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Document 62002CJ0372

Arrêt de la Cour (première chambre) du 11 novembre 2004.
Roberto Adanez-Vega contre Bundesanstalt für Arbeit.
Demande de décision préjudicielle: Bundessozialgericht - Allemagne.
Règlement (CEE) nº 1408/71 - Détermination de la législation applicable - Prestations de chômage - Conditions de totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi - Mesure nationale ne prenant pas en compte une période de service militaire obligatoire accomplie dans un autre État membre.
Affaire C-372/02.

Recueil de jurisprudence 2004 I-10761

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:705

Arrêt de la Cour

Affaire C-372/02


Roberto Adanez-Vega
contre
Bundesanstalt für Arbeit



(demande de décision préjudicielle, formée par le Bundessozialgericht)

«Règlement (CEE) nº 1408/71 – Détermination de la législation applicable – Prestations de chômage – Conditions de totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi – Mesure nationale ne prenant pas en compte une période de service militaire obligatoire accomplie dans un autre État membre»

Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 25 mars 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 11 novembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Législation applicable – Travailleur en chômage dans l'État membre de résidence après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre – Compétence de la législation de l'État membre de résidence

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 13, § 2, f))

2.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Chômage – Règles particulières de rattachement – Chômeur ayant résidé, au cours de son dernier emploi, sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent – Notion d'«emploi»

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 71, § 1)

3.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Chômage – Législation subordonnant l'octroi des prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance ou d'emploi – Totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi – Attestation mentionnant les périodes d'assurance ou d'emploi accomplies sous la législation d'un État membre – Force probante à l'égard des institutions de sécurité sociale des autres États membres – Limites

(Art. 10 CE; règlement du Conseil nº 574/72, art. 80)

4.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Chômage – Règles particulières de rattachement – Chômeur ayant résidé, au cours de son dernier emploi, sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent – Notion de «résidence»

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 71, § 1)

5.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Chômage – Règles particulières de rattachement – Article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement nº 1408/71 – Portée – Non – application des règles générales de rattachement – Condition – Vérification incombant au juge national

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 71, § 1, b), ii))

6.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Réglementation communautaire – Champ d'application personnel – Travailleur au sens du règlement nº 1408/71 – Notion – Personne effectuant son service militaire – Inclusion – Condition

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 1er, a))

7.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Chômage – Législation subordonnant l'octroi des prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance – Totalisation des périodes d'assurance – Prise en compte de périodes d'assurance ou d'emploi accomplies sous la législation d'un autre État membre – Périodes d'emploi – Notion

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 67, § 1)

8.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Chômage – Législation subordonnant l'octroi des prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance – Totalisation des périodes d'assurance – Prise en compte de périodes d'assurance ou d'emploi accomplies sous la législation d'un autre État membre – Conditions – Accomplissement en dernier lieu de périodes d'assurance dans l'État membre saisi de la demande de prestations – Appréciation incombant au juge national

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 67, § 3)

9.
Sécurité sociale des travailleurs migrants – Égalité de traitement – Inapplicabilité aux prestations de chômage régies par des dispositions particulières du règlement nº 1408/71

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 3 et 67)

1.
L’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, doit être interprété en ce sens qu’une personne, qui réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre, est soumise à la législation de l’État membre de résidence.

(cf. points 26, 41, disp. 1)

2.
La notion d’«emploi», au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, disposition qui détermine la législation applicable, en matière de prestations de chômage, au travailleur ayant, au cours de son dernier emploi, résidé dans un État membre autre que l’État compétent, doit être interprétée en recourant à la définition donnée par la législation nationale en matière de sécurité sociale. Un «emploi», au sens de cette disposition, est donc un emploi qui est considéré comme tel pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel il est exercé.

(cf. point 33)

3.
Aussi longtemps que l’attestation délivrée, en application de l’article 80 du règlement nº 574/72, par l’institution compétente d’un État membre et mentionnant les périodes d’assurance ou d’emploi accomplies par un travailleur sous la législation de cet État n’est pas retirée ou déclarée invalide, l’institution compétente d’un autre État membre doit en tenir compte lors de la totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi. Toutefois, le principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE impose aux institutions de sécurité sociale de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents, en particulier pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable ou des règles de totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi, et, partant, de garantir l’exactitude des mentions figurant dans les attestations qu’elles délivrent. Il leur incombe donc de reconsidérer le bien-fondé de la délivrance de ces attestations et, le cas échéant, de les retirer en cas de doute quant à l’exactitude des faits qui sont à leur base et, par conséquent, des mentions qui y figurent.

