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Document 61982CC0107

    Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 1 juin 1983.
    Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft AEG-Telefunken AG contre Commission des Communautés européennes.
    Système de distribution sélective.
    Affaire 107/82.

    Recueil de jurisprudence 1983 -03151

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:1983:154

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL

    PRÉSENTÉES LE 1ER JUIN 1983 ( 1 )

    Monsieur le président

    Messieurs les juges,

    La requérante dans la procédure sur laquelle nous prenons position aujourd'hui participe avec sa filiale, la Telefunken — Fernseh- und Rundfunk GmbH (TFR) qui constitue depuis le 1er juin 1979 un secteur d'entreprise indépendant d'AEG, au marché de l'électronique de divertissement par la fabrication et la distribution de téléviseurs, radios, magnétophones, phonographes et matériels audiovisuel.

    Pour la distribution, il fut décidé en 1973 d'instaurer, en ce qui concerne une partie déterminée de la production, ce qu'il est convenu d'appeler le «programme cinq étoiles», un système de distribution sélective consistant à ne confier la distribution qu'à des revendeurs sélectionnés. Ce système de distribution a été notifié à la Commission le 6 novembre 1973, en application de l'article 4 du règlement no 17/62. Au cours des entretiens dont il fit l'objet, le système de distribution dut subir certaines modifications à la demande de la Commission. Le directeur général pour la concurrence devait enfin déclarer dans une lettre du 17 mai 1976 à propos de la version du contrat de distribution sélective qui lui avait été notifiée le 16 mars 1976, qu'elle ne soulevait pas d'objections au regard de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE.

    Le système de distribution a été appliqué de telle manière que des accords étaient conclus avec des grossistes et des détaillants spécialisés qui remplissaient certaines conditions, accords en vertu desquels AEG-Telefunken est tenu de ne livrer des produits contractuels qu'aux revendeurs au sens du contrat de distribution sélective, et les commerçants s'engagent à ne vendre des produits contractuels à l'intérieur du champ d'application territorial du système — la Communauté européenne — qu'à des détaillants qui ont au préalable prouvé qu'ils ont signé le contrat de distribution sélective. Les contrats précités ont été conclus jusqu'à la fin de 1978 par AEG, agissant en même temps pour TFR; c'est ensuite la AEG-Telefunken-Konsumgüter Aktiengesellschaft, agissant au nom et pour le compte de AEG et en même temps de TFR, qui apparaît dans les contrats types comme cocontractant des revendeurs. La distribution est assurée en république fédérale d'Allemagne par les bureaux ou installations de vente AEG et, dans d'autres États membres, par les filiales AEG chargées des activités de distribution comme, par exemple, la AEG-Telefunken France SA — «ATF» — et la AEG-Telefunken SA Belge — «ATBG».

    Au cours des années, la Commission a été saisie de plaintes de divers distributeurs qui estimaient pouvoir contester la manière dont le système de distribution sélective AEG était mis en œuvre. Cela a incité la Commission à effectuer en juin 1979 des vérifications auprès de TFR, ATBG et ATF, à l'instar des enquêtes qu'elle menait d'ailleurs à cette époque auprès d'autres entreprises du secteur de l'électronique de divertissement qui appliquaient des systèmes de distribution sélective. Sur la base des informations recueillies elle a, par décision du 29 mai 1980, engagé contre la requérante de l'espèce présente une procédure au titre de l'article 9 du règlement no 17. Dans sa communication des griefs du 2 juin 1980, la Commission a résumé ce qui lui paraissait devoir être critiqué dans la mise en œuvre pratique du système de distribution sélective. La requérante à pris position à cet égard dans une réponse du 5 août 1980, puis au cours d'une audition qui a eu lieu le 19 août 1980 ainsi que dans d'autres mémoires.

    La décision finale de la Commission a ensuite été arrêtée le 6 janvier 1982. Après un exposé des motifs détaillé dans lequel la mise en œuvre effective du système de distribution sélective en Allemagne, en France et en Belgique est décrite d'une manière critique et appréciée au regard de l'article 85, elle constate dans l'article premier que le système de distribution sélective instauré par la requérante pour les produits de marque Telefunken constitue, dans son application pratique, suivant laquelle a) certains distributeurs, bien que remplissant les conditions d'admission dans le système de distribution, n'auraient pas accès à ces produits et b) les prix de vente des distributeurs agréés seraient fixés directement ou indirectement par AEG, une violation de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE. Aux termes de l'article 2, AEG serait tenu de mettre fin immédiatement à l'infraction mentionnée dans l'article premier. L'article 3 inflige une amende d'un million d'Écus (= 2445780 DM) à verser à un compte de la Commission dans un délai de trois mois, à compter de la notification de la décision.

    Le 24 mars 1982, AEG Telefunken a saisi la Cour d'un recours en annulation contre cette décision.

    Dans un mémoire particulier, la requérante a demandé en même temps à la Cour d'ordonner le sursis à l'exécution de la décision attaquée. Après que la requérante — comme la Commission l'avait exigé — avait constitué le 17 mars 1982 une caution bancaire, la Cour a rendu le 6 mai 1982 l'ordonnance disposant qu'il était sursis à l'exécution de l'article 3 de la décision moyennant le maintien de la caution constituée en faveur de la Commission.

    Cette affaire appelle de notre part les observations suivantes.

    I —

    Il convient au préalable d'examiner brièvement le contenu du contrat de distribution sélective CE ď AEG-Telefunken contre lequel la Commission n'avait formulé aucune objection, et d'exposer sommairement dans quelle mesure la Commission estime devoir critiquer la mise en œuvre pratique du système de distribution sélective.

    1.

    Le contrat de distribution sélective précité fixe les conditions que les détaillants et les grossistes spécialisés doivent remplir pour être autorisés à distribuer les produits de marque Telefunken.

    a)

    La condition applicable aux premiers est, en substance, qu'ils exploitent un commerce ou un rayon spécialisé dans la branche radio, télévision et phonographe, qu'ils soient en mesure de présenter les produits contractuels d'une manière adéquate et de fournir aux clients les informations appropriées dans un local représentatif, qu'ils assurent un service garantie et après-vente irréprochable au moyen d'un atelier spécialisé, qu'ils exercent un contrôle rigoureux sur les numéros et qu'ils respectent les dispositions de la législation sur la concurrence.

    b)

    En ce qui concerne les grossistes spécialisés, il est prévu qu'ils achètent les produits contractuels pour leur propre compte à l'exclusion, en principe, des affaires commissionnées et qu'ils assument à l'égard tant du fabricant que du commerce de détail des fonctions d'assistance par des achats réguliers et la livraison correspondante des détaillants spécialisés. En outre, ils sont également soumis à l'obligation d'effectuer un contrôle rigoureux sur les numéros et de ne pas commettre d'infraction à la législation sur la concurrence.

    2.

    De l'avis de la Commission, la requérante ne s'en est pas tenue exclusivement à ces conditions dans la pratique et il y a donc lieu de lui faire grief d'avoir violé l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE dans la mise en oeuvre du système de distribution sélective.

    a)

    Elle aurait eu, en principe, pour politique de n'approvisionner que le commerce spécialisé de détail et de gros traditionnel et non pas les nouvelles formes de distribution pratiquant une politique de prix agressive telle que les grands magasins. Cela pourrait être prouvé au moyen de divers cas particuliers en République fédérale d'Allemagne, en Belgique et en France qui révéleraient également que l'admission dans le système de distribution sélective aurait été subordonnée à des conditions supplémentaires qu'il n'y aurait pas lieu de considérer comme des critères de sélection qualitatifs.

    b)

    Par ailleurs, la requérante se serait efforcée, en France, d'accorder aux distributeurs agréés une protection territoriale, ce qu'il y aurait lieu de considérer comme une application de critères de sélection quantitatifs.

    c)

    La requérante aurait enfin, dans le cadre du système de distribution sélective, eu pour politique d'assurer la stabilité des prix de vente au détail et de rechercher un niveau de prix uniformément élevé. Cet objectif aurait été à l'origine d'accords conclus avec les distributeurs sur le respect d'un niveau de prix déterminé, de concertations sur les prix entre les distributeurs français, d'invitations adressées à des distributeurs de respecter certains prix, ainsi que de l'exercice d'une influence directe sur les prix par l'octroi de certains avantages.

    II —

    Avant que nous n'examinions la pertinence des griefs soulevés par la Commission et des moyens de défense avancés à cet égard par la requérante, il nous semble par ailleurs utile de rappeler la jurisprudence actuelle en matière de systèmes de distribution sélective.

    1.

    La Cour a ainsi jugé dans l'arrêt rendu dans l'affaire 26/76 ( 2 ) que de tels systèmes de distribution sélective étaient compatibles avec l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE «à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire» (20e attendu).

    Des constatations correspondantes figurent dans les arrêts rendus dans les affaires 99/79 ( 3 ), 31/80 ( 4 ) et 126/80 ( 5 ). A cet égard, il est également souligné dans les deux premiers des arrêts précités que, lorsque l'admission dans un système de distribution sélective est subordonnée à des critères allant au-delà d'une simple sélection objective de caractère qualitatif et, en particulier, lorsqu'elle repose sur des critères quantitatifs, il y a lieu de considérer qu'un tel système de distribution tombe en principe sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1 (point 17 des motifs de l'arrêt 99/79 et point 21 des motifs de l'arrêt 31/80). En outre, il est à relever — parce que cela joue un rôle dans l'argumentation de la requérante — que dans l'arrêt rendu dans l'affaire 126/80 ( 5 ), il est question de la «capacité» des revendeurs plutôt que de leurs qualifications professionnelles.

    Il convient par ailleurs d'observer que la Cour a souligné dans l'affaire 26/76 ( 6 ) que dans ces systèmes de distribution, l'accent n'est généralement pas mis de façon exclusive ni même principale sur la concurrence par les prix et la préoccupation, s'aggissant de grossistes et détaillants spécialisés, de maintenir un certain niveau de prix rentre dans le cadre des objectifs qui peuvent être poursuivis sans tomber nécessairement sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1 (point 21 des motifs). D'autre part, la Cour attire dans cet arrêt également l'attention sur le fait qu'il appartient à la Commission de veiller à ce que la rigidité dans la structure des prix ne soit pas renforcée, ce qui pourrait se produire dans l'hypothèse d'une multiplication des réseaux de distribution sélective pour la commercialisation d'un même produit (point 22 des motifs).

    2.

    Cette jurisprudence permet assurément de faire quelques constatations importantes pour l'espèce présente:

    a)

    En ce qui concerne l'admission dans un système de distribution sélective, on ne saurait appliquer — parce que tous les revendeurs doivent être soumis aux mêmes critères qualitatifs — à une catégorie particulière, en l'espèce, par exemple, les grands magasins, des critères différents et plus rigoureux. Dès lors que les critères d'admission qualitatifs sont remplis, on ne peut écarter des distributeurs au motif que le nombre des distributeurs agréés dans une zone déterminée suffit à assurer l'approvisionnement puisque cela équivaudrait à une sélection quantitative. Dès lors que les critères fixés en général sont remplis, on ne saurait pas davantage fixer de nouvelles conditions telles que l'acceptation du maintien d'un certain niveau des prix ou de la restriction de la revente à certains acheteurs.

    Ajoutons encore ici qu'à notre avis, la requérante a tort de déduire de l'utilisation du terme «capacité» («Leistungsfähigkeit») utilisé dans l'arrêt rendu dans l'affaire 126/80 ( 7 ) que l'on vise — en tant que critère qualitatif admissible — la capacité financière des commerçants. Cette interprétation se heurte non seulement au terme «capacité» utilisée dans la version française de l'arrêt mais également au fait que la «capacité» se réfère tant au revendeur qu'à son personnel à propos duquel cela n'a manifestement aucun sens de parler de capacité financière. La «capacité» paraît donc, en vérité, ne pas avoir d'autre sens que la qualification professionnelle évoquée dans les autres arrêts cités.

    b)

    Lorsque l'arrêt rendu dans l'affaire 26/761 mentionne également la préoccupation admissible, s'agissant du commerce de gros et de détail spécialisé, de maintenir un certain niveau de prix, rien n'indique dans ce contexte que la poursuite de cet objectif — quels que soient les moyens utilisés — ne pourrait en aucun cas tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1. Si un tel objectif est poursuivi à l'aide d'accords entre les partenaires d'un système de distribution ou par l'organisation d'ententes entre les revendeurs, un tel comportement ne nous parait en aucun cas pouvoir être qualifié d'irréprochable parce qu'une partie des éléments explicitement mentionnés dans l'article 85, paragraphe 1 se trouve en l'occurrence manifestement réunie. C'est pourquoi la phrase précitée ne vise pas, à notre avis, une situation dans laquelle un fabricant impose unilatéralement ses conceptions en matière de prix — par exemple, en menaçant de résilier le contrat — car cela équivaudrait sans aucun doute à l'introduction a posteriori d'un critère d'admission supplémentaire et, partant, illégal. Par contre, il semble en principe permis de supposer — si l'on entend reconnaître, somme toute, à la phrase précitée un sens autonome et raisonnable — qu'elle couvre des recommandations de prix purement unilatérales, au sens d'une référence à des prix de marché possibles, qui tendent à donner au commerce une orientation non obligatoire et qu'il y a donc lieu de considérer comme non critiquables.

    III —

    Après ces remarques préliminaires, nous en venons d'abord à la partie de cette affaire qui a trait au problème de la discrimination lors de l'admission de distributeurs et à l'octroi d'une protection territoriale dans certains cas. A cet égard, nous commencerons par examiner les cas particuliers cités dans la décision puis nous nous pencherons sur les constatations critiques d'ordre général qui sont faites dans la décision au sujet de la question qui nous intéresse en l'espèce sous les intitulés «la phase d'introduction», «politique générale de distribution en Allemagne» et «politique générale de distribution en France».

    1. La non-admission de distributeurs en Allemagne

    Deux cas entrent ici en ligne de compte: le refus d'approvisionner le Ratio-Markt ouvert en mai 1976 à Kassel et qui appartient à la chaîne de magasins de détail (hypermarchés) de la société Terfloth & Snoek GmbH, ainsi que l'interdiction de livrer qui avait été imposée en décembre 1976 à l'encontre du grossiste agréé Harder à Villingen et les événements qui jouent un rôle par rapport à la levée recherchée de l'interdiction.

    a) Le cas Ratio-Markt à Kassel

    Il n'est pas nécessaire que nous exposions ici les détails de ce cas; nous renvoyons à cet égard au rapport d'audience et aux pièces du dossier. De l'avis de la requérante, on ne peut parler d'une non-admission discriminatoire que lorsqu'il est établi qu'un distributeur remplissait les conditions requises par le système de distribution. Ratio ne satisfaisait pas aux critères du commerce spécialisé et la requérante n'aurait donc pas pu — en raison de son obligation contractuelle à l'égard des commerçants agréés — admettre les magasins Ratio dans son système de distribution. La Commission, en revanche, estime pouvoir déduire d'une note du 6 avril 1976 relative aux entretiens menés lors d'une première visite chez Ratio (annexe 7 au mémoire en défense) que les représentants de la requérante elle-même auraient jugé que le Ratio-Markt remplissait «pour l'essentiel» les critères d'un commerce spécialisé. Mais, en définitive, cela importerait peu puisqu'il y aurait également discrimination lorsqu'une autre circonstance, par exemple, la crainte d'un comportement en matière de prix, a été la raison déterminante pour la non-admission. C'est ce qu'il conviendrait de retenir dans le cas Ratio parce que le refus de livrer était avant tout motivé par le fait qu'il s'agissait d'un «grand magasin» et que — comme cela résulterait de la note précitée — un accord sur les prix de marché n'aurait pas été réalisé. En outre, il y aurait lieu d'opposer en tout cas à la requérante qu'elle n'a pas du tout voulu permettre à Ratio d'être admis dans le système de distribution dans la mesure où elle n'a pas précisé les conditions d'admission faisant prétendument défaut même après que Ratio avait renouvelé dans une lettre du 22 décembre 1976 sa demande de livraison en proposant explicitement de respecter toutes conditions posées par la requérante.

    A notre avis, on ne peut parler d'une application discriminatoire des critères prévus par le système de distribution que lorsqu'une livraison n'est pas effectuée en dépit de la réunion de toutes les conditions d'admission, c'est-à-dire lorsque des aspects supplémentaires sont déterminants pour un acheteur. La question de l'existence des conditions d'admission ne peut donc assurément pas être écartée en partant de l'idée que le refus de livrer aurait en tout cas été commandé par d'autres motifs puisque l'on aboutirait autrement à sanctionner, le cas échéant, un point de vue purement subjectif sans qu'une violation objective du jeu de la concurrence soit établie.

    En ce qui concerne le Ratio-Markt à Kassel, on ne peut donc assurément pas déduire de la note du 6 avril 1976 que la requérante elle-même aurait estimé que Ratio remplissait «pour l'essentiel» les critères du commerce spécialisé, ce qui n'équivaudrait d'ailleurs pas à un respect complet de ces critères. Compte tenu des formulations choisies à la fin du deuxième paragraphe de la note précitée — le mot «devraient» est utilisé — il est clair que l'on ne reprend en l'occurrence que des indications de Ratio. Il ne s'agissait donc pas d'une appréciation portée par les représentants de la requérante, laquelle ne pouvait d'ailleurs pas être portée définitivement à l'époque parce que le magasin n'était pas encore ouvert et que l'activité commerciale normale (fond sonore, présence du personnel de vente) joue assurément un rôle pour une appréciation raisonnable. Cette appréciation propre devait au contraire intervenir à la fin du mois de mai — cela résulte également de la note.

    Un certain nombre d'éléments expliquent en revanche que l'appréciation portée par la suite s'est soldée pour des raisons valables par un résultat négatif. Il ressort ainsi d'une lettre de l'avocat de Ratio du 22 décembre 1976 (annexe 40 à la requête) que le fait que Ratio ne disposait pas d'un rayon spécialisé cloisonné et qu'un trop grand nombre de produits était stocké dans leur emballage d'origine dans les locaux de vente aurait été critiqué à la fin du mois de mai; cela contreviendrait aux conditions, énoncées dans le contrat de distribution CE sous II 1 lettre c, d'une «présentation adéquate» et de l'existence d'un «local de vente représentatif». C'est ce qui est également reconnu dans une lettre que l'avocat de Ratio a adressée à la Commission le 2 octobre 1980 (annexe 7 au mémoire en défense). Il est, en outre, intéressant de relever que Ratio n'a pas cherché à imposer la fourniture par la voie juridictionnelle et qu'il n'a mis en œuvre aucune voie de recours contre les décisions judiciaires que la requérante avait obtenues en 1978 parce que Ratio s'était procuré des produits contractuels en violation du système de distribution. Il est également significatif que des critiques analogues, dont la justification n'a pas été réfutée par la firme Ratio, figurent encore dans un rapport de visite du 30 octobre 1980 (annexe 53 à la requête) et que la requérante — il en est déjà question dans la prise de position sur la communication des griefs à propos d'investigations concrètes — a pu également critiquer le fait que Ratio ne disposait pas d'un personnel qualifié suffisant parce qu'une formation professionnelle n'a pu être prouvée que pour l'un des trois vendeurs compétents pour une grande surface de vente.

