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Документ 62022CO0198

    Определение на Съда (шести състав) от 6 март 2023 г.
    QJ и IP срещу Deutsche Bank AG.
    Преюдициални запитвания, отправени от Juzgado de lo Mercantil n° 11 de Barcelona.
    Преюдициално запитване — Член 99 от Процедурния правилник на Съда — Член 101 ДФЕС — Директива 2014/104/ЕС — Член 10 — Приложно поле ratione temporis — Искове за обезщетение за вреди за нарушенията на разпоредбите на правото на Европейския съюз в областта на конкуренцията — Давностен срок — Нарушение, извършено преди влизането в сила на Директивата — Защита на потребителите.
    Съединени дела C-198/22 и C-199/22.

    Идентификатор ECLI: ECLI:EU:C:2023:166

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    6 mars 2023 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Article 101 TFUE – Directive 2014/104/UE – Article 10 – Champ d’application ratione temporis – Actions en dommages et intérêts pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence de l’Union européenne – Délai de prescription – Infraction commise avant l’entrée en vigueur de la directive – Protection des consommateurs »

    Dans les affaires jointes C‑198/22 et C‑199/22,

    ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Juzgado de lo Mercantil no 11 de Barcelona (tribunal de commerce no 11 de Barcelone, Espagne), par décisions du 17 février 2022, parvenues à la Cour le 14 mars 2022, dans les procédures

    QJ (C‑198/22),

    IP (C‑199/22)

    contre

    Deutsche Bank AG,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la première chambre, faisant fonction de juge de la sixième chambre, et M. T. von Danwitz, juge,

    avocat général : M. A. Rantos,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 101 TFUE, de l’article 10 de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1), ainsi que du principe d’effectivité.

    2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, le premier, QJ (affaire C‑198/22) et, le second, IP (affaire C‑199/22) à Deutsche Bank AG au sujet de recours en dommages et intérêts intentés par QJ et IP et ayant pour objet la réparation d’un préjudice prétendument causé par une infraction à l’article 101 TFUE, constatée par la Commission européenne, à laquelle a participé Deutsche Bank.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

     Le règlement (CE) no 1/2003

    3        L’article 25, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit :

    « La prescription court à compter du jour où l’infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin. »

    4        Aux termes de l’article 30 de ce règlement, intitulé « Publication des décisions » :

    « 1.      La Commission publie les décisions qu’elle prend en vertu des articles 7 à 10 et des articles 23 et 24.

    2.      La publication mentionne le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées. Elle doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. »

     La directive 2014/104

    5        L’article 10 de la directive 2014/104, intitulé « Délais de prescription », dispose :

    « 1.      Les États membres arrêtent, conformément au présent article, les règles relatives aux délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts. Ces règles déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.

    2.      Les délais de prescription ne commencent pas à courir avant que l’infraction au droit de la concurrence ait cessé et que le demandeur ait pris connaissance ou puisse raisonnablement être considéré comme ayant connaissance :

    a)      du comportement et du fait qu’il constitue une infraction au droit de la concurrence ;

    b)      du fait que l’infraction au droit de la concurrence lui a causé un préjudice ; et

    c)      de l’identité de l’auteur de l’infraction.

    3.      Les États membres veillent à ce que les délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts soient de cinq ans au minimum.

    4.      Les États membres veillent à ce qu’un délai de prescription soit suspendu ou, selon le droit national, interrompu par tout acte d’une autorité de concurrence visant à l’instruction ou à la poursuite d’une infraction au droit de la concurrence à laquelle l’action en dommages et intérêts se rapporte. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive ou à laquelle il a été mis un terme à la procédure d’une autre manière. »

    6        L’article 21, paragraphe 1, de cette directive est libellé comme suit :

    « Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 27 décembre 2016. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

    Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. »

    7        L’article 22 de ladite directive, intitulé « Application temporelle », énonce :

    « 1.      Les États membres veillent à ce que les dispositions nationales adoptées en application de l’article 21 afin de se conformer aux dispositions substantielles de la présente directive ne s’appliquent pas rétroactivement.

    2.      Les États membres veillent à ce qu’aucune disposition nationale adoptée en application de l’article 21, autre que celles visées au paragraphe 1, ne s’applique aux actions en dommages et intérêts dont une juridiction nationale a été saisie avant le 26 décembre 2014. »

     Le droit espagnol

    8        L’article 1968 du Código Civil (code civil) prévoit que l’action en responsabilité civile extracontractuelle est prescrite après l’expiration du délai d’un an.

