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Document 61994TJ0298

    Rozsudek Soudu prvního stupně (čtvrtého senátu) ze dne 7. listopadu 1996.
    Roquette Frères SA proti Radě Evropské unie.
    Žaloba na neplatnost - Nepřípustnost.
    Věc T-298/94.

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:1996:160

    61994A0298

    Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 7 novembre 1996. - Roquette Frères SA contre Conseil de l'Union européenne. - Politique agricole commune - Régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre - Règlement (CE) nº 1868/94 - Recours en annulation - Cercle fermé d'opérateurs - Irrecevabilité. - Affaire T-298/94.

    Recueil de jurisprudence 1996 page II-01531


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Règlement instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre ° Régime particulier pour un État membre ° Recours d' un exploitant de féculeries ° Irrecevabilité

    (Traité CE, art. 173, alinéa 4; règlement du Conseil n 1868/94)

    Sommaire


    Est irrecevable le recours en annulation dirigé par un exploitant de féculeries de pomme de terre contre le règlement n 1868/94, instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre. Le fait qu' il instaure un régime particulier pour un État membre est sans importance.

    En effet, ledit règlement est rédigé en des termes généraux et abstraits et est applicable dans tous les États membres, sans qu' il soit aucunement tenu compte de la situation des producteurs individuels, de sorte qu' il s' applique à des situations objectivement déterminées et comporte des effets juridiques à l' égard d' une catégorie de personnes envisagée de manière générale et abstraite. Le traitement particulier accordé à un État membre fait partie de l' objectif général dudit règlement et n' est pas, dès lors, lié aux particularités propres des personnes touchées par la différence de traitement. En outre, on ne saurait considérer que le requérant soit individuellement concerné par ce règlement, du fait que ce dernier s' applique à un nombre limité d' opérateurs déterminés, dès lors que l' application du règlement s' effectue en vertu d' une situation qu' il détermine objectivement en relation avec sa finalité, à savoir l' attribution d' un soutien communautaire, par l' intermédiaire des États membres, aux féculeries qui ont bénéficié des mesures communautaires antérieures.

    Parties


    Dans l' affaire T-298/94,

    Roquette Frères SA, société de droit français, établie à Lestrem (France), représentée par Me Jacques Dutat, avocat au barreau de Lille,

    partie requérante,

    contre

    Conseil de l' Union européenne, représenté par MM. Arthur Brautigam et Jan-Peter Hix, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

    partie défenderesse,

    soutenue par

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gérard Rozet, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie intervenante,

    ayant pour objet une demande d' annulation du règlement (CE) n 1868/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 197, p. 4),

    LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

    DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

    composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

    greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 juillet 1996,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Cadre réglementaire

    1 Le règlement de base du régime de production de fécule de pomme de terre est le règlement (CEE) n 1766/92 du Conseil, du 30 juin 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO L 181, p. 21, ci-après "règlement de base"), qui s' étend également aux pommes de terre qui sont substituables aux céréales dans la production de fécule. En considérant que les contraintes spécifiques notamment d' ordre structurel pesant sur le secteur de la féculerie justifient une disposition correctrice en faveur de ce secteur, le Conseil a arrêté, en vertu de l' article 8, paragraphe 4, du règlement de base, le règlement (CEE) n 1543/93 du Conseil, du 14 juin 1993, fixant le montant de la prime versée aux producteurs de fécule de pomme de terre pendant les campagnes de commercialisation 1993/1994, 1994/1995 et 1995/1996 (JO L 154, p. 4, ci-après "règlement n 1543/93"). Ce règlement précise, pour la campagne 1993/1994, que les États membres doivent verser la prime aux producteurs de fécule de pomme de terre par tonne de fécule produite. La même prime s' appliquerait pour les campagnes 1994/1995 et 1995/1996 à condition que la production totale de fécule de pomme de terre n' ait pas dépassé la quantité de 1,5 million de tonnes pendant la ou les deux campagnes précédentes.

    2 Or, étant donné que la production a dépassé 1,5 million de tonnes pendant la campagne 1993/1994, le Conseil, conformément à l' article 1er du règlement n 1543/93, a adopté le règlement modificatif (CE) n 1868/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 197, p. 4, ci-après "règlement n 1868/94" ou "règlement attaqué").

