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Dokument 62016CO0508
Order of the Court (Seventh Chamber) of 11 January 2017.#Karim Boudjellal v Rauwers Contrôle SA.#Request for a preliminary ruling from the Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.#Reference for a preliminary ruling — Charter of Fundamental Rights of the European Union — Articles 7, 8 and/or 47 — Infringement — Obtaining personal data — Using such data before the courts — Question which does not concern a rule of EU law other than the Charter of Fundamental Rights — Hypothetical question — Lack of jurisdiction of the Court.#Case C-508/16.
Usnesení Soudního dvora (sedmého senátu) ze dne 11. ledna 2017.
Karim Boudjellal v. Rauwers Contrôle SA.
Žádost o rozhodnutí o předběžné otázce podaná Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
Řízení o předběžné otázce – Listina základních práv Evropské unie – Články 7, 8 a 47 – Porušení – Získání osobních údajů – Použití těchto osobních údajů před soudy – Neexistence otázky týkající se jiné normy unijního práva než Listiny základních práv – Hypotetická otázka – Nedostatek pravomoci Soudního dvora.
Věc C-508/16.
Usnesení Soudního dvora (sedmého senátu) ze dne 11. ledna 2017.
Karim Boudjellal v. Rauwers Contrôle SA.
Žádost o rozhodnutí o předběžné otázce podaná Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
Řízení o předběžné otázce – Listina základních práv Evropské unie – Články 7, 8 a 47 – Porušení – Získání osobních údajů – Použití těchto osobních údajů před soudy – Neexistence otázky týkající se jiné normy unijního práva než Listiny základních práv – Hypotetická otázka – Nedostatek pravomoci Soudního dvora.
Věc C-508/16.
Identifikátor ECLI: ECLI:EU:C:2017:6
Édition provisoire
ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
11 janvier 2017 (*)
« Renvoi préjudiciel – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 7, 8 et/ou 47 – Violation – Obtention de données à caractère personnel – Utilisation en justice de ces données – Absence de question portant sur une norme de droit de l’Union autre que la charte des droits fondamentaux – Question hypothétique – Incompétence de la Cour »
Dans l’affaire C‑508/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), par décision du 22 août 2016, parvenue à la Cour le 26 septembre 2016, dans la procédure
Karim Boudjellal
contre
Rauwers Contrôle SA,
LA COUR (septième chambre),
composée de Mme A. Prechal, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur) et E. Jarašiūnas, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 7, 8 et/ou 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lus en combinaison avec l’article 52 de la Charte et/ou le principe général du droit de l’Union européenne de respect des droits de la défense.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Karim Boudjellal à Rauwers Contrôle SA au sujet du recouvrement, par cette société, d’une redevance relative au stationnement du véhicule de M. Boudjellal sur un emplacement de parking situé sur une voirie à Schaerbeek (Belgique).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 1er de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31), intitulé « Objet de la directive », prévoit à son paragraphe 1 :
« Les États membres assurent, conformément à la présente directive, la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel. »
4 L’article 2 de cette directive dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “données à caractère personnel” : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée) ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;
b) “traitement de données à caractère personnel” (traitement) : toute opération ou ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;
[...] »
5 L’article 5 de la directive 95/46 dispose :
« Les États membres précisent, dans les limites des dispositions du présent chapitre, les conditions dans lesquelles les traitements de données à caractère personnel sont licites. »
Le droit belge
6 La juridiction de renvoi, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), fait référence à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée, telle que modifiée par la loi du 11 décembre 1998 transposant la directive 95/46.
Les faits au principal et les questions préjudicielles
7 Ainsi qu’il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour, le 19 novembre 2010, un agent de Rauwers Contrôle, concessionnaire de la gestion du stationnement de la commune de Schaerbeek (Belgique), a constaté que le véhicule de M. Boudjellal n’était pas couvert par un ticket de stationnement valide.
8 Par jugement du 28 juin 2012 du juge de paix du canton de Woluwe-Saint-Pierre (Belgique), M. Boudjellal a été condamné à payer à Rauwers Contrôle la somme de 48,11 euros, au titre des intérêts judiciaires et des dépens.
