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Document 62022CO0204

Ordonnance de la Cour (neuvième chambre) du 22 décembre 2022.
Procédure engagée contre Úrad pre dohľad nad zdravotnou starostlivosťou e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Úrad pre verejné obstarávanie.
Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Critères structurels et fonctionnels – Exercice de fonctions juridictionnelles ou administratives – Obligation de coopération de l’organisme de renvoi – Directives 89/665/CEE et 2014/24/UE – Marchés publics – Organisme national de contrôle des procédures de passation des marchés publics – Habilitation à agir d’office – Pouvoir de sanction – Décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel – Absence de litige devant l’organisme de renvoi – Irrecevabilité manifeste de la demande de décision préjudicielle.
Affaire C-204/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1034

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

22 décembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Critères structurels et fonctionnels – Exercice de fonctions juridictionnelles ou administratives – Obligation de coopération de l’organisme de renvoi – Directives 89/665/CEE et 2014/24/UE – Marchés publics – Organisme national de contrôle des procédures de passation des marchés publics – Habilitation à agir d’office – Pouvoir de sanction – Décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel – Absence de litige devant l’organisme de renvoi – Irrecevabilité manifeste de la demande de décision préjudicielle »

Dans l’affaire C‑204/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Úrad pre verejné obstarávanie (Autorité de régulation des marchés publics, Slovaquie), par décision du 16 mars 2022, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure engagée contre

Úrad pre dohľad nad zdravotnou starostlivosťou,

Všeobecná zdravotná poisťovňa, a.s.,

DÔVERA zdravotná poistʼovňa, a.s.,

Union zdravotná poisťovňa, a.s.,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et S. Rodin, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur la question de savoir si des organismes de droit privé, constitués dans le but spécifique de répondre à des besoins d’intérêt général, à savoir, en l’occurrence, des caisses d’assurance maladie, peuvent se voir opposer des dispositions de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), susceptibles d’avoir un effet direct.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par l’Úrad pre verejné obstarávanie (Autorité de régulation des marchés publics, Slovaquie, ci-après l’« autorité de régulation ») contre l’Úrad pre dohľad nad zdravotnou starostlivosťou (Office de surveillance des soins de santé, Slovaquie) ainsi que contre Všeobecná zdravotná poisťovňa, a.s., DÔVERA zdravotná poistʼovňa, a.s. et Union zdravotná poisťovňa, a.s., trois caisses d’assurance maladie opérant en Slovaquie, aux fins d’un contrôle des actes adoptés par ces quatre entités dans le contexte d’une procédure de passation de marché visant l’octroi d’autorisations d’exploitation de services d’aide médicale urgente.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 89/665

3        L’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1) (ci-après la « directive 89/665 »), dispose :

« 1.      [...]

Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés relevant du champ d’application de la directive [2014/24] ou de la directive [2014/23/UE], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

[...]

3.      Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. »

 La directive 2014/24

4        Le considérant 122 de la directive 2014/24 est libellé ainsi :

« La directive [89/665] prévoit que certaines procédures de recours sont accessibles au moins à toute personne ayant ou ayant eu intérêt à obtenir un marché particulier et ayant été lésée ou risquant de l’être par une violation alléguée du droit de l’Union dans le domaine de la passation de marchés publics ou des règles nationales transposant ce droit. Ces procédures de recours ne devraient pas être affectées par la présente directive. Toutefois, les citoyens et les parties concernées, qu’ils soient organisés ou non, ainsi que d’autres personnes ou organismes qui n’ont pas accès aux procédures de recours en vertu de la directive [89/665] ont néanmoins un intérêt légitime en qualité de contribuables à ce qu’il existe de bonnes procédures de passation de marché. Ils devraient dès lors disposer de la possibilité, autrement qu’au moyen du système de recours prévu par la directive [89/665] et sans qu’ils se voient nécessairement conférer pour autant la qualité pour agir en justice, de signaler d’éventuelles violations de la présente directive à une autorité ou une structure compétente. Afin de ne pas créer de doublons avec des autorités ou structures existantes, les États membres devraient avoir la possibilité de prévoir un recours auprès d’autorités ou de structures générales de contrôle, d’organismes sectoriels de surveillance, d’autorités locales de surveillance, d’autorités chargées de la concurrence, du médiateur ou d’autorités nationales de contrôle. »

5        L’article 83, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/24 prévoit :

« 1.      Pour assurer effectivement la bonne application et la mise en œuvre efficace de la présente directive, les États membres veillent à ce que, pour le moins, les tâches énoncées dans le présent article soient accomplies par une ou plusieurs autorités, organismes ou structures. Ils indiquent à la Commission [européenne] toutes les autorités, instances ou structures qui sont compétentes pour ces tâches.

