EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62012FJ0157

Rozsudek Soudu pro veřejnou službu (druhého senátu) ze dne 19. června 2014.
BN proti Evropskému parlamentu.
Věc F-157/12.

ECLI identifier: ECLI:EU:F:2014:164

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

19 juin 2014 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recours en annulation – Fonctionnaire de grade AD 14 occupant provisoirement un poste de conseiller auprès d’un directeur – Allégation de harcèlement moral à l’encontre du directeur général – Congé de maladie de longue durée – Décision de nomination à un poste de conseiller dans une autre direction générale – Devoir de sollicitude – Principe de bonne administration – Intérêt du service – Règle de la correspondance entre le grade et l’emploi – Recours en indemnité – Préjudice découlant d’un comportement non décisionnel »

Dans l’affaire F‑157/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

BN, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes S. Rodrigues et A. Tymen, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. O. Caisou-Rousseau et Mme V. Montebello-Demogeot, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, MM. R. Barents et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

vu l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 21 décembre 2012, BN demande, d’une part, l’annulation de la décision du Parlement européen du 20 mars 2012 mettant fin à ses fonctions de conseiller auprès du directeur de la direction des ressources de la direction générale (DG) du personnel et la réaffectant, avec effet au 15 mars 2012, à un poste de conseiller auprès du service « Système de management environnemental et d’audit » de l’unité de coordination générale de la direction des ressources de la DG des infrastructures et de la logistique (ci-après le « service EMAS ») ainsi que de la décision du 21 septembre 2012 rejetant la réclamation introduite contre la décision du 20 mars 2012 et, d’autre part, la réparation du préjudice subi du fait d’agissements de harcèlement et de mauvaise administration de la part de sa hiérarchie, chiffré ex aequo et bono à la somme de 400 000 euros.

 Cadre juridique

2        En vertu de l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut ») :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »

3        L’article 12 bis, paragraphes 2 et 3, du statut est rédigé comme suit :

« 2.      Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

3.      Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. »

4        L’article 24, premier alinéa, du statut dispose :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante a été nommée fonctionnaire au Parlement le 1er juillet 1984. En janvier 2003, elle est devenue chef d’un service relevant de la DG du personnel. À compter du 1er septembre 2005, ce service a été transformé en une unité de la même direction générale et la requérante a été nommée chef de cette unité, dans un domaine qui est devenu son domaine de spécialisation. Au moment de l’introduction du présent recours elle était classée au grade AD 14.

6        Le 20 décembre 2010, la requérante a envoyé un courriel, accompagné d’une note et d’annexes (ci-après la « note du 20 décembre 2010 »), au secrétaire général du Parlement, en invoquant l’article 21 du statut. Dans ce courriel, la requérante indiquait soulever des sujets en rapport avec les articles 1er quinquies du statut et 12 bis du statut, les principes et les objectifs de la politique d’égalité décidée par le bureau du Parlement et le principe de bonne administration. Dans la note du 20 décembre 2010, elle affirmait notamment que, faute pour son supérieur hiérarchique de l’écouter, elle souhaitait discuter avec le secrétaire général des difficultés rencontrées sur son lieu de travail, de l’attitude de son supérieur hiérarchique et de la réduction des ressources de son unité. Dans un des passages de la note précitée, la requérante indiquait que, à son avis, « [t]oute personne familiarisée avec le sujet pourrait voir, dans [l]es actes et attitudes [décrits dans la note], des éléments constitutifs de harcèlement ».

7        Du 1er janvier au 28 février 2011, la requérante a été en congé parental et, du 1er mars au 15 décembre 2011, elle a été en congé de maladie.

8        Le secrétaire général du Parlement a répondu à la note du 20 décembre 2010 le 13 mai 2011, alors que la requérante était en congé de maladie. Dans sa réponse, il affirmait notamment ne pas avoir traité cette note ni comme une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, ni comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ni non plus comme une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut. Le secrétaire général ajoutait que, au cas où la requérante se plaindrait de harcèlement, elle devrait saisir le comité consultatif sur la prévention du harcèlement au travail (ci-après le « comité consultatif sur le harcèlement »).

9        Par une lettre du 19 octobre 2011, le secrétaire général du Parlement a rappelé à la requérante qu’elle était soumise à mobilité depuis 2010 et lui a proposé à ce titre une réaffectation à la DG de la traduction pour remplir les fonctions de conseiller, en tant que coordinatrice dans son domaine de spécialisation pour l’ensemble de la DG de la traduction, fonctions rattachées au directeur de la direction des ressources de ladite direction générale, lequel devait être nommé prochainement par le bureau du Parlement (ci-après la « proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité »). Par une communication du directeur général du personnel, du 18 novembre 2011, concernant les mouvements de chefs d’unité à intervenir dans les prochaines semaines, le personnel de la DG du personnel a été informé du mouvement du chef de l’unité « Carrières » vers le poste de chef d’unité de la requérante à partir du 1er janvier 2012.

10      Par lettre au secrétaire général du Parlement du 21 novembre 2011 la requérante a décliné la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité au motif que son travail et son rôle en tant que chef d’unité ayant été systématiquement dévalorisés et sapés par le directeur général du personnel, son supérieur hiérarchique, elle considérait ses activités professionnelles dans son domaine de spécialisation au sein du secrétariat général de l’institution comme un « chapitre clos » de sa vie professionnelle. Après avoir rappelé qu’elle était en congé de maladie depuis le 1er mars 2011 et mentionné qu’une reprise du travail était désormais envisageable, elle a proposé au secrétaire général la solution d’un détachement auprès d’une autre institution ou d’un autre organisme de l’Union européenne et lui a demandé de se prononcer en faveur de cette solution (ci-après la « demande de détachement »).

11      La demande de détachement de la requérante a été rejetée par le secrétaire général du Parlement, par lettre du 4 janvier 2012, au motif, notamment, que le Parlement ne pouvait pas de sa propre initiative proposer à une autre institution de recruter un membre de son personnel et que la demande de détachement devait être présentée par ladite institution au Parlement. Dans cette même lettre, le secrétaire général du Parlement a invité la requérante à faire preuve de proactivité en se portant candidate à des postes vacants, tant au Parlement que dans d’autres institutions, sur lesquels elle pourrait être mutée ou transférée. Par la même occasion, le secrétaire général l’a informée de son intention de proposer à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du Parlement de l’affecter provisoirement au poste de conseiller auprès du directeur de la direction des ressources de la DG du personnel, dans l’attente des résultats des candidatures de la requérante à des emplois vacants (ci-après la « proposition de réaffectation provisoire »), en ajoutant qu’« [u]ne autre affectation pourrait le cas échéant être envisagée à [son] retour de congé en janvier 2012 en fonction des disponibilités qui exister[aie]nt à ce moment ».