(cf. points 34, 36)

4.
Le lieu de résidence d’un travailleur, au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, disposition qui détermine la législation applicable, en matière de prestations de chômage, au travailleur ayant, au cours de son dernier emploi, résidé dans un État membre autre que l’État compétent, est constitué par le lieu où se trouve le centre habituel de ses intérêts. À cet égard, il importe de considérer la situation familiale de l’intéressé ainsi que les raisons qui l’ont amené à se déplacer et la nature du travail effectué.

(cf. point 37)

5.
L’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, disposition qui détermine la législation applicable, en matière de prestations de chômage, au travailleur non frontalier en chômage complet ayant, au cours de son dernier emploi, résidé dans un État membre autre que l’État compétent, doit être interprété en ce sens qu’il constitue une disposition particulière concernant la détermination de la législation applicable en matière de prestations de chômage, de façon que, si ses conditions d’application sont réunies, la législation applicable est celle prévue par cette disposition et non par les règles générales de rattachement du titre II dudit règlement. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions d’application de ladite disposition sont ou non réunies.

(cf. point 41, disp. 1)

6.
La notion de «travailleur» utilisée par le règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, comprend toutes les personnes qui sont assurées, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre de l’assurance obligatoire ou facultative auprès d’un régime général ou particulier de sécurité sociale mentionné à l’article 1er, sous a), dudit règlement, et ce indépendamment de l’existence d’une relation de travail.
Par conséquent, doit être qualifiée de travailleur, aux fins de l’application du règlement nº 1408/71, tel que modifié, la personne qui effectue son service militaire, dès lors qu’elle est assurée, au sens de l’article 1er, sous a), de ce règlement, auprès d’un régime de sécurité sociale.

(cf. points 46-47, 54, disp. 2)

7.
Une période de service militaire obligatoire accomplie dans un État membre constitue une période d’emploi accomplie sous la législation de cet État, au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, lorsqu’elle est définie ou admise comme telle par ladite législation ou assimilée et reconnue par cette dernière comme période équivalant à une période d’emploi. En pareille hypothèse, l’institution compétente d’un autre État membre dont la législation fait dépendre l’octroi de prestations de chômage de l’accomplissement de périodes d’assurance doit en tenir compte lors de la totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi.

(cf. points 47, 54, disp. 2)

8.
Il appartient aux juridictions nationales d’apprécier si se trouve remplie la condition posée à l’article 67, paragraphe 3, du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, selon laquelle une personne qui a accompli des périodes d’assurance ou d’emploi dans un État membre ne peut se prévaloir de ces périodes pour obtenir une prestation de chômage dans un autre État membre que si elle y a accompli en dernier lieu des périodes d’assurance selon les dispositions de la législation de ce dernier État.
À cet égard, une période d’assurance doit être considérée comme accomplie «en dernier lieu» dans un État membre si, indépendamment du temps qui s’est écoulé entre l’achèvement de la dernière période d’assurance et la demande de prestations, aucune autre période d’assurance n’a été accomplie dans un autre État membre dans l’intervalle.

(cf. points 52-53, disp. 2)

9.
L’article 3 du règlement nº 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement nº 2195/91, qui consacre le principe d’égalité de traitement dans le champ d’application de ce règlement, ne s’oppose pas à ce qu’une institution compétente, aux fins de l’examen du droit aux prestations de chômage d’un travailleur, ne prenne pas en compte, dans le calcul des périodes d’assurance accomplies, une période de service militaire obligatoire effectué dans un autre État membre, alors même que la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées le prévoit, dès lors que cette solution résulte de l’application de l’article 67 dudit règlement, disposition particulière qui régit le droit d’un travailleur aux prestations de chômage.

(cf. points 57-58, disp. 3)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
11 novembre 2004(1)


«Règlement (CEE) n° 1408/71 – Détermination de la législation applicable – Prestations de chômage – Conditions de totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi – Mesure nationale ne prenant pas en compte une période de service militaire obligatoire accomplie dans un autre État membre»

Dans l'affaire C-372/02,ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,introduite par le Bundessozialgericht (Allemagne), par décision du 15 août 2002, parvenue à la Cour le 16 octobre 2002, dans la procédure

Roberto Adanez-Vega

Bundesanstalt für Arbeit,

contre

LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas et S. von Bahr, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. R. Grass,

considérant les observations présentées:

pour M. Adanez-Vega, par M. J. López Lerma,

pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d'agent,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. I. Fernandes et S. da Nóbrega Pizarro, en qualité d'agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. H. Kreppel, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 25 mars 2004,

rend le présent



Arrêt



1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, 13, paragraphe 2, 67 et 71 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2195/91 du Conseil, du 25 juin 1991 (JO L 206, p. 2, ci-après le «règlement n° 1408/71»).

2
Elle s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant M. Adanez-Vega à la Bundesanstalt für Arbeit (office fédéral de l’emploi, ci-après la «Bundesanstalt») au sujet du refus de cette dernière de lui accorder une allocation ou assistance de chômage.