2.      Les États membres veillent à ce que l’application des règles relatives à la passation des marchés publics soit contrôlée.

Lorsque les autorités ou structures de contrôle constatent, de leur propre initiative ou après en avoir été informées, des violations précises ou des problèmes systémiques, elles doivent être habilitées à les signaler aux autorités nationales d’audit, aux juridictions ou aux autres autorités ou structures compétentes telles que le médiateur, le parlement national ou les commissions de celui-ci. »

 Le droit slovaque

6        Les compétences de l’autorité de régulation sont régies par le zákon č. 343/2015 Z. z. o verejnom obstarávaní a o zmene a doplnení niektorých zákonov (loi no 343/2015 sur les marchés publics, modifiant et complétant certaines lois). La procédure au principal a été engagée sur la base des dispositions de cette loi, telle qu’elle était en vigueur jusqu’au 30 mars 2022 (ci-après la « loi sur les marchés publics »).

7        L’article 147, sous c), de la loi sur les marchés publics prévoyait :

« L’autorité de régulation

[...]

c)      exerce le contrôle des marchés publics

[...] »

8        Aux termes de l’article 167, paragraphe 2, sous b), de cette loi :

« Dans le cadre de l’exercice de ce contrôle, l’autorité de régulation

[...]

b)      adopte des décisions conformément au présent titre

[...] »

9        L’article 169, paragraphe 3, de ladite loi disposait :

« La procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée après la conclusion d’un contrat, d’un contrat de concession ou d’un accord‑cadre, après la clôture d’un concours, après l’attribution d’un marché en vertu d’un accord-cadre, après la clôture d’une procédure de partenariat d’innovation, [...] est engagée

a)      à l’initiative de l’autorité de régulation,

b)      sur la base d’une demande déposée par une personne qui n’était pas habilitée à formuler des objections ou

c)      sur la base d’une demande d’une autorité publique qui certifie avoir un intérêt juridique en la matière, si l’entité contrôlée a reçu des fonds de l’Union européenne pour la fourniture de biens, la réalisation de travaux de construction ou la fourniture de services. »

10      L’article 173, paragraphes 13 et 14, de la même loi était libellé comme suit :

« 13.      Avant de rendre sa décision au titre de l’article 175 dans le cadre d’une procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée en application de l’article 169, [...] paragraphes 3 et 4, l’autorité de régulation invite l’entité contrôlée à présenter des observations [...] sur les circonstances établies par l’autorité de régulation dans le cadre de la procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée [...]

14.      Dans le cas d’une procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée en application de l’article 169, paragraphe 3, l’autorité de régulation indique, dans l’invitation prévue au paragraphe 13, quels faits établis sont constitutifs d’une infraction administrative [...] ainsi que l’amende qu’elle envisage d’infliger et elle informe l’entité contrôlée du fait que si [...] le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice déclare à l’autorité de régulation qu’elle est pleinement d’accord avec tous les faits établis, l’amende qui aurait été normalement infligée est réduite de 50 %. »

11      L’article 174, paragraphe 1, sous o), de la loi sur les marchés publics prévoyait :

« L’autorité de régulation interrompt la procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée si, dans le cadre de la procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée en application de l’article 169, paragraphe 1, sous a) à c), ou paragraphes 3 et 4, elle ne constate pas d’infraction à la loi qui a eu ou a pu avoir une incidence sur le résultat de la procédure de passation de marché. »

12      L’article 174, paragraphe 2, de cette loi disposait :

« Une décision prise en application du paragraphe 1 est susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel. Le recours doit être formé dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision de l’autorité de régulation. »

13      L’article 175, paragraphe 4, de ladite loi était libellé ainsi :

« Si, dans le cadre de la procédure de contrôle des actes adoptés par l’entité contrôlée après la conclusion du contrat, [l’autorité de régulation] constate que le comportement de l’entité contrôlée enfreint la loi et que cette infraction a eu ou a pu avoir une incidence sur le résultat de la procédure de passation de marché, elle énumère dans la décision, de manière exhaustive, les dispositions de la loi dont la violation a eu ou a pu avoir une incidence sur le résultat de la procédure de passation de marché.

