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Document 62021CO0592

Определение на Съда (осми състав) от 30 септември 2022 г.
„ĒDIENS & KM.LV” PS срещу Ieslodzījuma vietu pārvalde и Iepirkumu uzraudzības birojs.
Преюдициално запитване, отправено от Administratīvā rajona tiesa, Rïgas tiesu nams.
Преюдициално запитване — Член 99 от Процедурния правилник на Съда — Възлагане на обществени поръчки — Директива 2014/24/ЕС — Развитие на производството — Избор на участниците — Критерии за подбор — Технически и професионални способности — Член 58, параграф 4 — Начини на доказване — Единен европейски документ за обществени поръчки — Член 59 — Използване на капацитета на други субекти — Член 63, параграф 1 — Група от икономически оператори — Условие относно професионалния опит, което в случай на възлагане на обществената поръчка трябва да бъде изпълнено от члена на групата, комуто е възложено изпълнението на дейностите, изискващи такъв опит — Условие, което не е предвидено в документацията на обществената поръчка — Липса на влияние на режима на солидарната отговорност в рамките на статута на събирателно дружество.
Дело C-592/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:746

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

30 septembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Passation des marchés publics – Directive 2014/24/UE – Déroulement de la procédure – Choix des participants – Critères de sélection – Capacités techniques et professionnelles – Article 58, paragraphe 4 – Modes de preuve – Document unique de marché européen – Article 59 – Recours aux capacités d’autres entités – Article 63, paragraphe 1 – Groupement d’opérateurs économiques – Condition tenant à l’expérience professionnelle devant être remplie par le membre du groupement chargé, en cas d’attribution du marché, de l’exécution des activités requérant cette expérience – Condition non prévue par les documents de marché – Absence d’incidence du régime de responsabilité solidaire dans le cadre du statut de société en nom collectif »

Dans l’affaire C‑592/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administratīvā rajona tiesa, Rīgas tiesu nams (tribunal administratif de district, section de Riga, Lettonie), par décision du 20 septembre 2021, parvenue à la Cour le 22 septembre 2021, dans la procédure

« ĒDIENS & KM.LV » PS

contre

Ieslodzījuma vietu pārvalde,

Iepirkumu uzraudzības birojs,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. M. Safjan et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « ĒDIENS & KM.LV » PS à la Ieslodzījuma vietu pārvalde (administration pénitentiaire, Lettonie) (ci-après le « pouvoir adjudicateur ») et au Iepirkumu uzraudzības birojs (Office de surveillance des marchés publics, Lettonie) (ci-après l’« Office ») au sujet de l’exclusion de ĒDIENS & KM.LV par le pouvoir adjudicateur d’une procédure de passation de marchés relative aux services de restauration des détenus.

 Le cadre juridique

 La directive 2014/24

3        L’article 18 de la directive 2014/24, intitulé « Principes de la passation de marchés », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée. »

4        L’article 19 de cette directive, intitulé « Opérateurs économiques », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les groupements d’opérateurs économiques, y compris les associations temporaires, peuvent participer aux procédures de passation de marchés. Ils ne sont pas contraints par les pouvoirs adjudicateurs d’avoir une forme juridique déterminée pour présenter une offre ou une demande de participation.

Si nécessare, les pouvoirs adjudicateurs peuvent préciser, dans les documents de marché, la manière dont les groupements d’opérateurs économiques doivent remplir les conditions relatives à la capacité économique et financière ou aux capacités techniques et professionnelles visées à l’article 58, pour autant que cela soit justifié par des motifs objectifs et que ce soit proportionné. Les États membres peuvent établir des clauses standard précisant la manière dont les groupements d’opérateurs économiques doivent remplir ces conditions.

Les conditions d’exécution d’un marché par de tels groupements d’opérateurs économiques, qui sont différentes de celles imposées aux participants individuels, sont également justifiées par des motifs objectifs et sont proportionnées. »

5        L’article 58 de ladite directive, intitulé « Critères de sélection », prévoit :

« 1.      Les critères de sélection peuvent avoir trait :

a)      à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle ;

b)      à la capacité économique et financière ;

c)      aux capacités techniques et professionnelles.

Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent imposer comme conditions de participation aux opérateurs économiques que les critères visés aux paragraphes 2, 3 et 4. Ils limitent ces conditions à celles qui sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Toutes les conditions sont liées et proportionnées à l’objet du marché.

