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Document 61998TJ0211

Urteil des Gerichts erster Instanz (Zweite Kammer) vom 15. Juni 2000.
F gegen Kommission der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte - Vorläufige Dienstenthebung - Keine vorherige Anhörung - Anfechtungs- und Schadensersatzklage.
Rechtssache T-211/98.

Sammlung der Rechtsprechung – Öffentlicher Dienst 2000 I-A-00107; II-00471

Identificator ECLI: ECLI:EU:T:2000:153

61998A0211

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 15 juin 2000. - F contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Suspension - Absence d'audition préalable - Recours en annulation et en indemnité. - Affaire T-211/98.

Recueil de jurisprudence - fonction publique 2000 page IA-00107
page II-00471


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties


Dans l'affaire T-211/98,

F, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire, 2-4, rue Beck,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et J. Currall, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande en annulation de la décision du 16 décembre 1998 par laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination a suspendu le requérant de ses fonctions et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi par le requérant du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. Potocki et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 février 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Cadre réglementaire

1 Aux termes de l'article 88, premier à quatrième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»):

«En cas de faute grave alléguée à l'encontre d'un fonctionnaire par l'autorité investie du pouvoir de nomination, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, celle-ci peut immédiatement suspendre l'auteur de cette faute.

La décision prononçant la suspension du fonctionnaire doit préciser si l'intéressé conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de sa rémunération ou déterminer la quotité de la retenue qu'il subit et qui ne peut être supérieure à la moitié de son traitement de base.

La situation du fonctionnaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. Lorsqu'aucune décision n'est intervenue au bout de quatre mois, l'intéressé reçoit à nouveau l'intégralité de sa rémunération.

Lorsque l'intéressé n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que d'un avertissement par écrit, d'un blâme ou d'une suspension temporaire de l'avancement ou si, à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, il n'a pu être statué sur son cas, il a droit au remboursement des retenues opérées sur sa rémunération.»

Faits à l'origine du litige

2 Le requérant, fonctionnaire de grade A 3, est chef de l'unité «Sécurité extérieure» du bureau de sécurité de la Commission. Il est également chargé des fonctions d'adjoint du directeur dudit bureau.

3 Au cours de l'année 1998, l'unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) a mené une enquête en ce qui concerne les contrats conclus par l'Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO) et portant engagement de conseils et de personnel temporaire. Dans le cadre de cette enquête, l'UCLAF a constaté que l'épouse du requérant avait été engagée pour l'année 1994 par la société Perry Lux Informatic, contractante de la Commission et, dans un premier temps, mise à la disposition de l'ECHO.

4 L'UCLAF a ensuite cherché à déterminer dans quelles conditions ce contrat de travail avait été conclu et exécuté et a fait procéder, le 7 octobre 1998, à l'audition du requérant et de son épouse. Ces derniers ont précisé qu'à l'occasion d'une rencontre avec M. Claude Perry - qu'ils connaissaient à titre privé - l'épouse du requérant avait déclaré s'ennuyer à Bruxelles en l'absence d'occupation professionnelle. M. Perry lui aurait alors proposé un emploi dans sa société Perry Lux Informatic, pour accomplir, en qualité d'assistante technico-administrative, des travaux de nature juridique dans le domaine des actions humanitaires. La proposition ayant été acceptée, un contrat de travail fut signé pour une durée déterminée d'un an, du 1er janvier au 31 décembre 1994, avec une période d'essai de six mois. La rémunération mensuelle brute prévue était de 97 500 francs belges (BEF).

5 Quant à l'exécution du contrat, le requérant et son épouse ont précisé que cette dernière avait été, initialement, affectée dans une équipe travaillant, dans les bureaux bruxellois de la société Perry Lux Informatic, pour l'ECHO et dirigée par M. D. Après un certain laps de temps, l'épouse du requérant aurait cessé cette activité et, son employeur ne lui confiant aucune autre tâche, elle aurait mis fin au contrat au terme de la période d'essai, soit le 30 juin 1994.

6 Le 8 octobre 1998, les enquêteurs de l'UCLAF ont entendu M. D. Celui-ci a indiqué que l'épouse du requérant lui avait été «imposée» par M. Perry alors qu'il était en train de former son équipe de travail qui devait constituer la cellule budgétaire externe relevant de l'ECHO. Selon M. D., l'épouse du requérant avait travaillé pendant les deux premières semaines de janvier 1994 au sein de cette équipe mais ne s'y était pas bien intégrée. Par conséquent, il aurait informé M. Perry qu'il ne voulait plus travailler avec elle, ce à quoi ce dernier ne se serait pas opposé.

7 Après réception du compte rendu de l'entretien du 7 octobre 1998 avec les enquêteurs de l'UCLAF, le requérant a fait part de ses observations par note du 3 novembre 1998, adressée au directeur de l'UCLAF.