    En outre, on ne peut pas non plus, à notre avis, considérer comme suffisamment démontré que le motif déterminant de la requérante pour ne pas livrer Ratio aurait résidé dans le fait qu'il s'agissait d'un «grand magasin» et qu'un accord sur les prix de marché n'avait pas pu être réalisé. En ce qui concerne le point cité en premier lieu, rien ne ressort des documents produits à propos du cas Ratio. Quant au deuxième point, la Commission a certes pu se référer au dernier paragraphe de la note du 6 avril 1976, aux termes duquel: «Il a été question de la fixation des prix, mais il n'y a pas eu d'accord. La fixation des prix dépendra des conversations qui auront lieu à Kassel.» Or, d'une part, on ne peut pas, à cet égard, méconnaître le fait que la première des phrases citées vise le «listing de Ratio pour l'année 1976» qui n'a pas trait à des produits contractuels et dont il est question dans la phrase précédente. D'autre part, il n'a pas non plus été prouvé que la fixation des prix a effectivement revêtu une importance déterminante. Cela aurait pu être aisément constaté par l'audition de Ratio, qui a d'ailleurs eu lieu. Or il est frappant qu'il n'en soit nullement question dans les observations détaillées que Ratio a adressées en octobre 1980 à la Commission.

    Lorsque la Commission critique enfin le fait que Ratio aurait été privé de la possibilité, à la suite de l'engagement pris dans la lettre du 22 décembre 1976, de remplir toutes les conditions d'admission faute d'être informé des conditions non remplies il nous paraît particulièrement douteux que cela permette de parler d'une mise en œuvre irrégulière du système de distribution. Il conviendrait, de surcroît, — abstraction faite de ce que, comme le révèle la lettre de Ratio du 22 décembre 1976, des objections concrètes ont été formulées — de concéder à tout le moins qu'il s'agit ici d'un point de vue tout à fait nouveau sur l'appréciation de la mise en œuvre d'un système de distribution, d'autant que, d'après le droit allemand — la requérante a renvoyé à cet égard à l'arrêt rendu dans l'affaire 14/68 ( 8 ) — la promesse de respecter les critères du commerce spécialisé ne suffit pas et qu'il est exigé qu'ils soient effectivement remplis losqu'un droit à livraison est invoqué (voir l'arrêt rendu par le Bundesgerichtshof le 30 juin 1981, KZR 11/80).

    Le cas Ratio-Markt ne permet donc pas d'établir une pratique d'admission discriminatoire de la requérante. En conséquence, il ne doit pas être pris en considération dans l'appréciation de la mise en œuvre du système de distribution par la requérante.

    b) Harder (Villingen)

    Il ne s'agit pas ici de la première admission d'un distributeur comme grossiste spécialisé mais de la manière dont la requérante a traité un distributeur agréé après qu'une interdiction de livraison avait été imposée à son égard au mois de décembre 1976 (voir à ce propos la lettre du bureau de vente de Fribourg du 15 décembre 1976 — annexe 55 à la requête) en raison d'infractions au système de distribution — livraison répétée d'importantes quantités de produits à des détaillants non soumis au système. Compte tenu du fait qu'il est également précisé dans la lettre précitée que M. Harder était disposé à souscrire, outre aux obligations découlant du contrat de distribution, aux engagements suivants:

    «2)

    Déclaration expresse de ne pas livrer nos produits à des hypermarchés ou à des entreprises comparables.

    3)

    Ne pas développer d'activités avec nos produits dans des pays de la Communauté européenne»,

    la Commission a acquis la conviction qu'il s'agissait en l'espèce également d'un cas d'application discriminatoire du système de distribution, précisément parce que la requérante ne s'était pas contentée du respect des conditions techniques énoncées dans le contrat de distribution sélective CE que Harder aurait apparemment remplies.

    A notre avis, c'est à tort, comme dans le cas Ratio-Kassel, que la Commission a invoqué ce cas comme preuve d'une pratique d'admission discriminatoire.

    Il importe d'abord d'observer qu'il paraît incontestable que la requérante a, à juste titre, imposé une interdiction de livraison à l'égard de Harder; en effet, aux termes du point VI lettre a du contrat de distribution sélective CE, toute nouvelle livraison d'un distributeur peut être suspendue s'il manque aux obligations découlant du contrat de distribution et la Commission n'a jamais sérieusement douté que Harder avait enfreint l'obligation qui lui incombe en vertu du point V 2 du contrat de distribution sélective CE.

    Il est par ailleurs important qu'il ait été seulement retenu à propos de l'entretien relatif à une éventuelle reprise des relations commerciales auquel se réfère la note du 15 décembre 1976, que Harder serait disposé à se soumettre à des obligations supplémentaires; il n'apparaît pas, en revanche, que cela ait été exigé par le bureau de vente de Fribourg de la requérante comme condition d'une reprise des livraisons. Mais, à supposer même que le bureau de vente de Fribourg ait été à l'origine d'une telle initiative, cela importerait finalement peu parce qu'il appartenait à TFR de se prononcer définitivement sur la manière de traiter le cas Harder, comme le montre la dernière phrase de la lettre du 15 décembre 1976. A cet égard, il est cependant apparu au cours de la procédure que la rupture des relations commerciales a été décidée par TFR pour d'autres raisons. Il ressort en effet de la correspondance produite devant la Cour qu'il a été exigé de Harder qu'il clarifie les infractions commises, qu'il fournisse une déclaration d'abstention — et comme le prévoit le contrat de distribution — qu'il paie les frais occasionnés par ses infractions. C'est à cette seule condition que la levée de l'interdiction de livraison a été subordonnée dans les lettres d'avocats du 29 août et du 7 septembre 1977. Or ces conditions n'ont pas été respectées en dépit de plusieurs mises en demeure. Au contraire, d'autres livraisons non autorisées ainsi que des indications inexactes sur des sources d'approvisionnement et des échappatoires irrégulières ont pu être constatées. En conséquence, les relations ont apparemment été rompues en septembre 1977 sans que Harder ait cherché d'une manière quelconque à les rétablir.

    Le cas Harder ne peut donc pas être considéré comme une preuve d'une application discriminatoire du système de distribution puisqu'il s'agit simplement du cas d'une exclusion régulière prononcée en raison des infractions commises et du fait que Harder n'était pas disposé à garantir une exécution correcte du contrat de distribution.

    2. Non-admission d'un distributeur en Belgique

    Il s'agit ici du grossiste Diederichs avec lequel des négociations ont été menées en septembre 1977 sur une normalisation de ses activités (voir note jointe au dossier du 29 septembre 1977, annexe 16 au mémoire en défense) — après qu'il s'était fait remarquer depuis des années par des activités commerciales courtcircuitant les différentes agences nationales et par la vente d'appareils Telefunken à des prix inférieurs aux prix de livraison de ATBG. Il était, entre autres, constaté dans la note précitée que Diederichs ne disposait pratiquement d'aucune administration, que onze chauffeurs de poids lourds desservaient l'ensemble de la Belgique suivant des trajets fixes et qu'il ne possédait pas d'organisation de service extérieur. Dans un télex de la mi-octobre 1977 (annexe 64 à la requête), il a été souligné à propos de ce cas qu'une admission dans le système de distribution, «dans la mesure où les critères prévus par le contrat de distribution sont en fait remplis», n'était envisageable qu'après que des engagements écrits de ne plus commettre à l'avenir des infractions au droit de la concurrence auraient été pris. Un rapport d'ATBG à TFR du 28 octobre 1977 (annexe 16 au mémoire en défense), indique par ailleurs que Diederichs aurait conclu un contrat de distribution avec la firme Grundig et constate qu'un tel accord serait également possible pour Telefunken. Mais il était ajouté: «Il résulte des discussions, que Diederichs ne veut pas accepter une concertation des prix qui rendrait son activité compatible avec la nôtre.» Enfin, il a été constaté à propos du cas Diederichs dans une note du 28 octobre 1977 (annexe 65 à la requête) qu'il conviendrait de renoncer à l'admission de Diederichs pour des raisons de politique de distribution — parce qu'il serait apparu au cours d'autres négociations que M. Diederichs n'était en aucun cas prêt à appliquer aux revendeurs belges un niveau de prix quelconque conseillé par ATBG et qu'il y avait donc lieu de craindre des perturbations importantes sur l'ensemble du marché belge. Comme le refus de conclure un contrat de distribution avec Diederichs n'aurait, en outre, soulevé aucune objection juridique — les infractions commises jusque là constituant un motif suffisant — il n'y aurait pas lieu de poursuivre les négociations entamées avec M. Diederichs.

    En ce qui concerne ce cas, l'ensemble des arguments avancés à cet égard au cours de la procédure laisse à penser que la Commission a eu raison de l'invoquer comme preuve d'une mise en œuvre irrégulière du système de distribution et que les arguments présentés pour sa défense par la requérante — elle a essentiellement fait valoir qu'en vérité Diederichs n'avait pas rempli les conditions qualitatives nécessaires à l'admission — ne paraissent guère convaincants.

    Dans la mesure où la requérante invoque un comportement contraire au droit de la concurrence que Diederichs a eu dans le passé, il importe, d'une part, de relever que, d'après la note citée en dernier lieu du 28 octobre 1977, la prétendue violation des règles de concurrence par Diederichs n'a manifestement pas été le motif déterminant de la rupture des négociations. Si, d'autre part, il y a certes lieu de concéder qu'aux termes du contrat de distribution sélective CE, les distributeurs sont tenus de respecter les dispositions du droit de la concurrence, il est cependant clair que cela ne s'applique qu'à la période postérieure à l'admission dans le système de distribution. Des infractions commises antérieurement ne peuvent donc tout au plus entrer en ligne de compte que lorsqu'elles justifient — de par leur nombre et leur importance — la crainte de les voir poursuivies également après l'admission dans le système de distribution. Or, le cas Diederichs ne fournit pas d'indices suffisants en ce sens. En effet, on ne pourra guère considérer comme suffisante à cet égard — d'autres faits n'ont pas été rapportés — la référence de la requérante au fait que le ministère belge de l'économie avait été saisi en 1975 d'un cas de concurrence déloyale reproché à Diederichs et qui n'avait apparemment pas eu de suite, ainsi que la référence à une condamnation de Diederichs pour publicité mensongère par un jugement rendu par le tribunal de commerce de Tongeren le 8 janvier 1976, lequel a ensuite été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel d'Anvers du 27 juin 1977.

    Dans la mesure où la requérante a, par ailleurs, fait valoir avec insistance qu'en vérité, Diederichs n'avait pas rempli les critères du commerce spécialisé prévus par son contrat de distribution sélective CE, sa référence à la situation financière de Diederichs, sur laquelle elle s'était déjà informée en septembre 1977 et qui était qualifiée de «précaire» dans une lettre du 19 octobre 1977 (annexe 66 à la requête), n'emporte assurément pas notre conviction. La requérante suppose, en effet, à tort — comme nous l'avons déjà exposé — qu'aux termes de la jurisprudence pertinente, il y aurait lieu de considérer également la capacité financière d'un distributeur comme un critère d'admission qualitatif entrant en ligne de compte. Il en est de même en ce qui concerne tant sa référence au fait que Diederichs n'aurait pas été en mesure de fournir des prestations de garantie et de service après-vente — à propos desquelles la Commission a fait valoir, à juste titre, qu'en vertu du contrat de distribution, de telles prestations incombent non pas aux grossistes mais aux détaillants —, que l'argument selon lequel Diederichs n'aurait pas été disposé à fournir les renseignements nécessaires, dès lors que la note du 29 septembre 1977 se borne, à cet égard, à mentionner que Diederichs n'était pas prêt à fournir sa propre liste de clients aux fins de la conclusion d'un accord concernant les clients qu'il ne devrait pas approvisionner, ce qui peut être difficilement considéré comme un refus de fournir des renseignements. Au reste, si les déclarations faites par la requérante au cours de la procédure ont pu laisser l'impression qu'un examen rigoureux aurait pu faire naître un doute légitime sur l'existence des critères du commerce spécialisé dans le cas de Diederichs — eu égard surtout à l'effectif réduit du personnel et à l'absence d'une organisation de service extérieur sans lesquels il est impossible d'assurer un démarchage régulier, de contrôler et de conseiller les clients conformément au contrat de distribution —, la Commission a, sans doute à juste titre, considéré ces arguments comme des motifs qui, en vérité, n'ont été invoqués qu'a posteriori. Il est en effet significatif que ces aspects n'aient été retenus comme déterminants dans aucun des documents invoqués alors que l'on trouve, en revanche, dans la lettre du 24 octobre 1977 la constatation que Diederichs aurait conclu un contrat de distribution — apparemment similaire — avec Grundig et qui est suivi de la conclusion «un tel accord pour Telefunken serait possible».

    En ce qui concerne, enfin, l'argumentation de la requérante relative aux entretiens sur les prix — il aurait été question non pas des prix de vente au détail que Diederichs ne connaissait pas, mais de ses prix d'achat et il se serait agi d'exclure dans le cas Diederichs une violation du droit belge en vertu duquel ATBG serait tenu de communiquer au ministère les prix de base nets pour le commerce spécialisé et de ne consentir sur ces prix que des rabais maximaux déterminés et non pas une marge particulière comme la demande Diederichs —, il y a lieu d'observer que le motif précité n'est considéré dans aucun des documents produits comme un obstacle à l'admission dans le système de distribution. D'après la note du 28 octobre 1977, dans laquelle la rupture des négociations avec Diederichs est mentionnée sans que des questions quelconques relatives aux critères du commerce spécialisé soient davantage approfondies, il est également évident que seul importait le fait que Diederichs ne fût pas prêt «à appliquer aux revendeurs belges un niveau de prix conseillé par ATBG», ce qui laissait à craindre«des perturbations importantes sur l'ensemble du marché belge».

    Partant, il n'est en fait pas contestable que la Commission ait perçu à juste titre dans le traitement réservé au grossiste belge Diederichs un cas de non-admission discriminatoire dans le système de distribution, précisément parce que l'exclusion s'est fondée en l'espèce non pas sur les critères du commerce spécialisé mais sur un élément différent, concernant la formation des prix et revêtant de ce fait un caractère illégal.

    3. La discrimination dans l'admission de distributeurs en France

    L'intérêt se porte ici sur trois cas dans lesquels l'admission dans le système de distribution de la requérante ne serait intervenue qu'après que les distributeurs avaient fourni certaines garanties en ce qui concerne la formation des prix.

    a)

    A propos du cas de la chaîne de magasins Auchan, nous relevons dans un document produit par la Commission (note du 21 mars 1978, annexe 9 partie À au mémoire en défense) qu'il aurait été constaté au printemps 1971 qu'Auchan vendait des produits de fabricants concurrents «au prix coûtant plus TVA», qu'une filiale à Strasbourg provoquait depuis deux ans de graves difficultés parce qu'elle vendait des appareils Telefunken à des «prix extrêmement bas» et que pour cette raison, il n'aurait pas été donné suite, jusqu'à présent, aux commandes d'Auchan. Cette société ayant continué d'insister pour être admise dans le système de distribution, des renseignements ont apparemment été demandés en juin 1978 — comme la requérante l'a déclaré sans être contredite — aux fins de constater si les critères du commerce spécialisé étaient remplis, renseignements qui n'auraient cependant pas été fournis. Après que des représentants de la requérante avaient constaté à l'occasion de visites que les conditions nécessaires étaient réunies, les magasins Auchan ont été admis début novembre 1978 parmi les distributeurs spécialisés. A cet égard, un document également produit par la Commission (note du 20 octobre 1978, annexe 9, partie C au mémoire en défense) comporte non seulement la constatation qu'Auchan était en mesure de signer le contrat de distribution de la requérante mais également l'observation — et c'est à celle-ci que la Commission attache une importance particulière — suivante: «D'autre part, il accepterait qu'en échange de nos livraisons ... il retirerait toute parution-presse sur nos téléviseurs, suivrait les prix conseillés que nous lui demanderions d'appliquer, à condition que dans la ville où ces produits seraient vendus, aucun magasin de quelque sorte que ce soit, ne pratique des prix inférieurs, auquel cas, il serait amené à s'aligner.«

    Sur ce point, la requérante aurait fait valoir dans sa prise de position sur la communication des griefs que depuis toujours, Auchan se serait fait remarquer par des méthodes agressives dans ses annonces et, en particulier, par une publicité faisant référence aux prix coûtants et aux prix minimaux. Il serait possible de le démontrer par une série de lettres de la firme Thomson-Brandt des années 1977 à 1980 dans lesquelles il est question de «prix d'appel» illégaux pratiqués par Auchan qui auraient finalement abouti à la cessation des livraisons à cette entreprise. A ce propos, il serait également possible de renvoyer à un document ATF du mois de novembre 1979 qui révélerait, par la comparaison des prix d'achat et de vente, qu'Auchan se livrait manifestement à une concurrence déloyale en accordant une garantie gratuite et un délai de paiement gratuit de six mois. Il y aurait donc eu lieu de supposer qu'Auchan — ce qui constituait une violation du droit français — vendait, pour attirer des clients, à des prix inférieurs à ses prix de revient et portait ainsi atteinte à la réputation de la marque Telefunken. Il en serait résulté des doutes quant à la possibilité d'admettre Auchan, compte tenu de la règle du respect du droit de la concurrence énoncée dans le contrat de distribution. Tel aurait été le seul objet des entretiens d'octobre 1978 qui auraient seulement eu pour but de garantir le respect de prix conformes au droit de la concurrence, ce dont Auchan n'aurait malgré tout pas tenu compte par la suite.

    A notre avis, nous ne pouvons pas non plus suivre la requérante sur ce point. Peu importe, à cet égard, de savoir si l'utilisation systématique d'offres d'appel par un distributeur justifie effectivement son exclusion du système de distribution et si la requérante a suffisamment démontré que le comportement d'Auchan dans le passé était à ce point contraire au droit de la concurrence, ce que les documents invoqués par la requérante, lesquels datent de la période postérieure à l'admission d'Auchan dans le système de distribution, ne suffisent guère à établir. Les termes de la note du 20 octobre 1978 — sur lesquels la Commission a pu se fonder — sont déterminants. Il y est très clairement question d'un accord en vertu duquel Auchan ne ferait plus de publicité par annonces pour les téléviseurs Telefunken; en outre, il est question non pas de prix contraires aux règles de concurrence mais du respect de prix conseillés par Telefunken et de la possibilité de s'aligner sur des prix inférieurs pratiqués dans la ville considérée.

    On peut donc affirmer que l'admission d'Auchan a été subordonnée à une condition supplémentaire qui n'a aucun rapport avec les critères du commerce spécialisé, c'est-à-dire une condition qui vise à exclure un comportement légal sur le marché. Cela constitue effectivement une mise en œuvre discriminatoire du système de distribution que la Commission a, à juste titre, mise en cause eu égard à la jurisprudence évoquée au début de nos conclusions.

    b)

    De l'avis de la Commission, le cas Mammouth (Toulouse) se présente d'une manière analogue.

    Elle se réfère, à ce propos, à une note datée du 20 octobre 1978 (annexe 10 au mémoire en défense) aux termes de laquelle ATF n'était disposé à livrer ce grand magasin — à l'époque, la centrale de la chaîne Mammouth n'était apparemment pas intéressée à entamer des relations commerciales avec ATF — qu'après que le directeur du rayon radio et télévision de Mammouth à Toulouse avait promis de tenir «les prix généralement pratiqués sur la ville de Toulouse».

    A cet égard, la requérante a d'abord rétorqué que le cas Mammouth n'avait pas figuré dans la communication des griefs et qu'il avait été mentionné pour la première fois dans la décision attaquée, ce qui semble devoir être compris en ce sens qu'il y aurait lieu de ne pas tenir compte de ce cas en raison de la violation du droit d'être entendu dans le cadre d'une procédure administrative. Au reste, elle a déclaré que la situation ne pouvait être correctement appréhendée qu'en sachant que l'acheteur de Mammouth Toulouse, ainsi que cela ressort également de la note du 20 octobre 1978, avait tenté de contraindre des grossistes agréés à livrer des produits en faisant planer la menace d'une campagne publicitaire à «prix cassés» pour la fin du mois d'octobre. C'est ce qu'il importait avant tout d'éviter. En outre, les entretiens avec Mammouth Toulouse — comme le montre une déclaration datée du 15 février 1982 (annexe 57 à la requête) auraient seulement eu pour but d'empêcher Mammouth de pratiquer des prix illicites par rapport aux prix moyens, à savoir de vendre aux prix de revient, c'est-à-dire d'exiger en fait le respect de l'obligation prévue au point II 1 f du contrat de distribution.