    9        La Ley 15/2007 de Defensa de la Competencia (loi 15/2007, relative à la protection de la concurrence), du 3 juillet 2007 (BOE no 159, du 4 juillet 2007, p. 28848), telle que modifiée par le Real Decreto-ley 9/2017, por el que se transponen directivas de la Unión Europea en los ámbitos financiero, mercantil y sanitario, y sobre el desplazamiento de trabajadores (décret-loi royal 9/2017, portant transposition de directives de l’Union européenne en matière financière, commerciale et de santé, ainsi que sur le détachement de travailleurs), du 26 mai 2017 (BOE no 126, du 27 mai 2017, p. 42820) (ci-après la « loi 15/2007 »), prévoit que le délai de prescription de l’action en responsabilité pour le préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence est de cinq ans.

     Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

    10      Dans le litige à l’origine de l’affaire C‑198/22, QJ a conclu un prêt hypothécaire avec Caixa del Penedés.

    11      Dans le litige à l’origine de l’affaire C‑199/22, IP a conclu un prêt hypothécaire avec Banco Popular Español SA (actuellement Banco Santander SA).

    12      Les intérêts ordinaires de ces deux prêts hypothécaires étaient calculés sur la base du taux interbancaire offert en euros (Euribor) avec une échéance fixée à douze mois.

    13      Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté, à l’égard de plusieurs entreprises, dont notamment Deutsche Bank, la décision C(2013) 8512, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39914 – Produits dérivés de taux d’intérêt en euro) (ci-après la « décision de transaction »), par laquelle elle a constaté que ces entreprises avaient participé à une infraction unique et continue ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt en euro, liés notamment à l’Euribor.

    14      S’agissant de Deutsche Bank, l’infraction a duré du 29 septembre 2005 au 30 mai 2008.

    15      Le 26 mai 2017, soit environ cinq mois après l’expiration du délai de transposition de la directive 2014/104, a été adopté le décret-loi royal 9/2017, transposant cette directive dans le droit espagnol.

    16      Le 30 juin 2017, conformément à l’article 30 du règlement no 1/2003, la Commission a publié le résumé de la décision de transaction au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 206, p. 17).

    17      Dans le litige à l’origine de l’affaire C‑198/22, QJ a introduit, le 6 octobre 2020, devant le Juzgado de lo Mercantil no 11 de Barcelona (tribunal de commerce no 11 de Barcelone, Espagne), un recours contre Deutsche Bank.

    18      Dans le litige à l’origine de l’affaire C‑199/22, IP a introduit, le 5 novembre 2020, devant cette même juridiction, un recours contre Deutsche Bank.

    19      Ces deux recours ont été introduits à la suite de la décision de transaction qui est devenue définitive et visent à obtenir la réparation du préjudice que QJ et IP auraient prétendument subi en raison de la pratique anticoncurrentielle à laquelle Deutsche Bank s’était livrée et qui aurait eu une incidence sur le calcul des intérêts des prêts qu’ils avaient respectivement contractés avec les banques mentionnées aux points 10 et 11 de la présente ordonnance.

    20      Deutsche Bank a contesté ces recours en faisant valoir, notamment, qu’ils étaient prescrits. Selon cette société, la directive 2014/104 n’est pas applicable en l’occurrence dans la mesure où elle n’était pas en vigueur à l’époque de la commission de l’infraction en cause au principal. Ainsi, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 10 de cette directive, transposé dans le droit espagnol par la loi 15/2007 ne serait pas applicable. En revanche, Deutsche Bank estime qu’est applicable en l’occurrence le délai d’un an prévu à l’article 1968 du code civil.

    21      QJ et IP font valoir, en substance, que le délai de prescription de cinq ans prévu par la loi 15/2007 est applicable aux litiges au principal.

    22      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi précise qu’il n’est pas contesté que les deux contrats de prêt hypothécaire en cause au principal pourraient être concernés par l’entente sanctionnée par la Commission.

    23      Cela étant précisé, cette juridiction fait observer, d’une part, que l’infraction concernée a eu lieu avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/104.

