EUR-Lex Přístup k právu Evropské unie

Zpět na úvodní stránku EUR-Lex

Tento dokument je výňatkem z internetových stránek EUR-Lex

Dokument 62016CO0176

Usnesení Soudního dvora (osmého senátu) ze dne 6. dubna 2017.
Proforec Srl v. Evropská komise.
Kasační opravný prostředek – Článek 181 jednacího řádu Soudního dvora – Rejstřík chráněných označení původu a chráněných zeměpisných označení – Nařízení (EU) č. 1151/2012 – Zápis názvu ‚Focaccia di Recco col formaggio (IPG)‘ – Neexistence právního zájmu na podání žaloby.
Věc C-176/16 P.

Identifikátor ECLI: ECLI:EU:C:2017:290

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

6 avril 2017 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées – Règlement (UE) n° 1151/2012 – Enregistrement de la dénomination “Focaccia di Recco col formaggio (IPG)” – Absence d’intérêt à agir »

Dans l’affaire C‑176/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 mars 2016,

Proforec Srl, établie à Recco (Italie), représentée par Mes G. Durazzo, M. Mencoboni et G. Pescatore, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée initialement par Mme F. Moro et M. J. Guillem Carrau, en qualité d’agents, puis par Mme F. Moro, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, MM.  J. Malenovský et M. Safjan, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Proforec Srl demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 janvier 2016, (T‑120/15, non publiée, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2016:50), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir son recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 39/2015 de la Commission, du 13 janvier 2015, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Focaccia di Recco col formaggio (IGP)] (JO 2015, L 8, p. 7, ci‑après le « règlement litigieux »).

 Le règlement (UE) n° 1151/2012

2        L’article 4 du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1) dispose, sous l’intitulé « Objectif » :

« Un système d’appellations d’origine protégées et d’indications géographiques protégées est établi afin d’aider les producteurs de produits liés à une zone géographique :

a)      en assurant des revenus équitables au regard des qualités de leurs produits ;

b)      en garantissant une protection uniforme des dénominations en tant que droit de propriété intellectuelle sur le territoire de l’Union ;

c)      en fournissant aux consommateurs des informations claires sur les propriétés du produit lui conférant une valeur ajoutée. »

3        L’article 5, paragraphe 1, de ce règlement définit le terme « appellation d’origine » dans les termes suivants :

« Aux fins du présent règlement, on entend par “appellation d’origine” une dénomination qui identifie un produit :

a)      comme étant originaire d’un lieu déterminé, d’une région, ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays ;

b)      dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains ; et

c)      dont toutes les étapes de production ont lieu dans l’aire géographique délimitée. »

4        L’article 6, paragraphe 4, dudit règlement est rédigé comme suit :

« Une dénomination proposée à l’enregistrement en tant qu’appellation d’origine ou indication géographique n’est pas enregistrée lorsque, compte tenu de la réputation d’une marque, de sa renommée et de la durée de son usage, cet enregistrement est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit. »

5        L’article 9 du même règlement, intitulé « Protection nationale transitoire », prévoit :

« Un État membre peut, à titre transitoire uniquement, accorder à une dénomination une protection au niveau national au titre du présent règlement, celle-ci prenant effet à compter de la date de dépôt d’une demande auprès de la Commission.

Cette protection nationale cesse d’exister à la date à laquelle une décision sur l’enregistrement est prise au titre du présent règlement ou à la date à laquelle la demande est retirée.

[...] »

6        L’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1151/2012 prévoit que les appellations d’origine protégées peuvent être utilisées par tout opérateur commercialisant un produit conforme au cahier des charges correspondant.

7        Aux termes de l’article 13 de ce règlement, intitulé « Protection » :

« 1.      Les dénominations enregistrées sont protégées contre :

a)      toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;

b)      toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;

c)      toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit ;

d)      toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

Lorsqu’une appellation d’origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d’un produit considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b).

2.      Les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques.

3.      Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l’utilisation illégale visée au paragraphe 1 d’appellations d’origine protégées ou d’indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire.

À cette fin, les États membres désignent, conformément aux procédures que chaque État membre a établies, les autorités chargées de prendre ces mesures.

