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Документ 62022CO0797

    Определение на Съда (шести състав) от 28 февруари 2024 г.
    Република Гърция срещу Европейска комисия.
    Дело C-797/22 P.

    Идентификатор ECLI: ECLI:EU:C:2024:174

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    28 février 2024 (*)

    « Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Aides d’État – Activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles – Dommages causés par des incendies – Régimes d’aides accordées par la République hellénique sous forme de bonifications d’intérêts et de garanties d’État – Décision déclarant les régimes d’aides illégaux et incompatibles avec le marché intérieur – Aide limitée à des zones géographiques sinistrées – Avantage économique – Caractère sélectif – Ordre de récupération des aides – Circonstances exceptionnelles – Proportionnalité »

    Dans l’affaire C‑797/22 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 décembre 2022,

    République hellénique, représentée par Mmes E. Leftheriotou et A.-E. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Commission européenne, représentée par MM. A. Bouchagiar et I. Georgiopoulos, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la première chambre, et M. P. G. Xuereb, juge,

    avocat général : M. M. Szpunar,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 octobre 2022, Grèce/Commission (T‑850/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:638), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2020/394 de la Commission, du 7 octobre 2019, concernant les mesures SA.39119 (2016/C) (ex 2015/NN) (ex 2014/CP) mises en œuvre par la République hellénique sous la forme de bonifications d’intérêt et de garanties liées aux incendies de 2007 (la présente décision ne couvre que le secteur agricole) (JO 2020, L 76, p. 4, ci-après la « décision litigieuse »).

     Les antécédents du litige

    2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 14 de l’arrêt attaqué comme suit :

    « 2      Au cours du mois de juillet 2007, en Grèce, des incendies ont touché le nome de Magnésie, et plus précisément le Pélion, l’île de Skiathos, l’île de Céphalonie, le nome d’Achaïe ainsi que le Péloponnèse. En août 2007, de nouveaux incendies ont touché les nomes de Messénie, d’Élide, d’Arcadie, de Laconie et d’Eubée ainsi que le dème d’Égialée dans le nome d’Achaïe. En raison de la situation causée par ces incendies, le Premier ministre de la République hellénique a déclaré, le 25 août 2007, l’état d’urgence.

    3      Par la suite, la République hellénique a adopté des mesures pour soutenir les opérateurs actifs établis dans les entités territoriales affectées par les incendies de 2007 (ci-après les “entités territoriales sinistrées”), expressément visés dans ces mesures.

    4      Le 22 juillet 2014, la Commission européenne a reçu une plainte portant sur une aide qui aurait été accordée par la République hellénique à Sogia Ellas AE et à ses filiales [...] sociétés actives dans le secteur de la transformation de produits agricoles, consistant en des bonifications d’intérêt et des garanties d’État sur des prêts existants qui devaient être renégociés et bénéficier d’une période de grâce et sur de nouveaux prêts.

    5      Par lettre du 25 juillet 2014, la Commission a demandé aux autorités grecques de lui fournir des informations concernant les aides alléguées, ce que les autorités grecques ont fait en fournissant des informations détaillées quant à leurs bases juridiques.

    6      Le 11 décembre 2015, la Commission a transmis une deuxième lettre aux autorités grecques, leur posant des questions additionnelles et leur indiquant que l’enquête concernant ces mesures ne serait pas limitée à Sogia Ellas [et à ses filiales], dès lors que les mesures litigieuses avaient pu être accordées à d’autres bénéficiaires.

    7      Partant, la Commission a décidé d’entamer une procédure d’examen relative aux aides d’État non notifiées [affaire SA.39119 (2015/NN)] et d’étendre la portée de son enquête à l’ensemble du secteur agricole grec.

    8      Le 11 février 2016, la République hellénique a fourni des informations supplémentaires sur les bases juridiques des aides en cause, sur leurs conditions d’octroi et sur leurs bénéficiaires.

    9      Par lettre du 17 mai 2016, la Commission a notifié à la République hellénique sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide d’État SA.39119 (2016/C) (ex 2015/NN) (ex 2014/CP) – aide à Sogia Ellas AE et al. (ci-après la “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”).

