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Document 62018CO0332(01)
Order of the Court (Seventh Chamber) of 17 May 2024.#Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) v Mytilinaios AE – Omilos Epicheiriseon.#Case C-332/18 P-DEP.
Beschluss des Gerichtshofs (Siebte Kammer) vom 17. Mai 2024.
Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) gegen Mytilinaios AE – Omilos Epicheiriseon.
Rechtssache C-332/18 P-DEP.
Beschluss des Gerichtshofs (Siebte Kammer) vom 17. Mai 2024.
Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) gegen Mytilinaios AE – Omilos Epicheiriseon.
Rechtssache C-332/18 P-DEP.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:422
ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
17 mai 2024 (*)
« Taxation des dépens »
Dans l’affaire C‑332/18 P‑DEP,
ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduite le 6 septembre 2023,
Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes E. Bourtzalas, E. Salaka, C. Synodinos et H. Tagaras, dikigoroi,
partie requérante,
contre
Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon, établie à Marousi (Grèce), représentée par Mes D. Diakopoulos, N. Keramidas et N. Korogiannakis, dikigoroi,
partie défenderesse,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 La présente affaire a pour objet la taxation des dépens exposés par Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) dans le cadre de l’affaire C‑332/18 P.
2 Par un pourvoi introduit le 21 mai 2018, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (ci-après « Mytilinaios ») a demandé l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 mars 2018, Alouminion/Commission (T‑542/11 RENV, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:132), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2012/339/UE de la Commission, du 13 juillet 2011, concernant l’aide d’État SA.26117 – C 2/2010 (ex NN 62/2009) mise en œuvre par la Grèce en faveur d’Aluminium of Greece SA (JO 2012, L 166, p. 83).
3 Par l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065), la Cour a rejeté le pourvoi et a condamné Mytilinaios aux dépens.
4 Par un courrier du 17 mars 2020, DEI a demandé à Mytilinaios de lui verser la somme totale de 428 223,11 euros au titre des dépens qu’elle a exposés dans le cadre de toutes les affaires liées au recours en annulation que Mytilinaios a introduit devant le Tribunal le 6 octobre 2011.
5 Aucun accord n’étant intervenu entre Mytilinaios et DEI sur le montant des dépens récupérables, cette dernière a, en application de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduit la présente demande.
Les conclusions des parties
6 DEI demande à la Cour :
– de fixer à la somme de 169 311,10 euros le montant des dépens récupérables exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑332/18 P et
– de condamner Mytilinaios au paiement d’une somme de 8 000 euros au titre des frais d’avocat afférents à la présente procédure de taxation des dépens.
7 Mytilinaios demande à la Cour :
– de rejeter dans leur intégralité les honoraires relatifs aux collaborateurs dont l’identité n’est pas précisée ;
– de rejeter les honoraires qui ne se rapportent pas au présent litige et ceux liés à la régularisation des documents ;
– de fixer les honoraires nécessaires des conseillers de DEI à 35 000 euros, soit 175 heures de travail ;
– de rejeter les frais engagés par les avocats de DEI qui ne sont pas liés au déplacement de ces derniers à l’audience ;
– de rejeter les frais de deux des trois avocats pour leur voyage et leur hébergement à Luxembourg ainsi que les frais pour les billets de train en première classe ;
– de rejeter en totalité les frais de l’un des avocats pour son voyage à Luxembourg considéré comme non indispensable ou, en tout état de cause, rejeter les frais qui ne sont pas liés à son retour directement en Grèce, et
– à titre subsidiaire, de fixer les frais de déplacement à Luxembourg à 600 euros maximum.
Argumentation des parties
8 Au soutien de sa demande, DEI souligne que la somme de 169 311,10 euros qu’elle réclame dans le cadre de la présente demande de taxation des dépens correspond, d’une part, au montant des honoraires de ses avocats dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065), qui s’élèvent à 166 690,50 euros, et, d’autre part, au montant des frais que ceux-ci ont engagés dans cette affaire, qui s’élèvent à 2 620,60 euros. Ces derniers frais sont relatifs aux frais de déplacement engagés en vue des réunions avec ses représentants, pour un montant de 986,75 euros, et aux frais engagés pour la représentation à l’audience devant la Cour, pour un montant de 1 633,85 euros.