8 Le 4 décembre 1998, l'UCLAF a présenté son rapport, dont la conclusion est rédigée en ces termes:

«3.1 En définitive, il est établi que:

- [l'épouse du requérant] a participé aux travaux de la cellule budgétaire externe relevant d'ECHO dans le cadre de l'un des contrats litigieux sous enquête selon référence en objet pendant deux semaines au début de l'année 1994,

- [l'épouse du requérant] a été rémunérée pour un montant mensuel brut de 97 500 BEF par la société Perry Lux [Informatic] jusqu'au terme de la période d'essai de six mois prévue dans le contrat.

[...]

3.2 Les conditions de mise à disposition de [l'épouse du requérant] par la société Perry Lux Informatic auprès des services de la Commission pourraient faire l'objet d'un examen pour apprécier, en ce qui concerne [le requérant], le respect de ses obligations professionnelles personnelles, en référence aux diverses dispositions applicables du statut.»

9 Ce rapport d'enquête a été communiqué à M. Steffen Smidt, directeur général de la direction générale du personnel et de l'administration de la Commission.

10 Par lettre du 16 décembre 1998, ledit directeur général a informé le requérant que, au vu des éléments transmis par l'UCLAF, il avait décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire contre lui. Cette lettre indique:

«Les griefs qui vous sont reprochés à ce stade portent sur la violation de vos obligations statutaires, notamment vos devoirs d'indépendance et de loyauté et votre devoir de vous abstenir de tout acte qui puisse porter atteinte à la dignité des fonctions, tels qu'établis par les articles 11 à 14 du statut.

En raison de la nature des allégations portées à votre encontre, j'ai décidé de vous suspendre de vos fonctions et d'opérer, pendant la durée de cette suspension, une retenue sur votre salaire de base égale à la moitié de celui-ci, conformément à l'article 88, [deuxième] alinéa, du statut.»

11 En annexe à cette lettre était jointe la décision du 16 décembre 1998 portant suspension du requérant de ses fonctions (ci-après la «décision litigieuse»), signée par M. Smidt, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»).

12 La décision litigieuse est ainsi libellée:

«Le directeur général du personnel et de l'administration

vu [le statut] et notamment l'article 88, premier alinéa;

vu la décision de la Commission du 21 janvier 1998, relative à l'exercice des pouvoirs dévolus par [le statut] à [l'AIPN];

considérant que [le requérant] est fonctionnaire de grade A 3, affecté en tant que chef d'unité au bureau de sécurité à Bruxelles;

considérant que l'AIPN a décidé l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre [du requérant] en date du 16 décembre 1998;

considérant que, suite à une enquête menée par l'UCLAF, il est apparu que son épouse a bénéficié d'un contrat de travail avec la firme `Perry Lux Informatic', contractante [...] de la Commission;

considérant que [l'épouse du requérant] a travaillé pendant deux semaines au début de l'année 1994 mais qu'elle a été rémunérée jusqu'au terme de la période d'essai de six mois prévue dans le contrat;

considérant qu'il apparaît des éléments recueillis par l'UCLAF que [l'épouse du requérant] a pu bénéficier de ce contrat en raison des fonctions que [le requérant] remplissait au bureau de sécurité;

considérant que, en conséquence, il est reproché [au requérant] d'avoir commis des manquements à l'article 11, premier alinéa, du statut, qui établit que le fonctionnaire doit s'acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue l'intérêt des Communautés; à l'article 12, premier alinéa, du statut, qui dispose que le fonctionnaire doit s'abstenir de tout acte qui puisse porter atteinte à la dignité de la fonction; ainsi qu'à l'article 13 du statut qui dispose que lorsque le conjoint d'un fonctionnaire exerce, à titre professionnel, une activité lucrative, déclaration doit en être faite par le fonctionnaire à l'AIPN;

considérant qu'en raison de la gravité des allégations portées à son encontre il y a lieu d'éloigner temporairement [le requérant] du service et dès lors de le suspendre de ses fonctions et d'opérer, pendant la durée de la suspension, une retenue sur son salaire de base égale à la moitié de celui-ci, conformément à l'article 88, [deuxième] alinéa, du statut;

décide:

Article premier:

[Le requérant] est suspendu de ses fonctions.

Il est opéré une retenue sur sa rémunération égale à la moitié du traitement de base.

Article 2:

Cette décision est prise avec effet immédiat.»

Procédure

13 Le 24 décembre 1998, le requérant a introduit une réclamation contre la décision litigieuse en application de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

14 Le même jour, conformément à l'article 91, paragraphe 4, du statut, le requérant a saisi le Tribunal du présent recours.

15 Par acte séparé, il a également introduit une demande en référé tendant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision litigieuse.

