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Document 32011D0140

2011/140/UE: Décision de la Commission du 20 juillet 2010 concernant l’aide d’État C 27/09 (ex N 34/B/09) subvention budgétaire pour France Télévisions que la République française envisage de mettre à exécution en faveur de France Télévisions [notifiée sous le numéro C(2010) 4918] Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

JO L 59 du 4.3.2011, p. 44–62 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2011/140(1)/oj

4.3.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 59/44


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 20 juillet 2010

concernant l’aide d’État C 27/09 (ex N 34/B/09) subvention budgétaire pour France Télévisions que la République française envisage de mettre à exécution en faveur de France Télévisions

[notifiée sous le numéro C(2010) 4918]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2011/140/UE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a)

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 23 janvier 2009, la République française a notifié à la Commission son intention de procéder à une dotation budgétaire de 450 millions EUR déjà inscrite en loi de finances au bénéfice de France Télévisions pour l’année 2009. Le 13 mars 2009, la Commission lui a demandé des informations complémentaires, que la République française a fournies le 25 mai 2009. Dans cette lettre, la République française a étendu l’objet de la notification en manifestant son intention de mettre en place un mécanisme pérenne et pluriannuel de financement public de France Télévisions, dont une subvention annuelle fera partie.

(2)

Par lettre du 1er septembre 2009, la Commission a, d’une part, considéré que la subvention budgétaire votée pour l’année 2009 était compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après «TFUE») et, d’autre part, informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE à l’égard du nouveau mécanisme de financement public de France Télévisions pour les années suivantes.

(3)

La République française a présenté ses commentaires le 7 octobre 2009.

(4)

La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l’aide en cause.

(5)

La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part des intéressés. Elle les a transmises à la République française en lui donnant la possibilité de les commenter, et a reçu ses commentaires par lettre du 15 janvier 2010.

(6)

Les 23 avril, 19 mai et 22 juin 2010, la République française a transmis à la Commission des précisions ou des informations complémentaires.

II.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DU MÉCANISME DE FINANCEMENT

(7)

Le mécanisme de financement pluriannuel qui fait l’objet de la présente décision se situe dans le contexte du financement des missions de service public de France Télévisions que la Commission a examiné dans ses décisions en date du 10 décembre 2003 (3), du 20 avril 2005 (4), du 16 juillet 2008 (5) et du 1er septembre 2009 (6). Il constitue néanmoins une mesure distincte de celles qui ont fait l’objet des décisions de 2003, 2005 et 2008. Plus particulièrement, les subventions budgétaires plus amplement décrites ci-après, abonderont les ressources publiques allouées à France Télévisions au titre de la contribution à l’audiovisuel public, anciennement appelée redevance, qui a fait l’objet de la décision de la Commission du 20 avril 2005 et qui, en tant qu’aide existante, n’est pas modifiée par les nouvelles dispositions. Ces deux ressources publiques viseront à couvrir le coût de la mission de service public de France Télévisions, minoré des recettes commerciales nettes qui subsisteront.

II.1.   Bases juridiques principales

(8)

Les principales dispositions du nouveau mécanisme de financement public sont contenues dans la loi no 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. L’aide notifiée fait partie d’une réforme plus large des structures et missions d’intérêt économique général de l’audiovisuel public prévue par la loi. La loi amende ainsi des dispositions législatives régissant les missions de service public de France Télévisions et, plus particulièrement, la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ces missions sont précisées encore davantage dans le cahier de charges et le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, qui sont approuvés par des textes règlementaires pris pour l’application de la loi relative à la liberté de communication. La loi no 2009-258 du 5 mars 2009 contient aussi des dispositions financières amendant le code des impôts, d’une part, et consacrant le principe d’une dotation budgétaire inscrite en loi de finances pour France Télévisions, d’autre part.

II.2.   Les activités et le financement du bénéficiaire: France Télévisions

(9)

France Télévisions est une société anonyme créée en application de l’article 44-I de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Cette loi telle qu’amendée établit une entreprise unique, France Télévisions, regroupant les entités juridiques distinctes de différentes chaînes auparavant. Elle est soumise au contrôle économique et financier de l’État français. Son capital social est divisé en actions nominatives qui ne peuvent appartenir qu’à l’État. Son conseil d’administration comprend, outre le président, quatorze membres dont le mandat est de cinq ans, à savoir, deux parlementaires désignés par les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat respectivement, cinq représentants de l’État, cinq personnalités nommées par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et deux représentants du personnel.

(10)

France Télévisions est le premier groupe audiovisuel français. Elle emploie 11 000 personnes environ et comprend les chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô diffusant sur le territoire français métropolitain, ainsi que RFO, société regroupant les télévisions et radios publiques émettant dans les départements et territoires d’outre-mer. Le groupe comprend également une régie publicitaire, bien qu’un désengagement soit à l’étude, et des sociétés dédiées aux activités de diversification. Certaines chaînes de France Télévisions sont largement diffusées dans plusieurs États membres, notamment en Belgique et au Luxembourg.

(11)

Le chiffre d’affaires de France Télévisions en 2007, dernier exercice avant l’annonce de la réforme de l’audiovisuel public, était de 2 927 millions EUR, dont 64,2 % provenaient de la ressource de redevance, 28,1 % de recettes publicitaires (publicité et parrainages) et 7,7 % d’autres recettes. Entre 2003 et 2007, la part des différentes composantes du chiffre d’affaires est restée relativement stable, les recettes publicitaires et de parrainage oscillant dans une fourchette de 30 % à 28 %. L’ensemble du groupe a dégagé un résultat net légèrement positif chaque année entre 2003 et 2007 dont le montant cumulé pour la période est de 99 millions EUR.

(12)

Cette tendance s’est inversée après l’annonce de la réforme de l’audiovisuel public en janvier 2008, incluant notamment la disparition à terme des recettes provenant des messages publicitaires. L’exercice 2008 a été déficitaire pour le groupe France Télévisions, avec un résultat net négatif de [50-100] (7) millions EUR (dont -[50-100] millions EUR pour le périmètre du service public), dû notamment à une chute considérable des recettes de publicité, qu’une dotation exceptionnelle au capital de 150 millions EUR validée par la Commission dans sa décision du 16 juillet 2008 n’a pas permis d’endiguer complètement. Pour 2009, une fois entrée en vigueur la réforme de l’audiovisuel public, la subvention budgétaire finalement versée de 415 millions EUR, validée par la Commission dans sa décision du 1er septembre 2009, a permis presque de pallier la baisse des recettes publicitaires et le groupe France Télévisions a dégagé un résultat net légèrement excédentaire ([10-20] millions EUR). Toutefois, le périmètre du service public est resté légèrement déficitaire à hauteur de [0-5] millions EUR, le résultat positif étant imputable aux sociétés commerciales du groupe.

(13)

Les activités et la gestion de France Télévisions ces dernières années 2004-2008 et la position de l’entreprise dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel public ont fait l’objet d’un rapport relativement critique de la Cour des comptes française «France Télévisions et la nouvelles télévision publique». Le rapport, auquel se réfèrent certains tiers intéressés dans leurs observations, a été adopté en délibéré et rendu public le 14 octobre 2009, soit après la décision d’ouverture de la procédure. Le rapport relève l’existence de marges de progression inexploitées dans la gestion et les résultats de France Télévisions jusque là et contient des recommandations pour une amélioration future dans le nouveau contexte de la réforme.