9 DEI présente, dans sa demande de taxation des dépens, un tableau détaillant le nombre d’heures effectuées par les différents collaborateurs qui ont assuré la défense de ses intérêts, l’objet du travail réalisé ainsi que le montant des honoraires et des frais correspondants. Elle fournit également en annexe les factures y afférentes.
10 DEI soutient, en premier lieu, que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065), soulevait des questions complexes.
11 Elle relève que, aux fins de parvenir à un règlement définitif de ce litige, quatre arrêts ont été nécessaires. Elle précise que cette affaire faisait suite à trois autres arrêts, à savoir l’arrêt du Tribunal du 8 octobre 2014, Alouminion/Commission (T‑542/11, EU:T:2014:859), l’arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados (C‑590/14 P, EU:C:2016:797), ainsi que l’arrêt attaqué. La difficulté de la cause serait, en outre, attestée par le fait que la solution à laquelle le Tribunal est parvenue dans l’arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission (T‑542/11 RENV, EU:T:2018:132), serait diamétralement opposée à celle de l’arrêt du 8 octobre 2014, Alouminion/Commission (T‑542/11, EU:T:2014:859).
12 DEI fait valoir, en deuxième lieu, que les intérêts économiques en jeu n’étaient pas négligeables, puisque l’aide d’État octroyée à Mytilinaios, sous la forme d’un tarif préférentiel de fourniture d’électricité, d’un montant de 17,4 millions d’euros, représentait 4,31 % des ventes d’électricité à haute tension réalisées par DEI au cours de l’année 2007. DEI expose que, si la Cour avait estimé que Mytilinaios pouvait continuer à bénéficier de ce tarif préférentiel, elle aurait subi une perte de recettes d’un montant équivalent sur une base annuelle. DEI ajoute que le groupe Mytilinaios exerçait également une activité sur le marché de la production et de la fourniture d’électricité au niveau de la vente au détail. Par conséquent, l’ordonnance de référé du 5 janvier 2007, du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes, Grèce), qui a suspendu les effets de la résiliation du contrat de fourniture d’électricité conclu entre DEI et Mytilinaios, parmi lesquels figurait la cessation de l’application du tarif préférentiel, ordonnance qui a donné lieu à l’affaire ayant conduit au prononcé de l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065), l’aurait, en substance, obligée à octroyer une aide d’État à l’un de ses concurrents directs.
13 DEI soutient, en troisième lieu, que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065), a nécessité l’intervention de deux avocats, assistés de deux collaborateurs. L’affaire a conduit à la rédaction d’un mémoire en réponse, d’un mémoire en duplique et d’une demande de tenue d’une audience, à laquelle il a d’ailleurs été fait droit. 598,9 heures de travail auraient été nécessaires pour effectuer une étude approfondie de la législation nationale pertinente, des mémoires déposés devant la Cour dans le cadre de ladite affaire, qui comporteraient environ 200 pages, ainsi que des arrêts prononcés par le Tribunal et la Cour dans chacune des affaires Τ-542/11, C‑590/14 P, et T‑542/11 RENV mais également des 20 mémoires et des 120 annexes déposés par les parties au litige dans ces dernières affaires.
14 DEI relève, en quatrième lieu, qu’il ressort des factures fournies à l’annexe de la présente demande que le taux horaire de ses avocats est compris entre 250 et 300 euros et qu’un taux horaire de 200 euros a été appliqué pour chacun des deux collaborateurs. Le taux horaire moyen de chaque avocat, indépendamment de son niveau d’expérience, qui s’élèverait à 278 euros, se situerait à un niveau nettement inférieur par rapport au nombre total d’heures et aux honoraires que la Cour a déjà considérés comme ayant été objectivement indispensables et appropriés. En effet, la Cour aurait, notamment dans l’ordonnance du 3 septembre 2020, United Parcel Service/Commission (C‑265/17 P‑DEP, EU:C:2020:655, point 51), relative à une affaire de droit de la concurrence, admis des taux horaires allant jusqu’à 600 euros et jugé qu’un montant de 200 000 euros de dépens pouvait être récupéré alors même que l’affaire en cause n’avait pas nécessité la tenue d’une audience devant la Cour.
