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Document 62023CO0348
Order of the Court (Ninth Chamber) of 3 May 2024.#KCB and MB v BNP Paribas Bank Polska S.A.#Request for a preliminary ruling from the Sąd Okręgowy w Warszawie.#Case C-348/23.
Usnesení Soudního dvora (devátého senátu) ze dne 3. května 2024.
KCB a MB v. BNP Paribas Bank Polska S.A.
Žádost o rozhodnutí o předběžné otázce podaná Sąd Okręgowy w Warszawie.
Věc C-348/23.
Usnesení Soudního dvora (devátého senátu) ze dne 3. května 2024.
KCB a MB v. BNP Paribas Bank Polska S.A.
Žádost o rozhodnutí o předběžné otázce podaná Sąd Okręgowy w Warszawie.
Věc C-348/23.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:386
ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)
3 mai 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1 – Crédit immobilier en devise étrangère – Clauses abusives concernant la conversion d’une devise – Nullité du contrat – Effets en droit – Condition suspensive – Déclaration du consommateur »
Dans l’affaire C‑348/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), par décision du 27 janvier 2023, parvenue à la Cour le 5 juin 2023, dans la procédure
KCB,
MB
contre
BNP Paribas Bank Polska S.A.,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de Mme O. Spineanu–Matei, présidente de chambre, MM. J‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour MB et KCB, par Me W. Budzewski, adwokat,
– pour BNP Paribas Bank Polska S.A., par Mes K. J. Bogusz-Grześkiewicz, T. Duda, M. Frontczak, B. Gessel-Kalinowska vel Kalisz et W. Korpalska, radcowie prawni, et Me K. Buchta, adwokat,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa, M. I. Gameiro et L. Medeiros, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme M. Brauhoff, MM. P. Ondrůšek et N. Ruiz García, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que des principes d’effectivité et d’équivalence.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KCB et MB, deux consommateurs, à BNP Paribas Bank Polska S.A., un établissement bancaire, au sujet du caractère abusif de clauses contenues dans le contrat de crédit immobilier conclu entre ces parties, entraînant la nullité de ce dernier, et de la demande de ces consommateurs tendant à la restitution de toutes les prestations qu’ils ont versées au titre de ce contrat.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les dixième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 énoncent :
« considérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives [...]
[...]
considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».
4 L’article 6, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
5 L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit polonais
6 L’article 58, paragraphe 1, de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), est rédigé comme suit :
« Un acte juridique contraire à la loi ou visant à contourner la loi est nul et non avenu, à moins qu’une disposition pertinente n’en dispose autrement, notamment qu’elle prévoie que les dispositions invalides de l’acte juridique soient remplacées par les dispositions pertinentes de la loi. »
7 L’article 3851, paragraphes 1 et 2, du code civil dispose :
« 1. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant manifestement atteinte à ses intérêts (clauses contractuelles illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui définissent les obligations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque.
2. Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres clauses du contrat. »
8 L’article 405 de ce code prévoit :
« Toute personne qui, sans fondement juridique, a obtenu un avantage patrimonial aux dépens d’une autre personne est tenue de fournir l’avantage en nature et, si cela n’est pas possible, d’en restituer la valeur. »
9 L’article 410, paragraphes 1 et 2, dudit code se lit comme suit :
« 1. Les dispositions des articles précédents s’appliquent notamment en cas de prestation indue.
2. Une prestation est indue si la personne qui l’a fournie n’était absolument pas tenue de la fournir ou n’était pas tenue de la fournir à la personne à qui elle a été fournie, ou si le fondement de la prestation a disparu ou si le but visé par la prestation n’a pas été atteint, ou si l’acte juridique exigeant la prestation était nul et n’est pas devenu valable après que la prestation a été fournie. »
10 L’article 455 du même code dispose :
« Si le délai d’exécution d’une prestation n’est pas précisé ou ne découle pas de la nature de l’obligation, celle-ci doit être exécutée sans délai après que le débiteur a été invité à s’exécuter. »
11 Aux termes de l’article 481, paragraphes 1 et 2, du code civil :
« 1. Si un débiteur est en retard dans l’exécution d’une prestation pécuniaire, le créancier peut exiger des intérêts moratoires, même s’il n’a subi aucun préjudice et même si le retard est dû à des circonstances dont le débiteur n’est pas responsable.