9 M. Boudjellal a interjeté appel de ce jugement, soutenant que Rauwers Contrôle n’était pas autorisée à utiliser des renseignements provenant de la Direction pour l’Immatriculation des Véhicules (ci-après la « DIV »). Il ressort du dossier national que la juridiction de renvoi a prononcé deux jugements avant d’adopter la décision de renvoi du 22 août 2016.
10 Dans un premier jugement du 1er décembre 2015, la juridiction de renvoi a longuement décrit l’évolution législative et jurisprudentielle, en Belgique, de la question des redevances dues pour le stationnement d’un véhicule sur la voie publique.
11 Rauwers Contrôle soutient qu’elle s’est adressée à la commune de Schaerbeek afin d’obtenir des informations sur l’identité de M. Boudjellal. Toutefois, la juridiction de renvoi considère, dans son jugement du 1er décembre 2015, auquel la décision de renvoi fait référence, qu’il est peu plausible que cette société effectue une demande auprès du receveur communal dès qu’un ticket est déposé sur une voiture. Elle relève, en outre, qu’il est pour le moins étonnant que Rauwers Contrôle ait obtenu des informations aussi vite de la part du receveur communal, qui lui-même doit les obtenir de la DIV. Sur demande de la juridiction de renvoi, Rauwers Contrôle a produit une attestation du receveur communal indiquant que l’échange d’information avec la DIV relevait de sa compétence et de sa responsabilité. Cette juridiction conclut, dans la décision de renvoi, qu’« il existe de sérieux doutes quant à la légalité de l’obtention des données relatives à l’immatriculation du véhicule, l’attestation générale produite par la commune ne permettant pas de démontrer que Rauwers Contrôle se serait, dans le cas de M. Boudjellal, adressée à la commune pour obtenir les données personnelles relatives à ce dernier ».
12 Se référant à une jurisprudence de la Cour de cassation (Belgique), à laquelle il est fait référence sous le nom de « jurisprudence Antigoon », relative à la prise en considération de preuves obtenues d’une manière qui n’est pas conforme aux dispositions légales, la juridiction de renvoi a rouvert les débats afin de permettre aux parties de s’exprimer à cet égard.
13 Dans un second jugement du 28 juin 2016, la juridiction de renvoi s’est interrogée sur l’extension de l’application de la jurisprudence dite « Antigoon » à un litige de nature civile, notamment au regard de l’arrêt de la Cour du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832), dans lequel la Cour aurait considéré, de façon apparemment incompatible avec la jurisprudence dite « Antigoon », que les preuves recueillies en violation d’un droit garanti par le droit de l’Union devaient être écartées par la juridiction nationale, sans exception. La juridiction de renvoi a rouvert les débats afin de permettre aux parties de s’exprimer sur la nécessité de poser des questions préjudicielles à la Cour.
14 Dans la décision de renvoi adoptée le 22 août 2016, la juridiction nationale a relevé que l’obtention de données relatives à l’immatriculation d’un véhicule à la suite d’un litige relatif au paiement d’une redevance pour un stationnement irrégulier de ce véhicule ne relevait pas de la matière pénale. Par conséquent, un tel litige entrerait dans le champ d’application de la directive 95/46, si bien que le juge de renvoi a considéré que la Charte était applicable et qu’une interprétation du droit de l’Union était nécessaire.
15 Dans ces conditions, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union (et, plus précisément, les articles 7, 8 et/ou 47 de la [Charte], lus en combinaison avec l’article 52 de la même Charte et/ou le principe général du droit de l’Union européenne de respect des droits de la défense) doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une norme de droit national
– qui permet l’utilisation en justice de données à caractère personnel, telles que définies par la directive 95/46, qui ont été recueillies en violation des droits protégés par les articles 7 ou 8 précités de la Charte par le concessionnaire privé d’un service public chargé de percevoir les redevances de stationnement sur les voiries des communes pour le compte de celles-ci afin d’identifier et de poursuivre en justice le débiteur d’une telle redevance,
– sauf lorsqu’a été violée une formalité prescrite à peine de nullité ou que l’obtention de la preuve illicitement recueillie est entachée d’un vice qui est préjudiciable à sa crédibilité ou porte atteinte au droit à un procès équitable, le juge pouvant, lors de son appréciation, tenir compte d’une ou de plusieurs des circonstances suivantes : le caractère purement formel de l’irrégularité, sa conséquence sur le droit ou la liberté protégés par la règle violée, la circonstance que l’irrégularité dans la collecte de la preuve a été commise intentionnellement, la circonstance que la gravité de la faute ou du manquement excède manifestement celle de l’irrégularité, ou le fait que l’irrégularité qui a précédé ou contribué à établir la faute ou le manquement est hors de proportion avec la gravité de cette faute ou de ce manquement ?