15 Enfin, en cinquième et dernier lieu, DEI expose que le montant des honoraires facturés par ses conseillers pour la présente procédure de taxation des dépens s’élève à 8 000 euros. Ce montant serait justifié au regard de la longueur de la demande de taxation des dépens, qui fait 14 pages, du nombre important de pièces annexées ainsi que de la nécessité d’exposer de manière synthétique les preuves relatives à l’ampleur du travail et aux honoraires de ses conseillers.
16 En défense, Mytilinaios objecte que les montants réclamés par DEI sont excessifs. Partant, la Cour devrait limiter les dépens récupérables par cette dernière à ceux qui étaient effectivement indispensables.
17 En premier lieu, Mytilinaios relève que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065), portait sur une procédure de pourvoi qui, par sa nature, est limitée aux questions de droit et ne porte ni sur la constatation ni sur l’appréciation des faits du litige.
18 En deuxième lieu, Mytilinaios soutient que les trois moyens soulevés par DEI dans le cadre de cette affaire n’étaient pas particulièrement complexes, le premier d’entre eux consistant notamment en une demande de réexamen des raisonnements juridiques déjà invoqués et réfutés dans le cadre des affaires précédentes devant le Tribunal.
19 En troisième lieu, Mytilinaios soutient que l’affaire ne présentait pas d’enjeux financiers élevés. En effet, le montant de l’aide en cause, qui s’élevait à 17,4 millions d’euros, correspondant à la tarification de l’électricité appliquée à Alouminion tis Ellados pendant la période allant du mois de janvier 2007 au mois de mars 2008, ne représenterait environ que 0,33 % du chiffre d’affaires annuel de DEI pour l’année 2007. En outre, l’issue de cette affaire aurait été limitée non seulement dans le temps, en ce qu’elle ne concernait que la période durant laquelle l’ordonnance de référé en cause s’appliquait, mais aussi quant à ses conséquences économiques puisqu’aucun autre client de DEI n’avait conclu avec cette dernière de contrat similaire dont la légalité de la résiliation était remise en cause. Enfin, Mytilinaios souligne que, pendant cette période, les activités de la société Alouminion, aux droits de laquelle elle a succédé, portaient exclusivement sur la production d’aluminium et que cette société était une entité juridique distincte de Mytilinaios. La fusion d’Alouminion avec Mytilinaios n’a eu lieu qu’en 2017, ce qui aurait été dûment notifié à la Cour, afin de permettre à Mytilinaios de devenir partie au litige en lieu et place d’Alouminion. Partant, aucune aide directe n’aurait été versée à l’un des concurrents de DEI dans le cadre du présent litige.
20 En quatrième lieu, Mytilinaios fait valoir que les 600 heures environ de travail qui ont été facturées et dont DEI réclame le remboursement ne sauraient être considérées comme ayant été indispensables.
21 Selon elle, un tel nombre d’heures est manifestement excessif compte tenu de la taille de l’équipe de défense de DEI, du niveau d’expertise de ses membres et du fait qu’ils s’étaient déjà familiarisés, lors des procédures antérieures, avec les problématiques soulevées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065).
22 En effet, l’équipe de défense de DEI serait composée notamment de trois avocats hautement qualifiés, ayant un niveau d’expertise très élevé en matière d’aides d’État et de tarification de l’électricité en Grèce, lesquels collaboraient avec DEI depuis de nombreuses années et représenteraient celle-ci dans le cadre de plusieurs affaires portées devant le Tribunal ou la Cour ayant trait aux mêmes problématiques. Ces avocats ont été assistés des mêmes collaborateurs, membres du service juridique interne de DEI, ainsi que par des collaborateurs dont les noms et les qualifications ne seraient pas précisés et dont il ne pourrait être exclu qu’il s’agisse de personnes différentes selon les stades de la procédure.
23 Mytilinaios estime, de ce fait, que, même si le taux horaire de l’un des avocats spécialisés est particulièrement peu élevé au regard de son expertise, le nombre d’heures de travail qui auraient été nécessaires pour la rédaction d’un mémoire en réplique de 7 pages et d’une demande de tenue d’une audience de plaidoiries devant la Cour, à savoir 166,6 heures, est manifestement excessif.
