21, EU:T:2024:484). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

315    Le principe de bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la Charte, impose aux institutions et aux organes de l’Union l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 23 septembre 2009, Estonie/Commission, T‑263/07, EU:T:2009:351, point 99 et jurisprudence citée).

316    Ensuite, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, intitulé « Dispositions transitoires », un indicateur de risque ne s’applique pas tant que les informations requises au titre de cet indicateur de risque spécifique, mentionné à l’annexe II de ce règlement délégué, ne font pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 du même règlement délégué, à savoir les exigences d’information prudentielle établies par le règlement d’exécution no 680/2014 de la Commission, du 16 avril 2014, définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne l’information prudentielle à fournir par les établissements, conformément au règlement no 575/2013 (JO 2014, L 191, p. 1), ou, le cas échéant, par le droit national.

317    L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 soumet ainsi la possibilité de ne pas appliquer un indicateur de risque à la double condition que, en premier lieu, les informations requises au titre d’un tel indicateur ne fassent pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 de ce règlement délégué et que, en second lieu, cet indicateur soit mentionné à l’annexe II dudit règlement délégué, laquelle est intitulée « Données à soumettre aux autorités de résolution » et contient quinze catégories de données.

318    En ce qui concerne la première condition, il y a lieu de relever que, pour déterminer si, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique font partie des exigences d’information prudentielle, il appartient au CRU de vérifier si les établissements étaient tenus de déclarer ces informations à des fins prudentielles à l’autorité compétente pour l’exercice de référence en cause conformément au règlement d’exécution no 680/2014 ou au droit national. Selon une lecture conjointe de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphes 1 à 4, du règlement délégué 2015/63, cet exercice de référence est celui de l’année à laquelle se rapportent les états financiers annuels approuvés disponibles au 31 décembre de l’année précédant la période de contribution. Il s’ensuit que, en ce qui concerne la présente affaire, l’exercice de référence est celui de l’année à laquelle se rapportent les états financiers annuels approuvés disponibles au 31 décembre 2018 (ci-après l’« exercice de référence pertinent »). Ainsi que l’affirme le CRU, sans être contesté par les requérantes, cet exercice correspond à celui de l’année 2017.

319    S’agissant de la seconde condition mentionnée au point 317 ci-dessus, il convient de relever que, selon le libellé de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, cette disposition a vocation à s’appliquer, notamment, lorsque les données mentionnées à l’annexe II de ce règlement délégué constituent en elles-mêmes des indicateurs de risque.

320    Cependant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 s’applique également dans une situation dans laquelle l’annexe II de ce règlement délégué se réfère aux données qui, sans constituer des indicateurs de risque en elles-mêmes, sont déterminantes pour le calcul de tels indicateurs de risque qui, quant à eux, ne sont pas mentionnés dans cette annexe. Un indicateur de risque peut ainsi ne pas s’appliquer lorsque les données indispensables pour son calcul figurent dans ladite annexe.

321    À cet égard, force est de rappeler que, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 19 juillet 2012, ebookers.com Deutschland, C‑112/11, EU:C:2012:487, point 12). En outre, il y a lieu de tenir compte de l’effet utile de celle-ci (voir arrêt du 13 décembre 2012, BLV Wohn- und Gewerbebau, C‑395/11, EU:C:2012:799, point 25 et jurisprudence citée).

322    En ce qui concerne le contexte et les objectifs poursuivis par l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, cette disposition tient compte du fait que le processus de mise en place des exigences prudentielles et des exigences d’information correspondantes revêt un caractère progressif qui s’étale dans le temps. En effet, ainsi qu’il découle, notamment, du considérant 6 de la directive 2014/59, le règlement délégué 2015/63 a été adopté à un moment où ces exigences n’étaient pas encore définitivement arrêtées ou faisaient encore l’objet d’ajustements. À cet égard, les requérantes n’ont pas sérieusement contesté l’affirmation du CRU selon laquelle les autorités compétentes détermineraient progressivement certaines desdites exigences qui, à leur tour, influenceraient les données qui doivent être disponibles pour calculer les indicateurs de risque prévus par le règlement délégué 2015/63. Il s’ensuit que de telles données nécessaires pour le calcul de certains de ces indicateurs de risque pouvaient ne pas être disponibles pour l’ensemble des établissements concernés ou, à tout le moins, pour l’ensemble des établissements ayant leur siège dans un État membre, pendant au moins une partie de la période initiale, étant précisé que ces données pouvaient ne pas être déclarées à titre d’informations prudentielles selon le droit de l’Union ou, le cas échéant, le droit national.

323    Dans ce contexte, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 vise à éviter que des charges disproportionnées ou discriminatoires soient, le cas échéant, imposées aux établissements lors du calcul des contributions ex ante en raison précisément de cette mise en œuvre progressive des exigences prudentielles et des exigences d’information qui y sont afférentes. En effet, ce calcul implique un exercice comparatif. À cet égard, le CRU a expliqué, en substance, sans être contredit, que, si les données indispensables pour le calcul de certains indicateurs de risque n’étaient pas déclarées à titre d’informations prudentielles par l’ensemble des établissements ou, à tout le moins, par l’ensemble des établissements ayant leur siège dans un État membre, le CRU serait obligé de prendre en compte des données relatives à de tels indicateurs qui ne sont pourtant pas comparables.

324    Un tel risque n’existe pas uniquement lorsque les données en question constituent en elles-mêmes des indicateurs de risque, mais aussi lorsque ces données, sans constituer des indicateurs de risque en elles-mêmes, sont pourtant nécessaires pour le calcul de ces derniers.

325    Dans ces conditions, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas seulement lorsque les données mentionnées à l’annexe II de ce règlement délégué constituent en elles-mêmes des indicateurs de risque, mais également lorsque les données mentionnées à cette annexe sont indispensables pour le calcul des indicateurs de risque.

