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Document 62006FJ0139

Rozsudek Soudu pro veřejnou službu (druhého senátu) ze dne 8. července 2010.
Christian Kurrer proti Evropské komisi.
Veřejná služba - Úředníci.
Věc F-139/06.

Court reports – Reports of Staff Cases

ECLI identifier: ECLI:EU:F:2010:82

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

8 juillet 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Nomination — Agents temporaires nommés fonctionnaires — Candidats inscrits sur une liste de réserve avant l’entrée en vigueur du nouveau statut — Règles transitoires de classement en grade lors du recrutement — Classement en grade en application des nouvelles règles moins favorables — Article 5, paragraphe 4, et article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut »

Dans l’affaire F-139/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Christian Kurrer, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Watermael-Boitsfort (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme M. Simm, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Tagaras et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 11 décembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 13 décembre suivant), M. Kurrer demande l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 27 mars 2006, le nommant administrateur stagiaire, en ce que cette décision le classe au grade A*6, échelon 2, et ne maintient pas ses points de promotion (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (ci-après le « statut »), et le régime applicable aux autres agents de l’Union, tel que modifié par le même règlement (ci-après le « RAA »), sont entrés en vigueur, ainsi que prévu par l’article 2 dudit règlement, le 1er mai 2004.

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique européenne en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires A, B, C et D.

4        Aux termes de l’article 5, paragraphe 5, du statut :

« Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

5        L’article 29, paragraphe 1, du statut dispose :

« En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné :

a) les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de :

i) mutation ou

ii) nomination conformément à l’article 45 bis ou

iii) promotion

au sein de l’institution ;

b) les demandes de transfert de fonctionnaires du même grade d’autres institutions et/ou les possibilités d’organiser un concours interne à l’institution ouvert uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires visés à l’article 2 du régime applicable aux autres agents [de l’Union] ;

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l’annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement. »

6        L’article 31 du statut énonce :

« 1. Les candidats […] sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis du concours auquel ils ont été reçus.

2. Sans préjudice de l’article 29, paragraphe 2, les fonctionnaires sont recrutés uniquement aux grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 à AD 8. Le grade de l’avis de concours est déterminé par l’institution, conformément aux critères suivants :

a) l’objectif de recruter les fonctionnaires possédant les plus hautes qualités visées à l’article 27 ;

b) la qualité de l’expérience professionnelle requise.

Afin de répondre aux besoins spécifiques des institutions, les conditions du marché du travail [de l’Union] peuvent également être prises en considération lors du recrutement de fonctionnaires.

3. Par dérogation au paragraphe 2, l’institution peut, le cas échéant, autoriser l’organisation de concours aux grades AD 9, AD 10, AD 11 ou, exceptionnellement, AD 12. Le nombre total de candidats nommés aux emplois vacants à ces grades n’excède pas 20 % du nombre total annuel des nominations dans le groupe de fonctions AD en application de l’article 30, deuxième alinéa. »

7        L’annexe XIII du statut envisage les mesures transitoires consécutives à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004.

8        L’article premier de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1. Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2. Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

9        L’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut est libellé comme suit :

« Les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne sont classés, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie. »

10      L’article 12 de l’annexe XIII du statut dispose :

« 1. Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, toute référence faite aux grades des groupes de fonctions AST et AD à l’article 31, paragraphe[s] 2 et 3, du statut, doit être comprise selon les modalités qui suivent :

–        AST 1 à AST 4 : C*1 à C*2 et B*3 à B*4

–        AD 5 à AD 8 : A*5 à A*8

–        AD 9, AD 10, AD 11, AD 12 : A*9, A*10, A*11, A*12.

2. Les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du statut ne s’appliquent pas aux fonctionnaires recrutés sur des listes d’aptitude établies à la suite de concours publiés avant le 1er mai 2004.

3. Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A/LA 8

A*5

A/LA 7 et A/LA 6

A*6

A/LA 5 et A/LA 4

A*9

A/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

 »

 Faits à l’origine du litige

11      La Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne le 25 juillet 2002 (JO C 177 A, p. 25) l’avis de concours général COM/A/3/02 visant à constituer une liste de réserve d’administrateurs de grades A 7 et A 6 dans le domaine de la recherche (ci-après le « concours COM/A/3/02 »).

