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Document 62018CO0709

Domstolens kendelse (Syvende Afdeling) af 28. maj 2020.
Straffesag mod UL og VM.
Anmodning om præjudiciel afgørelse indgivet af Špecializovaný trestný súd.
Præjudiciel forelæggelse – artikel 53, stk. 2, og artikel 99 i Domstolens procesreglement – direktiv (EU) 2016/343 – artikel 3 og 4 – Den Europæiske Unions charter om grundlæggende rettigheder – artikel 47 og 48 – offentlige henvisninger om skyld – national domstol – accept ved kendelse af den ene af to medtiltaltes erklæring om skyld i lovovertrædelser, der er anført i anklageskriftet – bedømmelse af skylden hos den anden medtiltalte, der har erklæret sig ikke-skyldig – domfældelse ved den samme domstol, der har accepteret erklæringen om skyld.
Sag C-709/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:411

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

28 mai 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive (UE) 2016/343 – Articles 3 et 4 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 47 et 48 – Références publiques à la culpabilité – Juridiction nationale – Acceptation par voie d’ordonnance du plaider coupable de l’un de deux coprévenus pour les infractions indiquées dans l’acte d’accusation – Examen de la culpabilité du second coprévenu  ayant plaidé non coupable – Condamnation par la même juridiction ayant accepté le plaider coupable  »

Dans l’affaire C‑709/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisées, République slovaque), par décision du 17 septembre 2018, parvenue à la Cour le 14 novembre 2018, dans la procédure pénale contre

UL,

VM,

en présence de :

Úrad špeciálnej prokuratúry Generálnej prokuratúry Slovenskej republiky,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et A. Kumin, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour VM, par Mes M. Para et M. Mandzák, advokáti,

–        pour le gouvernement slovaque, par M. M. Kianička, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. R. Troosters et A. Tokár, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 et 4 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1), lus en combinaison avec le considérant 16 de celle-ci, ainsi que de l’article 47, deuxième alinéa, et de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre UL et VM au sujet d’infractions présumées, commises en réunion, d’escroquerie et de contrefaçon, d’altération et de fabrication illicite de monnaie et de valeurs mobilières aggravées.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La Charte

3        L’article 48 de la Charte, intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », dispose :

« 1.      Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

2.      Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. »

 La directive 2016/343

4        Aux termes des considérants 16 et 48 de la directive 2016/343 :

« (16)      La présomption d’innocence serait violée si des déclarations publiques faites par des autorités publiques, ou des décisions judiciaires autres que des décisions statuant sur la culpabilité, présentaient un suspect ou une personne poursuivie comme étant coupable, aussi longtemps que la culpabilité de cette personne n’a pas été légalement établie. De telles déclarations et décisions judiciaires ne devraient pas refléter le sentiment que cette personne est coupable. Ceci devrait s’entendre sans préjudice des actes de poursuite qui visent à établir la culpabilité du suspect ou de la personne poursuivie, tels que l’acte d’accusation, et sans préjudice des décisions judiciaires à la suite desquelles une condamnation avec sursis devient exécutoire, pour autant que les droits de la défense soient respectés. Ceci devrait s’entendre également sans préjudice des décisions préliminaires de nature procédurale, qui sont prises par des autorités judiciaires ou d’autres autorités compétentes et qui se fondent sur des soupçons ou des éléments de preuve à charge, telles que les décisions de détention provisoire, pourvu que ces décisions ne présentent pas le suspect ou la personne poursuivie comme étant coupable. Avant de prendre une décision préliminaire de nature procédurale, l’autorité compétente pourrait être d’abord tenue de vérifier qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve à charge à l’égard du suspect ou de la personne poursuivie pour justifier ladite décision, et celle-ci pourrait contenir une référence à ces éléments.

[...]

