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Document 52016IP0083

Résolution du Parlement européen du 10 mars 2016 sur la liberté d'expression au Kazakhstan (2016/2607(RSP))

JO C 50 du 9.2.2018, p. 38–41 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

9.2.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 50/38


P8_TA(2016)0083

La liberté d'expression au Kazakhstan

Résolution du Parlement européen du 10 mars 2016 sur la liberté d'expression au Kazakhstan (2016/2607(RSP))

(2018/C 050/05)

Le Parlement européen,

vu ses précédentes résolutions sur le Kazakhstan, dont celle du 18 avril 2013 (1), celle du 15 mars 2012 (2), celle du 22 novembre 2012 contenant les recommandations du Parlement européen au Conseil, à la Commission et au Service européen pour l'action extérieure sur les négociations en vue d'un accord renforcé de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et le Kazakhstan (3), celle du 15 décembre 2011 sur l'état de la mise en œuvre de la stratégie européenne en Asie centrale (4), et celle du 17 septembre 2009 sur le cas d'Evgeniy Zhovtis au Kazakhstan (5),

vu les observations formulées par la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, après la signature de l'accord renforcé de partenariat et de coopération (APC renforcé) entre l'Union européenne et le Kazakhstan du 21 décembre 2015,

vu la septième édition du dialogue UE-Kazakhstan sur les droits de l'homme qui s'est tenue à Astana le 26 novembre 2015,

vu les conclusions du Conseil du 22 juin 2015 sur la stratégie européenne pour l'Asie centrale,

vu le quatrième rapport d'étape du 13 janvier 2015 sur la mise en œuvre de la stratégie européenne pour l'Asie centrale, adoptée en 2007,

vu le rapport du rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, Maina Kiai, rédigé dans la foulée de sa mission au Kazakhstan et présenté le 16 juin 2015,

vu l'accord renforcé de partenariat et de coopération signé le 21 décembre 2015,

vu l'article 19 du pacte international relatif aux droits civils et politiques,

vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

vu l'article 20 de la Constitution du Kazakhstan,

vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,

A.

considérant que le 21 décembre 2015, l'Union européenne et le Kazakhstan ont signé un accord renforcé de partenariat et de coopération (APC renforcé) visant à définir un cadre large de dialogue et de coopération politiques renforcés dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, entre autres; considérant que cet accord met particulièrement l'accent sur la démocratie et l'état de droit, les droits de l'homme et les libertés fondamentales, le développement durable et la coopération de la société civile;

B.

considérant que le Kazakhstan est un acteur international important et joue un rôle majeur dans le développement politique et socioéconomique de la région dont il fait partie ainsi que dans la sécurité dans cette région; considérant que le Kazakhstan a joué un rôle positif en Asie centrale en consentant des efforts pour développer de bonnes relations de voisinage avec les pays limitrophes, reprendre la coopération régionale et résoudre pacifiquement tous les problèmes bilatéraux; considérant qu'il est de l'intérêt de l'Union européenne de renforcer sa coopération politique, économique et en matière de sécurité avec l'Asie centrale en forgeant une relation solide, franche et stratégique avec le Kazakhstan;

C.

considérant que l'APC renforcé devra être ratifié par les parlements des 28 États membres de l'Union ainsi que par le Parlement européen; considérant que si cet accord permettra de renforcer le dialogue politique entre l'Union et le Kazakhstan et de promouvoir le commerce et les investissements entre les deux parties, il met aussi tout particulièrement l'accent sur leurs obligations internationales; considérant qu'on peut reconnaître les progrès réalisés, pendant les négociations de l'APC renforcé, en ce qui concerne la mobilisation de la société civile par la prise de mesures visant à faire participer la société civile à l'élaboration des politiques publiques;

D.

considérant que la situation générale de la liberté d'expression s'est dégradée ces dernières années; considérant qu'en décembre 2015, les autorités kazakhes ont arrêté Guzal Baidalinova, journaliste et propriétaire du journal en ligne Nakanune.kz, en lien avec une affaire pénale, en l'accusant d'avoir «délibérément publié de fausses informations»; considérant que certaines inquiétudes ont été exprimées après l'arrestation de Guzal Baidalinova concernant le harcèlement des médias indépendants au Kazakhstan; considérant que le 29 février 2016, un tribunal a acquitté la journaliste Yulia Kozlova, qui travaille pour Nakanune.kz;

E.

considérant qu'une instruction criminelle est en cours contre Seytkazy Matayev, président du club national de la presse et du syndicat des journalistes, qui est accusé d'avoir détourné des fonds publics à hauteur de plusieurs millions de KZT; considérant que le 22 février 2016, Seytkazy Matayev, qui nie ces accusations, ainsi que son fils, Aset Matayev, qui dirige l'agence de presse indépendante KazTag, ont été placés en détention; considérant qu'Aset Matayev a été relâché après interrogatoire;