    A propos de ces arguments, il faut certes concéder, en ce qui concerne leur première partie, que seules les infractions relevées dans la communication des griefs peuvent figurer dans une décision au titre de l'article 85 et que, lorsque des faits nouveaux doivent être mis à la charge d'une entreprise, les griefs doivent être complétés pour que l'intéressé ait la possibilité de prendre position (arrêts rendus dans les affaires 41/69 ( 9 ) et 51/69 ( 10 ). Mais il est également exact qu'une décision peut invoquer des compléments de preuve à l'appui de faits déjà retenus (arrêt rendu dans l'affaire 54/69 ( 11 ), et qu'un complément des griefs n'est, entre autres, nécessaire que lorsqu'il s'agit de modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (arrêt rendu dans l'affaire 51/69 ( 10 ). En l'espèce, la communication des griefs comporte notamment celui selon lequel, en France, ce qu'il est convenu d'appeler les grands magasins, n'auraient été admis dans le système de distribution qu'après s'être alignés sur les conceptions de prix d'ATF et les entreprises exerçant une influence sur le marché n'auraient conservé, en France, aucune marge de manœuvre dans la détermination des prix. En conséquence, il est effectivement permis de penser que Mammouth relève également de cette situation, que le fait de mentionner ce cas ne constitue qu'un complément de preuve des griefs déjà retenus et qu'à cet égard, un complément des griefs n'était pas nécessaire parce que la preuve de l'infraction ne s'en trouvait pas sensiblement modifiée. En outre, il convient de ne pas négliger non plus le fait que la Commission s'appuie sur un document dont la copie a été établie chez ATF et au su de celle-ci; pour la requérante, il ne s'agit donc pas d'une pièce inconnue mais d'un document dont elle pouvait s'attendre à ce qu'il soit utilisé. En conséquence, il n'apparaît pas qu'il y ait eu violation des droits de la défense de la requérante bien que le cas Mammouth n'ait pas fait l'objet d'une notification particulière, et il n'est donc pas nécessaire de laisser ces faits de côté.

    Nous devons, en outre, également approuver en principe l'appréciation portée par la Commission du point de vue du droit de la concurrence. Il est certes aussi question dans le document du 20 octobre 1978 de la menace d'une «parution-presse à prix cassés» qui a pu être annulée. Mais, d'une part, cela n'a pas nécessairement le même sens que «prix d'achat» dont il est question dans la note du 15 février 1982. D'autre part, il est important que dans le passage déterminant de la première des notes précitées, il n'est fait mention que de «prix généralement pratiqués sur la ville de Toulouse» alors que rien ne permet de l'interpréter en ce sens que l'objectif recherché aurait été d'empêcher des «prix d'achat» contraires aux règles de concurrence.

    Il convient, par conséquent, de constater — et ce, sans qu'il paraisse nécessaire d'entendre des témoins sur le sens de l'accord conclu — que dans le cas Mammouth, la livraison a également été subordonnée à une condition supplémentaire dans le sens du renoncement à une certaine concurrence sur les prix et que ce cas a donc été invoqué à juste titre comme preuve d'une mise en œuvre discriminatoire du système de distribution.

    c)

    Dans le troisième cas à examiner ici, il s'agit de l'admission du distributeurIffli à Metz que nous serons encore amenés à évoquer dans un autre contexte.

    D'une part, l'admission aurait été subordonnée ici à l'accord des distributeurs déjà agréés à Metz; d'autre part, Iffli aurait dû s'engager à l'égard d'ATF de respecter les prix de vente au détail fixés par cette société.

    aa)

    A propos du premier point, nous avons l'impression que la Commission n'a pas été en mesure de prouver de manière suffisante qu'un tel point de vue — assurément inadéquat —, qui justifierait le grief d'une mise en œuvre discriminatoire du système de distribution, a été effectivement déterminant. Il est certes indiqué dans une note du 30 juin 1978 (annexe 58 à la requête) que la demande d'admission d'Iffli dans le système de distribution soulève des problèmes en raison de «l'exclusivité dont a bénéficié jusqu'à présent le Roi de la Télé» (un autre distributeur déjà agréé à Metz). Mais il est également souligné dans cette note que «l'arrivée de Darty» (une autre chaîne de détaillants importants) «à Metz fait que cette exclusivité morale ne s'impose plus ...», puis il est simplement rappelé à la fin qu'il conviendrait de rencontrer un représentant de Le Roi de la Télé «pour lui faire part de notre position et faire en sorte qu'il ne se trouve pas devant un fait accompli». Cela seul paraît aussi avoir été fait par la suite — il n'est pas question de contacts avec d'autres distributeurs agréés — dans une lettre du 11 octobre 1978 (annexe 61 à la requête) libellée comme suit: «Dans la mesure ... où certains revendeurs seraient en mesure de signer notre contrat 5 étoiles et répondraient ... aux critères que nous avons toujours recherchés, nous pourrions envisager de collaborer avec eux ...». Peu après, le 23 octobre 1978, le contrat de distribution sélective CE a d'ailleurs été sipné par Iffli.

    Une condition d'admission supplémentaire de caractère illégal sous la forme d'un droit de consultation des distributeurs déjà agréés ne semble donc pas exister dans le cas d'Iffli de sorte que ce grief ne saurait être pris en considération aux fins de l'appréciation d'ensemble du cas.

    bb)

    En ce qui concerne le deuxième aspect, la Commission se réfère à la phrase suivante de la note du 30 juin 1978: «Monsieur Iffli s'engage à respecter nos prix et nous donne l'assurance que s'il choisit Telefunken ce n'est pas pour casser la marque.»

    A ce propos, la requérante a observé qu'au regard, déjà, des formules utilisées — «casser la marque» et «nos prix» ne sauraient viser que les prix d'achat d'ATF — il ne pouvait s'agir que d'exclure une vente à des prix inférieurs au prix coûtant, c'est-à-dire un comportement contraire aux règles de concurrence. En ce sens, Iffli aurait suscité des préoccupations justifiées. Iffli aurait, en effet, déjà utilisé autrefois des marques autres que Philips pour des actions publicitaires et il aurait, en particulier à la fin de 1977, fait des offres d'appel à des prix inférieurs à son prix de revient. La société Darty, connue pour ses prix agressifs, ayant ouvert une filiale à Metz au printemps 1978, il y avait lieu de s'attendre à ce que Iffli engage avec elle une guerre des prix. Il serait apparu dès le printemps 1979 à quel point les craintes d'ATF étaient justifiées — craintes que traduisent les formulations citées — lorsque, ainsi qu'on l'a décrit en détail dans une lettre adressée par le représentant de la requérante à la Commission le 7 novembre 1980, des offres d'appel ont été effectivement faites par Iffli — des appareils Telefunken étant proposés à des prix inférieurs de 15 % aux prix normalement pratiqués.

    Il nous semble cependant que nous devrions sur ce point suivre l'interprétation de la Commission plutôt que celle de la requérante. A cet égard, il importe d'observer qu'il n'a pas été prouvé qu'Iffli avait eu avant son admission un comportement contraire — par des offres d'appel — au droit de la concurrence; à ce propos, il est également important que «casser la marque» ne signifie pas nécessairement vendre à des prix inférieurs au prix de revient. Mais il n'est notamment pas injustifié de rattacher «nos prix» à l'explication des prix de détail donnée quelques paragraphes plus haut et à la référence au fait que la politique commerciale de Telefunken était parvenue «à faire maintenir les prix de vente au détail et donc à préserver une marge convenable aux revendeurs». La Commission a d'ailleurs relevé à juste titre qu'une formulation différente aurait sans doute été choisie pour empêcher une vente au-dessous du prix coûtant. Enfin, il ne faut pas négliger le fait que l'interprétation de la Cour a été confirmée dans une lettre d'Iffli du 12 août 1980 (annexe 8 à la requête) aux termes de laquelle il aurait été expliqué à Iffli qu'il serait préférable que «la concurrence des prix s'exerce sur d'autres marques» et dans laquelle il est également souligné que les entretiens auraient porté sur le respect «de la marge imposée par Telefunken» ainsi que sur sa promesse «de ne pas provoquer de concurrence de prix sur les TV Telefunken».

    Le cas Iffli peut donc — et ce, sans autre production de preuves étant donné que la crédibilité d'Iffli mise en doute par la requérante ne revêt pas d'importance déterminante dans ce contexte — être compté parmi ceux qui font apparaître une pratique d'admission discriminatoire parce que l'admission était subordonnée à la promesse de ne pas instaurer une concurrence sur les prix de vente au détail.

    4.

    Nous en venons aux faits que la décision de la Commission résume sous l'intitulé «protection territoriale». A ce propos, il est dit d'une manière générale dans la décision qu'un territoire de vente déterminé était attribué en France à certains distributeurs sous contrat, lesquels avaient reçu l'assurance qu'ils bénéficieraient à l'intérieur du territoire attribué d'une absence de concurrence dans la distribution des produits Telefunken et, pour cette raison, l'admission sollicitée par d'autres distributeurs aurait été rejetée. Si cela devait être prouvé, il y aurait lieu de parler à cet égard également d'une mise en oeuvre illicite du système de distribution parce que nous serions en présence d'une sélection quantitative restreignant la concurrence dans un territoire déterminé que la jurisprudence interdit d'accepter. En revanche, on ne peut sans doute pas, à notre avis, ranger parmi ces cas ceux dans lesquels un fabricant renonce de lui-même, sans aucune obligation de quelque nature que se soit, à recruter de nouveaux distributeurs parce qu'il estime dans le cadre de sa stratégie de vente qu'un territoire est suffisamment approvisionné, ce que l'on peut appeler une exclusivité effective ou morale des distributeurs agréés.

    a)

    Le premier cas qui nous intéresse ici est celui de la maison de commerce Le Roi de la Télé à Metz.

    En l'occurrence, nous n'avons pas l'impression que l'existence des éléments de fait cités dans la décision — assurance d'une protection territoriale et refus de nouveaux candidats à l'admission — a été prouvée.

    Sur le premier point, la Commission n'a pu invoquer que deux lettres adressées au distributeur précité le 3 janvier 1978 (annexe 62 à la requête) et le 11 octobre 1978 (annexe 61 à la requête). Dans la mesure où la Commission a cité trois phrases de la dernière des lettres précitées, on ne peut pourtant vraiment pas en déduire que Le Roi de la Télé se serait vu garantir une protection territoriale. Cela vaut pour la remarque «notre Direction Générale de Francfort nous a impérativement donné des instructions pour ne pas limiter à l'extrême notre réseau de clientèle ...», ce qui peut être parfaitement compris dans le sens d'une restriction purement unilatérale; mais cela s'applique également à l'assurance générale «que nous nous sécurisons au maximum afin de ne pas créer l'anarchie dans notre distribution» ainsi qu'à la constatation finale «qu'il est dans notre intérêt commun de limiter les attaques que nous subissons par une certaine souplesse bien orchestrée». S'il est, d'autre part, question dans la lettre du 3 janvier 1978, de «notre souci de préserver votre position sur Metz», comme on l'aurait prouvé jusque là, il a cependant été montré — entre autres, à l'aide des autres parties de la lettre — que celle-ci constitue simplement la réaction à une plainte de Le Roi de la Télé contre le fait que le distributeur Iffli avait vendu des appareils Telefunken à Metz en profitant, en violation des règles de concurrence, d'une rupture de contrat étrangère alors qu'il n'avait pas encore été admis dans le système de distribution.

    Quant au deuxième point — refus d'admission de nouveaux distributeurs — il ne faut assurément pas tenir compte de la déclaration faite dans le premier alinéa de la lettre d'Iffli adressée à la Commission le 12 août 1980, aux termes de laquelle ATF aurait refusé d'engager des relations commerciales avec Iffli en raison de l'exclusivité accordée à Le Roi de la Télé, parce que cette déclaration se réfère aux années 1969 à 1972, c'est-à-dire une période à laquelle le système de distribution qui nous intéresse en l'espèce n'existait pas encore. Dans ce contexte, il convient d'attacher également de l'importance à la lettre déjà mentionnée du 11 octobre 1978 qui traduit d'une manière générale le fait qu'ATF était disposé à admettre dans le système de distribution tout commerçant qui remplit les critères du commerce spécialisé. Mais, lorsqu'il est fait référence à la manière dont Iffli a été traité par la suite, il n'est pas seulement essentiel qu'il ait été effectivement admis comme distributeur; d'après la description du déroulement des négociations (voir la lettre de la requérante à la Commission du 18 septembre 1980), on ne peut pas affirmer non plus que son admission ait été abusivement retardée. Enfin, on ne peut pas non plus négliger le fait — et cela plaide très clairement contre la thèse de la Commission — que longtemps avant qu'Iffli eût présenté un demande d'admission, non seulement les magasins de la FNAC et d'Atlas mais également une filiale de Darty avaient été admis à Metz sur la base d'une inspection individuelle. En ce qui concerne ces distributeurs, la Commission n'a pas pu prouver non plus que leur admission avait été refusée le plus longtemps possible; dans leur cas, il n'est d'ailleurs pas question non plus d'une tentative d'influencer la concurrence par l'assurance d'une certaine fixation de prix.

    b)

    Citons par ailleurs le cas «Lama».

    La Commission se borne, en l'occurrence, à invoquer une lettre du 23 octobre 1978 (annexe 14 au mémoire en défense) dans laquelle il a été déclaré, en réponse à une plainte de Lama contre le fait que des chaînes de détaillants (Direct et Cart Expert) opéraient dans le territoire de vente de Lama avec le consentement d'ATF, que la distribution par des grossistes ne pouvait pas être comparée avec la distribution par des détaillants, et dans laquelle il était ensuite encore constaté que «lorsqu'il s'agit des grossistes, il est normal, quoique cela devienne illégal dans le cadre de la circulaire Scrivener, que nous nous accordions une exclusivité de fait sur un territoire donné.»

    A notre avis, cela ne prouve pas davantage qu'une «exclusivité de fait» au sens précédemment décrit, ce qui signifie qu'ATF n'a pas cherché, de sa propre initiative, à solliciter de nouveaux grossistes dans le territoire de vente de Lama. En tout état de cause, il n'a pas été montré que d'autres commerçants intéressés par la distribution ont été exclus par égard pour Lama et il nous semble donc que ce cas ne permet pas de prouver une sélection quantitative pratiquée par la requérante.

    c)

    Les deux autres cas évoqués dans ce contexte (Radio du Centre et Schadroff) portent — en tout cas d'après l'exposé des motifs de la décision — sur un autre aspect de la protection territoriale; mais nous les examinerons néanmoins ici en raison de la connexité des faits.

    aa)

    Une lettre qu'ATF a adressée le 2 mars 1978 à Radio du Centre (annexe 13 du mémoire en défense) joue un rôle dans le premier cas. Il y est question des «accords de 1977 en ce qui concerne l'attribution de votre zone d'activité pour notre marque». Il y est par ailleurs déclaré qu'en raison de l'évolution des affaires, «une exploitation conjointe de votre société et de celle de la SNER, votre confrère de Roanne» paraît justifiée, et une modification correspondante des zones d'activité a été entreprise pour 1978 en ce sens que — abstraction faite des territoires qui devaient être considérés comme «zone d'activité» de Radio du Centre — une zone (la Corrèze) devait être exploitée conjointement avec Cleis France et une autre (le-Puy-de-Dôme) conjointement avec la SNER.

    Il s'agit donc ici non pas du refus de candidats et d'une sélection quantitative mais de la détermination des zones d'activité d'un grossiste et de leur modification.

    Cela semble devoir être compris en ce sens que l'admission dans le système de distribution s'accompagne d'une délimitation des zones d'activité qui a pour effet que chaque grossiste s'en tient à la zone qui lui est attribuée et s'abtient, en conséquence, d'exercer une concurrence dans d'autres zones. On conçoit aisément que cela puisse être contesté parce qu'il s'agit d'un comportement lié au système de distribution. Lorsque la requérante fait observer à cet égard qu'il s'agit simplement de déterminer des centres de distribution régionaux dépourvus de droits d'exclusivité parce qu'elle est tout à fait en mesure d'attribuer des parties de telles zones à d'autres distributeurs, on ne peut pas seulement lui opposer à ce propos qu'il est explicitement question d'accords dans les lettres invoquées. Le comportement décrit pourrait sans doute aussi être appréhendé dans le sens de l'instauration d'une pratique concertée et il est donc critiqué à juste titre par la Commission d'autant qu'il n'a pas été possible de démontrer que les délimitations ont été sans importance en pratique et que les distributeurs n'en ont pas tenu compte.

    Le fait que la Commission ait inclus le cas de Radio du Centre dans sa décision, ne peut donc pas être considéré d'emblée comme injustifié.

    bb)

    La situation est analogue — si l'on s'en tient aux faits mentionnés dans l'exposé des motifs de la décision — dans le cas Schadroff (point 35 de la décision).

    La Commission se réfère à cet égard à une lettre du 13 avril 1979 (annexe 15 au mémoire en défense). Cette lettre se fonde apparemment sur une plainte de Schadroff contre le fait qu'un grossiste de Marseille avait fait des offres dans la zone d'activité de Schadroff. A ce sujet,

    il est indiqué qu'ATF serait «intervenu auprès du grossiste de Marseille pour qu'il ne continue pas sur votre secteur à faire de telles propositions (parole vous a d'ailleurs été donnée dans ce sens)». A la fin de la lettre, il est ensuite encore précisé que Schadroff pouvait considérer qu'il avait «l'avantage d'avoir sur un territoire donné une exclusivité de fait que nous avons toujours défendue et nous vous en avons très souvent donné la preuve».

    Il est effectivement permis de supposer que cela repose sur un accord sur la délimitation de zones d'activité dans le sens évoqué précédemment. La Commission l'a donc également contesté à juste titre dans le cadre de l'examen de la mise en œuvre du système de distribution, d'autant que l'idée s'impose que la délimitation des zones d'activité a pu être assurée efficacement par la requérante, à tout le moins en suscitant une entente entre les grossistes intéressés. C'est pourquoi il importe peu, en définitive, de savoir si une pression — assurément inadmissible — a été exercée sur le grossiste à Marseille, notamment par la menace d'une rupture des relations commerciales.

    En revanche, la Commission n'est pas parvenue, à notre avis, à prouver également — ce dont il n'a d'ailleurs été question qu'au cours de la procédure juridictionnelle et non pas dans la communication des griefs et dans la décision elle-même — qu'une sélection quantitative sous la forme du refus de livrer un autre distributeur avait été pratiquée sur le territoire de Schadroff. La requérante a déjà précisé dans sa prise de position sur la communication des griefs en se référant tant à l'activité de chaînes de succursales dans le territoire considéré qu'à une lettre de Schadroff du 7 novembre 1977, que Schadroff ne bénéficiait pas, de toute façon, d'une exclusivité absolue. Comme vous le savez, la Commission complète son argumentation en invoquant une lettre qu'ATF a adressée aux établissements Chapel le 23 mai 1977 en réponse à une demande de ceux-ci (annexe 12 partie A au mémoire en défense). Il y est rappelé qu'ATF travaille dans le département concerné depuis quinze ans avec le grossiste Schadroff, que ce dernier distribue exclusivement les téléviseurs couleur Telefunken, et Chapel est enfin invité à s'adresser à cette société.