2. Si le taux des intérêts moratoires n’a pas été déterminé, des intérêts moratoires au taux légal sont dus, dont le montant est égal à la somme du taux de référence de la Banque nationale de Pologne et de 5,5 points de pourcentage. Cependant, si la créance est soumise à un taux supérieur en pourcentage, le créancier peut exiger des intérêts moratoires correspondant à ce taux supérieur. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Le 13 mars 2007, KCB et MB ont conclu avec le prédécesseur en droit de BNP Paribas Bank Polska (ci-après la « banque ») un contrat de crédit immobilier d’une durée de 420 mois et portant sur un montant de 128 035,51 francs suisses (CHF) (environ 136 890 euros) en vue de financer l’acquisition d’un logement situé à Varsovie (Pologne) (ci-après le « contrat de crédit en cause »). Aux termes de ce contrat, le prêt devait être débloqué pour un montant ne dépassant pas 300 000 zlotys polonais (PLN) (environ 68 754 euros) sur un compte bancaire indiqué par le vendeur du logement et le remboursement au titre dudit contrat devait être effectué à partir d’un compte bancaire libellé en francs suisses et alimenté exclusivement par des fonds dans cette devise (ci-après les « clauses relatives aux modalités de paiement »).
13 Conformément au règlement relatif aux produits de crédit en vigueur au sein de la banque à la date de la conclusion du contrat de crédit en cause, si, conformément aux instructions de l’emprunteur, le décaissement des fonds liés au prêt devait être effectué dans une devise autre que celle du prêt, il devait avoir lieu après conversion de la devise en zlotys polonais. De même, dans l’hypothèse où le compte de l’emprunteur libellé dans la devise du prêt n’aurait pas de provision suffisante pour payer les montants dus en vertu du contrat de crédit en cause, la banque était autorisée à débiter un autre compte de l’emprunteur et, si celui-ci était libellé dans une devise autre que celle du prêt, le débit serait effectué après conversion de la somme concernée en zlotys polonais (ci-après les « clauses de conversion »).
14 Le 1er février 2021, KCB et MB ont saisi le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à l’annulation du contrat de crédit en cause, estimant que les clauses de conversion étaient abusives, entraînant la nullité de ce contrat, de sorte que la banque devait leur restituer toutes les prestations perçues en vertu dudit contrat.
15 La banque a contesté le recours de KCB et MB en soutenant que le contrat de crédit en cause ne contenait aucune clause abusive et que KCB et MB n’avaient exécuté aucune prestation indue à son égard.
16 Le 29 septembre 2022, KCB et MB ont déposé devant la juridiction de renvoi une déclaration écrite par laquelle ils ont, en substance, d’une part, confirmé qu’ils considéraient que les clauses de conversion revêtaient un caractère abusif et, d’autre part, reconnu être conscients du fait que, si, à la suite de l’annulation des clauses de conversion, le contrat de crédit en cause était annulé dans son intégralité, les parties seraient tenues de se restituer mutuellement les prestations fournies, ce qui impliquerait notamment que KCB et MB ne récupéreraient les sommes qu’ils avaient versées à la banque qu’après avoir eux-mêmes restitué le montant en capital du crédit qui leur avait été consenti. En outre, KCB et MB ont indiqué avoir été informés qu’ils pouvaient renoncer à invoquer la nullité de ce contrat et ses conséquences en acceptant l’application de ces clauses abusives, avec effet rétroactif à la date de la conclusion dudit contrat. À la suite de cette déclaration, KCB et MB ont indiqué qu’ils souhaitaient que le contrat de crédit en cause soit annulé.
17 Lors de l’audience du 27 janvier 2023 devant la juridiction de renvoi, KCB et MB ont encore confirmé qu’ils souhaitaient que le contrat de crédit en cause soit déclaré nul, qu’ils étaient conscients des conséquences de cette nullité et qu’ils les acceptaient.
18 Selon la juridiction de renvoi, les clauses relatives aux modalités de paiement et les clauses de conversion constituent des clauses abusives. Cette juridiction indique que, si l’annulation des clauses de conversion ne requiert pas nécessairement l’annulation du contrat de crédit en cause dans son intégralité, elle considère que tel devrait en revanche être le cas à la suite de l’annulation des clauses relatives aux modalités de paiement.