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

Les définitions

3
Selon l’article 1er, sous s), du règlement n° 1408/71, «les termes ‘périodes d’emploi’ ou ‘périodes d’activité non salariée’ désignent les périodes définies ou admises comme telles par la législation sous laquelle elles ont été accomplies, ainsi que toutes périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’emploi ou aux périodes d’activité non salariée».

Les règles de conflit des lois

4
L’article 13 du règlement n° 1408/71 dispose:

«1.    […] les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.       Sous réserve des articles 14 à 17:

a)
la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre membre;

[…]

e)
la personne appelée ou rappelée sous les drapeaux ou au service civil d’un État membre est soumise à la législation de cet État […];

f)
la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en conformité avec l’une des règles énoncées aux alinéas précédents ou avec l’une des exceptions ou règles particulières visées aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette seule législation.»

5
L’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 précise que le travailleur salarié en chômage complet autre qu’un travailleur frontalier «[...] qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent […] et qui se met à la disposition des services de l’emploi sur le territoire de l’État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État […]; ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge […]».

Les règles de fond

6
L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 dispose que «les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les même conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement».

7
Concernant les prestations de chômage, l’article 67, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1408/71 intitulé «Totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi» prévoit:

«1.     L’institution compétente d’un État membre dont la législation subordonne l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l’accomplissement de périodes d’assurance tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d’assurance ou d’emploi accomplies en qualité de travailleur salarié sous la législation de tout autre État membre, comme s’il s’agissait de périodes d’assurance accomplies sous la législation qu’elle applique, à condition toutefois que les périodes d’emploi eussent été considérées comme périodes d’assurance si elles avaient été accomplies sous cette législation.

[…]

3.       Sauf dans les cas visés à l’article 71, paragraphe 1, sous a), ii), et sous b), ii), l’application des dispositions des paragraphes 1 et 2 est subordonnée à la condition que l’intéressé ait accompli en dernier lieu:

dans le cas du paragraphe 1, des périodes d’assurance,

dans le cas du paragraphe 2, des périodes d’emploi,

selon des dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées.»

La réglementation nationale

8
L’article 100, paragraphe 1, de l’Arbeitsförderungsgesetz (loi sur la promotion du travail), dans sa version en vigueur en 1996, dispose qu’une personne a droit à l’allocation de chômage, notamment, si elle a satisfait aux conditions de durée d’affiliation. L’article 104 de l’Arbeitsförderungsgesetz prévoit que la condition de durée d’affiliation est remplie si l’intéressé a occupé pendant 360 jours au cours de la période de référence de 3 ans, un emploi soumis à l’obligation de cotiser. La période de référence précède immédiatement le premier jour de la période de chômage à partir duquel les autres conditions ouvrant droit à l’allocation de chômage sont remplies.

9
En vertu de l’article 134 de l’Arbeitsförderungsgesetz, une assistance de chômage est attribuée, à titre subsidiaire, aux chômeurs qui sont économiquement faibles et qui remplissent les autres conditions prévues à l’article 100 de l’Arbeitsförderungsgesetz, étant entendu qu’ils ne doivent justifier, en lieu et place d’une durée d’affiliation de 360 jours, que d’une période d’emploi soumise à l’obligation de cotisation de 150 jours au moins à l’intérieur d’une période de référence plus courte de 1 an.

10
Selon l’article 107 de l’Arbeitsförderungsgesetz, la période de service militaire est assimilée à une période d’emploi soumise à l’obligation de cotiser.


Le litige au principal et les questions préjudicielles

11
M. Adanez-Vega est un ressortissant espagnol qui, depuis sa naissance en 1974, a eu en permanence sa résidence principale déclarée en Allemagne.

12
Du 1er septembre 1991 au 4 décembre 1992, il a suivi une formation en Espagne qui était soumise à la sécurité sociale (notamment à l’assurance chômage). Ensuite, du 3 au 31 août 1994 et du 3 novembre 1994 au 20 avril 1995, il a occupé, en Allemagne, un emploi également soumis à la sécurité sociale (notamment à l’assurance chômage). Le 21 avril 1995, M. Adanez-Vega s’est rendu en Espagne où il a accompli son service militaire obligatoire du 18 mai 1995 au 15 février 1996. À l’issue de son service militaire, il est retourné en Allemagne.

13
À son retour en Allemagne, M. Adanez-Vega s’est inscrit le 25 avril 1996 comme chômeur à la Bundesanstalt et a sollicité une prestation de chômage auprès de celle-ci. Le 30 mai 1996, il a trouvé un nouvel emploi.

