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Document 62023CO0763

    Domstolens kendelse (Niende Afdeling) af 25. juni 2024.
    Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Iaşi og Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Iaşi - Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Bacău - Activitatea de Inspecţie Fiscală mod S.C. Dragoram Tour S.R.L.
    Anmodning om præjudiciel afgørelse indgivet af Curtea de Apel Bacău.
    Sag C-763/23.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:591

    ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

    25 juin 2024 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 306 à 308 – Régime particulier des agences de voyages – Champ d’application – Opérations effectuées par des agences de voyages consistant en la revente, à un prix comprenant une majoration, de billets d’avion achetés auprès de tiers assujettis – Absence de prestation supplémentaire »

    Dans l’affaire C‑763/23,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău, Roumanie), par décision du 19 octobre 2023, parvenue à la Cour le 12 décembre 2023, dans la procédure

    Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Iaşi,

    Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Iaşi – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Bacău – Activitatea de Inspecţie Fiscală

    contre

    S. C. Dragoram Tour SRL,

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de Mme O. Spineanu‑Matei, présidente de chambre, M. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

    avocat général : Mme L. Medina,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 306, paragraphe 1, ainsi que des articles 307 et 308 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci‑après la « directive TVA »).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Iași (direction générale régionale des finances publiques de Iași, Roumanie) et la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Iași – Administrația Județeană a Finanțelor Publice Bacău – Activitatea de Inspecție fiscală (direction générale régionale des finances publiques de Iași – administration départementale des finances publiques de Bacău – unité de contrôle fiscal, Roumanie) (ci-après, ensemble, les « autorités fiscales ») à S. C. Dragoram Tour SRL (ci-après « Dragoram Tour ») au sujet de l’application à celle-ci du régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des agences de voyages.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

    3        Le titre XII de la directive TVA, consacré aux « Régimes particuliers », comprend un chapitre 3, intitulé « Régime particulier des agences de voyages », dans lequel figure l’article 306, qui dispose :

    « 1.      Les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis.

    Le présent régime particulier n’est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire et auxquelles s’applique, pour calculer la base d’imposition, l’article 79, premier alinéa, point c).

    2.      Aux fins du présent chapitre, les organisateurs de circuits touristiques sont considérés comme agences de voyages. »

    4        L’article 307 de cette directive prévoit :

    « Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l’article 306, par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’agence de voyages au voyageur.

    La prestation unique est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. »

    5        Aux termes de l’article 308 de ladite directive :

    « Pour la prestation de services unique fournie par l’agence de voyages, est considérée comme base d’imposition et comme prix hors TVA, au sens de l’article 226, point 8), la marge de l’agence de voyages, c’est‑à‑dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur. »

    6        L’article 309 de la même directive dispose :

    « Si les opérations pour lesquelles l’agence de voyages a recours à d’autres assujettis sont effectuées par ces derniers en dehors de la Communauté [européenne], la prestation de services de l’agence est assimilée à une activité d’intermédiaire exonérée en vertu de l’article 153.

    Si les opérations visées au premier alinéa sont effectuées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Communauté, seule doit être considérée comme exonérée la partie de la prestation de services de l’agence de voyages qui concerne les opérations effectuées en dehors de la Communauté. »

    7        La directive 2009/162/UE du Conseil, du 22 décembre 2009, modifiant diverses dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2010, L 10, p. 14), a inséré l’article 390 ter dans la directive TVA. Cet article énonce :

    « La Roumanie peut, dans les conditions qui existaient dans cet État membre à la date de son adhésion, continuer à exonérer les transports internationaux de personnes figurant à l’annexe X, partie B, point 10), aussi longtemps que la même exonération est appliquée dans l’un des États membres faisant partie de la Communauté au 31 décembre 2006. »

    8        L’annexe X de cette directive comprend une partie B, intitulée « Opérations que les États membres peuvent continuer à exonérer », qui prévoit, à son point 10 :

    « [L]e transport de personnes et le transport de biens, tels que les bagages et les voitures automobiles, accompagné des voyageurs, ou les prestations de services liées au transport de personnes, dans la mesure où le transport de ces personnes est exonéré. »

     Le droit roumain

     Le code des impôts

    9        L’article 271 de la Legea nr. 227/2015 privind Codul fiscal (loi no 227/2015, portant code des impôts), du 8 septembre 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 688 du 10 septembre 2015) (ci-après le « code des impôts »), intitulé « Prestation de services », prévoit, à son paragraphe 2 :

    « Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question. »

    10      L’article 294 du code des impôts, intitulé « Exonérations pour les exportations ou d’autres opérations similaires, pour les livraisons intracommunautaires et pour le transport international et intracommunautaire », dispose, à son paragraphe 1, sous g) :

    « 1.      Sont exonérés de la TVA :

    [...]

    g)      le transport international de personnes ».