    3 Dans le cadre du régime de contingentement, tout État membre ayant produit de la fécule de pomme de terre se voit allouer un contingent calculé à partir de la quantité moyenne de fécule produite dans ledit État membre au cours des campagnes de commercialisation de 1990/1991, 1991/1992, 1992/1993 et pour laquelle une prime a été reçue. L' Allemagne, quant à elle, considérant le passage du système d' économie planifiée existant dans les nouveaux Laender avant la réunification à un système d' économie de marché, la modification consécutive des structures de production agricole et les investissements nécessaires, s' est vu allouer un contingent calculé à partir de la quantité moyenne produite lors de la campagne de commercialisation de 1992/1993, à laquelle il a été ajouté une quantité supplémentaire de 90 000 tonnes. De plus, une réserve d' un maximum de 110 000 tonnes a été créée afin de couvrir la production réalisée en Allemagne à partir de la campagne de commercialisation 1996/1997 à condition qu' une telle production découle d' investissements engagés de façon irréversible avant le 31 janvier 1994.

    4 Il appartient aux États membres de répartir les contingents entre les féculeries pour les campagnes de commercialisation 1995/1996, 1996/1997 et 1997/1998. Les contingents de chaque féculerie sont alloués à celles qui ont reçu une prime et sont calculés soit sur la base de la quantité moyenne de fécule produite au cours des campagnes de commercialisation 1990/1991, 1991/1992, 1992/1993, soit sur la base de la quantité de fécule produite en 1992/1993. En calculant ces contingents, les États membres doivent également prendre en considération les investissements effectués par les féculeries avant le 31 janvier 1994 en vue de la production de fécule de pomme de terre.

    Faits et procédure

    5 La requérante Roquette Frères SA exploite en France deux féculeries de pomme de terre. Elle a reçu, pendant le cours de la campagne de commercialisation 1993/1994, une prime par tonne de fécule produite conformément au règlement n 1543/93. De ce fait, elle avait également droit à un contingent conformément au régime de contingentement institué par le règlement n 1868/94.

    6 La requérante, considérant le régime discriminatoire, a introduit le présent recours en concluant à l' annulation du règlement n 1868/94 par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 1994.

    7 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 1994, le Conseil a soulevé une exception d' irrecevabilité, au motif que la requérante n' est ni directement ni individuellement concernée par l' acte attaqué.

    8 Dans ses observations sur l' exception d' irrecevabilité déposées le 12 décembre 1994, la requérante a conclu au rejet de l' exception d' irrecevabilité.

    9 Le 13 février 1995, la Commission a déposé une demande d' intervention à l' appui des conclusions du Conseil, qui a été admise par ordonnance du président du Tribunal du 3 avril 1995.

    10 Le mémoire en intervention de la Commission sur la recevabilité a été déposé le 26 avril 1995.

    11 Par ordonnance du 25 octobre 1995, la quatrième chambre du Tribunal a joint l' exception d' irrecevabilité au fond.

    12 Le 24 janvier 1996, la Commission a déposé un mémoire en intervention sur le fond.

    13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables.

    14 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et ont répondu aux questions orales du Tribunal lors de l' audience publique du 11 juillet 1996. A cette occasion, la requérante a indiqué qu' elle a également introduit un recours devant le tribunal administratif d' Amiens visant à l' annulation des arrêtés français contenant des dispositions d' exécution du règlement attaqué, dans le cadre duquel le tribunal administratif a été invité à faire application de l' article 177 du traité CE et à interroger par voie préjudicielle la Cour sur la validité du règlement attaqué.

    Conclusions des parties

    15 La requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

    ° annuler le règlement n 1868/94;

    ° condamner le Conseil aux dépens.

    16 Le Conseil, partie défenderesse, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

    ° déclarer le recours irrecevable et, subsidiairement, le rejeter comme non fondé;

    ° condamner la requérante aux dépens.

    17 La Commission, partie intervenante, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

    ° déclarer le recours irrecevable et, subsidiairement, le rejeter comme non fondé.

    Moyens et arguments des parties

    18 A l' appui de ses conclusions, la requérante avance deux moyens d' annulation tirés, premièrement, d' une violation du principe de non-discrimination en ce qu' il n' y a pas de justification objective pour le traitement spécifique réservé à l' Allemagne et, deuxièmement, d' une violation du principe de proportionnalité en ce que le traitement spécifique réservé à l' Allemagne est, à tout le moins, excessif.

    19 Le Conseil et la Commission font valoir, à titre principal, que le recours est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu' il n' est pas fondé.