F.

considérant que le 22 janvier 2016, un tribunal a condamné Ermek Narymbaev et Serikzhan Mambetalin, des blogueurs arrêtés en octobre 2015 pour avoir «incité à la discorde nationale», à une peine d'emprisonnement respectivement de trois et de deux ans; considérant que le blogueur Bolatbek Blyalov est assigné à résidence restreinte;

G.

considérant que les autorités kazakhes ont fermé des médias indépendants et d'opposition, dont Assandi Times, Pravdivaya et les magazines ADAM bol et ADAM; considérant que fin 2012, les autorités kazakhes ont traduit en justice des médias indépendants et d'opposition, notamment les journaux Golos Respubliki et Vzglyad, ainsi que leurs journaux et sites internet affiliés, et les portails de télévision en ligne K+ et Stan.TV;

H.

considérant qu'en octobre 2014, un tribunal d'Almaty a infligé une amende de 34 millions de KZT au Havas Worldwide Kazakhstan;

I.

considérant que l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) est un outil majeur de financement dont le but est de soutenir les organisations de la société civile et la démocratisation dans le pays comme la région;

J.

considérant que selon l'ILGA (l'association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués), les personnes LGBTI au Kazakhstan sont confrontées à des difficultés et à des discriminations sur le plan juridique que ne subissent pas les citoyens qui ne sont pas LGBTI; considérant que les relations homosexuelles sont légales au Kazakhstan pour les hommes comme pour les femmes, mais que les couples de même sexe et les familles ayant à leur tête un couple de même sexe ne peuvent prétendre aux mêmes protections juridiques que les couples mariés de sexe opposé;

K.

considérant que le 20 mars 2016, le Kazakhstan organisera des élections législatives anticipées, avant lesquelles il conviendrait, pour qu'elles soient jugées libres et équitables, de fournir des garanties en ce qui concerne la liberté d'expression au sein de la société et l'enregistrement transparent et sans entraves des partis politiques; considérant que selon le rapport final de la mission d'observation électorale de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) du 3 avril 2012, les élections de 2012 ont été entachées «d'importantes irrégularités» (6);

L.

considérant qu'un nouveau code pénal, un nouveau code des infractions administratives et un nouveau code de procédure pénale sont entrés en vigueur le 1er janvier 2015;

M.

considérant que le Kazakhstan se place au 160e rang sur 180 dans l'indice annuel 2015 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières;

N.

considérant que l'Union a travaillé sans relâche avec le Kazakhstan en vue de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui a aujourd'hui abouti à la conclusion des négociations en vue de cette adhésion; considérant qu'il importe que le Kazakhstan respecte l'état de droit, honore ses obligations internationales et garantisse la sécurité juridique ainsi que la protection des investissements des entreprises internationales qui exercent leurs activités dans le pays;

O.

considérant que la coopération au développement porte, en ce qui concerne le Kazakhstan, sur le renforcement des capacités du gouvernement local et régional, l'aide à la réforme de la justice et l'amélioration de la capacité du secteur public à réaliser des réformes sociales et économiques;

1.

insiste sur l'importance des relations entre l'Union européenne et le Kazakhstan et sur celle du renforcement de la coopération économique et politique dans tous les domaines; souligne l'intérêt majeur que représente pour l'Union une relation durable avec le Kazakhstan sur le plan de la coopération politique et économique;

2.

se dit préoccupé par le climat au Kazakhstan en ce qui concerne la liberté des médias et la liberté d'expression; s'inquiète vivement des pressions exercées sur les médias indépendants et des conséquences négatives que pourrait entraîner le nouveau projet de loi sur le financement des organisations de la société civile; souligne que la liberté d'expression des médias indépendants, des blogueurs et des citoyens est un principe universel non négociable;

3.

déplore le blocage systématique de nouvelles, de médias sociaux et d'autres sites internet au motif qu'ils affichent des contenus illégaux, et exhorte les autorités kazakhes à faire en sorte que toute mesure visant à restreindre l'accès aux ressources en ligne repose sur le droit; s'inquiète des amendements apportés à la loi sur les communications adoptée en 2014;

4.

s'inquiète vivement du manque de respect et de la violation des droits des prisonniers au sein du système carcéral du Kazakhstan; se dit préoccupé par le bien-être physique et mental des prisonniers Vladimir Kozlov, Vadim Kuramshin (qui a remporté le prix international des droits de l'homme Ludovic-Trarieux en 2013) et Aron Atabek, qui ont été condamnés pour des raisons politiques, et exige qu'ils bénéficient immédiatement des soins médicaux dont ils ont besoin et qu'ils soient autorisés à recevoir des visites régulières, notamment de leur famille, de leurs représentants légaux ainsi que de représentants d'organisations de défense des droits de l'homme et des droits des prisonniers;

