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Document 62017CJ0598

Arrêt de la Cour (première chambre) du 2 mai 2019.
A-Fonds contre Inspecteur van de Belastingdienst.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Gerechtshof 's-Hertogenbosch.
Renvoi préjudiciel – Aides existantes et aides nouvelles – Notion d’aide nouvelle – Remboursement d’un impôt sur les dividendes – Régime élargi aux sociétés établies en dehors du territoire de l’État membre concerné – Libre circulation des capitaux – Obligations des juridictions nationales.
Affaire C-598/17.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:352

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

2 mai 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Aides existantes et aides nouvelles – Notion d’aide nouvelle – Remboursement d’un impôt sur les dividendes – Régime élargi aux sociétés établies en dehors du territoire de l’État membre concerné – Libre circulation des capitaux – Obligations des juridictions nationales »

Dans l’affaire C‑598/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas), par décision du 12 octobre 2017, parvenue à la Cour le 16 octobre 2017, dans la procédure

A-Fonds

contre

Inspecteur van de Belastingdienst,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader, MM. A. Rosas, L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour A-Fonds, par M. R. van der Jagt,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. P.‑J. Loewenthal, A. Bouchagiar et S. Noë ainsi que par Mme N. Gossement, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 107 et 108 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A-Fonds à l’Inspecteur van de Belastingdienst (inspecteur de l’administration fiscale, Pays-Bas) (ci-après « l’administration fiscale ») au sujet du remboursement de l’impôt sur les dividendes retenu par l’administration fiscale néerlandaise.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 1er, sous c), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1), constitue une « aide nouvelle »« toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».

4

L’article 1er, sous c), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), prévoit des dispositions identiques à celles mentionnées au point qui précède.

5

L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1), prévoit :

« Aux fins de l’article 1er, point c), du [règlement no 659/1999], on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante. »

Le droit néerlandais

La Wet Vpb 1969

6

La Wet op de vennootschapsbelasting (loi relative à l’impôt sur les sociétés), du 8 octobre 1969, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « Wet Vpb 1969 »), prévoit, à son article 2, paragraphe 1, sous f) et g) :

« Sont assujetties à l’impôt, en tant que contribuables nationaux, les entités établies aux Pays-Bas suivantes :

[...]

f.

les fonds communs de placement ;

g.

les entreprises, mentionnées au paragraphe 3, de personnes morales de droit public. »

7

L’article 2, paragraphe 3, de la Wet Vpb 1969 fixe une liste d’entreprises intervenant dans certains secteurs économiques.

8

Aux termes de l’article 2, paragraphe 7, de la Wet Vpb 1969, les organismes dont seules des personnes morales de droit public néerlandais sont directement ou indirectement actionnaires, associées ou membres, ainsi que les organismes dont les administrateurs sont exclusivement nommés et révoqués directement ou indirectement par des personnes morales de droit public néerlandais et dont le patrimoine revient exclusivement à la disposition de personnes morales de droit public néerlandais en cas de liquidation « ne sont assujettis à l’impôt que dans la mesure où ils exploitent une entreprise au sens du paragraphe 3 ».

La Wet DB 1965

9

La Wet op de dividendbelasting (loi relative à l’impôt sur les dividendes, ci-après la « Wet DB 1965 ») a été modifiée à plusieurs reprises au cours de la période durant laquelle ont pris place les faits au principal.

10

Dans sa version en vigueur à partir du 11 juillet 2008, rappelée par la juridiction de renvoi, la Wet DB 1965 prévoit, à son article 1er, paragraphe 1 :

« Sous la dénomination d’“impôt sur les dividendes” est prélevé un impôt direct à charge de ceux qui, directement ou au moyen de certificats, ont droit aux revenus d’actions [...] »

11

Dans cette même version, l’article 10 de la Wet DB 1965 précise les modalités de remboursement de cet impôt comme suit :

«1.   Par une décision de l’inspecteur, qui est susceptible de faire l’objet d’une réclamation, est accordée à une personne morale établie aux Pays-Bas qui n’est pas assujettie à l’impôt des sociétés, à la demande de cette personne morale, la restitution de l’impôt sur les dividendes qui a été retenu à sa charge au cours d’une année civile, lorsque celui-ci s’élève à plus de 23 euros.