    24      D’autre part, la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé de la décision de transaction définitive serait postérieure à l’entrée en vigueur de cette directive et à sa transposition dans le droit espagnol.

    25      La juridiction de renvoi estime que, avant ladite transposition, le délai de prescription applicable était, en principe, celui d’un an prévu à l’article 1968 du code civil.

    26      Ladite juridiction souligne que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks (C‑267/20, EU:C:2022:494), qui était pendante à la date à laquelle elle a introduit ses demandes de décision préjudicielle et dans laquelle les parties au principal étaient des entreprises, les présentes affaires au principal concernent des recours en dommages et intérêts intentés par des consommateurs qui ont conclu des prêts hypothécaires. Le préjudice qu’ils auraient subi résulterait donc de contrats entrant dans le champ d’application de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

    27      En tout état de cause, cette même juridiction considère que soumettre les actions en dommages et intérêts à un délai de prescription d’un an qui, selon la jurisprudence nationale, commence à courir à compter de la date de publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé d’une décision de la Commission par laquelle une infraction à l’article 101 TFUE a été constatée ne permet pas au consommateur moyen, raisonnablement informé, attentif et avisé, de prendre connaissance de l’étendue de ses droits découlant d’une telle décision de la Commission.

    28      Dans ces conditions, le Juzgado de lo Mercantil no 11 de Barcelona (tribunal de commerce no 11 de Barcelone) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      L’article 101 TFUE et le principe d’effectivité doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation de la règle nationale et à la jurisprudence nationale selon lesquelles le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 10 de la directive 2014/104 n’est pas applicable rétroactivement lorsque la personne affectée par l’entente sanctionnée est un consommateur ?

    2)      Une règle ou une jurisprudence nationale selon laquelle, dans l’hypothèse où la personne lésée par une entente sanctionnée est un consommateur, le point de départ du délai de prescription de l’action en dommages et intérêts est déterminé par référence à la date de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision infligeant la sanction, sans que le juge soit certain qu’un consommateur moyen, raisonnablement informé, attentif et avisé ait eu connaissance de la sanction et de l’incidence que celle-ci peut avoir sur les biens ou services qu’il a acquis et qui ont été affectés par la pratique anticoncurrentielle, doit-elle être considérée comme étant contraire au principe d’effectivité dans l’interprétation de l’article 101 TFUE ?

    3)      Le juge national peut-il se référer au délai de cinq ans au minimum pour l’exercice des actions en dommages et intérêts lorsque le préjudice a pu être subi par un consommateur, même si les faits sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive 2014/104 ? »

    29      À la suite de la signification à la juridiction de renvoi de l’arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks (C‑267/20, EU:C:2022:494), dans lequel la Cour a interprété l’article 10 de la directive 2014/104, cette juridiction a informé la Cour, par lettre du 11 juillet 2022, qu’elle souhaitait maintenir les demandes de décision préjudicielle.

     Sur les questions préjudicielles

    30      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

    31      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre des présentes affaires.

     Sur la deuxième question

    32      Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101 TFUE et le principe d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, selon laquelle le délai de prescription applicable à un recours en dommages et intérêts pour une infraction aux dispositions du droit de la concurrence de l’Union intenté par un consommateur commence à courir le jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé de la décision définitive de la Commission par laquelle cette infraction a été constatée.

    33      À cet égard, il convient de rappeler qu’une réglementation nationale fixant la date à laquelle le délai de prescription commence à courir, la durée et les modalités de la suspension ou de l’interruption de celui-ci doit être adaptée aux spécificités du droit de la concurrence et aux objectifs de la mise en œuvre des règles de ce droit par les personnes concernées, afin de ne pas réduire à néant la pleine effectivité des articles 101 et 102 TFUE (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

    34      En effet, l’introduction des actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence de l’Union nécessite, en principe, la réalisation d’une analyse factuelle et économique complexe (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

    35      Il convient également de tenir compte du fait que les litiges concernant des infractions au droit de la concurrence de l’Union et au droit national de la concurrence se caractérisent, en principe, par une asymétrie d’information au détriment de la personne lésée, ce qui rend plus difficile pour celle-ci d’obtenir les informations indispensables pour intenter une action en dommages et intérêts que pour les autorités de concurrence d’obtenir les informations nécessaires aux fins de l’exercice de leurs pouvoirs d’appliquer le droit de la concurrence (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