12      Au titre D intitulé « Informations générales », sous la rubrique « Conditions de recrutement », l’avis de concours précisait :

« L’inscription des lauréats sur les listes de réserve leur donne vocation à être recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires au fur et la mesure des besoins des services de la Commission […]. »

13      En outre, dans un nota bene en fin de ce même titre figurait la mention suivante :

« La Commission a formellement transmis au Conseil [de l’Union européenne] une proposition de modification du statut. Cette proposition comporte notamment le nouveau système de carrière. Les lauréats de ce concours pourraient donc se voir proposer un recrutement sur la base des dispositions du nouveau statut, suivant l’adoption de celles-ci par le Conseil. »

14      Le requérant s’est porté candidat à ce concours.

15      Il a été engagé par la Commission en tant qu’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, à compter du 16 janvier 2004 pour une période de trois ans. Il a été initialement classé au grade A 7.

16      Le 1er mai 2004, le grade qu’il détenait a été renommé grade A*8.

17      La liste d’aptitude établie à l’issue du concours COM/A/3/02 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 18 mai 2004. Le requérant figurait parmi les lauréats.

18      Par décision du 27 mars 2006, le requérant, qui était classé au grade A*8, échelon 4, en tant qu’agent temporaire, a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A*6, échelon 2, avec effet au 1er avril 2006 (ci-après la « décision attaquée »). Il a été affecté à la direction générale « Recherche ».

19      Le 30 juin 2006, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée, en ce que son classement a été fixé au grade A*6, échelon 2, plutôt qu’au grade A*8, échelon 4, et en ce que les points de promotion qu’il avait accumulés, lui avaient été retirés.

20      Par décision du 30 août 2006, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté sa réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle fixe son classement au grade A*6, échelon 2, et en ce qu’elle ne maintient pas les points de promotion qu’il avait accumulés en tant qu’agent temporaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

23      Par ordonnance du 22 mars 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance des Communautés européennes mettant fin à l’instance dans l’affaire T-58/05, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

24      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 15 mai 2007, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par ordonnance du 11 juillet 2007.

25      Après le prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T-58/05, Rec. p. II-2523, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla ») et au vu du pourvoi introduit devant la Cour de justice des Communautés européennes le 21 septembre 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 15 novembre 2007, décidé de suspendre à nouveau la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C-443/07 P, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

26      Après le prononcé de l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C-443/07 P, Rec. p. I-10945, ci-après l’« arrêt de la Cour Centeno Mediavilla »), et à la demande du Tribunal, les parties ont été invitées par lettre du greffe du 17 mars 2009 à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles dudit arrêt sur la suite de la procédure. La Conseil, la Commission et le requérant ont déféré à cette demande, respectivement les 27 mars, 27 mars et 16 avril 2009.

27      Par son mémoire en intervention sur le fond, parvenu au greffe du Tribunal le 1er juillet 2009, la partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours non fondé en ce qui concerne l’exception d’illégalité.

28      Par lettre du 29 juin 2009, le requérant a demandé la jonction aux fins de la procédure orale de la présente affaire avec l’affaire enregistrée sous la référence F-67/06, Lesniak/Commission. Ni la Commission ni le Conseil n’ont objecté à cette demande.

29      Le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par ordonnance du 3 février 2010.

 En droit

30      Le requérant a invoqué deux moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen était tiré d’une exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Cette exception était elle-même fondée sur la violation du principe d’égalité, sur la violation de l’avis de concours et des articles 29 et 31 du statut et sur la violation du principe de protection de la confiance légitime. Le second moyen était tiré de l’erreur dans la base légale de la décision attaquée, d’une discrimination des agents temporaires ayant réussi un concours général par rapport à ceux qui sont lauréats de concours internes, du principe de proportionnalité et du principe de la vocation à faire carrière.