[...]

Si le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a indiqué à l’autorité de régulation qu’il/elle acceptait tous les faits établis conformément à l’article 173, paragraphe 14, l’autorité de régulation, dans la décision, inflige au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice une amende réduite de 50 %. La décision infligeant une amende réduite de 50 % n’est pas susceptible de recours. »

14      La version de la loi no 343/2015 sur les marchés publics, modifiant et complétant certaines lois, applicable, en partie, à l’affaire au principal résulte de sa modification par la loi no 395/2021, entrée en vigueur le 31 mars 2022 (ci-après la « loi sur les marchés publics, telle que modifiée »).

15      Aux termes de l’article 182, paragraphe 1, sous a), de la loi sur les marchés publics, telle que modifiée :

« L’autorité de régulation inflige au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice une amende à hauteur de 5 % du prix contractuel en cas de contournement de l’obligation de conclure un contrat, un contrat de concession ou un accord-cadre en vertu de la présente loi, selon les modalités ou la procédure prévues par la présente loi. »

16      L’article 187i, paragraphes 1 et 22, de la loi sur les marchés publics, telle que modifiée, est rédigé comme suit :

« 1.      Une décision au titre de l’article 187h, paragraphe 15, et une décision au titre de l’article 175 [...], à l’exception d’une décision au titre de l’article 175, paragraphe 4, par laquelle l’autorité de régulation a infligé à l’entité contrôlée une amende réduite de 50 %, [...] peuvent faire l’objet d’une procédure de contrôle des actes de l’entité contrôlée initiée par une partie et d’un recours administratif interne initié par une personne visée à l’article 175, paragraphe 11. Dans le cadre d’un recours administratif interne, c’est le conseil, qui est un organe de l’autorité de régulation, qui statue.

[...]

22.      La décision du conseil rendue sur recours administratif interne peut faire l’objet d’un recours juridictionnel ; cela ne s’applique pas en cas de décision du conseil rendue sur un recours administratif interne dirigé contre une décision de l’autorité de régulation adoptée dans le cadre d’une procédure de contrôle des actes adoptés par une entité contrôlée après la conclusion d’un contrat qui n’impose pas d’obligation à l’entité contrôlée. [...] »

 Le contexte factuel et les questions préjudicielles

17      Au cours de l’année 2019, l’Office de surveillance des soins de santé a publié un avis de marché en vue de l’octroi d’autorisations d’exploitation de services d’aide médicale urgente. À la fin de la procédure de sélection, ce pouvoir adjudicateur a délivré des autorisations à quatorze entités.

18      Ces dernières ont conclu des contrats avec les caisses d’assurance maladie qui opèrent sur le territoire de la République slovaque, afin de garantir la fourniture de soins de santé sur la base des autorisations obtenues.

19      Après la publication de l’avis de marché susmentionné, l’autorité de régulation a été saisie d’un certain nombre de plaintes selon lesquelles la procédure de sélection en question n’avait pas respecté la réglementation applicable en matière de marchés publics.

20      C’est dans ce contexte que l’autorité de régulation a interrogé la Commission sur l’applicabilité de la directive 2014/24 aux services d’aide médicale urgente fournis par des entités à but lucratif. Elle a également demandé des informations aux participants à la procédure de sélection en question et à certaines caisses d’assurance maladie en ce qui concerne l’applicabilité de l’article 1er, paragraphe 2, sous g), de la loi sur les marchés publics. Cette disposition viserait, en effet, à transposer en droit slovaque l’article 10, sous h), de la directive 2014/24, lequel exclut certains marchés de services de son champ d’application.