326    Au regard de ces considérations, lorsque le CRU doit déterminer si certains indicateurs de risque peuvent ne pas être appliqués pour une période de contribution donnée conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, il est tenu, aux fins de respecter les exigences issues du principe de bonne administration rappelées au point 315 ci-dessus, d’examiner avec soin et impartialité s’il existe – s’agissant de l’exercice de référence pertinent – des exigences d’information prudentielle concernant les données nécessaires pour le calcul desdits indicateurs de risque et si ces données figurent dans l’annexe II du règlement délégué 2015/63.

327    En l’espèce, aucun des éléments dont dispose le Tribunal ne démontre que, en n’appliquant pas l’indicateur EMEE et les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité », le CRU s’est abstenu de procéder à un tel examen.

328    Premièrement, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le CRU n’était pas en mesure de se procurer des données nécessaires pour le calcul de l’indicateur EMEE et des sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité », parce qu’il n’existait pas, s’agissant de l’exercice de référence pertinent, d’exigence d’information prudentielle concernant les données indispensables pour la détermination de ces indicateur et sous-indicateurs de risque.

329    En effet, s’agissant de l’indicateur EMEE, aucune disposition du règlement d’exécution no 680/2014 n’exigeait que les établissements fournissent, pour l’exercice de référence pertinent, des informations sur leurs engagements éligibles à titre d’informations prudentielles à l’autorité compétente. Une telle obligation n’a été instaurée qu’à partir du 28 juin 2021, ainsi que cela découle du titre I du règlement d’exécution (UE) 2021/763 de la Commission, du 23 avril 2021, définissant des normes techniques d’exécution pour l’application du règlement no 575/2013 et de la directive 2014/59 en ce qui concerne la déclaration à des fins de surveillance et la publication de l’EMEE (JO 2021, L 168, p. 1), lu conjointement avec l’article 17, deuxième alinéa, de ce règlement d’exécution.

330    En outre, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’éventuelle existence d’une obligation de déclaration des engagements éligibles à titre d’informations prudentielles en droit national obligeait le CRU à en tenir compte pour la détermination de l’indicateur EMEE en ce qui concernait, à tout le moins, le calcul des contributions ex ante sur la base nationale, il convient de relever que les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à démontrer qu’une telle obligation découlait du droit de l’État membre où elles étaient établies, à savoir la France, pour ce qui concernait l’exercice de référence pertinent. Dans ces conditions, aucun élément dans le dossier dont dispose le Tribunal ne démontre que, en vertu du droit français, les informations relatives à l’indicateur EMEE faisaient l’objet d’exigences d’information prudentielle pendant l’exercice de référence pertinent.

331    La circonstance selon laquelle les requérantes étaient soumises depuis 2017 à l’obligation de constituer progressivement des engagements éligibles ne permet pas d’apporter la preuve contraire, puisque, ainsi qu’il découle du point 330 ci-dessus, il n’est pas établi que, au regard du droit national, ces informations devaient être déclarées à titre d’informations prudentielles.

332    En ce qui concerne les sous‑indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » il ressort de l’article 6, paragraphe 6, sous a), iv), du règlement délégué 2015/63 que, lorsque le CRU détermine le sous‑indicateur de risque « complexité », il lui incombe de tenir compte de la mesure dans laquelle, conformément au titre II, chapitre II, de la directive 2014/59, le modèle économique et la structure organisationnelle de l’établissement concerné sont jugés complexes. De même, selon l’article 6, paragraphe 6, sous b), ii), du même règlement délégué, lorsque le CRU détermine le sous-indicateur de risque « résolvabilité », il lui appartient de prendre en compte la mesure dans laquelle, conformément au titre II, chapitre II, de la même directive, cet établissement peut faire l’objet d’une résolution rapide et sans obstacles juridiques.

333    Le CRU doit ainsi déterminer les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » en tenant compte des prescriptions découlant du titre II, chapitre II, de la directive 2014/59, à savoir « Résolvabilité », qui comporte les articles 15 à 18.

334    À cet égard, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2014/59, l’évaluation de la résolvabilité d’un établissement est effectuée par l’autorité de résolution en même temps que l’élaboration et la mise à jour du plan de résolution et aux fins de celles-ci, conformément à l’article 10 de ladite directive.

335    De même, aux fins d’évaluer la résolvabilité d’un établissement, il est nécessaire de tenir compte de sa complexité, étant précisé que plus la structure d’un tel établissement est complexe, plus les incidences sur sa résolvabilité sont importantes. Dans ces conditions et compte tenu du renvoi de l’article 6, paragraphe 6, sous a), iv), du règlement délégué 2015/63 aux articles 15 à 18 de la directive 2014/59, y compris donc à son article 15, paragraphe 3, l’appréciation de la complexité est également effectuée lors de l’élaboration du plan de résolution.

336    Il s’ensuit que l’élaboration des plans de résolution constitue une condition préalable à la détermination par le CRU des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».

337    Par ailleurs, selon l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2014/59, afin d’élaborer le plan de résolution des établissements, l’autorité de résolution tient compte, au minimum, des éléments indiqués à la section C de l’annexe de cette directive. Parmi ces éléments, elle doit prendre en considération, conformément à la section C, point 17, de cette annexe, le montant et le type d’engagements éligibles.

338    Il en résulte que les engagements éligibles constituent une donnée nécessaire pour que le CRU puisse fixer les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».

339    À cet égard, d’une part, il ressort des points 329 à 331 ci-dessus que les établissements n’étaient pas tenus de déclarer les engagements éligibles à des fins prudentielles à l’autorité compétente pour l’exercice de référence pertinent en vertu du règlement d’exécution no 680/2014. D’autre part, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de nature à démontrer qu’une telle obligation existait en vertu du droit national.