    Sur la recevabilité

    Exposé sommaire des arguments des parties

    20 Le Conseil allègue que la requérante n' est ni directement ni individuellement concernée par le règlement attaqué.

    21 Il rappelle que, pour qu' un particulier soit considéré comme directement concerné, les effets d' un règlement attaqué doivent découler nécessairement et automatiquement de l' acte sans qu' il soit besoin d' une décision ultérieure et indépendante émanant d' une institution communautaire ou d' un État dans l' exercice d' un pouvoir d' appréciation (voir arrêts de la Cour du 16 juin 1970, Alcan Aluminium Raeren e.a./Commission, 69/69, Rec. p. 385, et du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777).

    22 A ce propos, le Conseil relève que les contingents individuels ne sont pas déterminés directement dans le règlement n 1868/94 mais sont fixés par les États membres lors de leur choix discrétionnaire de la période de référence applicable et que l' une ou l' autre période de référence peut avoir des conséquences notables sur les niveaux des contingents individuels, surtout lorsqu' il y a eu des modifications importantes des quantités produites pendant la période prise en considération, ce qui est le cas en Allemagne.

    23 Dans ce contexte, le Conseil rappelle également que les États membres sont obligés de tenir compte des "investissements effectués par des féculeries avant le 31 janvier 1994 qui n' ont pas donné lieu à une production au cours de la période de référence choisie par cet État membre" (voir article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué).

    24 Ensuite, il affirme que le règlement attaqué constitue un acte de portée générale ayant des effets pour tous les opérateurs. Il ne s' agirait donc pas d' une décision prise sous l' apparence d' un règlement au sens de l' article 173, quatrième alinéa, du traité. Il relève que la Cour a indiqué que la nature réglementaire d' un acte n' est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels il s' applique à un moment donné, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte, en relation avec la finalité de ce dernier (voir arrêts de la Cour du 11 juillet 1968, Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, 6/68, Rec. p. 595, et du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-6061, point 25). Il allègue que la requérante se trouve dans la même situation que tout autre opérateur économique, à savoir dans la même situation que toutes les féculeries ayant produit de la fécule pendant l' une ou l' autre période de référence. Le règlement attaqué n' atteint donc pas la requérante en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d' une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (voir arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 20).

    25 La requérante estime que l' acte attaqué pris sous la forme d' un règlement doit toutefois être considéré comme une décision qui la concerne directement et individuellement; elle justifierait donc d' un intérêt personnel à agir.

    26 En ce qui concerne la nécessité d' être directement concernée, elle rappelle que la différence entre le résultat de l' application en France de l' une ou l' autre des deux méthodes de calcul prévues par le règlement attaqué n' est que de 0,2 %. Dès lors, la marge d' appréciation du gouvernement français étant pratiquement nulle, l' exécution nationale devrait être considérée comme ayant un caractère purement automatique (voir, notamment, arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185).

    27 Elle précise que la disposition dans le règlement attaqué selon laquelle on doit prendre en considération les investissements effectués avant le 31 janvier 1994 n' influence pas la détermination des contingents individuels en France, du fait que les féculeries françaises n' ont effectué aucun investissement.

    28 Ensuite, la requérante fait valoir que le règlement la concerne individuellement. Elle allègue que le règlement attaqué s' applique à un nombre limité d' opérateurs économiques déterminés, dont la situation particulière en a influencé le contenu, car le contingent reçu est calculé en fonction des quantités produites au cours des dernières années. Elle aurait donc une "qualité particulière", puisqu' elle ne la partage qu' avec un nombre très limité d' opérateurs économiques et "la situation de fait qui la caractérise" est qu' elle a produit la quantité de fécule primée au cours des dernières campagnes (voir les arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 196, et du 18 novembre 1975, CAM/Commission, 100/74, Rec. p. 1393, ainsi que les ordonnances de la Cour du 7 décembre 1988, Flourez e.a./Conseil, 138/88, Rec. p. 6393, du 4 décembre 1991, Matra/Commission, C-225/91 R, Rec. p. I-5823, et du 24 mai 1993, Arnaud e.a./Conseil, C-131/92, Rec. p. I-2573).

    29 La Commission remarque d' abord que l' acte attaqué a été adopté par le Conseil pour contrôler l' évolution de la production de fécule de pomme de terre qui avait dépassé, au titre de la campagne 1993/1994, le seuil précédemment fixé à 1,5 million de tonnes. Elle affirme que cet acte a un caractère normatif et ne constitue pas une décision prise sous l' apparence d' un règlement, puisqu' il institue, face à une situation de marché objectivement établie et non contestée, la mesure de contrôle qui est apparue la mieux appropriée au législateur communautaire. Elle souligne que cette mesure de contrôle s' adresse en termes généraux et abstraits à des catégories de personnes déterminées en fonction de leur qualité objective de féculeries, productrices de fécule à partir de pomme de terre.