12      Le 6 janvier 2012, la requérante a adressé une lettre au président du Parlement, en sa qualité d’AIPN, en lui demandant de ne pas donner suite à la proposition de réaffectation provisoire et de lui proposer, avant le 16 janvier 2012, date prévue de sa reprise du travail, une autre affectation, même provisoire, en tant que chef d’unité et en dehors de la DG du personnel.

13      Dans cette lettre, la requérante expliquait que son congé de maladie de mars à décembre 2011 aurait été provoqué par une situation de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie qui existait depuis mars 2009, situation dont le service de la gestion des absences médicales et le médecin-conseil du Parlement auraient été informés par son médecin traitant par un rapport médical du 30 septembre 2011. Pour cette raison, elle déclarait ne pas pouvoir accepter d’être replacée dans le même environnement de travail, à savoir la DG du personnel, et demandait une affectation correspondant à ses anciennes responsabilités de chef d’unité. Dans la lettre précitée, la requérante invitait l’AIPN à « prendre toute mesure urgente appropriée pour que la situation de harcèlement qu[’elle avait] subie au sein de la DG du [p]ersonnel ne puisse persister ou réapparaître ».

14      Le 12 janvier 2012, la requérante a rencontré le médecin-conseil du Parlement et lui a remis un nouveau rapport médical de son médecin traitant, du 6 janvier 2012, d’après lequel un retour dans la même direction générale serait associé à un risque de rechute de son état de santé.

15      À la fin de son congé de maladie, le 15 décembre 2011, suivi de son congé annuel jusqu’au 15 janvier 2012, la requérante a repris le travail le 16 janvier 2012, sur base d’un travail à mi-temps pour raisons médicales. Il ressort du dossier, et notamment du courriel de la requérante envoyé le 29 janvier 2012 au service médical du Parlement, qu’elle a été à nouveau en congé annuel du 19 au 27 janvier 2012 et, ensuite, en congé de maladie, et que ce congé de maladie a été prolongé jusqu’au 5 janvier 2013.

16      Par décision du président du Parlement en tant qu’AIPN, du 16 janvier 2012, il a été mis fin aux fonctions de chef d’unité au sein de la DG du personnel de la requérante et celle-ci a été réaffectée dans l’intérêt du service, avec effet au 1er janvier 2012, comme conseiller à la même direction générale, avec perte de la majoration de traitement liée aux fonctions de chef d’unité (ci-après la « décision de réaffectation provisoire »). Cette décision a été contestée par la requérante par une réclamation du 15 février 2012 puis par un recours devant le Tribunal enregistré le 27 février 2012 sous la référence F‑24/12. La requérante a également demandé le sursis à l’exécution de la décision de réaffectation provisoire, demande dont elle s’est par la suite désistée.

17      Par courriel du 23 janvier 2012, la requérante a saisi le comité consultatif sur le harcèlement par la formule suivante : « Je saisis le comité car j’estime être confrontée à une situation qui relève [du] harcèlement moral, tel que défini à l’article 12 bis du statut et à l’article 4 des règles internes du comité. Je me tiens à la disposition du comité pour illustrer cette situation, dans les délais prévus à l’article 11 des règles internes. » Dans un courriel précédent, du 16 janvier 2012, au président dudit comité, elle avait indiqué être joignable par téléphone à son bureau tous les matins, sauf les vendredis 20 et 27 janvier 2012.

18      Par lettre du 8 mars 2012, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante qu’il avait proposé à l’AIPN de la réaffecter, dans l’intérêt du service, à un poste de conseiller auprès du service EMAS (ci-après la « dernière proposition de réaffectation »). Dans cette lettre, le secrétaire général considérait qu’une telle affectation était de nature à répondre à la demande de la requérante de ne plus exercer de fonctions en rapport avec son domaine de spécialisation ou dans l’environnement immédiat de la DG du personnel. La requérante indique avoir reçu communication de cette lettre le 15 mars 2012.

19      Par décision du 20 mars 2012, notifiée à la requérante le 23 mars suivant, le président du Parlement, en tant qu’AIPN, a donné suite à la dernière proposition de réaffectation, avec effet au 15 mars 2012 (ci-après la « décision attaquée »).

20      Par courriel du 10 avril 2012, le président du comité consultatif sur le harcèlement a invité la requérante à lui indiquer ses disponibilités en vue de son audition par le comité. La requérante a répondu par courriel du 17 avril 2012 en se plaignant du défaut de réponse du comité dans les dix jours suivant sa saisine et en affirmant que depuis cette saisine son état de santé s’était dégradé et ne lui permettait pas pour le moment de rencontrer le comité.

21      Par courriel à la requérante du 19 avril 2012, le président du comité consultatif sur le harcèlement a contesté toute négligence de sa part suite à la saisine du comité, faisant valoir notamment qu’il aurait essayé de la joindre à plusieurs reprises par téléphone, sans succès. La requérante a réagi à ce courriel par un courriel du 20 avril 2012 dans lequel elle affirme ne pas avoir constaté sur son téléphone, avant la fin du mois de janvier 2012, de notifications d’appels en absence de sa part et avoir été depuis février 2012 en congé de maladie.

22      La décision attaquée a fait l’objet d’une réclamation de la part de la requérante, introduite le 20 juin 2012.

23      En juillet 2012, dans le cadre de la gestion des absences médicales, le médecin mandaté par le Parlement a effectué une visite de contrôle au domicile de la requérante. Il a conclu que l’arrêt de travail était justifié et a recommandé que la requérante quitte le Parlement soit pour intégrer une autre institution, soit en tant que bénéficiaire d’une pension d’invalidité.

24      Le 16 juillet 2012, le Parlement a communiqué à la requérante sa décision de saisir la commission d’invalidité de son cas en raison de la durée de ses congés de maladie cumulés, en application de l’article 59, paragraphe 4, du statut. Le 5 septembre 2012, la requérante a communiqué au Parlement le nom d’un médecin pour la représenter dans la procédure d’invalidité initiée par le Parlement et a demandé que la commission d’invalidité se prononce sur l’origine professionnelle de sa maladie.

25      L’AIPN a rejeté la réclamation par décision du 21 septembre 2012.

26      Par lettre du 15 novembre 2012 adressée au secrétaire général du Parlement, la requérante a présenté sa démission, conformément à l’article 48 du statut, à compter du 1er janvier 2013 et a demandé la jouissance, immédiate et sans réduction de droits, de sa pension d’ancienneté, en application de l’article 9 de l’annexe VIII du statut. Par une deuxième lettre du même jour, la requérante a informé le Parlement que, ayant présenté sa démission et sollicité la jouissance anticipée de sa pension d’ancienneté, ladite pension n’étant pas cumulable avec une allocation d’invalidité, elle ne se rendrait pas pour cette raison à la réunion prévue pour le 20 novembre suivant de la commission d’invalidité désormais sans objet.