    A ce sujet, il faut cependant se souvenir de ce que la requérante a exposé — sans que cela ait été sérieusement mis en doute ni réfuté — dans sa prise de position sur la communication des griefs. Ainsi, les établissements Chapel ne se sont apparemment intéressés en mai 1977 — alors qu'ils exploitaient seulement un commerce de détail — qu'aux conditions de vente et ATF y a sans doute réagi à juste titre d'une manière négative parce qu'un intérêt à l'achat n'était pas perceptible. Ce n'est qu'en avril 1978 que devait intervenir la création d'une société de commerce de gros sous le nom Semavem. En septembre, celle-ci aurait fait une commande unique d'un genre inhabituel — un appareil de chaque type — et publié immédiatement après des publicités pour tous les appareils commandés. Cela et la poursuite de l'action, bien que l'huissier eût constaté que la Semavem ne disposait pas des appareils annoncés dans sa publicité, ont été considérés par la requérante comme une violation des règles de concurrence (offres d'appel) et c'est la raison pour laquelle elle n'aurait ni contresigné le contrat de distribution ni, en conséquence, admis la Semavem dans le système de distribution.

    Compte tenu de cette situation que la Commission s'est abstenue d'examiner davantage, on ne saurait effectivement partir de l'idée que la non livraison des établissements Chapel et de la société de commerce de gros que celle-ci a fondée par la suite, constitue une preuve suffisante de l'existence d'une exclusivité garantie à Schadroff et de l'application d'une sélection quantitative dans sa zone d'activité.

    5.

    L'examen des cas d'espèce cités dans la décision ayant montré que seule une partie d'entre eux permet de parler d'une mise en œuvre illicite du système de distribution, nous en venons à présent au paragraphe de l'exposé des motifs de la décision qui a trait à la politique générale de la requérante et où la Commission tente, à l'aide de documents de portée générale, de mettre en évidence des indices d'une mise en œuvre irrégulière du système de distribution. A cet égard, nous distinguerons — comme dans la décision — entre la «phase d'introduction», la politique générale de distribution en Allemagne et la politique générale de distribution en France.

    a)

    La phase d'introduction

    La Commission a invoqué à cet égard quatre documents dont il résulterait qu'ils annoncent l'intention de principe de ne pas approvisionner les distributeurs qui pourraient menacer de niveau de prix recherché par la requérante, documents qui feraient donc conclure à l'application de critères de sélection autres que purement qualitatifs.

    aa)

    Parmi ces documents, n'a pas, à notre avis, force probante, la note du 7 septembre 1973 — produite à la demande de la Cour comme annexe 3 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982 — intitulée «système de distribution sélective CEE/réflexions sur un colloque tenu à Berlin le 31 août 1973» et dans laquelle il est dit: «le négociant ... doit être assuré d'une marge bénéficiaire minimale. Pour garantir celle-ci, il existe deux possibilités:

    a)

    l'industrie livre ces produits à des prix qui garantissent au commerce la marge qui lui revient ou

    b)

    l'industrie veille à ce que les produits n'entrent pas dans des circuits qui n'ont pas besoin de cette marge bénéficiaire élevée. Nous songeons aux magasins cash and carry, qui cassent les prix et mettent en danger l'existence du commerce spécialisé.»

    Nous attachons ici moins d'importance au fait que l'utilisation du mot «réflexions» vise des considérations non contraignantes, qu'il ne s'agit pas d'un document de la direction de TFR, qu'il date d'une période à laquelle le système de distribution n'était pas encore notifié et à laquelle la requérante n'avait pas encore pris de décision définitive à cet égard, et qu'il n'y est pas dit que de tels distributeurs ne seraient pas admis même s'ils remplissaient les critères du commerce spécialisé. Ce qui importe, surtout, c'est qu'il soit précisé dans une phrase précédant celle que nous venons de citer: «les produits Telefunken actuels et, plus encore, les produits futurs qui nécessiteront une information spécifique, exigent du négociant un énorme investissement en capital sous forme de frais de représentation, de démonstration, de service, de personnel spécialement formé.» Cette phrase est alors suivie de la constatation — pertinente au regard de l'arrêt Metro ( 12 ) — que le commerce doit à cet égard être assuré d'une marge bénéficiaire minimale. Lorsqu'il est ensuite affirmé à propos des magasins cash and carry, c'est-à-dire de magasins en règle générale dépourvus d'un service après-vente, qu'ils ne devraient pas être approvisionnés, ce point doit être appréhendé à la lumière de la constatation qu'ils n'ont pas besoin de «cette marge bénéficiaire élevée». Cela ne fait qu'exprimer l'idée qu'ils ne fournissent pas de prestations particulières et qu'ils ne remplissent donc pas les critères qui sont à cet égard considérés à juste titre comme déterminants (représentation etc.). Or, sous cet angle, l'exclusion générale de tels distributeurs de l'organisation particulière du système de distribution sélective, ne soulève certainement pas d'objections.

    bb)

    Une conclusion analogue vaut apparemment aussi pour les déclarations du bureau de vente de Munster du 22 septembre 1975 sur la politique de distribution (produites comme annexe 3 à la duplique) dans lesquelles il était observé, à propos des hypermarchés, qu'ils s'orientaient également, dans une certaine mesure, vers l'aménagement de rayons spécialisés, mais où il était également affirmé que l'on cherchait à neutraliser ces catégories d'acheteurs.

    Nous ne tenons certes pas vraiment pour déterminant ce que la requérante a exposé — en s'appuyant sur des citations extraites de dictionnaires — à cet égard, à savoir que les magasins cash and carry, les hypermarchés, les grands magasins en libre service et les magasins discount ne satisfont pas, déjà sous l'angle du langage courant, aux conditions exigées d'un détaillant spécialisé, parce que cela n'exclut naturellement pas que les critères du commerce spécialisé puissent être néanmoins remplis dans un cas particulier. En revanche, on attachera plutôt de l'importance au fait que la note émane d'un bureau de vente qui ne pouvait évidemment pas fixer de manière contraignante la politique de TFR, et qu'une grande entreprise comme celle de la requérante ne doit assurément pas se voir opposer toutes les déclarations de ses collaborateurs, même si elles n'ont pas été contredites. En outre, il n'est pas défendable qu'une telle affirmation de principe de caractère interne, qui peut tout au plus fonder une certaine présomption, puisse être considérée comme suffisante pour reconnaître l'existence d'une mise en œuvre illicite du système de distribution. Si l'on y attache une sanction, il serait alors nécessaire de prouver — et cela n'a pas été le cas — que l'affirmation de caractère interne a été également mise en pratique. Au contraire, le fait qu'aucun hypermarché n'ait été exclu illégalement n'est pas seulement apparu lors de l'examen des cas particuliers. En produisant deux lettres adressées en 1976 à des hypermarchés allemands, la requérante a aussi démontré qu'elle était en principe disposée à admettre également de tels distributeurs dans le système de distribution; elle a par ailleurs montré à ce sujet (prise de position sur la communication des griefs, p. 38 et suiv.) qu'un nombre considérable de ces distributeurs ont été admis en Allemagne (7), en France (6), aux Pays-Bas (7) ainsi qu'en Belgique (2) et ce, sans que l'on ait pu prouver ici dans tous les cas la tentative d'exercer une influence sur les prix.

    cc)

    Ainsi, l'essentiel sera en fait également dit à propos d'une note du 5 juillet 1976 relative à un entretien du 21 juin 1976 sur la politique de distribution (annexe 24 au mémoire en défense). Si l'on y a retenu, sous le point 1, à propos d'une discussion sur diverses conceptions de la politique des ventes, l'approche suivante:

    «Poursuite de notre politique actuelle, c'est-à-dire division de notre programme de livraison en deux parties, la première consistant dans un programme libre, accessible à tous les intermédiaires de notre secteur, et l'autre dans un programme lié qui, étant donné qu'il nécessiterait l'organisation d'un service de conseil à la clientèle et d'un service après-vente (par exemple téléviseurs couleur et appareils hi-fi) ne serait accessible qu'au commerce de détail et de gros traditionnels»,

    on peut tout au plus en conclure — en faisant abstraction du fait qu'au début de ce document, il est question d'une manière tout à fait générale de «l'orientation conséquente que nous avons donnée ces dernières années à notre politique de distribution, au sens des critères fixés dans notre système de contrats à distribution sélective» — qu'une politique de vente, telle qu'elle est définie dans la citation, a été déterminée dans son principe. Mais on ne peut certainement pas affirmer — nous renvoyons à nos développements sur le document du 22 septembre 1975 — que cela prouve que seuls le commerce de détail et le commerce de gros traditionnels sont approvisionnés, les nouvelles formes de distribution n'étant en aucun cas admises.

    dd)

    Les arguments de la requérante sur les «directives concernant le système de distribution sélective» du 8 octobre 1973 — c'est-à-dire un document qui a été également élaboré avant la notification du système de distribution et sa mise en œuvre effective et qui, par conséquent, ne peut en principe fournir aucune indication sur sa mise en pratique, nous paraissent enfin également convaincants.

    On y lit (voir annexe A au mémoire de la requérante du 24 février 1983), après l'invitation de principe à vérifier soigneusement si tous les critères du contrat de distribution sont remplis :

    «En outre, pour ce qui est de magasins à succursales multiples, il est possible que certaines succursales remplissent toutes les fonctions requises du commerce spécialisé, mais non l'ensemble de l'entreprise. Ces succursales ne devront, en principe, pas être approvisionnées elles non plus. Mais dans le cas où vous vous heurteriez à des difficultés particulières et où une livraison de produits sous contrat aux rayons spécialisés de ces entreprises paraîtrait opportune, nous vous demandons de ne mener les négociations qu'après concertation préalable avec Hanovre.»

    Nous pensons comme la requérante que le principe de la non livraison n'est pas contestable dans de tels cas en raison du risque de voir des produits sous contrat remis à des filiales qui ne remplissent pas les conditions, ce qui peut porter préjudice à la réputation de la marque par un traitement inapproprié des produits. Mais, lorsqu'une concertation préalable avec la centrale de TFR est exigée dans des cas dans lesquels une livraison est néanmoins considérée comme opportune, cela ne devrait pas soulever d'objections — en ce sens, la requérante a pu se prévaloir d'un arrêt rendu par le Bundesgerichtshof le 30 juin 1981 — parce que la centrale dispose d'une meilleure vue d'ensemble quant à la question de savoir si d'autres succursales que celles pour lesquelles la livraison est envisagée remplissent les critères du commerce spécialisé et s'il est garanti que la marchandise ne sera pas remise à des succursales qui ne remplissent pas les conditions requises.

    ee)

    On retiendra donc comme résultat intermédiaire que les documents invoqués dans le paragraphe «phase d'introduction» ne peuvent pas, à eux seuls, contribuer d'une manière décisive à étayer le grief de la mise en œuvre illicite du système de distribution.

    b)

    Sous l'intitulé «politique générale de distribution», la Commission se réfère ensuite au compte rendu du 25 mai 1976 concernant une réunion de chefs de vente (produit par la Commission à la demande de la Cour comme annexe 4 à son mémoire du 16 décembre 1982).

    Il y est dit, d'une part: «les grands magasins manifestent une certaine hostilité à l'égard de la distribution sélective. Les décisions à cet égard ont pu jusqu'à présent être reportées”. Par ailleurs, le compte rendu évoque le fait qu'en cas de libération du système de distribution, les chefs de vente s'attendent à des effets négatifs (commerce spécialisé): ils estimeraient, cependant, qu'une telle évolution est inévitable à terme. Enfin, il est encore indiqué à la page 5:

    «afin d'éviter qu'une confrontation ne soit provoquée par un comportement trop rigide à l'égard des grands magasins, les principes suivants ont été adoptés:

    Fixation de critères qualitatifs pour les grands magasins.

    Si seuls certains établissements de chaînes d'hypermarchés remplissent les conditions, la firme concernée doit accepter le principe de la sélection.

    Les grands magasins sont sélectionnés dans le cadre d'une concertation étroite entre le bureau et TFR.

    Les principaux groupements du commerce spécialisé sont tenus au courant par TFR. Si les négociations devaient se heurter à l'incompréhension des groupements, il faudrait logiquement agir en justice pour préserver le système de distribution sélective.”

    Eu égard aux termes de ce document, il y a sans doute lieu de reconnaître qu'il a, en principe, été apprécié à bon droit par la Commission dans le sens du grief qu'elle a formulé, dans la mesure où il révèle que l'on a apparemment refusé jusque-là d'examiner dans le cas des grands magasins l'existence des critères du commerce spécialisé et que la libération du système de distribution à l'égard des grands magasins était considérée comme inévitable seulement «à terme». Cela traduit indubitablement une mise en œuvre irrégulière du système de distribution et confère donc, à tout le moins dans ce contexte, une certaine importance aux documents précités du 22 septembre 1975 et du 5 juillet 1976.

    Il convient certes également d'ajouter qu'il ne paraît guère possible de déduire du compte rendu invoqué toutes les conditions nécessaires pour appliquer l'article 85 et, notamment, infliger une amende. En effet, il ne fournit aucune indication — et, à cet égard, la Commission n'a pas non plus mené d'autres investigations — sur l'étendue de la discrimination pratiquée à l'égard des grands magasins, puisqu'on conçoit difficilement que tous les grands magasins entrant en ligne de compte remplissaient les critères du commerce spécialisé et étaient également intéressés à la distribution des appareils Telefunken.

    Le compte rendu invoqué semble par ailleurs soulever des réserves en raison de l'accord mentionné à la page 5, d'une part, dans la mesure où il est question de la fixation de critères qualitatifs pour les grands magasins — ce qui annonce la fixation de critères supplémentaires — d'autre part, en ce qui concerne l'information des principaux groupements du commerce spécialisé et la nécessité, en cas d'incompréhension de leur part, d'agir en justice pour préserver le système de distribution. Même en supposant que cela ne signifie pas — comme la requérante l'a souligné — que le commerce spécialisé devait être informé de chaque demande d'admission d'un grand magasin, il y a cependant lieu, à la lumière de l'ensemble du contexte, de partir de l'idée que les chefs de vente après avoir informé d'une manière générale le commerce spécialisé du contenu de l'accord et en cas de réserves émises par les groupements précités — se sentaient obligés d'en tenir compte et de prendre le risque d'engager des procédures judiciaires portant sur l'admission de grands magasins. Il en résulte, semble-t-il, — que l'on qualifie cela ou non de droit de consultation accordé aux groupements du commerce spécialisé, ce qui est, sans doute, quelque peu excessif — que l'admission de grands magasins a été rendue plus difficile et retardée en cas de réaction correspondante des groupements du commerce spécialisé, et cela semble également traduire une mise en œuvre discriminatoire du système de distribution.

    La requérante a cependant rétorqué à ce propos qu'il ne s'agissait que de propositions faites par les chefs de vente à la direction et elles n'auraient en vérité jamais été mises en pratique. Nous ne pouvons pas purement et simplement ignorer cette affirmation d'autant plus qu'aucun autre document n'apporte la preuve d'une telle démarche. A cet égard, il ne suffit pas non plus d'observer — comme la Commission l'a fait — qu'il s'agissait d'accords entre les chefs de vente parce qu'un tel accord de volonté ne permet naturellement pas non plus de surmonter un défaut de compétence. II aurait donc été nécessaire de procéder à des investigations supplémentaires sur le sort qui a été réservé aux idées développées et sur leur mise en pratique effective avant de conclure en faveur d'une procédure administrative entraînant une amende. Faute de cela, il y a sans doute lieu de ne pas tenir compte en l'espèce de la partie du compte rendu dans laquelle il est question d'un accord entre les chefs de vente, et on peut donc retenir, en ce qui concerne le grief tiré de la politique générale de distribution en Allemagne, qu'il s'appuie tout au plus sur des preuves dont la valeur est très limitée.

    c)

    Au sujet de la politique générale de distribution suivie en France, la Commission a par ailleurs invoqué une série de documents que nous devons d'abord examiner ici sous l'angle de l'admission discriminatoire — nous reviendrons par la suite sur la politique des prix.

    aa)

    Il convient d'abord de mentionner la note du 7 juillet 1977 (annexe 25 au mémoire en défense) dans laquelle il est exposé que la politique de distribution ne devait pas être modifiée, et dans laquelle il est par conséquent demandé à la Sedif (un grossiste apparemment admis dans le système de distribution) «de ne pas livrer notre matériel dans les grandes surfaces (Hyper — Carrefour — Conforama etc.)». La requérante a estimé à ce sujet que ce document manquait de pertinence pour deux raisons. D'une part, il n'aurait pas été mentionné dans la communication des griefs et, d'autre part, il serait établi que les «grandes surfaces» nommément citées — faute d'être intéressées par la distribution d'appareils TFR — n'étaient pas admises dans le système de distribution et ne pouvaient donc pas être livrées.

    En ce qui concerne le premier argument, ce que nous avons déjà exposé dans le cas Mammouth s'applique, à notre avis, également en l'espèce. Ce qui importe, c'est que la politique d'ATF en matière d'admission des grands magasins ait été critiquée d'une manière générale dans la communication des griefs. A cet égard, le document qui nous intéresse ici et dont la requérante savait que la Commission en avait établi une copie dans le cadre de la procédure engagée contre elle, ne constitue qu'un complément de preuve au sens de la jurisprudence précitée. C'est pourquoi il pouvait, sans aucun doute, être utilisé dans la procédure engagée contre la requérante, sans que l'on puisse parler d'une violation des droits de la défense.

    Quant à la deuxième partie de l'argument, il n'a certes pas été possible de réfuter que les trois «grandes surfaces» citées — parce qu'elles n'étaient pas encore admises dans le système de distribution — ont été exclues à juste titre de la livraison. Mais, on ne peut pas méconnaître le fait que la note va au-delà et comporte une interdiction générale de livrer les grandes surfaces. A cet égard, la critique de la Commission est donc certainement justifiée d'autant que rien ne permet de supposer que le terme «grandes surfaces» ne vise que les grandes surfaces alimentaires dépourvues de rayons spécialisés, et qu'au regard d'autres documents produits au cours de la procédure, on ne saurait affirmer d'une manière générale de ces formes de commerce qu'elles ne remplissent en aucun cas les conditions d'admission (voir, par exemple, la note examinée ci-après du 5 janvier 1978 — annexe 6 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982).

    bb)

    La note du 5 janvier 1978 que nous venons de mentionner et qui a trait au projet ATF pour 1978, revêt également de l'importance. Elle comporte, d'une part, des commentaires sur la structure des commerçants travaillant pour ATF sur le marché français — les magasins discount ne représentaient en 1977, pour une part de marché de 7 %, que 0,5 % des commerçants ATF — ce qui justifiait la constatation que le pourcentage de magasins discount (grandes surfaces) est extrêmement faible dans le cas d'ATF. La note indique par ailleurs: «ATF a été assailli ces derniers temps de demandes de plus en plus pressantes de magasins discount. Ces demandes ont été rejetées jusqu'à présent. Toute collaboration doit absolument être évitée également en 1978.»

    Rien de substantiel n'a pu être exposé à cet égard par la requérante. Ce document a donc été invoqué à bon droit par la Commission comme preuve d'une politique d'admission restrictive pratiquée par la requérante à l'égard des magasins discount; car rien dans ce document n'indique qu'une suite négative a été donnée aux demandes mentionnées en raison de l'absence des critères du commerce spécialisé et il n'est pas non plus précisé que la politique projetée pour 1978 devait seulement concerner les cas dans lesquels les magasins discount ne remplissaient pas les critères d'admission.

    cc)

    Il en va de même pour le document du 1er septembre 1978 (annexe 7 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982) cité en troisième lieu, dans lequel il était affirmé à propos du marché français que «les magasins purement discount n'ont délibérément pas été approvisionnés pour des raisons de maintien des prix», ce qui prouve que la politique pour 1978 envisagée dans la note du 5 janvier 1978 a été effectivement réalisée.