19 La juridiction de renvoi rappelle qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque la juridiction nationale constate la présence d’une clause abusive dans un contrat, elle est tenue de constater d’office que cette clause n’est pas contraignante pour le consommateur, sauf si le consommateur décide qu’il souhaite être lié par la clause abusive, auquel cas le contrat reste pleinement en vigueur. Cette juridiction précise que, s’agissant du droit accordé au consommateur de confirmer qu’il consent au maintien d’une clause contractuelle abusive, deux positions jurisprudentielles, incompatibles entre elles, divisent les juridictions polonaises.
20 Selon la première position, fondée sur le caractère impératif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et s’appuyant sur une résolution du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) du 20 juin 2018, si une juridiction polonaise constate qu’une clause abusive a été incluse dans un contrat conclu avec un consommateur, elle serait tenue de la supprimer d’office de ce contrat, sauf si le consommateur déclare qu’il consent à être lié par cette clause. Dans cette hypothèse, cette déclaration reviendrait à régulariser ex tunc un contrat qui était vicié dès le départ.
21 La seconde position jurisprudentielle serait fondée, en substance, sur une résolution du Sąd Najwyższy (Cour suprême) du 7 mai 2021, selon laquelle les effets qui s’attachent au constat de la nullité d’une clause abusive resteraient suspendus jusqu’au moment où le consommateur déclarerait, premièrement, ne pas consentir au maintien de cette clause, deuxièmement, avoir connaissance, d’une part, du fait que la nullité de ladite clause implique l’annulation du contrat dont elle fait partie ainsi que, d’autre part, des conséquences de cette annulation et, troisièmement, consentir à l’annulation de ce contrat (ci-après la « déclaration formalisée »). Or, tant que le consommateur n’aurait pas présenté une déclaration formalisée ou confirmé qu’il consent au maintien de la clause abusive, aucune des parties ne pourrait valablement réclamer l’exécution de la prestation contractuelle ou la restitution de la prestation effectuée au titre de la clause contractuelle abusive.
22 La juridiction de renvoi considère, cependant, que cette seconde position jurisprudentielle limite l’étendue de la protection accordée aux consommateurs par la directive 93/13, dès lors qu’elle ne permet pas au juge national de tirer d’office toutes les conséquences de l’insertion de clauses abusives dans les contrats conclus par un professionnel avec un consommateur sans que ce dernier ait préalablement fait une déclaration formalisée.
23 Cette dernière exigence aurait pour conséquence que le consommateur qui ne fait pas une déclaration formalisée n’est pas en mesure d’obtenir une protection juridique malgré la présence de clauses abusives dans un contrat auquel il est partie.
24 En outre, les juridictions nationales subordonneraient l’exigibilité de la créance relative à la restitution des prestations indûment exécutées par les consommateurs et le constat de retard du professionnel dans l’exécution de cette restitution à la présentation d’une telle déclaration. Par ailleurs, certaines juridictions nationales rejetteraient des déclarations formalisées qui ne correspondent pas à un modèle précis, alors que ce modèle différerait d’une juridiction à l’autre. Enfin, la protection du consommateur serait également compromise du fait que, tant qu’il n’a pas fait une déclaration formelle, sa créance à l’égard du professionnel ne serait pas exigible, de sorte qu’il ne pourrait pas la compenser avec la créance du professionnel à son égard, ce qui rendrait plus difficile, voire impossible, un règlement extrajudiciaire des litiges entre les parties.
25 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] ainsi que les principes d’effectivité et d’équivalence doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle des dispositions nationales en vertu de laquelle :
1. un consommateur ne peut valablement faire valoir à l’égard d’un professionnel les droits découlant de la présence de clauses abusives dans le contrat [qu’il a conclu avec ce professionnel] tant qu’il n’a pas déclaré qu’il s’oppose au maintien en vigueur des clauses abusives, qu’il accepte d’exclure leur application et qu’il comprend et accepte les conséquences qui en découlent, y compris, potentiellement, la nullité du contrat dans son ensemble,
2. un consommateur ne peut valablement réclamer à un professionnel la restitution de la prestation indûment exécutée sur le fondement de clauses abusives tant qu’il n’a pas fait la déclaration susmentionnée,
3. la créance du consommateur en restitution des prestations indûment exécutées sur le fondement des clauses abusives n’est pas exigible tant qu’il n’a pas fait cette déclaration,
4. le professionnel n’a aucune obligation envers le consommateur de payer des intérêts légaux de retard tant qu’il n’a pas eu connaissance de ladite déclaration du consommateur ? »
Sur la question préjudicielle
26 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence.