31      Dans ses observations sur les conséquences dans la présente affaire de l’arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, le requérant a informé le Tribunal qu’il « se désist[ait] de son moyen tiré de l’illégalité de l’article 12 de l’annexe XIII du statut ».

32      Il s’ensuit qu’il ne reste à examiner que le second moyen.

 Arguments des parties

33      Le requérant observe qu’il a été classé au grade A*6, échelon 2, en vertu de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, alors qu’il aurait obtenu au moins le grade A*8, échelon 4, en application de l’article 5, paragraphe 4, de la même annexe. Il fait valoir que l’interprétation restrictive que la Commission donne à cette dernière disposition a pour conséquence que, à l’inverse des agents temporaires lauréats d’un concours interne, les agents temporaires lauréats, comme lui, d’un concours général avant le 1er mai 2006, ne conservent pas leur grade, leur échelon et leurs points de promotion.

34      Cette interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut violerait le principe d’égalité et le principe de proportionnalité car aucune raison objective, proportionnelle au but recherché, ne la justifierait.

35      L’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut autoriserait, toutefois, une interprétation qui éliminerait cette discrimination, dans la mesure où il peut être lu comme visant tous les agents temporaires lauréats de quelque concours que ce soit.

36      Il consacrerait, en effet, la vocation à la carrière des agents temporaires et le législateur n’aurait pas eu l’intention, dans cette perspective, de traiter ceux-ci différemment selon qu’ils sont lauréats d’un concours interne ou d’un concours général. La jurisprudence n’opérerait d’ailleurs aucune distinction entre ces deux types de concours.

37      L’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut couvrirait au demeurant deux situations : d’une part, celle des agents temporaires inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie et, d’autre part, celle des lauréats d’un concours interne. La Commission réduirait la portée de la disposition susmentionnée en n’envisageant que la dernière de ces situations. Or, en prenant également en considération les listes de candidats aptes à passer dans une autre catégorie, le législateur aurait nécessairement visé le cas d’agents temporaires aptes à passer dans une catégorie supérieure en tant que lauréats d’un concours général.

38      Par ailleurs, si la nomination en tant que fonctionnaire d’un agent temporaire de la catégorie B, lauréat d’un concours général tendant à pourvoir des emplois de catégorie A, entre dans le champ d’application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut rien ne justifierait d’en exclure un agent temporaire de catégorie A, lauréat d’un concours général de ce niveau.

39      Le Parlement européen et la Cour des comptes de l’Union européenne auraient, d’ailleurs, adopté une interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut couvrant l’hypothèse d’agents temporaires devenant fonctionnaires par le truchement de concours généraux.

40      La Commission répond que le requérant s’étant inscrit à un concours général et non à un concours interne, il a été admis à y participer non pas sur le fondement de sa qualité d’agent temporaire, mais à l’instar de tout autre candidat extérieur.

41      Or, le champ d’application de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut doit être distingué selon la nature des concours en cause. En faisant référence aux agents temporaires inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut envisagerait seulement les épreuves internes destinées à permettre un changement de catégorie ou la nomination d’agents temporaires en tant que fonctionnaires.

42      En revanche, l’article 12, paragraphe 3, de l’ annexe XIII du statut utiliserait le terme « recrutés » de manière à couvrir les premiers recrutements de candidats externes mais aussi les changements de catégorie à la suite de la réussite de concours généraux, et cela quel que soit le statut du candidat.

43      L’article 5, paragraphe 4, et l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut aboutiraient, certes, à une différence de traitement entre fonctionnaires selon qu’ils ont présenté un concours interne ou un concours général. Toutefois, la solution préconisée par le requérant poserait aussi un problème au regard du principe d’égalité, puisque les lauréats d’un même concours général, recrutés au même moment, seraient classés de manière différente selon qu’ils étaient déjà agents temporaires ou non. Face à une telle situation, le législateur, qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour organiser une période transitoire, aurait eu le choix entre garantir un traitement identique à tous les agents temporaires ou garantir un traitement identique aux lauréats d’un même concours recrutés au même moment. Il aurait choisi la seconde alternative et tant le Tribunal de première instance que la Cour auraient confirmé la légalité de cette option dans leurs arrêts Centeno Mediavilla. De plus, la solution prônée par le requérant aurait eu pour effet d’élargir le groupe de lauréats continuant à relever de l’ancien statut après le 1er mai 2004, en s’écartant ainsi de la volonté du législateur de le modifier.

