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Document 62019CO0183

    Usnesení Soudního dvora (šestého senátu) ze dne 3. prosince 2019.
    Fruits de Ponent, SCCL v. Evropská komise.
    Kasační opravný prostředek – Společná zemědělská politika (SZP) – Nařízení (EU) č. 1308/2013 – Trhy se sladkým ovocem – Narušení, k nimž došlo v hospodářském roce 2014 – Dočasná mimořádná podpůrná opatření pro producenty – Žaloba na určení mimosmluvní odpovědnosti.
    Věc C-183/19 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:1039

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    3 décembre 2019 (*)

    « Pourvoi – Politique agricole commune (PAC) – Règlement (UE) no 1308/2013 – Marchés des fruits doux – Perturbations subies pendant la campagne 2014 – Mesures exceptionnelles de soutien temporaire en faveur des producteurs – Recours en responsabilité non contractuelle »

    Dans l’affaire C‑183/19 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 février 2019,

    Fruits de Ponent SCCL, établie à Alcarràs (Espagne), représentée par Mes M. Roca Junyent et R. Vallina Hoset, abogados, ainsi que par Me A. Sellés Marco, abogada,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, W. Farrell et A. Sauka, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. M. Safjan, président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader (rapporteure), juges,

    avocat général : M. E. Tanchev,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, Fruits de Ponent SCCL demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, Fruits de Ponent/Commission (T‑290/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:934), par lequel ce dernier a rejeté son recours tendant à ce que la Commission européenne soit condamnée à réparer le préjudice prétendument subi par trois membres de la requérante du fait d’actes et d’omissions de la Commission, dans le contexte de l’adoption du règlement délégué (UE) no 913/2014 de la Commission, du 21 août 2014, fixant des mesures exceptionnelles de soutien temporaire en faveur des producteurs de pêches et de nectarines (JO 2014, L 248, p. 1), et du règlement délégué (UE) no 932/2014 de la Commission, du 29 août 2014, fixant des mesures exceptionnelles de soutien temporaire en faveur des producteurs de certains fruits et légumes et modifiant le règlement délégué no 913/2014 (JO 2014, L 259, p. 2).

     Le cadre juridique

    2        Le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), prévoit deux mécanismes de prévention et de gestion des crises dans le secteur des fruits et légumes, à savoir un mécanisme ordinaire, sous la forme de programmes opérationnels, et un mécanisme extraordinaire, qui prescrit des mesures en cas de perturbations du marché.

    3        Les programmes opérationnels, tels que définis à l’article 33 du règlement no 1308/2013, sont mis en œuvre par les organisations de producteurs de fruits et légumes (ci-après les « OPFL »), qui gèrent à cette fin les fonds opérationnels visés à l’article 32 dudit règlement, au financement desquels l’Union européenne contribue.

    4        Aux termes de l’article 33, paragraphe 3, du règlement no 1308/2013, la prévention et la gestion des crises visées au paragraphe 1 dudit article ont pour objectif d’éviter et de régler les crises sur les marchés des fruits et légumes et couvrent notamment, dans ce contexte, la promotion et la communication, à titre de prévention ou pendant une période de crise, ainsi que le retrait du marché.

    5        Selon l’article 79, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), le soutien aux retraits du marché, qui comprend la participation de l’Union et celle de l’OPFL concernée, ne dépasse pas le montant établi à l’annexe XI dudit règlement d’exécution, à savoir 5 % du volume moyen de la production commercialisée par ladite OPFL au cours des trois années écoulées.

    6        Les articles 97 et 98 de ce règlement prévoient un certain nombre d’obligations de notifications à la charge des États membres concernant, d’une part, les organisations de producteurs, les associations d’organisations de producteurs ainsi que les groupements de producteurs, et, d’autre part, les prix des producteurs de fruits et légumes dans le marché intérieur.

    7        Les mesures extraordinaires de prévention et de gestion des perturbations du marché sont prévues aux articles 219, 227 et 228 du règlement no 1308/2013.