(48)      La présente directive établissant des règles minimales, les États membres devraient pouvoir étendre les droits définis dans celle-ci afin d’offrir un niveau plus élevé de protection. Le niveau de protection offert par les États membres ne devrait jamais être inférieur aux normes prévues par la [Charte] et la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950], telles qu’elles sont interprétées par la Cour de justice et par la Cour européenne des droits de l’homme. »

5        L’article 3 de cette directive, intitulé « Présomption d’innocence », prévoit :

« Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. »

6        L’article 4 de ladite directive, intitulé « Références publiques à la culpabilité », dispose :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les déclarations publiques des autorités publiques, ainsi que les décisions judiciaires, autres que celles statuant sur la culpabilité, ne présentent pas un suspect ou une personne poursuivie comme étant coupable aussi longtemps que sa culpabilité n’a pas été légalement établie. Cette disposition s’entend sans préjudice des actes de poursuite qui visent à prouver la culpabilité du suspect ou de la personne poursuivie et sans préjudice des décisions préliminaires de nature procédurale qui sont prises par des autorités judiciaires ou par d’autres autorités compétentes et qui sont fondées sur des soupçons ou sur des éléments de preuve à charge.

2.      Les États membres veillent à ce que des mesures appropriées soient prévues en cas de manquement à l’obligation fixée au paragraphe 1 du présent article de ne pas présenter les suspects ou les personnes poursuivies comme étant coupables, conformément à la présente directive et, notamment, à son article 10.

[...] »

 Le droit slovaque

7        L’article 2, paragraphe 4, du Trestného poriadku každý (code de procédure pénale) prévoit que toute personne qui fait l’objet d’une procédure pénale est présumée innocente tant que la juridiction ne prononce pas un arrêt de condamnation définitif.

8        L’article 18, paragraphe 1, du code de procédure pénale dispose que toutes les infractions d’un même prévenu ainsi que tous les prévenus dont les infractions présentent un rapport peuvent faire l’objet d’une procédure unique si cela n’empêche manifestement pas de mener l’affaire à son terme dans un délai raisonnable.

9        Conformément à l’article 257, paragraphe 1, sous a) et b), dudit code, après avoir lu l’acte d’accusation, le président de la formation de jugement informe le prévenu de son droit de déclarer qu’il est innocent, ou qu’il est coupable des faits ou de certains faits qui lui sont reprochés dans l’acte d’accusation.

10      L’article 257, paragraphe 7, du code de procédure pénale prévoit que, après que le prévenu a plaidé coupable, la juridiction saisie se prononce par voie d’ordonnance sur le point de savoir si elle accepte ou non le plaider coupable.

11      L’article 325, paragraphe 1, de ce code dispose que, si le juge d’appel décide de renvoyer l’affaire aux fins d’un nouvel examen et d’une nouvelle décision par la juridiction de première instance, il peut ordonner, en même temps, que cette affaire soit examinée et tranchée par une autre composition de la chambre.

12      Conformément à l’article 22, paragraphe 1, sous b), du zákon č. 757/2004 Z.z. o súdoch (loi n° 757/2004 sur les tribunaux), le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) publie les décisions de justice d’une importance fondamentale et adopte également des positions sur l’uniformisation de l’interprétation des lois et des autres dispositions légales d’application générale. À cette fin, la chambre plénière de cette juridiction ou le collège compétent de celle-ci prend position sur l’uniformisation de l’interprétation des lois et des autres dispositions légales d’application générale, si cela est nécessaire afin d’écarter les incohérences dans la jurisprudence ou lorsqu’une chambre de ladite juridiction s’est écartée de l’opinion juridique figurant dans la décision d’une autre chambre de la même juridiction.

 L’affaire au principal et les questions préjudicielles

13      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, dans le cadre de la procédure au principal, UL et VM sont poursuivis pour avoir commis, en réunion, les infractions d’escroquerie et de contrefaçon, d’altération et de fabrication illicite de monnaie et de valeurs mobilières aggravées.

14      L’affaire pénale en cause a été attribuée, aux fins de la procédure et d’une décision, aux juges de la chambre « 1T » du Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée, République slovaque). Au cours de l’audience de plaidoiries tenue le 22 janvier 2015, UL et VM ont été informés de leurs droits en tant que prévenus ainsi que de la possibilité de plaider coupable en application de l’article 257, paragraphe 1, du code de procédure pénale. UL a déclaré être coupable, alors que VM a déclaré être innocent.

15      Par ordonnance du même jour, cette juridiction a accepté le plaider coupable d’UL concernant les faits mentionnés dans l’acte d’accusation, en application de l’article 257, paragraphe 7, du code de procédure pénale.

