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Document 62011CJ0385

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 22 novembre 2012.
Isabel Elbal Moreno contre Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) et Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS).
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de lo Social de Barcelona.
Article 157 TFUE — Directive 79/7/CEE — Directive 97/81/CE — Accord-cadre sur le travail à temps partiel — Directive 2006/54/CE — Pension de retraite contributive — Égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins — Discrimination indirecte fondée sur le sexe.
Affaire C‑385/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:746

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

22 novembre 2012 ( *1 )

«Article 157 TFUE — Directive 79/7/CEE — Directive 97/81/CE — Accord-cadre sur le travail à temps partiel — Directive 2006/54/CE — Pension de retraite contributive — Égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins — Discrimination indirecte fondée sur le sexe»

Dans l’affaire C‑385/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social de Barcelona (Espagne), par décision du 4 juillet 2011, parvenue à la Cour le 19 juillet 2011, dans la procédure

Isabel Elbal Moreno

contre

Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS),

Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS),

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme C. Toader, faisant fonction de président de la huitième chambre, Mme A. Prechal (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2012,

considérant les observations présentées:

pour l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS), par M. F. de Miguel Pajuelo, en qualité d’agent, assisté de Mes A. Álvarez Moreno et J. Ignacio del Valle de Joz, abogados,

pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta et M. S. Martínez-Lage Sobredo, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck et M. Jacobs, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. G. Valero Jordana et M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997, qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998 (JO L 131, p. 10, ci-après l’«accord-cadre»), ainsi que sur l’interprétation des articles 157 TFUE et 4 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204, p. 23) et de l’article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO L 6, p. 24).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Elbal Moreno à l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) (Institut national de la sécurité sociale) et à la Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS) (Trésorerie générale de la sécurité sociale) au sujet de l’obtention d’une pension de retraite.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3

L’article 1er de la directive 79/7 dispose:

«La présente directive vise la mise en œuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale prévu à l’article 3, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ci-après dénommé ‘principe de l’égalité de traitement’.»

4

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7:

«La présente directive s’applique:

a)

aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants:

[...]

vieillesse,

[...]»

5

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 dispose:

«Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

le champ d’application des régimes et les conditions d’accès aux régimes,

l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.»

6

Aux termes de la clause 4 de l’accord-cadre, intitulée «Principe de non-discrimination»:

«1.

Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

[...]»

7

La directive 2006/54 prévoit à son article 1er, intitulé «Objet»:

«La présente directive vise à garantir la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

À cette fin, elle contient des dispositions destinées à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne:

[...]

b)

les conditions de travail, y compris les rémunérations;

c)

les régimes professionnels de sécurité sociale.

[...]»

La réglementation espagnole

8

Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les dispositions de la loi générale sur la sécurité sociale (ley general de seguridad social), approuvée par le décret législatif royal no 1/94, du 20 juin 1994 (BOE no 154, du 29 juin 1994, p. 20658, ci-après la «LGSS»), applicables au litige au principal, sont les suivantes:

«Article 160.

Définition

La prestation économique de retraite, de type contributif, est unique pour chaque bénéficiaire et consiste en une pension à vie qui lui sera octroyée dans les conditions, avec le montant et sous la forme déterminés par la réglementation, lorsque le bénéficiaire, ayant atteint l’âge fixé, cesse ou a cessé le travail salarié.

Article 161.

Bénéficiaires

1.   Ont droit à la pension de retraite de type contributif les personnes relevant du présent régime général qui, outre la condition générale requise par l’article 124, paragraphe 1, remplissent les conditions suivantes:

a)

avoir atteint l’âge de soixante-cinq ans.

b)

avoir accompli une période minimale de cotisation de quinze années [...]

Article 162.

Assiette de la pension de retraite

1.   L’assiette de la pension de retraite de type contributif correspond au quotient issu de la division par 210 des bases de cotisation de l’intéressé au cours des 180 mois qui précèdent immédiatement le mois antérieur à la survenance du fait générateur du droit [...].

Septième disposition additionnelle. Règles applicables aux travailleurs à temps partiel

1.