II.3.   Les missions de service public de France Télévisions

II.3.1.   Définition des missions de service public dans la loi

(14)

L’article 43-11 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 amendée énonce la mission de service public de France Télévisions, en établissant que les chaînes publiques «poursuivent, dans l’intérêt général, des missions de service public. Elles offrent au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d’innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis. Elles présentent une offre diversifiée de programmes en modes analogique et numérique dans les domaines de l’information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l’insertion sociale et la citoyenneté. Elles mettent en œuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française. Elles assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France. Elles concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu’à l’éducation à l’audiovisuel et aux médias. Elles favorisent l’apprentissage des langues étrangères. Elles participent à l’éducation à l’environnement et au développement durable. Elles favorisent, par des dispositifs adaptés, l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu’elles diffusent. Elles assurent l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, pour l’exercice de leurs missions, contribuent à l’action audiovisuelle extérieure, au rayonnement de la francophonie et à la diffusion de la culture et de la langue françaises dans le monde. Ils s’attachent à développer les nouveaux services susceptibles d’enrichir ou de compléter leur offre de programmes ainsi que les nouvelles techniques de production et de diffusion des programmes et services de communication audiovisuelle. Chaque année, un rapport est déposé au Parlement afin de faire l’état de l’application des dispositions du présent article».

II.3.2.   Traduction des obligations de service public dans les activités de France Télévisions

(15)

Pour ce qui est de la traduction concrète de ces missions, le I de l’article 44 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, précise que France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision et des services de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l’article 43-11 et dans un cahier des charges prévu par l’article 48 de ladite loi.

(16)

Le décret no 2009-796 du 23 juin 2009 fixe le cahier des charges désormais unique de France Télévisions. Le cahier des charges cadre l’activité des chaînes de France Télévisions, avec des engagements programmatiques contraignants de diffusion, souvent en heures de grande écoute, d’émissions culturelles quotidiennes, des émissions musicales notamment de musique classique en diversifiant les orchestres européens ou régionaux, des spectacles d’expression théâtrale ou de vulgarisation scientifique (articles 4 à 7 du cahier des charges). France Télévisions est aussi tenue d’intégrer la dimension européenne dans l’ensemble de ses programmes, notamment en diffusant des reportages sur les modes de vie ou pratiques culturelles d’autres États membres et de diffuser des émissions à caractère religieux consacrées aux principaux cultes pratiqués en France (articles 14 et 15 du cahier des charges). L’obligation de rassembler une audience large et équilibrée sur l’ensemble des publics est aussi énoncée (article 18).

(17)

Par ailleurs, en application de l’article 53 de la loi no 86-1067 sur la liberté de communication, des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sont conclus entre l’État et France Télévisions pour une durée comprise entre trois et cinq ans. Les contrats d’objectifs et de moyens déterminent notamment, dans le respect des missions de service public de France Télévisions:

les axes prioritaires de son développement,

les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création,

les montants minimaux d’investissements de France Télévisions dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue,

les engagements permettant d’assurer la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision,

les engagements permettant d’assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes,

le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus,

le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes,

le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage,

les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix,

le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier.

(18)

À l’heure actuelle, les obligations de service public de France Télévisions font l’objet du contrat d’objectifs et de moyens 2007-2010 «France Télévisions, le premier bouquet de chaînes gratuites de l’ère numérique» du 24 avril 2007, signé par les ministres de tutelle et le président de France Télévisions. Sous la rubrique d’objectif I.2 «Promouvoir les valeurs identitaires du service public», le contrat stipule des objectifs déclinés dans des actions concrètes, assortis d’indicateurs qualitatifs ou quantitatifs à atteindre dans des domaines tels que:

favoriser l’accès d’un public plus large aux programmes culturels et dans une optique de démocratisation de la culture, en diffusant un programme culturel au moins aux heures de grande écoute,

refléter le pluralisme dans l’information et le débat citoyen,

proposer un large éventail de disciplines sportives, avec un accent mis sur les sports les moins exposés dans les chaînes privées,

refléter la diversité et améliorer la visibilité des composantes de la société française,

favoriser la défense de l’identité culturelle française et européenne, la compréhension du fonctionnement de l’Union et ses apports ainsi que l’apprentissage des langues étrangères.

(19)

Le contrat prévoit aussi un volet financier pluriannuel, qui comporte une clause d’ajustement qui prévoit que, en fonction de l’évolution des recettes publicitaires, l’État et le Groupe conviennent de se concerter pour ajuster le besoin en ressources publiques, étant entendu que les surplus non affectés à la réduction de ces besoins en ressources publiques le seront prioritairement aux dépenses en faveur de la création audiovisuelle.

(20)

À la suite de la réforme, le contrat d’objectifs et des moyens en vigueur a fait l’objet d’un avenant pour la période 2009-2012. Cet avenant, plus amplement décrit ci-après pour son volet financier, renforce encore les valeurs identitaires du service public presté par France Télévisions et fixe de nouveaux indicateurs quantitatifs à atteindre par année dans certains des domaines indiqués au considérant 18.

II.3.3.   Mise en place de nouveaux services audiovisuels innovants

(21)

Le nouveau cahier des charges de France Télévisions prévoit l’introduction d’une série de services innovants destinés à enrichir l’offre éditoriale, comme la mise en ligne de services de communication, des services de médias audiovisuels à la demande ou des contenus de complément qui enrichissent ses programmes. De même, l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens envisage aussi l’introduction des services innovants, notamment la vidéo à la demande gratuite ou payante, la télévision mobile personnelle, la diffusion sur internet, les applications mobiles, des WebTV régionales ou thématisées.

II.3.4.   Contrôle extérieur des obligations de service public, y compris la lancement de nouveaux services

(22)

En application de l’article 53 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, le conseil d’administration de France Télévisions approuve le projet de contrat d’objectifs et de moyens de cette société et délibère sur l’exécution annuelle de celui-ci, le résultat de la délibération étant public. Avant signature, les contrats d’objectifs et de moyens ainsi que les éventuels avenants à ces contrats sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat et au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Les commissions peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines.

(23)

Par ailleurs, un rapport annuel sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions est présenté par son président devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. À l’occasion de la présentation du rapport sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, le président de France Télévisions rend compte aussi de l’activité et des travaux du conseil consultatif des programmes créé en son sein et composé de téléspectateurs, chargé d’émettre des avis et des recommandations sur les programmes.

(24)

De même, l’avant-projet du cahier des charges de France Télévisions fixé par décret a fait l’objet d’une consultation publique du 10 au 24 novembre 2008 où une quinzaine d’entités ont soumis des contributions, qui ont donné lieu à des modifications du texte initial, suivie par l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Pour ce qui est du contrôle extérieur de son exécution, l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit la transmission d’un rapport annuel par le Conseil supérieur de l’audiovisuel aux commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport est également transmis au ministère de la culture et de la communication.

(25)

Ces commissions parlementaires, tout comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel, peuvent entendre des tiers. De fait, les parties intéressées sont régulièrement entendues dans ces enceintes et font connaître leurs avis sur les questions intéressant l’audiovisuel public.

II.4.   Compensation financière pour la diminution progressive puis la disparition des messages publicitaires

(26)

Afin de rendre la programmation de la radiodiffusion publique plus libre et moins dépendante de contraintes commerciales, l’article 53, alinéa VI de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 amendée sur la liberté de communication prévoit la diminution puis la disparition des messages publicitaires: «Les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44, à l’exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition s’applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au même I sur l’ensemble du territoire métropolitain. Elle ne s’applique pas aux campagnes d’intérêt général».

(27)

L’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision est prévue au plus tard le 30 novembre 2011. Outre l’exception pour la publicité de biens ou services sans marque commerciale, des dérogations pour la diffusion de messages publicitaires sont prévues pour les départements et collectivités d’outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, en l’absence d’une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair.

(28)

Comme le prévoit l’article 53 de la loi no 86-1067 amendée sur la liberté de communication, la diminution puis la disparition des messages publicitaires résultant de la mise en œuvre de la loi donne lieu à une compensation financière de l’État affectée à France Télévisions dans des conditions définies par chaque loi de finances. À cette fin, l’État français a créé un nouveau programme, intitulé «Contribution au financement de l’audiovisuel public», au sein de la mission «Médias» du budget général de l’État. A titre purement indicatif, les autorités françaises estiment que la part de la subvention publique venant compléter le produit de la contribution à l’audiovisuel public serait d’environ 460 millions EUR en 2010, 500 millions EUR en 2011 et 650 millions EUR en 2012.