24 En cinquième lieu, le montant des honoraires des conseillers de DEI serait trop élevé s’agissant des deux collaborateurs, dont l’identité et le niveau d’expertise n’ont d’ailleurs pas été précisés. En outre, DEI n’aurait pas fourni de preuves suffisantes du caractère raisonnable d’un tel taux horaire.
25 Mytilinaios rappelle également qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un manque de précision et de preuves doit être pris en compte dans l’appréciation des dépens qui s’avèrent indispensables à la procédure et qui peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. Or, en l’occurrence, les factures fournies par DEI à l’annexe de sa demande de taxation des dépens manqueraient de clarté, en ce qu’elles ne seraient pas signées, ne seraient pas toutes datées et contiendraient des incohérences, certaines d’entre elles portant prétendument sur le même travail.
26 En effet, tout d’abord, les honoraires facturés par la société d’avocats MSB Associates sprl pour la période allant du 9 au 24 mai 2023 se rapporteraient non pas au présent litige, mais à l’affaire T‑542/11 RENV. Ensuite, les factures émises par l’un des avocats ne contiendraient pas de descriptif détaillé des heures travaillées et le tableau fourni à cet égard par DEI dans sa demande de taxation des dépens ne serait pas un document original et ne pourrait dès lors pas être pris en considération. Enfin, la facture du 27 septembre 2019 ne préciserait pas le rôle des différents collaborateurs, notamment s’agissant de la régularisation du mémoire en duplique, lequel fait 7 pages, et qui aurait déjà été facturé par Me Tagaras le 19 février 2019. Ainsi, le montant total de 7 536 euros réclamé à cet égard ne saurait être considéré comme ayant été indispensable. La même conclusion s’imposerait s’agissant du montant de 17 379,47 euros réclamé au titre de la majoration d’honoraires dans la facture du 26 mars 2020 ainsi que des honoraires forfaitaires facturés par la société d’avocats MSB Associates, d’un montant de 8 000 euros, aux fins de la présente procédure de taxation des dépens.
27 En sixième et dernier lieu, Mytilinaios fait valoir que le montant de 986,75 euros dont DEI demande le remboursement au titre de ses frais de déplacement est lié non pas à la tenue de l’audience devant la Cour, mais à des réunions entre les avocats de DEI. Par conséquent, il ne saurait être considéré comme étant récupérable.
28 Quant au montant de 1 633,85 euros, correspondant aux frais engagés par les trois avocats de DEI pour se rendre à l’audience devant la Cour, Mytilinaios fait valoir que DEI ne préciserait pas, dans sa demande, les raisons pour lesquelles la présence de ces trois avocats était nécessaire. En tout état de cause, ces derniers auraient voyagé vers la même destination au moyen de vols et de taxis différents et l’un d’entre eux aurait effectué le voyage de retour depuis Luxembourg en passant par Metz, Grenoble, Lyon puis Athènes, sans que ces escales soient justifiées. Dès lors, ces frais devraient être réduits à un montant récupérable n’excédant pas 800 euros.
29 Par ailleurs, Mytilinaios ajoute que les précédents jurisprudentiels sur lesquels se fonde DEI ne sont pas pertinents. En effet, le pourvoi dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 3 septembre 2020, United Parcel Service/Commission, (C‑265/17 P‑DEP, EU:C:2020:655), qui soulevait des questions de droit inédites nécessitant une analyse approfondie, concernait une opération de concentration d’un montant initial de 5,2 milliards d’euros, de sorte que les intérêts économiques en jeu n’étaient pas comparables. De même, l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 10 décembre 2018, Nikolaou/Commission et BCE (T‑331/13 DEP, EU:T:2018:979), présentait des enjeux plus importants que la présente affaire, notamment parce qu’elle s’inscrivait dans un ensemble de douze affaires.