    8        L’article 219, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 dispose :

    « Afin de répondre de manière concrète et efficace aux menaces de perturbation du marché causées par des hausses ou des baisses significatives des prix sur les marchés intérieurs ou extérieurs ou par d’autres événements et circonstances perturbant significativement ou menaçant de perturber le marché, lorsque cette situation ou ses effets sur le marché sont susceptibles de se poursuivre ou de s’aggraver, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 227 en vue de prendre les mesures nécessaires pour rééquilibrer cette situation de marché [...] dès lors que toute autre mesure pouvant être appliquée en vertu du présent règlement apparaît insuffisante.

    Lorsque, dans les cas de menaces de perturbations du marché visées au premier alinéa du présent paragraphe, des raisons d’urgence impérieuses le requièrent, la procédure prévue à l’article 228 s’applique aux actes délégués adoptés en application du premier alinéa du présent paragraphe.

    Ces raisons d’urgence impérieuses peuvent inclure le besoin d’agir immédiatement pour corriger ou éviter la perturbation du marché, lorsque les menaces de perturbation du marché apparaissent si rapidement ou de façon si inattendue qu’une action immédiate est nécessaire pour faire face de manière concrète et efficace à la situation, ou bien lorsque l’action pourrait empêcher ces menaces de perturbation du marché de se concrétiser, de se poursuivre ou de se transformer en une crise plus grave ou prolongée, ou encore lorsque retarder l’action immédiate risquerait de provoquer ou d’aggraver la perturbation, ou pourrait porter préjudice à la production ou aux conditions du marché.

    Ces mesures peuvent, dans la mesure et pour la durée nécessaires pour faire face aux perturbations du marché ou aux menaces de perturbation, étendre ou modifier la portée, la durée ou d’autres aspects d’autres mesures prévues par le présent règlement, prévoir des restitutions à l’exportation ou suspendre les droits à l’importation en totalité ou en partie, notamment pour certaines quantités et/ou périodes, selon les besoins. »

    9        L’article 227 du règlement no 1308/2013 confère à la Commission européenne le pouvoir d’adopter des actes délégués et régit l’exercice de cette délégation.

    10      L’article 228 du règlement no 1308/2013 prévoit une procédure d’urgence, en vertu de laquelle les actes délégués adoptés au titre de cette disposition entrent en vigueur sans délai et s’appliquent tant qu’aucune objection n’est exprimée par le Conseil de l’Union européenne ou par le Parlement européen conformément à l’article 227, paragraphe 5, dudit règlement.

     Les antécédents du litige

    11      Les antécédents du litige sont résumés aux points 10 à 30 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

    « 10      Le secteur dit des fruits doux [...] englobe la production de pêches et de nectarines. Il s’agit de fruits de saison, dont la campagne de collecte et de commercialisation se déroule pour l’essentiel en été. La saison de la récolte commence habituellement au début du mois de juin et se termine approximativement à la fin du mois de septembre. La saison de la consommation coïncide avec celle de la récolte.

    11      Les fruits doux sont particulièrement périssables et les possibilités de leur entreposage limitées. Il n’est donc possible de les stocker dans des conditions satisfaisantes que pendant les deux à quatre semaines qui en suivent la récolte et leur transport est limité à un nombre réduit de jours. Ces caractéristiques des fruits doux ont pour conséquence que leur marché est très sensible à toute perturbation, leur stockage ne pouvant être prolongé jusqu’à ce que le marché se stabilise.

    12      Pendant la saison 2014, le secteur des fruits doux a connu des perturbations qui se sont traduites par une baisse significative des prix. Cette crise est la résultante de trois facteurs.

    13      Premièrement, la production de fruits doux a sensiblement augmenté par rapport aux années précédentes et la collecte de ces fruits a débuté plus tôt que d’ordinaire, parfois même dès le mois de mai 2014.

    14      Deuxièmement, la consommation de fruits doux, qui est étroitement liée à des températures estivales, a baissé de manière appréciable dans certains États membres pendant la saison 2014, en raison d’un climat particulièrement pluvieux et froid.

    15      Troisièmement, à la suite de l’adoption par le Conseil du règlement (UE) no 833/2014, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), le président de la Fédération de Russie a adopté, le 6 août 2014, le décret no 560, portant interdiction d’importer en Russie certains types de produits agricoles en provenance de l’Union, notamment les fruits doux (ci-après l’“embargo russe”). Cette décision, qui est entrée en vigueur le 7 août 2014, a entraîné la fermeture d’un marché traditionnellement important pour les producteurs de fruits doux de l’Union.

    [...]