    10      Par la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne le 16 septembre 2016 (JO 2016, C 341, p. 23), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

    11      Dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission a demandé aux autorités grecques de lui fournir une estimation du nombre de bénéficiaires de chaque régime recensé dans ladite décision ainsi que les montants des aides concernées.

    12      Aucune partie intéressée n’a présenté d’observations. Les autorités grecques ont présenté leurs observations sur la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen le 23 septembre 2016. Dans leurs réponses, elles ont informé la Commission qu’il leur était impossible de fournir toutes les informations demandées, ce qu’elles ont finalement fait par lettres des 9 mars 2017 et 21 février 2018.

    13      Le 7 octobre 2019, la Commission a adopté la décision [litigieuse].

    14      Aux termes de la décision [litigieuse], qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, à savoir les produits visés à l’annexe I du traité FUE, à l’exception des produits de la pêche et de l’aquaculture, la Commission a notamment décidé que les régimes d’aides établis au titre de la décision ministérielle no 36579/B.1666/27.8.2007 (modifiée par la suite) sous la forme de bonifications d’intérêts et de garanties accordées par la République hellénique (ci-après les “mesures litigieuses”) constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE illégales et incompatibles avec le marché intérieur, de sorte que la République hellénique était tenue de se faire rembourser les aides visées à son article 1er par leurs bénéficiaires, sauf dans les cas expressément prévus aux articles 3 et 4 de cette décision. »

     Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 décembre 2019, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

    4        Au soutien de son recours, la République hellénique a soulevé trois moyens, tirés, le premier, de l’inexistence d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, de la compatibilité de l’aide en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et, le troisième, d’une violation du droit à un délai raisonnable et du principe de bonne administration, de l’incompétence ratione temporis de la Commission et d’une violation du principe de sécurité juridique, du principe de proportionnalité ainsi que des droits de la défense.

    5        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours et a condamné la République hellénique aux dépens.

     Les conclusions des parties

    6        La République hellénique demande à la Cour :

    –        d’annuler l’arrêt attaqué ;

    –        d’annuler la décision litigieuse, et

    –        de condamner la Commission aux dépens.

    7        La Commission demande à la Cour :

    –        de rejeter le pourvoi et

    –        de condamner la République hellénique aux dépens.

     Sur le pourvoi

    8        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

    9        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    10      À l’appui de son pourvoi, la République hellénique soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ainsi que d’une motivation insuffisante de l’arrêt attaqué. Le second moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de la notion de « circonstances exceptionnelles » rendant une aide non récupérable, en vertu des principes généraux de proportionnalité et de bonne administration, ainsi que d’une motivation insuffisante et contradictoire de l’arrêt attaqué.

     Sur le premier moyen, relatif à la notion d’« aide d’État »

     Sur la première branche, relative à la notion d’« avantage économique »

    –       Argumentation des parties

    11      La République hellénique conteste l’interprétation tant de la notion de conditions normales de marché que du caractère objectif de la notion d’avantage, retenue notamment aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir qu’elle aurait cherché, par la préservation de la capacité contributive des opérateurs établis dans les entités territoriales sinistrées, à maintenir ou à accroître ses recettes fiscales.

    12      À cet égard, elle aurait évalué les conséquences des mesures litigieuses et veillé à assurer le financement à long terme du système dans lequel ces mesures s’inscrivent, en exigeant des bénéficiaires qu’ils fournissent des garanties prévues par le droit national et conformes aux règles normales du marché, comme les sûretés réelles ou l’affectation de ressources et la cession de droits. Ces garanties auraient couvert, à hauteur d’au moins 90 % le montant des garanties octroyées par l’État grec. Par ailleurs, le rééchelonnement des dettes n’aurait porté que sur des prêts accordés par des établissements de crédit qui avaient agi conformément aux règles de l’économie privée, en vérifiant au préalable la viabilité des entreprises concernées et en obtenant d’elles des garanties. Les emprunteurs qui connaissaient des difficultés économiques auraient d’ailleurs été exclus des régimes d’aides en cause, les garanties n’auraient été accordées que dans la limite de 80 % de chaque prêt et la durée des prêts aurait été limitée, selon le régime concerné, à dix ans ou à cinq ans.