[...]

3.   Le paragraphe 1 s’applique par analogie à l’égard d’un organisme établi dans un autre État membre de l’Union européenne qui n’est pas assujetti, dans cet État, à une imposition sur les bénéfices et qui, s’il avait été établi aux Pays-Bas, n’aurait pas non plus été soumis au prélèvement de l’impôt sur les sociétés. La première phrase n’est pas d’application pour ce qui concerne des organismes remplissant une fonction comparable à celle d’organismes de placement visés à l’article 6a ou à l’article 28 de la [Wet Vpb 1969]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

A‑Fonds est un Spezial-Sondervermögen (fonds commun spécial de placement), qui n’est pas doté de la personnalité juridique, établi en Allemagne.

13

De tels fonds sont exonérés de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt commercial. Les investisseurs participant à ces fonds sont réputés en percevoir les revenus au prorata de leurs parts dans ceux-ci. Ces revenus sont soumis à l’impôt, dans le chef des investisseurs, conformément à leur statut fiscal personnel en vertu de la législation fiscale allemande.

14

Depuis la constitution d’A-Fonds, toutes ses actions sont détenues par BBB.

15

BBB est un organisme de droit public allemand (Anstalt des öffentlichen Rechts), doté de la personnalité juridique, qui a été constitué par un groupement de communes allemandes, qui sont des personnes morales de droit public. Il exerce des activités bancaires mais n’a pas uniquement pour but de réaliser des bénéfices. Il est également chargé d’une mission d’intérêt public. BBB consacre ainsi une partie de ses revenus au soutien d’activités sociales, culturelles, sportives, scientifiques et éducatives, dans le Land où il est actif.

16

BBB est soumis, en Allemagne, à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle. Il ressort également de la décision de renvoi que les dividendes qu’il perçoit sont exonérés à hauteur de 95 % de l’impôt sur les bénéfices allemand et qu’il ne peut imputer l’impôt sur les dividendes retenu aux Pays-Bas au motif que sa participation dans A-Fonds fait partie de l’actif immobilisé (Anlagebuch).

17

Lors des faits au principal, BBB détenait, par l’intermédiaire d’A‑Fonds, des actions dans des sociétés néerlandaises soumises à la Wet DB 1965. L’impôt sur les dividendes néerlandais a été retenu sur les dividendes que ces actions lui ont rapportés pour les exercices fiscaux 2002/2003 à 2007/2008.

18

Par plusieurs demandes, BBB a sollicité la restitution de cet impôt de l’administration fiscale néerlandaise, au titre de l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965. Cette administration a rejeté ces demandes.

19

Il ressort de la décision de renvoi que, à tout le moins pour les exercices fiscaux relatifs à la période comprise entre le 1er novembre 2002 et le 31 octobre 2008, l’administration fiscale a considéré que BBB ne pouvait prétendre à ce remboursement au motif qu’il n’était pas établi aux Pays-Bas.

20

A‑Fonds a saisi le rechtbank Zeeland-West-Brabant te Breda (tribunal de Zeeland-West-Brabant de Breda, Pays-Bas) de demandes d’annulation des décisions de refus de remboursement, qui les a rejetées comme non fondées par un jugement du 6 mai 2014. Cette juridiction a notamment considéré que la situation d’A-Fonds n’était pas comparable à celle d’un organisme visé à l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965.

21

A‑Fonds a interjeté appel de ce jugement devant le Gerechtshof’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas).

22

Cette juridiction considère que tant les demandes de remboursement adressées par A‑Fonds à l’administration fiscale que ses recours juridictionnels doivent être considérés comme ayant été formés au nom de BBB.