340    Deuxièmement, conformément à ce qui est relevé au point 325 ci-dessus, le CRU a constaté à juste titre que les données indispensables pour le calcul de l’indicateur EMEE et des sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité » figuraient dans l’annexe II du règlement délégué 2015/63.

341    En effet, si l’indicateur EMEE et les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité » ne sont pas mentionnés en tant que tels à l’annexe II du règlement délégué 2015/63, cette annexe mentionne néanmoins les « engagements éligibles » parmi les données à soumettre aux autorités de résolution. Ces engagements constituent d’ailleurs des données qui sont déterminantes pour le calcul de ces indicateur et sous-indicateurs de risque. D’une part, conformément à l’article 6, paragraphe 2, sous a), et à l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », du règlement délégué 2015/63, l’indicateur EMEE se fonde sur des données telles que, notamment, les fonds propres, les engagements éligibles et l’EMEE, étant entendu que, aux fins du calcul de cet indicateur, le CRU doit déterminer l’excédent des fonds propres et des engagements éligibles par rapport à l’EMEE. D’autre part, ainsi qu’il a été constaté au point 338 ci-dessus, les engagements éligibles doivent être pris en compte lors du calcul des sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité ».

342    Dans ces conditions, la deuxième branche du quatrième moyen doit être écartée comme étant manifestement non fondée.

b)      Sur la troisième branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu

343    Les requérantes soutiennent que la procédure de consultation organisée par le CRU méconnaît les exigences issues du principe de bonne administration. En effet, cette procédure aurait été de nature purement formelle, en ce qu’elle n’aurait eu aucune incidence sur le calcul du montant de leurs contributions ex ante. Il en irait d’autant plus ainsi que ladite procédure se serait tenue plus de trois ans après l’adoption de la décision initiale et qu’elle aurait duré uniquement dix jours ouvrables.

344    En outre, l’outil de calcul fourni par le CRU aux établissements lors de la procédure de consultation ne leur aurait pas permis de comprendre la méthode suivie pour calculer les contributions ex ante, et ce en raison du caractère confidentiel des données des autres établissements utilisées pour ce calcul.

345    Enfin, les fourchettes communiquées par le CRU aux établissements lors d’un échange du 22 mars 2019, aux fins de leur permettre de calculer le niveau cible annuel, n’auraient pas été de nature à les mettre en mesure d’anticiper avec suffisamment de précision ce dernier montant.

346    Le CRU conteste cette argumentation.

347    Par leur argumentation, les requérantes soutiennent, en substance, que la procédure de consultation menée par le CRU en vue de l’adoption de la décision attaquée et afin de remplacer la décision initiale n’était pas conforme aux exigences du droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte.

348    Il y a lieu de relever que cette argumentation est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 292 à 306 de son arrêt du 24 janvier 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑347/21, EU:T:2024:31), et aux points 235 à 243 de son arrêt du 21 février 2024, NRW. Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

349    Le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

350    En l’espèce, avant l’adoption de la décision attaquée, le CRU a transmis aux requérantes une communication du 14 juin 2022, par laquelle il leur a fait part de son intention de retirer et de remplacer la décision initiale. Cette communication était accompagnée d’un projet de nouvelle décision du CRU et de ses annexes I et II pour la période de contribution 2019. Par ailleurs, le CRU a mis à la disposition des établissements un outil de calcul, afin qu’ils puissent vérifier la détermination de leurs contributions ex ante. Enfin, dans ladite communication, le CRU a invité les établissements à soumettre, au plus tard le 5 juillet 2022, des observations sur les documents ainsi communiqués.

351    En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la procédure de consultation n’a eu aucune incidence sur le calcul du montant de leurs contributions ex ante figurant dans la décision initiale, il convient de relever que le seul fait que le CRU ait finalement décidé de ne pas modifier ce montant ne permet pas de démontrer que la procédure de consultation a violé le droit d’être entendues des requérantes. En effet, conformément à ce que le Tribunal a déjà jugé (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Slovenská pošta/Commission, T‑556/08, non publié, EU:T:2015:189, point 89), une telle circonstance relève d’un désaccord sur le bien-fondé de l’appréciation du CRU, mais ne saurait constituer une violation du droit d’être entendus de ces établissements.

352    En deuxième lieu, la circonstance alléguée par les requérantes selon laquelle le CRU avait déjà exprimé sa volonté de retirer la décision initiale en amont de la communication du 14 juin 2022 mentionnée au point 350 ci-dessus est dénuée d’incidence sur la question de savoir si le droit d’être entendu des établissements a été respecté. En effet, le CRU a organisé la procédure de consultation avant que la décision initiale ne fût formellement retirée et remplacée par la décision attaquée, aux fins de permettre aux établissements de soumettre leurs observations sur le projet relatif à cette dernière décision.

353    En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes portant sur la courte durée de la procédure de consultation, il convient de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit la décision attaquée. Ainsi qu’il a été relevé au point 5 ci-dessus, la décision attaquée a remplacé la décision initiale afin de remédier au défaut de motivation de celle-ci constaté par le CRU, étant entendu que le calcul de la contribution ex ante des requérantes pour la période de contribution 2019 ainsi que le montant de cette contribution étaient les mêmes dans la décision initiale et dans la décision attaquée. Ainsi, de nombreux éléments à la base de la décision attaquée étaient connus des requérantes dès l’adoption de la décision initiale, ce qui est d’ailleurs confirmé par les moyens soulevés par les requérantes au stade de la requête.

354    En outre, s’agissant des éléments de la décision attaquée qui différaient de la décision initiale, les requérantes n’ont présenté devant le Tribunal aucun argument concret démontrant que le délai imparti pour formuler des observations sur ces éléments ne leur permettait pas de se prononcer sur ceux-ci de manière utile et effective.