27      Par lettre du 28 novembre 2012 adressée au secrétaire général du Parlement, la requérante a déclaré « confirme[r] explicitement [s]a volonté de […] cesser définitivement [s]es fonctions dans l’institution », conformément à l’article 48 du statut.

28      Le secrétaire général du Parlement a répondu à la requérante par lettre du 14 décembre 2012 que, dès lors que sa demande de démission n’impliquait pas l’attribution d’une pension d’ancienneté et qu’elle demandait par ailleurs le bénéfice anticipé de sa pension d’ancienneté, sa demande de démission devait être requalifiée en demande de mise à la retraite à compter du 1er janvier 2013, demande à laquelle il avait fait droit par décision du 10 décembre 2012 jointe en annexe. En revanche, le secrétaire général l’informait de sa décision de rejeter sa demande de retraite anticipée sans réduction des droits à pension, faute pour elle de s’être portée candidate dans le délai, expiré le 11 mai 2012, de la campagne lancée pour l’exercice 2012.

29      Par décision du 10 décembre 2012, la requérante a été mise à la retraite sur sa demande à compter du 31 décembre 2012 au soir, avec bénéfice de la pension d’ancienneté à compter du 1er janvier 2013.

30      Par lettre du 19 décembre 2012, les conseils de la requérante ont demandé au secrétaire général du Parlement le retrait de la décision de mise à la retraite, du fait qu’elle ne correspondait pas au souhait de la requérante qui était de démissionner, et l’adoption d’une nouvelle décision en conformité avec sa volonté.

31      Le secrétaire général du Parlement a donné suite à cette demande et a adopté, le 18 janvier 2013, une décision annulant et remplaçant la décision de mise à la retraite du 10 décembre précédent et portant acceptation de la démission de la requérante avec effet au 31 décembre 2012 au soir. Cette décision a été communiquée à la requérante par une lettre du secrétaire général du Parlement du 23 janvier 2013.

 Conclusions des parties

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        reconnaître le préjudice que la requérante a subi à plusieurs niveaux (santé, dignité, réputation professionnelle, perte d’égalité des chances dans son évolution de carrière) en raison « des agissements de harcèlement et de mauvaise administration qui se sont succédés sans solution de continuité depuis 2009 » ;

–        ordonner la réparation de ce préjudice en accordant à la requérante des dommages et intérêts dont le montant peut être équitablement évalué à la somme de 400 000 euros ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

33      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–        rejeter la demande de dommages et intérêts comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur le premier chef de conclusions, visant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation

34      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêts Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et Hoppenbrouwers/Commission, F‑104/07, EU:F:2009:93, point 31). En l’espèce, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et le recours doit être regardé comme dirigé contre la décision attaquée, dont la motivation est précisée par la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêts Eveillard/Commission, T‑258/01, EU:T:2004:177, points 31 et 32, et Buxton/Parlement, F‑50/11, EU:F:2012:51, point 21).

 Sur le deuxième chef de conclusions, visant à l’annulation de la décision attaquée

35      À l’appui de ce chef de conclusions, la requérante soulève trois moyens, chacun comportant plusieurs branches.

36      Le premier moyen comporte cinq branches, respectivement tirées de la violation de l’article 7 du statut, de la violation de l’article 12 bis du statut, d’un détournement de procédure et d’un détournement de pouvoir, de la violation du principe d’égalité de traitement, et de la violation du principe de la vocation pour le fonctionnaire à faire carrière sans impact négatif sur son grade et sa rémunération.

37      Le deuxième moyen comporte deux branches, fondées, la première, sur la violation des droits de la défense et, la seconde, sur la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

38      Le troisième moyen est déduit de la violation de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la violation de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut et de la violation de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, sous g), de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1).

 Sur le premier moyen

 Sur la recevabilité du moyen pris dans ses différentes branches

39      Le Tribunal constate que la requérante ne développe son argumentation qu’à l’égard des trois premières branches du premier moyen. Les quatrième et cinquième branches n’étant aucunement étayées par une quelconque argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, il y a lieu de les déclarer irrecevables.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7 du statut

–       Arguments des parties

40      La requérante soutient que la décision attaquée n’a pas été adoptée conformément à l’intérêt du service dans la mesure où son expérience comme chef d’unité aurait dû être valorisée par une réaffectation à un poste au moins équivalent en termes de fonctions d’encadrement.

41      La requérante ajoute que, même si le poste auquel elle a été nommée au sein du service EMAS porte le titre de « conseiller », en l’occurrence celui de « conseiller en management environnemental », il s’agit d’une fonction faisant partie de la famille des métiers « ADM (administration) », attribuée à tous les agents du groupe de fonctions des administrateurs (AD) affectés audit service, indépendamment de leur grade, qui peut aller de AD 5 à AD 14.

42      Le Parlement conclut que la légalité de la décision attaquée ne fait aucun doute.

–       Appréciation du Tribunal

43      En ce qui concerne la base légale de la décision attaquée, il ressort de son premier visa qu’elle a bien été adoptée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du statut

44      Il y a lieu d’observer, ensuite, que, même si la décision attaquée se présente, dans la mesure où elle se fonde notamment sur l’article 7, paragraphe 1, du statut, comme une décision portant mutation de la requérante dans l’intérêt du service du poste de conseiller à la direction des ressources de la DG du personnel au poste de conseiller auprès du service EMAS, elle doit s’analyser comme une mesure de réaffectation, puisque la requérante n’a pas été transférée sur un emploi vacant en application des articles 4 et 29 du statut.

45      Selon la jurisprudence, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions. Dès lors, même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois (arrêt de Albuquerque/Commission, F‑55/06, EU:F:2007:15, point 55, et la jurisprudence citée).

46      Il s’ensuit que, dans la pratique, les décisions de réaffectation sont soumises, au même titre que les mutations, en ce qui concerne la sauvegarde des droits et des intérêts légitimes du fonctionnaire intéressé, aux règles de l’article 7, paragraphe 1, du statut.

47      En l’espèce, il convient dès lors d’examiner si la décision attaquée satisfait aux deux conditions, reprises au point 45 du présent arrêt, de l’intérêt du service et de l’équivalence des emplois.