14
La Bundesanstalt a refusé, par décision du 31 mai 1996, de lui accorder une prestation de chômage pour la période du 25 avril au 29 mai 1996 au motif que les conditions de durée d’affiliation prévues aux articles 104 et 134 de l’Arbeitsförderungsgesetz ouvrant droit aux prestations de chômage (allocation de chômage ou assistance de chômage) n’étaient pas remplies. En effet, étant donné que, selon la Bundesanstalt, il ne fallait pas tenir compte de la période de service militaire effectué en Espagne, M. Adanez-Vega ne remplissait ni la condition d’une affiliation pendant 360 jours au cours de la période de référence de 3 ans, visée à l’article 104 de l’Arbeitsförderungsgesetz, ni la condition d’une affiliation pendant 150 jours au cours de la période de référence de 1 an, visée à l’article 134 de cette même loi.

15
La réclamation de M. Adanez-Vega contre cette décision a été rejetée par la Bundesanstalt, par décision du 16 juillet 1996. Le recours contre cette décision introduit par M. Adanez‑Vega devant le Sozialgericht Hannover (Allemagne) a été accueilli par jugement du 26 février 1998. L’appel de la Bundesanstalt devant le Landessozialgericht Niedersachsen (Allemagne) a été rejeté par arrêt du 23 octobre 2001. La Bundesanstalt a ensuite introduit un recours en «Revision» devant le Bundessozialgericht.

16
C’est dans ces circonstances que le Bundessozialgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)
Une personne, réclamant des prestations de chômage au régime d’assurance chômage allemand plus de deux mois après la fin de son service militaire obligatoire accompli en Espagne, relève-t-elle

a)
des dispositions espagnoles, en application de l’article 13, paragraphe 2, sous e), du règlement nº 1408/71 […]?

b)
des dispositions allemandes, en application de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement nº 1408/71?

2)
En cas de réponse affirmative à la première question, sous a):

a)
Le service militaire obligatoire accompli en Espagne constitue t-il le ‘dernier emploi […] sur le territoire d’un État membre autre’ au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71?

b)
En cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous a):

L’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), première phrase, du règlement nº 1408/71 renferme-t-il aussi la règle selon laquelle le dernier emploi occupé sur le territoire d’un autre État membre est à prendre en compte pour les prestations de chômage comme s’il avait été dans l’État de résidence, sans nécessité de vérifier si les conditions de l’article 67 du même règlement sont remplies?

c)
En cas de réponse négative à la deuxième question, sous b):

Dans quelles conditions une période d’accomplissement du service militaire obligatoire, qui ne constitue en droit national (espagnol) ni une période d’assurance au régime d’assurance chômage ni une période assimilée à cette dernière, constitue-t-elle en application de l’article 67, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 une période d’emploi accomplie en qualité de travailleur salarié sous la législation d’un autre État membre?

3)
En cas de réponse affirmative à la première question, sous b):

a)
Une personne, qui a terminé sa dernière période d’assurance en Allemagne plus d’un an auparavant et qui a ensuite accompli son service militaire obligatoire de neuf mois en Espagne, a-t-elle accompli, au sens de l’article 67, paragraphe 3, du règlement nº 1408/71, ‘en dernier lieu’ des périodes d’assurance sous la législation allemande?

b)
En cas de réponse affirmative à la troisième question, sous a):

Dans quelles conditions une période d’accomplissement d’un service militaire obligatoire, qui ne constitue en droit national (espagnol) ni une période d’assurance au régime d’assurance chômage ni une période assimilée à cette dernière, constitue-t-elle en application de l’article 67, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, une période d’emploi accomplie en qualité de travailleur salarié sous la législation d’un autre État membre? [Cette question correspond à la deuxième question, sous c).]

c)
Si l’article 67, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 n’est pas applicable au demandeur [troisième question, sous a) et b)]:

i)
Le service militaire obligatoire accompli en Espagne constitue‑t‑il le ‘dernier emploi […] sur le territoire d’un État membre autre’ au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71? [Cette question correspond à la deuxième question, sous a).]

ii)
En cas de réponse affirmative à la troisième question, sous c), i):

L’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), première phrase, du règlement nº 1408/71 renferme-t-il aussi la règle selon laquelle le dernier emploi occupé sur le territoire d’un autre État membre est à prendre en compte pour les prestations de chômage comme s’il avait été [accompli] dans l’État de résidence, sans nécessité de vérifier si les conditions de l’article 67 du règlement nº 1408/71 sont remplies? [Cette question correspond à la deuxième question, sous b).]

4)
Dans la mesure où ni en application de l’article 71 ni en vertu de l’article 67 du règlement nº 1408/71 la période de service militaire obligatoire espagnol n’est à prendre en compte pour le droit du demandeur à des prestations du régime d’assurance chômage allemand, un droit analogue résulte-t-il du principe d’égalité de traitement de l’article 3 du règlement nº 1408/71 ou d’autres dispositions générales du droit communautaire?»