355    En quatrième lieu, les requérantes ne sauraient soutenir que leur droit d’être entendues a été violé par le fait que la procédure de consultation se soit tenue plus de trois ans après l’adoption de la décision initiale, dès lors qu’elles n’expliquent pas en quoi une telle circonstance était de nature à les empêcher de présenter de manière utile et effective, au cours de cette procédure, leur point de vue au sujet du projet de décision attaquée.

356    En cinquième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’outil de calcul mentionné au point 350 ci-dessus ne leur a pas permis de comprendre le calcul de leurs contributions ex ante en raison du caractère confidentiel des données utilisées, il suffit de relever que le CRU n’était pas tenu de leur communiquer l’intégralité des documents et des données relatives à chaque établissement en vue de leur permettre de vérifier, de manière complète, l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante. En particulier, le CRU n’était pas obligé de leur communiquer les documents qui contenaient les données individuelles des autres établissements et qui étaient couverts par le secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

357    En sixième lieu, les requérantes ne sauraient s’appuyer sur le fait que, lors d’un échange du 22 mars 2019, le CRU leur a communiqué des informations prétendument ambiguës en ce qui concerne le montant du niveau cible annuel, dès lors qu’elles n’expliquent pas en quoi l’éventuel manque de précision concernant ce montant était de nature à les empêcher de faire connaître de manière utile et effective, au cours de la procédure de consultation, leur point de vue au sujet du projet de décision attaquée.

358    Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la troisième branche du quatrième moyen comme étant manifestement non fondée.

c)      Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU

359    Les requérantes soutiennent que l’évaluation du profil de risque des établissements sur la base d’indicateurs qui ne sont pas cohérents avec les critères utilisés dans le cadre du MSU donne une vision biaisée de ce profil. Le CRU ne serait ainsi pas en mesure d’apprécier le risque présenté par les établissements de manière équitable et impartiale.

360    Le CRU conteste cette argumentation.

361    À cet égard, il suffit de relever que les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément concret visant à démontrer que, en dépit des considérations contenues aux points 118 à 129 ci-dessus, la seule absence de prise en compte des critères utilisés dans le cadre du MSU aurait empêché le CRU d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents aux fins du calcul des contributions ex ante, en violation des exigences du principe de bonne administration rappelées au point 315 ci-dessus.

362    Dans ces conditions, il convient d’écarter la quatrième branche du quatrième moyen comme manifestement non fondée, ainsi que ce moyen dans son ensemble.

3.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014

363    Les requérantes soutiennent que, en fixant le niveau cible annuel à un montant de 8,3 milliards d’euros, qui correspond à un huitième de 1,15 % des dépôts couverts en 2018, le CRU a violé l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 lu conjointement avec l’article 69, paragraphes 1 et 2, de ce même règlement.

364    Il découlerait de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 que le montant global des contributions annuelles ne doit en aucun cas s’élever à plus de 12,5 % du niveau cible final (ci-après le « plafond de 12,5 % »). Dans le cas d’un niveau cible final pronostiqué de 65,3 milliards d’euros, comme c’est le cas en l’espèce, le CRU n’aurait donc pas pu percevoir en 2019 plus de 8,2 milliards d’euros.

365    Le CRU, soutenu par le Parlement et le Conseil, excipe de l’irrecevabilité du cinquième moyen au motif que son inclusion, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation méconnaît l’article 86 du règlement de procédure, puisque toutes les données sur lesquelles il s’appuie étaient déjà connues des requérantes ou publiquement connues au moment où les requérantes ont présenté la requête.

366    Le CRU, le Parlement, la Commission et le Conseil contestent également le bien-fondé du présent moyen.

367    À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 229 à 241 de son arrêt du 9 avril 2025, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑336/20, EU:T:2025:383). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

a)      Sur la recevabilité

368    Conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne doivent pas dépasser annuellement 12,5 % du niveau cible final. Afin de pouvoir vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté, il a été nécessaire aux requérantes de disposer des éléments d’information sur le montant du niveau cible final. Or, aucun considérant de la décision du 16 avril 2019 ne contenait une telle information. De même, le CRU n’a soumis au Tribunal aucun élément qui démontrerait que cette information ressortait d’éléments publiquement accessibles avant le dépôt de la requête. En revanche, la décision attaquée a exposé, pour la première fois, à son considérant 74, le montant du niveau cible final estimé en 2019, en précisant que ce montant s’élevait à 65,3 milliards d’euros (ci-après le « niveau cible final pronostiqué »).

369    Ce n’est donc que sur la base de ce nouvel élément, à savoir le montant du niveau cible final pronostiqué, qui figurait pour la première fois dans la décision attaquée, que les requérantes ont pu vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté et faire valoir une méconnaissance de la disposition mentionnée au point 368 ci-dessus.

370    Eu égard à ce qui précède, en application de l’article 86 du règlement de procédure, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le présent grief n’étaient pas connus des requérantes lors de l’introduction de la requête, de sorte que ce grief doit être considéré comme étant recevable.

b)      Sur le fond

371    Il ressort du point 48 de l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), que, lorsque le CRU calcule les contributions ex ante pour une période de contribution donnée, il est tenu de s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final pronostiqué. Il ressort également du point 38 de cet arrêt que ce plafond de 12,5 % est applicable pendant la période initiale.

372    À l’appui de son argumentation visant à démontrer que le plafond de 12,5 % a été respecté pendant la période de contribution 2019, le CRU soutient que le montant qui devrait être pris en compte aux fins de cette vérification n’est pas celui du niveau cible annuel, mais celui qui résulte de l’ajustement de ce niveau cible et qui correspond ainsi à la somme des contributions ex ante effectivement dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Comme cette dernière somme s’élèverait à 7,81 milliards d’euros, elle représenterait 11,9 % du niveau cible final pronostiqué, de sorte que le plafond de 12,5 % ne serait pas dépassé.