    11      L’article 311 du code des impôts, intitulé « Régime particulier des agences de voyages », énonce :

    « 1.      Aux fins de l’application du présent article, on entend par “agence de voyages” toute personne qui, en son nom propre ou en tant qu’agent, fournit des informations ou s’engage à fournir des services de voyage à des personnes voyageant individuellement ou en groupe, ou sert d’intermédiaire pour de tels services, qui comprennent l’hébergement dans des hôtels, des maisons d’hôtes, des foyers, des maisons de vacances et d’autres lieux destinés à l’hébergement, le transport aérien, terrestre ou maritime, les excursions organisées et d’autres services touristiques. Les agences de voyages comprennent également les organisateurs de circuits touristiques.

    2.      Lorsqu’une agence de voyages agit en son nom propre au bénéfice direct du voyageur et utilise des livraisons de biens et des prestations de services effectuées par des tiers, l’ensemble des opérations effectuées par l’agence de voyages en relation avec le voyage est considéré comme une prestation de services unique de l’agence au voyageur.

    3.      Le lieu de la prestation de services unique visée au paragraphe 2 se situe en Roumanie, à condition que l’agence de voyages soit établie ou dispose d’un établissement stable en Roumanie et que le service soit fourni par l’intermédiaire de l’établissement situé en Roumanie.

    4.      La base d’imposition de la prestation de services unique visée au paragraphe 2 est constituée par la marge bénéficiaire, hors TVA, qui est calculée comme la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et les coûts de l’agence de voyages, TVA comprise, afférents aux livraisons de biens et aux prestations de services au bénéfice direct du voyageur, lorsque ces livraisons et prestations sont effectuées par d’autres assujettis.

    5.      Lorsque les livraisons de biens et les prestations de services au bénéfice direct du client sont effectuées en dehors de l’Union [européenne], la prestation de services unique de l’agence de voyages est considérée comme un service fourni par un intermédiaire et est exonérée de la TVA. Lorsque les livraisons de biens et les prestations de services au bénéfice direct du client sont effectuées tant à l’intérieur qu’en dehors de l’Union, seule doit être considérée comme exonérée de la TVA la partie de la prestation de services unique de l’agence de voyages afférente aux opérations effectuées en dehors de l’Union.

    6.      Sans préjudice de l’article 297, paragraphe 4, l’agence de voyages n’a pas le droit à déduction ou au remboursement de la TVA facturée par les assujettis pour les livraisons de biens et les prestations de services au bénéfice direct du voyageur et utilisées par l’agence de voyages pour la prestation de services unique visée au paragraphe 2.

    [...]

    9.      Le régime particulier prévu par le présent article ne s’applique pas aux agences de voyages qui agissent en tant qu’intermédiaire et auxquelles l’article 286, paragraphe 4, sous e), est applicable en ce qui concerne la base d’imposition.

    10.      L’agence de voyages peut également opter pour l’application du régime normal de la TVA aux opérations visées au paragraphe 2, sauf dans les cas suivants, où l’application du régime particulier de la TVA est obligatoire :

    a)      lorsque le voyageur est une personne physique ;

    b)      lorsque les services de voyage comprennent également des éléments pour lesquels le lieu de l’opération est réputé se situer en dehors de la Roumanie. 

    [...] »

     Les modalités d’application du code des impôts 

    12      Le point 85, paragraphe 6, de la Hotărârea Guvernului nr. 1/2016 pentru aprobarea Normelor metodologice de aplicare a Legii nr. 227/2015 privind Codul fiscal (décision du gouvernement no 1/2016, approuvant les modalités d’application de la loi no 227/2015 portant code des impôts, Monitorul Oficial al României, partie I, no 22 du 13 janvier 2016) (ci-après les « modalités d’application du code des impôts ») prévoit :