    18      Le jour même du décret de l’embargo russe, le mercredi 6 août 2014, la Commission a rencontré les représentants des principaux États membres producteurs de fruits doux. La mauvaise situation quant aux prix a été confirmée lors de cette réunion. Il y a en outre été question de l’incidence des stocks de fruits et de la situation en Russie et en Ukraine sur le marché.

    19      Le jour de l’entrée en vigueur de l’embargo russe, le jeudi 7 août 2014, de nouvelles informations sont parvenues à la Commission par l’intermédiaire des organisations du secteur des fruits doux et des autorités nationales. En Espagne, l’organisation Unión de Uniones de Agricultores y Ganaderos (union des syndicats d’agriculteurs et d’éleveurs) s’est adressée au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement, par lettre du 8 août 2014, pour demander l’adoption par la Commission de mesures urgentes pour éviter des perturbations sur le marché des fruits doux.

    20      Le vendredi 8 août 2014, la Commission a rencontré les experts nationaux du secteur des fruits doux. Le même jour, dans un communiqué de presse, le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural a fait part de son intention d’aider les producteurs concernés.

    21      Par un communiqué de presse du lundi 11 août 2014, la Commission a annoncé l’adoption prochaine de mesures exceptionnelles en ce qui concernait les pêches et les nectarines, en précisant que ces mesures s’appliqueraient à compter de ce même jour.

    22      Le 21 août 2014, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 219, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, en conformité avec son article 229, le règlement délégué [no 913/2014].

    [...]

    24      Le 29 août 2014, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 219, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, en conformité avec son article 229, le règlement délégué [no 932/2014].

    [...]

    26      En substance, le règlement délégué no 932/2014 autorise le financement par l’Union des retraits de fruits doux du marché à des fins autres que la distribution gratuite et augmente le pourcentage de l’aide de l’Union en faveur des producteurs qui ne sont pas membres d’une OPFL.

    27      La requérante est une société coopérative espagnole qui agit au nom et pour le compte de trois de ses membres producteurs de pêches et de nectarines, à savoir Escarp SCP, Agropecuaria Sebcar SL et Rusfal 2000 SL, en vertu d’un mandat donné par ces trois sociétés par acte notarié du 16 septembre 2015.

    28      La requérante expose, en se référant à un rapport d’expertise joint à la requête [...], que les trois membres en question ont subi des pertes au cours de la saison 2014, évaluées à 121 085,11 euros pour Escarp, à 162 540,46 euros pour Agropecuaria Sebcar et, après déduction d’un montant de 143 088,69 euros perçu au titre d’une assurance agricole, à 28 808,99 euros pour Rusfal 2000.

    29      Par lettres de ses conseils des 21 octobre et 18 novembre 2015 et du 11 mars 2016 adressées à la Commission, la requérante a demandé à avoir accès, notamment, aux documents et aux travaux préparatoires relatifs aux règlements délégués nos 913/2014 et 932/2014 et, en particulier, aux documents, aux données et aux statistiques sur lesquels la Commission s’est fondée pour fixer le volume de production à retirer du marché, pour choisir le “mécanisme de cofinancement”et pour déterminer le montant de l’aide accordée pour les produits retirés du marché.

    30      La Commission a répondu à ces demandes d’accès par lettres des 27 novembre et 7 décembre 2015 et du 20 mai 2016. Il ressort de ses réponses, notamment, que les données ayant servi de base à l’adoption du règlement délégué no 913/2014 sont reprises dans un document présenté le 22 août 2014 lors de la réunion du groupe d’experts nationaux pour les pêches et les nectarines. Ce document, joint à la requête (annexe A.11), comporte notamment des graphiques relatifs à la production de pêches et de nectarines dans l’Union et dans les principaux pays producteurs au cours des années 2011 à 2014, à l’évolution des prix pendant la même période ainsi qu’à l’évolution des prix des pêches et des nectarines entre le 16 juin et le 17 août 2014. Il ressort également de ces réponses que le volume des retraits effectués dans l’Union sous le couvert du mécanisme de crise prévu par les règlements délégués nos 913/2014 et 932/2014 s’est élevé à 11 284 tonnes de pêches et à 19 455 tonnes de nectarines, ce qui représente moins de 0,4 % des 2 946 000 tonnes de pêches produites dans l’Union en 2014 et moins de 1,5 % des 1 357 000 tonnes de nectarines produites dans l’Union en 2014. Il en ressort encore que le prix de retrait fixé dans les règlements délégués nos 913/2014 et 932/2014 correspond à la moyenne des prix des produits commercialisés par l’OPFL concernée pour les années antérieures, tels qu’ils figurent à l’annexe XI du règlement d’exécution no 543/2011. »