373    À cet égard, premièrement, il ressort du libellé de l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 que, « [c]haque année », le CRU calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les « contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants » ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final. Selon le quatrième alinéa de cette disposition, le « cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants » ne dépasse pas « annuellement » 12,5 % du niveau cible final.

374    Il convient ainsi de constater que la notion de « contributions dues » au sens de l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014, se réfère au montant des contributions que les établissements sont effectivement tenus de verser. De même, la notion de « cumul des contributions de l’ensemble des établissements » au sens du quatrième alinéa de cette disposition renvoie à la somme des contributions ex ante individuelles dont chaque établissement est effectivement redevable.

375    Deuxièmement, s’agissant du contexte dans lequel l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 a été adopté, il ressort du document interinstitutionnel 8078/1/14 REV 1, du 27 mars 2014, qui fait partie des travaux préparatoires de ce règlement, que, au cours de la procédure législative, le Conseil avait proposé de plafonner annuellement les contributions « dues » par tous les établissements à 10 % du niveau cible final. De même, tout en s’accordant à porter ce plafond à 12,5 %, le Parlement et le Conseil ont maintenu que son respect devrait être vérifié au regard des contributions « dues » par l’ensemble des établissements. Il en ressort que, au cours de la procédure législative ayant abouti à l’adoption dudit règlement, il avait été envisagé de plafonner le montant des contributions ex ante devant être effectivement payées.

376    Cette interprétation est confirmée par le contexte normatif dans lequel s’inscrit l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014. En effet, cette disposition est immédiatement suivie par l’article 70, paragraphe 3, de ce règlement, qui a également comme point de référence le montant des contributions ex ante effectivement dues. Cet article prévoit ainsi que la part des engagements de paiement irrévocables pouvant être accordée aux établissements ne dépasse pas 30 % du montant total des « contributions perçues », étant ainsi entendu que le calcul de ces engagements est fait sur la base du montant des contributions ex ante que les établissements sont effectivement tenus de verser.

377    Troisièmement, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 avait pour objectif de plafonner, pour chaque année considérée individuellement, le montant des contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 54].

378    Eu égard à ce qui précède, l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 doit être interprété en ce sens que le respect du plafond de 12,5 % doit être vérifié au regard du montant des contributions ex ante effectivement dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

379    En l’espèce, il convient de constater que, même si, selon le considérant 75 de la décision attaquée, le montant du niveau cible annuel était de 8 313 090 248 euros, la somme des contributions ex ante effectivement dues par lesdits établissements, pour la période de contribution 2019, était de 7 819 302 878 euros. Ce montant ressort de la première page de l’annexe II de la décision attaquée, dont il découle également que ce dernier montant prend en compte tant la « déduction des contributions 2015 » que les « ajustements pour les retraitements et révisions en conformité avec l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 ».

380    Dans ces conditions, il convient de constater que la décision attaquée a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui ne dépasse pas le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué en 2019, tel que cela est prévu par l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.

381    Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

4.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation des limitations imposées au recours aux EPI

382    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en raison du caractère lacunaire des explications concernant la fixation du niveau du recours aux EPI à 15 % de leur contribution ex ante pour 2019, ainsi que la nature des garanties acceptables en contrepartie.

383    Le CRU conteste cette argumentation.

384    À titre liminaire, il convient de rappeler que les contributions ex ante peuvent être payées soit par le biais d’un versement immédiat en espèces, soit par le biais d’un EPI conformément à l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014. Dans le cas de l’utilisation d’un EPI, l’établissement conclut avec le CRU un accord, par lequel il prend l’engagement de payer le montant correspondant, en tant que partie de la contribution ex ante, à la première demande.

385    En outre, il y a lieu de rappeler que l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 prévoit que les moyens financiers disponibles à prendre en compte pour atteindre le niveau cible final peuvent inclure des EPI entièrement garantis par des actifs à faible risque non grevés de droits de tiers, réservés à l’utilisation exclusive du CRU, étant précisé que la part des EPI ne peut dépasser 30 % du montant total des contributions ex ante chaque année. Une telle possibilité est également prévue à l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59.

386    Selon l’article 13, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de préciser, dans la décision portant sur les contributions ex ante au titre d’une période de contribution donnée, la part des EPI que chaque établissement peut utiliser, le CRU n’acceptant les garanties que si le type de celles-ci et les conditions dont elles sont assorties permettent leur libération rapide, y compris dans le cas où une décision de procéder à une résolution est prise pendant un week-end.

387    Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que, aux considérants 180 à 190 de la décision attaquée, le CRU a exposé les raisons qui l’ont conduit à déterminer le niveau du recours aux EPI à 15 % du montant individuel de la contribution ex ante dû au titre de la période de contribution 2019 et à limiter les garanties présentées au titre des EPI aux seules espèces.

388    Ainsi, s’agissant, d’une part, de la fixation du niveau des EPI, le CRU a souligné, au considérant 183 de la décision attaquée, qu’il existait un risque que l’utilisation plus large des EPI entraîne une limitation de la liquidité et de la capacité opérationnelle du FRU. Au considérant 184 de cette décision, le CRU a indiqué que, compte tenu de ce risque, il avait pris en considération la situation économique pendant la période de contribution 2019. À cet égard, il a considéré qu’il régnait un climat d’incertitude dans les États membres participants qui était lié aux tensions croissantes sur les politiques commerciales, à la persistance des négociations sur le Brexit, à l’état de l’économie américaine ainsi qu’aux doutes quant à la qualité et à la viabilité des finances publiques.

389    Ensuite, au considérant 185 de la décision attaquée, le CRU a mis en avant le fait que les transferts de fonds qui suivraient tout recours aux EPI pourraient avoir des effets procycliques sur la position des établissements ayant eu recours à ceux-ci. À cet égard, le CRU a observé qu’une utilisation accrue des EPI constituait un risque pour la stabilité financière puisque, en cas de résolution, le montant total des EPI devant être appelés pouvait devoir être enregistré comme une perte dans le compte de résultat des établissements concernés.