Sur les questions préjudicielles

Sur la première question: la détermination de la législation applicable (articles 13 et 71 du règlement n° 1408/71)

17
Par sa première question la juridiction de renvoi demande, en substance, si, selon les articles 13 et 71 du règlement n° 1408/71, la législation applicable à une personne qui réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre est la législation de l’État membre de résidence ou celle de l’État membre où elle a effectué son service militaire.

18
Il convient d’abord de relever que, selon une jurisprudence constante, les dispositions du règlement n° 1408/71 déterminant la législation applicable forment un système de règles de conflit dont le caractère complet a comme effet de soustraire aux législateurs nationaux le pouvoir de déterminer l’étendue et les conditions d’application de leur législation nationale en la matière, quant aux personnes qui y sont soumises et quant au territoire à l’intérieur duquel les dispositions nationales produisent leurs effets (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 12 juin 1986, Ten Holder, 302/84, Rec. p. 1821, point 21, et du 10 juillet 1986, Luijten, 60/85, Rec. p. 2365, point 14).

19
À cet effet, le règlement n° 1408/71 prévoit, dans son titre II, des règles déterminant la «législation applicable». Dans certains domaines, ces règles générales de rattachement sont cependant soumises à des exceptions (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1988, Rebmann, 58/87, Rec. p. 3467, point 13). Il ressort du système du règlement n° 1408/71 que l’application de ces règles particulières de rattachement présuppose néanmoins la détermination, au préalable, de la législation applicable selon les dispositions du titre II dudit règlement.

20
Il convient donc de déterminer, d’abord, quelle est la législation applicable en vertu des règles générales de rattachement du titre II du règlement n° 1408/71. Ensuite, il doit être vérifié si les règles particulières de rattachement de ce règlement prévoient ou non l’application d’une autre législation.

Les règles générales de rattachement (article 13 du règlement n° 1408/71)

21
Il convient de rappeler que, selon l’article 13, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 1408/71, la personne appelée sous les drapeaux est soumise à la législation de cet État.

22
Il en découle, dans l’affaire au principal, que M. Adanez-Vega a été soumis à la législation espagnole au cours de l’accomplissement de son service militaire en Espagne. Toutefois, cette législation a cessé d’être applicable à l’issue de son service militaire.

23
Il ressort de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 que la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en vertu des dispositions des articles 13, paragraphe 2, sous a) à d), ou 14 à 17 de ce même règlement, est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside.

24
Selon la jurisprudence de la Cour, l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 est applicable tant aux personnes ayant définitivement cessé toute activité professionnelle qu’à celles qui n’ont que temporairement cessé leur activité (arrêt du 11 juin 1998, Kuusijärvi, C‑275/96, Rec. p. I-3419, points 39 et 40).

25
Ainsi, la législation applicable, en vertu des règles générales de compétence du titre II du règlement n° 1408/71, à des personnes en chômage est donc, en principe, celle de l’État membre de résidence.

26
En ce qui concerne l’affaire au principal, il s’ensuit qu’une personne, qui, à l’instar de M. Adanez-Vega, réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre, est soumise, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, à la législation de l’État membre de résidence. En vertu des règles générales de rattachement du titre II du règlement n° 1408/71, il y a donc lieu de faire application de la législation allemande pour déterminer si M. Adanez-Vega remplit ou non les conditions d’existence d’un droit à une prestation de chômage.

27
Toutefois, il convient encore d’examiner si l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, qui comporte des règles particulières concernant la détermination de la législation applicable en matière de prestations de chômage, est de nature à modifier les considérations qui précèdent.

28
En effet, l’applicabilité de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, même si elle conduit également à la désignation de la législation de l’État de résidence comme législation applicable, de la même manière que l’article 13, paragraphe 2, sous f), dudit règlement, présente un intérêt particulier, au regard de l’affaire au principal, dans la mesure où elle sera pertinente pour l’interprétation de l’article 67, paragraphe 3, du même règlement en matière de totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi.

Les règles particulières de rattachement (l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71)

29
L’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 concerne l’hypothèse des travailleurs salariés en chômage qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un État membre autre que l’État membre compétent à cette époque.

30
Aux termes de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii, dudit règlement, un travailleur salarié, autre qu’un travailleur frontalier, qui est en chômage complet et qui se met à la disposition des services d’emploi sur le territoire de l’État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s’il y avait exercé son dernier emploi.

31
La détermination de la législation de l’État de résidence comme législation applicable en vertu de l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 requiert donc que, au cours de son dernier emploi, l’intéressé résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent à cette époque.

