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Document 62019CO0338

    Usnesení Soudního dvora (sedmého senátu) ze dne 11. března 2020.
    Telecom Italia SpA v. Regione Sardegna.
    Žádost o rozhodnutí o předběžné otázce podaná Tribunale Amministrativo Regionale per la Sardegna.
    Řízení o předběžné otázce – Článek 99 jednacího řádu Soudního dvora – Státní podpory – Článek 108 SFEU – Nařízení (ES) č. 659/1999 – Navrácení podpory členským státem z vlastního podnětu – Nařízení (ES) č. 794/2004 – Použitá úroková sazba.
    Věc C-338/19.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:197

    ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

    11 mars 2020 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Aides d’État – Article 108 TFUE – Règlement (CE) no 659/1999 – Récupération de l’aide par l’État membre de sa propre initiative – Règlement (CE) no 794/2004 – Taux d’intérêt applicable »

    Dans l’affaire C‑338/19,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie), par décision du 9 janvier 2019, parvenue à la Cour le 25 avril 2019, dans la procédure

    Telecom Italia SpA

    contre

    Regione Sardegna,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

    avocat général : M. G. Hogan,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    –        pour Telecom Italia SpA, par Mes F. Lattanzi, F. S. Cantella et R. Uras, avvocati,

    –        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

    –        pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes A. Lo Monaco et S. Petrova, en qualité d’agents,

    –        pour la Commission européenne, par MM. P. Stancanelli et B. Stromsky, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur la validité et l’interprétation de l’article 16 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), ainsi que sur l’interprétation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1, et rectificatif JO 2005, L 25, p. 74), tel que modifié par le règlement (CE) no 271/2008 de la Commission, du 30 janvier 2008 (JO 2008, L 82, p. 1) (ci-après le « règlement no 794/2004 »).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Telecom Italia SpA à la Regione Sardegna (Région de Sardaigne, Italie) au sujet du taux d’intérêt applicable au remboursement d’une aide d’État.

     Le cadre juridique

     Le règlement no 659/1999

    3        L’article 1er, sous f) et g), du règlement no 659/1999 est libellé comme suit :

    « Aux fins du présent règlement, on entend par :

    [...]

    f)      “aide illégale” : une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article [108, paragraphe 3, TFUE] ;

    g)      “aide appliquée de façon abusive” : une aide utilisée par le bénéficiaire en violation d’une décision prise en application de l’article 4, paragraphe 3, ou de l’article 7, paragraphes 3 ou 4, du présent règlement ».

    4        L’article 4 de ce règlement, intitulé « Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission [européenne] », prévoit, à son paragraphe 3 :

    « Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107, paragraphe 1, TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché [intérieur], elle décide que cette mesure est compatible avec le marché [intérieur] [...] Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée. »

    5        L’article 7 dudit règlement, intitulé « Décisions de la Commission de clore la procédure formelle d’examen », énonce, à son paragraphe 4 :

    « La Commission peut assortir sa décision positive de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité avec le marché [intérieur] et d’obligations lui permettant de contrôler le respect de sa décision (ci-après dénommée “décision conditionnelle”). »

    6        L’article 16 du règlement no 659/1999, intitulé « Application abusive d’une aide », précise :

    « Sans préjudice de l’article 23, la Commission peut, en cas d’application abusive d’une aide, ouvrir la procédure formelle d’examen conformément à l’article 4, paragraphe 4. Les articles 6, 7, 9, 10, l’article 11, paragraphe 1, ainsi que les articles 12, 13, 14 et 15 s’appliquent mutatis mutandis. »

     Le règlement no 794/2004

    7        Aux termes de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement no 794/2004 :

    « 1.      Sauf dispositions contraires prévues par une décision spécifique, le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État octroyées en violation de l’article [108], paragraphe 3, [TFUE] est un taux en pourcentage annuel fixé par la Commission avant chaque année civile.

    2.      Le taux d’intérêt est calculé en ajoutant 100 points de base au taux du marché monétaire à un an. Si ces taux ne sont pas disponibles, c’est le taux du marché monétaire à trois mois qui sera utilisé ou, à défaut, le rendement des obligations d’État. »

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    8        En 2005, la Région de Sardaigne a décidé d’octroyer une subvention à l’opérateur qui s’engagerait à mener un projet d’activation de services d’Internet à haut débit dans les zones où il n’existait pas encore de telles connexions (ci-après le « projet »). À l’issue d’une procédure négociée, elle a désigné Telecom Italia comme prestataire.