    « Les agences de voyages sont également tenues d’appliquer le régime particulier de la TVA prévu à l’article 311 du code des impôts lorsque la prestation de services unique comprend une seule prestation de services, sauf lorsque l’exception prévue au paragraphe 2 est applicable, et sauf lorsqu’elles optent, dans les limites de l’article 311, paragraphe 10, du code des impôts, pour le régime normal de la TVA. C’est en ce sens que la Cour a statué dans l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435). Toutefois, l’agence de voyages peut appliquer le régime normal de la TVA pour le transport de voyageurs, sauf lorsque le transport est vendu avec d’autres services touristiques. »

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    13      Dragoram Tour, une agence de voyage, est une société de droit roumain assujettie à la TVA. Dans le contexte de ses activités professionnelles, elle achète auprès de compagnies aériennes des billets d’avion pour des vols dont la destination se situe à l’intérieur de l’Union qu’elle revend ensuite à des personnes physiques en exonération de la TVA, sur le fondement de l’option pour le régime normal d’imposition de cette activité, prévue à l’article 311, paragraphe 10, sous a), du code des impôts et à l’article 85, point 6, des modalités d’application du code des impôts.

    14      Dragoram Tour a fait l’objet d’un contrôle fiscal portant sur la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2020, qui a donné lieu à un avis d’imposition par lequel un supplément de TVA d’un montant de 101 892 lei roumains (RON) (environ 20 500 euros) lui a été réclamé au titre de la TVA, calculé au taux de 19 % de la marge bénéficiaire réalisée sur la revente des billets d’avion. Les autorités fiscales ont considéré que la revente, à un prix comprenant une commission, de billets d’avion achetés auprès de tiers assujettis relevait du régime particulier des agences de voyages et que, par conséquent, Dragoram Tour ne bénéficiait pas du droit d’opter pour l’application du régime normal de la TVA.

    15      Dragoram Tour a introduit une réclamation contre l’avis d’imposition et le rapport de contrôle fiscal qui a été rejetée au motif que cette société n’avait pas la qualité d’intermédiaire. En outre, celle-ci percevrait non seulement la contrepartie du billet d’avion, mais également une commission. Il a été considéré que l’opération de commercialisation/vente de billets d’avion était soumise à la TVA selon le régime particulier obligatoire des agences de voyages. Il a également été considéré que Dragoram Tour n’avait pas elle-même la qualité de transporteur, de sorte qu’elle ne pouvait pas se prévaloir de l’exonération de TVA prévue pour cette profession.

    16      À la suite du rejet de sa réclamation, Dragoram Tour a saisi le Tribunalul Bacău (tribunal de grande instance de Bacău, Roumanie) d’un recours tendant à l’annulation de l’avis d’imposition, de la décision rendue sur la réclamation ainsi que du rapport de contrôle fiscal. Par jugement du 5 octobre 2021, la juridiction de première instance a accueilli ce recours en jugeant, en substance, que, dans le cas d’une prestation de services unique fournie par une agence de voyages, le régime particulier des agences de voyages, prévu à l’article 311 du code des impôts, était en principe applicable.

    17      Néanmoins, la juridiction de première instance a également constaté que le droit roumain prévoyait une exception à l’application de ce régime particulier, selon laquelle une agence de voyages peut choisir d’appliquer le régime normal de la TVA, à condition que le transport de voyageurs ne soit pas vendu avec d’autres services touristiques. Cette juridiction a considéré que Dragoram Tour remplissait cette condition et en a déduit que celle-ci avait correctement facturé les billets d’avion à ses clients et appliqué l’exonération de TVA prévue à l’article 294, paragraphe 1, sous g), du code des impôts. Dès lors, ladite juridiction a annulé dans son intégralité la décision rendue sur la réclamation fiscale et a partiellement annulé l’avis d’imposition ainsi que le rapport de contrôle fiscal en ce qui concerne la somme de 101 892 RON (environ 20 500 euros) au titre du supplément de TVA.

    18      Les autorités fiscales ont introduit un pourvoi contre ce jugement devant la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi. Elles ont essentiellement soutenu que la vente, par Dragoram Tour, de billets d’avion s’effectue conjointement avec la réalisation d’autres services touristiques, à savoir des services de réservation, d’assistance, de conseil et d’information des voyageurs, de gestion des réservations sur les plateformes appartenant aux fournisseurs de services de transport, ainsi que des services relatifs à l’élaboration de l’itinéraire de voyage sur la base des services fournis par les compagnies aériennes et des demandes du voyageur. Or, ces services auraient une incidence importante sur les prix des billets d’avion revendus par l’agence de voyage.