16      Ladite juridiction a poursuivi l’audience de plaidoiries en procédant, notamment, à l’administration contradictoire de la preuve portant sur le point de savoir si VM avait participé à ces faits, dans quelle mesure et sous quelle forme. Cette même juridiction a, en outre, administré les preuves nécessaires afin de statuer sur la culpabilité de VM et sur la peine qu’il encourt ainsi que sur la peine, l’indemnisation du préjudice et les mesures de sûreté concernant UL.

17      Par jugement du 26 octobre 2015, la chambre « 1T » du Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée) a condamné UL à une peine privative de liberté de 14 ans et VM à une peine privative de liberté de 14 ans et 8 mois, assortie de mesures de sûreté, pour les infractions énoncées dans l’acte d’accusation, commises en réunion, tout en requalifiant, dans le cas de VM, l’infraction continue d’escroquerie aggravée en « infraction continue d’escroquerie ».

18      UL et VM ont interjeté appel de ce jugement devant le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), UL contestant la peine prononcée et VM contestant le verdict de culpabilité, la peine et les mesures de sûreté prononcées ainsi que l’indemnisation accordée.

19      Par ordonnance du 28 septembre 2017, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a annulé dans sa totalité la décision du Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée), au motif que, en mentionnant à plusieurs reprises le prénom et le patronyme de VM lors de la description des faits dans l’ordonnance acceptant le plaider coupable d’UL, cette dernière juridiction a préjugé de la culpabilité de VM avant de procéder à l’administration de la preuve concernant celui-ci et avant de le condamner définitivement. Estimant que la chambre « 1T » de cette dernière juridiction avait ainsi fait naître des doutes sérieux quant à son impartialité et quant au respect de la présomption d’innocence dans le chef de VM, il a renvoyé l’affaire devant cette même juridiction, tout en ordonnant que cette affaire soit réexaminée et tranchée par une autre formation de jugement.

20      Le 23 octobre 2017, le président du Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée) a attribué l’affaire à la chambre « 2T ».

21      Cette chambre « 2T » a relevé que l’interprétation de la présomption d’innocence retenue dans l’ordonnance du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), du 28 septembre 2017, n’était pas compatible avec l’interprétation figurant dans une position d’uniformisation que cette juridiction avait formulée antérieurement. En effet, dans une position d’uniformisation adoptée le 5 avril 2017, ladite juridiction aurait jugé que, dans la mesure où la décision acceptant le plaider coupable d’un coprévenu sans qu’il soit procédé à l’administration de la preuve entraîne des effets seulement à l’égard du coprévenu ayant plaidé coupable, la circonstance qu’une telle décision mentionne la participation d’un autre coprévenu à l’infraction reprochée dans le dispositif ou la motivation ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence.

22      C’est dans ces conditions que le Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La présomption d’innocence, prévue à l’article 3 et à l’article 4, lus en combinaison avec le considérant 16, de la directive [2016/343], est-elle respectée si le coprévenu, dans le cadre d’une procédure unique, sur la base de l’acte d’accusation et après l’ouverture de l’audience de plaidoiries devant la juridiction, conteste sa participation au(x) fait(s) mentionné(s) dans l’acte d’accusation en déclarant qu’il est innocent, et qu’ensuite la juridiction, par une ordonnance ne contenant pas une description des faits, ni leur qualification en droit ni son appréciation en droit, statue sur le [plaider coupable] de l’autre coprévenu relatif à un fait ou à certains faits mentionnés dans l’acte d’accusation, par lequel ce dernier renonce ainsi à son droit à l’administration de la preuve relative à sa culpabilité, et qu’ensuite, après l’administration de la preuve au cours de l’audience de plaidoiries, la juridiction statue sur l’acte d’accusation par un jugement unique ?

La décision de la juridiction statuant sur le [plaider coupable] d’un des coprévenus reconnaît-elle la culpabilité, avant que celle-ci soit établie par l’administration de la preuve, de l’autre coprévenu qui conteste sa culpabilité ? Une telle manière de procéder de la juridiction est-elle conforme à l’article 48 de la Charte ?