Ces autorités offrent des garanties adéquates d’objectivité et d’impartialité et disposent du personnel qualifié et des ressources nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. »

8        L’article 14 dudit règlement prévoit, sous l’intitulé « Relations entre marques, appellations d’origine et indications géographiques » :

« 1.      Lorsqu’une appellation d’origine ou une indication géographique est enregistrée au titre du présent règlement, l’enregistrement d’une marque dont l’utilisation enfreindrait l’article 13, paragraphe 1, et qui concerne un produit de même type est refusé si la demande d’enregistrement de la marque est présentée après la date de dépôt auprès de la Commission de la demande d’enregistrement relative à l’appellation d’origine ou à l’indication géographique.

Les marques enregistrées en violation du premier alinéa sont annulées.

Les dispositions du présent paragraphe s’appliquent sans préjudice des dispositions de la directive 2008/95/CE.

2.      Sans préjudice de l’article 6, paragraphe 4, une marque dont l’utilisation enfreint l’article 13, paragraphe 1, et qui a été déposée, enregistrée, ou acquise par l’usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi sur le territoire de l’Union, avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection relative à l’appellation d’origine ou à l’indication géographique, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, pour autant qu’aucun motif de nullité ou de déchéance [...] ne pèse sur la marque. En pareil cas, l’utilisation tant de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée que des marques concernées est autorisée. »

9        L’article 15, paragraphe 1, du même règlement prévoit, sous l’intitulé « Périodes transitoires pour l’utilisation des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées » :

« Sans préjudice de l’article 14, la Commission peut adopter des actes d’exécution qui octroient une période transitoire de cinq ans au maximum afin que des produits qui sont originaires d’un État membre ou d’un pays tiers et dont l’appellation est constituée ou composée d’un nom enfreignant l’article 13, paragraphe 1, puissent continuer à utiliser l’appellation sous laquelle ils étaient commercialisés, à condition qu’une déclaration d’opposition recevable au titre de l’article 49, paragraphe 3, ou de l’article 51 démontre que :

a)      l’enregistrement de la dénomination porterait préjudice à l’existence d’une dénomination totalement ou partiellement identique ; ou

b)      ces produits ont été légalement commercialisés sous cette dénomination sur le territoire concerné pendant au moins cinq ans précédant la date de la publication prévue à l’article 50, paragraphe 2, point a).

[...] »

10      L’article 49 du règlement n° 1151/2012 fixe les conditions et modalités de présentation d’une demande d’enregistrement d’une dénomination en tant que, notamment, « appellation d’origine protégée ». De telles demandes sont déposées auprès de la Commission, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un État membre ou, dans certains cas, d’un État tiers.

11      Conformément à l’article 50 de ce règlement, la Commission examine par les moyens appropriés toute demande qu’elle reçoit et, si elle estime que les conditions définies par le règlement n° 1151/2012 sont remplies, elle la publie au Journal officiel de l’Union européenne.

12      L’article 51 dudit règlement règle les modalités et conditions de la présentation d’une opposition à une demande d’enregistrement par les autorités d’un État membre ou d’un pays tiers, ou par une personne physique ou morale ayant un intérêt légitime à cette fin. Conformément au paragraphe 3 de cet article, une opposition recevable donne lieu à des consultations entre l’autorité ou la personne à l’origine de l’opposition et l’autorité ou l’organisme qui a déposé la demande d’enregistrement.

13      En vertu de l’article 52 du règlement n° 1151/2012, les décisions concernant l’enregistrement d’une appellation d’origine protégée sont arrêtées par la Commission, le cas échéant après consultation du comité de la politique de qualité des produits agricoles, en application de l’article 57, paragraphe 2, du même règlement.

 Les antécédents du litige et le règlement litigieux

14      Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 6 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent être résumés comme suit.