    13      En outre, l’arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank (C‑579/16 P, EU:C:2018:159, points 63 et 75), cité au point 49 de l’arrêt attaqué, n’aurait pas été rendu pour des mesures ayant, comme en l’espèce, pour objectif de faire revivre le marché par des moyens rationnels ainsi que de préserver et d’accroître les recettes fiscales. L’interprétation par le Tribunal de la notion de conditions normales de marché et du caractère objectif de la notion d’avantage, en ce qu’elle se fonde sur ce précédent arrêt, serait donc erronée.

    14      Enfin, cette interprétation, qui ne comporterait aucune appréciation relative aux considérations résumées au point 12 de la présente ordonnance, serait dépourvue de motivation.

    15      La Commission conteste l’argumentation de la République hellénique sur le fond.

    –       Appréciation de la Cour

    16      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 79).

    17      L’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se borne à lui imposer de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre de l’examen d’un pourvoi (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 113).

    18      Or, par l’argumentation résumée au point 14 de la présente ordonnance, la République hellénique n’établit pas qu’elle ne pouvait pas connaître les justifications de l’arrêt attaqué. Au contraire, il ressort de l’argumentation développée à l’appui de la présente branche que la motivation de l’arrêt attaqué a permis à la République hellénique de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde. Elle permet également à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre de l’examen du présent pourvoi.

    19      En deuxième lieu, il convient de rappeler qu’il découle d’une jurisprudence constante que la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions énoncées à cette disposition soient réunies (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 102 ainsi que jurisprudence citée).

    20      Parmi celles-ci figure notamment la condition selon laquelle la mesure étatique qui est en cause, dans un cas donné, doit accorder un avantage sélectif à l’entreprise ou aux entreprises qui en sont bénéficiaires (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 103 ainsi que jurisprudence citée).

    21      La notion d’« avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, comprend non seulement des prestations positives, telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèveraient normalement le budget de l’entreprise ou des entreprises qui en sont bénéficiaires et qui, partant, sont de la même nature que des subventions et ont des effets identiques (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 104 ainsi que jurisprudence citée).

    22      Ce sont, ainsi, essentiellement les effets de la mesure étatique qui est en cause, dans un cas donné, sur l’entreprise ou sur les entreprises qui en sont bénéficiaires qu’il y a lieu de prendre en considération pour établir l’existence d’un avantage, que celui-ci soit accordé directement par l’État ou par une entité publique ou privée qu’il aurait instituée ou désignée à cette fin (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 105 ainsi que jurisprudence citée).

    23      En revanche, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distinguant pas selon les causes ou les objectifs des mesures étatiques, la nature des objectifs poursuivis par l’État membre qui est l’auteur de ces mesures ou auquel celles-ci sont imputables est dépourvue de toute incidence sur la question de savoir si elles accordent un avantage à une ou à plusieurs entreprises et, plus largement, sur leur qualification en tant qu’aide d’État (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 106 ainsi que jurisprudence citée).

    24      En conséquence, doit être considérée comme remplissant la condition visée au point 20 de la présente ordonnance toute mesure étatique qui, quels qu’en soient la forme et les objectifs, est susceptible de favoriser directement ou indirectement une ou plusieurs entreprises, ou qui accorde à celles-ci un avantage qu’elles n’auraient pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 107 et jurisprudence citée).

    25      L’expression « conditions normales de marché », au sens de la jurisprudence de la Cour, est à interpréter comme visant les conditions régissant l’économie d’un État membre lorsque celui-ci n’intervient pas en faveur de certaines entreprises (arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 72).

    26      Il en découle que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, en substance, au point 46 de l’arrêt attaqué que, pour déterminer si un avantage aurait pu être obtenu dans des « conditions normales de marché », il y avait lieu d’apprécier si l’entreprise bénéficiaire de l’aide aurait pu obtenir le même avantage que celui qu’elle tire de cette aide sur le marché, en l’absence d’intervention de l’État, indépendamment de la question de savoir si le marché est confronté ou non à une situation de crise. C’est également à bon droit qu’il a jugé, au point 47 de cet arrêt, que l’existence d’un avantage ne saurait être déterminée en fonction de la cause ou de l’objectif de l’aide.