23

Elle estime que les décisions de l’administration fiscale de refuser le remboursement de l’impôt sur les dividendes, réclamé par BBB, au motif qu’il est établi dans un autre État membre que le Royaume des Pays-Bas, violent la libre circulation des capitaux.

24

Elle indique que les dividendes dont bénéficient les placements de personnes morales de droit public qui sont établies aux Pays-Bas et qui, en vertu de la Wet Vpb 1969, ne sont pas assujetties à l’impôt sur les sociétés au motif qu’elles se livrent à des activités autres que celles énoncées à l’article 2, paragraphe 3, de Wet Vpb 1969, sont en principe soumis, aux Pays-Bas, au prélèvement de l’impôt sur les dividendes. Toutefois, celui-ci leur serait ensuite restitué en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965.

25

Elle en déduit que le fait, pour BBB, de ne pouvoir prétendre à la restitution de l’impôt sur les dividendes en vertu de cette même disposition, alors qu’il exerce des activités comparables à celles des personnes morales de droit public néerlandaises non assujetties à l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.

26

Elle considère qu’il conviendrait, dès lors, d’accorder à BBB un remboursement d’un montant égal à celui qu’une personne morale de droit public établie aux Pays-Bas, qui ne serait pas assujettie à l’impôt sur les sociétés dans cet État membre, recevrait au titre de l’article 10, paragraphe 1, de la Wet BD 1965.

27

Cependant, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si l’octroi d’un tel remboursement est conforme au droit des aides d’État de l’Union.

28

Considérant que le remboursement de l’impôt sur les dividendes prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965 est, dans l’affaire au principal, indissociable de l’exonération de l’impôt sur les sociétés des entreprises publiques résultant de l’article 2, paragraphe 3, de la Wet Vpb 1969, que la Commission européenne a estimée être constitutive d’un régime d’aides existant incompatible avec le marché intérieur, dans sa décision C(2013) 2372 final, du 2 mai 2013, la juridiction de renvoi en déduit que ce remboursement constitue dès lors, également, un régime d’aides existant.

29

Dans ce contexte, elle se demande si le fait d’accéder à la demande de remboursement de la requérante au principal, sur le fondement de l’article 56, paragraphe 1, CE, devenu l’article 63, paragraphe 1, TFUE, constitue une modification d’une aide existante, constitutive d’une aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999.

30

Si tel était le cas, elle s’interroge sur la possibilité d’adopter une décision faisant droit à une telle demande et sur la nécessité, en particulier, de notifier cette décision à la Commission conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

31

Elle indique qu’il s’agit d’une « affaire pilote » et que l’administration fiscale a déjà reçu près de 1000 demandes de remboursement similaires.

32

C’est dans ces conditions que le Gerechtshof’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’extension de la portée d’un régime d’aides existant qui résulte de ce qu’un contribuable se prévaut avec succès du droit à la libre circulation des capitaux de l’article 56 [CE] (devenu article 63 TFUE) constitue-t-elle une aide nouvelle à comprendre comme une modification d’une aide existante ?

2)

Dans l’affirmative, la mission dont la juridiction nationale est chargée en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE fait-elle obstacle à ce que le contribuable se voie accorder un avantage fiscal auquel il peut prétendre au titre de l’article 56 [CE] (devenu article 63 TFUE), ou la juridiction nationale doit-elle notifier à la Commission une décision envisagée d’accorder cet avantage, ou la juridiction nationale doit-elle accomplir un quelconque autre acte ou adopter une quelconque autre mesure, eu égard à la mission de contrôle qui lui incombe en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

33

La Commission soutient que la demande de décision préjudicielle est irrecevable au motif qu’elle ne contient pas les éléments de fait et de droit nécessaires pour permettre à la Cour de répondre de façon utile aux questions posées.

34

À cet égard, il convient de relever que les deux questions posées par la juridiction de renvoi reposent sur la prémisse que le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes en cause au principal constitue un régime d’aides existant.