[...]

4.      En ce qui concerne les capacités techniques et professionnelles, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l’expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger notamment que les opérateurs économiques disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Un pouvoir adjudicateur peut considérer qu’un opérateur économique ne possède pas les capacités professionnelles requises lorsqu’il a établi que l’opérateur économique se trouve dans une situation de conflit d’intérêts qui pourrait avoir une incidence négative sur l’exécution du marché.

[...] »

6        Aux termes de l’article 59 de la directive 2014/24, qui s’intitule « Document unique de marché européen » :

« 1.      Lors de la présentation de demandes de participation ou d’offres, les pouvoirs adjudicateurs acceptent le document unique de marché européen (DUME) consistant en une déclaration sur l’honneur actualisée à titre de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers pour confirmer que l’opérateur économique concerné remplit l’une des conditions suivantes :

[...]

b)      il répond aux critères de sélection applicables qui ont été établis conformément à l’article 58 ;

[...]

Lorsque l’opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en vertu de l’article 63, le DUME comporte également les informations visées au premier alinéa, du présent paragraphe en ce qui concerne ces entités.

Le DUME consiste en une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme que le motif d’exclusion concerné ne s’applique pas et/ou que le critère de sélection concerné est rempli et il fournit les informations pertinentes requises par le pouvoir adjudicateur. Le DUME désigne en outre l’autorité publique ou le tiers compétent pour établir les documents justificatifs et contient une déclaration officielle indiquant que l’opérateur économique sera en mesure, sur demande et sans tarder, de fournir lesdits documents justificatifs.

[...] »

7        L’article 63 de cette directive, intitulé « Recours aux capacités d’autres entités », dispose, à son paragraphe 1 :

« Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4. En ce qui concerne les critères relatifs aux titres d’études et professionnels visés à l’annexe XII, partie II, point f), ou à l’expérience professionnelle pertinente, les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières exécuteront les travaux ou fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.

Le pouvoir adjudicateur vérifie, conformément aux articles 59, 60 et 61, si les entités aux capacités desquelles l’opérateur économique entend avoir recours remplissent les critères de sélection applicables et s’il existe des motifs d’exclusion en vertu de l’article 57. Le pouvoir adjudicateur exige que l’opérateur économique remplace une entité qui ne remplit pas un critère de sélection applicable ou à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion obligatoires. Le pouvoir adjudicateur peut exiger ou peut être obligé par l’État membre à exiger que l’opérateur économique remplace une entité à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.

Lorsqu’un opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en ce qui concerne des critères ayant trait à la capacité économique et financière, le pouvoir adjudicateur peut exiger que l’opérateur économique et les autres entités en question soient solidairement responsables de l’exécution du marché.

Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, peut avoir recours aux capacités de participants du groupement ou d’autres entités. »

 Le droit letton

8        L’article 46 de la Publisko iepirkumu likums (loi sur les marchés publics) (Latvijas Vēstnesis, 2016, no 254), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son paragraphe 1, que le pouvoir adjudicateur peut imposer des exigences relatives aux capacités techniques et professionnelles du fournisseur qui sont nécessaires à l’exécution du marché. De telles exigences peuvent concerner le personnel chargé de l’exécution du marché, l’expérience et les ressources techniques du fournisseur. Aux termes du paragraphe 4 de cet article, un fournisseur peut se prévaloir des capacités techniques et professionnelles de tiers si cela s’avère nécessaire à l’exécution du marché en cause, quelle que soit la nature juridique de leurs relations réciproques. Dans ce cas, il apporte la preuve au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des ressources nécessaires pour l’exécution du marché, en produisant des confirmations ou des accords desdits tiers. Un fournisseur ne peut se prévaloir des capacités de tiers pour justifier d’une expérience professionnelle ou de la disponibilité d’un personnel répondant aux exigences du pouvoir adjudicateur que si ces tiers effectuent les travaux ou fournissent les services pour l’exécution desquels les capacités en cause sont nécessaires.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        Le 16 novembre 2018, le pouvoir adjudicateur a publié un appel d’offres ouvert, intitulé « Prestation de services de restauration pour les détenus ».