16 Par ordonnance du président du Tribunal du 10 février 1999 (T-211/98 R, RecFP p. I-A-15 et II-57 ), cette demande a été rejetée.

17 Par ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999 [C-65/99 P(R), Rec. p. I-1857], le pourvoi que le requérant avait introduit contre l'ordonnance du président du Tribunal a été rejeté.

Conclusions des parties

18 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision litigieuse;

- condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la décision litigieuse, ceux-ci étant évalués, à titre provisoire, à 70 000 euros;

- condamner la défenderesse aux dépens.

19 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions en annulation

20 À l'appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque cinq moyens tirés de la violation, premièrement, de l'article 88 du statut et de l'obligation de motivation, deuxièmement, du principe de proportionnalité, troisièmement, des droits de la défense, quatrièmement, du principe de non-discrimination et, cinquièmement, de l'intérêt du service et du principe de bonne administration.

21 Il convient d'examiner tout d'abord le troisième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense.

Arguments des parties

22 Le requérant fait valoir que ses droits de la défense ont été méconnus à double titre, en premier lieu, parce qu'il n'a pas reçu communication du rapport de l'UCLAF avant la notification de la décision litigieuse et, en second lieu, parce que l'AIPN n'a pas procédé à son audition avant l'adoption de ladite décision.

23 La Commission se réfère à l'ordonnance du président du Tribunal du 10 février 1999, précitée (point 34), dont il ressortirait qu'il n'y avait pas lieu d'entendre préalablement le requérant, ni de lui soumettre le rapport de l'UCLAF. Elle fait remarquer que c'est seulement au cas où elle envisage d'infliger une sanction disciplinaire à un fonctionnaire qu'elle doit l'entendre au préalable.

24 Or, une décision de suspension ne constituerait pas une telle sanction (arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T-219/96, RecFP p. I-A-429 et II-1235, point 29), de même que le rapport de l'UCLAF ne constituerait pas un acte d'accusation disciplinaire.

25 Lors de l'audience, la Commission a encore soutenu que, vu le caractère provisoire d'une décision de suspension et le fait que celle-ci doit être adoptée en urgence, il ne peut être exigé de l'AIPN qu'elle procède à l'audition d'un fonctionnaire avant l'adoption d'une éventuelle décision portant suspension de l'intéressé.

Appréciation du Tribunal

26 Il convient d'examiner d'abord la seconde branche du moyen, par laquelle le requérant soutient que l'AIPN aurait dû l'entendre avant l'adoption de la décision litigieuse.

27 Il est exact, ainsi que le fait valoir la Commission, que le statut ne prévoit pas que l'AIPN doit entendre le fonctionnaire avant l'adoption d'une décision de suspension en application de l'article 88 dudit statut. C'est en effet seulement dans le cas où l'AIPN envisage de prononcer une sanction disciplinaire en vertu de l'article 87, premier ou second alinéa, du statut qu'il est prévu expressément que l'intéressé doit être préalablement entendu.

28 Toutefois, le silence du statut sur ce point n'implique pas pour autant que l'AIPN puisse en toute circonstance adopter une décision portant suspension d'un fonctionnaire sans l'entendre préalablement. En effet, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être observé même en l'absence d'une disposition expresse prévue à cette fin par la réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêts du Tribunal du 6 mai 1997, Quijano/Commission, T-169/95, RecFP p. I-A-91 et II-273, point 44, et du 10 juillet 1997, Gaspari/Parlement, T-36/96, RecFP p. I-A-201 et II-595, point 32).

29 Ce principe, qui répond aux exigences d'une bonne administration, veut que toute personne à l'encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder ladite décision (arrêt du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission, T-450/93, Rec. p. II-1177, point 42, confirmé par arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, en particulier point 21, et arrêt Gaspari/Parlement, précité, point 33).

30 Or, une décision de suspension d'un fonctionnaire prise en vertu de l'article 88 du statut constitue un acte faisant grief (arrêt de la Cour du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 149, 169; arrêt du Tribunal du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T-203/95, RecFP p. I-A-83 et II-443, point 33).

31 En effet, une décision de suspension, même si elle ne présente qu'un caractère provisoire, repose nécessairement sur une allégation, à l'encontre du fonctionnaire concerné, d'une faute grave au sens de l'article 88, premier alinéa, du statut et peut entraîner des conséquences importantes pour l'intéressé, sur le plan tant professionnel que personnel.

32 Il s'ensuit que, tout en tenant compte de l'urgence qu'il y a normalement à adopter une décision de suspension en présence d'une allégation de faute grave - raison pour laquelle l'AIPN peut procéder immédiatement à une suspension -, une telle décision doit être adoptée dans le respect des droits de la défense. En conséquence, sauf circonstances particulières dûment établies, une décision de suspension ne peut être adoptée qu'après que le fonctionnaire a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge et sur lesquels l'AIPN envisage de fonder cette décision.