    Lorsque la requérante a déclaré à ce propos que la phrase précitée devait seulement être comprise en ce sens qu'elle n'a pas cherché activement à recruter ces distributeurs, on peut lui opposer non seulement la note du 5 janvier 1978 mais également le fait qu'aucun elément de la lettre du 1er septembre 1978 ne vient étayer l'interprétation de la requérante.

    dd)

    Enfin, il convient encore de mentionner la lettre du 12 janvier 1979 (annexe 8 à la réplique) dans laquelle il est dit à propos des nouveaux circuits de distribution, que compte tenu de l'importance considérable qu'ils ont acquise, il est prévu dans la planification à moyen terme d'accélérer l'ouverture graduelle de la politique des circuits de distribution.

    On ne peut effectivement qu'y trouver une confirmation de l'idée qu'une politique d'admission restrictive («ouverture graduelle») avait été appliquée jusque là et que l'ouverture n'a été accélérée que par la suite. La preuve en est d'ailleurs également fournie par la lettre du 26 octobre 1978 adressée par ATF à TFR (annexe 75 à la requête) dans laquelle il est constaté que «la situation juridique nous contraint de souscrire des contrats avec tous les partenaires qui remplissent les critères objectifs», d'où il résulte que la politique d'admission discriminatoire n'a apparemment été abandonnée qu'en automne 1978.

    cc)

    En résumé, nous pouvons donc retenir que la politique générale de distribution menée en France était effectivement marquée jusqu'a la fin de 1978 par une application irrégulière du système de distribution. II faut certes également ajouter dans ce contexte que nous ne savons pas dans quelle mesure des magasins purement «discount» — pour autant qu'ils remplissaient les conditions du commerce spécialisé — étaient somme toute intéressés par la distribution de produits Telefunken et les documents de caractère général ne permettent donc en aucun cas de porter un jugement sur l'étendue de la discrimination critiquée, jugement auquel on peut cependant difficilement renoncer pour apprécier le comportement de la requérante.

    IV — Influence exercée sur la formation des prix des distributeurs agréés

    Nous en venons à présent, dans une nouvelle partie de notre analyse, à la critique portant sur la mise en œuvre du système de distribution dans le but d'influencer les prix de marché.

    Le point de départ de la Commission est tout à fait clair: à son avis, les systèmes de distribution sélective se situent à la limite de ce qui est admis par le droit des ententes parce que la concurrence sur le plan commercial à l'intérieur d'une même marque (concurrence «intra-brand») est restreinte par le fait que tout intermédiaire n'est pas admis à la distribution. Elle en déduit — pour que la mise en œuvre de tels sytèmes de distribution ne tombe pas sous le coup d'objections fondées sur l'article 85 — la règle absolue en vertu de laquelle des distributeurs agréés ne doivent subir aucune influence dans la fixation des prix. Cette liberté lui paraît à maints égards entravée dans l'application pratique du système de distribution de Telefunken: par des accords de nature verticale ou horizontale, par un comportement concerté, par des «gentleman's agreements» mais également par des actions unilatérales de la requérante allant des recommandations de prix aux injonctions — s'accompagnant de pressions dissimulées — en vue de la fixation des prix en passant par les pourparlers intensifs sur les prix. Gardant en mémoire la mission, définie dans l'arrêt rendu dans l'affaire 26/76 ( 13 ), de veiller à ce que la rigidité de la structure des prix ne soit pas renforcée, elle a estimé devoir critiquer explicitement les influences exercées sur la fixation des prix dans le cas d'appareils Telefunken parce que cela aurait abouti à diminuer la concurrence sur les prix qui avait déjà été restreinte par l'exclusion de certains distributeurs particulièrement agressifs.

    Étant donné que dans ce contexte également, la décision, d'une part, invoque une série de cas particuliers et, d'autre part, s'efforce de prouver à l'aide de documents de portée générale, l'existence d'une politique générale tendant à assurer des prix et des marges commerciales élevées, il semble opportun de subdiviser de nouveau notre analyse — comme dans la première partie — de manière que nous examinions d'abord les cas particuliers cités dans les différents pays et que nous nous penchions ensuite sur la politique générale de distribution suivie dans les pays en question.

    1. Influence exercée sur les prix en France

    a) Les cas particuliers invoqués

    aa) Le cas Auchan

    Il est déjà clairement apparu dans un autre contexte, que l'admission d'Auchan dans le système de distribution avait été subordonnée à l'engagement de suivre les recommandations de prix d'ATF et de ne pas appliquer des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans la ville concernée (voir la note du 20 octobre 1978). Nous sommes donc en présence d'un véritableaccord étroitement lié au système de distribution et cela a donc été critiqué à juste titre — d'autant qu'il n'a pas pu être démontré qu'il s'agissait uniquement d'exclure des prix contraires aux règles de concurrence — également du point de vue de l'influence exercée sur la concurrence sur les prix.

    En revanche, l'argumentation de la requérante selon laquelle Auchan n'aurait par la suite jamais respecté l'engagement pris, manque de pertinence parce qu'il suffit aux fins de l'application de l'article 85 qu'une restriction de la concurrence soit le but recherché, ce qui vaut certainement dans le cas d'une concertation. Les indications de la requérante quant au fait qu'Auchan aurait persisté à faire des offres à prix minimum et à «prix barrés» (page 86 de la prise de position sur la communication des griefs), que la différence entre les prix annoncés et les prix d'achat nets aurait été si faible que la marge restante n'aurait pas permis de couvrir des prestations supplémentaires (délai de paiement et garantie) annoncées et que d'autres fabricants auraient critiqué, comme le révèle une lettre de Thomson-Brandt du mois d'avril 1980, les offres d'appel d'Auchan, ne peuvent donc tout au plus revêtir de l'importance que pour l'appréciation de l' étendue de la violation des règles de concurrence, étant entendu qu'il importe également à cet égard que, comme la requérante l'a exposé à la page 85 de la prise de position sur la communication des griefs, les relations commerciales ne se sont en fait normalement développées qu'à partir de la fin de 1979.

    bb) Le cas Mammouth

    Ce cas se présente d'une manière analogue. En l'espèce aussi, la promesse, mentionnée clans la lettre du 20 octobre 1978, de respecter les prix pratiqués à Toulouse, promesse qui suppose l'accord de s'abstenir d'une concurrence sur les prix, revêt une importance déterminante. La Commission l'a également critiqué à juste titre du point de vue de l'influence exercée sur les prix dans le cadre du système de distribution. Si la requérante a déclaré à cet égard (page 33 de la requête) que la politique des prix de Mammouth été très agressive après son admission dans le système de distribution — sans que ATF ne l'ait contesté — cela peut tout au plus revêtir de l'importance aux fins de l'appréciation des effets produits par l'accord intervenu.

    cc) Le cas Iffli (Metz)

    De l'avis de la Commission, trois éléments de fait jouent un rôle en l'espèce: d'une part, Iffli se serait engagé lors de son admission dans le système de distribution à respecter les prix de détail indiqués par ATF (voir note du 30 juin 1978); d'autre part, la requérante aurait suscité un accord sur une politique de prix fixes entre Iffli et deux autres distributeurs à Metz (Le Roi de la Télé et Darty); enfin, Iffli aurait affirmé le 12 août 1978 que des représentants d'ATF auraient indiqué que des revendeurs de la région de Paris et d'autres régions de France étaient convenus de s'abstenir d'exercer une concurrence sur les prix des appareils Telefunken.

    Sur le premier point, il y a lieu de reconnaître que la Commission critique à bon droit une telle mise en œuvre du système de distribution parce qu'elle aboutit à une restriction de la concurrence sur les prix.

    Quant aux deux autres points, en revanche, la procédure a fait apparaître de bonnes raisons de ne pas suivre la Commission.

    Sur le premier point, il convient certes de reconnaître qu'il est dit dans la note du 30 juin 1978: «Il vaut mieux trouver un arrangement de politique des prix maintenus sur la ville de Metz entre Le Roi de la Télé, Iffli et Darty ...», et qu'Iffli a exposé dans sa lettre du 12 août 1980 que d'après les déclarations des représentants d'ATF, Darty et Le Roi de la Télé seraient d'accord pour ne pas exercer de concurrence sur les prix pour les appareils Telefunken. Or, à cet égard, la requérante n'a pas seulement insisté sur le fait que la proposition mentionnée dans la lettre du 30 juin 1978 n'avait pas été retenue et qu'aucun accord sur les prix suscité par ses soins n'était intervenu entre les trois distributeurs cités. Elle a également rappelé que la société Darty, une entreprise disposant d'un chiffre d'affaires très important et pratiquant des prix agressifs, ne pouvait manifestement pas être intéressée par un tel accord, lequel n'aurait donc pas eu de sens non plus parce qu'il existe à Metz encore deux autres détaillants qui auraient veillé à ce que la concurrence sur les prix existe. Il aurait donc été opportun d'examiner davantage cette situation — par exemple, en interrogeant les distributeurs intéressés. En tout cas, sur la base des documents dont nous disposons et eu égard à la demande — se référant au manque de crédibilité d'Iffli — présentée par la requérante au cours de la procédure administrative et tendant à adresser une demande formelle d'information à Iffli, ce qui n'a pas été fait, on ne saurait considérer que des preuves suffisantes ont été fournies à l'appui du grief selon lequel la requérante aurait favorisé un accord sur les prix de type horizontal.

    En ce qui concerne le troisième point, la requérante a expliqué avec insistance que la déclaration d'Iffli était dénuée de tout fondement et elle a également attiré l'attention sur des indices révélant le manque de crédibilité d'Iffli (voir la lettre du 7 novembre 1980 adressée à la Commission). Les déclarations d'Iffli, qui ont été faites sans demande formelle d'information et en raison desquelles la confrontation exigée par la requérante (voir sa lettre du 18 septembre 1980) n'a pas eu lieu, peuvent donc difficilement être considérées comme une base suffisante pour le grief soulevé par la Commission.

    Seule la critique portant sur le premier élément de fait cité s'avère donc justifiée en ce qui concerne Iffli. Lorsque la requérante évoque par ailleurs le chiffre d'affaires très modeste qu'Iffli a réalisé avec les appareils Telefunken au cours des années 1978 et 1979, ainsi que l'absence de commandes à partir de 1980 (prise de position sur la communication des griefs, page 89 et requête page 98) et lorsqu'elle invoque également le fait qu'en réalité, Iffli n'a pas respecté l'accord mentionné dans la lettre du 30 juin 1978 — ce qui est prouvé par des constatations officielles relatives aux offres d'appel faites avec des prix Telefunken très bas (voir la note du 26 mars 1979, annexe 60 à la requête) — cela revêt tout au plus également de l'importance aux fins de l'appréciation des effets produits par la violation constatée des règles de concurrence.

    dd) D'autres cas français

    S'il s'agissait, en substance, dans les cas des trois distributeurs que nous venons d'examiner, d'accords conclus lors de l'admission dans le système de distribution, les trois autres cas qu'il reste encore à évoquer dans ce conteste ont trait à des actions visant à exercer une influence sur les prix après l'admission dans le système de distribution.

    i)

    En l'occurrence, l'intérêt se porte d'abord sur une lettre d'ATF du 26 mai 1978 (annexe 9 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982) dans laquelle il est question d'un«engagement pris par la société Darty», à propos de trois types d'appareils de télévision, «de remonter ses prix de vente au 31 mai 1978», engagement qui a été pris à la suite d'une visite de représentants d'ATF.

    Tant au cours de la procédure administrative que devant la Cour, la requérante a exposé à cet égard que la lettre reposait sur le fait que Darty avait lancé, pour les trois types d'appareils, une action de vente promotionnelle limitée au mois de mai et à Paris. Au terme de cette action, Darty serait revenue d'elle-même aux prix normaux antérieurs et le but aurait simplement été d'en informer les collaborateurs du service extérieur d'ATF et d'autres distributeurs. Compte tenu de la position importante que Darty occupe sur le marché — la société détient en France dans le domaine de l'électronique de divertissement une part de marché se situant entre 8 et 10 % — et de la faible part de marché de la requérante en France, il eût été inconcevable que la requérante influence la fixation des prix chez Darty. L'utilisation du mot «engagement» aurait prêté à malentendu; en vérité, il aurait été nécessaire de dire «décision prise par la société Darty».

    Mais cet argument ne nous paraît pas convaincant. De fait, la requérante a également déclaré (voir p. 145 de sa requête) que pendant l'action précitée, les distributeurs concurrents n'auraient pratiquement pas vendu d'appareils et n'auraient pas non plus effectué de commandes; c'est ce qui aurait incité les représentants d'ATF à effectuer une visite chez Darty. Si l'on a ensuite explicitement retenu que l'on était parvenu à un «engagejnent» en ce qui concerne le relèvement des prix, cela peut sans doute être appréhendé comme un accord. Lors de l'appréciation de la mise en œuvre du système de distribution, cette démarche a donc été considérée à juste titre comme irrégulière, même s'il y a lieu de partir de l'idée que la requérante n'aurait pas été en mesure d'imposer unilatéralement à Darty un comportement en matière de prix.

    ii)

    En deuxième lieu, il est intéressant de se pencher sur une note du 5 juin 1978 concernant les «prix téléviseurs couleur pratiqués sur Paris» (annexe 19 au mémoire en défense). II y est dit: «Tout le monde semble d'accord pour remonter les prix (date du 2 juin 1978 --soir)» et l'on y formule l'invitation de contacter la FNAC et Darty. La Commission en conclut à l'existence d'accords sur les prix entre des distributeurs parisiens.

    Compte tenu de tout ce que nous avons appris, la Comission a tiré des conclusions hâtives sans effectuer des investigations suffisantes. La requérante a en effet déclaré que la note portait sur l'action de vente promotionnelle de Darty sur laquelle la FNAC s'était alignée. Ainsi que cela résulte de son introduction, elle aurait été rédigée après la visite chez Darty et il est donc permis de supposer — notamment aussi en raison de l'utilisation du mot «remonter» — que «tout le monde» vise non pas l'ensemble des distributeurs parisiens mais uniquement Darty. Si seules Darty et la FNAC ont mené une action de vente promotionnelle, il est effectivement improbable que tous les détaillants parisiens s'étaient entendus sur un relèvement des prix. Il ne résulte pas non plus de la note qu'un accord ait été conclu entre Darty et la FNAC à l'initiative d'ATF puisqu'il y est indiqué qu'en ce qui concerne la FNAC, les prix n'avaient pas encore été relevés et qu'il convenait donc de contacter la FNAC. Mais la note ne révèle pas la nature des contrats avec la FNAC ni, en particulier, si un accord était intervenu ou si une influence illégale, s'accompagnant de pressions, avait été excercée sur la fixation des prix.

    Faute d'autres éclaircissements, on ne peut donc pas, sur ce point, considérer comme démontrée la thèse de la Commission selon laquelle des accords sur les prix seraient intervenus à l'initiative d'ATF entre les distributeurs parisiens ou que les contacts avec la FNAC aux fins d'exercer une influence sur les prix seraient allés au-delà de ce qui est admis dans le cadre d'un système de distribution.

    iii)

    La Commission attache par ailleurs de l'importance à une note du 5 juin 1978 (annexe 20 au mémoire en défense) dans laquelle il a été constaté à propos des prix catalogue de la centrale d'achats Camif que, parce que d'autres distributeurs considéraient la Camif comme un concurrent et s'alignaient sur ses prix, ATF lui avait demandé «de relever les prix détail des matériels sur le catalogue hiver 1978».

    Compte tenu des arguments de la requérante et faute d'autres éclaircissements de la part de la Commission, nous ne voulons pas non plus parler dans ce cas d'une preuve d'une influence illégale exercée sur les prix. La requérante a en effet expliqué que la demande en question devait être appréhendée à la lumière de l'augmentation des prix de vente à la production prévue pour le premier septembre 1978 et dont il est effectivement question dans une lettre adressée à Cart — annexe 10 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982. Or cette indication donnée en temps utile sur une majoration prévue des prix ne saurait être appréciée autrement que comme une information normale fournie dans le cadre de relations commerciales constantes et on ne peut sans doute pas non plus considérer une demande ou une recommandation de tenir compte de cette information comme une intervention illégale dans la libre fixation des prix dès lors, en tout cas, qu'elle n'est pas assortie de pressions quelconques — qui n'apparaissent pas en l'espèce — telles que, par exemple, la menace de rompre les relations commerciales.

    iv)

    La Commission invoque par ailleurs la note du 13 octobre 1978 (annexe 22 au mémoire en défense) consacrée aux prix de détail prévus à partir du 18 septembre 1978. Il y est d'abord indiqué que les prix prévus pour cette date «n'ont pas tous été appliqués en raison des stocks qui se trouvaient chez vos clients», et la note de poursuivre: «Nous nous mettons d'accord avec les clients siège, c'est-à-dire Darty, FNAC, et Grands Magasins, pour que l'ensemble de ces prix soient appliqués au 2 novembre 1978».

    A cet égard, la critique émise par la Commission paraît fondée, notamment aussi à la lumière des explications de la requérante. Les clients importants cités disposaient apparemment encore de stocks volumineux d'appareils achetés à bas prix alors que les petits clients ne parvenaient pas à vendre les appareils achetés à des prix élevés après la majoration du mois de septembre 1978 et ils pressaient donc ATF de prendre des mesures. Si une concertation sur les prix a eu lieu dans ce contexte entre ATF et plusieurs clients, cette participation active d'ATF à une harmonisation des prix va certainement au-delà de ce que l'on peut qualifier, dans le cadre d'un système de distribution sélective, de préoccupation normale de garantir au moyen d'entretiens sur les prix un certain niveau de prix dans le commerce spécialisé.

    v)

    Il convient en outre d'examiner ici deux lettres adressées à la centrale d'achat Cart. La première, datée du 4 novembre 1977 (annexe 21 au mémoire en défense), exprime la surprise d'ATF devant l'édition de catalogues destinés aux membres dont l'un au tarif généralement appliqué et l'autre à des prix réduits. Il est par ailleurs question d'un accord sur l'édition de deux catalogues «à condition que l'un soit à prix haut et l'autre à prix plancher», et ATF pose la question de savoir s'il est possible de récupérer le catalogue. L'autre lettre du 21 juillet 1978 (annexe 10 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982) mentionne une augmentation des prix au 1er septembre 1978 et cite des prix minimaux de vente au détail recommandés avant de conclure: «comme nous en étions convenus, nous vous demandons de tenir compte pour l'édition de votre catalogue des prix de vente détail énoncés ci-dessus en les considérant comme des prix minimaux».

    A ce propos, la requérante a déclaré que les prix du catalogue hiver 1977 de Cart s'étaient manifestement écartés des prix envisagés ensemble et que — lorsqu'ATF s'en était étonné — Cart avait découvert qu'une erreur avait été effectivement commise en raison de l'utilisation, par erreur, d'une ancienne liste de prix. Au reste, il ne s'agissait que de contacts organisés en vue de l'élaboration des catalogues et pour permettre aux acheteurs de savoir en temps utile s'ils devaient s'attendre à une augmentation des prix à la production; une telle information serait le seul objet de la lettre du 21 juillet 1978.

    Cette description minimisant les faits ne paraît toutefois pas convaincante. Peu importe, à cet égard, de savoir si une erreur sur les prix a été effectivement commise dans l'établissement du catalogue hiver de Cart pour 1977. L'essentiel, en effet, c'est qu'il soit explicitement question, dans la première lettre citée, d'un accord sur l'édition de deux catalogues dans des conditions déterminées — c'est-à-dire d'un accord sur les prix — et qu'il soit également fait état d'une éventuelle détérioration des relations commerciales, ce qui peut être compris comme une menace ou l'exercice de pression. Les formulations de la lettre du 21 juillet 1978 révèlent également l'existence d'un accord sur l'observation des prix indiqués dont il est explicitement dit qu'ils doivent être considérés comme des prix minimaux. La Commission a donc pu en conclure à bon droit que dans ses relations commerciales avec Cart, ATF avait également fait preuve d'un comportement contestable du point de vue du droit de la concurrence parce qu'il allait manifestement au-delà de recommandations de prix non contraignantes.

    vi)

    Enfin, il convient encore d'attacher de l'importance dans ce contexte à une lettre d'ATF du 3 avril 1979 (annexe 6 à la réplique) concernant les conditions spéciales prévues pour un appareil déterminé et aux termes de laquelle: «cet appareil sera facturé à compter du 1er avril 1979 à un prix net, prime déduite de 2854 FF hors taxes» et: «les établissements Darty s'engagent à ne pas profiter de cette prime spéciale de 225 FF pour baisser le tarif détail».