    19      Bien que les parties s’opposent en ce qui concerne le régime de la TVA applicable, la juridiction de renvoi précise qu’elles s’accordent sur le fait que le régime d’imposition pertinent est celui d’acheteur-revendeur et non pas celui d’intermédiaire, étant donné que la commercialisation des billets d’avion auprès des voyageurs est effectuée à un prix qui inclut une marge qui est ajoutée au coût effectif d’achat de ces billets.

    20      La juridiction de renvoi estime que, afin de trancher le litige dont elle est saisie, il convient d’établir si l’activité de revente de billets d’avion achetés auprès d’autres assujettis, Dragoram Tour ajoutant une marge au prix d’achat de ces billets, peut être considérée comme étant une prestation de services unique effectuée par celle-ci et si cette prestation est soumise au régime particulier de la TVA applicable aux agences de voyages, même si ladite prestation n’est pas accompagnée de services supplémentaires. Par ailleurs, la juridiction de renvoi estime qu’il convient de déterminer si le régime particulier prévu pour les agences de voyages est un régime obligatoire pour les États membres.

    21      Dans ces conditions, la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      L’article 306, paragraphe 1, et l’article 308 de la [directive TVA] s’opposent-ils à une législation nationale qui institue une exception à l’application du régime particulier de la TVA applicable aux agences de voyages en accordant à ces dernières, dans le cas du transport international de voyageurs, le droit d’opter entre l’application du régime particulier de la TVA et l’application du régime normal de la TVA (exonération avec droit à déduction), ainsi qu’il résulte de l’article 311, paragraphe 10, sous a), [du code des impôts] et du point 85, paragraphe 6, [des modalités d’application du code des impôts], au regard de l’article 294, paragraphe 1, sous g), et de l’article 271 [du code des impôts] ?

    2)      Une agence de voyages qui effectue des opérations consistant à revendre des billets d’avion achetés auprès de tiers assujettis à des personnes physiques pour un prix comprenant une marge réalise‑t‑elle des opérations relevant du régime particulier des agences de voyages prévu à l’article 306 de la [directive TVA], de sorte que la base d’imposition peut être déterminée par référence à la marge de l’agence de voyages au sens des articles 307 et 308 de cette directive, bien que ces opérations ne soient pas accompagnées de services supplémentaires ?

    3)      La prestation que l’agence de voyages fournit par la revente des billets d’avion achetés auprès de tiers, mais à laquelle elle ajoute une marge, peut-elle être considérée comme étant une prestation de services unique, dès lors qu’elle inclut automatiquement et intrinsèquement, outre la vente ou la revente des billets d’avion, des prestations qui sont spécifiques à une agence de voyages, comme les informations et conseils ? »

     Sur les questions préjudicielles

    22      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence.

    23      En l’occurrence, la Cour estime que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite des arrêts du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C‑74/91, EU:C:1992:409), du 19 décembre 2018, Alpenchalets Resorts (C‑552/17, EU:C:2018:1032), et du 29 juin 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (TVA – Agrégateur de services hôteliers) (C‑108/22, EU:C:2023:522). Il y a donc lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure dans la présente affaire.

    24      Étant donné que la question du caractère obligatoire du régime particulier de la TVA ne se pose que s’il est constaté que des prestations, telles que celles effectuées par Dragoram Tour en l’occurrence, relèvent de ce régime, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles, qu’il importe de traiter ensemble, avant d’examiner, le cas échéant, la première question.

     Sur les deuxième et troisième questions

    25      Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 306 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la prestation d’un assujetti qui consiste à acheter des billets d’avion auprès d’autres assujettis et à les revendre à des personnes physiques à un prix comprenant une commission relève du régime particulier de la TVA applicable aux agences de voyages, bien que cette prestation ne soit pas accompagnée de services supplémentaires, autres que les services d’information et de conseils.

    26      Il importe de rappeler que, aux termes de l’article 306, paragraphe 1, de la directive TVA, les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages, dans la mesure où celles-ci agissent en leur nom propre à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services acquises auprès de tiers assujettis.