44      Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut étant une disposition transitoire, elle constituerait une lex specialis qui aurait la même valeur que le statut et qui dérogerait à ses dispositions permanentes. Elle serait aussi d’interprétation stricte et ne pourrait faire l’objet d’une interprétation téléologique. Enfin, la Commission ne serait pas tenue par l’interprétation que d’autres institutions, telles le Parlement ou la Cour des comptes, ont du texte.

45      Selon la Commission, le classement du requérant devait, par conséquent, être déterminé conformément à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et non sur la base de l’article 5, paragraphe 4, de la même annexe.

46      Concernant les points de mérite, la Commission estime que leur suppression était justifiée par le fait que la comparaison des mérites du requérant et des autres fonctionnaires serait faussée si les points qu’il a accumulés en tant qu’agent temporaire lui demeuraient acquis, alors qu’il n’a pas encore apporté la preuve de ses mérites en sa qualité nouvelle de fonctionnaire.

 Appréciation du Tribunal

47      Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne », sont, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, classés « dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie ».

48      Afin de déterminer si, ainsi que le prétend le requérant, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut lui était applicable au moment de son recrutement en qualité de fonctionnaire stagiaire, il convient de délimiter le champ d’application personnel de cette disposition.

49      En premier lieu, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise les agents temporaires qui étaient inscrits « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ». À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 45, paragraphe 2, du statut, dans sa version applicable jusqu’au 30 avril 2004, le passage de fonctionnaires ou d’agents dans une autre catégorie ne pouvait avoir lieu qu’après concours. Il convient d’admettre, ainsi que l’a fait observer la Commission au cours de l’audience, que, en mentionnant précisément les agents temporaires « inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », le législateur a entendu viser les candidats ayant passé avec succès ce type de concours.

50      L’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise également, plus largement, les agents temporaires « inscrits sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne ». Bien qu’un concours de « passage de catégorie » soit également, par nature, un concours interne, il convient d’interpréter la disposition en cause de façon à lui conférer un effet utile, en évitant, dans la mesure du possible, toute interprétation qui conduirait à la conclusion que cette disposition est redondante. Au regard des explications fournies par la Commission au cours de l’audience, il apparaît que le législateur a entendu viser par « concours interne » les concours dits de titularisation dont l’objet est de permettre, dans le respect de l’ensemble des dispositions statutaires régissant l’accès à la fonction publique européenne, le recrutement, en tant que fonctionnaires, d’agents qui ont déjà une certaine expérience de l’institution et qui ont fait preuve de leur aptitude à occuper les postes à pourvoir (voir, en ce qui concerne la portée des concours de titularisation, arrêts du Tribunal de première instance du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T-40/96 et T-55/96, RecFP p. I-A-47 et II-135, points 45 et 46, et du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T-294/97, RecFP p. I-A-601 et II-1819, point 51). Cette interprétation est corroborée par les termes du paragraphe 2 de l’article 5 de l’annexe XIII du statut, lesquels ne visent que les fonctionnaires inscrits « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », sans faire mention des fonctionnaires « inscrits sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne ». Une telle mention aurait manqué de justification dès lors qu’il n’y a précisément pas matière à titularisation d’agents qui sont déjà fonctionnaires.

51      En second lieu, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut dispose que les intéressés sont classés « dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie ». Il découle de cette rédaction que les intéressés doivent avoir changé de catégorie à l’occasion de leur recrutement.