    A cet égard, la requérante a exposé dans sa prise de position sur la communication des griefs qu'il s'agissait d'une action de vente promotionnelle pour un téléviseur couleur dans le cadre de laquelle les acheteurs devaient recevoir pour leur ancien appareil 500 FF dont 225 FF étaient à la charge d'ATF; c'est pourquoi ATF aurait tenu à ce que cette prime ne soit pas utilisée pour abaisser le prix de vente au détail.

    Il convient cependant de partager également dans ce cas le point de vue de la Commission selon lequel la lettre révèle un comportement contestable au regard du droit de la concurrence. Il s'agit effectivement d'un accord visant à ce que la prime accordée par ATF ne soit pas utilisée pour réduire les prix de détail au-dessous de ceux qui sont indiqués dans la lettre. Cela constitue un accord inadmissible sur le respect d'un niveau de prix déterminé.

    b) Documents de portée générale sur la politique de distribution suivie en France

    Ayant constaté que dans une série de cas particuliers sur le marché français, une influence illicite a été exercée sur les prix dans le cadre du système de distribution et que cela s'est traduit par une restriction de la concurrence sur les prix, il nous reste encore à examiner les éléments complémentaires qui peuvent être tirés, à propos de cette question, des documents de caractère général que la Commission a produits comme preuve du fait qu'ATF aurait mené une politique de prix élevés.

    A cet égard, quatre documents entrent en ligne de compte:

    aa)

    Une circulaire ATF du 13 septembre 1977 adressée aux collaborateurs du service extérieur (annexe 5 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982) aux termes de laquelle leur rôle serait de «provoquer chez votre client l'impression que Telefunken cherche à le protéger (marge correcte)»;

    bb)

    La note d'ATF du 30 juin 1978, déjà mentionnée à propos du cas Iffli, selon laquelle Iffli chercherait pour diverses raisons à être admis dans le système de distribution, notamment parce qu'il aurait connaissance «de la politique commerciale de Telefunken qui réussit à faire maintenir les prix de vente détail et donc à préserver une marge convenable au revendeur» et dans laquelle il est également question, d'une manière tout à fait générale, de «notre politique de prix»;

    ce)

    La note du 5 janvier 1978, déjà citée également, dans laquelle il est déclaré, après la description de la structure, en 1977, des commerçants travaillant pour ATF sur le marché français, que parce que le pourcentage de magasins discount (grandes surfaces) est extrêmement faible dans le cas d'ATF, il aurait été possible de «pratiquer pour les appareils TFR un niveau de prix élevé et uniforme ... (marges bénéficiaires supérieures à celles obtenues pour des appareils concurrents)»;

    dd)

    Une lettre du 12 janvier 1979 (annexe 8 à la réplique) sur l'évolution des affaires en 1978, dans laquelle la «politique de prix élevés» est expliquée à l'aide d'une comparaison avec les prix d'appareils comparables des firmes Philips, Thomson ou Grundig et dont il ressort que cela est lié à l'ouverture limitée du système de distribution aux circuits de distribution modernes.

    A notre avis, il n'en résulte aucun nouvel argument distinct sur la question de l'influence illicite exercée sur les prix.

    La note citée en premier lieu était sans doute destinée à fournir aux collaborateurs du service extérieur un argument de publicité; lorsqu'il est question ici d'une «marge correcte», on vise tout au plus — abstraction faite de ce qu'une certaine marge minimale est parfaitement légitime en raison des frais que comportent les prestations fournies par le commerce spécialisé — la politique d'admission en principe restrictive à l'égard des grands magasins que nous avons déjà appréciée dans un autre contexte.

    Il en est sans doute de même — puisqu'il y est question d'une «marge convenable» — en ce qui concerne le deuxième document cité. Dans la mesure où celui-ci fait état, en outre, du maintien des prix de vente au détail et, en général, de la politique de prix d'ATF, il le fait cependant d'une manière trop générale pour que l'on puisse en tirer des conclusions quant à certaines méthodes utilisées pour exercer une influence sur les prix.

    A propos des documents cités en troisième et quatrième lieu, il faut certes reconnaître qu'ils paraissent confirmer l'existence d'une politique de prix élevés d'ATF. Mais ils ne révèlent, eux non plus, rien de nouveau au sujet de mesures spécifiques prises dans le domaine de la fixation des prix.

    2. Influence exercée sur les prix en Belgique

    A cet égard, la décision ne cite qu'un seul cas et elle se réfère par ailleurs à un document de caractère général.

    a)

    Si nous commençons ici aussi par examiner le cas particulier, il importe de noter à cet égard que le distributeur Verbinnen a indiqué avoir été invité au début de 1980 à augmenter de 3000 BFR le prix d'un appareil de télévision, ce qu'il aurait cependant refusé (voir les lettres de Verbinnen du 3 novembre 1980 et du 27 novembre 1980, annexes 9 et 11 à le requête).

    aa)

    Sur ce point se pose d'abord — à la suite d'une objection de la requérante — la question de savoir si ce cas pouvait, somme toute, être inclus dans la décision parce qu'il n'avait pas figuré dans la communication des griefs.

    Cela ne nous parait pas soulever d'objections. Peu importe, à cet égard, de savoir si nous sommes simplement en présence d'une nouvelle preuve présentée à l'appui d'un grief déjà contenu dans la communication des griefs. Ce qui est en tout cas déterminant, c'est que les deux lettres précitées ont été soumises à la requérante aux fins de sa prise de position et qu'elle s'est d'ailleurs exprimée à leur sujet (voilla lettre de son avocat du 24 avril 1981), ce qui exclut que l'on puisse parler d'une violation de son droit d'être entendue dans le cadre de la procédure administrative.

    bb)

    La requérante a exposé, à propos des faits critiqués par la Commission, que le prix pratiqué par Verbinnen n'était pas exceptionnel — le même appareil aurait été offert à un prix encore inférieur par treize distributeurs sans qu'ATBG s'y soit opposé — et elle a donc exigé que ce point du litige soit clarifié par une demande de renseignements sanctionnée par une amende, ou par une confrontation avec Verbinnen.

    Eu égard à cette situation — la Commission n'a pas fait droit à la demande de la requérante — on peut d'emblée émettre des doutes sur la question de savoir si les indications de Verbinnen peuvent, somme toute, être considérées comme des preuves appropriées. Mais elles ne permettraient en aucun cas de prouver l'existence d'un comportement contraire aux règles de concurrence dans le cadre de la mise en œuvre du système de distribution. On ne pourrait, en effet, partir tout au plus que de l'existence de mesures unilatérales ne comportant ni pression ni menace de sanctions et qui sont de ce fait d'ailleurs restées sans effet. Mais ce qui est perçu par la Commission comme une sorte de pression — dans la lettre de Verbinnen du 3 novembre 1980, il est seulement question de «machinatie» qui avait consisté, pour un représentant d'ATBG, à demander anonymement des renseignements en se présentant comme un acheteur et à critiquer les appareils — ne peut pas seulement ne pas être considéré comme la tentative d'exercer une influence. Ce qui importe également c'est qu'il n'est question dans ce contexte que de la tentative d'influencer l'activité de Verbinnen en matière a'importation et non pas, en revanche, en ce qui concerne la fixation de ses prix.

    A notre avis, le cas du distributeur Verbinnen — qui, d'après les indications de la requérante, continue d'être approvisionné — ne peut pas être considéré comme une preuve d'une influence illégale exercée sur la fixation des prix en Belgique.

    b)

    Pour ce qui est, d'autre part, du document concernant la politique générale de prix en Belgique, il s'agit d'un compte rendu d'ATBG daté du 19 décembre 1978 (annexe 8 au mémoire de la Commission du 16 décembre 1982) auquel est joint un exposé sur la publicité à la vente. Il y est dit: «de laisser librement fluctuer les prix conduit inévitablement à ce que les petits clients ne réalisent pas la marge minimale ...», avant de poursuivre: «il n'entre pas dans nos intentions d'établir un prix de marché unique ... mais d'arriver par un jeu de positionnement des prix de marché intermédiaires à ce que les prix ne fluctuent pas de plus de 1000 BFR»

    A cet égard, la requérante a souligné qu'il s'agissait seulement d'idées que l'auteur de l'exposé aurait développées et non pas de la détermination contraignante de la politique d'ATBG. En vérité, le destinataire de la note — le directeur d'ATBG — n'aurait déjà pas compris, dans son concept, le système proposé de calcul des prix, lequel n'aurait en tout cas jamais été appliqué en Belgique. Compte tenu de ces arguments, la Commission s'est efforcée d'établir si cette politique de prix avait été réalisée et ce qui avait été entrepris contre les distributeurs récalcitrants. Mais apparemment sans résultat. Toujours est-il que la requérante a pu faire valoir, sans être contredite, qu'après son audition, sept demandes de renseignements avaient été adressées à des distributeurs belges mais que la Commission n'avait reçu que la réponse déjà examinée de Verbinnen. En conséquence, il ne nous paraît guère possible de maintenir le grief selon lequel une politique de prix, telle qu'elle se trouve décrite dans le document précité, a été pratiquée en Belgique.

    Si l'on part, en outre, de l'idée que certaines recommandations de prix ont été faites aux détaillants, on ne peut cependant pas voir dans un tel comportement — indication d'un prix de marché susceptible d'être obtenu en moyenne tel qu'il résulte du calcul des coûts du fabricant et d'une comparaison avec les prix de produits concurrents — une mise en œuvre illégale du système de distribution. Peu importe de savoir à cet égard dans quelle mesure la situation juridique belge joue un rôle en l'espèce. Ce qui importe, c'est, d'une part, ce qui a été affirmé dans l'arrêt rendu dans l'affaire 26/76 ( 14 ) à propos de la préoccupation, s'agissant de grossistes et détaillants spécialisés, de maintenir un certain niveau de prix et, d'autre part, le fait que des mesures unilatérales ne sont pas, en principe, visées par l'article 85. Or, si un système de distribution sélective ne tombe pas, en tant que tel, sous le coup de l'article 85 et que des mesures unilatérales en matière de prix ne relèvent pas non plus de cette disposition, on ne saurait admettre qu'une combinaison de ces éléments appelle une appréciation différente. Des mesures unilatérales ne soulèvent donc des objections que lorsque l'on tente de les imposer en exerçant des pressions parce que cela aboutit à restreindre effectivement la liberté de fixer les prix. La tentative d'exercer de telles pressions — qu'en outre, on ne conçoit pas aisément, compte tenu de la position que Telefunken occupe sur le marché, d'une vive concurrence «intra-brand» et de la puissance considérable de la demande des gros acheteurs ou des groupements d'acheteurs — ainsi que l'existence du comportement concerté entre distributeurs auquel une recommandation de prix peut aboutir, doivent au contraire être prouvées concrètement.

    c)

    Sur le territoire de vente belge, il ne peut donc pas être question d'actions illégales sur les prix commises par la requérante dans le cadre du système de distribution — abstraction faite du cas Diederichs qui a été apprécié dans un autre contexte.

    3) L'influence exercée sur les prix en Allemagne

    Nous en venons enfin encore à quelques cas d'une influence prétendument illicite sur les prix que la Commission a cru pouvoir constater en Allemagne. A cet égard, elle distingue dans sa décision entre l'influence directe (points 40 et 41) et l'influence indirecte (points 48 à 52) exercées sur les prix.

    a)

    En ce qui concerne le premier point de vue, l'intérêt se porte d'abord sur les cas Suina et Holder.

    aa)

    Pour ce qui est de la firme Suma (Munich) l'intérêt se porte d'abord sur une note du 20 avril 1977 relative à un entretien (annexe 68 à la requête). Aux termes de celle-ci, l'attention du directeur de Suma aurait été attirée sur l'importance que revêt pour TFR l'application du prix de marché dans ses magasins. A cet égard, il aurait été convenu que le nouveau barème du prix de marché serait discuté et que les prix de détail seraient fixés. Le directeur de Suma aurait enfin accepté «de ne pas jouer un rôle de chef de file dans le domaine des prix, mais de s'aligner dans le cas le plus favorable sur le prix le plus bas du marché, et de se maintenir autant que possible entre les prix moyens des magasins et les prix les plus bas». La Commission se réfère d'autre part à une note sur l'audition du directeur précité, selon laquelle il aurait été promis à AEG-Telefunken «que des prix particulièrement agressifs de la concurrence seraient signalés à Telefunken et ne seraient pas immédiatement repris par Suma».

    Il ressort clairement de ces documents qu'en l'espèce il ne s'agissait pas seulement d'entretiens non contraignants sur une éventuelle fixation des prix. Nous sommes au contraire en présence d'une concertation sur les prix dans le cadre du système de distribution qui — même si, peut-être, il n'y a pas eu promesse de respecter les prix de vente fixés par Telefunken — devait effectivement restreindre, dans le sens de la baisse, la liberté de Suma de fixer ses prix. La Commission a certainement eu raison de considérer cela comme abusif.

    Lorsque la requérante a également fait valoir dans ce contexte que l'accord n'avait eu, en réalité, aucune incidence, cela n'a pas d'importance pour l'appréciation de principe mais joue tout au plus un rôle dans la détermination de l'étendue de la violation des règles de concurrence.

    bb)

    En ce qui concerne, par ailleurs, la firme Holder, un petit distributeur du Sud de l'Allemagne, la Commission se réfère à une note du bureau de vente de Munich du 30 novembre 1976 (annexe 2 à la duplique) dans laquelle il est indiqué qu'un certain appareil aurait été livré «après que l'on avait expliqué en détail à la firme Holder le concept de distribution et la fixation des prix».

    Eu égard aux arguments avancés au cours de la procédure, cela prouve cependant difficilement une influence illicite exercée sur les prix. Il s'agissait apparemment — comme la requérante l'a exposé sans être contestée — de la présentation d'un nouvel appareil de prix élevé qui suppose une orientation intensive de la clientèle, et les distributeurs devaient donc être convaincus, par un entretien sur les prix, de ses possibilités de vente. En outre, il ne manque pas seulement la preuve qu'une pression quelconque ait été exercée, ce qu'il aurait été possible de déterminer en interrogeant la firme Holder; il est de plus établi que la firme Holder ne s'est apparemment pas conformée aux indications de prix qui lui avaient été fournies mais a fait des annonces à bas prix, ce qui a amené Telefunken à racheter l'appareil sur le marché.

    Lorsque la Commission a, par ailleurs, estimé que la première phrase de la note laissait à supposer que cet exemple devait servir lors d'entretiens avec la coopérative d'achat Interfunk dans le but de renforcer la discipline des prix, cela ne paraît pas pertinent puisque rien n'a été recherché sur le contenu de tels entretiens et que de simples suppositions sur une éventuelle influence exercée sur les prix ne peuvent certainement pas constituer une base suffisante de griefs en matière de droit de la concurrence.

    b)

    Sur les cas d'influence indirecte exercée sur les prix

    aa)

    En premier lieu, la firme Suma joue de nouveau ici un rôle et ce, dans la mesure où la note déjà citée du 20 avril 1977 révèle également un accord comportant l'octroi de bonus, en ce sens qu'outre un bonus de quantité de 1 % et un bonus de promotion des ventes de 0,5 % — tous deux à verser semestriellement — «un bonus de bonne conduite» de 2 % devait également être accordé à la fin de l'année. La Commission rapproche ce dernier d'une proposition faite par le bureau de vente le 22 décembre 1976 (annexe 18 au mémoire en défense) dans laquelle il est dit, à propos d'un bonus annuel de 2 %, que l'on peut subordonner l'octroi du bonus à l'adoption, en matière de prix, d'un comportement conforme à la situation du marché et que l'octroi du bonus annuel permet d'orienter le comportement sur le marché.

    A cet égard, la requérante a souligné que la proposition du bureau de vente de Munich n'aurait, en vérité, jamais été retenue sous cette forme par TFR. Lors de l'audition par la Commission, le bonus de bonne conduite aurait, au contraire, déjà été décrit par le directeur de la distribution pour le marché national de la requérante comme une rémunération pour la mise à disposition de surfaces de vente; de même, il a été exposé dans la prise de position sur la communication des griefs (page 73) que le bonus précité avait été accordé pour la participation à des actions de promotion de ventes et l'aménagement de vitrines. Dans la note du 20 avril 1977, il n'est donc pas établi de rapport entre les entretiens sur les prix constatés à la page 1 et le bonus mentionné à la page 3. Par ailleurs, le directeur de Suma a déclaré à la Commission (note du 2 septembre 1980) que le bonus serait une contrepartie du fait que «la firme AEG est en principe informée avant la parution d'annonces dans les journaux de l'article qui fait l'objet de la publicité». Enfin, non seulement il n'a pas été contesté que la firme Suma avait reçu le bonus en dépit d'actions promotionnelles répétées mais il importe également de noter que le directeur de la firme Suma a assuré à l'avocat de la requérante (annexe 12 à la requête) que le bonus avait été accordé comme contrepartie des informations fournies au fabricant sur l'évolution du marché et au regard de l'important chiffre d'affaires de la firme Suma mais qu'il avait dû être justifié à l'égard de la centrale avec la dénomination choisie parce qu'il n'était pas prévu dans le cadre des conditions.

    Compte tenu de cette situation, on ne peut sans doute pas considérer comme établi que, dans le cas de la firme Suma, une influence sur le comportement en matière de prix a été exercée au moyen du bonus précité.

    bb)

    Dans ce contexte, la Commission attache par ailleurs de l'importance au comportement que la requérante a adopté à l'égard du distributeur Wilhelm à Sarrebruck.

    Lorsqu'en juillet 1976, celui-ci fit de la publicité à des prix réduits, TFR — après avoir constaté qu'une annonce de la firme Wilhelm était faite à des «prix très perturbateurs» — interrogea le bureau de vente de Sarrebruck sur les raisons de cette nouvelle offensive (annexe 7 à la réplique). La Commission y perçoit une invitation tacite à intervenir contre cet état de choses.

    A l'examen, il apparaît cependant que ce cas ne peut pas non plus être utilisé pour prouver la tentative d'exercer une influence illicite sur les prix. Il est à cet égard déterminant qu'il ait été répondu à la demande du 23 avril 1976 (annexe 71 à la requête) que l'on trouvait, à l'origine, des annonces Kaufhof dont les prix auraient été immédiatement repris par quelques distributeurs importants, et qu'il ait été notamment constaté dans cette lettre que l'offre de Wilhelm n'avait pas eu d'effets négatifs pour le bureau de Sarrebruck.

    En conséquence, même si l'on devait apprécier la question du 22 juillet 1976 comme une invitation indirecte à imposer une discipline des prix, il reste en définitive néanmoins déterminant qu'aucune intervention ne s'est produite parce que le bureau de vente de Sarrebruck semble avoir considéré que le comportement de Wilhelm relevait d'une concurrence normale sur les prix.

    ce)

    Dans le cas Schlembach, la Commission a invoqué, d'une part, une note du 9 septembre 1977 (annexe 23 au mémoire en défense) relative à une conversation en partie «animée» à propos d'annonces sous le thème «Color-Prei-saktion». Cette note aurait précisé qu'une répétition de telles annonces conduirait «à une grave perturbation de la coopération» et que cette conversation «aura probablement pour résultat d'amener Schlembach à s'abstenir de la publication de nouvelles annonces agressives». La Commission se réfère, d'autre part, à une note adressée à TFR par le bureau de vente de Dortmund le 30 septembre 1977 (annexe 72 à la requête) dans laquelle il est fait état des prix ruineux proposés dans les annonces de Schlembach pour les téléviseurs couleur Telefunken et des mesures qu'il y aurait lieu de prendre en ce qui concerne le cas Schlembach. A un autre destinataire de la note était encore posée la question de savoir «s'il n'existe pas de moyens élégants et exceptionnels pour tenir la bride haute à ce client», ce qui est perçu par la Commission comme une invitation tacite à intervenir contre Schlembach.