2)      La manière de procéder d’une juridiction dans une procédure unique relative à un acte d’accusation visant plusieurs coprévenus est-elle conforme à l’article 47 de la Charte, qui consacre le droit à un procès équitable et le droit de chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, si le juge légal, tout d’abord par une décision ne contenant pas une description des faits, ni leur qualification en droit ni son appréciation en droit, statue sur le [plaider coupable] des prévenus qui, par ce [plaider coupable] ont renoncé à leur droit à une administration contradictoire de la preuve relative à la culpabilité, et qu’ensuite, à la suite de l’administration de la preuve dans le cadre de l’audience de plaidoiries et sur la base de l’acte d’accusation, ce même juge légal statue sur la cause de l’ensemble des coprévenus ?

La décision statuant sur le [plaider coupable] fonde-t-elle un doute justifié quant à l’impartialité du juge qui a statué sur un tel [plaider coupable] d’un coprévenu et l’éventuelle exclusion de ce juge de la procédure pénale est-elle une mesure appropriée aux fins du respect de la présomption d’innocence, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive [2016/343] ?

3)      Les valeurs d’égalité et de l’État de droit, au sens de l’article 2 [TUE], le principe d’égalité des citoyens devant la justice, au sens de l’article 9 dudit traité, le principe général de l’Union garantissant le droit de chacun à voir sa cause entendue de manière équitable, au sens de l’article 6, paragraphe 3, du même traité sont-ils respectés si une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours statue en contradiction avec la position d’uniformisation qu’elle a adoptée sur la base d’une habilitation d’une loi interne visant à uniformiser l’interprétation des lois et d’autres dispositions légales d’application générale parce que cela était nécessaire aux fins d’éliminer les incohérences dans la jurisprudence et parce qu’une chambre du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) s’était écartée de l’opinion juridique d’une autre chambre du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) ? »

23      Par lettre du 24 septembre 2019, la Cour a invité la juridiction de renvoi à s’interroger sur les conséquences de l’arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence) (C‑377/18, EU:C:2019:670), au regard du maintien de sa demande de décision préjudicielle dans la présente affaire. Par lettre du 14 octobre 2019, la juridiction de renvoi a indiqué souhaiter maintenir sa demande de décision préjudicielle.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question et sur la première partie de la deuxième question

24      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

25      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent renvoi préjudiciel s’agissant de la première question et de la première partie de la deuxième question.

26      Par sa première question et par la première partie de sa deuxième question, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3 et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/343, lus en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, et l’article 48 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre deux personnes, une juridiction nationale accepte, d’abord, par voie d’ordonnance, le plaider coupable de la première personne pour des infractions mentionnées dans l’acte d’accusation prétendument commises en réunion avec la seconde personne n’ayant pas plaidé coupable et statue, ensuite, après une administration de la preuve se rapportant aux faits reprochés à cette seconde personne, sur la culpabilité de celle-ci.

27      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2016/343, il incombe aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, notamment, les décisions judiciaires, autres que celles statuant sur la culpabilité, ne présentent pas un suspect ou une personne poursuivie comme étant coupable aussi longtemps que sa culpabilité n’a pas été légalement établie. Il résulte du considérant 16 de cette directive que ledit article 4, paragraphe 1, première phrase, vise à garantir le respect de la présomption d’innocence. Dès lors, de telles décisions judiciaires ne devraient pas, selon ce considérant, refléter le sentiment que cette personne est coupable.

28      Une ordonnance, telle que celle en cause au principal, par laquelle une juridiction nationale accepte un plaider coupable d’un des coprévenus, relève de la catégorie des « décisions judiciaires, autres que celles statuant sur la culpabilité [de l’intéressé] » visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/343 [voir, par analogie, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, points 34 et 35].

29      En ce qui concerne les exigences découlant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/343, la Cour a déjà jugé que cette disposition ne s’oppose pas à ce qu’un accord passé avec le procureur par lequel un coprévenu reconnaît sa culpabilité, qui doit être approuvé par une juridiction nationale, fasse mention de la participation de personnes poursuivies, autres que celle qui a conclu cet accord et a ainsi reconnu sa culpabilité, mais qui seront jugées séparément et les identifie à condition, d’une part, que cette mention soit nécessaire pour la qualification de la responsabilité juridique de la personne qui a conclu ledit accord et, d’autre part, que ce même accord indique clairement que ces autres personnes sont poursuivies dans le cadre d’une procédure pénale distincte et que leur culpabilité n’a pas été légalement établie [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 45].