    30 La Commission rejette ensuite l' argument de la requérante selon lequel elle aurait été individuellement concernée du fait qu' elle appartient à un cercle fermé d' opérateurs dont la situation particulière a influencé le contenu de l' acte attaqué.

    31 Elle fait valoir que, selon la jurisprudence actuelle de la Cour, ce n' est pas la constatation d' un cercle de personnes concernées qui est pertinente pour trancher la question de savoir si la partie requérante est individuellement concernée ou non, mais plutôt l' objectivité et la durée du règlement en cause. Elle se réfère, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour selon laquelle la nature réglementaire d' un acte n' est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels il s' applique à un moment donné, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte, en relation avec la finalité de ce dernier (voir arrêt Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, précité).

    32 Elle ajoute qu' il faut en plus un lien de causalité entre la connaissance qu' a l' institution de la situation de la requérante et la mesure adoptée (voir conclusions de l' avocat général M. Van Gerven sous les arrêts de la Cour du 15 juin 1993, Abertal/Commission, C-213/91, Rec. p. I-3177, et Abertal/Conseil, C-264/91, Rec. p. I-3265).

    33 Dans ce contexte, elle invoque également le fait que, dans les arrêts Abertal/Commission et Abertal/Conseil, précités, l' ordonnance Arnaud e.a./Conseil, précitée, ainsi que les ordonnances du 21 juin 1993, rendues dans les affaires relatives aux bananes (voir ordonnance Van Parijs e.a./Conseil et Commission, C-257/93, Rec. p. I-3335), la Cour a déclaré les recours irrecevables après avoir constaté que les dispositions attaquées s' appliquent à des situations déterminées objectivement et comportent des effets juridiques à l' égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, même si les requérantes faisaient valoir qu' elles constituaient un cercle fermé d' opérateurs. La Commission souligne que la requérante n' a pas apporté le moindre élément susceptible d' établir que sa situation aurait nécessairement été prise en considération au moment où l' acte litigieux a été arrêté ni qu' il existerait un lien de causalité entre la situation particulière de la requérante et ledit acte.

    34 Enfin, la Commission soutient que, en tout état de cause, la requérante n' a pas apporté, et encore moins démontré, le moindre élément susceptible d' établir qu' elle se serait trouvée dans une situation spécifique faisant l' objet d' une protection particulière à laquelle l' acte attaqué aurait porté atteinte ni que son activité économique serait sérieusement perturbée par ledit acte.

    Appréciation du Tribunal

    35 Selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, l' article 173, quatrième alinéa, du traité confère aux particuliers le droit d' attaquer toute décision qui, bien que prise sous l' apparence d' un règlement, les concerne directement et individuellement. L' objectif de cette disposition est, notamment, d' éviter que, par le simple choix de la forme d' un règlement, les institutions communautaires puissent exclure le recours d' un particulier contre une décision qui le concerne directement et individuellement et de préciser ainsi que le choix de la forme ne peut changer la nature d' un acte (voir arrêt de la Cour du 17 juin 1980, Calpak et Società Emiliana Lavorazione Frutta/Commission, 789/79 et 790/79, Rec. p. 1949, et ordonnance du Tribunal du 28 octobre 1993, FRSEA et FNSEA/Conseil, T-476/93, Rec. p. II-1187).

    36 Le critère de distinction entre le règlement et la décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l' acte en question en appréciant la nature de l' acte attaqué et, en particulier, les effets juridiques qu' il vise à produire ou produit effectivement (voir arrêt de la Cour du 24 février 1987, Deutz und Geldermann/Conseil, 26/86, Rec. p. 941, point 7, et ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 28, et du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-0000, point 33).

    37 Toutefois, il n' est pas exclu qu' une disposition qui a, par sa nature et sa portée, un caractère général puisse concerner individuellement une personne physique ou morale, lorsque celle-ci est atteinte en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d' une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l' individualise d' une manière analogue à celle du destinataire d' une décision (voir, par exemple, les arrêts Plaumann/Commission, précité, p. 223, et Codorniu/Conseil, précité, points 19 à 20, ainsi que l' ordonnance Asocarne/Conseil, précitée, point 43).

