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Document 62020CO0641
Order of the Court (Ninth Chamber) of 5 May 2021.#VT v Centre public d'action sociale de Líège (CPAS).#Request for a preliminary ruling from the Tribunal du travail de Liège.#Reference for a preliminary ruling – Area of freedom, security and justice – Directive 2008/115/EC – Return of illegally staying third-country nationals – Return decision – Judicial remedy – Provisional right of residence and social assistance during the period in which the appeal is pending.#Case C-641/20.
Определение на Съда (девети състав) от 5 май 2021 г.
VT срещу Centre public d'action sociale de Líège (CPAS).
Преюдициално запитване, отправено от Tribunal du travail de Liège.
Преюдициално запитване — Пространство на свобода, сигурност и правосъдие — Директива 2008/115/EО — Връщане на незаконно пребиваващи граждани на трети страни — Решение за връщане — Съдебно обжалване — Право на временно пребиваване и право на социални помощи през периода до произнасянето по жалбата.
Дело C-641/20.
Определение на Съда (девети състав) от 5 май 2021 г.
VT срещу Centre public d'action sociale de Líège (CPAS).
Преюдициално запитване, отправено от Tribunal du travail de Liège.
Преюдициално запитване — Пространство на свобода, сигурност и правосъдие — Директива 2008/115/EО — Връщане на незаконно пребиваващи граждани на трети страни — Решение за връщане — Съдебно обжалване — Право на временно пребиваване и право на социални помощи през периода до произнасянето по жалбата.
Дело C-641/20.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:374
ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)
5 mai 2021 (*)
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Décision de retour – Recours juridictionnel – Droit de séjour provisoire et droit aux aides sociales durant la période pendant laquelle le recours est pendant »
Dans l’affaire C‑641/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal du travail de Liège (Belgique), par décision du 12 novembre 2020, parvenue à la Cour le 26 novembre 2020, dans la procédure
VT
contre
Centre public d’action sociale de Liège (CPAS),
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. N. Piçarra, président de chambre, M. M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, et Mme K. Jürimäe, juge,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 7 et 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98), lus à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant VT au centre public d’action sociale de Liège (CPAS) (Belgique) au sujet de la légalité d’une décision lui refusant l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale au taux isolé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2008/115
3 L’article 3 de la directive 2008/115 dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
3) “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :
– son pays d’origine, ou
– un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou
– un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;
4) “décision de retour” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ;
5) “éloignement” : l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre ;
[...] »
4 L’article 5 de cette directive énonce :
« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :
[...]
c) de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,
et respectent le principe de non-refoulement. »
5 L’article 7 de ladite directive, intitulé « Départ volontaire », prévoit :
« 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande.
Le délai prévu au premier alinéa n’exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt.
2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d’une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux.
3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire.
4. S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. »
6 L’article 13 de la même directive, intitulé « Voies de recours », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour [...], devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.
2. L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour [...], et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale. »
7 L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115 énonce :
« Sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17, les États membres veillent à ce que les principes ci-après soient pris en compte dans la mesure du possible en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire accordé conformément à l’article 7 et au cours des périodes pendant lesquelles l’éloignement a été reporté conformément à l’article 9 :
[...]
b) les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés ;
[...] »
La directive 2011/95/UE
8 L’article 11 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), intitulé « Cessation », est ainsi libellé :
« 1. Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride cesse d’être un réfugié dans les cas suivants :
a) s’il s’est volontairement réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité ; ou
b) si, ayant perdu sa nationalité, il l’a volontairement recouvrée ; ou
c) s’il a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont il a acquis la nationalité ; ou
d) s’il est retourné volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d’être persécuté ; ou
e) s’il ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister ; ou
f) si, s’agissant d’un apatride, il est en mesure de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister.
2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, points e) et f), les États membres examinent si le changement de circonstances est suffisamment significatif et non provisoire pour que la crainte du réfugié d’être persécuté ne puisse plus être considérée comme fondée.