390    Compte tenu de ces explications, les requérantes étaient ainsi en mesure de comprendre les raisons qui ont conduit le CRU à limiter le niveau du recours aux EPI à 15 % du montant individuel de la contribution ex ante dû pour la période de contribution 2019.

391    En ce qui concerne, d’autre part, le type des garanties pouvant être acceptées pour les EPI, le CRU a relevé, au considérant 187 de la décision attaquée, que l’acceptation d’une garantie autre qu’en espèces au stade de la constitution progressive du FRU posait plusieurs risques. Parmi ceux-ci figuraient notamment, premièrement, la réduction de la disponibilité des moyens financiers en période de fermeture ou de tensions sur les marchés financiers et d’illiquidité, deuxièmement, les défis opérationnels supplémentaires, tels que la libération rapide de la garantie, troisièmement, l’introduction de risques de marché et de contrepartie, quatrièmement, les fluctuations potentielles de la valeur de la garantie et, cinquièmement, l’exposition éventuelle des établissements à des appels de marge en fonction de l’évolution de la valeur de leur garantie. En outre, le CRU a observé, au considérant 188 de la décision attaquée, que les coûts potentiels du service de garantie pouvaient s’avérer prohibitifs pour les petits établissements.

392    Le CRU a ainsi estimé, au considérant 189 de la décision attaquée, que, compte tenu du fait que la période de contribution 2019 arrivait à un stade précoce de la période initiale et au regard des moyens financiers limités disponibles au sein du FRU, seules des garanties en espèces pouvaient être acceptées, ces dernières étant les seuls qui permettaient d’éviter la concrétisation des risques identifiés au considérant 187 de cette décision.

393    Or, au regard de telles explications, les requérantes étaient en mesure de comprendre les raisons qui ont conduit le CRU à n’accepter que des espèces en tant que garantie pour les EPI.

394    Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

5.      Sur les septième et huitième moyens, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur de droit résultant des limitations imposées au recours aux EPI

395    Par le septième moyen, les requérantes soutiennent que le CRU a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’il a apprécié le niveau de recours aux EPI et les garanties à accepter en contrepartie.

396    Par le huitième moyen, les requérantes soutiennent que le CRU a violé l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 et l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59 lorsqu’il a fixé le niveau du recours aux EPI et les garanties à accepter en contrepartie.

397    Le CRU conteste cette argumentation.

398    Sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité des présents moyens soulevés pour la première fois dans le mémoire en adaptation, il y a lieu de relever que l’argumentation soulevée à leur appui est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 324 à 363 de son arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU (T‑383/21, EU:T:2023:845). Par conséquent, ladite argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

399    Il résulte des dispositions mentionnées aux points 373 à 375 ci-dessus que la somme de l’ensemble des EPI autorisés ne doit pas dépasser la limite maximale de 30 % du total des contributions ex ante pour toute la période de contribution donnée. Ce dernier plafond fixé par le législateur de l’Union vise, ainsi que le relève à juste titre le CRU, à ne pas mettre en péril la liquidité et la capacité opérationnelle du FRU.

400    Ainsi, il appartient au CRU de fixer la part précise des EPI accordés à un établissement qui en fait la demande tout en veillant à ce que le plafond maximal mentionné au point 388 ci-dessus concernant la somme de l’ensemble des EPI autorisés ne soit pas dépassé. En outre, si les dispositions mentionnées aux points 373 à 375 ne contiennent pas de précisions s’agissant de la nature des garanties à accepter, il n’en reste pas moins que le CRU ne peut accepter des EPI que si ceux-ci sont garantis par des actifs à faible risque non grevés de droits de tiers et si les conditions dont elles sont assorties permettent leur libération rapide.

401    La détermination de la part précise des EPI accordée à un établissement qui en fait la demande et de la nature des garanties acceptables implique ainsi des évaluations complexes d’ordre économique et technique, de sorte que le CRU dispose d’un pouvoir d’appréciation à cette fin. Par conséquent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé au CRU n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celui-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir.

402    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes.

403    En premier lieu, s’agissant de la limitation du recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante, les requérantes considèrent qu’une telle limitation est contraire à l’esprit, au contexte et aux objectifs de l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, en ce que le CRU n’aurait pas cherché à offrir pleinement aux établissements la possibilité d’utiliser des EPI au-delà de ce seuil de 15 %.

404    À cet égard, comme déjà indiqué au point 373 ci-dessus, l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 précise que la part des EPI ne peut pas dépasser le seuil de 30 % du montant total de l’ensemble des contributions ex ante versées chaque année. En revanche, cette disposition ne prévoit pas que le CRU doit fixer la part des EPI à 30 % du total des obligations de paiement de l’établissement qui en fait la demande.

405    En outre, la détermination, par le CRU, de la part des EPI accordée aux établissements qui en font la demande doit être fondée sur une appréciation concrète de la situation desdits établissements et de celle du FRU, tout en veillant à ce que le recours aux EPI ne compromette en aucune manière la capacité financière ou la liquidité du FRU (voir point 399 ci-dessus).

406    Or, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 184 de la décision attaquée, le CRU a décidé de ne pas fixer la part des EPI à un niveau supérieur à 15 % sur la base d’un examen concret de toutes les circonstances qu’il a considérées pertinentes, notamment de celles liées aux tensions croissantes sur les politiques commerciales, à la persistance des négociations sur le Brexit, à l’état de l’économie américaine et aux doutes quant à la qualité et à la viabilité des finances publiques, ainsi que des conséquences sur le long terme qu’aurait un appel d’un montant plus élevé des EPI sur la situation des établissements.