(29)

La République française déclare que, pour chaque année, le financement public en provenance de la subvention budgétaire sera déterminé en fonction des coûts d’exécution de la mission de service public de France Télévisions et cumulé avec le produit de la contribution à l’audiovisuel public, déduction faite des recettes commerciales qui subsisteront. À cet égard, les autorités françaises ont transmis la prévision de coûts et recettes du service public de France Télévisions, établie à partir du plan d’affaires 2009-2012 et résumée ci-dessous:

Tableau 1

Prévision de recettes et coûts de service public de France Télévisions 2010-2012

(millions EUR)

 

2010

2011

2012

 

Budget

Budget prévisionnel

Budget prévisionnel

A/Ressources publiques

[2 500-3 000]

[2 500-3 000]

[2 500-3 000]

B/Recettes autres (publicité, parrainage etc.)

[300-600]

[300-600]

[300-600]

C/Coût brut service public

[3 500-3 000]

[3 500-3 000]

[3 500-3 000]

D/Coût net service public (C + B)

[3 000-2 500]

[3 000-2 500]

[3 000-2 500]

Écart coût net SP – ressources publiques (D + A)

[– 50 – 50]

[– 50 – 50]

[– 50 – 50]

Sources: Observations France du 15 janvier 2010.

(30)

Le tableau ci-dessus montre une prévision de déficit correspondant au coût net non couvert pour les comptes du service public de France Télévision en 2010 et 2011. Ce déficit devrait être partiellement résorbé en 2012, avec un faible excédent prévu de [30-50] millions EUR, soit [0-5] % des coûts nets de service public. Cette prévision d’excédent pour 2012, si elle devait se confirmer dans les faits, ce qui présuppose que les recettes et coûts évoluent exactement comme prévu, reste inférieure au déficit cumulé prévu pour 2010 et 2011. En application du contrat d’objectifs et de moyens en cours, les surplus non affectés à la réduction des besoins en ressources publiques devront l’être prioritairement aux dépenses en faveur de la création audiovisuelle. Cette création étant destinée normalement à la programmation, l’éventuel surplus ne devrait donc pas financer des activités commerciales.

(31)

Il est à noter que le plan d’affaires 2009-2012 repris dans le chapitre V de l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens en cours se substitue au volet financier du contrat conclu en avril 2007, compte tenu du nouveau cadre introduit par la réforme et ses conséquences financières. Le plan d’affaires prévoit une diminution du coût brut global de fourniture du service public pour la période 2010-2012, avec une réduction des charges opérationnelles par rapport au contrat initial, une baisse des coûts de diffusion et l’exploitation de synergies résultant de l’entreprise commune, et ce malgré la mise en place de nouveaux éléments de coûts d’accompagnement de la réforme.

(32)

Au niveau des recettes, les ressources publiques prévues, bien qu’en augmentation, n’équilibrent pas totalement les comptes sur la période 2010-2012 et, comme indiqué au tableau 1, restent inférieures aux coûts bruts de service public, de sorte que l’équilibre financier dans les projections dépend des recettes commerciales qui subsisteront chaque année. Aussi le plan d’affaires signale l’intérêt pour l’entreprise et pour l’État d’atteindre l’équilibre plus rapidement que prévu et précise un besoin de suivi précis et régulier, au vu des aléas positifs ou négatifs.

II.5.   Plafonnement des ressources publiques

(33)

L’article 44 de la loi no 86-1067 amendée sur la liberté de communication précise aussi que «Les ressources publiques allouées aux organismes du secteur audiovisuel public en compensation des obligations de service public mises à leur charge n’excèdent pas le montant du coût d’exécution desdites obligations». Cette disposition résulte des engagements pris par la République française d’inscrire expressément dans la loi le principe de non surcompensation des obligations de service public dans le cadre de la procédure qui a mené à la décision de compatibilité de la Commission du 20 avril 2005 concernant l’utilisation des ressources de la redevance (8).

(34)

En application de l’engagement susvisé, le décret no 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l’État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle reprend dans son article 2 le même libellé que l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 en tenant compte «des recettes directes ou indirectes tirées de la mission de service public» et précise que le coût d’exécution des obligations de service public est établi au moyen de comptes séparés. Le décret prévoit, à son article 3, l’obligation pour France Télévisions et ses filiales de respecter les conditions de marché pour l’ensemble de leurs activités commerciales et l’établissement par un organisme extérieur d’un rapport annuel sur l’exécution de cette obligation, transmis au ministre de tutelle, à l’Assemblée nationale et au Sénat.

(35)

La Commission a reçu et examiné des rapports d’exécution des articles 2 et 3 du décret portant sur les exercices 2007 et 2008 (les rapports établis au titre de l’article 3 du décret ayant été certifiés, pour 2007, par les commissaires aux comptes PriceWaterhouseCoopers et KPMG et, pour 2008, par le Cabinet Rise) ainsi que le projet de rapport prévu à l’article 2 pour l’année 2009.

II.6.   Nouvelles taxes prévues dans la réforme de l’audiovisuel public

(36)

La loi no 2009-258 du 5 mars 2009 a aussi modifié le code des impôts pour introduire de nouvelles taxes sur la publicité et les communications électroniques.

II.6.1.   Taxe sur les messages publicitaires

(37)

Sous le titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts, figure désormais un chapitre VII septies qui institue une taxe due par tout éditeur de services de télévision établi en France. La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées par les annonceurs, pour la diffusion de leurs messages publicitaires, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires, déduction faite des sommes versées en application de la taxe prévue à l’article 302 bis KC du code général des impôts, dont sont redevables les éditeurs et distributeurs de télévision diffusant des œuvres audiovisuelles éligibles au soutien du Centre National de la Cinématographie. Ces sommes font l’objet d’un abattement forfaitaire de 4 %. La taxe est calculée en appliquant un taux de 3 % à la fraction du montant des versements annuels, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent à chaque service de télévision, qui excède 11 millions d’euros.

(38)

Toutefois, pour les services de télévision autres que ceux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, ce taux est fixé à 1,5 % en 2009, 2 % en 2010 et 2,5 % en 2011. A titre transitoire, pour l’ensemble des redevables, jusqu’à l’année d’extinction en métropole de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision, la taxe est plafonnée à 50 % de l’accroissement de son assiette constaté pour l’année civile au titre de laquelle la taxe est due par rapport à 2008. En tout état de cause, le montant de la taxe ne peut pas être inférieur à 1,5 % de l’assiette. Néanmoins, pour les éditeurs de services de télévision dont l’audience quotidienne réalisée en dehors de la France métropolitaine est supérieure à 90 % de leur audience totale, le montant à retenir pour le calcul de la taxe est diminué du montant des sommes versées pour la diffusion de messages publicitaires destinés au marché européen ou mondial, multiplié par la part dans l’audience totale annuelle de l’audience obtenue en dehors de la France métropolitaine.

II.6.2.   Taxe sur les communications électroniques

(39)

Sous le titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts figure désormais un chapitre VII octies qui institue une taxe due par tout opérateur de communications électroniques qui fournit un service en France et qui a fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques. La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération des services de communications électroniques que fournissent les opérateurs de communications électroniques, déduction faite du montant des dotations aux amortissements comptabilisés au cours de l’exercice clos au titre de l’année au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, lorsqu’ils sont afférents aux matériels et équipements acquis, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, par les opérateurs, pour les besoins des infrastructures et réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d’amortissement est au moins égale à dix ans. La taxe est calculée en appliquant un taux de 0,9 % à la fraction de l’assiette qui excède 5 millions d’euros.