48      Il convient de rappeler, tout d’abord, que la notion de l’intérêt du service au sens de l’article 7, paragraphe 1, du statut, telle qu’elle a été précisée par la jurisprudence, se rapporte au bon fonctionnement de l’institution en général et, en particulier, aux exigences spécifiques du poste à pourvoir (arrêt BP/FRA, F‑38/12, EU:F:2013:138, point 140, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑658/13 P).

49      Or, conformément à une jurisprudence constante, une réaffectation dans l’intérêt du service n’exclut pas que l’AIPN tienne compte des souhaits personnels des intéressés, notamment afin de leur permettre de surmonter leurs difficultés personnelles (voir, en ce sens, arrêt Verhaaf/Commission, 140/77, EU:C:1978:197, points 11 et 12). Dans la mesure où le rendement de tout fonctionnaire dépend de son épanouissement personnel et en vertu du devoir de sollicitude de l’Union européenne envers ses fonctionnaires, il est évident que l’intérêt du service implique nécessairement la prise en considération des problèmes personnels invoqués par les fonctionnaires (arrêt Ridolfi/Commission, F‑3/09, EU:F:2009:162, point 47).

50      En ce qui concerne la question de savoir si la réaffectation de la requérante s’est effectuée dans l’intérêt du service, il ressort du dossier, en premier lieu, que, par sa lettre du 21 novembre 2011 au secrétaire général du Parlement, la requérante a décliné la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité.

51      En deuxième lieu, par sa lettre à l’AIPN du 6 janvier 2012, la requérante lui a demandé, notamment, de ne pas donner suite à la proposition de réaffectation provisoire compte tenu de la situation de harcèlement moral qu’elle aurait vécue au sein de la DG du personnel et qui aurait conduit à la détérioration de son état de santé, et de lui proposer, avant le 16 janvier 2012, date prévue de sa reprise du travail, une autre affectation correspondant à ses anciennes responsabilités de chef d’unité.

52      En troisième lieu, la requérante ayant repris le travail le 16 janvier 2012 comme conseiller auprès du directeur de la direction des ressources de la DG du personnel, poste auquel elle avait entre-temps été nommée, son état de santé s’est à nouveau détérioré et, après son congé annuel du 19 au 27 janvier 2012, elle a été mise en congé de maladie le 30 janvier suivant.

53      C’est dans le contexte qui vient d’être décrit qu’intervient la décision attaquée, par laquelle l’AIPN, tel que cela ressort de la dernière proposition de réaffectation, a considéré donner suite aux souhaits exprimés par la requérante, à la fois de ne plus exercer de fonction en rapport avec son domaine de spécialisation et de ne plus travailler dans l’environnement immédiat de la DG du personnel.

54      Il s’ensuit que la décision attaquée a été adoptée dans l’intérêt du service, selon l’interprétation découlant de la jurisprudence reprise au point 49 du présent arrêt.

55      En ce qui concerne la question de savoir si la décision attaquée a respecté l’équivalence des emplois, seconde des deux conditions reprises au point 45 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, en cas de modification des fonctions attribuées à un fonctionnaire, la règle de correspondance entre le grade et l’emploi, énoncée en particulier par l’article 7 du statut, implique une comparaison entre le grade et les fonctions actuels du fonctionnaire et non pas une comparaison entre ses fonctions actuelles et ses fonctions antérieures (arrêt Bermejo Garde/CESE, F‑41/10, EU:F:2012:135, point 162, et la jurisprudence citée, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑530/12 P).

56      Dès lors, la règle de correspondance entre le grade et l’emploi ne s’oppose pas à ce qu’une décision entraîne l’attribution de nouvelles fonctions qui, si elles diffèrent de celles précédemment exercées et sont perçues par l’intéressé comme comportant une réduction de ses attributions, sont néanmoins conformes à l’emploi correspondant à son grade. Ainsi, une diminution effective des attributions d’un fonctionnaire n’enfreint la règle de correspondance entre le grade et l’emploi que si ses nouvelles attributions sont, dans leur ensemble, nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (arrêt Bermejo Garde/CESE, EU:F:2012:135, point 163).

57      Enfin, si le statut vise à garantir aux fonctionnaires le grade obtenu ainsi qu’un emploi correspondant à ce grade, le statut n’accorde aux fonctionnaires aucun droit à un emploi déterminé, mais laisse au contraire à l’AIPN la compétence d’affecter les fonctionnaires, dans l’intérêt du service, aux différents emplois correspondant à leur grade. Par ailleurs, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en fonction de leurs aptitudes spécifiques et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques ou de refuser toute autre fonction de leur emploi type (arrêt Bermejo Garde/CESE, EU:F:2012:135, point 164).

58      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la requérante a été réaffectée d’un poste de conseiller à la direction des ressources de la DG du personnel à un poste de conseiller auprès du service EMAS, tout en conservant son grade AD 14. Par conséquent, la correspondance entre le grade et l’emploi a été respectée, dans la mesure où, tel que cela ressort du tableau descriptif des emplois types figurant à l’annexe I, point A, du statut, le grade AD 14 correspond à un « [a]dministrateur exerçant, par exemple, la fonction de […] [d]irecteur[, de] chef d’unité [ou de] conseiller ».

59      La requérante fait néanmoins valoir, en premier lieu, que les fonctions de conseiller auprès d’un directeur sont généralement assurées au Parlement par des administrateurs en début de carrière, à partir du grade AD 5, le terme de « conseiller » étant même utilisé pour désigner des agents du groupe de fonctions des assistants (AST). Elle fait valoir, en deuxième lieu, qu’elle a été nommée « conseiller en management environnemental » au service EMAS, à un poste placé sous la responsabilité hiérarchique d’un chef de service de grade AD 6, lui-même sous la responsabilité d’un chef d’unité. En troisième lieu, elle fait valoir que la fiche de poste montrerait que les activités du poste ne correspondent pas à son profil ni à son expérience professionnelle, que, s’agissant des compétences, une formation technique reconnue en relation avec la problématique environnementale est requise ainsi que des connaissances spécifiques liées au domaine d’activité et, enfin, que si elle s’était portée candidate audit poste sa candidature aurait vraisemblablement été jugée irrecevable.

60      En ce qui concerne le premier argument de la requérante, il suffit de constater qu’elle reste en défaut de prouver que, en dépit du tableau descriptif des emplois types figurant à l’annexe I, point A, du statut, selon lequel la fonction de conseiller est en principe exercée par un fonctionnaire de grade AD 13 ou AD 14, le Parlement conférerait une telle fonction non seulement aux administrateurs de grades inférieurs, mais aussi à des agents du groupe de fonctions AST.