    36      Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que, à la différence de la règle applicable à la Commission, figurant à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, selon laquelle le délai de prescription pour l’imposition de sanctions commence à courir à compter du jour où l’infraction a été commise ou, pour les infractions continues ou répétées, du jour où l’infraction a pris fin, les délais de prescription applicables aux recours en dommages et intérêts pour les infractions au droit de la concurrence des États membres et de l’Union ne sauraient commencer à courir avant que l’infraction n’ait cessé et que la personne lésée n’ait pris connaissance ou ne puisse raisonnablement être considérée comme ayant pris connaissance des informations indispensables pour l’introduction de son action en dommages et intérêts (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 56 ainsi que jurisprudence citée).

    37      Dans le cas contraire, l’exercice du droit de demander réparation serait rendu pratiquement impossible ou excessivement difficile (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

    38      En ce qui concerne les informations indispensables pour l’introduction d’un recours en dommages et intérêts, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une infraction au droit de la concurrence de l’Union (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 58 ainsi que jurisprudence citée).

    39      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il est indispensable, pour que la personne lésée puisse introduire une action en dommages et intérêts, qu’elle sache quelle est la personne responsable de l’infraction au droit de la concurrence (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 59 ainsi que jurisprudence citée).

    40      Il s’ensuit que l’existence d’une infraction au droit de la concurrence, l’existence d’un préjudice, le lien de causalité entre ce préjudice et cette infraction ainsi que l’identité de l’auteur de celle-ci font partie des éléments indispensables dont la personne lésée doit disposer afin d’introduire un recours en dommages et intérêts (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 60 ainsi que jurisprudence citée).

    41      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les délais de prescription applicables aux recours en dommages et intérêts pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union ne sauraient commencer à courir avant que l’infraction n’ait pris fin et que la personne lésée n’ait pris connaissance ou ne puisse raisonnablement être considérée comme ayant pris connaissance du fait qu’elle avait subi un préjudice en raison de cette infraction ainsi que de l’identité de l’auteur de celle-ci (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

    42      En l’occurrence, l’infraction a pris fin le 30 mai 2008.

    43      S’agissant de la condition tenant à la prise de connaissance, par la personne lésée, du fait qu’elle a subi un préjudice en raison d’une infraction aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence qu’il peut raisonnablement être considéré qu’une personne lésée a pris connaissance des éléments indispensables lui permettant d’introduire son action en dommages et intérêts à la date de la publication du résumé de la décision de la Commission concernée au Journal officiel de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 71).

    44      Cela étant, il n’est pas exclu qu’une personne lésée par une infraction aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union puisse prendre connaissance des éléments indispensables pour l’introduction de l’action en dommages et intérêts bien avant la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé d’une décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 64).

    45      Or, en l’occurrence, il ne ressort pas de la décision de renvoi que tel est le cas.

    46      Dans ces conditions, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il peut raisonnablement être considéré que QJ et IP ont pris connaissance des éléments indispensables leur permettant d’introduire une action en dommages et intérêts à la date de la publication du résumé de la décision de transaction définitive au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 30 juin 2017.

    47      Cette interprétation n’est pas infirmée par le fait que QJ et IP sont des consommateurs.

    48      En effet, dans le cadre des actions en responsabilité introduite à la suite d’une décision définitive de la Commission, le rattachement à un élément objectif tel que la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé de cette décision permet d’établir de manière claire, précise, transparente et prévisible le moment à partir duquel il peut raisonnablement être considéré que le délai de prescription commence à courir, tant pour les entreprises ayant participé à une entente que pour les personnes lésées.

    49      En outre, il ressort de la jurisprudence que la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’un acte émanant d’une institution de l’Union garantit que tant les personnes physiques que les personnes morales aient la possibilité d’en prendre connaissance (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2007, Skoma-Lux, C‑161/06, EU:C:2007:773, points 37 et 38, ainsi que du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a., C‑160/20, EU:C:2022:101, point 40).

    50      Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que le fait d’établir une distinction entre les personnes lésées, aux fins de la détermination du moment auquel le délai de prescription commence à courir, risquerait de créer une incertitude dans la mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE, ce qui irait à l’encontre du principe de sécurité juridique.