La protection sociale résultant des contrats de travail à temps partiel est régie par le principe de l’assimilation du travailleur à temps partiel à un travailleur à temps plein et, spécifiquement, par les règles suivantes:

Premièrement. Cotisation

a)

La base des cotisations à la sécurité sociale et des contributions collectées conjointement à celles-ci est toujours mensuelle et est constituée par les rémunérations effectivement perçues en fonction des heures travaillées, tant ordinaires que supplémentaires.

b)

La base des cotisations ainsi déterminée ne pourra pas être inférieure aux montants déterminés par la réglementation.

c)

Les heures supplémentaires cotisent à la sécurité sociale suivant les mêmes bases et taux que les heures ordinaires.

Deuxièmement. Périodes de cotisation

a)

Pour la justification des périodes de cotisation nécessaires pour ouvrir le droit aux prestations de retraite, d’incapacité permanente, de décès et de survie, d’incapacité temporaire, de maternité et de paternité, les cotisations réalisées seront exclusivement prises en compte en fonction des heures travaillées, aussi bien ordinaires que supplémentaires, en calculant leur équivalence en jours théoriques de cotisation. À cette fin, le nombre d’heures effectivement travaillées sera divisé par le chiffre cinq, équivalent journalier de la prise en compte de 1826 heures annuelles.

b)

Afin d’ouvrir le droit aux pensions de retraite et d’incapacité permanente, il sera appliqué au nombre de jours théoriques de cotisation obtenu conformément aux dispositions du point a) de la présente règle un coefficient multiplicateur de 1,5, le résultat de ce calcul constituant le nombre de jours de travail considérés comme prouvés en vue de la détermination des périodes minimales de cotisation. Il ne pourra en aucun cas être pris en compte un nombre de jours cotisés supérieur au nombre qui correspondrait à une prestation de services à temps plein.

Troisièmement. Assiettes

a)

L’assiette des prestations de retraite et d’incapacité permanente est calculée conformément à la règle générale [...].»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Le 8 octobre 2009, à l’âge de 66 ans, la requérante au principal a introduit une demande auprès de l’INSS pour obtenir une pension de retraite. Auparavant, elle avait travaillé exclusivement en tant que femme de ménage pour une communauté de propriétaires durant 18 ans à temps partiel, à concurrence de 4 heures par semaine, soit 10 % du temps de travail légal en Espagne, qui est de 40 heures hebdomadaires.

10

Par décision du 13 octobre 2009, cette pension lui a été refusée au motif qu’elle ne remplissait pas la période minimale de cotisation de quinze années qui était exigée pour l’ouverture du droit à la pension de retraite conformément aux dispositions de l’article 161, paragraphe 1, sous b), de la LGSS.

11

La réclamation présentée par la requérante au principal le 30 novembre 2009 a été rejetée par une décision de l’INSS du 9 décembre 2009. Alors que, pour la requérante au principal, la preuve d’une période minimale de cotisation s’élevant à 4 931 jours était exigée, ladite décision reconnaissait dans le chef de celle-ci une période de cotisation de 1362 jours, répartis comme suit:

41 jours: du 24 octobre 1960 au 3 décembre 1960, à temps complet.

336 jours: jours assimilés au titre de trois accouchements (3 x 112).

656 jours: du 1er novembre 1991 au 30 octobre 2009, soit une période de 6564 jours, pris en compte à hauteur de 10 % en raison du temps partiel.

329 jours: jours assimilés résultant du facteur de correction (1,5) prévu par la septième disposition additionnelle de la LGSS.

12

À la suite du rejet de sa réclamation, la requérante au principal a saisi le Juzgado de lo Social de Barcelona d’un recours dans le cadre duquel elle a fait valoir que la septième disposition additionnelle de la LGSS, en application de laquelle la pension lui a été refusée, entraînait une violation du principe d’égalité. Ladite disposition exigerait, en effet, une période de cotisation plus importante pour les travailleurs à temps partiel que pour les travailleurs à temps complet, même si l’on tient compte du facteur de correction que constitue le multiplicateur de 1,5 pour accéder à une prestation qui est déjà proportionnellement plus réduite. De plus, la requérante au principal soutenait que cette règle impliquait une discrimination indirecte, car il serait statistiquement incontestable que les femmes sont les principales utilisatrices, à hauteur de 80 % environ, de ce type de contrats.

13

Au sujet de ladite septième disposition additionnelle, la juridiction de renvoi explique que cette réglementation est fondée sur le principe de la prise en compte exclusive des heures effectivement travaillées en vue de déterminer les périodes de cotisation exigées, tout en l’atténuant grâce à deux règles correctrices en vue de faciliter l’accès à la protection de la sécurité sociale pour les travailleurs à temps partiel.