Appréciation de la Cour
30 Aux termes de l’article 144, sous b), du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».
31 Ainsi qu’il ressort du libellé de cette disposition, la rémunération d’un avocat relève des frais indispensables au sens de celle-ci. Il en découle également que les dépens récupérables sont limités, d’une part, aux frais exposés aux fins de la procédure devant la Cour et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P‑DEP, EU:C:2022:768, point 16 et jurisprudence citée).
32 Il convient de rappeler que, le droit de l’Union ne prévoyant pas de dispositions de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, la Cour est libre d’apprécier les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P‑DEP, EU:C:2022:768, point 19 et jurisprudence citée).
33 En outre, la Cour, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P‑DEP, EU:C:2022:768, point 20 et jurisprudence citée).
34 C’est à la lumière de ces éléments qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.
35 En ce qui concerne, en premier lieu, l’objet et la nature du litige, il convient de relever qu’il s’agissait d’une procédure de pourvoi qui, par sa nature même, est limitée aux questions de droit et n’a pas pour objet, hormis le cas de la dénaturation, la constatation ou l’appréciation des faits du litige.
36 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’importance du litige appréciée sous l’angle du droit de l’Union et les difficultés de la cause, il convient de relever que Mytilinaios a invoqué trois moyens à l’appui de son pourvoi. Le premier moyen comportait trois branches, relatives à l’appréciation, par le Tribunal, respectivement de l’existence d’un avantage, de la sélectivité de l’avantage ainsi que de l’incidence de la mesure en cause sur les échanges intracommunautaires et la concurrence. Le deuxième moyen était tiré d’une violation, par le Tribunal, de son obligation de motivation, en ce que, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un avantage, il a qualifié une série d’éléments factuels comme étant constants, alors qu’ils avaient été contestés par Mytilinaios, sans fournir une analyse approfondie à leur égard. Le troisième moyen était, quant à lui, tiré d’une violation des droits de la défense de Mytilinaios. Si de nombreux arguments ont été présentés par cette dernière dans le cadre de son pourvoi, il y a lieu de constater que ledit pourvoi a été rejeté par une chambre à trois juges, statuant sans le bénéfice de conclusions, sur la base de la jurisprudence existante de la Cour, et ne présentait donc pas de complexité particulière.
37 En ce qui concerne, en troisième lieu, les intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties, il convient de relever que le pourvoi revêtait une importance économique non négligeable pour DEI dès lors que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal avait rejeté le recours introduit par Mytilinaios tendant à l’annulation de la décision par laquelle la Commission avait décidé que cette dernière avait bénéficié d’une aide d’État d’un montant de 17,4 millions d’euros résultant de l’application, par DEI, d’un tarif préférentiel pour la fourniture d’électricité à haute tension durant la période en cause, à savoir du mois de janvier 2007 au mois de mars 2008, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
38 En ce qui concerne, en quatrième et dernier lieu, l’ampleur du travail requis pour la procédure de pourvoi, les parties sont en désaccord, d’une part, sur le nombre d’heures qui auraient été nécessaires aux conseillers de DEI pour la rédaction du mémoire en réponse, du mémoire en duplique, pour la préparation et la participation à l’audience devant la Cour, et, d’autre part, sur le taux horaire de la rémunération desdits conseillers.
39 Il ressort d’une lecture combinée de la demande de taxation des dépens et des annexes de celle-ci que la procédure de pourvoi a requis 598,9 heures de travail de la part des conseillers de DEI, lesquelles auraient été réparties, pour l’essentiel, sur trois tâches, à savoir, premièrement, l’analyse du pourvoi de Mytilinaios, de l’arrêt attaqué, de la jurisprudence citée et de la législation nationale pertinente aux fins de la rédaction du mémoire en réponse (284,5 heures), deuxièmement, la rédaction et la régularisation du mémoire en duplique ainsi que la rédaction d’une demande de tenue d’une audience devant la Cour (166,6 heures) et, troisièmement, la préparation et la participation à l’audience devant la Cour (147,8 heures). Ces trois tâches ont été effectuées par plusieurs avocats et collaborateurs pratiquant des taux horaires allant de 250 à 300 euros.
40 À cet égard, il importe de rappeler que, si, en principe, la rémunération d’un seul agent, conseil ou avocat est récupérable, il se peut que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de « frais indispensables » au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure (ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 38 et jurisprudence citée).