35

En particulier, la juridiction de renvoi fonde son analyse sur le fait que, dans l’affaire au principal, le remboursement prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965 est indissociable de l’exonération de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 2 de la Wet Vpb 1969 pour les personnes morales de droit public, que la Commission a estimée être constitutive d’un régime d’aides existant incompatible avec le marché intérieur dans sa décision C(2013) 2372 final.

36

Cependant, et ainsi que la Commission l’indique elle-même dans ses observations écrites, il convient de constater que cette décision concerne uniquement le régime d’exonération de l’impôt sur les sociétés des personnes morales de droit public, prévu par la Wet Vpb 1969, et non le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965.

37

En outre, le champ d’application de l’un et l’autre de ces régimes ne coïncident pas, le second visant, plus largement, l’ensemble des entreprises néerlandaises exonérées de l’impôt sur les sociétés.

38

Ainsi, il ne saurait être valablement considéré que le constat, par la Commission, de ce que le régime d’exonération de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 2 de la Wet Vpb 1969 pour les entreprises publiques néerlandaises constitue un régime d’aides existant incompatible avec le marché intérieur vaut, mutatis mutandis, pour le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la Wet DB 1965.

39

Pour autant, il ne peut être nié, ainsi que l’indique d’ailleurs la juridiction de renvoi, que, dans le cas particulier où ce remboursement de l’impôt sur les dividendes est octroyé à une entreprise de droit public néerlandaise au motif qu’elle est exonérée de l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 2 de la Wet Vpb 1969, ce remboursement se présente comme la conséquence directe et indissociable de l’octroi d’une aide d’État et qu’il pourrait, dès lors, également être considéré comme constitutif d’une aide d’État.

40

Ainsi, dès lors que la qualification d’aide d’État de la mesure législative en cause ne saurait être exclue et qu’il appartient à la juridiction nationale de la vérifier afin d’assurer le respect de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, il convient de considérer que les réponses aux questions posées sont utiles à la juridiction de renvoi aux fins de résoudre le litige au principal et qu’elles doivent, dès lors, être considérées comme reposant sur la prémisse que le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes en cause au principal constitue un régime d’aides.

Sur les questions préjudicielles

41

À titre liminaire, il convient de relever que la juridiction de renvoi n’interroge pas la Cour sur l’interprétation de l’article 56, paragraphe 1, CE, devenu l’article 63, paragraphe 1, TFUE, qui interdit toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers, dont la violation lui paraît acquise. Il ressort en effet de la décision de renvoi que cette violation résulterait de ce que la législation néerlandaise qui prévoit le remboursement de l’impôt sur les dividendes en subordonne le bénéfice à une condition de résidence sur le territoire national.

42

Il importe également de relever que les dispositions pertinentes du règlement no 659/1999, auxquelles la juridiction de renvoi fait référence, sont prévues en des termes identiques par le règlement 2015/1589 qui lui a succédé, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de déterminer l’application ratione temporis de ces deux règlements aux faits de l’affaire au principal.

43

Compte tenu de ce qui précède, il convient de considérer que, par ses deux questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction d’un État membre accorde, aux fins d’assurer le respect de l’article 56, paragraphe 1, CE, devenu l’article 63, paragraphe 1, TFUE, le bénéfice d’un régime d’aides d’État, tel que celui qui serait constitué par le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes en cause au principal, à une entreprise établie dans un autre État membre. La juridiction de renvoi demande en particulier si, dans le cas où un tel régime d’aides serait considéré comme existant, la décision accordant le bénéfice de ce régime constituerait une aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, qu’il lui reviendrait de notifier à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE.

44

Il convient de relever que les questions posées par la juridiction de renvoi impliquent, ainsi qu’elle le relève d’ailleurs elle-même, de vérifier au préalable si le droit de l’Union s’oppose ou non à ce qu’elle retienne sa compétence pour examiner la conformité de la condition de résidence en cause au principal avec la libre circulation des capitaux, ou si ce contrôle relève de la seule compétence de la Commission pour apprécier la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché intérieur.