15      Saisie par la République italienne d’une demande d’enregistrement de l’indication géographique protégée « Focaccia di Recco col formaggio », la Commission a procédé, le 1er juin 2013, à la publication de cette demande au Journal officiel de l’Union européenne. La République portugaise ainsi que le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord ont déposé des oppositions contre ladite demande. Les consultations entre ces deux derniers États membres et la République italienne n’ayant pas pu aboutir à un accord, la Commission a adopté le règlement litigieux qui prévoit l’enregistrement de l’appellation d’origine protégée, au sens du règlement n° 1151/2012, « Focaccia di Recco col formaggio ».

16      Aux termes des considérants 7 et 10 du règlement litigieux :

« (7)      La dénomination “Focaccia al formaggio di Recco” ne pourra être utilisée pour les produits qui ne respectent pas le cahier des charges établi pour le produit enregistré sous la dénomination “Focaccia di Recco col formaggio”.

[...]

(10)      En plus, par décret du 13 février 2012 du Ministero delle Politiche Agricole e Forestali, le gouvernement italien a accordé la protection nationale transitoire à la dénomination “Focaccia di Recco col formaggio”. En Italie, cette dénomination peut être utilisée uniquement pour un produit fabriqué en conformité au cahier des charges inclus dans la demande d’enregistrement de la dénomination “Focaccia di Recco col formaggio” envoyée à la Commission. Dans ce contexte, l’attribution d’une période transitoire aux opposants, importateurs du produit et établis au Portugal et au Royaume-Uni, serait absconse. En tout état de cause, les marques déposées, enregistrées ou acquises par l’usage de bonne foi sur le territoire de l’Union avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection de la dénomination “Focaccia di Recco col formaggio” peuvent continuer à être utilisées et renouvelées nonobstant l’enregistrement. »

17      L’article 1er de ce règlement dispose :

« La dénomination “Focaccia di Recco col formaggio” (IGP) est enregistrée.

La dénomination visée au premier alinéa identifie un produit de la classe 2.3. Produits de la boulangerie, pâtisserie, confiserie et biscuiterie, de l’annexe XI du règlement d’exécution (UE) n° 668/2014 de la Commission [, du 13 juin 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2014, L 179, p. 36)]. »

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2015, Proforec a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux.

19      La Commission a soulevé, par acte séparé, une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours de Proforec. Statuant sur ladite exception, conformément à l’article 130, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable, à défaut d’intérêt à agir de Proforec.

20      En premier lieu, au terme d’une analyse développée aux points 21 à 27 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a décidé que, s’agissant de l’intérêt de Proforec à demander l’annulation du règlement litigieux quant à la commercialisation des focaccias qu’elle produit et commercialise sous ses propres marques, une éventuelle annulation de ce règlement ne procurerait à Proforec aucun bénéfice, dès lors que cette dernière sera, en dépit de l’adoption dudit règlement, toujours en droit de continuer de commercialiser, sous ses propres marques enregistrées, les focaccias surgelées qu’elle produit, sans que ledit règlement ait pour effet d’engendrer des stocks de produits ne pouvant être commercialisés. Cette partie de l’ordonnance attaquée n’est pas critiquée par Proforec.

21      En deuxième lieu, aux points 28 à 31 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a examiné et rejeté l’argument de Proforec selon lequel elle aurait un intérêt à demander l’annulation du règlement litigieux, au motif que celui-ci aurait un effet sur les ventes des focaccias surgelées qu’elle produit à des tiers distributeurs qui les commercialisent sous leurs marques propres (ci-après les « clients distributeurs »).

22      En troisième et dernier lieu, aux points 32 à 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a également rejeté l’argument de Proforec selon lequel le règlement litigieux l’expose au risque d’être poursuivie par ses clients distributeurs, compte tenu de ce que ce règlement ne prévoit pas de période transitoire et du risque de devoir suspendre ses engagements contractuels avec ceux-ci, ce qui l’exposerait à de possibles actions en réparation.

23      Aux termes de ces points 29 à 35 de l’ordonnance attaquée, critiqués par le présent pourvoi, le Tribunal a, en substance, considéré que les allégations de la requérante n’établissaient pas que les effets d’une éventuelle annulation du règlement litigieux seraient suffisamment directs et certains pour lui conférer un intérêt à agir.