    38 En l' espèce, le règlement attaqué ne présente aucun élément permettant de le qualifier de décision prise sous l' apparence d' un règlement. En effet, il est rédigé en des termes généraux et abstraits et est applicable dans tous les États membres, sans qu' il soit aucunement tenu compte de la situation des producteurs individuels. Sa finalité est de gérer toute l' industrie communautaire produisant la fécule de pomme de terre, ce qui est illustré par le fait que les mesures adoptées ont été prévues par le règlement n 1543/93 qui dispose que, au cas où la production de l' industrie de fécule dans son ensemble dépasse 1,5 million de tonnes, le Conseil décide des mesures à prendre (voir points 1 à 4 ci-dessus).

    39 Il s' ensuit donc que le règlement attaqué s' applique à des situations objectivement déterminées et comporte des effets juridiques à l' égard d' une catégorie de personnes envisagée de manière générale et abstraite.

    40 Il y a lieu d' observer que cette conclusion n' est pas infirmée par le fait que le régime institué par le règlement attaqué implique qu' un traitement particulier soit accordé à l' Allemagne, car ce traitement particulier fait effectivement partie de l' objectif général dudit règlement et n' est pas, dès lors, lié aux particularités propres des personnes touchées par la différence de traitement.

    41 Quant à l' argument selon lequel la requérante serait "individuellement concernée" par le règlement attaqué du fait que ce dernier s' applique à un nombre limité d' opérateurs économiques déterminés, dont la situation particulière a influencé le contenu dudit règlement, il convient d' observer que le seul fait qu' un opérateur fait partie d' un cercle fermé d' opérateurs, auquel aucun sujet de droit ne pouvait s' ajouter au moment où le règlement a été adopté, ne suffit pas en soi pour que cet opérateur doive être considéré comme individuellement concerné (voir arrêts du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 25, et du 10 juillet 1996, Weber/Commission, T-482/93, Rec. p. II-0000, points 63 à 65).

    42 En effet, il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que la portée générale et, partant, la nature normative d' un acte ne sont pas mises en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels il s' applique à un moment donné, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait, définie par l' acte en relation avec la finalité de ce dernier (voir, par exemple, arrêt Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, précité, p. 605 et 606, ordonnance du Tribunal du 29 juin 1995, Cantina cooperativa fra produttori vitivinicoli di Torre di Mosto e.a./Commission, T-183/94, Rec. p. II-1941, point 48, et arrêt Weber/Commission, précité, point 64).

    43 Or, en l' espèce, la requérante est précisément touchée par les dispositions en question en vertu d' une situation objectivement déterminée par le règlement attaqué en relation avec la finalité de ce dernier. En effet, si le nombre d' opérateurs concernés est limité, c' est en raison de la nature même du régime établi par ce règlement, à savoir l' attribution d' un soutien communautaire, par l' intermédiaire des États membres, aux féculeries qui ont bénéficié des mesures communautaires antérieures. A cet égard, il convient de noter au surplus, comme l' a fait observer le Conseil lors de l' audience, qu' une telle situation n' est pas exceptionnelle dans le cadre de la politique agricole communautaire.

    44 Il résulte de ce qui précède que la requérante se trouve dans une situation identique à toute autre féculerie ayant produit une quantité de fécule pendant le cours des campagnes de commercialisation 1990 à 1993 et pour laquelle une prime a été reçue. Aucune qualité particulière ou situation de fait ne caractérise donc la requérante par rapport aux autres opérateurs économiques se trouvant dans la même situation. Il s' ensuit que la requérante n' est pas individuellement concernée par le règlement attaqué.

    45 Par ailleurs, le Tribunal note que la requérante ayant contesté devant la juridiction nationale compétente les arrêtés français qui lui ont attribué son contingent individuel en application du règlement n 1868/94 (voir point 14 ci-dessus), cette dernière a la possibilité, le cas échéant, de saisir la Cour d' une question préjudicielle au titre de l' article 177, premier alinéa, sous b), du traité, dans le cadre duquel la Cour est compétente pour statuer sur la validité et l' interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté.

    46 En conséquence, le recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu' il soit nécessaire d' aborder la question de savoir si la requérante est directement concernée par ce règlement.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    47 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et le Conseil ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le Conseil. Conformément à l' article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission, partie intervenante au litige, supportera ses propres dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

    déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

    2) La requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens du Conseil.

    3) La Commission supportera ses propres dépens.

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