41 Il s’ensuit que, lors de la fixation du montant des dépens récupérables, il doit être tenu compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ledit travail a été réparti (ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 39 et jurisprudence citée).
42 Par ailleurs, si des taux horaires variant entre 250 et 300 euros en fonction de l’avocat concerné n’apparaissent pas manifestement excessifs au regard des circonstances de l’espèce, il y a lieu de rappeler que des avocats dont les prestations sont facturées à un tarif horaire moyen de plus de 200 euros doivent justifier d’une qualification et d’une expérience élevées et sont présumés traiter les affaires qui leur sont confiées avec efficacité et célérité. Partant, la prise en compte d’une rémunération d’un tel niveau doit avoir pour contrepartie une évaluation stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure concernée (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 38 et jurisprudence citée).
43 En outre, il convient de tenir compte du fait que, en l’espèce, les avocats de DEI ont représenté celle-ci au cours de la procédure dans le cadre des trois affaires qui ont précédé le pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt attaqué. Dès lors, ils disposaient déjà, au stade dudit pourvoi, d’une connaissance approfondie de l’affaire, ce qui était de nature à faciliter leur travail et à réduire le temps consacré à l’étude du pourvoi, à la rédaction des mémoires en réponse et en duplique ainsi qu’à la préparation de l’audience devant la Cour (voir, en ce sens, ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P–DEP, EU:C:2022:768, point 27 et jurisprudence citée).
44 Dans ces conditions, et compte tenu du fait que, ainsi qu’il a été constaté au point 36 de la présente ordonnance, le pourvoi ne présentait, en définitive, pas de complexité particulière, le nombre total d’heures effectuées par les conseillers de DEI, à savoir 598,9 heures facturées 166 690,50 euros, apparaissent largement excéder ce qui peut être considéré comme ayant été objectivement indispensable aux fins de la procédure de pourvoi.
45 Il est approprié de fixer, de manière équitable, à 37 700 euros le montant des dépens récupérables au titre de la rémunération des avocats de DEI dans la procédure de pourvoi.
46 S’agissant des débours autres que les honoraires d’avocat, DEI réclame une somme de 2 620,60 euros qui se compose, d’une part, d’un montant de 986,75 euros au titre des frais engagés en vue de réunions avec ses conseillers et, d’autre part, d’un montant de 1 633,85 euros au titre des frais de déplacement et de séjour à Luxembourg exposés par ses trois conseillers afin de participer à l’audience devant la Cour.
47 À cet égard, il convient de constater que les indications fournies par DEI ne permettent pas de déterminer le caractère indispensable de l’ensemble de ces frais. En effet, cette dernière n’explique pas dans quelle mesure certains frais autres que ceux engagés pour se rendre à l’audience de la Cour ont été indispensables aux fins de la procédure de pourvoi. En outre, au vu de la nature de l’affaire, la présence de trois avocats à l’audience ne saurait être considérée comme ayant été nécessaire aux fins de la défense des intérêts de DEI. Partant, il y a lieu de fixer, de manière forfaitaire, le montant des débours autres que les honoraires d’avocat à la somme de 800 euros.
48 S’agissant des dépens afférents à la présente procédure, il suffit de relever qu’une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé et se caractérise, en principe, par l’absence de toute difficulté (ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P–DEP, EU:C:2022:768, point 36). Partant, la somme de 8 000 euros réclamée par DEI au titre de la présente procédure apparaît largement disproportionnée et ne saurait être considérée comme représentant des frais objectivement indispensables dans leur intégralité pour assurer la défense de cette dernière.
49 Dans ces conditions, il est approprié de fixer à 1 500 euros le montant des dépens récupérables au titre de la présente procédure de taxation des dépens.
50 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par DEI auprès de Mytilinaios, y compris ceux afférents à la présente procédure de taxation, en fixant leur montant total à la somme de 40 000 euros.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :
Le montant total des dépens que Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon doit rembourser à Dimosia Epicherisi Ilektrismou AE (DEI), au titre de l’affaire C‑332/18 P, est fixé à la somme de 40 000 euros.
Signatures
* Langue de procédure : le grec.