 Les conclusions des parties

24      Proforec demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de renvoyer l’affaire au Tribunal, afin qu’il se prononce sur le recours, sous réserve de l’adoption de mesures plus appropriées, et

–        de condamner la Commission aux dépens ou, à titre subsidiaire, en cas de rejet du pourvoi, d’ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.

25      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Proforec aux dépens.

 Sur le pourvoi

26      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de le rejeter, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

27      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

28      À l’appui de son pourvoi, Proforec soulève trois moyens par lesquels elle reproche au Tribunal, en substance, une erreur de droit dans l’application de la notion d’« intérêt à agir », une violation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ainsi qu’une insuffisance de motivation.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

29      Proforec conteste le rejet, par le Tribunal, de son argument, résumé au point 28 de l’ordonnance attaquée, selon lequel elle dispose d’un intérêt à demander l’annulation du règlement litigieux, en ce que ce dernier a un effet sur la commercialisation des focaccias surgelées qu’elle produit et qui sont commercialisées par ses clients distributeurs.

30      Selon Proforec, à la suite de l’enregistrement de l’appellation d’origine protégée « Focaccia di Recco col formaggio », il existe une incertitude relative à la dénomination sous laquelle les focaccias peuvent être commercialisées par ses clients distributeurs, sans violer l’article 13 du règlement n° 1151/2012. Cette incertitude dissuaderait ces derniers d’acheter ses produits et engendrerait, pour Proforec, un dommage direct, suffisamment certain et actuel, qui justifierait son intérêt à agir en l’espèce et ce d’autant plus qu’elle réaliserait une grande partie de son chiffre d’affaires par la vente de ses produits à des distributeurs de la grande distribution.

31      La Commission estime que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 30 de l’ordonnance attaquée, que l’effet d’une éventuelle annulation du règlement litigieux n’est pas suffisamment direct et certain à l’égard de Proforec pour conférer à celle-ci un intérêt à agir. Le prétendu effet dissuasif dudit règlement pour les clients de la grande distribution serait seulement hypothétique et éventuel. Aucun des arguments soulevés par Proforec ne saurait justifier une conclusion différente.

 Appréciation de la Cour

32      Selon une jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts du 27 février 2014, , C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 54, et du 4 juin 2015, , C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 25).

33      Il appartient au requérant d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 4 juin 2015, , C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, points 26 et 27 ainsi que jurisprudence citée).

34      En particulier, pour qu’un recours en annulation d’un acte, présenté par une personne physique ou morale, soit recevable, il faut que la partie requérante justifie de façon pertinente l’intérêt que présente pour elle l’annulation de cet acte (arrêt du 4 juin 2015, , C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 28 et jurisprudence citée).

35      Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un tel intérêt ne saurait découler de simples hypothèses dont la réalisation serait encore, au moment de l’introduction du recours, incertaine (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, , C‑564/13 P, EU:C:2015:124, points 34 à 36).

36      En l’espèce, il ressort du point 27 de l’ordonnance attaquée, lequel n’est pas critiqué dans le cadre du présent pourvoi, que, malgré l’adoption du règlement litigieux, Proforec est en droit de poursuivre la commercialisation des focaccias surgelées qu’elle produisait déjà, sous ses propres marques enregistrées, avant l’adoption dudit règlement.

37      Certes, il résulte du point 28 de l’ordonnance attaquée que, devant le Tribunal, Proforec soutenait qu’elle disposait d’un intérêt à demander l’annulation du règlement litigieux, en ce que ce dernier aurait un effet sur la commercialisation de ses focaccias par ses clients distributeurs. Ces derniers ne seraient plus autorisés, depuis l’adoption du règlement litigieux, à faire usage de la dénomination « Focaccia di Recco » pour de tels produits surgelés, comme le Tribunal l’a, en substance, admis au point 31 de l’ordonnance attaquée.

38      Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a relevé au même point de l’ordonnance attaquée, c’est à ces clients distributeurs que profiterait, en principe, l’annulation éventuelle du règlement litigieux, dans la mesure où cela leur permettrait de poursuivre la vente, sous la dénomination « Focaccia di Recco », des focaccias produites par Proforec. Cette annulation ne profiterait dès lors pas directement à cette dernière, qui n’utilise pas cette dénomination dans le cadre de la vente de ses propres produits. Un tel argument au soutien de l’annulation du règlement litigieux n’est dès lors pas de nature à démontrer un intérêt à agir, né et actuel, de Proforec à cette fin.