45

Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le système de contrôle des aides d’État institué par le traité, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles complémentaires mais distincts (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, point 41, ainsi que du 15 septembre 2016, PGE, C‑574/14, EU:C:2016:686, point 30 et jurisprudence citée).

46

Tandis que l’appréciation de la compatibilité des mesures d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 27). Une telle méconnaissance, lorsqu’elle est invoquée par les justiciables et constatée par les juridictions nationales, doit conduire celles-ci à en tirer toutes les conséquences, conformément à leur droit national, sans que leurs décisions impliquent pour autant une appréciation de la compatibilité des aides avec le marché intérieur, laquelle relève de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2002, Nygård, C‑234/99, EU:C:2002:244, point 59 et jurisprudence citée).

47

Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’une juridiction nationale n’est compétente pour apprécier la conformité des modalités d’un régime d’aides aux dispositions du traité présentant un effet direct, autres que celles relatives aux aides d’État, que si ces modalités sont susceptibles d’être appréciées isolément et que, bien que faisant partie du régime d’aides en cause, elles ne sont pas nécessaires à la réalisation de son objet ou à son fonctionnement (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 14, et du 23 avril 2002, Nygård, C‑234/99, EU:C:2002:244, point 57).

48

En revanche, des modalités d’une aide peuvent être à ce point indissolublement liées à l’objet même de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, de sorte que leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble doit alors être nécessairement apprécié en suivant la procédure de l’article 108 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 14).

49

En l’occurrence, tel est bien le cas d’une condition de résidence telle que celle prévue par le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes en cause au principal, si toutefois l’on considère que celui-ci constitue un régime d’aides d’État, dès lors que cette condition paraît indissociablement liée à l’objet même des mesures d’exonération en cause qui est de favoriser les seules entreprises nationales.

50

En outre, il convient de relever que, dans l’affaire au principal, un tel contrôle aurait nécessairement comme conséquence de remettre en cause, même si ce n’est qu’indirectement, la condition de résidence prévue à l’article 2 de la Wet Vpb 1969 pour l’exonération de l’impôt sur les sociétés prévue pour les entreprises publiques, qui se présente comme une condition nécessaire à la réalisation de l’objet et du fonctionnement de ce régime d’aides.

51

Il n’apparaît, dès lors, pas possible d’isoler une telle condition, qui se présente comme nécessaire à la réalisation de l’objet et du fonctionnement d’un régime d’aides, sans porter atteinte à la répartition des compétences entre la Commission et les juridictions nationales en matière d’aides d’État.

52

Il y a lieu, par conséquent, de considérer que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale puisse apprécier la conformité d’une condition de résidence telle que celle en cause au principal à la libre circulation des capitaux, dans le cas où le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes concerné est constitutif d’un régime d’aides.

53

Il s’ensuit qu’une telle juridiction ne saurait a fortiori tirer les conséquences d’une violation éventuelle de la libre circulation des capitaux par cette condition de résidence, en accordant le remboursement de cet impôt et qu’il n’est, dès lors, pas nécessaire de répondre à la question mentionnée au point 43 du présent arrêt.

54

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 107 et 108 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale ne saurait apprécier la conformité d’une condition de résidence telle que celle en cause au principal à l’article 56, paragraphe 1, CE, devenu l’article 63, paragraphe 1, TFUE, dans le cas où le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes concerné est constitutif d’un régime d’aides.

Sur les dépens

55

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

Les articles 107 et 108 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale ne saurait apprécier la conformité d’une condition de résidence telle que celle en cause au principal à l’article 56, paragraphe 1, CE, devenu l’article 63, paragraphe 1, TFUE, dans le cas où le régime de remboursement de l’impôt sur les dividendes concerné est constitutif d’un régime d’aides.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.

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