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Document 62022CO0552

    Order of the Court (Sixth Chamber) of 17 March 2023.
    Asociación de Delineantes de Hacienda v Kingdom of Spain.
    Case C-552/22 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:252

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    17 mars 2023 (*)

    « Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Reconnaissance des qualifications professionnelles – Directive 2005/36/CE – Transposition prétendument tardive et incorrecte – Recours en responsabilité extracontractuelle dirigé contre un État membre – Incompétence manifeste »

    Dans l’affaire C‑552/22 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 août 2022,

    Asociación de Delineantes de Hacienda, établie à Córdoba (Espagne), représentée par Me D. Álvarez Cabrera, abogado,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Royaume d’Espagne,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et A. Kumin, juges, juges,

    avocat général : Mme T. Ćapeta,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, l’Asociación de Delineantes de Hacienda demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 juillet 2022, Asociación de Delineantes de Hacienda/Espagne (T‑280/22, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:466), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant, entre autres, à la condamnation du Royaume d’Espagne à réparer le préjudice qu’elle aurait subi à la suite d’une violation du droit de l’Union par cet État membre.

     Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2022, la requérante a introduit un recours tendant :

    –        à faire constater que le Royaume d’Espagne a violé le droit de l’Union en transposant de manière tardive et incorrecte la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22), et en ce que le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a méconnu son obligation de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle, et

    –        à ce que le Royaume d’Espagne soit condamné à réparer le préjudice que la requérante a prétendument subi en raison d’une violation du droit de l’Union commise par cet État membre.

    3        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, conformément à l’article 126 de son règlement de procédure, rejeté ce recours pour cause d’incompétence manifeste.

    4        Après avoir constaté que la requérante tendait à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait de violations alléguées du droit de l’Union par le Royaume d’Espagne, le Tribunal a rappelé, au point 5 de l’ordonnance attaquée, que, en vertu de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, sa compétence en matière de responsabilité non contractuelle se limitait aux recours en réparation de dommages causés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union européenne ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions.

    5        Au point 6 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que l’auteur du comportement qui a prétendument causé un préjudice à la partie requérante, à savoir en l’occurrence un État membre, n’était ni une institution, ni un organe ou un organisme de l’Union.

     Les conclusions de la requérante au pourvoi

    6        Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée, de se déclarer compétente pour statuer elle‑même sur le fond du litige et de condamner les parties qui solliciteraient le rejet du pourvoi aux dépens.

     Sur le pourvoi

    7        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de le rejeter par voie d’ordonnance motivée sans, le cas échéant, le signifier aux autres parties à la procédure devant le Tribunal.

    8        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    9        À l’appui de son pourvoi, la requérante fait valoir que son recours devant le Tribunal visait non pas à obtenir une réparation fondée sur l’article 268 TFUE, lu en combinaison avec l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, mais, contrairement à ce qui est indiqué dans l’ordonnance attaquée, la condamnation du Royaume d’Espagne par la constatation d’une transposition tardive et erronée de la directive 2005/36 et d’une méconnaissance par le Tribunal Supremo (Cour suprême) de son obligation de saisir la Cour à titre préjudiciel. Elle précise à cet égard que, comme il ressort également de la requête en première instance, l’action des particuliers visant la condamnation d’un État membre devant les juridictions de l’Union est reconnue dans la jurisprudence de la Cour depuis l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428).

    10      Ainsi qu’il ressort des points 2 et 63 à 66 de sa requête en première instance, la requérante a demandé au Tribunal de condamner le Royaume d’Espagne, en premier lieu, en constatant que cet État membre a transposé de manière tardive et erronée la directive 2005/36 et que le Tribunal Supremo (Cour suprême) a méconnu son obligation de saisir la Cour à titre préjudiciel. En outre, il ressort des points 67 à 74 de cette requête que celle-ci tendait à obtenir, en second lieu, la condamnation dudit État membre au paiement de dommages et intérêts pour ces violations du droit de l’Union.

    11      Quant au second chef de conclusions, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé qu’il était manifestement incompétent pour connaître d’un recours en indemnité introduit par une personne physique contre un État membre (voir, en ce sens, ordonnances du 18 février 2016, Ś. e.a., C‑325/15, EU:C:2016:107, point 10, ainsi que du 29 avril 2020, Rosellò/Italie, C‑747/19 P, non publiée, EU:C:2020:313, point 14 et jurisprudence citée).

    12      S’agissant du premier chef de conclusions, il découle de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a compris la requête en première instance comme visant à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi du fait de prétendues violations du droit de l’Union par le Royaume d’Espagne et qu’il n’a pas examiné la demande de la requérante visant à constater les manquements de cet État membre aux obligations découlant du droit de l’Union. Or, à cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle, si les motifs d’une décision du Tribunal recèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (arrêt du 13 septembre 2017, Pappalardo e.a./Commission, C‑350/16 P, EU:C:2017:672, point 57 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 31 janvier 2020, Euracoal/Commission, C‑172/19 P, non publiée, EU:C:2020:66, point 22).

    13      En l’occurrence, il est manifeste que l’omission du Tribunal n’est pas de nature à remettre en cause le dispositif de l’ordonnance attaquée.

    14      En effet, le Tribunal est manifestement incompétent pour constater des manquements d’un État membre à ses obligations découlant du droit de l’Union. Les manquements des États membres aux traités peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, confié à la Cour, dans le cadre des procédures établies aux articles 258 et 259 TFUE, lesquelles peuvent uniquement être engagées par la Commission européenne ou par un autre État membre. Dans l’organisation des voies de recours telle que prévue par le traité FUE, une violation du droit de l’Union par un État membre par des actes nationaux peut être portée par les personnes physiques uniquement devant les juridictions nationales compétentes, juridictions auxquelles il incombe, dans un tel cas, de garantir la protection des normes du droit de l’Union, en s’adressant, si nécessaire, à la Cour par la procédure de renvoi préjudiciel. Toutefois, un tel contrôle des actes nationaux ne saurait, en aucun cas, être effectué par les juridictions de l’Union sur la base d’une action engagée devant celles‑ci directement par un particulier (voir, en ce sens, ordonnances du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, EU:C:2005:355, point 28, ainsi que du 17 décembre 2010, Platis/Conseil et Grèce, C‑513/10 P, non publiée, EU:C:2010:797, points 13 et 15).

    15      Ainsi, le premier chef de conclusions présenté par la requérante en première instance visant à faire constater que le Royaume d’Espagne a manqué à ses obligations découlant du droit de l’Union était manifestement irrecevable, de sorte que le dispositif de l’ordonnance attaquée n’est pas remis en cause par le fait que le Tribunal n’a pas examiné ce chef de conclusions (voir, en ce sens, ordonnance du 22 novembre 2018, King/Commission, C‑412/18 P, non publiée, EU:C:2018:947, point 23).

    16      Dès lors, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé.

     Sur les dépens

    17      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

    2)      L’Asociación de Delineantes de Hacienda supporte ses propres dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’espagnol.

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