III.   RAISONS AYANT CONDUIT À L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(40)

Dans sa décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission a estimé que la compensation envisagée à partir de 2010 pouvait constituer une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, dont il convenait d’examiner la compatibilité avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, selon les principes et règles d’application prévus pour les services publics de radiodiffusion.

(41)

Pour ce qui est de l’existence d’une activité de service public aux missions clairement définies par un acte officiel et soumise à des mécanismes de contrôle appropriés, sans soulever de doutes, la Commission a conclu, tout comme dans ses décisions de décembre 2003, avril 2005, juillet 2008 et septembre 2009, que les missions de service public de France Télévisions sont clairement définies dans des actes officiels émanant de ou souscrits par l’État français, selon des modalités qui prévoient un contrôle indépendant de France Télévisions.

(42)

En revanche, pour ce qui est de l’examen de la proportionnalité de la compensation financière envisagée par rapport au coût net de l’activité de service public, en tenant par ailleurs compte des effets de l’aide, la Commission a émis des doutes sur deux questions, à savoir:

d’une part, un risque de surcompensation des coûts nets de service public pour l’année 2012 et, probablement, pour 2010 et 2011, alors que, pour ces années, la Commission ne disposait pas d’informations aussi détaillées que celles fournies par les autorités françaises pour 2009, et

d’autre part, sur l’existence possible d’un lien d’affectation entre les recettes des taxes sur la publicité et les communications électroniques et l’aide à verser à France Télévisions et, pour autant qu’un tel lien pût être établi, sur les effets négatifs de celles-ci et leur compatibilité avec le traité, notamment dans le cadre d’un bilan concurrentiel de la réforme du financement de France Télévisions, qui faisait défaut.

(43)

Par ailleurs, la Commission attirait l’attention des autorités françaises sur l’adoption le 2 juillet 2009 de sa communication concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (9) (ci-après la «communication sur la radiodiffusion») applicable à l’aide notifiée dès sa publication et invitait les autorités françaises à tenir compte de cette communication révisée dans leurs observations.

IV.   OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(44)

Dans ses observations du 2 novembre 2009, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) attire l’attention de la Commission sur l’importance des obligations auxquelles France Télévisions est tenue pour soutenir la création audiovisuelle patrimoniale. Cette importance aurait été renforcée fin 2008 par un accord interprofessionnel, qui serait intégré dans un contrat d’objectifs à venir. En 2010, France Télévisions devra ainsi consacrer à la création audiovisuelle patrimoniale une part de 19 % du chiffre d’affaires inclus dans l’assiette de 2009, part qui devra être portée à 20 %, soit 420 millions EUR en 2012. La part équivalente de TF1 est, en revanche, plafonnée à 12,5 % et celle de M6 et des chaînes de télévision terrestre numérique ne dépasseront pas 11 % respectivement. L’engagement en faveur du cinéma ira aussi croissant de plus de 1,2 % en taux moyen annuel jusqu’en 2012. La suppression de la publicité irait de pair avec un accroissement du coût de grille de programmes en matière d’œuvres de production propre et non importée, qui témoignent d’un engagement en faveur d’un service public innovant et de qualité.

(45)

La Fédération française des télécommunications et des communications électroniques (FFTCE), dans ses observations du 30 octobre 2009, auxquelles se joint Iliad, non-membre de la FFTCE, estime que la suppression de la publicité commerciale ne concourt pas, en tant que telle, à la mission de service public de France Télévisions. Dès lors que la publicité ne fait pas partie intégrante de cette mission, toute subvention visant uniquement la compensation d’un manque à gagner sans égard à la réalité de la mission serait, per se, une aide d’État contraire aux articles 106, paragraphe 2 et 107 du TFUE. Cette compensation doit couvrir des coûts propres au service public, que des comptes séparés doivent retracer. Or le montant de la subvention semble fixé pour les années à venir sur la base de l’estimation de la perte de recettes commerciales ce qui, sur un marché détérioré, fausse gravement la concurrence avec les radiodiffuseurs privés. Alors que le chiffre d’affaires publicitaire total de France Télévisions dans un marché dégradé n’aurait sans doute pas atteint 500 millions EUR, les autorités françaises se sont engagées à verser 450 millions EUR en 2009 en contrepartie de la seule suppression de la publicité après 20 heures. À l’avenir, les recettes de subvention seraient aussi très supérieures aux recettes publicitaires qui auraient été obtenues en l’absence de réforme.

(46)

Pour ce qui est de la mission de service d’intérêt économique général, la FFTCE note que les obligations dévolues à France Télévisions en tant que membre de l’Union européenne de radiotélévision (UER), de par les statuts de celle-ci, préexistent et s’appliqueraient sans celles inscrites dans la loi française. Les contraintes, par ailleurs vagues, qu’impose la loi, ne seraient pas substantiellement différentes de celles découlant des statuts de l’UER, auxquelles TF1 et Canal + sont sujettes aussi en tant que membres, de sorte qu’une subvention de compensation au titre de la loi doit être qualifiée d’aide d’État.

(47)

La FFTCE considère enfin que la nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques introduite par la réforme de l’audiovisuel public est affectée au financement de France Télévisions. Outre le lien d’affectation affirmé dans les déclarations des autorités, des variations dans son assiette et dans son taux font varier le montant de la subvention. Or l’instauration d’une telle taxe viole l’article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (10) puisque les États membres ne peuvent édicter à l’égard des opérateurs aucune autre taxe sur le chiffre d’affaires que celles qui y sont prévues.

(48)

Dans ses observations du 2 novembre 2009, l’Association des chaînes privées estime que la mauvaise gestion de France Télévisions, dont de nombreux exemples auraient été relevés par la Cour des comptes, aggrave l’effet inflationniste constaté sur le marché de la production de programmes et l’achat de droits. En l’absence de comptabilité analytique, la non maîtrise des coûts crée des incertitudes quant à la détermination du coût des missions de service public à financer, avec un risque sérieux de surcompensation. Un faisceau d’indices indiquant que la nouvelle taxe audiovisuelle sera affectée à France Télévisions, sa destination au budget de l’État n’aurait d’autre but que de la faire échapper au contrôle de la Commission. Celle-ci contraint les concurrents de France Télévisions à financer l’aide, en créant une distorsion qu’aggrave la différentiation insuffisante entre les programmes des différentes chaînes historiques.

(49)

Dans ses commentaires du 2 novembre 2009, l’Union européenne de radiotélévision (UER), souligne le caractère nécessairement prospectif de toute estimation pluriannuelle des coûts et revenus du radiodiffuseur public soumise par la France. Ces estimations doivent assurer la visibilité financière à long terme dont doit disposer l’opérateur pour assurer la continuité du service en toute indépendance. Ce sont des mécanismes ex post qui doivent assurer la correction d’éventuels écarts de prévision. La décision de la Commission doit porter sur les paramètres de calcul ex ante et sur ces mécanismes, sans contraindre le montant effectif de compensation à venir par une validation des seuls montants de coûts et recettes estimés, à défaut de quoi la Commission fixerait et contrôlerait les montants annuels d’un régime d’aides, plutôt que le régime lui-même. L’UER exprime aussi sa préoccupation que la Commission cherche à connaître le montant estimé des synergies et gains d’efficience pour les années à venir, puisque l’efficience avec laquelle un service d’intérêt économique général est presté échappe au contrôle de la Commission en application de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE.

(50)

Dans ses commentaires du 2 novembre 2009, l’Association des télévisions commerciales européennes (ACT) se déclare favorable à la décision de la République française de réduire substantiellement la publicité commerciale de son radiodiffuseur public. L’ACT note que deux conditions posées par la jurisprudence Altmark (11) ne sont pas remplies en l’espèce, de sorte que la contribution budgétaire envisagée constitue une aide. Toutefois, l’ACT estime que si le système de financement de l’aide par une taxe prélevée sur les recettes de publicité des concurrents est considéré conforme au droit de l’Union, les bénéfices du retrait du marché seraient très amoindris alors qu’un tel système pourrait, à certains égards, introduire plus de distorsions que les systèmes duaux de financement public et commercial traditionnels.