2) La réponse à la première question est-elle différente si cette norme de droit national est d’origine jurisprudentielle, voire si la portée de cette norme d’origine jurisprudentielle est controversée ?
3) La réponse à la première question est-elle différente si la norme précitée est formulée de telle sorte :
– qu’il appartient au juge de déterminer si la preuve doit ou non être écartée au terme d’une balance des intérêts entre, d’une part, le droit à la preuve de celui qui l’invoque et les intérêts qui fondent sa demande et, d’autre part, le droit protégé par l’article 7 et/ou par l’article 8 de la Charte, la preuve devant de toute façon être écartée si une règle le prévoit, si la fiabilité de la preuve est entachée ou si l’équité du procès est compromise,
– que la preuve litigieuse doit en principe être écartée, sauf si celui qui l’invoque établit que la gravité de la faute ou du manquement qu’il vise à établir en invoquant ladite preuve est hors de proportion avec la gravité de la violation de l’article 7 ou 8 de la Charte, la preuve devant de toute façon être écartée si une règle le prévoit, si la fiabilité de la preuve est entachée ou si l’équité du procès est compromise ? »
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle et la compétence de la Cour
16 Il convient de rappeler que le champ d’application de la Charte, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.
17 En effet, il résulte, en substance, de la jurisprudence constante de la Cour que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, et non en dehors de telles situations. C’est dans cette mesure que la Cour a déjà rappelé qu’elle ne peut apprécier, au regard de la Charte, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit de l’Union. En revanche, dès lors qu’une telle réglementation entre dans le champ d’application de ce droit, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect (arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 19 et jurisprudence citée).
18 À cet égard, la Cour a itérativement refusé de reconnaître sa compétence dans une situation où la décision de renvoi ne contient aucun élément concret permettant de considérer que l’objet de la procédure au principal concerne l’interprétation ou l’application d’une règle de l’Union autre que celles figurant dans la Charte (voir, notamment, ordonnance du 11 décembre 2014, Stylinart, C‑282/14, non publiée, EU:C:2014:2486, point 16 et jurisprudence citée).
19 Afin de donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, mais également de permettre à la Cour de comprendre la portée de la demande préjudicielle et de contrôler sa compétence, il est indispensable que la décision de renvoi, seul document qui sera notifié aux parties intéressées, contienne tous les éléments nécessaires (voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 1982, Holdijk e.a., 141/81 à 143/81, EU:C:1982:122, point 6 ; ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C‑116/00, EU:C:2000:350, point 14 ; arrêts du 9 décembre 2010, Fluxys, C‑241/09, EU:C:2010:753, points 28 à 30, ainsi que du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group, C‑156/15, EU:C:2016:851, point 63).
20 Les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 27 octobre 2016, Uber Belgium, C‑526/15, non publiée, EU:C:2016:830, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group, C‑156/15, EU:C:2016:851, point 61).
21 Selon l’article 94 du règlement de procédure, outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle doit contenir premièrement, un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées, deuxièmement, la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente et, troisièmement, l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal.
22 La Cour a précisé ces éléments à maintes reprises dans sa jurisprudence, expliquant la nécessité de leur présence dans la décision de renvoi, mais également dans les recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2012, C 338, p. 1, point 22) (ordonnance du 16 juillet 2015, Striani e.a., C‑299/15, non publiée, EU:C:2015:519, point 26).
23 En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle ne répond pas à ces exigences.
24 La juridiction de renvoi fait référence à un premier jugement de réouverture des débats prononcé le 1er décembre 2015, à un second jugement du 28 juin 2016 ordonnant la réouverture des débats, à une note d’observation et à des conclusions déposées pour M. Boudjellal ainsi qu’à des conclusions déposées par Rauwers Contrôle. Il importe, cependant, de rappeler que c’est la décision de renvoi qui sert de fondement à la procédure qui se déroule devant la Cour (ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C‑116/00, EU:C:2000:350, point 24), et non le dossier national éventuellement transmis par la juridiction de renvoi, qui peut, dans certaines circonstances, aider la Cour à avoir une meilleure compréhension du litige au principal et de la procédure nationale, mais n’est ni traduit ni notifié aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 18 avril 2013, Adiamix, C‑368/12, EU:C:2013:257, point 24, ainsi que arrêt du 11 juin 2015, Base Company et Mobistar, C‑1/14, EU:C:2015:378, point 48).