    27      Ce régime particulier, institué aux articles 306 à 310 de cette directive, contient des règles propres à l’activité de ces agences, lesquelles dérogent au régime commun de la TVA. Dans ce contexte, la Cour a jugé que, en tant qu’exception au système commun de la directive TVA, ce régime particulier ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif [arrêt du 29 juin 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (TVA – Agrégateur de services hôteliers), C‑108/22, EU:C:2023:522, point 20 et jurisprudence citée].

    28      À ce titre, l’objectif essentiel des règles afférentes au régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages est d’éviter les difficultés qui découleraient pour les opérateurs économiques des principes généraux de la directive TVA relatifs aux opérations impliquant la fourniture de prestations acquises auprès de tiers. En effet, l’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition, la base d’imposition et la déduction de la taxe acquittée en amont se heurterait, en raison de la multiplicité et de la localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques pour ces entreprises, qui seraient de nature à entraver l’exercice de leur activité [arrêt du 29 juin 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (TVA – Agrégateur de services hôteliers), C‑108/22, EU:C:2023:522, point 21 ainsi que jurisprudence citée].

    29      S’agissant de la question de savoir si ce régime particulier s’applique dans le cas où une agence de voyages fournit à sa clientèle uniquement un service de transport qu’elle a acquis auprès de tiers assujettis accompagné d’informations et de conseil à cette clientèle, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que ledit régime s’applique à un opérateur économique qui propose à ses clients, contre le paiement d’un forfait, outre des prestations liées à la formation et à l’éducation linguistiques, fournies par ses propres moyens, des prestations acquises auprès d’autres assujettis, telles que le transfert vers l’État de destination et/ou le séjour dans celui-ci. L’incise « et/ou », figurant dans cette jurisprudence, démontre que l’une de ces prestations est en soi susceptible de suffire pour que ledit régime particulier s’applique (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Alpenchalets Resorts, C‑552/17, EU:C:2018:1032, point 28 et jurisprudence citée).

    30      De plus, la Cour a confirmé que, dès lors que la seule fourniture de logements de vacances par une agence de voyages suffit pour que le régime particulier prévu aux articles 306 à 310 de la directive TVA s’applique, l’importance d’autres livraisons de biens ou de prestations de services, accompagnant éventuellement cette fourniture de logements, ne saurait avoir d’incidence sur la qualification juridique de la situation en cause, à savoir que celle-ci relève du régime particulier des agences de voyages (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Alpenchalets Resorts, C‑552/17, EU:C:2018:1032, point 33).

    31      De même, la Cour a dit pour droit que l’article 306 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la prestation d’un assujetti, qui consiste à acheter des services d’hébergement auprès d’autres assujettis et à les revendre à d’autres opérateurs économiques, relève du régime particulier de la TVA applicable aux agences de voyages, bien que ces services ne soient pas accompagnés de services supplémentaires [arrêt du 29 juin 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (TVA – Agrégateur de services hôteliers), C‑108/22, EU:C:2023:522, point 30].

    32      En effet, l’exclusion du champ d’application de l’article 306 de la directive TVA des prestations fournies par une agence de voyages au seul motif qu’elles comprendraient uniquement la fourniture d’un logement conduirait à un régime fiscal complexe, dans lequel les règles applicables en matière de TVA dépendraient des éléments constitutifs des prestations offertes à chaque voyageur. Un tel régime fiscal méconnaîtrait les objectifs de cette directive [arrêt du 29 juin 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (TVA – Agrégateur de services hôteliers), C‑108/22, EU:C:2023:522, point 26 et jurisprudence citée].

    33      Il peut donc être clairement déduit de cette jurisprudence que la seule mise à disposition de services de transport de passagers, acquis auprès de tiers assujettis, par une agence de voyages à sa clientèle relève du champ d’application du régime particulier de la TVA des agences de voyages, indépendamment de la circonstance que cette mise à disposition ne soit pas accompagnée de services supplémentaires ou que l’agence fournisse également des services d’information et de conseils à sa clientèle.

    34      Dans ces conditions, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 306 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la prestation d’un assujetti qui consiste à acheter des billets d’avion auprès de tiers assujettis et à les revendre à des personnes physiques à un prix comprenant une commission relève du régime particulier de la TVA applicable aux agences de voyages, indépendamment du fait que cette prestation ne soit pas accompagnée de services supplémentaires, autres que les services d’information et de conseils.

     Sur la première question

    35      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 306, paragraphe 1, et l’article 308 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui instaure une exception à l’application du régime particulier de la TVA des agences de voyages en accordant à ces dernières un droit d’option pour appliquer le régime normal de la TVA dans le cas de transport international de personnes.