14

Ainsi, premièrement, une notion de «jour théorique de cotisation» est définie comme correspondant à cinq heures quotidiennes de travail effectif ou à 1 826 heures annuelles. Les cotisations acquittées sont prises en compte en fonction des heures travaillées, en calculant leur équivalence en jours théoriques de cotisation.

15

Deuxièmement, afin d’ouvrir le droit aux prestations de retraite et d’invalidité permanente, il est fait application d’une règle correctrice spécifique, qui consiste en un coefficient multiplicateur de 1,5 appliqué aux jours théoriques de cotisation. Ces derniers sont ainsi augmentés, ce qui facilite l’accès à la protection.

16

Toutefois, selon la juridiction de renvoi, dès lors que la septième disposition additionnelle de la LGSS tient exclusivement compte des heures travaillées et non de la période de cotisation, c’est-à-dire des jours travaillés, elle implique en fin de compte une double application – bien que corrigée – du principe du pro rata temporis. En effet, elle exige proportionnellement un temps de cotisation plus important pour l’ouverture du droit à une pension de retraite qui sera également proportionnellement réduite au niveau de son assiette en raison du caractère partiel du temps de travail. Il s’ensuit que le travailleur à temps partiel se voit exiger, en matière de cotisations, une période de carence plus élevée inversement proportionnelle à la réduction de son temps de travail, pour accéder à une pension dont le montant est déjà directement et proportionnellement réduit en raison du caractère partiel du temps de travail.

17

La juridiction de renvoi précise encore que, dans le cas de la requérante au principal, l’application de la septième disposition additionnelle de la LGSS implique que le versement de cotisations pendant une période de 18 années à hauteur de 10 % du temps de travail quotidien équivaut, en vue du calcul de la période de cotisation exigée pour accéder à une pension de retraite, à un versement de cotisations durant une période inférieure à 3 années. Par conséquent, dans le cas d’un contrat de travail à temps partiel de quatre heures par semaine, la requérante au principal devrait travailler 100 ans pour remplir la période de carence minimale de 15 ans, qui lui permettrait d’accéder à une pension de retraite de 112,93 euros par mois.

18

Dans ces conditions, le Juzgado de lo Social de Barcelona a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Une pension de retraite de type contributif, telle que celle prévue par le système de sécurité sociale espagnol, qui résulte des cotisations réalisées par et pour le travailleur durant toute sa vie professionnelle, relève-t-elle de la notion de ‘conditions d’emploi’ visée par l’interdiction de discrimination prévue par la clause 4 de la directive 97/81?

2)

Au cas où la Cour répondrait par l’affirmative à la première question et considérerait qu’une pension de retraite telle que celle de type contributif prévue par le système de sécurité sociale espagnol relève de la notion de ‘conditions d’emploi’ à laquelle renvoie la clause 4 de la directive 97/81, l’interdiction de la discrimination prévue par cette clause doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une règle nationale qui – en conséquence de la double application du principe du pro rata temporis – exige des travailleurs à temps partiel, par rapport aux travailleurs à temps plein, une durée de cotisation proportionnellement plus élevée pour accéder, le cas échéant, à une pension de retraite de type contributif, dont le montant est proportionnellement réduit en fonction de leur temps de travail?

3)

À titre de question complémentaire aux questions antérieures, une réglementation telle que la réglementation espagnole (contenue dans la septième disposition additionnelle de la [LGSS]) relative au système de cotisation, d’accès et de détermination de la pension de retraite de type contributif pour les travailleurs à temps partiel peut-elle être considérée comme un des ‘éléments et conditions de rémunération’ sur lesquels porte l’interdiction de la discrimination prévue par l’article 4 de la directive 2006/54 et par l’article 157 TFUE [...]?

4)

À titre de question subsidiaire aux questions qui précèdent, au cas où la pension de retraite espagnole de type contributif ne relèverait ni de la notion de ‘conditions d’emploi’ ni de la notion de ‘rémunération’, l’interdiction de la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe qui est prévue par l’article 4 de la directive 79/7 doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une règle nationale qui – en conséquence de la double application du principe du pro rata temporis – exige des travailleurs à temps partiel (dans leur grande majorité, des femmes), par rapport aux travailleurs à temps plein, une durée de cotisation proportionnellement plus importante pour accéder, le cas échéant, à une pension de retraite de type contributif dont le montant est proportionnellement réduit en fonction de leur temps de travail?»