    27      En troisième lieu, la caractérisation de l’existence d’un tel avantage s’effectue, en principe, par application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, à moins qu’il n’existe aucune possibilité de comparer le comportement étatique qui est en cause dans un cas donné à celui d’un opérateur privé, parce que ce comportement est indissociablement lié à l’existence d’une infrastructure qu’aucun opérateur privé n’aurait jamais pu constituer ou parce que l’État a agi en sa qualité de puissance publique (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 108 ainsi que jurisprudence citée).

    28      À ce dernier égard, il y a lieu, toutefois, d’observer que la seule mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, comme le recours à des moyens de nature législative ou fiscale, n’entraîne pas, en elle-même, l’inapplicabilité de ce principe. En effet, c’est la nature économique de l’intervention étatique en cause et non les moyens mis en œuvre à cette fin qui rend ledit principe applicable (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 108 ainsi que jurisprudence citée).

    29      L’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché dans un cas donné implique que la Commission démontre, au terme d’une appréciation globale prenant en considération tous les éléments pertinents du cas d’espèce, que l’entreprise ou les entreprises bénéficiaires de la mesure étatique en cause n’auraient manifestement pas obtenu un avantage comparable de la part d’un opérateur privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché. Dans le cadre de cette appréciation globale, la Commission doit tenir compte de l’ensemble des options qu’un tel opérateur aurait raisonnablement envisagées, de tout élément d’information disponible et susceptible d’influencer de façon significative sa décision ainsi que des évolutions prévisibles à la date où la décision d’accorder un avantage a été prise (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 113 ainsi que jurisprudence citée).

    30      En particulier, la Commission doit s’attacher à apprécier si, à cette date, l’opération par laquelle l’avantage a été conféré pouvait être considérée comme présentant une rationalité économique, commerciale et financière, compte tenu de ses perspectives de rentabilité à court terme ou à plus long terme ainsi que des autres intérêts commerciaux ou économiques qu’elle comportait (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 114 ainsi que jurisprudence citée).

    31      Cela étant, aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un opérateur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’opérateur privé, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

    32      Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, en substance, au point 49 de l’arrêt attaqué, que les bénéfices que la République hellénique pourrait tirer des mesures litigieuses par le biais de la fiscalité n’entrent pas en ligne de compte pour apprécier si ces mesures présentent une rationalité économique et auraient été adoptées par un opérateur privé dans des conditions normales de marché.

    33      Eu égard aux considérations qui précèdent, la première branche du premier moyen doit être écartée comme étant manifestement non fondée.

     Sur la seconde branche, relative à la notion d’« avantage sélectif »

    –       Argumentation des parties

    34      La République hellénique soutient que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation et une application erronées de la condition tenant à la sélectivité de l’avantage. Elle fait valoir, en premier lieu, que, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, il ne ressort pas de la jurisprudence citée aux points 56 et 57 de l’arrêt attaqué que des mesures accordant des avantages à des entreprises en fonction de leur lieu d’établissement seraient a priori sélectives. Elle estime, par conséquent, que le Tribunal a, au point 58 de cet arrêt, commis une erreur en jugeant que le cadre de référence à prendre en compte pour apprécier le caractère sélectif des mesures litigieuses est le cadre national et non celui des entités territoriales sinistrées.

    35      Il conviendrait en effet, selon une jurisprudence constante, de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale litigieuse est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subiraient, par conséquent, une différence de traitement susceptible d’être qualifiée, en substance, de discrimination. Or, étant donné que la détermination du cadre de référence constituerait le point de départ pour l’examen de comparabilité à l’aune duquel le caractère sélectif d’une mesure d’aide d’État doit être apprécié, une erreur dans la détermination de ce cadre de référence vicierait nécessairement l’ensemble de l’analyse de la sélectivité.