407    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient soutenir que la limitation du recours aux EPI à 15 % du total des obligations de paiement de l’établissement qui en fait la demande serait contraire à l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014.

408    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent, s’agissant de l’exigence imposée par le CRU que les garanties des EPI doivent être constituées d’espèces, que ni l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59 ni l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 ne laissent à la discrétion du CRU le choix de définir le type de garantie que les établissements peuvent fournir. Le CRU irait donc au-delà des prescriptions légales encadrant ses compétences en imposant, par principe et de manière quasi réglementaire, un tel type de garantie.

409    À cet égard, ainsi qu’il a été constaté au point 401 ci-dessus, il ressort des dispositions citées aux points 373 à 375 ci-dessus que le CRU dispose d’un pouvoir d’appréciation concernant les modalités de recours aux EPI et la nature des garanties à accepter en contrepartie de ces derniers.

410    Certes, ce pouvoir est encadré par l’exigence selon laquelle ces garanties doivent être des actifs à faible risque non grevés de droits de tiers réservés à l’utilisation exclusive du CRU qui ne compromettent en aucune manière la capacité financière ou la liquidité du FRU.

411    Cependant, les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément susceptible de démontrer quels autres types d’actifs présenteraient des garanties comparables aux espèces concernant ces conditions.

412    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient soutenir que le CRU a méconnu l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 en définissant le type de garantie que les établissements devaient fournir au titre des EPI.

413    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que le CRU a commis des erreurs manifestes d’appréciation s’agissant des risques de liquidité et de procyclicité qu’engendrerait un recours aux EPI au-delà de 15 % des contributions ex ante. En effet, contrairement à l’appréciation du CRU, le recours aux EPI aurait été prévu pour atténuer les effets procycliques que les contributions ex ante pourraient entraîner en raison de leur montant.

414    À cet égard, il est vrai que, si le CRU fixe la part des EPI de chaque établissement qui en fait la demande à un niveau supérieur à 15 % du total de ses obligations de paiement, ce niveau peut présenter un allègement à court terme pour les établissements en cause, comme le soutiennent les requérantes, en ce qu’il réduit la part de leurs contributions ex ante devant être versées immédiatement en espèces.

415    Cependant, ainsi que le relève en substance le CRU, un niveau supérieur à 15 % risque d’avoir des effets procycliques sur la position des établissements à long terme. En effet, lorsqu’une mesure de résolution fait intervenir le FRU conformément à l’article 76 du règlement no 806/2014, tout ou partie des EPI sont appelés par le CRU afin que les sommes correspondantes soient versées au FRU. Il en découle que, dans une telle situation, les établissements ayant recours aux EPI doivent mobiliser ces derniers et verser les sommes correspondantes, ce qui entraîne un risque de pertes importantes pour eux, lequel serait encore plus important si la part des EPI était fixée à un niveau élevé.

416    Il en va d’autant plus ainsi que la décision attaquée concerne une période marquée par l’incertitude économique, comme en témoignent les tensions croissantes sur les politiques commerciales, la persistance des négociations sur le Brexit, l’état de l’économie américaine ainsi que les doutes quant à la qualité et à la viabilité des finances publiques (voir point 406 ci-dessus). Dans ce contexte, les effets provoqués par un éventuel appel des EPI sur la position des établissements auraient pu être encore aggravés, ainsi que le relève en substance le CRU aux considérants 183 à 185 de la décision attaquée.

417    Dans ces conditions, le CRU pouvait estimer qu’un niveau plus élevé d’EPI pourrait avoir des effets procycliques sur le long terme pour les établissements en augmentant leurs pertes à la suite du paiement des sommes correspondant aux EPI dans le cadre d’une éventuelle mesure de résolution.

418    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que l’existence d’un risque de liquidité à l’égard du FRU est contestable, dans la mesure où les garanties acceptées en contrepartie des EPI sont exclusivement constituées en espèces. À cet égard, le modèle d’accord concernant les EPI prévoirait un mécanisme assurant la bonne liquidité du FRU, puisqu’il stipulerait, d’une part, la possibilité pour le CRU de saisir, à bref délai, des espèces correspondant aux EPI fournies à titre de garantie et, d’autre part, la pleine propriété du CRU de ces espèces ainsi que la possibilité pour ce dernier d’en disposer librement en cas de non-paiement par l’établissement concerné.

419    Cette argumentation des requérantes doit être comprise en ce sens que ces dernières soutiennent que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a limité la part des EPI à 15 % du montant des contributions ex ante, alors que les garanties acceptées sont constituées exclusivement d’espèces et ne présentent donc pas de risque de liquidité au regard du modèle d’accord concernant les EPI.

420    Or, d’une part, bien qu’il soit constant que les garanties relatives aux EPI constituées exclusivement d’espèces sont des actifs à faible risque en raison de la possibilité de les liquider à bref délai, cette circonstance ne remet pas en cause les considérations énoncées aux points 415 à 417 ci-dessus, selon lesquelles le CRU pouvait estimer, dans les circonstances particulières marquant la période concernée et sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’un taux d’EPI supérieur à 15 % du montant des contributions ex ante pourrait avoir des effets procycliques sur le long terme pour les établissements.

421    D’autre part, les requérantes s’appuient à tort sur le modèle d’accord concernant les EPI pour soutenir que le CRU aurait dû autoriser une part des EPI plus élevée que 15 % au motif que ce modèle stipulerait que le CRU a la pleine propriété des espèces transférées, de sorte que ces espèces constituent des actifs à faible risque.