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

19

Par ses questions, la juridiction de renvoi soulève la question préliminaire de savoir si une pension telle que celle en cause au principal relève du champ d’application de la clause 4 de l’accord-cadre, des articles 157 TFUE et 4 de la directive 2006/54 et/ou de l’article 4 de la directive 79/7.

20

À cet égard, il y a lieu de rappeler que relèvent de la notion de «rémunération» au sens de l’article 157, paragraphe 2, TFUE les pensions qui sont fonction de la relation d’emploi unissant le travailleur à l’employeur, à l’exclusion de celles découlant d’un système légal au financement duquel les travailleurs, les employeurs et, éventuellement, les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est moins fonction d’une telle relation d’emploi que de considérations de politique sociale (arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C-395/08 et C-396/08, Rec. p. I-5119, point 41 et jurisprudence citée). Ainsi, on ne saurait inclure dans cette notion les régimes ou les prestations de sécurité sociale, comme les pensions de retraite, réglés directement par la loi à l’exclusion de tout élément de concertation au sein de l’entreprise ou de la branche professionnelle intéressée et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs (voir arrêt du 29 novembre 2001, Griesmar, C-366/99, Rec. p. I-9383, point 27 et jurisprudence citée).

21

De même, relèvent de la notion de «conditions d’emploi» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre les pensions qui sont fonction d’une relation d’emploi entre travailleur et employeur, à l’exclusion des pensions légales de sécurité sociale, qui sont moins fonction d’une telle relation que de considérations d’ordre social (arrêt Bruno e.a., précité, point 42).

22

Or, une pension telle que celle en cause au principal, qui, comme le fait observer le gouvernement espagnol, est la plus générale des pensions réglementées par le droit espagnol, apparaît comme étant une pension qui est moins fonction d’une relation d’emploi entre travailleurs et employeur que de considérations d’ordre social, au sens de la jurisprudence citée aux points 20 et 21 du présent arrêt, et à laquelle l’article 157 TFUE et la clause 4 de l’accord-cadre ne s’appliquent donc pas.

23

Certes, les considérations de politique sociale, d’organisation de l’État, d’éthique, ou même les préoccupations de nature budgétaire, qui ont eu ou qui ont pu avoir un rôle dans la fixation d’un régime par le législateur national ne sauraient prévaloir si la pension n’intéresse qu’une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli et si son montant est calculé sur la base du dernier traitement (arrêt Bruno e.a., précité, point 47).

24

Toutefois, en tout état de cause, la première de ces trois conditions n’apparaît pas remplie dès lors que le dossier soumis à la Cour ne révèle aucun indice selon lequel une pension telle que celle en cause au principal n’intéresserait qu’une catégorie particulière de travailleurs.

25

Par conséquent, ainsi que le relèvent à bon droit l’INSS, les gouvernements espagnol et belge ainsi que la Commission européenne, ni l’article 157 TFUE, ni, par conséquent, l’article 4 de la directive 2006/54, qui vise à mettre en œuvre cette première disposition, ni la clause 4 de l’accord-cadre ne sauraient être considérés comme s’appliquant à une pension telle que celle en cause au principal.

26

En revanche, une telle pension est susceptible de relever de la directive 79/7, dès lors qu’elle fait partie d’un régime légal de protection contre l’un des risques énumérés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, à savoir la vieillesse, et qu’elle est directement et effectivement liée à la protection contre ce risque (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, Brachner, C-123/10, Rec. p. I-10003, point 40).

27

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre uniquement à la quatrième question.

Sur la quatrième question

28

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à une réglementation d’un État membre qui exige des travailleurs à temps partiel, dont la grande majorité est constituée de femmes, par rapport aux travailleurs à temps plein, une durée de cotisation proportionnellement plus importante pour accéder, le cas échéant, à une pension de retraite de type contributif dont le montant est proportionnellement réduit en fonction de leur temps de travail.

29

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a discrimination indirecte au sens de l’article 4 de la directive 79/7 lorsque l’application d’une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes (voir, notamment, arrêt Brachner, précité, point 56).