21      En particulier, en vertu de cette dernière disposition de droit de l’Union, certains services de protection civile seraient exclus des procédures de passation de marchés, à condition qu’ils soient fournis par des entités à but non lucratif. Or, le droit slovaque aurait étendu cette exclusion à des entités qui poursuivent des buts lucratifs.

22      Après avoir examiné les réponses à ses demandes d’information, l’autorité de régulation a initié, de sa propre initiative, une procédure de contrôle au titre de l’article 169, paragraphe 3, sous a), de la loi sur les marchés publics. Dans le cadre de cette procédure, elle a procédé à l’examen des actes adoptés, d’une part, par l’Office de surveillance des soins de santé en tant que pouvoir adjudicateur et, d’autre part, par les caisses d’assurances maladie lorsqu’elles ont conclu des contrats avec les quatorze entités ayant remporté le marché en cause.

23      L’autorité de régulation relève à cet égard que l’Office de surveillance des soins de santé et les caisses d’assurance maladie visées par son enquête contestent sa compétence de contrôle, notamment au motif que les règles régissant les procédures de passation des marchés ne s’appliqueraient pas.

24      En outre, l’une des caisses d’assurance maladie, à savoir Všeobecná zdravotná poist’ovňa, soutient que, alors que l’article 10, sous h), de la directive 2014/24 n’a pas été correctement transposé en droit slovaque, cette disposition ne saurait lui être opposée, dès lors que l’effet direct des directives ne peut être invoqué qu’à l’égard d’une entité pouvant être assimilée à une autorité d’un État membre. Or, elle ne remplirait pas les critères qui ressortent à cet égard de l’arrêt du 12 juillet 1990, Foster e.a. (C‑188/89, EU:C:1990:313). En particulier, le fait que l’État slovaque soit son seul actionnaire ne justifierait pas l’application directe de l’article 10, sous h), de la directive 2014/24.

25      Afin de pouvoir examiner le bien-fondé des arguments de Všeobecná zdravotná poist’ovňa, l’autorité de régulation estime nécessaire d’interroger la Cour sur l’interprétation de l’arrêt du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745), en ce qui concerne les critères permettant de déterminer si une personne morale de droit privé doit être considérée comme étant une émanation de l’État.

26      C’est dans ces conditions que l’autorité de régulation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une entité telle que Všeobecná zdravotná poisťovňa – une société anonyme constituée dans le but spécifique de répondre à des besoins d’intérêt général, dont l’actionnaire unique est l’État, dont la gestion des actions est assurée par le ministère de la Santé, le ministre de la Santé nommant et révoquant, conformément aux statuts, tous les membres du conseil d’administration de cette société anonyme et désignant aussi les membres des organes de surveillance – [remplit-elle] toutes les conditions nécessaires pour être qualifiée d’autorité nationale d’un État membre qui est tenue de respecter les dispositions de la directive [2014/24] avec effet direct et qui, en cas de violation des dispositions de celle-ci, est passible des sanctions prévues à l’article 2 sexies, paragraphes 1 et 2, de la directive [89/665] ?

2)      Une entité telle que DÔVERA zdravotná poisťovňa et Union zdravotná poisťovňa – des caisses d’assurance maladie constituées dans le but spécifique de répondre à des besoins d’intérêt général, dont l’actionnaire n’est pas l’État et sur le personnel et le patrimoine desquelles l’État n’exerce pas de contrôle – [remplit‑elle] les conditions pour être qualifiée d’autorité nationale d’un État membre qui est tenue de respecter les dispositions de la directive [2014/24] avec effet direct et qui, en cas de violation des dispositions de celle-ci, est passible des sanctions prévues à l’article 2 sexies, paragraphes 1 et 2, de la directive [89/665] ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

27      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

28      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

 Observations de l’autorité de régulation

29      Dans sa demande de décision préjudicielle, l’autorité de régulation expose les raisons pour lesquelles elle considère qu’elle a le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE. Cette autorité a fourni des informations supplémentaires relatives à ses compétences et à la procédure pendante devant elle dans sa réponse à la demande d’informations que la Cour lui a adressée le 3 mai 2022.