32
Au regard des faits de l’affaire au principal, il y a donc lieu de vérifier si :

le service militaire obligatoire accompli en Espagne peut être considéré comme un «emploi» au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71;

M. Adanez-Vega «résidait» effectivement en Allemagne durant cette même période, et si

le royaume d’Espagne était l’«État compétent» au sens de ce même article, au cours de l’accomplissement du service militaire obligatoire.

33
En ce qui concerne la première de ces conditions, il convient de rappeler que la notion d’«emploi» n’est pas définie dans le règlement n° 1408/71. Toutefois, ce règlement n’étant pas une mesure communautaire d’harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale, mais un acte visant à coordonner ces systèmes, il ressort de sa présentation et de son économie que la notion d’«emploi» au sens de l’article 71, paragraphe 1, doit être interprétée en ayant recours à la définition donnée par la législation nationale en matière de sécurité sociale. Un «emploi» au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 est donc un emploi qui est considéré comme tel pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel il est exercé.

34
Dans ce contexte, si cette législation nationale se référait, pour la définition de la notion d’«emploi», aux activités qui font naître une période d’assurance ou une période d’emploi, une attestation en application de l’article 80 du règlement n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71, délivrée par l’institution compétente de cet État et mentionnant les périodes d’assurance et d’emploi accomplies sous cette législation pourrait servir d’indication pour établir si un service militaire obligatoire doit être considéré ou non comme «emploi».

35
Or, il ressort du dossier que, dans l’affaire au principal, l’institution espagnole de sécurité sociale a délivré, en application de l’article 80 du règlement n° 574/72, une attestation selon laquelle M. Adanez-Vega aurait accompli, en Espagne, une période d’assurance ou d’emploi uniquement du 1er décembre 1991 au 4 décembre 1992, soit en dehors de la période de service militaire obligatoire. Ceci pourrait laisser supposer que cette dernière période ne peut pas être considérée comme «emploi» selon la législation espagnole. 

36
En effet, selon la jurisprudence de la Cour, aussi longtemps qu’une attestation délivrée par une institution d’un État membre n’est pas retirée ou déclarée invalide, l’institution compétente d’un autre État membre doit en tenir compte. Toutefois, le principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE impose aux institutions de sécurité sociale de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents, en particulier pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable ou des règles de totalisation des périodes et, partant, de garantir l’exactitude des mentions figurant dans les attestations. Il leur incombe donc de reconsidérer le bien-fondé de la délivrance des attestations et, le cas échéant, de les retirer en cas de doute quant à l’exactitude des faits qui sont à leur base et, partant, des mentions qui y figurent (voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2000, FTS, C‑202/97, Rec. p. I-883, point 56, et du 30 mars 2000, Banks e.a., C‑178/97, Rec. p. I-2005, point 43).

37
En ce qui concerne la deuxième condition d’application de l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, il ressort d’une jurisprudence constante, que le lieu de «résidence» est déterminé par le lieu où se trouve le centre habituel des intérêts. À cet égard il importe de considérer la situation familiale du travailleur ainsi que les raisons qui l’ont amené à se déplacer et la nature du travail (voir, notamment, arrêt du 17 février 1977, Di Paolo, 76/76, Rec. p. 315, points 17 et 20).

38
Enfin, quant à la troisième condition d’application de l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, il découle du point 22 du présent arrêt, que la législation espagnole était bien la législation applicable au cours de la période du service militaire conformément à l’article 13, paragraphe 2, sous e), dudit règlement.

39
Dans l’affaire au principal, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si M. Adanez-Vega remplit ou non les conditions d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71.

40
Si M. Adanez-Vega remplissait les conditions d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, la législation qui lui serait applicable serait, en vertu de cette disposition, également la législation de l’État membre de résidence, à savoir la législation allemande.

41
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que, l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, doit être interprété en ce sens qu’une personne qui réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre est soumise à la législation de l’État membre de résidence.

L’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il constitue une disposition particulière concernant la détermination de la législation applicable en matière de prestations de chômage, de façon que, si ses conditions d’application sont réunies, la législation applicable est celle prévue par cette disposition.

Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, dans l’affaire au principal, les conditions d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), sont réunies ou non.

Si, dans l’affaire au principal, les conditions d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 sont remplies, la législation applicable à une personne qui réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre serait, en vertu de cette disposition, également la législation de l’État membre de résidence.

42
Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question: l’obligation pour l’institution compétente de tenir compte des périodes d’assurance et des périodes d’emploi accomplies sous la législation d’un autre État membre (article 67, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71)

43
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en vertu de l’article 67 du règlement n° 1408/71, aux fins de l’examen du droit aux prestations de chômage, une institution compétente est obligée de tenir compte, dans le calcul des périodes d’assurance accomplies, d’une période de service militaire obligatoire effectué dans un autre État membre.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi demande, en premier lieu, dans quelles conditions une période de service militaire obligatoire effectué dans un autre État membre constitue une «[période d’emploi accomplie] en qualité de travailleur salarié sous la législation de [cet] autre État membre» au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71.