27 Il convient également de rappeler que la coopération judiciaire instaurée par l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. D’une part, la Cour est habilitée non pas à appliquer les règles du droit de l’Union à une espèce déterminée, mais seulement à se prononcer sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 201 ainsi que jurisprudence citée). D’autre part, conformément au point 11 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), il revient aux juridictions nationales de tirer dans le litige pendant devant elles les conséquences concrètes des éléments d’interprétation fournis par la Cour.
28 En l’occurrence, la Cour estime que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite de l’arrêt du 7 décembre 2023, mBank (Déclaration du consommateur) (C‑140/22, EU:C:2023:965). Il y a donc lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure dans la présente affaire.
29 Ainsi qu’il ressort du point 27 de la présente ordonnance, il reviendra à la juridiction de renvoi de tirer les conséquences concrètes, dans le litige au principal, des éléments d’interprétation découlant de cette jurisprudence de la Cour.
30 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans le contexte de l’annulation intégrale d’un contrat de crédit immobilier conclu avec un consommateur par un établissement bancaire, au motif que ce contrat contient une clause abusive sans laquelle il ne peut pas subsister, ils s’opposent à l’interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle les effets en droit qui s’attachent au constat de la nullité dudit contrat dans son ensemble sont soumis à la condition suspensive que ce consommateur présente, devant une juridiction nationale, une déclaration par laquelle il affirme, premièrement, ne pas consentir au maintien de cette clause, deuxièmement, avoir connaissance, d’une part, du fait que la nullité de ladite clause implique l’annulation du contrat de crédit immobilier ainsi que, d’autre part, des conséquences de cette annulation et, troisièmement, consentir à l’annulation de ce contrat.
31 À cet égard, la Cour a notamment jugé, dans l’arrêt du 7 décembre 2023, mBank (Déclaration du consommateur) (C‑140/22, EU:C:2023:965) :
« 53 [I]l convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C‑147/16, EU:C:2018:320, point 27 et jurisprudence citée).
54 Par ailleurs, dans le cadre des fonctions qui incombent au juge national, en vertu des dispositions de la directive 93/13, celui-ci est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C‑147/16, EU:C:2018:320, point 29 et jurisprudence citée).
55 Ainsi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, il incombe aux juridictions nationales d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si celui-ci s’y oppose (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
56 Toutefois, la possibilité réservée à un consommateur de s’opposer à l’application de la directive 93/13 ne saurait être comprise comme lui imposant, afin de faire valoir les droits qu’il tire de cette directive, l’obligation positive d’invoquer les dispositions de ladite directive au moyen d’une déclaration formalisée présentée devant une juridiction.
57 En effet, cette possibilité consiste uniquement en la faculté laissée au consommateur, après avoir été avisé par le juge national, de ne pas faire valoir le caractère abusif et non contraignant d’une clause contractuelle, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à la clause en question (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 53 et jurisprudence citée). La possibilité d’exercer cette faculté, qui constitue une renonciation à se prévaloir de la protection prévue par la directive 93/13, implique, par elle-même, que le consommateur bénéficie d’emblée de cette protection.
58 Ainsi, comme il ressort de la jurisprudence constante rappelée aux points 53 et 55 du présent arrêt, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 exige que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, sans qu’une telle conséquence puisse être suspendue ou subordonnée à des conditions prévues par le droit national ou issues de la jurisprudence nationale.
59 Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose à une interprétation du droit national selon laquelle un consommateur est tenu, afin de faire valoir les droits qu’il tire de cette directive, de présenter, devant une juridiction, une déclaration formalisée.
60 Par ailleurs, s’oppose également à une telle interprétation l’obligation, rappelée aux points 54 et 55 du présent arrêt, pour un juge national d’écarter, le cas échéant d’office, l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, et ce même en l’absence de comparution de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius, C‑495/19, EU:C:2020:431, point 52).