10      Par décision du 18 janvier 2021, le pouvoir adjudicateur a exclu ĒDIENS & KM.LV de la procédure de passation de ce marché, au motif que, en violation des prescriptions du règlement de l’appel d’offres, elle n’avait pas apporté la preuve de l’exécution, au cours des trois années précédentes, d’au moins un contrat de services de restauration correspondant à l’objet du marché ou à un lot déterminé et portant sur un nombre de portions au moins égal au nombre annuel estimé de portions pour le lot pour lequel elle candidatait (ci-après la « condition d’expérience en cause au principal »).

11      Le marché en cause au principal a été attribué à une société à responsabilité limitée « Aleks UN V », qui avait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse pour tous les lots du marché.

12      ĒDIENS & KM.LV a saisi l’Office qui, par décision du 25 février 2021, a confirmé la décision du pouvoir adjudicateur du 18 janvier 2021 et a autorisé ce dernier à passer le marché avec Aleks UN V. L’Office a relevé que, en tant que société en nom collectif, ĒDIENS & KM.LV ne disposait pas du niveau d’expérience requis, raison pour laquelle elle s’est fondée sur l’expérience de ses deux associées, la SIA « Ēdiens.lv » et la PI « Bruneros », pour satisfaire la condition d’expérience en cause au principal. Dans la mesure où la préparation effective des portions devait être effectuée uniquement par Ēdiens.lv tandis que Bruneros devait s’occuper uniquement des questions administratives, l’expérience de cette dernière dans la préparation des portions n’a pas été prise en compte par le pouvoir adjudicateur.

13      ĒDIENS & KM.LV a formé un recours contre la décision de l’Office du 25 février 2021 devant l’administratīvā rajona tiesa, Rīgas tiesu nams (tribunal administratif de district, section de Riga, Lettonie), qui est la juridiction de renvoi. Au soutien de son recours, elle fait valoir qu’elle avait constitué une association de fournisseurs dans le cadre de laquelle ses deux partenaires s’étaient contractuellement engagés à mettre à sa disposition l’intégralité de leurs ressources afin, d’une part, de satisfaire aux exigences du règlement de l’appel d’offres et, d’autre part, en cas d’obtention du marché, de permettre sa pleine exécution. En outre, les associés d’une société en nom collectif étant solidairement responsables à l’égard des tiers, et notamment du pouvoir adjudicateur, la répartition des tâches interne à une telle société au cours de l’exécution du marché n’aurait aucune incidence sur le plan juridique. Par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur voulait que la condition d’expérience en cause au principal soit remplie par chacun des deux membres de l’association temporaire d’entreprises formée par ĒDIENS & KM.LV ou uniquement par celui qui serait appelé, en cas d’attribution du marché, à fournir directement le service de restauration proprement dit, il aurait dû mentionner cette condition dans le règlement de l’appel d’offres. Une telle condition aurait, en tout état de cause, été illégale car elle aurait indûment restreint la concurrence.

14      Le pouvoir adjudicateur et l’Office soulignent que, lors de l’audience qui s’est tenue devant la juridiction de renvoi, ĒDIENS & KM.LV aurait elle-même indiqué que Ēdiens.lv serait en charge des questions opérationnelles tandis que Bruneros s’occuperait des questions administratives.

15      La juridiction de renvoi relève que la possibilité, pour un prestataire de services, de se prévaloir de l’expérience d’un tiers est intrinsèquement liée à la condition que ce tiers exécute lui-même les activités pour lesquelles l’expérience correspondante est requise. Partant, dans une situation où un groupement d’opérateurs économiques s’est référé, dans son offre, à l’expérience antérieure d’un seul de ses membres dans le cadre de la fourniture de prestations déterminées, le pouvoir adjudicateur devrait pouvoir exiger des preuves convaincantes que cet opérateur économique sera effectivement chargé de la prestation de services en cause.

16      Cette juridiction n’exclut toutefois pas que l’existence d’une responsabilité solidaire entre les membres d’une société en nom collectif à l’égard notamment du pouvoir adjudicateur ait une incidence sur l’appréciation du respect de la condition d’expérience en cause au principal. Ladite juridiction se demande également si le pouvoir adjudicateur doit se borner à vérifier si cette condition est satisfaite par le seul membre du groupement qui fournira effectivement le service qui fait l’objet du marché, même si le règlement de l’appel d’offres ne prévoit pas expressément que les membres d’un groupement d’opérateurs économiques doivent satisfaire individuellement à ladite exigence.