    51      Il n’y a donc pas lieu de distinguer entre les consommateurs, d’une part, et les professionnels ou les entreprises, d’autre part, aux fins de la détermination du moment auquel le délai de prescription commence à courir.

    52      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 101 TFUE et le principe d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, selon laquelle le délai de prescription applicable à un recours en dommages et intérêts pour une infraction aux dispositions du droit de la concurrence de l’Union intenté par un consommateur commence à courir le jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé de la décision définitive de la Commission par laquelle cette infraction a été constatée, dès lors qu’il peut raisonnablement être considéré que la personne lésée a pris connaissance des éléments indispensables lui permettant d’introduire son action en dommages et intérêts à la date de cette publication.

     Sur les première et troisième questions

    53      Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 3, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application temporel un recours en dommages et intérêts pour une infraction au droit de la concurrence qui, bien que portant sur une infraction qui a pris fin avant l’entrée en vigueur de cette directive, a été introduit après l’entrée en vigueur des dispositions la transposant dans le droit national.

    54      À cet égard, il convient de rappeler que, à la différence des règles de procédure qui sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, les règles de droit matériel de l’Union doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

    55      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, en principe, une règle de droit nouvelle s’applique à compter de l’entrée en vigueur de l’acte qui l’instaure. Si elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la loi ancienne, elle s’applique aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne, ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Il n’en va autrement, et sous réserve du principe de non-rétroactivité des actes juridiques, que si la règle nouvelle est accompagnée de dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

    56      En ce qui concerne, plus particulièrement, les directives, ce ne sont, en règle générale, que les situations juridiques acquises postérieurement à l’expiration du délai de transposition d’une directive qui peuvent être rattachées au champ d’application ratione temporis de celle-ci (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

    57      Il en va a fortiori ainsi des situations juridiques nées sous l’empire de la règle ancienne qui continuent à produire leurs effets postérieurement à l’entrée en vigueur des actes nationaux pris pour la transposition d’une directive après l’expiration du délai de transposition de celle-ci (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 34).

    58      Dans ce contexte, s’agissant de l’application ratione temporis de la directive 2014/104, il convient de rappeler que cette directive contient une disposition particulière, qui détermine expressément les conditions d’application dans le temps des dispositions substantielles et non substantielles de celle-ci (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

    59      En particulier, d’une part, en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2014/104, les États membres doivent veiller à ce que les dispositions nationales adoptées en application de l’article 21 de celle-ci afin de se conformer aux dispositions substantielles de cette directive ne s’appliquent pas rétroactivement (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 36 et jurisprudence citée).

    60      D’autre part, en vertu de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2014/104, les États membres doivent veiller à ce qu’aucune disposition nationale adoptée afin de se conformer aux dispositions non substantielles de cette directive ne s’applique aux actions en dommages et intérêts dont une juridiction nationale a été saisie avant le 26 décembre 2014 (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 37 et jurisprudence citée).

    61      Dès lors, afin de déterminer l’applicabilité temporelle des dispositions de la directive 2014/104, il convient d’établir, en premier lieu, si la disposition concernée constitue une disposition substantielle ou non (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 38).

    62      Dans l’hypothèse où cette disposition serait qualifiée de disposition substantielle, il convient de vérifier, en second lieu, si, dans des circonstances telles que celle en cause au principal, dans lesquelles cette directive a été transposée de manière tardive, la situation en cause, pour autant qu’elle ne puisse être qualifiée de nouvelle, a été acquise avant l’expiration du délai de transposition de ladite directive ou si elle a continué à produire ses effets après l’expiration de ce délai (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

    63      En l’occurrence, en ce qui concerne, en premier lieu, la nature substantielle ou non de l’article 10, paragraphe 3, de la directive 2014/104, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que cette disposition est une disposition substantielle, au sens de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

    64      En second lieu, dès lors qu’il est constant que la directive 2014/104 a été transposée dans le droit espagnol cinq mois après l’expiration du délai de transposition prévu à son article 21, le décret-loi royal 9/2017 transposant cette directive étant entré en vigueur le 27 mai 2017, il convient, afin de déterminer l’applicabilité temporelle de l’article 10 de ladite directive, de vérifier si la situation en cause au principal était acquise avant l’expiration du délai de transposition de la même directive ou si elle continue à produire ses effets après l’expiration de ce délai (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 48).