     La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 juin 2016, la requérante a introduit un recours tendant à ce que la Commission soit condamnée à réparer le préjudice prétendument subi par trois de ses membres du fait d’actes et d’omissions de la Commission, dans le contexte de l’adoption du règlement délégué no 913/2014 et du règlement délégué no 932/2014.

    13      À l’appui de son recours, elle a soulevé six griefs arguant que la Commission, premièrement, avait utilisé un mécanisme de gestion de crise qu’elle avait auparavant jugé inadéquat et inefficace, deuxièmement, n’avait pas recueilli les informations adéquates sur le marché, troisièmement, avait tardé à intervenir, quatrièmement, avait pris une mesure objectivement inadéquate, sous la forme d’opérations de retraits cofinancés, cinquièmement, avait organisé la distribution gratuite sous une forme objectivement inadéquate et, sixièmement, avait pris des mesures de promotion objectivement inadéquates et arbitraires.

    14      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble, considérant que la requérante n’avait pas démontré l’existence d’une violation caractérisée d’une règle juridique ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers de sorte que la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’était pas établie.

     Les conclusions des parties

    15      Par son pourvoi, Fruits de Ponent demande à la Cour :

    –        d’annuler l’arrêt attaqué et

    –        à titre principal, conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, si celle-ci estime que le litige est en état d’être jugé, de statuer sur le recours en première instance, de faire droit aux conclusions formulées par la requérante pendant cette instance, et de condamner la Commission aux dépens pour les deux instances ;

    –        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où elle considérerait que le litige n’est pas en état d’être jugé, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour nouvel examen, et de réserver les dépens.

    16      La Commission demande à la Cour :

    –        de rejeter le pourvoi comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé et

    –        de condamner Fruits de Ponent aux dépens.

     Sur le pourvoi

    17      À l’appui de son pourvoi, Fruits de Ponent invoque quatre moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 39 TFUE. Par son deuxième moyen, elle soutient que le Tribunal a dénaturé les faits, manqué à la charge de la preuve et violé le principe  venire contra factum proprium non valet. Le troisième moyen est tiré d’une violation combinée de l’article 296 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), résultant, d’une part, d’une carence dans la motivation et, d’autre part, d’une dénaturation des arguments de la requérante. Enfin, le quatrième moyen est tiré d’une violation combinée de l’article 39 TFUE et de l’article 219 du règlement no 1308/2013.

    18      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

    19      Il y a lieu de faire application de cette disposition en l’espèce.

     Sur les première et deuxième branches du premier moyen, ainsi que sur la première branche du troisième moyen, tirée dune violation de larticle 39 TFUE

     Argumentation des parties

    20      S’agissant des deux premières branches du premier moyen, Fruits de Ponent soutient, tout d’abord, que la jurisprudence sur laquelle est fondé l’arrêt attaqué, à savoir l’arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845), n’est pas applicable en l’espèce, puisque cet arrêt vise des circonstances distinctes de celles en cause dans le présent litige. Ensuite, les autres arguments invoqués au soutien de ces branches s’appuient, en substance, sur différentes considérations relatives à la place ainsi qu’à l’importance de la libre concurrence dans la politique agricole commune (PAC). Plus particulièrement, la requérante considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en donnant dans la PAC une place prépondérante aux principes de concurrence et de libre marché. Enfin, le Tribunal aurait ignoré ou contredit les objectifs établis à l’article 39 TFUE.

    21      En ce qui concerne la première branche du troisième moyen, la requérante considère que, en rejetant les arguments relatifs à l’article 39 TFUE, le Tribunal a manqué, dans l’arrêt attaqué, au devoir de motivation établi à l’article 296 TFUE et à l’article 47 de la Charte. En effet, le Tribunal n’aurait pas examiné les arguments relatifs à l’article 39 TFUE.