61      Pour ce qui est du deuxième argument de la requérante, relatif à sa position dans la hiérarchie au sein de la DG des infrastructures et de la logistique, le Tribunal relève que, bien que la décision attaquée ait, d’un point de vue organisationnel, rattaché la requérante au service EMAS, cette affectation ne signifiait pas pour autant que, d’un point de vue fonctionnel, son rôle aurait été de conseiller un fonctionnaire ou un agent de grade AD 6 sous l’autorité duquel elle aurait été placée. En tout état de cause, faute pour la requérante d’avoir pris ses fonctions de conseiller auprès du service EMAS, elle n’a pas pu faire l’expérience des tâches qui devaient lui être dévolues ni de son intégration dans la hiérarchie de sorte que, en l’absence d’un commencement de preuve à l’appui de ses affirmations, son deuxième argument doit être écarté comme manquant en fait.

62      La requérante soulève un troisième argument, par lequel elle fait grief au Parlement de l’avoir réaffectée à un poste auquel, si elle avait postulé, sa candidature aurait vraisemblablement été rejetée au vu de la fiche de poste, car elle ne possède ni la formation technique ni les connaissances spécifiques liées au domaine d’activité requises. À cet égard, il suffit de constater que, le poste de conseiller auprès du service EMAS n’ayant pas donné lieu à la publication d’une vacance d’emploi, l’argument de la requérante est hypothétique, celle-ci ne pouvant pas préjuger des conditions qui auraient été exigées des éventuels candidats si une telle publication avait été faite.

63      Par conséquent, la décision attaquée ayant été adoptée dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence entre le grade et l’emploi, la requérante n’est pas fondée à prétendre qu’il y a eu violation de l’article 7 du statut. La première branche du premier moyen doit, partant, être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 12 bis du statut

–       Arguments des parties

64      La requérante fait valoir que la décision attaquée, adoptée à la suite de ses différentes tentatives d’alerter l’AIPN quant aux faits de harcèlement et de mauvaise administration subis au sein de la DG du personnel, est contraire à l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut.

65      La requérante affirme également que le comité consultatif sur le harcèlement, qu’elle avait saisi le 23 janvier 2012, a réagi tardivement par le courriel de son président du 10 avril 2012 lui demandant ses disponibilités, alors qu’il aurait dû la recevoir dans les dix jours ouvrables à partir de sa saisine. Cette réaction tardive aurait d’ailleurs été motivée, plutôt que par un esprit de sollicitude, par un souci de couvrir a posteriori le manque de diligence du comité.

66      Le Parlement conteste que la requérante ait fait l’objet de mesures de rétorsion et conclut au rejet de la deuxième branche du premier moyen.

–       Appréciation du Tribunal

67      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, s’il est vrai que l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut protège de tout préjudice de la part d’une institution tant le membre du personnel effectivement victime de harcèlement que le membre du personnel ayant seulement fourni des preuves de harcèlement pour autant qu’il ait agi de bonne foi, encore faut-il, pour que cette disposition trouve à s’appliquer à l’appui de conclusions en annulation d’une décision de l’administration, que l’intéressé apporte ne serait-ce qu’un commencement de preuve que la décision attaquée constitue, en tout ou en partie, une mesure de rétorsion à son égard.

68      En l’espèce, il ressort des points 50 à 53 du présent arrêt que, par la décision attaquée, l’AIPN a donné suite à la dernière proposition de réaffectation après le refus opposé par la requérante à la proposition de réaffectation provisoire et à la suite de sa nouvelle mise en congé de maladie, intervenue le 30 janvier 2012.

69      Il ressort également du dossier que, par la décision attaquée, l’AIPN a fait suite aux souhaits de la requérante, à la fois de ne plus exercer de fonction en rapport avec son domaine de spécialisation et de ne plus travailler dans l’environnement immédiat de la DG du personnel.

70      S’il est vrai que la requérante avait demandé à être nommée à un poste de chef d’unité et que l’AIPN n’a pas donné suite à cette demande, la requérante ayant été réaffectée d’un poste de conseiller à un autre poste de conseiller, il n’en demeure pas moins que cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à qualifier la décision attaquée de mesure de rétorsion à l’égard de la requérante.

71      Il y a lieu de rejeter également le grief relatif à la réaction tardive du comité consultatif sur le harcèlement. En effet, s’il n’est pas établi que son président a essayé de joindre la requérante par téléphone à son bureau, comme il l’affirme, il demeure que l’absence de réaction dudit comité dans le délai de dix jours ouvrables à compter du 23 janvier 2012, date de sa saisine, n’était pas susceptible d’influencer l’AIPN lors de l’adoption, le 20 mars 2012, de la décision attaquée, qui est une décision de réaffectation dans l’intérêt du service.

72      La décision attaquée n’étant pas contraire à l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée du détournement de procédure et du détournement de pouvoir

–       Arguments des parties

73      La requérante reproche au Parlement l’adoption de la décision attaquée sur une base légale différente de celle sur laquelle est fondée la décision de réaffectation provisoire, à l’encontre de laquelle elle a introduit devant le Tribunal, le 27 février 2012, un recours en annulation et en indemnisation enregistré sous la référence F‑24/12. Alors que cette dernière décision aurait été adoptée dans le cadre de la procédure de mobilité, la décision attaquée procède, elle, expressément et prétendument, à sa réaffectation dans l’intérêt du service.

74      Dans la mesure où les garanties en termes d’équivalence de poste ne sont pas les mêmes selon qu’une réaffectation est décidée dans le cadre de la procédure de mobilité ou dans l’intérêt du service, la substitution de base légale en l’espèce devrait être assimilée à un détournement de procédure et à un détournement de pouvoir.

75      Le Parlement conclut au rejet de la troisième branche du premier moyen.

–       Appréciation du Tribunal

76      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure constitue une manifestation, a une portée bien précise qui se réfère à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt BY/AESA, F‑81/11, EU:F:2013:82, point 69, et la jurisprudence citée).

77      Il y a également lieu de rappeler que, dans le cas d’une mesure de réaffectation, lorsque celle-ci n’a pas été jugée comme étant contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêt BY/AESA, EU:F:2013:82, point 70, et la jurisprudence citée).

78      En l’espèce, ainsi qu’il a été établi précédemment, la requérante n’a pas démontré que la décision attaquée n’était pas motivée par l’intérêt du service. En conséquence, aucun détournement de procédure, et donc de pouvoir, ne saurait être caractérisé.