3. Le paragraphe 1, points e) et f), ne s’applique pas au réfugié qui peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité ou, s’il s’agit d’un apatride, du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle. »
Le droit belge
9 L’article 57, paragraphe 2, premier et troisième alinéas, de la loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976 (Moniteur belge du 5 août 1976, p. 9876), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi du 8 juillet 1976 »), dispose :
« Par dérogations aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d’action sociale se limite à :
1° l’octroi de l’aide médicale urgente, à l’égard d’un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume ; [...]
[...]
Un étranger qui s’est déclaré réfugié et a demandé à être reconnu comme tel séjourne illégalement dans le Royaume lorsque la demande d’asile a été rejetée et qu’un ordre de quitter le territoire exécutoire a été notifié à l’étranger concerné.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 VT, de nationalité irakienne, s’est vu octroyer, le 24 août 2016, le statut de réfugié politique en Belgique.
11 Par décision du 28 mai 2018, le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (Belgique) a retiré à VT son statut de réfugié politique, au motif que celui-ci avait, entre le 11 décembre et le 17 décembre 2017, séjourné dans son pays d’origine pour assister à des funérailles. Cette décision a été confirmée par un arrêt du Conseil du contentieux des étrangers (Belgique) du 31 janvier 2020.
12 Le 24 avril 2020, une décision de retrait du titre de séjour avec ordre de quitter le territoire belge a été adoptée à l’égard de VT. Ce dernier a introduit un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers, lequel est encore pendant.
13 Par décision du 17 juin 2020, le CPAS a refusé l’octroi à VT, à compter du 2 juin 2020, de l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale au taux isolé. Le 17 août 2020, VT a formé un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi.
14 La juridiction de renvoi expose que le requérant au principal est atteint d’une maladie grave qui pourrait justifier l’application, à son égard, de la jurisprudence issue des arrêts du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453), du 30 septembre 2020, CPAS de Liège (C‑233/19, EU:C:2020:757), et du 30 septembre 2020, CPAS de Seraing (C‑402/19, EU:C:2020:759). Elle relève, toutefois, que, de l’avis du CPAS, le cas du requérant au principal ne relève pas des cas exceptionnels visés par cette jurisprudence.
15 La juridiction de renvoi se pose la question de savoir si le requérant au principal doit être regardé comme « séjournant illégalement » en Belgique, au sens de l’article 57, paragraphe 2, de la loi du 8 juillet 1976.
16 Cette juridiction explique en substance qu’une loi du 15 juillet 1996 a remplacé, à l’article 57, paragraphe 2, troisième alinéa, de la loi du 8 juillet 1976, l’expression « ordre définitif de quitter le pays » par l’expression « ordre de quitter le territoire exécutoire », mais que la Cour constitutionnelle (Belgique) a, par son arrêt no 43/98 du 22 avril 1998, annulé le terme « exécutoire », en considérant que le fait de priver d’aide sociale un étranger dont le recours en annulation introduit contre la décision de retour était toujours pendant méconnaissait les droits fondamentaux.
17 La juridiction de renvoi en conclut qu’il pourrait être considéré, sur la base d’une lecture combinée de cet arrêt avec l’arrêt no 51/94 du 29 juin 1994 de la Cour constitutionnelle, que le séjour d’une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal ne présente pas un caractère illégal aussi longtemps que le recours introduit contre la décision de retrait du titre de séjour est encore pendant et que cette décision n’est pas devenue définitive.
18 Néanmoins, selon la juridiction de renvoi, qui part de la prémisse selon laquelle la directive 2008/115 ne prévoit pas que le recours introduit contre la décision de retour n’est pas suspensif de plein droit, la question demeure de savoir si un ressortissant de pays tiers placé dans une situation de cette nature peut tirer des articles 7 et 13 de cette directive un droit provisoire au séjour.
19 Dans ces conditions, le tribunal du travail de Liège (Belgique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Lorsqu’un État membre décide de retirer à un réfugié son statut, en application de l’article 11 de la directive 2011/95, et ensuite de lui retirer le séjour et lui ordonner le quitter le territoire, les articles 7 et 13 de la directive [2008/115], lus en conformité avec l’article 47 de la [Charte], doivent-ils être interprétés comme impliquant que l’intéressé conserve un droit provisoire au séjour ainsi que ses droits sociaux durant l’examen du recours juridictionnel introduit contre la décision de fin de séjour et de retour ? »
Sur la question préjudicielle
20 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.