30      Il ressort de ces informations que l’autorité de régulation contrôle l’application, en Slovaquie, du droit de l’Union en matière de marchés publics et met en œuvre des procédures de recours. Elle estime que, en l’occurrence, elle exerce ses pouvoirs en tant qu’« autorité », au sens de l’article 83 de la directive 2014/24 et conformément à l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89/665.

31      L’autorité de régulation relève à cet égard qu’elle peut, en vertu de l’article 169 de la loi sur les marchés publics, mener des « procédures de contrôle » des actes adoptés après la conclusion d’un marché en vue d’apprécier leur conformité à la réglementation en matière de marchés publics. En vertu de l’article 182 de cette loi, elle serait habilitée à imposer des pénalités financières.

32      Cette autorité soutient que sa compétence pour constater des infractions à la réglementation en matière de marchés publics, y compris dans le cadre d’une procédure de contrôle, a un caractère obligatoire. Elle se réfère à cet égard notamment à l’article 147, sous c), à l’article 167, paragraphe 2, sous b), ainsi qu’aux articles 169 et suivants de la loi sur les marchés publics.

33      L’autorité de régulation relève, en outre, que les procédures de contrôle s’insèrent dans un cadre légal précis qui permet aux parties à la procédure d’être entendues et de présenter leurs observations sur les constatations de fait et leur qualification juridique.

34      Enfin, cette autorité fait valoir que les procédures devant elles sont de nature judiciaire et que ses décisions sont contraignantes et exécutoires. Elle souligne à cet égard que, en fonction de la situation des parties à la procédure, certaines de ses décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un recours juridictionnel.

35      Dans le cadre de la procédure au principal, l’autorité de régulation vérifierait si les obligations définies par la réglementation applicable en matière de marchés publics ont été respectées par les différents acteurs. Elle mènerait à cet effet la « procédure de contrôle », visée à l’article 169 de la loi sur les marchés publics, qui lui permettrait d’examiner les actes pris dans le contexte de l’attribution d’un marché.

36      En l’occurrence, cette procédure aurait été engagée d’office, sur le fondement de l’article 169, paragraphe 3, sous a), de cette loi. Elle pourrait aboutir à une décision au titre des articles 174 ou 175 de ladite loi.

37      Si l’autorité de régulation devait constater, dans le cadre de ses vérifications, des violations de la réglementation applicable, elle devrait inviter les entités contrôlées à prendre position, conformément à l’article 173, paragraphes 13 et 14, de la loi sur les marchés publics. Dans l’invitation, elle devrait communiquer, notamment, son appréciation des faits, leur qualification d’infraction administrative ainsi que l’amende qu’elle envisage d’infliger. En l’occurrence, une telle invitation a été adressée aux entités contre lesquelles la procédure au principal a été engagée.

38      Il ressortirait de l’article 175, paragraphe 4, troisième et quatrième phrases, de la loi sur les marchés publics que l’autorité de régulation doit réduire l’amende envisagée de 50 % si l’entité contrôlée reconnaît les faits qui lui sont reprochés. La décision rendue dans ce cadre serait définitive et exécutoire et ne saurait faire l’objet d’un recours juridictionnel.

39      En revanche, si les entités contrôlées contestent l’infraction, l’autorité de régulation devrait, en application de l’article 175, paragraphe 4, première phrase, de cette loi, rendre une décision qui « énumère » de manière exhaustive les dispositions de la réglementation applicable que les parties en question auraient violées. Cette décision pourrait faire l’objet d’un recours administratif interne devant l’organe d’appel de cette autorité, conformément à l’article 187i, paragraphe 1, de la loi sur les marchés publics, telle que modifiée.

40      En vertu de l’article 187i, paragraphe 22, de la loi sur les marchés publics, telle que modifiée, la décision adoptée par l’organe d’appel dans ce cadre ne pourrait pas faire l’objet d’un recours juridictionnel, au motif qu’une telle décision n’imposerait pas d’obligations.