52      Il y a lieu de souligner, à cet égard, qu’à chacun des grades des deux nouveaux groupes de fonctions AD et AST, il est possible de faire correspondre un grade de l’une des anciennes catégories A*, B*, C* et D*. Ainsi, les grades AD 16 à AD 5 correspondent aux anciens grades A*16 à A*5, les grades AST 11 à AST 3, aux anciens grades B*11 à B*3, les grades AST 7 à AST 1, aux anciens grades C*7 à C*1, et les grades AST 5 à AST 1, aux anciens grades D*5 à D*1, de telle sorte qu’il est toujours possible de vérifier s’il y a eu un changement de catégorie à la suite du recrutement, en qualité de fonctionnaire, d’un agent temporaire inscrit sur une liste de lauréats de concours avant le 1er mai 2006. Il n’existe cependant pas d’ancien grade B*2 correspondant au grade AST 2 (anciennement C*2), raison pour laquelle le législateur a prévu la possibilité de classer le fonctionnaire stagiaire, non pas dans le même grade et le même échelon que ceux détenus en qualité d’agent temporaire dans l’« ancienne catégorie », mais au premier échelon du grade de base de la « nouvelle catégorie ».

53      Il ressort de ce qui précède que, pour que soit applicable l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, il faut qu’il y ait passage d’une « ancienne catégorie » à une « nouvelle catégorie », à l’issue soit d’un concours qui conduit à l’établissement d’une « liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », soit d’un concours interne de titularisation, ayant eu pour effet d’entraîner un tel passage de catégorie.

54      Le législateur s’est ainsi écarté, dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation en matière à la fois de dispositions transitoires et de critères de classement, de la règle générale en matière de classement de fonctionnaires nouvellement recrutés, énoncée à l’article 31, paragraphe 1, du statut, tel que complété par l’article 12, paragraphe 3, et l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe XIII dudit statut, concernant les lauréats inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés respectivement entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, et après le 1er mai 2006, en réservant le bénéfice du classement dans un grade autre que celui indiqué dans l’avis de concours aux agents recrutés en qualité de fonctionnaires stagiaires ayant déjà une expérience de l’institution et fait preuve, à l’issue des concours visés ci-dessus, de leur aptitude à occuper des postes dans une catégorie supérieure.

55      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater, d’une part, que le requérant, agent temporaire lauréat, avant le 1er mai 2006, du concours COM/A/3/02, ne relève d’aucune des deux catégories de candidats lauréats de concours visés à l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut.

56      D’autre part, initialement classé au grade A 7, lors de son engagement, au 1er décembre 2003, en tant qu’agent temporaire, le requérant a vu son grade renommé grade A*8, au 1er mai 2004, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Ainsi, tant à la date de son inscription sur la liste d’aptitude du concours COM/A/3/02, antérieure au 1er mai 2006, qu’à la date de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, le 1er avril 2006, le requérant était, en tant qu’agent temporaire, classé dans un grade de la catégorie A*.

57      Le recrutement du requérant, le 1er avril 2006, en tant que fonctionnaire stagiaire n’a donc pas eu pour effet d’opérer un passage de catégorie.

58      L’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII, défendue par le requérant, selon laquelle cette disposition viserait tous types de concours, même les concours généraux, et sans qu’il y ait nécessairement « passage de catégorie » des lauréats, méconnaît la portée même de la disposition transitoire en cause, telle que circonscrite ci-dessus. En effet, comme indiqué au point 54 du présent arrêt, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII s’écarte de la règle générale énoncée à l’article 31, paragraphe 1, du statut, selon laquelle un fonctionnaire nouvellement recruté est classé au grade indiqué dans l’avis de concours, étant entendu que, pour trouver application aux concours organisés avant la mise en place de la nouvelle structure de carrière, une telle règle doit être complétée par les règles de conversion contenues à l’article 12, paragraphe 3, et à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Or, il n’y a aucune raison de penser, en l’absence d’indication précise en ce sens, que le législateur ait voulu étendre le bénéfice du régime de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut aux lauréats d’un concours général, lequel s’adresse aux candidats extérieurs aux institutions de l’Union, ainsi qu’aux fonctionnaires et agents, lesquels peuvent également être admis à se présenter à un tel concours (voir, en ce sens arrêt de la Cour du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil, 176/73, Rec. p. 1361, point 8).