(51)

L’ACT considère que les obligations de service public de France Télévisions n’auraient pas été fondamentalement modifiées depuis 1994 et resteraient similaires aux obligations d’autres diffuseurs privés. De même, les estimations de compensation pour la perte de recettes publicitaires jusqu’en 2012 sont vagues et ne tiennent compte ni de la diminution de coûts d’investissements y afférents, ni de la baisse possible des coûts d’une programmation moins soumise aux contraintes des annonceurs, ni des gains de synergies espérés. Le mécanisme d’ajustement des recettes publiques et commerciales aux coûts prévu au contrat d’objectifs et de moyens devrait être vérifié, eu égard notamment à la variabilité des recettes commerciales, sans quoi la Commission ne disposerait pas d’informations fiables pour déterminer les coûts effectifs du service fourni et l’existence d’une surcompensation éventuelle. Cette vérification serait faite sans que l’entreprise dispose de comptabilité analytique, comme relevé par la Cour des comptes.

(52)

Enfin, l’ACT considère que l’aide est dans les faits financée par les nouvelles taxes introduites par la réforme et que, pour ce qui est de la taxe sur la publicité audiovisuelle, celle-ci introduit en France un modèle de financement du service public par les concurrents qui a été abandonné ailleurs. Or le mécanisme d’aide préserve les ressources de France Télévisions alors qu’il serait de plus en plus manifeste que les annonceurs ne reportent pas intégralement leur demande vers les chaînes concurrentes. Par ailleurs, un tel mécanisme renforcerait les barrières à l’entrée sur le marché français.

(53)

Dans ses observations du 2 novembre 2009, France Télévisions estime que le mécanisme notifié ne lui confère aucun avantage économique par rapport à ses concurrents puisque, si elle est mise à l’abri de la perte de recettes commerciales, c’est en contrepartie d’une contrainte que l’État lui a imposée par ailleurs et qu’aucun opérateur privé sur le marché ne subit: l’arrêt de la publicité. Quand l’arrêt des messages publicitaires sera effectif, toute distorsion de concurrence sur ce marché disparaîtra, alors que sa pression sur les concurrents pour le parrainage, compte tenu de sa présence limitée, serait aussi nulle. Pour ce qui est de l’achat de droits audiovisuels dits «premiums», alors que TF1 aurait réalisé 96 des 100 meilleures audiences et 18 des 20 meilleures audiences en 2008, France Télévisions ne disposerait d’aucun contrat d’exclusivité avec les majors américaines. Elle doit par ailleurs investir dans la création audiovisuelle avec des exigences de qualité incompatibles avec les objectifs d’audience des chaînes commerciales. Pour la vente de programmes, elle estime ne disposer que d’une présence marginale.

(54)

France Télévisions considère en outre que, comme le montant qui lui sera alloué dépend préalablement, précisément et objectivement chaque année du coût de ses missions, avec une correction ex post en cas d’écart avec les coûts réels, le mécanisme notifié satisfait à la deuxième condition posée par la jurisprudence Altmark. La quatrième condition requise par cette jurisprudence serait elle aussi satisfaite puisque des synergies n’ayant pu être exploitées dans le passé le seront avec la refonte de l’organisation juridique et des statuts, cette quatrième condition n’exigeant pas que le service soit rendu avec le plus bas niveau de coûts possible, mais que les coûts correspondent aux coûts d’une entreprise moyenne bien gérée.

(55)

Selon France Télévisions, pour ce qui est des conditions de compatibilité avec le marché intérieur du mécanisme notifié, celui-ci étant appelé à perdurer de nombreuses années, les coûts nets du service public ne pourront être connus avec une certitude suffisante pour que la Commission puisse exercer un contrôle ex ante de l’absence de surcompensation. Alors que les estimations indicatives fournies pour 2010 à 2012 ne sont pas incompatibles avec la possibilité d’effectuer un bénéfice raisonnable ou de constituer une réserve limitée à 10 % des dépenses annuelles de service public, les dispositions législatives et règlementaires établissant un contrôle ex post permettront en tout cas d’assurer la proportionnalité du financement. En revanche, la variation de ses coûts de grille dépendant de ses choix éditoriaux, France Télévisions estime n’être contrainte qu’au respect des obligations de service public imposées par la loi, dans la liberté qu’a la République française d’en définir le contenu. Par ailleurs, ces obligations se traduisent aussi par une exigence d’audience, que l’arrêt des messages publicitaires n’amoindrit pas. Au contraire, un nombre plus important de programmes devra être acquis.

(56)

Dans ses observations du 2 novembre 2009, Métropole Télévisions (M6) considère que le dispositif de financement envisagé constitue une aide d’État au sens de l’article 107 du TFUE, notamment dès lors que la deuxième et la quatrième conditions posées par la jurisprudence Altmark ne seraient pas remplies: une compensation fondée sur une estimation de perte de recettes commerciales par nature – et dans les faits – fluctuantes, ne saurait être considérée comme basée sur des paramètres de calcul objectifs et transparents des coûts de service public. Par ailleurs, la base de calcul n’est pas celle des coûts d’une entreprise moyenne du secteur et bien gérée, mais celle des coûts de France Télévisions, dont de nombreuses indications montrent qu’elle est gérée de façon inefficace, ce qui alourdit les coûts du service public à supporter par la collectivité.

(57)

Pour ce qui est de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur, M6 considère que le dispositif de financement envisagé est illégal car il engendre de façon structurelle une surcompensation des coûts du service public. La directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (12) impose à la France d’imputer les charges et produits du service d’intérêt général sur la base de principes de comptabilité analytique appliqués de façon cohérente. Or, comme le soulignerait la Cour des comptes, France Télévisions ne disposerait pas de tels outils comptables. Aucun élément objectif ne pourrait donc servir à calculer le montant de la compensation. Une surcompensation serait inévitable puisque la subvention est calculée sur la base de recettes commerciales qui ne relèvent pas de la mission de service public ni ne doivent être prises en compte dans les coûts de celle-ci. Le caractère aléatoire des prévisions de recettes perdues et l’absence d’analyse des coûts rendraient inéluctable aussi la surcompensation.

(58)

L’intégration dans le mécanisme de financement des nouvelles taxes aggrave les effets négatifs des aides sur les marchés d’acquisition des droits audiovisuels – où la mauvaise gestion de France Télévisions, mise à l’abri par les aides publiques, augmente les coûts des concurrents – et sur l’activité de publicité, que France Télévisions reportera vers le parrainage, sans que M6, vu son profil d’audience différent, récupère l’espace laissé par France Télévisions. Dans ces conditions, seul un financement ex post pourrait être justifié. Le mécanisme serait donc structurellement illégal en l’absence de mise en place de mécanismes de contrôle ex post indépendant garantissant effectivement l’absence de surcompensation sur la base des chiffres réels, dont la mise en ouvre serait ineffective en France, selon M6.

(59)

Dans ses observations du 2 novembre 2009, Télévision française 1 (TF1), replace la réforme du financement de France Télévisions dans un contexte de changements structurels affectant le marché publicitaire, où internet connaît une forte croissance. La télévision ne représenterait que 11 % environ des 33 milliards EUR de dépenses de communication des annonceurs, en 2008. Entre janvier et septembre 2009, le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes de la télévision terrestre numérique a eu une croissance de 60 % contre une baisse de 8 % pour les trois chaînes hertziennes privées historiques. Pour l’année 2008, les impôts et taxes acquittés par TF1 représentaient 60 % de son résultat. Or, des contrats d’acquisition de droits pluriannuels, l’inflation des prix et la rigidité de coûts dont ceux de grille absorbés par les obligations règlementaires de production et diffusion d’œuvres françaises et européennes représentant 30 % du total réduisent, selon TF1, sa marge de manœuvre. Parallèlement, son assujettissement à une nouvelle taxe audiovisuelle renforcerait les distorsions de concurrence sur le marché.