41      Dans l’hypothèse où la décision adoptée en vertu de l’article 175, paragraphe 4, première phrase, de la loi sur les marchés publics serait acceptée par l’entité contrôlée, l’autorité de régulation lui infligerait une sanction appropriée. En revanche, en cas de désaccord, cette autorité engagerait d’office une procédure de sanction, en application de l’article 182 de la loi sur les marchés publics. Aux fins de l’établissement de ces sanctions, ladite autorité s’appuierait sur les infractions énumérées dans la décision adoptée en vertu de l’article 175, paragraphe 4, première phrase, de cette loi.

42      En l’occurrence, les comportements des entités contre lesquelles la procédure au principal a été engagée pourraient constituer une infraction administrative, au sens de l’article 182, paragraphe 1, sous a), de ladite loi, visant à réprimer le contournement des procédures de passation de marchés.

43      Par ailleurs, conformément à l’article 174, paragraphe 1, sous o), de la loi sur les marchés publics, l’autorité de régulation devrait interrompre la procédure de contrôle si elle ne constate pas d’infraction à la loi qui a eu ou a pu avoir une incidence sur le résultat de la procédure de passation de marché. Il ressortirait de l’article 174, paragraphe 2, de la même loi qu’une telle décision peut faire l’objet d’un recours juridictionnel. Le cas échéant, cette autorité agirait alors en tant que partie défenderesse devant la juridiction saisie.

 Appréciation de la Cour

44      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par ledit organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 41 et jurisprudence citée).

45      Il ressort également de la jurisprudence constante de la Cour que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir celle-ci que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision à caractère juridictionnel (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 42 et jurisprudence citée).

46      Il convient donc de déterminer l’habilitation d’un organisme à saisir la Cour selon des critères tant structurels que fonctionnels. À cet égard, un organisme national peut être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 43 et jurisprudence citée).

47      Il s’ensuit que, pour établir si un organisme national, auquel la loi confie des fonctions de nature différente, doit être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, il est nécessaire de vérifier quelle est la nature spécifique des fonctions qu’il exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel il est appelé à saisir la Cour (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 44 et jurisprudence citée).

48      Cette vérification revêt une importance particulière en présence d’autorités administratives dont l’indépendance est une conséquence directe des exigences découlant du droit de l’Union qui leur confère des compétences de contrôle sectoriel et de surveillance des marchés. Bien que ces autorités soient susceptibles de répondre aux critères non exhaustifs énumérés au point 44 de la présente ordonnance, issus de l’arrêt du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels (61/65, EU:C:1966:39), l’activité de contrôle sectoriel et de surveillance des marchés est, essentiellement, de nature administrative, en ce qu’elle implique l’exercice de compétences qui sont étrangères à celles attribuées aux juridictions (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 45).

49      Partant, un organisme qui satisfait auxdits critères, en particulier à celui tenant à l’indépendance, ne doit pas pour autant nécessairement être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE. En effet, une telle interprétation de cette disposition méconnaîtrait la jurisprudence de la Cour, rappelée aux points 45 à 47 de la présente ordonnance, dont il découle qu’un organisme national, alors que son origine légale, son caractère permanent, la nature contradictoire de sa procédure, l’application par celui-ci des règles de droit et son indépendance ne font pas de doute, ne saurait être habilité à saisir la Cour à titre préjudiciel que si, dans le cadre de l’affaire pendante devant lui, il exerce des fonctions de nature juridictionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 46).

50      À cet égard, constituent des indices que l’organisme en cause exerce des fonctions non pas juridictionnelles, mais administratives, le pouvoir d’engager des procédures d’office ainsi que celui d’infliger, également d’office, des sanctions dans les matières relevant de sa compétence (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 48 et jurisprudence citée).

51      Le rôle et la place d’un organisme dans l’ordre juridique national sont également pertinents aux fins de l’appréciation de la nature de ses fonctions (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 50).

52      Ainsi, la Cour a qualifié d’« administrative » l’activité des organismes qui ont pour mission non pas de contrôler la légalité d’une décision, mais de prendre position, pour la première fois, sur la plainte d’un administré et dont les décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 51 et jurisprudence citée).

53      En outre, la Cour a itérativement rappelé que la notion de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, ne peut, par essence même, désigner qu’une autorité qui a la qualité de tiers par rapport à celle qui a adopté la décision faisant l’objet du recours (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 52 et jurisprudence citée).