    9        Les autorités italiennes ont notifié le projet d’aide à la Commission qui, par décision C(2006) 5480, du 22 novembre 2006 (JO 2007, C 68, p. 5, ci-après la « décision du 22 novembre 2006 »), a estimé que ce projet était compatible avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, devenu l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

    10      Le contrat de financement conclu, en 2007, entre la Région de Sardaigne et Telecom Italia prévoyait des modalités de surveillance aux fins du calcul de la rentabilité effective du projet ainsi que la procédure à suivre aux fins du remboursement de la subvention si ce projet devenait plus rentable qu’initialement prévu. En particulier, l’article 8 de ce contrat prévoyait que, en cas de rentabilité supérieure non contestée par Telecom Italia, cette dernière devrait « procéder à la restitution proportionnelle du cofinancement versé, plus les intérêts légaux calculés à compter de la date du versement ».

    11      À l’issue de la période de surveillance, la Région de Sardaigne a constaté que le projet avait effectivement atteint un taux de rendement supérieur à la prévision initiale. Partant, en application dudit article 8, la Région de Sardaigne a, au mois de décembre 2012, demandé à Telecom Italia le remboursement intégral de la subvention en cause au principal, plus le paiement d’intérêts calculés conformément à l’article 9 du règlement no 794/2004.

    12      Telecom Italia ne conteste ni le remboursement de la subvention ni le paiement d’intérêts. En revanche, elle conteste l’application du taux d’intérêt prévu à l’article 9 du règlement no 794/2004.

    13      À l’appui de son recours devant la juridiction de renvoi, Telecom Italia invoque la violation des articles 4, 7, 14 et 16 du règlement no 659/1999, de l’article 9 du règlement no 794/2004 et de l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE.

    14      La juridiction de renvoi relève que, par sa décision du 22 novembre 2006, la Commission a déclaré l’aide en cause au principal compatible avec le marché intérieur, à condition que le projet subventionné ne produise pas de profit supérieur à celui initialement prévu, auquel cas Telecom Italia devrait rembourser une part proportionnelle de la subvention.

    15      L’article 16 du règlement no 659/1999 prévoyant que la Commission peut, dans les cas d’aides appliquées de manière abusive, saisir la Cour ou ouvrir la procédure formelle d’examen, cette juridiction considère que cet article semble exclure la possibilité pour un État membre d’établir de manière autonome le caractère abusif de l’aide. Cette interprétation semblerait trouver confirmation à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui réserverait à la Commission la compétence de supprimer ou de modifier l’aide incompatible ou illégale.

    16      Par ailleurs, l’article 9 du règlement no 794/2004 précisant le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État octroyées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ladite juridiction doute de ce qu’il vise également le cas d’une récupération en raison du fait que la condition s’est vérifiée lors de l’application de l’aide d’État approuvée par une décision conditionnelle.

    17      C’est dans ces conditions que le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      L’article 16 du [règlement no 659/1999], applicable ratione temporis, qui dispose que “[s]ans préjudice de l’article 23, la Commission peut, en cas d’application abusive d’une aide, ouvrir la procédure formelle d’examen conformément à l’article 4, paragraphe 4.  Les articles 6, 7, 9, 10, l’article 11, paragraphe 1, ainsi que les articles 12, 13, 14 et 15 s’appliquent mutatis mutandis”, doit-il être interprété en ce sens qu’une décision préliminaire de récupération doit être adoptée par la [Commission] également dans les cas d’aides appliquées de manière abusive (sans préjudice de la possibilité pour la Commission elle-même de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne, en vertu de l’article 23 du [règlement no 659/1999]) ?

    2)      En cas de réponse négative à la question précédente, l’article 16 du [règlement no 659/1999] doit-il être invalidé au motif qu’il violerait l’article 108, paragraphe 2, TFUE (anciennement article 88, paragraphe 2, du traité CE) ?