5.

considère le «programme en 100 étapes» comme une tentative d'appréhender les réformes urgentes au Kazakhstan; demande au Kazakhstan de mettre en œuvre le mécanisme national de prévention de la torture et de lancer un débat sur les nouveaux codes pénaux;

6.

souligne que les relations politiques et économiques plus étroites avec l'Union envisagées par l'accord renforcé de partenariat et de coopération récemment signé doivent reposer sur des valeurs communes et correspondre à un engagement actif et concret du Kazakhstan à mener des réformes politiques et démocratiques, comme l'y invitent les obligations et engagements auxquels il a souscrit au niveau international;

7.

salue la libération, depuis le dernier dialogue sur les droits de l'homme, de plusieurs militants dans le domaine des droits de l'homme et du travail qui étaient emprisonnés;

8.

souligne que la lutte légitime contre le terrorisme et l'extrémisme ne doit pas servir de prétexte à l'interdiction des activités de l'opposition, aux entraves à la liberté d'expression ni aux atteintes à l'indépendance du pouvoir judiciaire;

9.

appelle à une révision des articles du code pénal qui peuvent être utilisés pour ériger en infraction des comportements licites protégés par le droit sur les droits de l'homme, et notamment de l'article 174 sur l'incitation à la discorde sociale, nationale, clanique, raciale, religieuse ou entre les classes;

10.

exhorte les autorités kazakhes à invalider les condamnations des blogueurs, dont Ermek Narymbaev, Serikzhan Mambetalin et Bolatbek Blyalov; réclame la libération de Guzal Baidalinova; exige que Seytkazy et Aset Matayev ne soient plus harcelés; souligne, à cet égard, que les affaires impliquant des journalistes devraient être publiques et que ceux-ci ne devraient faire l'objet d'aucun harcèlement pendant la durée du procès;

11.

appelle à la libération du chef de l'opposition, Vladimir Kozlov, actuellement détenu dans des conditions d'emprisonnement sévères, dans l'attente d'un examen indépendant et impartial de son dossier;

12.

fait part de sa profonde inquiétude concernant la loi sur les ONG, qui met à mal l'existence et l'indépendance des ONG au Kazakhstan; prie instamment les autorités kazakhes de garantir en toute circonstance que les militants des droits de l'homme et les ONG au Kazakhstan soient en mesure de mener leurs activités légitimes de défense des droits de l'homme sans craindre des représailles et libres de toute restriction;

13.

salue l'ambition du Kazakhstan de jouer un rôle actif de médiateur dans les enjeux internationaux concernant la sécurité de la région; insiste auprès des autorités kazakhes pour qu'elles honorent les engagements internationaux auxquelles elles ont souscrit, notamment ceux relatifs à l'état de droit et à l'indépendance du pouvoir judiciaire;

14.

se félicite des dialogues réguliers sur les droits de l'homme entre l'Union et le Kazakhstan; met en exergue l'importance de ces dialogues entre l'Union européenne et les autorités kazakhes; demande que ces dialogues soient intensifiés pour qu'ils puissent conduire à la création d'un forum au sein duquel tous les enjeux pourront faire l'objet d'un débat ouvert; souligne qu'il faut que ces dialogues soient efficaces et axés sur l'obtention de résultats;

15.

invite l'Union européenne, et en particulier le Service européen pour l'action extérieure, à surveiller de près l'évolution de la situation au Kazakhstan, à communiquer si nécessaire ses inquiétudes aux autorités kazakhes, à leur offrir une assistance, et à faire rapport régulièrement au Parlement; demande à la délégation de l'Union à Astana de continuer d'assurer activement le suivi de la situation et de soulever la question de la liberté d'expression à l'occasion de toutes les réunions bilatérales qui s'y prêtent avec le Kazakhstan;

16.

presse les autorités kazakhes de mettre pleinement en œuvre les recommandations du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE avant les élections législatives, et de prendre des mesures concrètes pour appliquer les recommandations du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association; rappelle au Kazakhstan son ambition d'être candidat à un siège non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en 2017-2018;

17.

invite les autorités kazakhes à s'engager à atteindre les objectifs de développement durable qui ont récemment été adoptés à l'échelle internationale;

18.

charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission européenne et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Kazakhstan.


(1)  JO C 45 du 5.2.2016, p. 85.

(2)  JO C 251 E du 31.8.2013, p. 93.

(3)  JO C 419 du 16.12.2015, p. 159.

(4)  JO C 168 E du 14.6.2013, p. 91.

(5)  JO C 224 E du 19.8.2010, p. 30.

(6)  http://www.osce.org/odihr/elections/89401?download=true


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