(60)

Le report potentiel vers TF1 de la demande des annonceurs est l’objet affiché de la taxe sur la publicité audiovisuelle. Non seulement le report attendu de 350 millions EUR de chiffre d’affaires vers les trois chaînes hertziennes ne s’est pas produit en 2009, mais celles-ci affichent une baisse de 450 millions EUR par rapport aux prévisions. Par ailleurs, l’étendue de ce report serait de toute façon limitée par les dispositions législatives et règlementaires qui, en transposition du droit de l’Union, limitent le temps consacré à la publicité à douze minutes maximum par heure d’antenne, pour autant qu’une moyenne quotidienne de six minutes par heure ne soit pas dépassée.

(61)

TF1 considère que la taxe est constitutive d’aide d’État à un double titre: en ce que France Télévisions ne sera effectivement plus tenue au paiement après le 30 novembre 2011 (date à laquelle elle sera tenue de cesser les messages publicitaires dont les sommes payées constituent l’assiette) et, deuxièmement, en ce que France Télévisions sera destinataire des ressources levées à ce titre puisqu’il ressort de nombreuses déclarations gouvernementales et parlementaires lors des débats sur le projet de loi que celle-ci est affectée au financement de l’aide. Indépendamment de sa légalité intrinsèque, le régime de taxation qui la finance devrait donc être pris en considération pour apprécier l’aide.

(62)

TF1 estime être soumise à des obligations comparables à celles pesant sur France Télévisions, dont les programmes seraient peu différents des siens. Même si TF1 accueille favorablement la refonte du contrat d’objectifs et de moyens et du cahier de charges consécutive à la réforme de l’audiovisuel public, elle estime, s’appuyant sur l’avis de la Cour des comptes, que l’offre du service public de radiodiffusion est insuffisamment individualisée. Ainsi est-il mis en exergue que, dans les anciens cahiers des charges, les obligations quantitatives de diffusion représentaient 10 % des grilles de programmes.

(63)

Toute aussi insuffisante serait la maîtrise des coûts et la qualité de la gestion de France Télévisions, qui font que le service public n’est pas rendu au moindre coût pour la collectivité et engendre un risque de surcompensation. Aussi la Commission devrait-elle vérifier, à cet égard, la croissance des bénéfices des activités commerciales, les synergies qui devraient résulter après 2009 de la création d’une entreprise unique France Télévisions et la moindre pression sur les coûts de grille de programmation résultant d’une moindre dépendance des annonceurs.

V.   COMMENTAIRES DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

(64)

Dans ses observations transmises le 7 octobre 2009 et par la suite précisées, pour ce qui est de l’application de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, la République française se réfère notamment aux doutes émis par la Commission, d’une part, sur la proportionnalité du financement public et le risque de surcompensation et, d’autre part sur la prise en considération des nouvelles taxes introduites par la réforme de l’audiovisuel public aux fins d’évaluer la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure notifiée.

V.1.   Proportionnalité du financement et contrôle ex post du risque de surcompensation

(65)

La République française précise que la mesure notifiée n’est pas une compensation de la perte de recettes publicitaires du groupe France Télévisions, bien que les montants prévisionnels fournis à titre indicatif en tiennent compte, mais bien un financement destiné à couvrir les coûts d’exécution de la mission de service public. Les besoins de financement devront en effet évoluer en fonction des changements du coût de grille, des fluctuations de recettes commerciales ou des moyens de diffusion.

(66)

La République française souligne que la validation ex ante de l’absence de risque de surcompensation doit être faite par la vérification de l’existence de mécanismes législatifs et règlementaires de contrôle, conformément à la jurisprudence et à la pratique d’application de la Commission, et non par rapport aux montants indicatifs prévisionnels de subvention et de coûts indiqués pour l’avenir. Les montants indicatifs sont fournis à titre d’illustration, à la lumière du plan d’affaires agréé par les pouvoirs de tutelle et France Télévisions. La méthode de calcul de la subvention ne repose pas sur l’estimation de la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions. Le calcul reposera sur une formule générale telle que, pour chaque année, le montant combiné de la contribution à l’audiovisuel public et de la dotation budgétaire sera, dans le respect des engagements de la République française et des mécanismes de contrôle ex post établis par voie législative et règlementaire, proportionnel au coût de la mission de service public de France Télévisions, minoré de ses recettes commerciales.

(67)

En outre, pour ce qui est des nouveaux services audiovisuels innovants mentionnés dans la communication sur la radiodiffusion, la République française souligne qu’un certain nombre est déjà prévu dans le nouveau cahier des charges de France Télévisions et le contrat d’objectifs et de moyens amendé, qui ont fait et feront l’objet des contrôles et consultations préalables et réguliers décrits ci-dessus. Pour l’avenir, la France estime que le lancement de tout service nouveau important doit faire l’objet d’un traitement au sein du contrat d’objectifs et de moyens, auquel les mêmes contrôles s’appliqueront.

(68)

Par ailleurs, compte tenu de l’entrée en vigueur de la communication sur la radiodiffusion après l’ouverture de la présente procédure, la République française s’engage à parfaire son dispositif de contrôle financier ex post pour satisfaire aux règles nouvellement précisées de cette communication en matière de mécanismes de contrôle financier. Il est ainsi prévu de modifier l’article 2 du décret no 2007- 958 du 15 mai 2007. Cette modification vise:

à assurer que le rapport sur les comptes séparés – exigence permettant d’assurer le contrôle de l’absence de surcompensation – soit, à l’image du rapport prévu à l’article 3, contrôlé par un organisme extérieur dont le choix est soumis à l’approbation du ministre chargé de la communication, transmis à ce ministre ainsi qu’à l’Assemblée nationale et au Sénat, et réalisé aux frais de France Télévisions,

à perfectionner le mécanisme fonctionnel propre à assurer la récupération effective des éventuelles surcompensations ou subventions croisées que ces comptes séparés auraient relevé et qui ne seraient pas compatibles avec l’article 53 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi qu’avec la communication sur la radiodiffusion de la Commission.

(69)

De même, afin de parfaire l’information de la Commission durant les premières années de la réforme engagée par la loi no 2009-258 du 5 mars 2009, les autorités françaises s’engagent à communiquer à la Commission, pour les années 2010 à 2013:

les rapports établis en vertu des articles 2 et 3 du décret précité, après modification, dans un délai maximum de six mois après les assemblées générales approuvant les comptes, y compris les données concernant l’évolution des parts de marché publicitaires depuis 2007,

les éléments publics de suivi de l’exécution des missions de service public par France Télévisions que sont le bilan des chaînes établi annuellement par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (prévu par l’article 18 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986) et le compte-rendu des auditions par les commissions parlementaires (commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat) du président de France Télévisions au sujet de l’exécution annuelle du contrat d’objectifs et de moyens (comme le prévoit l’article 53 de la loi précitée).

V.2.   Prise en considération des nouvelles taxes introduites par la réforme de l’audiovisuel public

(70)

La République française considère qu’elle n’a pas tenu compte des nouvelles taxes sur la publicité et les communications électroniques dans sa notification. Bien qu’instaurées par le même instrument législatif qui établit la réforme, ces taxes n’entreraient pas dans le champ de la mesure notifiée.

(71)

La République française précise que les déclarations publiques en amont du vote de la loi dont fait état la décision d’ouverture de la procédure, ultérieurement contredites par les dispositions de cette loi, ne suffisent pas à constater un lien contraignant d’affectation des taxes au financement de l’aide en droit de l’Union. En droit français, ces taxes sont perçues au profit du budget général de l’État, concourent au financement de l’ensemble des dépenses publiques et répondent aux principes d’universalité et d’unité budgétaire, qui appartiennent au bloc de constitutionalité des finances publiques. En vertu de l’article 36 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l’affectation, totale ou partielle, d’une ressource établie au profit de l’État, à une personne morale, ne peut résulter que d’une disposition expresse de loi de finances, qui, en l’occurrence, n’existe pas.