79      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée et, par conséquent, le premier moyen dans son entièreté doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le deuxième moyen, fondé sur la violation des droits de la défense, du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation des droits de la défense

–       Arguments des parties

80      La requérante soutient que, le poste de conseiller auquel elle a été affectée ayant eu un impact négatif tant sur sa carrière que sur sa rémunération, au regard des fonctions de chef d’unité qu’elle exerçait auparavant, elle aurait dû être entendue préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

81      Ainsi, même si la dernière proposition de réaffectation lui a été notifiée le 15 mars 2012, soit avant l’adoption de la décision attaquée, il ne lui aurait pas été possible de faire valoir utilement son point de vue avant cette adoption, le 20 mars 2012, d’une part, en l’absence d’invitation formelle de la part du secrétaire général du Parlement et, d’autre part, du fait qu’elle était alors en congé de maladie.

82      Le Parlement conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen.

–       Appréciation du Tribunal

83      Il y a lieu de relever que, par la décision attaquée, la requérante n’a pas été réaffectée d’un poste de chef d’unité, mais d’un poste de conseiller, auquel elle avait été nommée par la décision de réaffectation provisoire, à un autre poste de conseiller, de sorte que son premier grief manque en fait.

84      En ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel elle n’aurait pas été entendue avant que l’AIPN adopte la décision attaquée, il convient de rappeler que, tel qu’il ressort de la jurisprudence, les droits de la défense recouvrent assurément, tout en étant plus étendus, le droit pour toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, droit d’être entendu tel qu’il est énoncé à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (arrêt Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, EU:F:2012:171, point 146, et la jurisprudence citée). L’article 41 de la Charte reprend, en cela, les solutions jurisprudentielles ayant consacré l’existence du principe général de bonne administration, comme le soulignent les explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 28). Le droit pour tout fonctionnaire d’être entendu s’applique particulièrement avant l’adoption d’un acte susceptible d’entraîner des conséquences sensibles sur l’évolution de sa carrière.

85      En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision attaquée, en premier lieu, n’était pas susceptible d’entraîner des conséquences sensibles sur l’évolution de la carrière de la requérante ; en deuxième lieu, qu’elle a respecté, tel qu’il ressort des points 55 à 58 du présent arrêt, l’équivalence des emplois ; en troisième lieu, qu’elle a donné suite aux souhaits de la requérante de ne plus exercer de fonctions en rapport avec son domaine de spécialisation ou dans l’environnement immédiat de la DG du personnel et, en quatrième lieu, qu’elle n’a entrainé pour la requérante aucun changement de lieu d’affectation. Dans ces conditions, l’AIPN n’avait pas l’obligation de communiquer à la requérante, préalablement à son adoption, les éléments retenus pour fonder ladite décision afin qu’elle puisse faire connaître utilement son point de vue à ce sujet (voir, en ce sens, arrêt Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, point 147).

86      En tout état de cause, il convient de rappeler que, dans la lettre du 8 mars 2012 communiquant la dernière proposition de réaffectation à la requérante, le secrétaire général du Parlement l’avait informée de son intention de saisir l’AIPN de cette proposition. Or, même s’il est vrai que dans cette communication la requérante n’a pas été formellement invitée à donner son avis sur la dernière proposition de réaffectation, rien ne l’empêchait de réagir pour faire valoir son point de vue, comme elle l’avait fait auparavant, à deux reprises et sans invitation formelle, lorsqu’elle s’était vu notifier la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité, d’une part, et lorsqu’elle s’était vu notifier la proposition de réaffectation provisoire, d’autre part.

87      Enfin, le fait que, lorsque le secrétaire général du Parlement lui a envoyé la dernière proposition de réaffectation, la requérante se trouvait en congé de maladie n’est pas de nature à modifier la précédente appréciation, la requérante ayant également été en congé de maladie ou en congé annuel lorsqu’elle a manifesté son opposition aux deux propositions de réaffectation précitées.

88      Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

–       Arguments des parties

89      La requérante indique que les circonstances de fait entourant l’adoption de la décision attaquée, à savoir le congé de maladie de longue durée ayant précédé son retour au travail le 16 janvier 2012 et les faits de harcèlement et de mauvaise administration qu’elle a dénoncés et qui ont entraîné une détérioration de ses conditions de travail et de son état de santé depuis 2010, auraient dû pousser l’administration du Parlement à prendre en compte non seulement l’intérêt du service, mais aussi son intérêt personnel. Elle ajoute que, même si l’AIPN était au courant de sa situation de santé, elle n’en a pas tenu compte lorsqu’elle a adopté la décision attaquée qui a représenté pour elle, de facto, une rétrogradation.

90      Le Parlement conclut au rejet de la seconde branche du deuxième moyen.

–       Appréciation du Tribunal

91      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la notion de devoir de sollicitude de l’administration, telle que développée par la jurisprudence, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’administration et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’administration prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt Esders/Commission, F‑62/10, EU:F:2011:141, point 79, et la jurisprudence citée).

92      Les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit examiner les demandes de celui-ci dans un esprit d’ouverture particulier (voir arrêt Esders/Commission, EU:F:2011:141, point 80, et la jurisprudence citée).

93      Par ailleurs, il incombe de façon générale au service médical d’une institution, particulièrement lorsque son attention est attirée, soit par le fonctionnaire concerné lui-même, soit par l’administration, sur les conséquences prétendument néfastes que pourrait avoir une décision administrative pour la santé de la personne à laquelle elle est adressée, de vérifier la réalité et l’étendue des risques invoqués et d’informer l’AIPN du résultat de son examen (arrêt Esders/Commission, EU:F:2011:141, point 82).

94      En l’espèce, il doit être relevé, en premier lieu, que, dans un certificat médical du 18 mai 2011, le médecin traitant de la requérante affirme qu’elle aurait besoin d’une nouvelle affectation de poste ; que, dans le certificat médical du 30 septembre 2011 qu’elle aurait adressé au médecin-conseil du Parlement, le même médecin traitant indique que les symptômes de la requérante s’expliqueraient par sa situation au travail et sa relation difficile avec son supérieur hiérarchique et recommande un changement de poste l’écartant de sa direction générale. Il doit également être relevé, en deuxième lieu, que la requérante a été en congé de maladie du 1er mars au 15 décembre 2011 et, à nouveau, à partir du 30 janvier 2012, et, en troisième lieu, qu’en décembre 2010 la requérante a fait état au secrétaire général du Parlement des difficultés rencontrées sur son lieu de travail du fait de l’attitude de son supérieur hiérarchique. Selon le certificat médical du même médecin traitant, du 6 janvier 2012, que la requérante a remis le 12 janvier suivant au médecin-conseil du Parlement, l’état de santé de la requérante lui permettrait de reprendre une activité professionnelle, mais un retour dans la même direction générale serait associé, à son avis, à un risque de rechute en ce qui concerne sa santé.