21 Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.
22 Afin de délimiter le contexte dans lequel s’insère la question posée par la juridiction de renvoi, il y a lieu de rappeler, d’emblée, que, en vertu de l’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115, un ressortissant d’un pays tiers doit disposer d’une voie de recours effective pour attaquer une décision de retour prise à son égard, mais que ce recours n’a pas nécessairement un effet suspensif (arrêt du 30 septembre 2020, CPAS de Liège, C‑233/19, EU:C:2020:757, point 44 et jurisprudence citée). En effet, il ressort du paragraphe 2 de cet article que les États membres ont la faculté, et non l’obligation, de prévoir que l’introduction d’un recours contre une décision de retour entraîne la suspension temporaire de plein droit de l’exécution de cette décision. Toutefois, selon cette même disposition, dans le cas où un État membre ne prévoit pas une telle suspension de plein droit, l’autorité ou l’instance compétente pour examiner le recours doit disposer de la possibilité de suspendre temporairement l’exécution de ladite décision.
23 En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique, d’une part, que le requérant au principal ne dispose plus de la qualité de réfugié et a vu son titre de séjour lui être retiré, avec ordre de quitter le territoire, et, d’autre part, que le recours qu’il a formé contre la décision de retour n’a pas pour effet de suspendre de plein droit l’exécution de cette décision.
24 Cette juridiction précise également que le requérant au principal est atteint d’une maladie grave qui serait susceptible de justifier l’application, à son égard, de cette jurisprudence, mais elle ajoute que le CPAS a contesté l’applicabilité de ladite jurisprudence au cas de l’intéressé.
25 Dans ces conditions, il convient de comprendre la question de la juridiction de renvoi comme tendant à déterminer, en substance, si les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus à la lumière de l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui ne confère pas un effet suspensif de plein droit au recours formé par un ressortissant de pays tiers contre une décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de cette directive, dont il a fait l’objet à la suite du retrait, par l’autorité compétente, de son statut de réfugié, en application de l’article 11 de la directive 2011/95, et corrélativement, un droit provisoire de séjour et à la prise en charge de ses besoins de base jusqu’à ce qu’il soit statué sur ce recours, dans le cas exceptionnel où ce ressortissant, atteint d’une grave maladie, est susceptible, en conséquence de l’exécution de cette décision, de se voir exposé à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé.
26 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 63), la Cour a jugé que les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la Charte, ainsi que l’article 14, paragraphe 1, sous b), de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui, d’une part, ne confère pas un effet suspensif à un recours exercé contre une décision ordonnant à un ressortissant de pays tiers atteint d’une grave maladie de quitter le territoire d’un État membre, lorsque l’exécution de cette décision est susceptible d’exposer ce ressortissant de pays tiers à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé et, d’autre part, ne prévoit pas la prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base dudit ressortissant de pays tiers, afin de garantir que les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies puissent effectivement être prodigués, durant la période pendant laquelle cet État membre est tenu de reporter l’éloignement du même ressortissant de pays tiers à la suite de l’exercice de ce recours.
27 S’agissant, en outre, de la prise en charge des besoins de base d’un ressortissant de pays tiers, la Cour a souligné que l’article 14, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui ne prévoit pas la prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base d’un ressortissant de pays tiers atteint d’une grave maladie, afin de garantir que les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies puissent effectivement être prodigués, durant la période pendant laquelle l’État membre concerné est tenu de reporter l’éloignement de ce ressortissants de pays tiers à la suite de l’exercice d’un recours contre une décision de retour prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 62).