    36      Dans ce contexte, la détermination par la Commission du cadre de référence devrait être effectuée moyennant un échange avec l’État membre concerné et devrait découler d’un examen objectif du contenu, de la structure et des conséquences pratiques des règles applicables en vertu du droit national.

    37      Partant, ainsi que la Cour l’aurait jugé dans l’arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 57), le cadre de référence ne devrait pas nécessairement être défini à l’échelle du territoire national et la circonstance qu’une mesure soit accordée sur une partie seulement de ce territoire ne conférerait pas à celle-ci, de ce seul fait, un caractère sélectif.

    38      En l’espèce, aucun examen du cadre de référence n’aurait été effectué par la Commission qui se serait contentée de relever le caractère régional des mesures litigieuses. Or, le Tribunal aurait admis cette démarche de la Commission, sans vérifier si cette institution avait rempli son obligation de motiver sa décision.

    39      En deuxième lieu, l’analyse du Tribunal aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué serait erronée, dès lors que celui-ci aurait apprécié l’objectif poursuivi par les aides accordées, sans avoir préalablement constaté que la condition de sélectivité était remplie. La situation exceptionnelle à laquelle la République hellénique avait fait face au moyen des mesures litigieuses constituerait, en effet, non pas un critère de compatibilité de ces aides avec le marché intérieur, mais une composante du cadre de référence à l’aune duquel le caractère sélectif des mesures litigieuses devait être apprécié. Partant, ce serait au terme d’une interprétation erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que le Tribunal aurait admis que la Commission avait établi que la condition tenant à l’existence d’un avantage sélectif était satisfaite.

    40      En troisième lieu, le Tribunal n’aurait pas motivé le rejet des arguments de la République hellénique tirés de l’absence de sélectivité des mesures litigieuses et fondés sur le fait que celles-ci visaient toutes les entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées et que les incendies de 2007 constituaient des circonstances exceptionnelles qui avaient placé ces entreprises dans une situation spécifique et particulièrement difficile par rapport à d’autres entreprises de leur secteur.

    41      Par conséquent, l’arrêt attaqué serait également entaché d’un défaut de motivation.

    42      La Commission fait valoir, à titre principal, que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant irrecevable, dès lors que l’argumentation de la République hellénique relative à la détermination du système de référence viserait non pas l’arrêt attaqué mais la décision litigieuse et que cette argumentation n’aurait été soulevée pour la première fois qu’au stade du pourvoi. À titre subsidiaire, la Commission conteste l’ensemble de l’argumentation de la République hellénique sur le fond.

    –       Appréciation de la Cour

    43      S’agissant de la recevabilité de la présente branche, d’une part, il ressort sans équivoque de la requête en pourvoi que, contrairement à ce que prétend la Commission, l’argumentation de la République hellénique vise non pas la décision litigieuse, mais les points 56 à 60 de l’arrêt attaqué.

    44      D’autre part, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 47 et jurisprudence citée).

    45      Toutefois, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant la Cour, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui‑même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien‑fondé (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 47 et jurisprudence citée).

    46      En l’occurrence, il ressort des points 56 à 58 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné si la Commission avait correctement identifié le cadre de référence aux fins de l’analyse de la sélectivité. Dans ces circonstances, la République hellénique est recevable à mettre en cause, au stade du pourvoi, les motifs figurant à ces points de l’arrêt attaqué, indépendamment de la circonstance qu’elle n’a pas développé en première instance une argumentation relative à l’identification de ce cadre de référence.

    47      Il s’ensuit que la présente branche est recevable.

    48      Quant au fond, en premier lieu, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 16 et 17 de la présente ordonnance, l’argumentation de la République hellénique tirée d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué doit être écartée, dès lors qu’il ressort de son argumentation sous la présente branche que la motivation de cet arrêt a permis à la République hellénique de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal s’est fondé et que cette motivation permet également à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre de l’examen du présent pourvoi.