25 En tout état de cause, les documents auxquels la juridiction de renvoi fait allusion ne permettent pas de combler l’ensemble des lacunes de la décision de renvoi.
26 Il convient, tout d’abord, de constater que la décision de renvoi ne contient aucune des dispositions nationales relatives aux conditions d’accès au registre des immatriculations des véhicules en Belgique. Notamment, il n’est pas précisé les raisons pour lesquelles l’accès à ce registre relèverait de la compétence du receveur communal ni pourquoi un droit d’accès à ce registre ne pourrait être conféré au concessionnaire privé d’un service public chargé de percevoir les redevances de stationnement sur les voiries des communes pour le compte de celles-ci.
27 S’agissant de la jurisprudence dite « Antigoon », relative à l’utilisation de preuves obtenues de manière illicite, il apparaît ressortir des décisions de la juridiction de renvoi que la Cour de cassation n’a pas encore pris position en ce qui concerne l’application de cette jurisprudence dans un litige de nature civile. La juridiction de renvoi fait une description des débats doctrinaux à cet égard, mais ne prend pas elle-même position.
28 Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation des articles 7, 8 et/ou 47 de la Charte, lus en combinaison avec l’article 52 de la Charte et/ou le principe général du droit de l’Union européenne de respect des droits de la défense, et demande si ces dispositions s’opposent à l’application d’une norme de droit national telle que les principes découlant de la jurisprudence dite « Antigoon ».
29 Certes, la juridiction de renvoi mentionne la directive 95/46 pour en déduire que ses questions relèvent du champ d’application du droit de l’Union. Toutefois, elle ne mentionne aucune disposition de cette directive qui pourrait être pertinente pour la solution du litige au principal, alors que ladite directive précise la manière dont les États membres doivent assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
30 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour si la réponse à la première question est différente lorsque la norme de droit national est d’origine jurisprudentielle ou que la portée de cette norme d’origine jurisprudentielle est controversée. Toutefois, la réponse à une telle question nécessite au préalable une interprétation du droit belge. Or, il est de jurisprudence constante que la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2013, Križan e.a., C‑416/10, EU:C:2013:8, point 58, ainsi que ordonnance du 8 septembre 2015, Cdiscount, C‑13/15, EU:C:2015:560, point 28).
31 En outre, ainsi qu’il a été exposé au point 27 de la présente ordonnance, l’applicabilité de la jurisprudence dite « Antigoon » dans un litige de nature civile, qui n’a été décidée ni par la Cour de cassation ni, dans le litige au principal, par la juridiction de renvoi, est contestée par M. Boudjellal et est controversée dans la doctrine relative au droit belge.
32 Il s’ensuit qu’une réponse de la Cour à la deuxième question serait purement hypothétique. Or, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il n’appartient pas à la Cour de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (arrêt du 16 juillet 1992, Meilicke, C‑83/91, EU:C:1992:332, point 25).
33 S’agissant de la troisième question, présentée par la juridiction de renvoi comme contenant une formulation différente de la norme de droit national découlant de la jurisprudence dite « Antigoon », il y a lieu de constater, à nouveau, qu’elle porte sur l’interprétation de la Charte, mais ne fait aucune référence à une autre disposition du droit de l’Union en vertu de laquelle la situation en cause au principal pourrait entrer dans le champ d’application de ce droit.
34 Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 17 de la présente ordonnance, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence.
35 Étant donné que la demande de décision préjudicielle ne contient pas un minimum d’explications sur le lien que la juridiction de renvoi établit entre le droit de l’Union, autre que la Charte, et la législation nationale, la compétence de la Cour pour répondre à la présente demande de décision préjudicielle n’est pas établie.
36 Par conséquent, il y a lieu de constater que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
Sur les dépens
37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :
La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique).
Fait à Luxembourg, le 11 janvier 2017.
Le greffier Le président de la septième chambre
A. Calot Escobar A. Prechal
* Langue de procédure : le français.