En second lieu, elle souhaite savoir si la condition que «l’intéressé ait accompli en dernier lieu [...] des périodes d’assurance [...] selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées» au sens de l’article 67, paragraphe 3, dudit règlement s’oppose à l’obligation de totaliser des périodes d’emploi dans le cas où l’intéressé a terminé sa dernière période d’assurance sous cette législation plus d’un an auparavant et a ensuite accompli un service militaire obligatoire de neuf mois dans un autre État membre.

44
À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de l’économie et du libellé des articles 67 et 71 du règlement n° 1408/71 que l’application des règles de totalisation de l’article 67 est indépendante de l’application des règles relatives à la désignation de la législation applicable contenues à l’article 71 (voir arrêt du 12 mai 1989, Warmerdam‑Steggerda, 388/87, Rec. p. 1203, point 18). Cela signifie que les règles de totalisation énumérées à l’article 67 sont applicables même dans l’hypothèse où la législation applicable en matière de prestations de chômage aurait été déterminée en vertu des règles de l’article 71. Une telle éventualité est d’ailleurs visée à l’article 67, paragraphe 3, dudit règlement.

Sur la qualification en tant que «[période d’emploi accomplie] en qualité de travailleur salarié sous la législation d’[un] autre État membre» au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71

45
À cet égard, il ressort de l’article 1er, sous s), du règlement n° 1408/71 que la qualification d’une période de travail en tant que «période d’emploi» dépend de la législation nationale sous laquelle elle a été accomplie.

46
De plus, la notion de «travailleur» utilisée par le règlement n° 1408/71 comprend toutes les personnes qui sont assurées, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d’une assurance obligatoire ou facultative auprès d’un régime général ou particulier de sécurité sociale mentionné à l’article 1er, sous a), du règlement n° 1408/71, et ce indépendamment de l’existence d’une relation de travail (arrêts du 12 mai 1998, Martínez Sala, C‑85/96, Rec. p. I-2691, point 36, et Kuusijärvi, précité, point 21).

47
Dans l’affaire au principal, la période de service militaire accomplie par M. Adanez-Vega en Espagne doit donc être considérée comme une «[période d’emploi accomplie] en qualité de travailleur salarié sous la législation de [cet] État membre» au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 lorsque, d’une part, elle est définie ou admise comme telle par la législation espagnole ou assimilée et reconnue par celle-ci comme période équivalant à une période d’emploi et que, d’autre part, M. Adanez‑Vega a été assuré au sens de l’article 1er, sous a), du même règlement pendant son service militaire. Il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si ces conditions sont remplies.

48
Dans ce contexte, il ressort de l’article 80 du règlement n° 574/72 que, pour bénéficier des dispositions de l’article 67 du règlement n° 1408/71, l’intéressé est tenu de présenter à l’institution compétente une attestation mentionnant les périodes d’assurance ou d’emploi accomplies en qualité de travailleur salarié sous la législation d’un autre État membre. Toutefois, il ressort du point 36 du présent arrêt qu’une telle attestation délivrée par l’institution compétente espagnole ne constitue pas une preuve irréfragable à l’égard de l’institution compétente allemande ni à l’égard des tribunaux allemands (voir, également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1992, Knoch, C‑102/91, Rec. p. I‑4341, point 54).

Sur la condition que «l’intéressé ait accompli en dernier lieu [...] des périodes d’assurance [...] selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées» au sens l’article 67, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71

49
À titre liminaire, il convient de rappeler que la condition prévue à l’article 67, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 n’est pas applicable dans l’affaire au principal, s’il s’avère que M. Adanez-Vega entre dans le champ d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), de celui-ci.

50
En effet, l’article 67, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 prévoit que l’obligation de l’institution compétente de tenir compte, dans le calcul des périodes d’assurance accomplies, d’une période d’assurance ou d’emploi accomplie en qualité de travailleur salarié sous la législation d’un autre État membre est subordonnée à la condition que «l’intéressé ait accompli en dernier lieu [...] des périodes d’assurance [...] selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées», sauf dans le cas de chômeurs qui sont visés à l’article 71, paragraphe 1, sous a), ii) et sous b), ii), dudit règlement parce qu’ils résidaient, au cours de leur dernier emploi, hors de l’État compétent à cette époque.

51
Il ressort de la jurisprudence que la condition que «l’intéressé ait accompli en dernier lieu [...] des périodes d’assurance [...] selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées» vise à promouvoir la recherche de travail dans l’État membre où il a versé en dernier lieu des cotisations d’assurance de chômage et à faire supporter par cet État la charge des prestations de chômage (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 1992, Gray, C‑62/91, Rec. p. I-2737, point 12).