    Pour ce qui est de ces documents, celui que nous avons cité en premier lieu laisse effectivement l'impression qu'il prouve l'exercice d'une influence efficace sur une entreprise lors de la fixation du prix de marché et, partant, une action illicite dans le cadre du système de distribution, même s'il ne s'agissait pas nécessairement du maintien du niveau de prix souhaité par la requérante. Au cours de la procédure devant la Cour, la requérante a certes soutenu à cet égard que parce qu'elles suscitaient l'impression d'avantages particuliers liés à l'achat, les annonces faites sous le thème précité devaient être considérées comme une publicité pour une manifestation spéciale illégale au sens de l'article 9a de la loi sur la concurrence déloyale en combinaison avec les articles 1 et 2 du décret du 4 juillet 1935 du ministre de l'économie du Reich et, partant, comme contraires au droit de la concurrence, conformément aux dispositions prévues par le contrat de distribution CE. On peut toutefois lui opposer qu'elle n'a pas fait clairement apparaître l'existence d'une manifestation spéciale illégale et qu'elle n'a, en particulier, fourni dans sa prise de position sur la communication des griefs aucun élément qui ait pu amener la Commission à approfondir cette question. Compte tenu du document cité en premier lieu, il y aura donc lieu d'admettre que la Commission l'a inclus à bon droit dans ses griefs d'autant plus que l'idée qu'il s'agissait simplement pour la requérante de maintenir un certain niveau de prix, est également étayée par le fait qu'il est explicitement question dans la note des conséquences négatives pour le niveau du prix de marché dans la région du Rhin et de la Ruhr.

    A propos du deuxième document cité, la requérante a indiqué dans sa prise de position sur la communication des griefs qu'il aurait eu d'abord pour but d'apporter une information sur des manifestations spéciales se situant à la limite de ce qui est légalement admissible, c'est-à-dire d'un cas éventuel de concurrence déloyale. Une telle information et un contrôle correspondant des distributeurs admis dans le système de distribution ne soulèvent certainement pas d'objections puisque la persistance d'offres à bas prix fonde la supposition que les prestations très coûteuses du commerce spécialisé (information et service après-vente) pourraient ne plus être assurées (voir l'arrêt rendu par le Bundesgerichtshof le 24 septembre 1979). Lorsqu'en outre il est question, dans le document des moyens à mettre en œuvre et que l'on pose finalement la question précitée, cela ne suffit sans doute pas à étayer un grief. Il a en effet été démontré que l'ajout n'était qu'une question adressée au directeur du bureau de vente de Cologne et non pas une instruction de la personne responsable de la distribution. En outre, il n'apparaît pas non plus que l'invitation voilée ait été effectivement suivie de mesures — ce qui aurait pu être aisément clarifié en interrogeant Schlembach — de sorte qu'en définitive, il importe également peu de savoir si de telles mesures auraient en vérité été justifiées en raison d'un fait relevant de la concurrence déloyale.

    dd)

    Il convient enfin encore d'examiner le rapport du 31 octobre 1978sur l'évolution de la situation pendant le mois d'octobre 1978, établi par le bureau de vente de Mannheim (annexe 5 au mémoire en défense).

    La Commission tient pour important qu'il y soit indiqué que les offres faites par les sociétés Gruoner et Südschall en ce qui concerne un certain modèle Impérial analogue à un autre appareil, se sont avérées «perturbatrices»; elle retient que les annonces et les activités de Massa-Märkte concernant les «appareils Imperial de la maison Telefunken» ont été qualifiées de «perturbation du marché», qu'il est question d'autres «perturbations du marché» causées par Kaufhof (Kassel) et Hertie (Francfort) et qu'il est enfin constaté que «ce n'est qu'après des efforts intenses que le calme a pu être rétabli». Elle en conclut qu'à la suite de la constatation de prix perturbateurs, des efforts couronnés de succès en vue d'une correction ont été faits en tout état de cause dans le cas des trois distributeurs cités en dernier lieu, c'est-à-dire qu'une influence a également été exercée sur les prix dans le sens du maintien du niveau de prix souhaité par la requérante.

    Toutefois, nous ne pouvons pas non plus suivre la Commission sur ce point.

    La procédure devant la Cour a fait apparaître que les cas Gruoner et Südschall ont certainement été invoqués à tort — au cours de l'audience orale, la Commission a d'ailleurs parlé d'erreur à cet égard — parce qu'il ne s'agissait pas en l'occurrence de produits sous contrat de sorte qu'il importe peu de savoir si ces cas ne doivent pas déjà être laissés de côté parce qu'ils n'étaient pas mentionnés dans la communication des griefs. A notre avis, il en est de même pour le cas Massa-Märkte dans lequel la marque «Telefunken» a d'ailleurs été également utilisée d'une manière irrégulière dans la publicité pour les appareils Imperial, raison pour laquelle un avertissement a pu être lancé à juste titre.

    Mais pour ce qui est des «perturbations du marché» causées par Kaufhof et Hertie, il est certain, d'une part, que des rapports internes sur l'évolution du marché peuvent étre difficilement contestés par les clients et ce, même dans la mesure où il ne s'agit pas de constater si la qualité du commerce spécialisé est menacée par la fixation des prix. D'autre part, la requérante a expliqué à cet égard que des distributeurs s'étaient plaints du fait que Kaufhof et Henie avaient lancé des offres spéciales limitées dans le temps et pour des types spécifiques d'appareils, et les distributeurs auraient pu ensuite être convaincus de ce que les offres spéciales ne s'appuyaient pas sur des conditions particulières de TFR. C'est à cela que se réfère l'expression «calme» et non pas à une majoration réussie des prix. Cela nous paraît plausible et si la Commission nourrissait à cet égard quelques doutes, elle aurait dû s'efforcer d'obtenir d'autres éclaircissements avant de tirer de ce document des conclusions à l'appui de sa thèse.

    V — Sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à la mise en œuvre irrégulière du système de distribution

    1.

    L'analyse qui précède a montré que les griefs invoqués par la Commission contre la requérante ne sont certainement justifiés qu'en partie.

    a)

    C'est pourquoi il s'impose sans aucun doute d'atténuer considérablement les formulations de très grande portée que comporte la décision — lesquelles revêtent de l'importance, outre pour la constatation du caractère sensible de la restriction à la concurrence, également pour la fixation de l'amende.

    Nous songeons à cet égard à la remarque selon laquelle la non-admission de distributeurs et l'influence exercée sur les prix ne constitueraient pas des mesures particulières isolées mais que l'on serait en présence d'une multitude de cas dans lesquels des restrictions à la concurrence se sont produites, ce qui n'est certainement pas exact si l'on garde à l'esprit, d'une part, la période couverte par la décision et, d'autre part, le chiffre énorme d'opérations commerciales — qui n'ont pas été critiquées — accomplies avec les quelque 12000 commerçants spécialisés agréés dans la Communauté. Nous songeons notamment ici à la constatation très grave selon laquelle la discrimination de distributeurs et la fixation de prix de vente auraient été pratiquées systématiquement — au cours de la procédure orale on a utilisé le terme: «planmäßig» (méthodique) —, ce qui ne peut certainement pas être considéré comme exact.

    b)

    Lorsque la Commission — et ce point mérite d'être approfondi — a souligné d'une manière générale, à propos de l'admission de distributeurs dans le système de distribution, que les nouvelles formes de vente et les commerçants pratiquant des prix agressifs se sont vu en général refuser l'admission, si elle a — par ailleurs — constaté à cet égard que, bien que remplissant les critères du commerce spécialisé, certaines formes de distribution et certains distributeurs n'ont pas obtenu l'admission ou bien celle-ci a été rendue plus difficile, et si elle a également évoqué dans ce contexte le fait que des distributeurs qui n'étaient pas disposés à appliquer le prix de vente minimal fixé par la requérante se sont vu refuser l'admission dans le système de distribution, cela n'a abouti, en vérité, qu'aux constatations suivantes:

    aa)

    Il est uniquement établi qu'un seul distributeur (Diederichs) n'a pas été admis pour la raison précitée.

    bb)

    En ce qui concerne les grands magasins et les magasins discount, il est apparu que l'on ne peut parler d'une exclusion ou d'une admission hésitante qu'en Allemagne et en France, et seulement jusqu'à une certaine date. A cet égard, il n'est pas seulement mal établi — parce que la Commission n'a effectué aucune investigation à cette fin — combien de distributeurs en ont été effectivement concernés; la requérante a pu rappeler également — sans être contestée — qu'elle a effectivement admis, également dans d'autres pays, un grand nombre de grands magasins.

    ce)

    En ce qui concerne la protection territoriale accordée en France, aucun cas dans lequel d'autres distributeurs ont été exclus pour cette raison n'a été constaté; en revanche, il ne peut être question de protection territoriale que dans la mesure où la zone d'activité de deux grossistes a été délimitée.

    dd)

    Enfin, nous avons également vu qu'il n'a été possible de prouver que trois cas dans lesquels l'admission a été subordonnée à des engagements sur la fixation des prix et à cet égard nous ne disposons en outre d'aucune information sur les incidences effectives.

    c)

    Si la Commission a, d'autre part, affirmé, quant au thème de \'influence exercée sur les prix, qu'une influence considérable aurait été exercée sur la fixation des prix de vente et que cela aurait, dans une large mesure, empêché les offres à bas prix, il semble, par contre, désormais établi que des influences exercées sur les prix n'apparaissent sous la forme de concertations que dans le cas de quelques distributeurs français pendant de brèves périodes ainsi que dans le cas Suma — le directeur de la firme ayant au demeurant déclaré que Suma se considérait néanmoins comme libre de fixer ses prix — et qu'en outre, une influence exercée unilatéralement sur les prix n'a pu être constatée que dans un cas particulier, à savoir le cas Schlembach. En conséquence, on peut difficilement reconnaître comme exacte — notamment si l'on garde à l'esprit les développements exhaustifs de la requérante sur la situation des prix en Allemagne (voir les annexes 30 à 32 à la requête) — la thèse selon laquelle la requérante aurait pratiqué à l'aide du système de distribution une politique constante de prix élevés au détriment des consommateurs.

    2.

    Il importe ensuite d'observer que les infractions au droit de la concurrence commises dans le cadre de la mise en œuvre du système de distribution et qui peuvent être considérées comme établies, ne revêtent de l'importance aux termes de l'article 85, paragraphe 1 — en admettant le caractère sensible de la restriction de la concurrence — que s'il y a lieu de partir de l'idée qu'elles étaient de nature à affecter les échanges entre les États membres et ce — ainsi que la jurisprudence l'a souligné à maintes reprises — d'une manière sensible (voir les arrêts rendus dans les affaires 19/77 ( 15 ), 209 à 215, 218/78 ( 16 ) et 126/80 ( 17 )

    C'est ce que la Commission croit devoir supposer parce que le système de distribution régit les échanges de produits entre les États membres et que, comme il est appliqué dans toute la Communauté, il y a lieu de partir en principe de l'idée qu'il est de nature à affecter les échanges entre les États membres. A son avis, un petit nombre d'infractions suffit déjà dans un tel cas à déclencher l'application de l'article 85 car elles auraient déjà pour effet de modifier la nature du système de distribution qui sortirait de son ensemble du cadre de la légalité. La Commission relève par ailleurs qu'une partie considérable des échanges des produits Telefunken a lieu aux échelons du commerce de gros et du commerce de détail. Elle souligne notamment qu'il est permis de supposer que, parce que des distributeurs ayant un chiffre d'affaires important et capables d'effectuer des importations, n'avaient pas été admis dans le système de distribution ou y avaient été admis après avoir rempli des conditions supplémentaires, les échanges se sont développés d'une manière sensiblement différente de ce qu'ils auraient été sans cette discrimination.

    A notre avis — comme de l'avis de la requérante — cette thèse soulève des objections sous plusieurs aspects.

    a)

    Il n'est sans doute pas exact que le système de distribution de la requérante affecte les échanges entre les États membres et la référence à l'application du système de distribution clans toute la Communauté ne permet certainement pas de supposer qu'il soit en principe de nature — en présence de certaines infractions — d'entraver le commerce entre les Etats membres.

    En principe, le système de distribution détermine seulement la personne qui — en tant que grossiste ou détaillant — est habilitée à commercer avec des produits Telefunken, c'est-à-dire de vendre des produits dont il est permis de supposer en règle générale qu'ils sont achetés aux sociétés de distribution nationales ou aux grossistes établis à l'intérieur du pays. Si, d'après le système de distribution, il est parfaitement possible également d'acheter des marchandises chez des distributeurs agréés dans d'autres États membres, cela n'est cependant admis qu'implicitement et on ne saurait donc affirmer que les échanges entre les États membres sont affectés.

    D'autre part, il y a lieu de partir de l'idée que si un système de distribution sélective ne relève pas de l'article 85, paragraphe 1, dans les conditions énoncées par la jurisprudence, un tel système ne peut tomber sous le coup de l'article 85 que dans la mesure où il est appliqué d'une manière irregulière. Il importe donc certainement d'examiner en détail si les infractions incriminées, c'est-à-dire l'application non conforme à la règle, ont des effets préjudiciables pour les échanges entre les États membres puisqu'il ne paraît pas sensé de supposer qu'un système non contestable en soi modifie globalement son caractère simplement en raison du fait qu'une infraction quelconque est constatée — dont il est certain qu'elle ne revêt qu'une importance locale en raison de sa portée limitée — et devrait dès lors être considéré dans son ensemble comme préjudiciable pour le jeu de la concurrence au sein de la Communauté.

    b)

    Parmi les infractions précédemment mentionnées et examinées, la Commission — si nous avons bien compris la décision — place au premier plan, aux fins de l'appréciation au regard de l'article 85, paragraphe 1, celles dans lesquelles il s'agissait de distributeurs importants qui sont en mesure de se livrer à des échanges extérieurs et qui ont été exclus du système de distribution ou n'y ont été admis qu'avec du retard et après avoir rempli des conditions supplémentaires. A la lumière de la jurisprudence pertinente — les affaires 6 et 7/73 ( 18 ) ainsi que l'affaire 22/78 ( 19 ) — il y a lieu de l'approuver.

    En ce sens, entrent seuls en ligne de compte dans l'espèce présente le cas Diederichs en Belgique, la non-admission temporaire de grands magasins en Allemagne et de magasins discount en France ainsi que les cas Auchan, Mammouth (Toulouse) et Iffli (Metz) dans lesquels l'admission dans le système de distribution a été subordonnée à l'engagement de respecter un niveau de prix déterminé. Si l'on examine à cet égard la question de savoir si ces cas laissent à supposer qu'ils ont porté un préjudice sensible aux échanges, nous ne pensons pas que la Commission soit parvenue à le démontrer.

    aa)

    En ce qui concerne le cas Diederichs, on peut certes supposer qu'il aurait été en mesure d'importer des produits Telefunken d'Allemagne voire disposé à le faire. On peut donc partir de l'idée que les importations d'appareils de télévision ne sont pas rendues impossibles ni rendues considérablement plus difficiles par le fait qu'en Belgique, ces appareils doivent être équipés pour la télévision par câble puisqu'une telle adaptation ne semble pas devoir soulever des problèmes particuliers d'après les explications convaincantes de la Commission.

    Mais à lui seul, ce cas ne permet sans doute guère de parler d'un préjudice sensible causé aux échanges. A cet égard, les renseignements recueillis par la Commission sur le genre et le volume des activités commerciales de Diederichs — les chiffres d'affaires sont plutôt modestes — ne suffisent pas; en ce sens, la faible part de marché détenue également pour les appareils de télévision Telefunken en Belgique (nous rappelons à cet égard les arrêts rendus dans les affaires 73/74 ( 20 ), 19/77 ( 21 ) et 209 à 215 et 218/78 ( 22 )) revêt de l'importance et à ce propos il est sans doute également intéressant de noter que Diederichs a dû cesser ses activités commerciales un an seulement après les négociations litigieuses.

    bb)

    En ce qui concerne la non-admission temporaire de grands magasins en France et en Allemagne, on peut sans doute partir de l'idée que, de par leur importance, certains d'entre eux pouvaient entrer en ligne de compte sur le plan des échanges entre les États membres. Or, à cet égard — faute d'investigations adéquates effectuées par la Commission — nous savons si peu sur les distributeurs entrant effectivement en ligne de compte et sur leurs activités que déjà pour cette raison, on ne saurait affirmer que leur exclusion temporaire du système de distribution a eu pour effet d'affecter de manière sensible les échanges ou d'y contribuer dans une large mesure.

    cc)

    En ce qui concerne, enfin, les cas Auchan, Mammouth et Iffli, seuls Auchan et Iffli semblent devoir entrer en ligne de compte dans ce contexte — nous en sommes réduits à des suppositions — puisqu'il n'est guère concevable que la filiale Mammouth à Toulouse envisage de se livrer à des importations parallèles.

    Par ailleurs, il convient de ne pas négliger non plus le fait que les distributeurs précités n'ont pas été exclus de la distribution; il y a lieu de critiquer au contraire que leur admission ait été subordonnée à des engagements sur les prix. Cette circonstance — abstraction faite de ce que les engagements n'ont apparemment pas été tenus — ne peut cependant guère avoir eu des répercussions sur d'éventuelles opérations d'importation en rendant la vente plus difficile puisqu'Auchan a seulement été astreint à ne pas appliquer des prix inférieurs à ceux qui étaient pratiqués dans la ville considérée et qu'il s'agissait, dans le cas d'Iffli, principalement de l'obligation «de ne pas casser la marque».

    Même en tenant compte du fait que l'article 85, paragraphe 1, exige non pas une entrave effective aux échanges mais l'aptitude à entraver les échanges (affaire 19/77 ( 21 )), l'existence des conditions prévues par l'article 85, paragraphe 1, pourrait difficilement être reconnue dans ces deux cas. D'une part, en raison de la faible part de marché que Telefunken détient également pour les appareils de télévision en France, une certaine entrave aux activités de vente d'Auchan et d'Iffli ne peut guère avoir eu pour effet d'affecter sensiblement les échanges. D'autre part, en raison des normes différentes des émissions de télévision en France et en Allemagne et de l'impossibilité d'une adaptation dans le cas d'appareils noir et blanc, voire en raison du coût élevé qu'implique une adaptation des appareils de télévision couleur, les importations parallèles, dont la requérante a affirmé qu'elles n'avaient encore jamais eu lieu, ne sont absolument pas concevables. Mais pour ce qui est des appareils multistandard utilisables sans difficulté de part et d'autre des frontières et pour lesquels des échanges sont concevables dans les régions frontalières, il est sans doute permis d'exclure que l'entrave mise à leur vente par les infractions aux règles de concurrence constatées par la Commission ait pu prendre une ampleur qui constitue une entrave sensible aux échanges.

    c)

    Si, contrairement à ce que la motivation de la décision laisse à penser, il y avait lieu, en outre, d'attacher également de l'importance aux autres cas établis d'une application incorrecte du systéme de distribution, ceux-ci appelleraient encore les remarques suivantes:

    aa)

    Il nous semble exclu que les échanges aient été affectés d'une manière sensible par la protection territoriale constatée en France sous la forme d'une délimitation des zones d'activité de plusieurs grossistes. En l'occurrence, il semble qu'il s'agisse effectivement d'une affaire purement nationale qui rappelle l'arrêt rendu dans l'affaire 22/78 ( 23 ). Toutefois, à supposer même que le fait d'admettre la concurrence dans les zones concernées eût abouti à un accroissement des ventes de Telefunken et, partant, à une augmentation des importations, il n'apparaît pas — faute d'investigations concrètes sur le genre et le volume des activités commerciales des grossistes concernés — qu'il s'agit en l'espèce d'ordres de grandeur qui laissent envisager que les échanges aient été sensiblement affectés.

    bb)

    En ce qui concerne l'accord conclu avec Suma et l'influence exercée sur les prix dans le cas de Schlembach, il convient également de parler d'une affaire purement nationale puisque, comme la Commission le suppose elle-même — des échanges avec des appareils Telefunken ne sont pas concevables de la France vers l'Allemagne et parce qu'il n'a pas été question, au reste, d'un intérêt des deux distributeurs précités à une activité d'exportation.

    cc)

    Les rares cas d'influence exercée sur les prix de distributeurs français après leur admission dans le système de distribution (points 42, 45, 46 et 47 de la décision attaquée) portaient principalement sur des actions très limitées dans l'espace et dans le temps. A cet égard également, nous disposons de trop peu d'informations sur le genre et sur le volume des activités commerciales des distributeurs intéressés.