30      La Cour a précisé que, afin de contrôler le respect de la présomption d’innocence, il convient de toujours analyser une décision judiciaire et sa motivation dans son ensemble et à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci a été adoptée. Toute référence explicite, dans certains passages d’une décision judiciaire, à l’absence de culpabilité des coprévenus serait vidée de son sens si d’autres passages de cette décision étaient susceptibles d’être compris comme étant une expression prématurée de leur culpabilité [voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 46].

31      La jurisprudence, rappelée aux deux points précédents, s’applique mutatis mutandis à une décision judiciaire, telle que celle en cause au principal, rendue dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre deux personnes et par laquelle une juridiction nationale accepte le plaider coupable de la première personne pour des infractions mentionnées dans l’acte d’accusation prétendument commises en réunion avec la seconde personne n’ayant pas plaidé coupable, avant de procéder, de manière distincte, à l’administration de la preuve se rapportant aux faits reprochés à cette seconde personne et de statuer sur la culpabilité de celle-ci.

32      En l’occurrence, il ressort des indications figurant dans la demande de décision préjudicielle que la mention de VM, dans l’ordonnance du 22 janvier 2015, était nécessaire aux fins de l’acceptation du plaider coupable d’UL en ce qui concerne les infractions mentionnées dans l’acte d’accusation prétendument commises en réunion avec VM.

33      Toutefois, selon ces mêmes indications, si une ordonnance adoptée par une juridiction nationale acceptant le plaider coupable, telle que celle en cause au principal, ne contient pas elle-même une description des faits, ni leur qualification en droit ni l’appréciation en droit de cette juridiction, cette ordonnance statue néanmoins sur le plaider coupable relatif à un fait ou à certains faits mentionnés dans l’acte d’accusation, prétendument commis en réunion. Or, ainsi qu’il est également précisé dans la demande de décision préjudicielle, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a considéré, dans son ordonnance du 28 septembre 2017, que, dès lors que l’acte d’accusation auquel se référait l’ordonnance de la chambre « 1T » du Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée), acceptant le plaider coupable d’UL mentionnait à plusieurs reprises le prénom et le patronyme de VM, cette ordonnance a préjugé de la culpabilité de celui-ci avant que cette dernière juridiction n’ait procédé à l’administration de la preuve et avant que VM n’ait été définitivement condamné.

34      Il apparaît ainsi, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que l’ordonnance du 22 janvier 2015 par laquelle la chambre « 1T » a accepté le plaider coupable d’UL et/ou l’acte d’accusation auquel cette ordonnance se référait, n’indiquait pas clairement qu’il n’avait pas été procédé à l’administration de la preuve relative aux faits reprochés à VM, et que, de ce fait, sa culpabilité n’avait pas été légalement établie. Or, en l’absence d’une telle précision, cette ordonnance est susceptible de présenter VM comme étant coupable, alors que sa culpabilité n’a pas encore été légalement établie, en méconnaissance de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/343 [voir, par analogie, arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 48].

35      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question et à la première partie de la deuxième question que l’article 3 et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/343, lus en combinaison avec le considérant 16 de cette directive, ainsi que l’article 47, deuxième alinéa, et l’article 48 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre deux personnes, une juridiction nationale accepte, d’abord, par voie d’ordonnance, le plaider coupable de la première personne pour des infractions mentionnées dans l’acte d’accusation prétendument commises en réunion avec la seconde personne n’ayant pas plaidé coupable et statue, ensuite, après une administration de la preuve se rapportant aux faits reprochés à cette seconde personne, sur la culpabilité de celle-ci, à la condition, d’une part, que la mention de la seconde personne en tant que coauteur des infractions présumées soit nécessaire pour la qualification de la responsabilité juridique de la personne qui a plaidé coupable et, d’autre part, que cette même ordonnance et/ou l’acte d’accusation auquel celle-ci se réfère indiquent clairement que la culpabilité de cette seconde personne n’a pas été légalement établie et fera l’objet d’une administration de la preuve et d’un jugement distincts.