    22      La Commission considère que la première branche du premier moyen est manifestement inopérante et que la deuxième branche de ce moyen est dénuée de tout fondement. Pour le reste, il conviendrait de rejeter la première branche du troisième moyen.

     Appréciation de la Cour

    23      S’agissant, tout d’abord, de l’argument selon lequel les enseignements issus de l’arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845), ne seraient pas applicables dans des circonstances telles que celle en cause dans le présent litige, il y a lieu de relever, d’une part, que les motifs cités dans l’arrêt attaqué visent des considérations générales relatives à l’équilibre auquel doit tendre la PAC si bien que la généralité de ces considérations vaut à la fois pour les circonstances en cause dans l’arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845), ainsi que dans le présent litige. D’autre part, et contrairement à ce qu’argue la requérante, il importe de souligner que, dans cet arrêt, tout comme dans le présent litige, il est procédé à une interprétation du règlement no 1308/2013 de sorte que, nonobstant les particularités de l’une et de l’autre affaire, certaines considérations générales valent dans chacune d’elles.

    24      Ensuite, le pourvoi est fondé sur une lecture manifestement incomplète et erronée de l’arrêt attaqué. En effet, si, au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que « l’un des objectifs de la PAC » est « le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles », cette considération démontre qu’il ne s’agit que d’un des objectifs parmi d’autres de cette politique. Le Tribunal a, par la suite, précisé, aux points 76 à 78 de cet arrêt, que le marché des produits agricoles se caractérisait par « un interventionnisme accru des autorités publiques ». Au point 79 dudit arrêt, il a conclu que la Commission est tenue « tout au plus à une obligation de moyens, relevant de son devoir général de diligence et du principe de bonne administration, lorsqu’elle adopte de telles mesures » et qu’il ne ressort ni de l’article 39 TFUE ni de la jurisprudence invoquée par la requérante « que la Commission serait tenue de garantir en toutes circonstances le maintien du niveau de vie de la population agricole ou de préserver celle-ci des conséquences d’une perturbation du marché ».

    25      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour que, dans la poursuite des différents objectifs énumérés à l’article 39 TFUE, les institutions de l’Union doivent assurer la conciliation permanente que peuvent exiger d’éventuelles contradictions entre ces objectifs considérés séparément. Si, dans le cadre de cette conciliation, il n’est pas permis à ces institutions d’isoler l’un de ces objectifs au point de rendre impossible la réalisation des autres, elles peuvent, néanmoins, accorder à l’un ou à l’autre la prééminence temporaire qu’imposent les faits ou les circonstances économiques au vu desquels elles arrêtent leurs décisions (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union, C‑137/00, EU:C:2003:429, point 91 ainsi que jurisprudence citée).

    26      À cet égard, la Cour a déjà dit pour droit qu’il ne saurait être fait grief au législateur de l’Union d’avoir outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en accordant, en présence d’une situation de marché caractérisée, la prééminence momentanée à la stabilisation du marché, tout en ne cherchant pas à réaliser, temporairement, un relèvement du revenu individuel des agriculteurs concernés (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 1992, Hierl, C‑311/90, EU:C:1992:138, point 14).

    27      Or, d’une part, les considérations liminaires développées aux points 72 à 79 de l’arrêt attaqué incluaient l’article 39 TFUE dans la motivation de l’arrêt attaqué. D’autre part, et en tout état de cause, comme il a été relevé au point 24 de la présente ordonnance, les arguments relatifs à une violation, par le Tribunal, dudit article 39, procèdent d’une lecture partielle de l’arrêt attaqué et sont dénués de tout fondement.

    28      Il s’ensuit que les arguments formulés dans les première et deuxième branches du premier moyen, ainsi que dans la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 39 TFUE, sont manifestement non fondés.

     Sur la troisième branche du premier moyen

     Argumentation des parties

    29      Par la troisième branche du premier moyen, la requérante considère que l’arrêt attaqué viole le devoir de diligence, au sens de l’article 41 de la Charte, et l’article 39 TFUE dans la mesure où le Tribunal soutient, aux points 92 à 95 de cet arrêt, que le devoir de diligence et le principe de bonne administration n’obligent pas la Commission à recueillir d’autres données que celles prévues par voie réglementaire. Plus précisément, elle conteste la pertinence des informations dont la Commission dispose au titre des articles 97 et 98 du règlement d’exécution no 543/2011, dans la mesure où les informations que les États membres doivent notifier au titre de cet article 98 sont les prix « à la sortie des stations de conditionnement, pour les produits triés, emballés et, le cas échéant, sur des palettes ». Dans la mesure où ces prix correspondent à ceux fixés à une étape ultérieure à la première transformation dans la chaîne de commercialisation, ils ne correspondraient pas aux prix des producteurs, qui relèvent d’une étape antérieure, et ne permettraient pas de connaître la situation de la population agricole concernée.