61 En outre, imposer au consommateur de présenter une déclaration formalisée pour pouvoir faire valoir [ses] droits serait susceptible de remettre en cause l’effet dissuasif que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, entend attacher au constat du caractère abusif des clauses contenues dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 63), dans la mesure où elle inciterait les professionnels à refuser les demandes extrajudiciaires de consommateurs visant à l’annulation de clauses abusives, sachant que ces derniers sont tenus, afin de faire valoir les droits qu’ils tirent de ladite directive, de présenter une déclaration formalisée devant une juridiction.
[...]
65 Eu égard à ce qui précède, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans le contexte de l’annulation intégrale d’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un établissement bancaire, au motif que ce contrat contient une clause abusive sans laquelle il ne peut pas subsister[,] ils s’opposent à l’interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle l’exercice des droits que ce consommateur tire de cette directive est conditionné [à] la présentation, par ledit consommateur, devant une juridiction, d’une déclaration par laquelle il affirme, premièrement, ne pas consentir au maintien de cette clause, deuxièmement, avoir connaissance, d’une part, du fait que la nullité de ladite clause implique l’annulation dudit contrat ainsi que, d’autre part, des conséquences de cette annulation et, troisièmement, consentir à l’annulation du même contrat [...] »
32 De la même manière que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’opposent à ce que le bénéfice des droits que le consommateur tire de cette directive soit subordonné à la présentation, par ce consommateur, devant une juridiction nationale, d’une déclaration telle que celle visée au point 65 de l’arrêt du 7 décembre 2023, mBank (Déclaration du consommateur) (C‑140/22, EU:C:2023:965), ils s’opposent également, pour les mêmes motifs, mutatis mutandis, que ceux figurant aux points 53, 55 et 58 à 61 de cet arrêt, à ce que les effets en droit qui s’attachent au constat de la nullité, dans son ensemble, du contrat que ce consommateur a conclu avec un professionnel soient soumis à la condition suspensive que ledit consommateur présente une telle déclaration devant une juridiction nationale.
33 En particulier, s’il appartient aux États membres, au moyen de leur droit national, de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés, il n’en demeure pas moins qu’un tel constat doit permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive, notamment en fondant un droit à restitution des avantages indûment acquis, à son détriment, par le professionnel sur le fondement de ladite clause abusive [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 61 et jurisprudence citée].
34 Il en résulte que le fait de subordonner les effets en droit qui s’attachent à ce constat à une condition suspensive telle que celle mentionnée au point 30 de la présente ordonnance est incompatible avec le niveau de protection élevé des intérêts du consommateur garanti par la directive 93/13.
35 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans le contexte de l’annulation intégrale d’un contrat de crédit immobilier conclu avec un consommateur par un établissement bancaire, au motif que ce contrat contient une clause abusive sans laquelle il ne peut pas subsister, ils s’opposent à l’interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle les effets en droit qui s’attachent au constat de la nullité dudit contrat dans son ensemble sont soumis à la condition suspensive que ce consommateur présente, devant une juridiction nationale, une déclaration par laquelle il affirme, premièrement, ne pas consentir au maintien de cette clause, deuxièmement, avoir connaissance, d’une part, du fait que la nullité de ladite clause implique l’annulation du contrat de crédit immobilier ainsi que, d’autre part, des conséquences de cette annulation et, troisièmement, consentir à l’annulation de ce contrat.
Sur les dépens
36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :
L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,
doivent être interprétés en ce sens que :
dans le contexte de l’annulation intégrale d’un contrat de crédit immobilier conclu avec un consommateur par un établissement bancaire, au motif que ce contrat contient une clause abusive sans laquelle il ne peut pas subsister, ils s’opposent à l’interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle les effets en droit qui s’attachent au constat de la nullité dudit contrat dans son ensemble sont soumis à la condition suspensive que ce consommateur présente, devant une juridiction nationale, une déclaration par laquelle il affirme, premièrement, ne pas consentir au maintien de cette clause, deuxièmement, avoir connaissance, d’une part, du fait que la nullité de ladite clause implique l’annulation du contrat de crédit immobilier ainsi que, d’autre part, des conséquences de cette annulation et, troisièmement, consentir à l’annulation de ce contrat.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.