95      Il ressort du dossier que, à partir du mois d’octobre 2011, le secrétaire général du Parlement s’est montré sensible à la situation dont se plaignait la requérante en lui faisant deux propositions de réaffectation : le 19 octobre 2011, la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité, dans une autre direction générale que la DG du personnel, et, le 4 janvier 2012, la proposition de réaffectation provisoire, à la DG du personnel, mais sans lien hiérarchique direct avec le présumé harceleur. La requérante a déclinée la première de ces deux propositions et a contesté la seconde, dans un premier temps, par son courriel à l’AIPN, du 6 janvier 2012, et, ensuite, lorsque la décision de réaffectation provisoire a été adoptée, par une réclamation introduite le 15 février 2012, un recours et une demande en référé. Ayant repris le travail le 16 janvier 2012, sur la base d’une activité à mi-temps pour raisons médicales, et ayant bénéficié d’un congé annuel du 19 au 27 janvier 2012, la requérante a été de nouveau en congé de maladie à partir du 30 janvier suivant.

96      Dans ces circonstances, il ne saurait être fait grief à l’AIPN d’avoir violé son devoir de sollicitude ou le principe de bonne administration en adoptant la décision attaquée, dans la mesure où, par cette décision, elle a donné suite aux souhaits que la requérante avait manifestés, à savoir ne plus travailler dans son domaine de spécialisation et ne plus être affectée à la DG du personnel.

97      Il est vrai que, tel que cela ressort des communications qu’elle a adressées tant au secrétaire général du Parlement qu’au président du Parlement en tant qu’AIPN, la requérante aurait aussi souhaité être nommée à un poste de chef d’unité, et non à un poste de conseiller.

98      Il n’en demeure pas moins que, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose toute institution en matière d’organisation de ses services, dès lors que, comme en l’espèce, une mesure de réaffectation est conforme à l’intérêt du service et qu’elle respecte la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi, il n’appartient pas au Tribunal de déterminer si d’autres mesures auraient été plus opportunes.

99      Dans ces conditions, il convient de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son entièreté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, déduit de la violation de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte, de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut et de la violation de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, sous g), de la directive 89/391

 Arguments des parties

100    La requérante est d’avis que, par application de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, les dispositions protectrices des travailleurs instituées par la directive 89/391, notamment l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 2, sous g), doivent trouver à s’appliquer à son cas.

101    Elle fait grief au Parlement d’avoir manqué à son obligation d’agir à son égard dans le respect des dispositions protectrices susmentionnées. Ainsi, en premier lieu, le service médical du Parlement aurait été informé, en janvier 2011, de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé puis, le 12 janvier 2012, avant sa reprise du travail à la direction des ressources de la DG du personnel, la requérante a fourni au médecin-conseil de l’institution copie du certificat médical du 6 janvier 2012, établi par son médecin traitant, et lui aurait demandé son assistance afin d’obtenir une nouvelle affectation. En outre, le médecin de l’institution chargé de la gestion des absences médicales aurait eu des contacts avec le médecin traitant de la requérante au cours de l’année 2011 et, le 6 juin 2011 et le 2 juillet 2012, la requérante aurait fait l’objet de deux visites de contrôle médical organisées par le Parlement. De même, la requérante précise que, le 29 mai 2012, le médecin chargé de la gestion des absences médicales l’a invitée à un entretien dans le cadre de son congé de maladie.

102    La requérante, en deuxième lieu, se plaint de ce que le comité consultatif sur le harcèlement a réagi tardivement à sa saisine. En troisième lieu, la requérante considère que l’AIPN n’a répondu à sa demande d’assistance du 20 décembre 2010 que le 13 mai 2011, alors qu’elle était déjà en congé de maladie et, en quatrième lieu, la requérante affirme avoir fait l’objet de trois propositions successives de réaffectation en très peu de temps, ce qui aurait contribué à aggraver son état de santé.

103    Le Parlement considère, d’une part, que l’interprétation large que la requérante fait des dispositions du statut et de la directive 89/391 est contraire à la jurisprudence du juge de l’Union, telle qu’elle ressort de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Commission/Strack (T‑268/11 P, EU:T:2012:588), sans préjudice de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu dans la procédure de réexamen de cet arrêt (arrêt Réexamen Commission/Strack, C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570). D’autre part, le Parlement rappelle que la décision attaquée avait pour objet de soustraire la requérante à l’environnement de travail dont elle se plaignait et estime, par voie de conséquence, que, compte tenu de ce que la requérante attaque une décision de l’AIPN, il ne saurait lui être reproché d’être resté inactif.

 Appréciation du Tribunal

104    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le droit de tout travailleur à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité est désormais expressément consacré à l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

105    Selon les explications afférentes à l’article 31 de la Charte, lesquelles, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, doivent être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci, l’article 31, paragraphe 1, de la Charte se fonde sur la directive 89/391.

106    Il y a lieu de rappeler, en outre, que, ainsi qu’il ressort de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent notamment aux institutions de l’Union qui sont, en conséquence, tenues de respecter les droits qu’elle consacre, et donc en particulier le droit des travailleurs à des conditions de travail qui respectent notamment leur santé, droit consacré à l’article 31, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt Réexamen Commission/Strack, EU:C:2013:570, point 39).

107    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire et, notamment, avec les dispositions de la Charte (arrêt Réexamen Commission/Strack, EU:C:2013:570, point 40, et la jurisprudence citée). S’agissant de la protection de la santé, dans son arrêt Royaume-Uni/Conseil (C‑84/94, EU:C:1996:431, point 15), la Cour a rappelé que l’interprétation du mot « santé » peut notamment s’appuyer sur le préambule de la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, dont font partie tous les États membres, qui définit la santé comme un état complet de bien-être physique, mental et social, et non pas seulement comme un état consistant en une absence de maladie ou d’infirmité.

108    Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/391, « [l]’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail » et que cette disposition soumet l’employeur à l’obligation d’assurer aux travailleurs un environnement de travail sûr, dont le contenu est précisé aux articles 6 à 12 de la directive 89/391 ainsi que par plusieurs directives particulières qui prévoient les mesures de prévention devant être adoptées dans certains secteurs de production spécifiques (arrêt Commission/Royaume-Uni, C‑127/05, EU:C:2007:338, points 40 à 42).

109    Pour sa part, le libellé de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, en tant qu’il se réfère aux « prescriptions minimales applicables en vertu des mesures arrêtées [...] en application des traités » dans les « domaines » de « santé et de sécurité » et relatives aux conditions de travail, envisage des règles telles que celles que comporte la directive 89/391, dès lors que celle-ci a elle-même pour objet, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, de mettre en œuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail [voir, s’agissant de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9), arrêt Réexamen Commission/Strack, EU:C:2013:570, point 43].