30

Or, d’une part, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi et, en particulier, des explications de la juridiction de renvoi évoquées au point 17 du présent arrêt, une réglementation telle que celle en cause au principal désavantage les travailleurs à temps partiel tels que la requérante au principal, qui ont pendant longtemps effectué un travail à temps partiel réduit, dès lors que, en raison de la méthode utilisée pour calculer la période de cotisation exigée pour accéder à une pension de retraite, cette réglementation exclut, en pratique, ces travailleurs de toute possibilité d’obtenir une telle pension.

31

D’autre part, la juridiction de renvoi elle-même constate qu’il est statistiquement prouvé qu’une réglementation telle que celle en cause au principal affecte une proportion bien plus importante de femmes que d’hommes, dès lors que, en Espagne, au moins 80 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes.

32

Il s’ensuit qu’une telle réglementation est contraire à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, à moins qu’elle ne soit justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Tel est le cas si les moyens choisis répondent à un but légitime de la politique sociale de l’État membre dont la législation est en cause, sont aptes à atteindre l’objectif poursuivi par celle-ci et sont nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt Brachner, précité, point 70).

33

L’INSS et le gouvernement espagnol font valoir que l’obligation d’accomplir un certain nombre de périodes de cotisation préalables pour être éligible à certaines prestations constitue l’expression d’un objectif général de politique sociale poursuivi par le législateur national, dès lors que cette obligation est essentielle dans le cadre d’un système de sécurité sociale de type contributif, y compris pour garantir l’équilibre financier de ce système.

34

À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les travailleurs à temps partiel concernés ont payé des cotisations visant, notamment, à financer le système des pensions. En outre, il est constant que, s’ils recevaient une pension, le montant de celle-ci serait proportionnellement réduit en fonction du temps de travail et des cotisations payées.

35

Or, comme le relèvent à bon droit le gouvernement belge et la Commission, aucun élément dans le dossier soumis à la Cour ne permet de conclure que, dans ces conditions, l’exclusion des travailleurs à temps partiel tels que la requérante au principal de toute possibilité d’obtenir une pension de retraite constituerait une mesure effectivement nécessaire pour atteindre l’objectif de la sauvegarde du système de sécurité sociale de type contributif, auquel se réfèrent l’INSS et le gouvernement espagnol, et qu’aucune autre mesure moins contraignante pour ces mêmes travailleurs ne serait susceptible d’atteindre ce même objectif.

36

Cette interprétation n’est pas affectée par l’argument de l’INSS et du gouvernement espagnol selon lequel les deux mesures correctrices évoquées aux points 14 et 15 du présent arrêt ont pour but de faciliter l’accès à la pension de retraite par le travailleur à temps partiel. En effet, il n’apparaît pas que ces deux mesures correctrices aient un quelconque effet positif sur la situation des travailleurs à temps partiel tels que la requérante au principal.

37

S’agissant de la référence faite par le gouvernement espagnol à l’arrêt du 16 juillet 2009, Gómez-Limón Sánchez-Camacho (C-537/07, Rec. p. I-6525), il suffit de constater que, comme l’a relevé à bon droit la Commission, cet arrêt, ainsi qu’il ressort de son point 60, concerne, s’agissant de la directive 79/7, essentiellement l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, en vertu duquel les États membres disposent de la faculté d’exclure du champ d’application de cette dernière l’acquisition de droits aux prestations de sécurité sociale au titre de régimes légaux à la suite de périodes d’interruption d’emploi dues à l’éducation des enfants. Or, il ne ressort pas de la décision de renvoi que cette disposition est applicable au litige au principal.

38

Par conséquent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 4 de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à une réglementation d’un État membre qui exige des travailleurs à temps partiel, dont la grande majorité est constituée de femmes, par rapport aux travailleurs à temps plein, une durée de cotisation proportionnellement plus importante pour accéder, le cas échéant, à une pension de retraite de type contributif dont le montant est proportionnellement réduit en fonction de leur temps de travail.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

 

L’article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à une réglementation d’un État membre qui exige des travailleurs à temps partiel, dont la grande majorité est constituée de femmes, par rapport aux travailleurs à temps plein, une durée de cotisation proportionnellement plus importante pour accéder, le cas échéant, à une pension de retraite de type contributif dont le montant est proportionnellement réduit en fonction de leur temps de travail.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.

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