    30      La Commission est d’avis que cette branche est dénuée de pertinence.

     Appréciation de la Cour

    31      En matière de PAC, le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, lequel ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des mesures à adopter, mais aussi à la constatation des données de base [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 57 et jurisprudence citée].

    32      Ainsi que l’a relevé le Tribunal aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, si la Commission s’est fondée sur les données qu’elle a reçues des États membres au titre des articles 97 et 98 du règlement d’exécution no 543/2011, il résulte des constatations souveraines du Tribunal que la Commission s’est fondée sur tout un ensemble d’autres données.

    33      Par ailleurs, le Tribunal a retenu, aux points 95 et 96 dudit arrêt, que cette institution disposait de données supplémentaires de sorte que l’ensemble des données à la disposition de la Commission étaient « appropriées pour déceler les variations du marché ».

    34      De surcroît, si la réglementation, et notamment le règlement d’exécution no 543/2011, oblige les États membres à communiquer à cette institution des données sur le prix des fruits et légumes, la requérante n’a pas établi en quoi ladite institution serait soumise à une quelconque obligation de collecter d’autres données.

    35      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen est manifestement non fondée.

     Sur le deuxième moyen et la seconde branche du troisième moyen, tirés dune dénaturation, dun manquement à la charge de la preuve et au principe venire contra factum proprium non valet

     Argumentation des parties

    36      Le deuxième moyen soulevé par la requérante contient trois branches relatives à la dénaturation des faits, à des manquements à la charge de la preuve et à la violation du principe  venire contra factum proprium non valet.

    37      Par les deux premières branches de ce moyen, la requérante critique, en substance, l’affirmation, contenue au point 93 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission s’est non seulement fondée sur les données qu’elle a recueillies au titre des articles 97 et 98 du règlement d’exécution no 543/2011, mais également sur « les statistiques de l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat), sur les autres informations transmises par les représentants du secteur et par les États membres ainsi que sur l’expérience qu’elle a acquise dans le cadre de son activité de suivi des marchés agricoles ». En effet, selon elle, ces données ne figureraient pas dans les éléments de preuve produits dans lesquels la Commission expose et décrit les données sur lesquelles elle s’est fondée. Ainsi, premièrement, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve produits. Deuxièmement, il aurait méconnu les règles relatives à la charge de la preuve dans la mesure où, bien que la requérante ait produit des éléments de preuve et des documents étayant ses arguments, il aurait accepté l’affirmation non étayée de la Commission. Troisièmement, il aurait rejeté sa demande tendant à entendre différents témoins, dont le témoignage aurait permis de déterminer les données sur lesquelles s’est fondée la Commission.

    38      Par la troisième branche du deuxième moyen, la requérante affirme que les allégations formulées par la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal sont incompatibles avec les documents fournis par la Commission décrivant les données sur lesquelles cette institution s’est fondée pour adopter les règlements nos 913/2014 et 932/2014, puisque ces allégations mentionnent des données qui ne figurent pas  dans lesdits documents. En acceptant les allégations de la Commission, le Tribunal aurait violé le principe venire contra factum proprium non valet.

    39      Par la seconde branche du troisième moyen, la requérante considère que l’arrêt attaqué a dénaturé ses allégations dans la mesure où, dans sa requête devant le Tribunal, elle n’aurait jamais prétendu que la Commission était tenue de garantir le niveau de vie des agriculteurs.

    40      La Commission considère, en substance, que ces arguments ne peuvent prospérer.

     Appréciation de la Cour

    41      Il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (arrêt du 10 juillet 2019, VG/Commission, C‑19/18 P, EU:C:2019:578, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

    42      Il y a, tout d’abord, lieu de relever, comme décrit au point 32 de la présente ordonnance, que la requérante n’a pas démontré en quoi la Commission aurait été tenue d’une quelconque obligation de compiler des données supplémentaires et qu’il ressort de l’analyse souveraine du Tribunal que celui-ci a considéré que cette institution disposait des données utiles et nécessaires pour assurer le suivi du marché.