(72)

La République française souligne par ailleurs qu’il n’existe pas de projet tendant à instituer un lien d’affectation entre lesdites taxes et le financement de France Télévisions. Elle précise que, si une modification de l’architecture du régime devait être envisagée, les autorités françaises procéderaient à une nouvelle notification à la Commission, conformément aux dispositions de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE.

VI.   APPRÉCIATION DE L’AIDE

VI.1.   Présence d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1 du TFUE

(73)

L’article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose que: «Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Ces conditions d’application sont examinées ci-après.

VI.1.1.   Ressources d’État

(74)

Les dotations budgétaires objet de la présente notification seront inscrites chaque année dans la loi de finances établissant le budget de l’État français. Il s’agit en conséquence de mesures octroyées au moyen de ressources d’État.

VI.1.2.   Avantage économique sélectif

(75)

Le mécanisme de subvention budgétaire venant abonder les ressources publiques mises à la disposition de France Télévisions est sélectif car France Télévisions en sera seule bénéficiaire. La subvention budgétaire annuelle de fonctionnement, qui vise notamment à permettre de poursuivre les activités de l’entreprise, mettra celle-ci à l’abri d’une perte de recettes commerciales publicitaires qui ont en partie financé ses dépenses et investissements jusque là. France Télévisions pourra ainsi atteindre une part d’audience qu’elle ne pourrait envisager en l’absence de la dotation budgétaire. Partant, elle reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pu obtenir autrement ou, le cas échéant, s’agissant d’une subvention, dans des conditions de marché autres, soit celles où opèrent ses concurrents privés.

(76)

Par ailleurs, la Commission note que la République française n’a pas formulé d’observations remettant en cause ses appréciations dans la décision d’ouverture en ce que les dotations envisagées ne satisferaient pas cumulativement les critères énoncés dans la jurisprudence Altmark, et fourniraient donc un avantage économique constitutif d’aide d’État (13). Elle note par ailleurs que, sans préjudice des évolutions ultérieures dans la gestion et les résultats de France Télévisions pour les années à venir, à l’heure actuelle, le rapport de la Cour des comptes française sur France Télévisions – dont la publication en octobre 2009 est intervenue après la décision d’ouverture– corrobore son argumentation selon laquelle la quatrième condition n’est pas remplie.

(77)

En somme, il résulte de ce qui précède que les subventions budgétaires pour le seul groupe France Télévisions au moyen des ressources financières de l’État français confèreront un avantage sélectif à cette entreprise.

VI.1.3.   Distorsion de concurrence et affectation des échanges entre États membres

(78)

France Télévisions est active dans le domaine de la production et de la radiodiffusion de programmes qu’elle exploite commercialement, notamment en diffusant des publicités payantes pour des annonceurs ou des programmes parrainés dans sa programmation, en revendant ses droits de diffusion ou en achetant de tels droits. Ces activités commerciales sont exercées en concurrence avec d’autres chaînes telles que TF1, M6, Canal +, notamment en France, où, comme le soulignent les autorités françaises, le groupe France Télévisions constitue le premier groupe audiovisuel. En 2010, la part de France Télévisions devrait s’établir à 10 % environ, qui ferait d’elle encore le troisième fournisseur du marché français.

(79)

Jusqu’à l’échéance de la suppression de la publicité commerciale fin 2011, France Télévisions continuera d’être active, bien qu’avec des limitations des créneaux horaires, sur le marché français de la publicité commerciale télévisée, en concurrence avec les autres radiodiffuseurs. Même après 2011, France Télévisions pourra offrir ses services aux annonceurs pour des publicités de biens sous leur appellation générique ou pour les parrainages d’émissions, en concurrence avec les autres radiodiffuseurs actifs en France. Même si les concurrents de France Télévisions auront pleinement profité du retrait quasi-total de France Télévisions du marché publicitaire induit par la réforme, il n’en reste pas moins que France Télévisions y restera présente. En effet, en volumes et part de marché pour les concurrents constants par rapport à 2007, sur la base des estimations de recettes de publicité et de parrainage de France Télévisions transmises par les autorités françaises, France Télévisions détiendrait encore 3,3 % du marché en 2012, contre plus de 50 % et 20 % environ pour TF1 et M6 respectivement.

(80)

France Télévisions pourra atteindre une part d’audience qu’elle ne pourrait envisager en l’absence de la dotation budgétaire en cause, ce qui est susceptible d’avoir un effet sur l’audience des autres radiodiffuseurs et, donc, sur les activités commerciales de ces derniers, de sorte que les conditions de concurrence seraient faussées. En tout état de cause, France Télévisions restera aussi active sur les marchés d’achat et de vente de droits audiovisuels, avec un pouvoir de négociation maintenu grâce audit soutien. Le maintien des investissements en programmation que rendent possible les dotations budgétaires influence donc la mesure dans laquelle France Télévisions peut se porter acquéreuse ou vendeuse sur ces marchés.

(81)

Il résulte de ce qui précède que les dotations budgétaires pour le seul groupe France Télévisions au moyen des ressources financières de l’État français, faussent ou, à tout le moins, menacent de fausser la concurrence qui s’exerce dans l’exploitation commerciale de la radiodiffusion en France et, dans une certaine mesure, dans d’autres États membres où les programmes de France Télévisions sont diffusés.

(82)

Les marchés de vente et d’achat de programmes audiovisuels et de droits de diffusion sur lesquels France Télévisions est active ont une dimension internationale, même si l’acquisition s’effectue avec une limitation territoriale généralement circonscrite à un État membre. Par ailleurs, les programmes de France Télévisions dont la diffusion peut être maintenue grâce au soutien étatique sont captés dans d’autres États membres, tels la Belgique et le Luxembourg. Enfin, France Télévisions diffuse aussi des programmes par internet, accessible ailleurs qu’en France.

(83)

Dans ces conditions, les subventions budgétaires envisagées sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

VI.1.4.   Conclusion sur la présence d’aide d’État

(84)

Au regard de ce qui précède, les subventions budgétaires que la République française envisage de verser à France Télévisions constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, dont il est nécessaire d’examiner la compatibilité avec le marché intérieur.

VI.2.   Compatibilité à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE

(85)

L’article 106, paragraphe 2, du TFUE dispose que «[l]es entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union».

(86)

Dans sa communication sur la radiodiffusion, la Commission énonce les principes auxquels elle se conforme dans son application des articles 107 et 106, paragraphe 2, du TFUE au financement des organismes publics de radiodiffusion par l’État. À cet égard, l’appréciation de la Commission porte sur les deux aspects suivants:

l’existence d’une définition précise et claire dans un acte officiel de la mission de service public, y compris dans la fourniture de services nouveaux importants, et soumise à des mécanismes de contrôle efficace par une entité indépendante du radiodiffuseur,

le caractère proportionnel et transparent du financement public des compensations nécessaires pour cette mission, sans que les compensations n’excèdent le montant du coût net induit par la mission de service public, soumis, lui-aussi à des contrôles efficaces.

VI.2.1.   Définition précise et claire dans un acte officiel de la mission de service public, soumise à des contrôles efficaces

(87)

Comme précisé ci-dessus, la Commission n’a pas exprimé de doute dans sa décision d’ouverture de la procédure, pour les raisons qui y sont exposées, ni sur l’adéquation de la définition et du mandat de la mission de service public dont France Télévisions est investie par des actes officiels, ni sur l’adéquation des contrôles externes qui s’exercent sur la façon dont France Télévisions s’acquitte des obligations mises à sa charge, tels que décrits ci-dessus. Aussi la Commission a-t-elle estimé que les dispositions pertinentes de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 amendée (articles 43-11, 44, 48 et 53) et des décrets ou actes officiels qui la mettent en œuvre, notamment portant sur le cahier des charges (décret no 2009-796 du 23 juin 2009) et le contrat d’objectifs et de moyens, étaient conformes aux règles d’application de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE concernant l’évaluation des aides aux services de radiodiffusion publique énoncées dans la communication sur la radiodiffusion.