 Sur la seconde partie de la deuxième question et sur la troisième question

36      Conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque la Cour est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

37      Il convient de faire application de ladite disposition s’agissant de la seconde partie de la deuxième question et de la troisième question.

38      Par la seconde partie de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2016/343 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une ordonnance, par laquelle un juge national accepte une déclaration de culpabilité, ne respecte pas l’obligation visée audit article 4, paragraphe 1, l’éventuelle exclusion de ce juge de la procédure pénale est une mesure appropriée aux fins du respect de la présomption d’innocence. Par sa troisième question, elle demande, en substance, si les principes généraux du droit de l’Union visés à l’article 2, à l’article 6, paragraphe 3, et à l’article 9 TUE s’opposent à ce qu’une juridiction nationale statuant en dernière instance rende une décision en contradiction avec une position d’uniformisation qu’elle a adoptée auparavant sur le fondement d’une réglementation nationale visant à uniformiser l’interprétation des dispositions de droit national.

39      Il est de jurisprudence constante qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile auxdites questions (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, points 24 et 25 ; du 2 octobre 2018, Ministerio Fiscal, C‑207/16, EU:C:2018:788, point 45, ainsi que du 19 décembre 2019, Dobersberger, C‑16/18, EU:C:2019:1110, points 18 et 19).

40      En outre, il importe de rappeler que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national impose que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée avoir connaissance. Ces exigences sont, par ailleurs, rappelées dans les recommandations de la Cour à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1). Ainsi, conformément à l’article 94, sous c), du règlement de procédure, il est indispensable que la décision de renvoi elle-même contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 13 décembre 2018, Rittinger e.a., C‑492/17, EU:C:2018:1019, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

41      En l’occurrence, s’agissant de la seconde partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi a indiqué, dans sa demande de décision préjudicielle, que le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a annulé dans sa totalité le jugement pénal prononcé contre VM par la même formation qui avait accepté le plaider coupable d’UL et a renvoyé l’affaire au principal devant la juridiction de renvoi, tout en ordonnant que cette affaire soit réexaminée et tranchée par une autre formation de jugement. Dans ces conditions, la seconde partie de la deuxième question par laquelle cette dernière juridiction cherche à savoir si l’éventuelle exclusion du juge ayant accepté un plaider coupable en méconnaissance de l’obligation visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/343 constitue une mesure appropriée aux fins du respect de la présomption d’innocence paraît manifestement hypothétique.

42      S’agissant de la troisième question, si la juridiction de renvoi fait part de son appréciation selon laquelle le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a statué, dans l’affaire au principal, en contradiction avec une position d’uniformisation qu’il avait adoptée dans une décision antérieure, la juridiction de renvoi n’explique pas les raisons pour lesquelles elle considère que la décision adoptée par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) est incompatible avec les principes du droit de l’Union visés par la troisième question.

43      Par ailleurs, la juridiction de renvoi n’explique aucunement en quoi une réponse à la seconde partie de la deuxième question et à la troisième question pourrait avoir une incidence sur la décision qu’il lui appartient d’adopter à la suite du renvoi de l’affaire au principal devant elle.

44      Partant, il y a lieu de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la seconde partie de la deuxième question et la troisième question sont manifestement irrecevables.

 Sur les dépens

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 3 et l’article 4, paragraphe 1, de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, lus en combinaison avec le considérant 16 de cette directive, ainsi que l’article 47, deuxième alinéa, et l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre deux personnes, une juridiction nationale accepte, d’abord, par voie d’ordonnance le plaider coupable de la première personne pour des infractions mentionnées dans l’acte d’accusation prétendument commises en réunion avec la seconde personne n’ayant pas plaidé coupable et statue, ensuite, après une administration de la preuve se rapportant aux faits reprochés à cette seconde personne, sur la culpabilité de celle-ci, à la condition, d’une part, que la mention de la seconde personne en tant que coauteur des infractions présumées soit nécessaire pour la qualification de la responsabilité juridique de la personne qui a plaidé coupable et, d’autre part, que cette même ordonnance et/ou l’acte d’accusation auquel celle-ci se réfère indiquent clairement que la culpabilité de cette seconde personne n’a pas été légalement établie et fera l’objet d’une administration de la preuve et d’un jugement distincts.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovaque.

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