39      Il ne saurait en être autrement que dans l’hypothèse où, faute de pouvoir utiliser, pour la commercialisation des produits de Proforec, la dénomination « Focaccia di Recco », ou une autre dénomination dont l’utilisation a été interdite à la suite de l’adoption du règlement litigieux, ses clients distributeurs ne seraient plus disposés à acheter les focaccias surgelées produites par Proforec.

40      Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 17 de l’ordonnance attaquée, devant le Tribunal, Proforec s’est limitée à affirmer, de manière vague, que, en raison de l’adoption du règlement litigieux, elle a dû suspendre les engagements contractuels souscrits avec ses clients distributeurs, sans produire d’éléments permettant d’établir, à suffisance de droit, la réalité de ce prétendu dommage, tels que des lettres de rupture de relations commerciales ou des contrats de vente d’où il ressortirait que la possibilité de commercialiser les produits de Proforec sous la dénomination « Focaccia di Recco » constituait, pour les clients distributeurs, un élément ayant déterminé leur décision d’acheter ces produits.

41      Dans ces conditions, il convient d’écarter le premier moyen du pourvoi comme étant manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

42      Proforec fait valoir que son recours devant le Tribunal était recevable, dès lors que l’article 263, quatrième alinéa, dernière phrase, TFUE, permet aux personnes physiques ou morales de contester, par un recours en annulation, les actes réglementaires, tels que le règlement litigieux, qui ne comportent pas de mesures d’exécution, quand bien même ces personnes ne seraient pas individuellement concernées par lesdits actes.

43      Par conséquent, selon Proforec, la décision du Tribunal selon laquelle le recours était irrecevable dès lors qu’elle ne disposait pas d’un intérêt à agir est erronée, celui-ci n’ayant pas tenu compte de la possibilité, pour elle, d’intervenir dans l’intérêt de ses clients distributeurs, auxquels elle serait liée par des rapports commerciaux très étroits.

44      La Commission estime que le deuxième moyen est non fondé. En effet, le Tribunal se serait limité à constater l’absence d’intérêt à agir de Proforec, sans examiner les autres conditions de recevabilité du recours formé par celle-ci, si bien qu’aucune violation de l’article 263, quatrième alinéa, dernière phrase, TFUE ne saurait lui être reproché.

 Appréciation de la Cour

45      Selon la jurisprudence de la Cour, l’intérêt à agir et la qualité pour agir constituent des conditions de recevabilité distinctes qu’une personne physique ou morale doit remplir de façon cumulative afin d’être recevable à former un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, , C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 et jurisprudence citée). 

46      En l’espèce, le Tribunal ayant considéré, par l’ordonnance attaquée, que Proforec ne disposait pas d’un intérêt à agir, au sens de cette jurisprudence, et que, par conséquent, son recours en annulation du règlement litigieux n’était, en tout état de cause, pas recevable, c’est sans commettre d’erreur de droit qu’il n’a pas examiné si les conditions de recevabilité d’un tel recours prévues à l’article 263 TFUE, quatrième alinéa, dernière phrase, étaient remplies.

47      Dès lors, si, par l’argumentation avancée à l’appui du deuxième moyen de pourvoi, Proforec entend reprocher au Tribunal une violation de l’article 263, quatrième alinéa, dernière phrase, TFUE, il doit être constaté qu’un tel moyen est fondé sur une prémisse erronée, le Tribunal ne s’étant aucunement référé, dans l’ordonnance attaquée, à cette disposition.

48      Du reste, l’argument de Proforec, tiré de son prétendu droit d’intervenir dans l’intérêt de ses clients distributeurs ne constitue qu’une simple répétition de son argumentation avancée dans le cadre du premier moyen, laquelle doit être rejetée pour les motifs exposés aux points 38 à 32 de la présente ordonnance.