17      C’est dans ce contexte que l’administratīvā rajona tiesa, Rīgas tiesu nams (tribunal administratif de district, section de Riga) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 63, paragraphe 1, dernier alinéa, de la directive [2014/24] doit-il être interprété en ce sens que, en toute hypothèse (même si le règlement de l’appel d’offres ne le mentionne pas expressément), lorsqu’un soumissionnaire est une association de personnes, il ne peut se prévaloir, dans son offre, que des capacités (expérience acquise) du membre qui, dans l’exécution du marché, exercera effectivement les activités pour lesquelles l’expérience pertinente est requise ? »

 Sur la question préjudicielle

18      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

19      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

20      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il est établi que, en cas d’attribution d’un marché public de services à un groupement d’opérateurs économiques, l’exécution des activités pour lesquelles il est requis une expérience sera confiée à un seul membre du groupement, le groupement soumissionnaire peut uniquement se prévaloir, afin de démontrer qu’il satisfait à une condition tenant à l’expérience imposée par le pouvoir adjudicateur conformément à l’article 58, paragraphe 4, de cette directive, de l’expérience dudit membre de ce groupement, et ce même si les documents de marché ne prévoient pas expressément que les membres d’un groupement d’opérateurs économiques doivent satisfaire individuellement à cette condition.

21      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 58, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, de ladite directive, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques ainsi que l’expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. Ils peuvent ainsi exiger notamment que les opérateurs économiques disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement.

22      En outre, le premier alinéa du paragraphe 1 de l’article 63 de la directive 2014/24, qui, conformément au quatrième alinéa de ce paragraphe, est applicable à un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, de cette directive, prévoit le droit pour un opérateur économique d’avoir recours, pour un marché déterminé, aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en vue de satisfaire notamment aux critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2013, Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino, C‑94/12, EU:C:2013:646, points 29 et 33 ; du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 30, ainsi que du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, point 150). En ce qui concerne le critère relatif à l’expérience professionnelle pertinente, l’article 63, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive dispose que les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.

23      Il ressort ainsi du libellé de l’article 63, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième et troisième phrases, de la directive 2014/24 que, dans le cadre d’un marché public de services, un opérateur économique est tenu, afin de pouvoir recourir aux capacités d’autres entités, d’apporter la preuve, d’une part, que ces entités fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises et, d’autre part, qu’il disposera des moyens nécessaires si le marché lui est attribué, de sorte que le marché en cause soit effectivement exécuté.

24      Afin d’apporter cette preuve, l’opérateur économique qui entend se prévaloir du droit de recourir aux capacités d’autres entités doit, en vertu du premier alinéa, sous b), du paragraphe 1 de l’article 59 de cette directive, lu en combinaison avec les deuxième et troisième alinéas de ce paragraphe, transmettre au pouvoir adjudicateur, lors de la présentation de sa demande de participation ou de son offre, un DUME par lequel cet opérateur affirme notamment que lui-même et/ou les entités aux capacités desquelles il entend recourir répondent aux critères de sélection applicables qui ont été établis conformément à l’article 58 de ladite directive.

25      Il appartient alors, en vertu de l’article 63, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, au pouvoir adjudicateur de vérifier, notamment, que, conformément aux articles 59 à 61 de celle-ci, les entités aux capacités desquelles l’opérateur économique entend recourir remplissent les critères de sélection applicables (arrêt du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 32).

26      Il résulte ainsi clairement de la combinaison des articles 59 et 63 de cette directive qu’il incombe à un groupement d’opérateurs économiques de démontrer qu’il satisfait aux critères de sélection qualitative énoncés à l’article 58 de cette directive, tels qu’une condition tenant à l’expérience.

27      L’article 63 de ladite directive confère toutefois une grande latitude à un opérateur économique pour s’entourer d’autres entités qui lui permettront de disposer des capacités qui lui font défaut. Par conséquent, cette disposition ne saurait être interprétée comme imposant, par principe, à un opérateur économique de solliciter le concours d’une entité remplissant, à elle seule, un critère de sélection qualitative, telle que la condition d’expérience en cause au principal. En effet, il ne saurait être exclu qu’un tel critère de sélection puisse être rempli en cumulant les capacités de plusieurs membres d’un groupement d’opérateurs économiques.