28 Dans la lignée de cette jurisprudence, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 30 septembre 2020, CPAS de Liège (C‑233/19, EU:C:2020:757, point 68), que les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un litige en matière d’aide sociale dont l’issue est liée à une éventuelle suspension des effets d’une décision de retour prise à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie, doit considérer qu’un recours tendant à l’annulation et à la suspension de cette décision emporte, de plein droit, la suspension de ladite décision, bien que cette suspension ne résulte pas de l’application de la réglementation nationale, lorsque ce recours contient une argumentation visant à établir que l’exécution de la même décision exposerait ce ressortissant d’un pays tiers à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé, qui n’apparaît pas manifestement infondée, et que cette réglementation ne prévoit pas d’autre voie de recours, régie par des règles précises, claires et prévisibles, emportant, de plein droit, la suspension d’une telle décision.
29 La Cour a, par ailleurs, précisé, dans l’arrêt du 30 septembre 2020, CPAS de Liège (C‑233/19, EU:C:2020:757, point 60), que, si la juridiction de renvoi n’est pas appelée à exercer la compétence pour ordonner la suspension d’une décision de retour, prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2008/115, laquelle a été attribuée par le législateur à une autre juridiction, il lui incombe, en revanche, de vérifier aux seules fins de la résolution du litige dont elle est saisie, si un recours contre une telle décision remplit les conditions nécessaires pour être doté d’un effet suspensif, qui doit intervenir de plein droit et doit donc s’imposer à l’ensemble des autorités nationales dans leurs domaines respectifs de compétence, y compris aux juridictions nationales statuant en matière d’aide sociale.
30 Dans la mesure où l’application à la situation du requérant au principal de la jurisprudence citée aux points 26 à 29 de la présente ordonnance dépend d’une série de constatations factuelles que la juridiction de renvoi est seule compétente pour effectuer, il appartient à cette dernière de déterminer si cette jurisprudence peut trouver application en l’occurrence.
31 Il ressort en effet d’une jurisprudence constante que la procédure établie à l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Dans ce cadre, toute appréciation des faits relève de la compétence du juge national, la Cour étant uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité des actes du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, X et X BV, C‑319/10 et C‑320/10, non publié, EU:C:2011:720, point 29).
32 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la Charte, ainsi que l’article 14, paragraphe 1, sous b), de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui ne confère pas un effet suspensif de plein droit au recours formé par un ressortissant de pays tiers contre une décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de ladite directive, dont il a fait l’objet à la suite du retrait, par l’autorité compétente, de son statut de réfugié, en application de l’article 11 de la directive 2011/95, et corrélativement, un droit provisoire de séjour et à la prise en charge de ses besoins de base jusqu’à ce qu’il soit statué sur ce recours, dans le cas exceptionnel où ce ressortissant, atteint d’une grave maladie, est susceptible, en conséquence de l’exécution de cette décision, de se voir exposé à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé. Dans ce cadre, la juridiction nationale, saisie d’un litige dont l’issue est liée à une éventuelle suspension des effets de la décision de retour, doit considérer que le recours introduit contre cette décision est, de plein droit, doté d’un effet suspensif, dès lors que ce recours contient une argumentation, qui n’apparaît pas manifestement infondée, visant à établir que l’exécution de cette décision exposerait le ressortissant d’un pays tiers à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé.
Sur les dépens
33 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
Les articles 5 et 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que l’article 14, paragraphe 1, sous b), de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui ne confère pas un effet suspensif de plein droit au recours formé par un ressortissant de pays tiers contre une décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de ladite directive, dont il a fait l’objet à la suite du retrait, par l’autorité compétente, de son statut de réfugié, en application de l’article 11 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, et corrélativement, un droit provisoire de séjour et à la prise en charge de ses besoins de base jusqu’à ce qu’il soit statué sur ce recours, dans le cas exceptionnel où ce ressortissant, atteint d’une grave maladie, est susceptible, en conséquence de l’exécution de cette décision, de se voir exposé à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé. Dans ce cadre, la juridiction nationale, saisie d’un litige dont l’issue est liée à une éventuelle suspension des effets de la décision de retour, doit considérer que le recours introduit contre cette décision est, de plein droit, doté d’un effet suspensif, dès lors que ce recours contient une argumentation, qui n’apparaît pas manifestement infondée, visant à établir que l’exécution de cette décision exposerait le ressortissant d’un pays tiers à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé.
Signatures
* Langue de procédure : le français.