    49      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, aux points 56 à 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré ce qui suit :

    « 56      Il y a lieu de relever que des mesures par lesquelles des avantages sont accordés uniquement à certaines entreprises qui sont déterminées en fonction de leur lieu d’établissement sont, a priori, sélectives (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 23, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, points 60 et 61).

    57      À cet égard, à moins que les aides n’aient été octroyées par des entités infraétatiques disposant, à leur niveau de compétence, d’une autonomie institutionnelle procédurale et financière suffisante ou par une entreprise publique établissant les conditions d’utilisation de ses biens ou services, le cadre de référence applicable est le cadre national et l’appréciation de la sélectivité d’une mesure bénéficiant, comme en l’espèce, à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre se fait par comparaison avec les entreprises de cet État. En effet, un avantage limité à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre peut donner lieu à une mesure sélective, puisqu’elle favorise certaines entreprises par rapport à d’autres au sein de cet État (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 23 ; du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, points 56 à 58, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 60 à 66).

    58      En l’espèce, les entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées pouvaient bénéficier des mesures litigieuses. Or, dès lors que, d’une part, en application des éléments mentionnés au point 57 ci-dessus, le cadre de référence à prendre en compte pour apprécier le caractère sélectif des mesures litigieuses est le cadre national et non celui des entités territoriales sinistrées et que, d’autre part, les entreprises situées dans les autres entités territoriales de la République hellénique ne pouvaient pas profiter de ces mesures, il y a lieu de constater que lesdites mesures ne profitaient pas indistinctement à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national et qu’elles sont en conséquence sélectives sur un plan régional. »

    50      Dans la mesure où la République hellénique fait valoir que, en raisonnant ainsi, le Tribunal a erronément apprécié le cadre de référence applicable, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’appréciation de la condition relative à la sélectivité de l’avantage, qui est constitutive de la notion d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

    51      Lorsque la mesure en cause est envisagée comme un régime d’aides et non comme une aide individuelle, il incombe à la Commission d’établir que cette mesure, bien qu’elle prévoie un avantage de portée générale, en confère le bénéfice exclusif à certaines entreprises ou à certains secteurs d’activité (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

    52      À cet égard, la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide, invoquée en l’occurrence par la République hellénique, a été conçue afin de dévoiler la sélectivité cachée de mesures fiscales avantageuses dont toute entreprise peut en apparence bénéficier. Elle n’est, en revanche, pas pertinente pour examiner la sélectivité d’une mesure fiscale avantageuse dont l’octroi ne saurait être considéré comme présentant un caractère général (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

    53      En l’espèce, il est constant que seules les entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées pouvaient bénéficier des mesures litigieuses, qui n’étaient d’ailleurs pas de nature fiscale. Comme l’a rappelé à bon droit le Tribunal aux points 56 et 57 de l’arrêt attaqué, de telles mesures, dont seules les entreprises établies à certains endroits peuvent bénéficier, sont a priori sélectives, à moins que les aides n’aient été octroyées par des entités infraétatiques présentant certaines caractéristiques. Or, à ce dernier égard, le Tribunal a constaté, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que les aides ont été octroyées non pas par une entité infraétatique mais par la République hellénique.

    54      En troisième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la République hellénique qui vise les points 59 et 60 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que ces points comportent, ainsi que le souligne la Commission, une motivation surabondante de l’arrêt attaqué.

    55      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 10 novembre 2022, Laboratoire Pareva/Commission, C‑702/21 P, EU:C:2022:870, point 52 et jurisprudence citée).

    56      Eu égard aux considérations qui précèdent, la seconde branche du premier moyen et, partant, le premier moyen doivent être écartés comme étant manifestement non fondés.

     Sur le second moyen, relatif à la récupération de l’aide

     Argumentation des parties

    57      La République hellénique rappelle d’emblée que, selon elle, c’est en interprétant de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE que le Tribunal a constaté que le critère de l’avantage était rempli.