422    Certes, le modèle d’accord concernant les EPI prévoit, à son article 3.1, que, afin de garantir le paiement intégral et ponctuel des obligations garanties, l’établissement constitue une garantie en espèces en faveur du CRU et lui transfère la pleine propriété d’un montant en espèces égal au montant des EPI et, à son article 3.5, que le CRU a la pleine propriété des espèces transférées et qu’il a le droit de les utiliser librement, sous réserve de l’obligation de restituer le montant correspondant de la garantie en espèces en cas de paiement des obligations garanties à leur date d’échéance.

423    Pour autant, les articles 2, 5 et 6 du modèle d’accord concernant les EPI fixent une procédure par laquelle le CRU appelle le paiement de l’EPI ainsi que les conséquences pour l’établissement concerné.

424    Aux articles 2.1 et 2.2 du modèle d’accord concernant les EPI, il est prévu que le CRU envoie à l’établissement un avis demandant le paiement de l’EPI. L’article 5 du même modèle d’accord stipule que, dès la réception du paiement appelé, le CRU restitue un montant de garantie en espèces égal au montant du paiement appelé et versé. L’article 6 du modèle d’accord concernant les EPI stipule, notamment, que, en cas de non-paiement sur première demande par l’établissement, le CRU a le droit de confisquer la garantie en espèces pour acquit des obligations garanties et peut notamment, à ce titre, procéder à une compensation entre le montant des obligations garanties impayées et son obligation de rembourser la garantie en espèces.

425    Il ressort de l’analyse des stipulations du modèle d’accord concernant les EPI que, même si le CRU dispose de la pleine propriété des espèces qui garantissent les EPI, il ne peut mobiliser celles-ci, en faveur du FRU, qu’en suivant une procédure particulière.

426    Dans ces conditions, le CRU pouvait estimer que de tels EPI ne présentaient pas le même degré de garantie en ce qui concernait la capacité financière et la liquidité du FRU qu’un versement immédiat en espèces.

427    En cinquième lieu, si les requérantes font valoir que le CRU n’a pas évoqué la possibilité de recourir à d’autres types d’actifs que des espèces qui pourraient tout de même être considérés comme étant à faible risque et non grevés de droits de tiers, elles n’ont pas précisé quels autres types d’actifs présenteraient des garanties comparables aux espèces en ne compromettant pas la capacité financière ou la liquidité du FRU, de sorte que cet argument doit être écarté.

428    Dans ces conditions, les requérantes n’ont pas démontré que le CRU avait commis des erreurs manifestes d’appréciation ou une erreur de droit lorsqu’il avait limité le recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante dues au titre de la période de contribution 2019 et les garanties présentées au titre des EPI aux seules espèces.

429    Par conséquent, il convient d’écarter les septième et huitième moyens comme étant manifestement non fondés.

430    Aucun des moyens invoqués par les requérantes n’étant fondés, il convient de rejeter le deuxième chef de conclusions comme étant manifestement non fondé.

V.      Sur les dépens

431    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.

432    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement, le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

ordonne :

1)      Il n’y plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision SRB/ES/SRF/2019/10 du Conseil de résolution unique (CRU), du 16 avril 2019, sur le calcul des contributions ex ante pour 2019 au Fonds de résolution unique.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      BNP Paribas, agissant en son nom propre et venant aux droits de BNP Paribas Securities Services, et BNP Paribas Arbitrage supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU.

4)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 30 avril 2025.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


Table des matières


I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur le premier chef de conclusions

B. Sur les fins de non-recevoir soulevées à l’encontre des premier, deuxième et troisième moyens

C. Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, du règlement délégué 2015/63 et du règlement d’exécution 2015/81

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

a) Sur la première branche, tirée du caractère injustifié des critères de calcul de la contribution annuelle de base

1) Sur le premier grief de la première branche, tiré du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base

2) Sur le second grief de la première branche, tiré de l’absence de prise en compte des engagements éligibles lors du calcul de la contribution annuelle de base

b) Sur la deuxième branche, tirée du caractère inapproprié des critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque

1) Sur le premier grief de la deuxième branche, tiré de l’absence de prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement

2) Sur le deuxième grief de la deuxième branche, tiré de l’incohérence liée à l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU

3) Sur le troisième grief, tiré du poids réduit du multiplicateur d’ajustement lors du calcul des contributions ex ante

c) Sur la troisième branche, tirée d’une inégalité de traitement des établissements selon leur taille

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

a) Sur la première branche, tirée de l’impossibilité de connaître à l’avance le niveau de la contribution ex ante

b) Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de prévisibilité quant à l’application de certains indicateurs de risque

1) Sur le premier grief de la deuxième branche, tiré de l’impossibilité d’anticiper la mise en œuvre de certains indicateurs de risque

2) Sur le second grief de la deuxième branche, tiré de l’incompatibilité de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014

c) Sur la troisième branche, tirée des modalités de détermination du « taux d’accroissement des dépôts couverts »

d) Sur la quatrième branche, tirée du caractère imprévisible des critères au regard desquels sont déterminés les indicateurs de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », ainsi que ceux faisant partie du pilier de risque IV

e) Sur la cinquième branche, tirée de l’absence de communication aux établissements des informations nécessaires pour comprendre le calcul des contributions ex ante en amont de l’adoption des décisions du CRU

D. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur la sixième branche du troisième moyen et la première branche du quatrième moyen, tirées d’un défaut de motivation de la décision attaquée

a) Observations liminaires

b) Sur la sixième branche du troisième moyen, tirée d’un défaut de motivation de la détermination du niveau cible annuel

c) Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une absence de motivation de l’absence d’application de certains indicateurs de risque

2. Sur les deuxième à quatrième branches du quatrième moyen, tirées d’une violation du principe de bonne administration

a) Sur la deuxième branche, tirée de l’absence d’application de certains indicateurs de risque

b) Sur la troisième branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu

c) Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU

3. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

4. Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation des limitations imposées au recours aux EPI

5. Sur les septième et huitième moyens, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur de droit résultant des limitations imposées au recours aux EPI

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.

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