33 La Commission fait observer qu'une audition du fonctionnaire concerné est expressément prévue dans le cadre de la procédure disciplinaire par l'article 87, premier et second alinéas, du statut, alors qu'elle ne l'est pas dans l'article 88 dudit statut. Il s'en déduirait que, implicitement mais clairement, une telle audition ne s'impose pas dans le cadre de la procédure de suspension. Toutefois, l'obligation de procéder à l'audition du fonctionnaire avant de décider sa suspension est fondée sur le respect des droits de la défense. Dès lors, un simple raisonnement a contrario, tiré de la comparaison de ces deux textes, ne saurait suffire à priver d'effet ce principe fondamental du droit communautaire.

34 En outre, s'il est vrai que l'article 88, premier alinéa, du statut prévoit que l'AIPN peut immédiatement suspendre le fonctionnaire en présence d'une allégation de faute grave, cette possibilité d'agir «immédiatement» n'est pas nécessairement inconciliable avec l'audition préalable du fonctionnaire concerné sur les éléments qui conduisent l'AIPN à envisager la suspension de celui-ci. En effet, ce n'est que dans des circonstances particulières qu'il pourrait s'avérer impossible en pratique, ou incompatible avec l'intérêt du service, de procéder à une audition avant l'adoption d'une décision de suspension. Dans de telles circonstances, les exigences découlant du principe de respect des droits de la défense pourraient être satisfaites par une audition du fonctionnaire concerné dans les plus brefs délais après la décision de suspension. À cet égard, il convient de relever que, lors de l'audience, la Commission elle-même a admis qu'il n'est pas exclu que, à l'occasion de l'audition du fonctionnaire, l'AIPN modifie son avis quant à la nécessité d'une suspension.

35 En l'espèce, il est constant que l'AIPN a adopté la décision litigieuse sans avoir préalablement mis le requérant en mesure de faire connaître son point de vue sur les éléments retenus à sa charge. En effet, ce n'est que le 12 janvier 1999, à savoir quatre semaines après l'adoption de la décision litigieuse, que l'AIPN a procédé à l'audition du requérant, d'ailleurs dans le cadre de la procédure disciplinaire alors ouverte. En outre, ainsi que la Commission l'a elle-même admis, l'audition du requérant par les agents de l'UCLAF, le 7 octobre 1998, lors de l'enquête effectuée par cette unité relativement aux contrats conclus par l'ECHO, ne saurait valoir comme une audition réalisée par l'AIPN dans le cadre de l'exercice de son pouvoir administratif d'apprécier les faits ainsi constatés par l'UCLAF et d'en tirer, le cas échéant, la conséquence d'une suspension de l'intéressé.

36 Par ailleurs, la Commission ne s'est prévalue d'aucune circonstance particulière établissant que l'AIPN avait été dans l'impossibilité, en pratique, de convoquer et d'entendre le requérant avant l'adoption de la décision litigieuse, ou établissant qu'une audition préalable aurait été incompatible avec l'intérêt du service. À cet égard, il convient de relever qu'il s'est écoulé douze jours entre la remise du rapport de l'UCLAF, le 4 décembre 1998, et l'adoption de la décision litigieuse, le 16 décembre 1998.

37 Dans ces conditions, la décision litigieuse est intervenue en violation des droits de la défense du requérant.

38 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'accueillir le troisième moyen, en sa seconde branche, et d'annuler, en conséquence, la décision litigieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens et arguments invoqués par le requérant.

Sur les conclusions en indemnité

39 Dans sa requête, le requérant fait valoir que la décision litigieuse entraîne pour lui un préjudice matériel et moral, dont il demande réparation. Lors de l'audience, il s'est désisté de cette demande en ce qu'elle vise la réparation du préjudice matériel. Le Tribunal en a pris acte.

40 En ce qui concerne le préjudice moral, le requérant insiste sur les conséquences désastreuses de la décision litigieuse sur sa réputation professionnelle. Le préjudice en cause résulterait également du fait que sa famille aurait été très affectée et traumatisée à cause de sa suspension.

41 Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'annulation d'un acte de l'administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi dans le cas d'espèce (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 26; arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443, point 71).

42 En l'espèce, il n'y a pas de raison de ne pas faire application de cette jurisprudence.

43 Dès lors, les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

44 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

45 En l'espèce, la Commission a succombé pour l'essentiel. En conséquence, il y a lieu, au vu des conclusions du requérant, de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(deuxième chambre)

déclare et arrête:

1) La décision du 16 décembre 1998, par laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination a suspendu le requérant de ses fonctions, est annulée.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) La Commission est condamnée aux dépens.

Sus