28      Par conséquent, il serait disproportionné, en l’absence notamment d’un motif objectif, d’exiger qu’un critère de sélection qualitative doive être satisfait uniquement par un seul membre d’un tel groupement. En effet, le principe de proportionnalité, qui est garanti à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24, impose que les règles établies par les États membres ou les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de cette directive n’aillent pas au–delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés par ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2008, Michaniki, C‑213/07, EU:C:2008:731, point 48, et du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, point 155).

29      Cela étant, dans l’hypothèse où le chef de file d’un groupement d’opérateurs économiques déclare expressément que la fourniture des services faisant l’objet de la procédure de passation de marché public en cause sera assurée par un seul membre de ce groupement ou lorsqu’une telle conclusion peut être tirée du DUME, dès lors que celui-ci fait apparaître que seul un membre dudit groupement dispose d’une expérience dans l’activité de services en cause, le pouvoir adjudicateur est fondé à considérer que ce même groupement peut uniquement se prévaloir de l’expérience du membre de ce groupement auquel sera confiée, en cas d’attribution du marché, l’exécution des activités pour lesquelles l’expérience est requise.

30      En tout état de cause, il convient de constater que l’article 19, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/24 ne saurait être pertinent dans le cadre du litige au principal. En effet, en vertu de cette disposition, les pouvoirs adjudicateurs peuvent, s’ils l’estiment nécessaire, préciser, dans les documents de marché, la manière dont les groupements d’opérateurs économiques doivent remplir les conditions relatives notamment aux capacités techniques et professionnelles visées à l’article 58 de cette directive, pour autant que cela soit justifié par des motifs objectifs et que ce soit proportionné. Partant, l’application de l’article 19, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/24 présuppose que le pouvoir adjudicateur ait apporté lesdites précisions dans les documents de marché.

31      Or, en l’occurrence, il ressort du libellé de la question préjudicielle que le règlement de l’appel d’offres ne prévoyait pas expressément que la condition d’expérience en cause au principal devait être satisfaite par le membre du groupement d’opérateurs économiques qui, en cas d’attribution du marché à ce groupement, serait effectivement chargé de l’exécution des activités pour lesquelles l’expérience pertinente est requise.

32      En outre, la circonstance que, en droit letton, les associés d’une société en nom collectif sont solidairement responsables à l’égard des tiers, et notamment du pouvoir adjudicateur, ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation du critère relatif à l’expérience professionnelle pertinente de ces associés au stade de la sélection des soumissionnaires dans le cadre d’une procédure de passation de marché public.

33      En effet, au stade de l’examen de la recevabilité des candidatures, le pouvoir adjudicateur procède à une appréciation rétrospective destinée à évaluer si un soumissionnaire dispose des qualités laissant augurer une exécution effective du marché en cause. Dans ces conditions, l’absence de ces qualités ne saurait être compensée par le lien juridique, d’ordre prospectif, en vertu duquel les membres d’une société en nom collectif sont légalement tenus de répondre solidairement entre eux des obligations d’une telle société.

34      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 59 de celle–ci, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il est établi que, en cas d’attribution d’un marché public de services à un groupement d’opérateurs économiques, l’exécution des activités pour lesquelles il est requis une expérience sera confiée à un seul membre du groupement, le groupement soumissionnaire peut uniquement se prévaloir, afin de démontrer qu’il satisfait à une condition tenant à l’expérience imposée par le pouvoir adjudicateur conformément à l’article 58, paragraphe 4, de cette directive, de l’expérience dudit membre de ce groupement, et ce même si les documents de marché ne prévoient pas expressément que les membres d’un groupement d’opérateurs économiques doivent satisfaire individuellement à cette condition.

 Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, lu en combinaison avec l’article 59 de celle–ci,

doit être interprété en ce sens que

lorsqu’il est établi que, en cas d’attribution d’un marché public de services à un groupement d’opérateurs économiques, l’exécution des activités pour lesquelles il est requis une expérience sera confiée à un seul membre du groupement, le groupement soumissionnaire peut uniquement se prévaloir, afin de démontrer qu’il satisfait à une condition tenant à l’expérience imposée par le pouvoir adjudicateur conformément à l’article 58, paragraphe 4, de cette directive, de l’expérience dudit membre de ce groupement, et ce même si les documents de marché ne prévoient pas expressément que les membres d’un groupement d’opérateurs économiques doivent satisfaire individuellement à cette condition.

Signatures


*      Langue de procédure : le letton.

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