    65      À cette fin, au vu des spécificités des règles de prescription, de leur nature ainsi que de leur mécanisme de fonctionnement, notamment dans le contexte d’une action en dommages et intérêts pour une infraction au droit de la concurrence de l’Union, il y a lieu de rechercher si, à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2014/104, à savoir le 27 décembre 2016, le délai de prescription applicable aux situations en cause au principal s’était écoulé, ce qui implique de déterminer le moment auquel ce délai de prescription a commencé à courir (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 49).

    66      Ainsi qu’il a été rappelé au point 41 de la présente ordonnance, les délais de prescription applicables aux recours en dommages et intérêts pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union ne sauraient commencer à courir avant que l’infraction n’ait pris fin et que la personne lésée n’ait pris connaissance ou ne puisse raisonnablement être considérée comme ayant pris connaissance des éléments indispensables pour l’introduction de son recours en dommages et intérêts.

    67      En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 46 de la présente ordonnance, il peut raisonnablement être considéré, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que QJ et IP ont pris connaissance de ces éléments à la date de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé de la décision de transaction, qui est devenue définitive, à savoir le 30 juin 2017.

    68      Or, cette date est postérieure tant à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2014/104, à savoir le 27 décembre 2016, qu’à celle de l’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant cette directive dans le droit espagnol, à savoir le 27 mai 2017. Ainsi, dans la mesure où le délai de prescription a commencé à courir le 30 juin 2017, ce délai a nécessairement expiré postérieurement à ces deux dates. La situation en cause au principal ne semble donc pas acquise à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2014/104.

    69      Dans la mesure où tel serait le cas dans les litiges au principal, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, l’article 10, paragraphe 3, de cette directive est, en l’occurrence, applicable ratione temporis aux situations en cause. En effet, pour autant que la date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir est également postérieure à l’entrée en vigueur du décret-loi royal 9/2017, lequel transpose ladite directive, le délai de prescription de cinq ans prévu par la loi 15/2007 est en l’occurrence applicable.

    70      Au surplus, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligations pour un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle contre lui. En effet, étendre l’invocabilité d’une disposition d’une directive non transposée, ou incorrectement transposée, au domaine des rapports entre les particuliers reviendrait à reconnaître à l’Union le pouvoir d’édicter avec effet immédiat des obligations à charge des particuliers alors qu’elle ne détient cette compétence que là où lui est attribué le pouvoir d’adopter des règlements (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

    71      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre d’un litige entre particuliers tel que celui en cause au principal, la juridiction nationale est tenue, le cas échéant, d’interpréter le droit national, dès l’expiration du délai de transposition d’une directive non transposée, de façon à rendre la situation en cause immédiatement compatible avec les dispositions de cette directive, sans toutefois procéder à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 22 juin 2022, Volvo et DAF Trucks, C‑267/20, EU:C:2022:494, point 77 ainsi que jurisprudence citée).

    72      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et troisième questions que l’article 10, paragraphe 3, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application temporel un recours en dommages et intérêts pour une infraction au droit de la concurrence qui, bien que portant sur une infraction qui a pris fin avant l’entrée en vigueur de cette directive, a été introduit après l’entrée en vigueur des dispositions la transposant dans le droit national, dans la mesure où le délai de prescription applicable à ce recours ne s’est pas écoulé avant la date d’expiration du délai de transposition de ladite directive.

     Sur les dépens

    73      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

    1)      L’article 101 TFUE et le principe d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, selon laquelle le délai de prescription applicable à un recours en dommages et intérêts pour une infraction aux dispositions du droit de la concurrence de l’Union européenne intenté par un consommateur commence à courir le jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du résumé de la décision définitive de la Commission européenne par laquelle cette infraction a été constatée, dès lors qu’il peut raisonnablement être considéré que la personne lésée a pris connaissance des éléments indispensables lui permettant d’introduire son action en dommages et intérêts à la date de cette publication.

    2)      L’article 10, paragraphe 3, de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application temporel un recours en dommages et intérêts pour une infraction au droit de la concurrence qui, bien que portant sur une infraction qui a pris fin avant l’entrée en vigueur de cette directive, a été introduit après l’entrée en vigueur des dispositions la transposant dans le droit national, dans la mesure où le délai de prescription applicable à ce recours ne s’est pas écoulé avant la date d’expiration du délai de transposition de ladite directive.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’espagnol.

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