52
Par conséquent, ainsi que l’expose M. l’avocat général aux points 79 et 80 de ses conclusions, une période d’assurance doit être considérée comme accomplie «en dernier lieu» dans un État membre si, indépendamment du temps qui s’est écoulé entre l’achèvement de la dernière période d’assurance et la demande des prestations, aucune autre période d’assurance n’a été accomplie dans un autre État membre dans l’intervalle.

53
Dans l’affaire au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si M. Adanez-Vega a accompli des périodes d’assurance en Allemagne et si aucune autre période d’assurance n’a été accomplie dans un autre État membre dans l’intervalle.

54
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question, en premier lieu, qu’une période de service militaire obligatoire dans un autre État membre constitue une «[période d’emploi accomplie] en qualité de travailleur salarié sous la législation de [cet] autre État membre» au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 lorsque, d’une part, elle est définie ou admise comme telle par la législation de cet autre État membre ou assimilée et reconnue par cette législation comme période équivalant à une période d’emploi et que, d’autre part, l’intéressé a été assuré au sens de l’article 1er, sous a), dudit règlement pendant son service militaire.

En second lieu, la condition que «l’intéressé ait accompli en dernier lieu [...] des périodes d’assurance [...] selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées» au sens de l’article 67, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 s’oppose à l’obligation de totaliser des périodes d’emploi seulement dans le cas où une période d’assurance a été accomplie dans un autre État membre après la dernière période d’assurance accomplie sous la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées.

Sur la quatrième question: le principe d’égalité de traitement (article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71)

55
Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 3 du règlement n° 1408/71 s’oppose à ce qu’une institution compétente, aux fins de l’examen du droit aux prestations de chômage, ne prenne pas en compte, dans le calcul des périodes d’assurance accomplies, une période de service militaire obligatoire effectué dans un autre État membre.

56
À cet égard, il convient de constater que l’article 3 du règlement n° 1408/71 s’applique seulement «sous réserve de dispositions particulières contenues dans [ledit] règlement».

57
Pour les raisons indiquées par M. l’avocat général aux points 94 et 97 de ses conclusions, l’article 3 du règlement n° 1408/71 ne trouve pas à s’appliquer dans l’affaire au principal parce que le règlement contient des dispositions particulières, à savoir l’article 67 qui régit le droit d’un chômeur aux prestations de chômage.

58
Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 3 du règlement n° 1408/71 ne s’oppose pas à ce qu’une institution compétente, aux fins de l’examen du droit aux prestations de chômage, ne prenne pas en compte, dans le calcul des périodes d’assurance accomplies, une période de service militaire obligatoire effectué dans un autre État membre.


Sur les dépens

59
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)
L’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2195/91 du Conseil, du 25 juin 1991, doit être interprété en ce sens qu’une personne qui réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre est soumise à la législation de l’État membre de résidence.

L’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, tel que modifié, doit être interprété en ce sens qu’il constitue une disposition particulière concernant la détermination de la législation applicable en matière de prestations de chômage, de façon que, si ses conditions d’application sont réunies, la législation applicable est celle prévue par cette disposition.

Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, dans l’affaire au principal, les conditions d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), sont réunies ou non.

Si, dans l’affaire au principal, les conditions d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, tel que modifié, sont remplies, la législation applicable à une personne qui réside dans un État membre et qui y est au chômage après avoir effectué son service militaire obligatoire dans un autre État membre serait, en vertu de cette disposition, également la législation de l’État membre de résidence.

2)
Une période de service militaire obligatoire dans un autre État membre constitue une «[période d’emploi accomplie] en qualité de travailleur salarié sous la législation de [cet] autre État membre» au sens de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 2195/91, lorsque, d’une part, elle est définie ou admise comme telle par la législation de cet autre État membre ou assimilée et reconnue par cette législation comme période équivalant à une période d’emploi et que, d’autre part, l’intéressé a été assuré au sens de l’article 1er, sous a), dudit règlement pendant son service militaire.

La condition que «l’intéressé ait accompli en dernier lieu [...] des périodes d’assurance [...] selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées» au sens de l’article 67, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71, tel que modifié, s’oppose à l’obligation de totaliser des périodes d’emploi seulement dans le cas où une période d’assurance a été accomplie dans un autre État membre après la dernière période d’assurance accomplie sous la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées.

3)
Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 3 du règlement n° 1408/71, dans sa version mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 2195/91, ne s’oppose pas à ce qu’une institution compétente, aux fins de l’examen du droit aux prestations de chômage, ne prenne pas en compte, dans le calcul des périodes d’assurance accomplies, une période de service militaire obligatoire effectué dans un autre État membre.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'allemand.

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