    36      D’emblée, il convient de souligner que, à la différence d’autres dispositions de la directive TVA, notamment les articles 281 et 296 de celle-ci, selon lesquelles les États membres peuvent appliquer les régimes particuliers prévus par les premier et deuxième chapitres du titre XII de cette directive, il ressort du libellé même de l’article 306, paragraphe 1, de ladite directive que les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages. L’absence de l’utilisation du verbe « peuvent » à cette disposition exclut que les États membres disposent d’une faculté de ne pas appliquer ce régime.

    37      À cet égard, il ressort de s points 17 et 18 de l’arrêt du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C‑74/91, EU:C:1992:409), que l’adoption, par un État membre, du régime particulier fondé sur l’article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), dont les termes sont repris, en substance, aux articles 306 à 310 de la directive TVA, exclut que cet État membre puisse se prévaloir d’une exonération qui n’est pas prévue à cette disposition. Il s’ensuit que le régime particulier de la TVA, prévu aux articles 306 à 310 de la directive TVA, est un régime obligatoire pour les agences de voyages agissant en leur nom propre qui fournissent des services touristiques, en utilisant des prestations fournies par des tiers assujettis, sauf exceptions expressément prévues par cette directive.

    38      S’agissant de ces exceptions, l’article 306, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA prévoit en particulier que ce régime n’est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire. En outre, l’article 309 de cette directive exonère de la TVA la prestation de services de l’agence de voyages lorsque les opérations pour lesquelles elle a recours à d’autres assujettis sont effectuées par ces derniers en dehors de l’Union.

    39      Par ailleurs, il convient de rappeler que, en ce qui concerne, en particulier, la Roumanie, la disposition transitoire de l’article 390 ter de la directive TVA, tel que modifiée par la directive 2009/162, ne vise que les transports internationaux de personnes figurant à l’annexe X, partie B, point 10, de la directive TVA. Cette dernière disposition a repris, en substance, les termes de l’annexe F, point 17, de la sixième directive 77/388.

    40      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, d’une part, Dragoram Tour n’a pas la qualité d’intermédiaire dans le cadre de son activité de revente de billets d’avion achetés auprès de tiers assujettis et que, d’autre part, les vols effectués par ces autres assujettis se situent à l’intérieur de l’Union.

    41      Il ressort également du point 33 de la présente ordonnance que le régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyage s’applique aux services de transport achetés par une agence de voyages auprès de tiers assujettis et revendus en son nom propre. Une telle prestation ne saurait dès lors être soumise au régime normal de la TVA, applicable aux prestataires de services de transport international de personnes.

    42      Par conséquent, l’activité de revente, effectuée en son nom propre par une agence de voyages, de billets d’avion pour des vols dont la destination se situe à l’intérieur de l’Union, achetés auprès de tiers assujettis, à des voyageurs personnes physiques est soumise au régime particulier de la TVA prévu aux articles 306 à 310 de la directive TVA, sans possibilité pour les États membres d’adopter des dispositions dérogatoires, en dehors de celles prévues par cette directive, qui permettraient l’imposition de cette activité selon le régime normal de la TVA. Le mode de calcul de la base d’imposition de ce régime particulier est établi par l’article 308 de ladite directive.

    43      Il convient donc de répondre à la première question que l’article 306, paragraphe 1, et l’article 308 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui instaure une exception à l’application du régime particulier de la TVA des agences de voyages en accordant à ces dernières un droit d’option pour appliquer le régime normal de la TVA dans le cas de transport international de personnes.

     Sur les dépens

    44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

    1)      L’article 306 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

    doit être interprété en ce sens que :

    la prestation d’un assujetti qui consiste à acheter des billets d’avion auprès d’autres assujettis et à les revendre à des personnes physiques à un prix comprenant une commission relève du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux agences de voyages, indépendamment du fait que cette prestation ne soit pas accompagnée de services supplémentaires, autres que les services d’information et de conseils.

    2)      L’article 306, paragraphe 1, et l’article 308 de la directive 2006/112

    doivent être interprétés en ce sens que :

    ils s’opposent à une législation nationale qui instaure une exception à l’application du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des agences de voyages en accordant à ces dernières un droit d’option pour appliquer le régime normal de la TVA dans le cas de transport international de personnes.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le roumain.

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