    43      Ensuite il convient de rappeler que si, dans un recours en responsabilité non contractuelle, c’est à la partie requérante qu’il appartient de démontrer, notamment, l’existence d’une violation caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il résulte du point 127 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que Fruits de Ponent n’avait pas procédé à une telle démonstration de sorte que la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’était pas établie.

    44      En tout état de cause, les éléments de preuve joints par Fruits de Ponent à sa requête devant le Tribunal, tels que ceux notamment contenus à ses annexes A.11 et A.12, ne contredisent pas, mais corroborent l’analyse effectuée par le Tribunal aux points 92 à 96 de l’arrêt attaqué.

    45      Par ailleurs, s’agissant de l’argument relatif à la demande d’audition de témoins, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, même si une telle demande, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 109 ainsi que jurisprudence citée).

    46      Enfin, alors que la requérante estime que l’arrêt attaqué a dénaturé ses allégations dans la mesure où dans sa requête devant le Tribunal elle n’aurait jamais prétendu que la Commission était tenue de garantir le niveau de vie des agriculteurs, il résulte des points 130, 171, 204, 216, 221 et 222 de ladite requête qu’une telle allégation y est bien formulée, à titre principal et à titre subsidiaire.

    47      Il s’ensuit que le deuxième moyen et la seconde branche du troisième moyen sont, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, manifestement non fondés.

     Sur le quatrième moyen tiré dune violation de larticle 39 TFUE et de larticle 219 du règlement no 1308/2013

     Argumentation des parties

    48      Par son quatrième moyen, la requérante considère que l’affirmation, contenue au point 101 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ni la requérante et ses membres ni l’union des syndicats d’agriculteurs et d’éleveurs ne se sont adressées aux autorités publiques pour demander l’adoption par la Commission de mesures urgentes dans le secteur des fruits doux avant le lendemain de l’instauration de l’embargo russe, serait contraire à l’article 39 TFUE et à l’article 219 du règlement no 1308/2013 dans la mesure où, dans le système souhaité par le traité FUE, la responsabilité de gérer le mécanisme de crise incombe exclusivement à la Commission.

    49      La Commission considère que ce moyen est manifestement irrecevable.

     Appréciation de la Cour

    50      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 13 et 14 de l’arrêt attaqué, il existait, préalablement à l’embargo russe, une conjonction de circonstances défavorables affectant le secteur des fruits doux, à savoir une production en augmentation et une météo défavorable, ce qui influençaient le choix des consommateurs relatif à ce type de fruits de sorte que, lorsque cet embargo visant notamment ces fruits a été adopté, les producteurs faisaient déjà face à un contexte défavorable.

    51      Néanmoins, il importe de faire observer que, au point 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à juste titre, retenu que, « même s’il ressort du considérant 1 du règlement délégué no 913/2014 que la Commission avait reconnu l’existence de difficultés sur le marché des pêches et des nectarines avant l’embargo russe, il ne s’ensuit pas que ces difficultés avaient un caractère exceptionnel justifiant l’application de l’article 219 du règlement no 1308/2013 ».

    52      À titre surabondant, le Tribunal a précisé, au point 101 de cet arrêt, que « c’est seulement le 8 août 2014, soit au lendemain de l’instauration de l’embargo russe, que l’union des syndicats d’agriculteurs et d’éleveurs s’est adressée au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement espagnol pour demander l’adoption par la Commission de mesures urgentes dans le secteur des fruits doux ».

    53      L’argumentation du quatrième moyen est dirigée contre un motif surabondant et doit donc, conformément à une jurisprudence constante, être rejetée comme étant manifestement inopérante (ordonnance du 7 août 2018, Campailla/Union européenne, C‑256/18 P, non publiée, EU:C:2018:655, point 47 et jurisprudence citée).

    54      Par conséquent, le quatrième moyen doit être manifestement rejeté.

    55      Partant, le pourvoi doit être rejeté, dans son intégralité, comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

     Sur les dépens

    56      L’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Fruits de Ponent aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      Fruits de Ponent SCCL est condamnée aux dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’espagnol.

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