    58      Elle relève que, bien qu’il ait admis que les mesures litigieuses, qu’il a qualifiées à tort de versements, ont été octroyées à la suite de la survenance de circonstances exceptionnelles, le Tribunal n’a pas considéré que ces circonstances faisaient obstacle à la récupération de l’aide. À cet égard, le Tribunal aurait certes jugé, aux points 136 à 151 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse ne violait pas, de manière générale, les principes généraux de sécurité juridique, de durée raisonnable de la procédure, des droits de la défense et de bonne administration. Toutefois, cette seule appréciation ne saurait suffire à établir que l’ordre de récupération n’est pas contraire au principe de proportionnalité.

    59      Dans ces points 136 à 151 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait en outre adopté une motivation contradictoire à deux égards. D’une part, bien qu’il ait jugé que l’avis publié par la Commission contenant l’invitation à présenter des observations relatives à l’examen des régimes d’aides en cause ne violait pas la sécurité juridique et les droits de la défense, il aurait admis que son intitulé pouvait effectivement donner l’impression que l’aide sous examen concernait une seule entreprise.

    60      D’autre part, le Tribunal aurait admis l’existence des propos de différents représentants de l’Union européenne faisant état du caractère exceptionnel des incendies et de leurs conséquences ainsi que de leur volonté de mettre en œuvre tous les moyens disponibles au profit des sinistrés et de l’économie locale. Il aurait néanmoins estimé que ces propos ne pouvaient pas être considérés comme constituant des « assurances précises, inconditionnelles et concordantes », dont il ressortirait que les mesures litigieuses ne pourraient pas être qualifiées d’aides d’État, et aurait jugé que la confiance légitime de la République hellénique et des bénéficiaires des aides n’avait pas été violée.

    61      De plus, le Tribunal ne se serait nullement prononcé sur la question de savoir dans quelle mesure les circonstances invoquées par la République hellénique, au regard desquelles les mesures litigieuses ne sauraient être qualifiées de sélectives, constituent, en elles-mêmes ou en combinaison avec les autres circonstances de l’affaire, des circonstances exceptionnelles, rendant l’ordre de récupération disproportionné. D’ailleurs, le Tribunal aurait interprété et appliqué de manière erronée la notion de circonstances exceptionnelles, de telles circonstances imposant de ne pas émettre un ordre de récupération, ainsi que le principe de proportionnalité.

    62      Le Tribunal aurait, en outre, omis de se prononcer de manière motivée sur les arguments de la République hellénique tirés de ce que l’ordre de récupération n’avait rétabli ni ne pouvait rétablir la situation antérieure, ni dans le secteur agricole ni sur un marché plus large, de ce que la décision litigieuse a créé une inégalité dans le secteur agricole en dépit du soutien annoncé par la Commission à ce secteur et de ce que les entreprises intéressées ne pouvaient prendre la mesure du fait que l’enquête, qui avait été ouverte à l’encontre d’une entreprise et de ses filiales, affectait également leurs intérêts.

    63      Or, pour les raisons exposées dans ces arguments, l’ordre de récupération aurait constitué, en l’espèce, une mesure contraire au principe de proportionnalité.

    64      De surcroît, le Tribunal se serait de nouveau contredit en admettant, au point 164 de l’arrêt attaqué, l’existence de déclarations d’un membre de la Commission chargé de l’agriculture concernant les outils disponibles pour faire face aux conséquences des incendies de 2007 tout en jugeant, au point suivant, que ces déclarations étaient sans lien avec la question de la légalité de l’ordre de récupération et qu’elles ne pouvaient donc utilement être invoquées par la République hellénique.

    65      Par conséquent, le Tribunal aurait jugé de manière erronée et au terme d’une motivation défectueuse et insuffisante que n’étaient pas réunies les circonstances exceptionnelles qui, en application des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, auraient à titre exceptionnel, conformément à l’article 14, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), imposé de ne pas émettre un ordre de récupération.

    66      La Commission conteste l’argumentation de la République hellénique sur le fond.

     Appréciation de la Cour

    67      En premier lieu, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 16 et 17 de la présente ordonnance, l’argumentation de la République hellénique tirée d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué doit être écartée, dès lors qu’il ressort de son argumentation sous le présent moyen que la motivation de l’arrêt attaqué a permis à la République hellénique de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal s’est fondé et que cette motivation permet également à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre de l’examen du présent pourvoi.