54      Par ailleurs, il convient de rappeler que les exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, et arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a., C‑208/20 et C‑256/20, EU:C:2021:719, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1).

55      Les informations qui doivent figurer dans la décision de renvoi ont notamment vocation à permettre à la Cour de vérifier la recevabilité d’une telle demande (voir, en ce sens, ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores, C‑102/17, EU:C:2018:294, point 27).

56      Ainsi, c’est sur la base des éléments fournis par l’organisme de renvoi qu’il appartient à la Cour de vérifier si celui-ci doit pouvoir être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores, C‑102/17, EU:C:2018:294, point 24).

57      Dans ce contexte, l’obligation de l’organisme de renvoi d’expliciter, en particulier, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal doit tout particulièrement être observée lorsque cet organe s’est vu confier par la loi des fonctions administratives et juridictionnelles (voir, en ce sens, ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores, C‑102/17, EU:C:2018:294, points 28 et 29).

58      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’autorité de régulation mène une « procédure de contrôle », sur le fondement de l’article 169, paragraphe 3, de la loi sur les marchés publics, dans le cadre de laquelle elle vérifie, ex post, si l’attribution d’un marché ainsi que les actes adoptés après la conclusion d’un tel marché ont respecté les exigences légales en matière de passation de marchés publics. Lorsqu’elle constate que ces exigences ont été méconnues, elle inflige des amendes aux entités concernées.

59      L’article 169, paragraphe 3, sous a) à c), de cette loi prévoit ainsi que la procédure de contrôle peut être engagée à l’initiative de l’autorité de régulation ou à la demande de tiers, à savoir « une personne qui n’était pas habilitée à formuler des objections » ou certaines autorités publiques.

60      Ainsi qu’il ressort du point 50 de la présente ordonnance, le pouvoir d’engager d’office des procédures et d’infliger des amendes constitue un indice de ce que l’organisme de renvoi n’exerce pas de fonctions juridictionnelles.

61      Tel est le cas de l’autorité de régulation dans le contexte de la procédure au principal.

62      En effet, en premier lieu, il convient de relever que l’autorité de régulation a précisé qu’elle n’est pas tenue de donner suite aux plaintes qui lui sont adressées, de sorte que, de facto, la procédure de contrôle visée à l’article 169, paragraphe 3, de la loi sur les marchés publics ne peut être déclenchée que de sa propre initiative. Par ailleurs, selon les informations transmises par cette autorité, cette procédure de contrôle a un caractère inquisitoire, l’autorité de régulation n’étant pas saisie d’un litige opposant deux parties et qu’elle serait amenée à devoir trancher. De plus, il découle notamment de l’article 173, paragraphe 14, et de l’article 182, paragraphe 1, sous a), de la loi sur les marchés publics ainsi que des explications fournies par l’autorité de régulation que, dans le cadre de ladite procédure de contrôle, cette autorité peut infliger d’office une amende ou une pénalité financière à l’entité contrôlée. Ces caractéristiques des compétences attribuées à l’autorité de régulation dans le cadre de la même procédure de contrôle constituent des indices qu’elle exerce des fonctions de nature non pas juridictionnelle, mais administrative.

63      En second lieu, contrairement à ce que suggère l’autorité de régulation en se référant notamment à l’article 1er de la directive 89/665, il importe de constater que la procédure au principal ne saurait être assimilée aux procédures de recours visées au paragraphe 1, quatrième alinéa, et au paragraphe 3 de cet article.

64      En effet, il découle de ces dispositions que les États membres s’assurent que des procédures de recours efficaces soient accessibles au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée, notamment afin de protéger les opérateurs économiques contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, points 71 et 72).

65      Or, la procédure de contrôle en cause au principal, qui a nécessairement été initiée de la propre initiative de l’autorité de régulation, ne constitue pas une voie de recours à la disposition des opérateurs économiques.