    3)      L’article 9, paragraphes 1 et 2, du [règlement no 794/2004] doit-il être interprété en ce sens que le taux d’intérêt qu’il prévoit pour la restitution des aides d’État incompatibles et illégales s’applique également en cas de récupération d’aides d’État approuvées par décision conditionnelle et appliquées de manière abusive parce que la condition prévue s’est vérifiée ? »

     Sur les questions préjudicielles

    18      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la question posée à titre préjudicielle ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, statuer par voie d’ordonnance motivée.

    19      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

     Sur les première et deuxième questions

    20      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16 du règlement no 659/1999 doit être interprété en ce sens qu’il incombe exclusivement à la Commission d’ordonner la récupération d’aides d’État appliquées de manière abusive et, dans le cas contraire, si cette disposition doit être annulée pour violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

    21      À cet égard, il convient de relever d’emblée que, en posant ces questions, la juridiction de renvoi part de la prémisse que la décision du 22 novembre 2006 est une décision conditionnelle au sens de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, adoptée au terme d’une procédure formelle d’examen, et que l’aide en cause au principal a été mise en œuvre de manière abusive et illégale.

    22      Toutefois, ainsi que l’ont relevé les parties à la procédure, tout d’abord, le contenu de cette décision fait apparaître qu’il s’agit non pas d’une décision adoptée à l’issue d’une procédure formelle d’examen, mais d’une décision de ne pas soulever d’objections, adoptée en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement, à l’issue de la procédure préliminaire d’examen.

    23      Ensuite, la surveillance des revenus et le mécanisme de remboursement de la subvention en cause au principal en cas de dépassement des prévisions de rentabilité sont des éléments constitutifs du projet d’aide envisagé par les autorités italiennes. Dès lors, force est de constater que ces conditions ne sont pas imposées par la Commission dans ladite décision.

    24      Enfin, les faits relatés par la juridiction de renvoi tendent à indiquer que l’aide en cause au principal a été mise en œuvre conformément au projet d’aide autorisé par la Commission dans sa décision du 22 novembre 2006, à la suite d’une notification préalable par les autorités italiennes, et qu’elle fait l’objet d’une récupération selon les stipulations dudit projet, tel qu’autorisé par cette décision.

    25      Partant, eu égard aux définitions figurant à l’article 1er, sous f) et g), du règlement no 659/1999, aucun élément du dossier soumis à la Cour ne tend à établir que ladite aide doive être considérée comme étant illégale ou comme ayant été mise en œuvre de manière abusive.

    26      De surcroît, l’article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens que cette disposition peut exiger de l’autorité nationale de récupérer de sa propre initiative une aide qu’elle a octroyée (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 95).

    27      Dans ces conditions, rien n’indiquant que l’article 16 du règlement no 659/1999 aurait vocation à s’appliquer dans l’affaire au principal, il n’y a pas lieu de répondre aux première et deuxième questions.

     Sur la troisième question

    28      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si le taux d’intérêt prévu à l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement no 794/2004 a vocation à s’appliquer lorsqu’une autorité nationale récupère de sa propre initiative une aide d’État.

    29      La réponse à cette question découle clairement de la jurisprudence de la Cour.

    30      En effet, il résulte des points 110, 111, 135, 136 et 141 de l’arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C‑349/17, EU:C:2019:172), que le règlement no 794/2004 contient des règles de nature procédurale qui s’appliquent aux procédures administratives en matière d’aides d’État pendantes devant la Commission, mais ne contient aucune disposition relative aux pouvoirs et aux obligations des autorités administratives nationales. Partant, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, le droit national s’applique, sous réserve, notamment, du principe d’effectivité. À cet égard, l’article 108, paragraphe 3, TFUE exige qu’il soit notamment ordonné au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de l’ensemble de la période durant laquelle il a bénéficié de cette aide et à un taux égal à celui qui aurait été appliqué s’il avait dû emprunter le montant de l’aide en cause sur le marché au cours de ladite période.

    31      Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la troisième question que le taux d’intérêt prévu à l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement no 794/2004 n’a pas vocation à s’appliquer lorsqu’une autorité nationale récupère de sa propre initiative une aide d’État.

     Sur les dépens

    32      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

    Le taux d’intérêt prévu à l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article [108 TFUE], tel que modifié par le règlement (CE) no 271/2008 de la Commission, du 30 janvier 2008, n’a pas vocation à s’appliquer lorsqu’une autorité nationale récupère de sa propre initiative une aide d’État.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’italien.

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