59      Ne saurait non plus être accueillie la thèse du requérant selon laquelle l’interprétation large de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut s’imposerait pour garantir l’égalité de traitement entre les agents temporaires lauréats d’un concours général ou interne. En effet, force est de constater que les agents temporaires d’un concours organisé en vue de pourvoir à des emplois de la catégorie à laquelle ils appartiennent déjà ne se trouvent pas dans la même situation que celle des lauréats d’un concours ayant pour objet ou pour effet de permettre le passage dans une catégorie supérieure et donc un avancement décisif dans leur carrière. La circonstance que le législateur ait veillé, en adoptant l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, à ce que ces agents temporaires puissent exceptionnellement être nommés, en qualité de fonctionnaires stagiaires, dans le grade qu’ils détenaient dans l’ancienne catégorie n’a pas pour résultat d’opérer une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, par rapport aux agents recrutés en tant que fonctionnaires, à l’issue d’un concours général, dans la catégorie à laquelle ils appartenaient (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 mars 2004, Afari/BCE, T-11/03, RecFP p. I-A-65 et II-267, point 65).

60      De surcroît, la thèse du requérant serait de nature à rompre l’égalité de traitement entre les lauréats d’un même concours, lesquels, selon la jurisprudence, se trouvent dans une situation de fait et de droit comparable et doivent, en l’absence de raisons objectives justifiant une différenciation, pouvoir bénéficier du même traitement, notamment en matière de classement (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T-92/96, RecFP p. I-A-195 et II-573, point 55). Il est vrai que, dans leurs arrêts Centeno Mediavilla, la Cour et le Tribunal de première instance ont admis que les lauréats d’un même concours général aient pu être traités différemment en matière de classement. Toutefois, cette différence de traitement, qui, en l’occurrence, s’était opérée selon que le recrutement avait eu lieu avant ou après l’entrée en vigueur de la réforme du statut, pouvait objectivement se justifier par la nécessité de préserver la liberté du législateur de l’Union d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, même si ces dispositions s’avèrent moins favorables aux fonctionnaires que les anciennes (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 79, et arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 86).

61      Enfin, le requérant ne saurait se prévaloir de la pratique du Parlement ou de la Cour des comptes dès lors qu’il n’est pas établi que l’interprétation retenue par la Commission des dispositions en cause de l’annexe XIII du statut est erronée en droit.

62      Il reste à examiner la question des points de mérite que le requérant évoque incidemment.

63      À cet égard, force est de constater, d’une part, que le requérant n’a pas identifié, dans ses conclusions à l’appui de son recours, une quelconque décision lui retirant des points de mérite. Il a, en revanche, précisé dans son mémoire en réplique qu’il n’avait « pas d’intérêt distinct à l’action en ce qu’elle est dirigée contre la décision de supprimer ces points », dès lors qu’une éventuelle annulation de la décision de classement aurait pour conséquence l’adoption d’« une nouvelle décision concernant les points de son sac à dos en tant qu’agent temporaire ». Il y a lieu de conclure que le requérant renonce à demander distinctement l’annulation de la décision de lui supprimer ses points de mérite.

64      D’autre part, quant au fond, le retrait de points de mérite du requérant ne saurait avoir été décidé en violation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, lequel concerne, seulement, le classement en grade et en échelon au début de la carrière comme fonctionnaire. De plus, ainsi que l’a observé la Commission lors de l’audience, sous peine de fausser la comparaison des mérites, l’article 45 du statut s’oppose à ce qu’un agent temporaire emporte lors de sa nomination comme fonctionnaire stagiaire les points qu’il a accumulés dans son « sac à dos » et qu’il puisse ainsi les comptabiliser aux fins d’une promotion à un grade supérieur en tant que fonctionnaire, alors qu’il n’aurait pas encore fait preuve de ses mérites dans cette nouvelle qualité. Le grief relatif au retrait des points de mérite doit donc, en tout état de cause, être rejeté.

65      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

66      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

68      Selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

69      Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Tagaras

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.

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