110    Toutefois, pour étendue qu’elle soit, l’obligation des institutions de l’Union, lorsqu’elles agissent en tant qu’employeur, d’assurer la sécurité et la santé de leur personnel ne peut aller jusqu’à faire peser sur l’institution concernée une obligation absolue de résultat (voir, en ce sens, arrêt Missir Mamachi di Lusignano/Commission, F‑50/09, EU:F:2011:55, point 130, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑401/11 P).

111    C’est dans ce contexte législatif, tel qu’interprété par le juge de l’Union, qu’il convient d’examiner les quatre griefs soulevés par la requérante, exposés aux points 101 et 102 du présent arrêt.

112    En ce qui concerne le premier grief, le Tribunal se doit de constater, d’une part, que la requérante reste en défaut de prouver qu’elle a demandé au médecin-conseil du Parlement de contacter l’administration afin d’être soustraite rapidement à son environnement de travail. En effet, le médecin-conseil étant tenu par le secret médical à l’égard de l’administration en ce qui concerne ses communications avec un membre du personnel et en ce qui concerne le contenu des certificats médicaux qu’il reçoit, il n’est pas censé prendre l’initiative de divulguer ces informations à l’administration. Il en va de même des contacts entre le médecin du Parlement chargé de la gestion des absences médicales et le médecin traitant de la requérante, qui auraient eu lieu au cours de l’année 2011, ainsi que de la visite médicale de contrôle à laquelle la requérante aurait été soumise le 6 juin 2011.

113    Il doit être constaté, d’autre part, que la requérante a envoyé au service médical du Parlement, le 29 janvier 2012, un courriel dans lequel elle fait part de ses craintes pour sa santé du fait d’être affectée à la DG du personnel et demande au service médical d’agir afin d’éviter une détérioration de son état de santé. Or, il ressort du dossier que, en tout état de cause, que ce soit à l’initiative du service médical ou de son propre chef, le secrétaire général du Parlement a proposé à l’AIPN de réaffecter la requérante à un poste de conseiller auprès du service EMAS, proposition à laquelle l’AIPN a donné suite en adoptant la décision attaquée.

114    Enfin, tout argument tiré de la visite médicale de contrôle à laquelle la requérante aurait été soumise le 2 juillet 2012 ou de l’entretien que la requérante aurait eu le 29 mai 2012 avec le médecin du Parlement chargé de la gestion des absences médicales manque de pertinence à l’appui d’un moyen d’annulation de la décision attaquée, car tant la visite médicale de contrôle que l’entretien susmentionnés sont postérieurs à la décision attaquée.

115    En ce qui concerne le deuxième grief, il suffit de constater que la réaction tardive du comité consultatif sur le harcèlement à la saisine de la requérante, dont cette dernière se plaint, même à la supposer établie, n’aurait pas été susceptible d’affecter la légalité de la décision attaquée, qui est une décision de réaffectation dans l’intérêt du service. Ce grief est partant inopérant.

116    En ce qui concerne le troisième grief, il suffit de constater, au vu du libellé de la note du 20 décembre 2010, que le secrétaire général du Parlement a été saisi au titre de l’article 21 du statut. Dans la note du 20 décembre 2010, l’article 24 du statut, base juridique de toute demande d’assistance de la part du personnel, n’est même pas mentionné. Dans ces conditions, le grief de la requérante, qui reproche au secrétaire général du Parlement d’avoir répondu tardivement à la demande d’assistance qu’elle aurait introduite le 20 décembre 2010, manque en fait.

117    Pour ce qui est, enfin, du quatrième grief, il y a lieu de relever que, s’il est vrai que la requérante a fait l’objet de trois propositions de réaffectation en cinq mois, il demeure qu’après la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité la proposition de réaffectation provisoire a été justifiée par le refus de la requérante d’être nommée au poste qui venait de lui être offert, alors que la dernière proposition de réaffectation s’explique par le fait que la requérante, qui n’avait occupé le poste de conseiller à la direction des ressources de la DG du personnel tout au plus que pendant quelques jours et à mi-temps, a, de nouveau, été en congé de maladie. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Parlement de ne pas avoir veillé à assurer à la requérante des conditions de travail respectueuses de sa santé.

118    Par conséquent, aucun des quatre griefs soulevés ne pouvant prospérer, il y a lieu de rejeter l’entièreté du troisième moyen.

119    Aucun des trois moyens soulevés par la requérante à l’appui de son deuxième chef de conclusions n’ayant été déclaré fondé, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation de la décision attaquée.

 Sur les troisième et quatrième chefs de conclusions, visant la reconnaissance et la réparation du préjudice subi par la requérante, chiffré à la somme de 400 000 euros

120    Les préjudices matériel et moral dont la requérante se prévaut trouvent leur origine soit dans des comportements non décisionnels de la part du Parlement, soit dans des décisions de la requérante, librement adoptées, telles que celle de renoncer à poursuivre la procédure d’invalidité ou de démissionner de ses fonctions, pour lesquelles le Parlement ne peut pas être tenu responsable.

121    Selon une jurisprudence constante, lorsque le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée et ce n’est qu’après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (arrêt Michail/Commission, F‑67/05 RENV, EU:F:2010:162, point 112).

122    La requérante n’ayant pas, en l’espèce, fait précéder son recours devant le Tribunal de la procédure précontentieuse applicable à une demande de réparation d’un dommage résultant d’un comportement non décisionnel, la demande indemnitaire sort de l’objet du litige et doit être déclarée irrecevable.

 Sur les dépens

123    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Par ailleurs, selon l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement, voire totalement, aux dépens, si cela paraît justifié en raison de son attitude, y compris avant le début de l’instance.

124    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante est la partie qui succombe. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, demandé à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de l’instance.

125    Toutefois, le Tribunal estime, compte tenu de ce que la requérante, pour les raisons exposées dans sa note du 20 décembre 2010, a souhaité discuter avec le secrétaire général de son institution et s’est adressée, le 6 janvier 2012, directement à l’AIPN pour lui demander d’adopter des mesures d’urgence à son égard, sans qu’elle n’ait été reçue ni par l’un ni par l’autre, ce qui a pu engendrer chez elle le sentiment d’avoir été délaissée par son institution, envers laquelle elle avait fait preuve de dévouement, qu’il sera fait une juste appréciation des faits de l’espèce, au regard des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure, en décidant que le Parlement supporte ses propres dépens et qu’il est condamné à supporter les dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Parlement européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par BN.

Rofes i Pujol

Barents

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2014.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.

Top