66      De plus, ainsi que la Cour l’a déjà souligné, il ressort du considérant 122 de la directive 2014/24 que les procédures de recours prévues par la directive 89/665 ne doivent pas être affectées par la directive 2014/24. L’article 83 de cette dernière directive impose en effet aux États membres de prévoir des mécanismes permettant le contrôle de l’application des règles relatives aux procédures de passation des marchés publics qui visent, notamment, à permettre à toute personne de signaler d’éventuelles violations de la directive 2014/24 à une autorité ou à une structure compétente, autrement qu’au moyen des systèmes de recours prévus par la directive 89/665 et sans se voir nécessairement conférer qualité pour agir en justice (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, points 80 à 82).

67      Il en résulte qu’une procédure de contrôle d’office constitue l’une des expressions possibles du rôle ainsi assigné aux autorités nationales de contrôle par l’article 83 de la directive 2014/24 (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 83) et doit être distinguée des procédures de recours visées par la directive 89/665.

68      Le rôle ainsi dévolu à l’autorité de régulation dans le cadre de la procédure au principal, dont la Cour tient également compte, conformément au point 51 de la présente ordonnance, afin de déterminer la nature de ses fonctions, constitue un indice particulièrement fort permettant de considérer que, dans ce cadre, cette autorité n’exerce pas des fonctions juridictionnelles.

69      Il y a lieu d’ajouter que, dans sa demande d’informations du 3 mai 2022, la Cour a spécifiquement interrogé l’autorité de régulation au sujet des « recours juridictionnels permettant de contester les décisions [...] adoptées par [elle] et son rôle devant les juridictions compétentes ». En réponse à cette question, il apparaît que cette autorité n’a transmis que des informations incomplètes à la Cour.

70      En effet, l’autorité de régulation s’est bornée à indiquer que certaines de ses décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un recours juridictionnel. Il s’agirait, d’une part, des décisions adoptées au terme d’une procédure de transaction, dans le cadre de laquelle l’entité contrôlée ne conteste pas l’infraction constatée par cette autorité, en échange de quoi cette dernière ne lui infligerait qu’une sanction réduite, et, d’autre part, des décisions adoptées sur le fondement de l’article 175, paragraphe 4, première phrase, de la loi sur les marchés publics, qui « énumèrent » de manière exhaustive les dispositions de la réglementation applicable que les parties en question auraient violées.

71      À cet égard, il y a lieu de relever que la procédure de transaction n’est qu’une voie procédurale permettant à l’autorité de régulation de sanctionner l’entité contrôlée. Ainsi qu’il ressort du point 41 de la présente ordonnance, les décisions prises en vertu de l’article 175 paragraphe 4, première phrase, de la loi sur les marchés publics servent de fondement aux décisions de sanction que cette autorité peut adopter. Celle-ci a, toutefois, omis de fournir des informations en ce qui concerne les recours permettant de contester de telles décisions.

72      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’autorité de régulation n’a pas fourni les éléments suffisants permettant à la Cour de vérifier que les décisions pouvant être adoptées au terme de la procédure au principal ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

73      Cela étant, l’autorité de régulation affirme elle-même que sa décision d’interrompre la procédure de contrôle au cas où elle ne constate pas d’infraction à la loi qui a eu ou a pu avoir une incidence sur le résultat de la procédure de passation de marché peut faire l’objet d’un recours juridictionnel et que, dans le cadre de ce recours éventuel, elle agit en tant que partie défenderesse devant la juridiction saisie.

74      Or, une telle participation de l’autorité de régulation à une procédure de recours, mettant en cause sa propre décision, constitue un indice que, lorsqu’elle adopte celle-ci, cette autorité n’a pas la qualité de tiers par rapport aux intérêts en présence, au sens rappelé au point 53 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 69 et jurisprudence citée).

75      Dès lors, eu égard aux éléments exposés aux points 58 à 68 ainsi qu’aux points 73 et 74 de la présente ordonnance, il y a lieu de constater que, dans le cadre de la procédure au principal, l’autorité de régulation exerce des fonctions de nature non pas juridictionnelle, mais purement administrative.

76      Partant, cette autorité ne saurait être regardée comme une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de telle sorte que la demande de décision préjudicielle qu’elle a introduite est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant l’organisme de renvoi, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

La demande de décision préjudicielle introduite par l’Úrad pre verejné obstarávanie (l’autorité de régulation des marchés publics, Slovaquie), par décision du 16 mars 2022, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovaque.

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