49      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

50      Proforec critique les points 32 à 35 de l’ordonnance attaquée pour insuffisance de motivation. À cet égard, elle estime que le Tribunal n’a pas tenu compte du fait qu’aucune période transitoire n’a été prévue par le règlement litigieux en vue de permettre l’écoulement des stocks et des emballages. Ainsi qu’elle l’aurait démontré devant le Tribunal, la Commission se serait fondée, pour conclure qu’il n’était pas nécessaire de prévoir une telle période transitoire, sur des constatations factuelles inexactes. En effet, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 10 du règlement litigieux, aucune protection provisoire valable n’aurait existé, puisque celle accordée au niveau national serait devenue caduque, ce que l’administration italienne aurait reconnu. Or, en raison de cette absence de période transitoire, Proforec aurait subi un préjudice présent, né et actuel, résultant de cette omission de la Commission.

51      Ainsi qu’elle l’a fait valoir en première instance, ce préjudice résulterait de ce que, d’une part, elle aurait fait confectionner, à ses frais, des milliers d’emballages pour ses clients distributeurs, dont l’écoulement n’aurait plus été possible en l’absence de période transitoire. D’autre part, le fait que le règlement litigieux n’a pas prévu de période transitoire et l’impossibilité d’utiliser les emballages déjà confectionnés auraient empêché Proforec d’honorer tous ses engagements contractuels à l’égard de ses clients distributeurs, ce qui l’exposerait à d’éventuelles poursuites judiciaires intentées par ceux-ci.

52      La Commission relève que Proforec n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle réalise elle-même les emballages pour ses clients distributeurs ni pourquoi ces derniers refuseraient d’accepter ces emballages. Quant au risque, invoqué par Proforec, de se voir poursuivie en justice par ses clients distributeurs, la Commission estime que c’est à juste titre que le Tribunal a considéré qu’il ne pouvait pas être considéré comme né et actuel.

 Appréciation de la Cour

53      Il convient de relever que, au soutien du troisième moyen, Proforec ne fait valoir aucune erreur de droit, ni n’invoque de dénaturation des faits ou de ses moyens de preuve par le Tribunal, mais se borne à alléguer que l’ordonnance attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation.

54      Or, en ce qui concerne, d’une part, l’argument avancé par Proforec en première instance selon lequel elle disposait d’un intérêt à agir en raison de ce que, en l’absence de période transitoire, celle-ci ne serait pas en mesure d’écouler le stock d’emballages dont elle disposait prétendument, il convient de relever que, au point 31 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a indiqué que « l’annulation éventuelle du règlement [litigieux] en ce qu’elle permettrait l’usage [...] des emballages portant cette dénomination n’aurait de conséquences directes qu’envers les distributeurs ». Bien que succincte, une telle indication constitue un élément de motivation permettant à l’intéressé de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à son argument et à la Cour de disposer d’un élément suffisant pour, le cas échéant, lui permettre d’exercer son contrôle, à tout le moins si une dénaturation des faits de l’espèce avait été alléguée. Dès lorsqu’une telle dénaturation n’est pas alléguée et que, en tout état de cause, la décision du Tribunal sur ce point est motivée à suffisance de droit, le grief tiré d’une insuffisance de motivation doit être rejeté.

55      S’agissant, d’autre part, du risque, également invoqué par Proforec en première instance, de se voir poursuivie en justice par ses clients distributeurs, il convient de relever que, au point 34 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a répondu ce qui suit :

« En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, si la requérante évoque la suspension de ses obligations contractuelles, elle fait état de “possibles” actions en dommages et intérêts de la part de ses cocontractants. En outre, elle n’apporte aucun élément attestant que de telles actions en justice sont en cours ou que le risque allégué est avéré ou né et actuel à la date d’introduction du recours. Dès lors, cet argument doit être rejeté. »

56      Or, l’argumentation avancée par Proforec à l’appui de son troisième moyen ne remet nullement en cause ces considérations du Tribunal, lesquelles étaient suffisantes pour que l’ordonnance attaquée soit considérée comme motivée.

57      Partant, il convient de conclure que le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé, ainsi que, par conséquent, le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Proforec et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Proforec Srl est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.

Nahoru