    68      En deuxième lieu, contrairement à ce que prétend la République hellénique, l’argumentation résumée aux points 59 et 60 de la présente ordonnance n’établit nullement que l’arrêt attaqué serait entaché d’une contradiction de motifs. En effet, d’une part, cette argumentation relève elle-même certaines des considérations ayant amené le Tribunal à estimer que l’avis publié par la Commission ne pouvait pas être considéré comme induisant ses lecteurs en erreur et que les propos évoqués par la République hellénique de différents représentants de l’Union ne pouvaient faire naître une confiance légitime chez les bénéficiaires de l’aide quant à la légalité de celle-ci.

    69      D’autre part, le Tribunal a, notamment aux points 140 à 145, 149 et 150 de l’arrêt attaqué, ajouté d’autres éléments, non repris dans ladite argumentation, qui l’ont amené à effectuer les appréciations contestées par la République hellénique. La lecture de ces points de l’arrêt attaqué ne révèle aucune contradiction de motifs.

    70      En troisième lieu, ni l’argumentation résumée au point 64 de la présente ordonnance ni les points 164 et 165 de l’arrêt attaqué, que cette argumentation vise, ne font apparaître une contradiction des motifs de cet arrêt. En effet, l’appréciation du Tribunal selon laquelle une information sur les outils disponibles pour faire face aux conséquences des incendies de 2007 ne porte pas sur la légalité de l’ordre de récupération figurant dans la décision litigieuse n’apparaît nullement contradictoire en soi.

    71      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la République hellénique tirée d’une violation du principe de proportionnalité résultant de la récupération des aides litigieuses, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure. En effet, le principal objectif visé par la récupération d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide. Or, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 131).

    72      Par conséquent, ainsi que l’a rappelé à bon droit le Tribunal au point 161 de l’arrêt attaqué, la récupération d’une aide d’État octroyée de façon illégale, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en la matière (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 116).

    73      Si la circonstance selon laquelle les aides en cause ont été versées par suite d’incendies à caractère exceptionnel qui ont affecté, au cours de l’été 2007, plusieurs entités territoriales de la République hellénique apparaît susceptible d’être prise en compte lors de l’appréciation de la compatibilité de ces aides (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 75), cette circonstance ne saurait, en revanche, être qualifiée, en tant que telle, de circonstance exceptionnelle pouvant empêcher la récupération d’aides illégales et incompatibles (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, points 104 à 106 et jurisprudence citée).

    74      En effet, d’une part, ainsi que le relève à bon droit la Commission, s’il en était autrement, aucune aide octroyée en réponse à une calamité naturelle ne pourrait être récupérée, nonobstant son caractère illégal et incompatible avec le marché intérieur.

    75      D’autre part, la République hellénique n’établit pas que, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal aux points 158 à 162 de l’arrêt attaqué, la récupération des aides en cause serait disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en la matière.

    76      En particulier, l’argumentation résumée au point 62 de la présente ordonnance n’est pas de nature à établir une telle disproportion, dès lors qu’elle vise non pas la proportionnalité de la récupération des aides en tant que telle, mais, en réalité, la compatibilité, tout d’abord, des aides avec le marché intérieur, ensuite, de la décision litigieuse avec le principe d’égalité de traitement et, enfin, de cette décision avec le principe de confiance légitime.

    77      En cinquième lieu, l’argumentation de la République hellénique avancée dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de caractère sélectif des avantages conférés, ayant été écartée comme étant non fondée, cet État membre ne saurait utilement faire valoir que les circonstances justifiant selon elle l’absence de caractère sélectif constituent, en elles-mêmes ou en combinaison avec d’autres circonstances, des circonstances exceptionnelles s’opposant à la récupération des aides.

    78      Eu égard aux considérations qui précèdent, le second moyen et, partant, le pourvoi dans son ensemble doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

     Sur les dépens

    79      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

    80      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    81      La République hellénique ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de condamner la République hellénique aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

    2)      La République hellénique est condamnée aux dépens exposés par la Commission européenne.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le grec.

    Нагоре