    3.

    Il n'y a donc pas seulement lieu de retenir que les constatations faites par la Commission sur l'étendue de la mise en oeuvre illicite du système de distribution doivent, dans une large mesure, être considérées comme n'étant pas pertinentes. Dans la mesure où la mise en œuvre du système de distribution est critiquée à bon droit, il n'est pas prouvé, à notre avis, qu'elle était de nature à affecter sensiblement les échanges entre les États membres.

    Cela signifie que l'on ne saurait maintenir l'affirmation de principe faite dans l'article 1 de la décision attaquée aux termes duquel le système de distribution sélective des produits de marque Telefunken instauré par AEG-Telefunken constitue, dans son application panique, une infraction à l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE. Cela prive en même temps de fondement tant l'injonction formulée dans l'article 2 de meure fin à l'infraction constatée que, en particulier, l'amende infligée par l'article 3. Le recours est donc déjà fondé au regard des réflexions qui précèdent.

    VI — Les autres moyens du recours

    Eu égard à ce qui précède, il n'est en fait pas nécessaire d'examiner les autres problèmes soulevés au cours de la procédure. Toutefois, nous les évoquerons succinctement, au moins à titre subsidiaire.

    1. Sur l'article 85, paragraphe 3

    La décision indique à cet égard que l'application du système de distribution, telle qu'elle a été critiquée par la Commission, ne lui aurait pas été notifiée et cette raison exclut à elle seule une exemption. En outre, il a été souligné qu'une exemption ne saurait être accordée pour un système de distribution impliquant des discriminations en matière d'admission et l'exercice d'une influence sur les prix parce que ces restrictions ne sont pas indispensables à une bonne distribution des produits et ne semblent pas non plus procurer un avantage aux consommateurs. La requérante, au contraire, fait valoir qu'elle a explicitement sollicité une exemption lors de la notification et que la Commission ne pourrait donc pas infliger une amende sans se prononcer à ce sujet. Elle estime également — en se référant à l'arrêt rendu dans l'affaire 26/76 ( 24 ) — que la préoccupation de maintenir un certain niveau de prix serait inhérente à un système de distribution sélective et que les actions qui visent à réaliser cet objectif entrent donc dans le cadre de l'application générale du système de distribution, une notification spécifique à cet effet n'étant donc pas nécessaire.

    Sur ce point — au cas où, contrairement à notre point de vue, l'article 85 serait néanmoins applicable — nous inclinons à suivre la Commission.

    Une exemption suppose en règle générale une notification à la Commission. Il est également constant que lors de l'examen du système, il a été déclaré à la Commission que tout distributeur qui remplissait les critères du commerce spécialisé, serait admis dans le système de distribution. En revanche, il n'a apparemment jamais été mentionné et, partant, la notification n'a pas non plus eu pour objet de préciser, que certains cas limites devaient être traités en les faisant traîner en longueur, que le cas échéant, des conditions supplémentaires devaient être remplies, que lors de l'admission, il était possible que soient déterminées des zones d'activité dans lesquelles d'autres distributeurs ne pouvaient pas opérer, et qu'au cours des relations commerciales avec des distributeurs agréés des ententes sur les prix interviendraient ou une influence, allant au-delà d'une simple orientation, serait exercée sur la fixation des prix. En conséquence, compte tenu des infractions aux règles de concurrence déjà critiquées par la Commission et dans la mesure où cette critique doit être reconnue comme justifiée, une décision d'exemption n'est effectivement pas concevable déjà pour des raisons formelles.

    Une appréciation différente ne résulte d'ailleurs pas non plus de la référence au fait que dans l'arrêt rendu dans l'affaire 26/76 ( 24 ), la Cour mentionne la préoccupation — en principe — légitime de maintenir un certain niveau de prix pour le commerce de gros et de détail spécialisé. Abstraction faite de ce que cette formulation n'est naturellement pas de nature à couvrir des mesures discriminatoires lors de l'admission dans le système de distribution, elle doit être en principe appréhendée en ce sens qu'il ne paraît pas y avoir d'objections au maintien d'un niveau de prix résultant eo ipso de la limitation des ventes aux distributeurs qui sont amenés à supporter certaines charges particulières qui se répercutent dans la formation des prix. Mais rien ne permet de penser que cela vise également des actions spécifiques dans le domaine des prix qui vont au-delà d'orientations de prix non contraignantes et restreignent la concurrence sur les prix par de véritables interventions dans la libre formation des prix.

    2. Sur le fait que la décision vise AEG-Telefunken

    A ce sujet, la requérante a déjà souligné dans sa prise de position sur la communication des griefs que TFR — dont la distribution est seule en cause — était un secteur d'entreprise d'AEG juridiquement autonome et que sa direction disposait d'une large liberté de décision. Elle a également fait valoir que la décision d'instaurer le système de distribution avait été prise sans instruction de la direction d'AEG-Telefunken et que la définition de la politique de distribution ainsi que la mise en œuvre pratique du système de distribution avait uniquement relevé de TFR. Certaines formes de mise en œuvre du système de distribution ne sauraient donc être imputées à la société mère AEG et, faute d'une participation propre d'AEG à la mise en œuvre du système, la décision n'aurait donc pas dû lui être adressée.

    La Commission tient en revanche pour déterminant que le système de distribution ait été notifié par AEG, qu'AEG soit également considéré comme cocontractant dans des contrats conclus avec les distributeurs et que la distribution soit effectuée par l'intermédiaire de l'organisation de distribution d'AEG. Elle attache en outre de l'importance au fait que — même si l'application du système de distribution relevait de TFR — TFR est placée sous le contrôle d'AEG et est tenu de suivre ses instructions, lesquelles auraient d'ailleurs été données dans des cas particuliers. On serait donc en présence d'une unité économique, ce qui aurait pour conséquence que la société mère doit être considérée comme responsable de l'application pratique du système de distribution.

    Des problèmes similaires ont à plusieurs reprises joué un rôle dans la jurisprudence. Par exemple, dans l'arrêt rendu dans l'affaire 48/69 ( 25 ), l'existence d'une unité économique entre la société mère et sa filiale — juridiquement indépendante — a été présumée à la condition que la filiale, dont la majorité du capital était détenue par la société mère, ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché mais appliquait pour l'essentiel les instructions qui lui étaient données par la société mère. Dans un tel cas, où la politique de l'entreprise pouvait être influencée de manière déterminante et où le pouvoir de donner des instructions a été effectivement utilisé, la Cour a jugé opportun d'imputer à la société mère le comportement contraire aux règles de concurrence de la filiale (voir également les arrêts rendus dans les affaires 6/72 ( 26 ) et 6 et 7/73 ( 27 ))

    En l'espèce, il s'agit de la mise en œuvre d'un système de distribution qui appelle des critiques au regard de l'exclusion discriminatoire d'un distributeur, de la fixation de critères d'admission supplémentaires et de la détermination des zones d'activité des distributeurs agréés ainsi que du point de vue de mesures visant à exercer une influence sur la fixation des prix des distributeurs agréés pendant la durée des relations commerciales. Eu égard à la jurisprudence précitée, il semble effectivement douteux que tout cela puisse être purement et simplement imputé à la société mère parce qu'elle signe les contrats de distribution et qu'elle a mis son organisation de distribution à la disposition de TFR. Même si l'on considère comme défendable d'imputer à la société mère — signataire — ce qui s'est produit lors de la conclusion des contrats, cela ne paraît guère possible sans que soient apportées les preuves concrètes de l'influence exercée, preuves que la Commission n'a pas administrées, dans la mesure où il s'agit du refus d'admettre certains commerçants ou de mesures visant la formation des prix après l'admission dans le système de distribution.

    C'est donc assurément à bon droit que la requérante conteste la décision dans la mesure où elle adresse à la société mère tous les griefs sur la mise en œuvre irrégulière du système de distribution.

    3. Sur l'amende infligée et son montant

    Si la Cour devait retenir que la mise en œuvre irrégulière du système de distribution, dans la mesure où elle peut être considérée comme établie, constitue une violation de l'article 85, la fixation d'une amende ne soulève en principe aucune objection. Nous faisons cette observation parce que le grief d'une faute paraît en tout cas justifié après l'arrêt rendu dans l'affaire 26/76 ( 28 ) (en octobre 1977) — et la plupart des infractions que nous avons considérées comme prouvées se situent dans cette période — et que, contrairement au point de vue de la requérante, il ne peut pas non plus être question «d'erreurs de décision inéluctables» dans le cadre d'un système de distribution pourvu en principe d'une direction centrale.

    Mais il conviendrait certainement de réduire considérablement l'amende. A cet égard, il est déterminant qu'une partie très importante des griefs de la Commission ne résiste pas à l'examen et que la Commission n'a pas dressé un tableau fiable des incidences effectives de certaines infractions sur le marché et les consommateurs. Nous laissons à la Cour le soin de fixer le montant de l'amende.

    4.

    Enfin, il convient encore d'examiner brièvement la question de savoir si, au cas où une amende serait maintenue, la requérante est tenue de verser les intérêts afférents à ce montant jusqu'au paiement effectif.

    Il y a lieu de rappeler à cet égard que la Commission a déclaré lors de la notification de la décision attaquée, qu'à l'expiration du délai de paiement (21 avril 1982), elle procéderait au recouvrement de l'amende même si un recours était introduit; toutefois, elle ne procéderait pas au recouvrement pendant la durée de la procédure devant la Cour si la requérante déclarait qu'elle consent à ce que l'amende porte un intérêt de 1 % supérieur au taux d'escompte de la Bundesbank à compter de l'expiration du délai de paiement et si une garantie bancaire couvrant le montant de l'amende et les intérêts était fournie à la Commission. La requérante a donné suite à cette proposition en ce sens que sa banque a, le 17 mars 1982, fourni à la Commission la garantie bancaire exigée. Dans une lettre du 28 avril 1982, la requérante s'est en outre déclarée d'accord pour appliquer à l'amende infligée un intérêt à compter de l'expiration du délai de paiement et elle l'a confirmé lors de son audition consacrée à sa demande de sursis à l'exécution.

    Là-dessus est intervenue le 6 mai 1982 l'ordonnance du président de la Cour, déjà mentionnée au début des présentes conclusions, portant sursis à l'exécution de l'article 3 de la décision moyennant le maintien de la caution constituée en faveur de la Commission. Toutefois, comme la promesse de la requérante comportait la réserve que la Cour apprécie la question de savoir si des intérêts pouvaient être exigés, l'ordonnance était assortie d'une réserve correspondante. En conséquence, il convient d'évoquer encore brièvement, dans le cadre de l'examen sur le fond, la question de l'obligation d'intérêts bien qu'elle ne soit pas mentionnée dans la décision attaquée.

    A cet égard, la requérante fait valoir qu'une telle obligation ne dispose d'aucune base juridique en droit communautaire. La Commission renvoie à l'article 185 du traité CEE et invoque le fait qu'elle aurait subordonné son acceptation de surseoir à l'exécution à la déclaration d'engagement de la requérante qui constituerait donc la base juridique de l'exigibilité des intérêts. Elle estime, en outre, que cela seul permettrait d'atteindre le but de l'imposition de l'amende et d'éviter toute procédure judiciaire superflue tendant à réaliser un bénéfice sur les taux d'intérêt. Au cas où la Cour nierait l'existence d'une obligation d'intérêts, elle propose, à titre subsidiaire, de majorer l'amende à due concurrence en vue d'exclure qu'un avantage économique résulte du sursis à l'exécution forcée.

    Sur ce point nous inclinons de nouveau à partager le point de vue de la Commission. Lorsqu'elle constate une violation de l'article 85, paragraphe 1, et considère qu'une demande s'impose, celle-ci est incontestablement exécutoire dans le délai prévu; les sanctions financières prévues par le système du traité doivent, par principe, être immédiatement applicables parce que les recours n'ont pas d'effet suspensif. Il est possible d'y déroger au moyen d'une ordonnance rendue en application de l'article 85 du règlement de procédure lorsque certaines conditions sont réunies. Si une solution intermédiaire, qui a également trouvé application en l'espèce, a été trouvée il y a quelque temps, elle ne semble pas seulement tout à fait raisonnable en ce qu'elle évite la rigueur de l'exécution immédiate, offre une garantie à la Commission et exclut la tentation de retarder l'exécution d'une obligation de paiement par l'introduction de recours. A cet égard, toute base juridique ne fait pas non plus défaut puisque l'idée fondamentale d'une telle démarche est exprimée dans l'article 86, paragraphe 2 du règlement de procédure.

    Au cas où la Cour estimerait donc — contrairement à notre point de vue — que le comportement de la requérante justifie l'application d'une amende, il y aurait lieu de confirmer l'ordonnance rendue par le président en ce sens que des intérêts sont exigibles de la manière indiquée pour la somme correspondante à compter du jour d'échéance fixé dans la décision, à moins que l'on préfère — ce qui deviendrait possible en cas de réduction de l'amende — de fixer son montant de manière à tenir compte de l'obligation d'intérêts.

    VII.

    En résumé :

    A notre avis, il résulte de la procédure que la constatation de la Commission que le système de distribution sélective instauré, avec effet au 1er novembre 1973, par AEG-Telefunken constitue, dans son application pratique, une infraction à l'article 85, paragraphe 1, n'est pas suffisamment prouvée. En conséquence, il y a lieu d'annuler dans son intégralité la décision de la Commission, et, partant, de condamner également celle-ci aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.


    ( 1 ) Traduit de l'allemand.

    ( 2 ) Arrêt rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76, Metro SB-Großmärkte GmbH & Co.KG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1977, p. 1875.

    ( 3 ) Arrêt rendu le 10 juillet 1980 dans l'affaire 99/79, SA Lancôme et Cosparfrance Nederland BV/Etos BV et Albert Heyn Supermart BV, Recueil 1980, p. 2511.

    ( 4 ) Arrêt rendu le 11 décembre 1980 dans l'affaire 31/80, NV l'Oréal et SA l'Oréal/PVBA De nieuwe Amck, Recueil 1980, p. 3775.

    ( 5 ) Arrêt rendu le 16 juin 1981 dans l'affaire 126/80, Maria Salonia/Giorgio Poidomani et Franca Giglio, veuve Baglieri, Recueil 1981, p. 1563.

    ( 6 ) Arret rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76. Metro SB-Groiìmarktc GmbH & Co KG/Commission des Communautés européennes. Recueil 1977, p 1875

    ( 7 ) Arret rendu le 16 min 1981 dans l'affaire I26/8C, Maria Saloma/Giorgio Poidomani et Franca Giglio, veuve Bagheri, Recueil 1981. p 1563

    ( 8 ) Arrêt rendu le 13 février 1969 dans l'affaire 14/68, Walt Wilhelm et autres/Bundeskartellamt, Recueil 1969, p. 1.

    ( 9 ) Arrêt rendu le 15 juillet 1970 dans l'affaire 41/69, ACF Chemiefarma NV/Commission des Communautés européennes, Recueil 1970, p. 661.

    ( 10 ) Arrêt rendu le 14 juillet 1972 dans l'affaire 51/69, Farbenfabriken Bayer AG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1972, p. 745.

    ( 11 ) Arrêt rendu le 14 juillet 1972 dans l'affaire 54/69, SA Française de matières colorantes (Francolor)/Commission des Communautés européennes, Recueil 1972, p. 851.

    ( 12 ) Arrêt rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76, Metro SB-Großmärkte GmbH & Co. KG /Commission des Communautés européennes, Recueil 1977, p. 1875.

    ( 13 ) Arrêt rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76, Metro SB-Großmärkte GmbH & Co. KG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1977, p. 1875.

    ( 14 ) Arrêt rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76, Metro SB-Grossmärkte GmbH & Co. KG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1977, 1875.

    ( 15 ) Arrêt rendu le 1er février 1978 dans l'affaire 19/77, Miller International Schallplatten GmbH/Commission des Communautés européennes, Recueil 1978, p. 131.

    ( 16 ) Arrêt rendu le 29 octobre 1980 dans les affaires jointes 209 à 215 et 218/78, Heintz van Landewyck Sàrl et autres/Commission des Communautés européennes, Recueil 1980, p. 3125.

    ( 17 ) Arrêt rendu le 16 juin 1981 dans l'affaire 126/8—, Maria Salonia/Giorgio Poidomani et Franca Giglio, veuve Baglieri, Recueil 1981, p. 1563.

    ( 18 ) Arrêt rendu le b mars 1974 dans les affaires joinles 6 et 7/73. Istituto Chemioterapico Italiano SpA et Commercial Solvents Corporation/Commission dos Communautés européennes. Recueil 1974, p 223

    ( 19 ) Arret rendu le ài mai 1979 dans l'affaire 22/78, Hugin Kassaregister AB et Hugin Cash Registers I td/Commission des Communautés européennes. Retueil 1979. p 1869

    ( 20 ) Arrêt rendu le 26 novembre 1975 dans l'affaire 73/74, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique et autres/Commission des Communautés européennes, Recueil 1975, p. 1491.

    ( 21 ) Arrêt rendu le 1er février 1978 dans l'affaire 19/77, Miller International Schallplatten GmbH/Commission des Communautés européennes, Recueil 1978, p. 131.

    ( 22 ) Arrêt rendu le 29 octobre 1980 dans les affaires jointes 209 à 215 et 218/78, Heintz van Landewyck Sári et autres/Commission des Communautés européennes, Recueil 1980, p. 3125.

    ( 23 ) Arret rendu le 31 mai 1979 dans l'affaire 22/78. Hugin Kassaregister AB et Hugin Cash Registers Lid /Commission des Communautés européennes, Recueil 1979, p 1869

    ( 24 ) Arrêt rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76, Metro SB-Großmärkte GmbH & Co. KG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1977, p. 1875.

    ( 25 ) Arret rendu le 14 juillet 1972 dans l'affaire 48/69, Imperial Chemical Industries Ltd./Commission des Communautés européennes, Recueil 1972, p. 619

    ( 26 ) Arret rendu le 21 février 1973 dans l'affaire 6/72, Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc /Commission des Communautés européennes, Recueil 1973, p 215.

    ( 27 ) Arret rendu le 6 mars 1974 dans les affaires jointes 6 et 7/73, Istituto Chemioterapico Italiano SpA et Commercial Solvents Corporation/Commission des Communautés européennes, Recueil 1974, p 223

    ( 28 ) Arrêt rendu le 25 octobre 1977 dans l'affaire 26/76, Metro SB-Großmärkte GmbH & Co. KG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1977, p. 1875.

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