(88)

Cette conclusion était analogue à celles déjà tirées à ce sujet par la Commission en application de la communication alors applicable, dans ses décisions de 2003 et de 2005 pour France 2 et France 3 et, pour France Télévisions, de 2008 et de 2009.

(89)

C’est donc à titre surabondant qu’il convient d’examiner les commentaires somme toute généraux de certaines parties intéressées tendant à affirmer le caractère prétendument similaire de la programmation des écrans publics et des concurrents, contredits dans les faits par les commentaires d’autres parties, et qui ne sont pas de nature à modifier cette appréciation.

(90)

La loi no 86-1067 amendée sur la liberté de communication définit de façon large, qualitative mais précise les obligations de service public de France Télévisions. Celle-ci doit notamment viser un public large et proposer une offre diversifiée conforme à l’objectif d’assurer, dans le respect du pluralisme, les besoins démocratiques, sociaux, citoyens et culturels de la société. Que certains concurrents soient tenus, en raison de leur appartenance à l’UER, de respecter les statuts de celle-ci, comme le souligne la FFTCE, ne fait pas obstacle à l’existence d’obligations spécifiques de service public précisées dans des actes officiels de la République française qui, contrairement aux obligations qui découlent de l’appartenance à l’UER, s’imposent uniquement à France Télévisions.

(91)

Pour autant que de besoin, par ailleurs, les obligations de France Télévisions sont précisées encore dans le cahier des charges et le contrat d’objectifs et des moyens et assorties d’indicateurs précis et quantifiés à atteindre dans leur grille de programmes, auxquels ne sont pas soumis les diffuseurs concurrents. Les moyens publics alloués à France Télévisions le sont pour atteindre les objectifs et s’acquitter des obligations de service public définis par voie législative et règlementaire dans l’intérêt général, alors que les ressources privées allouées aux diffuseurs concurrents le sont dans un but purement lucratif. De même, l’existence de limitations règlementaires ou librement assumées par les opérateurs dans leur activité de diffusion n’implique pas l’existence d’une offre indifférenciée dans les faits pour les diffuseurs publics et privés. Ces obligations de service public découlant de la loi, contrairement à celles découlant de l’appartenance à l’UER, sont par ailleurs soumises à des contrôles externes réguliers, notamment parlementaires, quant à leur accomplissement.

(92)

En outre, la SACD met en relief le plus grand engagement de France Télévisions en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique originale française par rapport aux concurrents, soumis à des obligations bien moindres. Certes, les observations de la SACD n’étayent ni n’illustrent les raisons pour lesquelles les œuvres non-françaises importées, éventuellement d’autres États membres, seraient de moindre qualité que celles que France Télévisions financera. Il n’en reste pas moins qu’un engagement contraignant en faveur de la création originale, accru en termes absolus et par rapport aux concurrents, concourt et est directement lié aux besoins sociaux et culturels de la société française auxquels la programmation de France Télévisions est tenue de satisfaire en raison de ses obligations de service d’intérêt général.

(93)

Au regard des informations fournies par la République française, cette appréciation positive sur la définition et le contrôle de la mission de service public de France Télévisions doit être étendue aux mécanismes applicables au lancement de services audiovisuels nouveaux importants, au sens de la communication sur la radiodiffusion entrée en application après la décision d’ouverture de la présente procédure. Ces services, qui prolongent sur d’autres supports ou formats l’offre programmatique radiodiffusée, sont inclus dans les cahiers des charges et les contrats d’objectifs et des moyens de France Télévisions qui précisent et traduisent par ailleurs les missions de service d’intérêt économique général prévues par la loi. Ces documents sont adoptés par décret comme indiqué ci-dessus, de sorte que les nouveaux services déjà prévus et ceux éventuellement à venir font l’objet des mêmes procédures spécifiques de consultation ex ante et de contrôle d’exécution annuelle ex post que lesdites missions.

(94)

Il apparaît donc en somme que la définition de la mission de service public dévolue à France Télévisions ainsi que les mécanismes de contrôle y afférents sont conformes aux règles et principes établis dans la communication sur la radiodiffusion, eux-mêmes inspirés par la jurisprudence des juridictions de l’Union.

VI.2.2.   Le caractère proportionnel et transparent du financement public

(95)

Le mécanisme de financement notifié par la République française, dont la subvention annuelle pour compensation de la diminution puis disparition des messages publicitaires fait partie, a vocation à être pérenne et à s’étendre donc au-delà de la date prévue par la loi pour la cessation des messages publicitaires, en novembre 2011 dans les faits.

(96)

Le financement public annuel comprendra l’allocation d’une partie des ressources de la contribution à l’audiovisuel public, anciennement redevance, et la subvention annuelle prévue par la loi no 2009-258 du 5 mars 2009. À l’aide existante validée par la Commission dans sa décision du 20 avril 2005, qui n’est pas modifiée par le mécanisme envisagé, viendra donc s’ajouter une subvention budgétaire dont le montant exact sera fixé chaque année dans la loi de finances pour l’exercice en cours. Dans ses observations, la République française précise que ce sont les coûts nets de service public prévus qui serviront à déterminer ex ante, avant chaque exercice, le montant de la subvention annuelle.

(97)

C’est d’ailleurs ce qui ressort des estimations illustratives fournies par les autorités françaises en réponse aux doutes exprimés par la Commission dans la décision d’ouverture de la procédure. La Commission note le caractère indicatif qu’attachent les autorités françaises aux prévisions du plan d’affaires et convient de l’utilité pour l’entreprise chargée d’une mission de service public et devant engager des dépenses pluriannuelles à cet effet de disposer d’un cadrage financier prévu par le plan d’affaires inclus dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens. Cela étant, les ressources publiques totales indicatives qui y figurent restent en rapport, quoique inférieures, aux montants de coûts bruts de fourniture de ce service prévus pour la période allant de 2010 à 2012.

(98)

Compte tenu de la relative prévisibilité des coûts bruts, moins volatiles que les recettes commerciales qui servent à établir les coûts nets, les chiffres indicatifs du plan d’affaires corroborent a priori l’affirmation de la République française quant au caractère déterminant du critère des coûts nets de service public pour la fixation du montant annuel de subvention à venir. Ainsi, l’obligation de compensation financière par l’État qu’introduit la loi no 2009-258 du 5 mars 2009 constituera le fait générateur de la subvention budgétaire notifiée, sans en conditionner le montant, par rapport à une estimation éventuelle de ce que devraient être les recettes publicitaires perdues du fait de la disparition des messages publicitaires.

(99)

Une telle approche semble objectivement justifiée. En effet, du fait du caractère pérenne de la subvention, la fixation de son montant par rapport à ce qu’auraient été les recettes publicitaires si les messages publicitaires n’avaient pas disparu du fait de la loi, par exemple, en fixant le montant à ce qu’étaient les recettes avant l’annonce et la mise en place de la réforme, ajusté éventuellement en fonction des évolutions du marché de la publicité sur la télévision, deviendrait de plus en plus arbitraire. Si le montant de la subvention était ainsi calculé par rapport à des recettes putatives, une réduction de coûts bruts de service public plus ample que prévu résultant, par exemple, de synergies à venir dans la mise en place de l’entreprise unique France Télévisions, pourrait engendrer un risque de surcompensation par les ressources publiques.

(100)

Le mode de calcul de la subvention annuelle par rapport au coût de la mission de service public, minoré des recettes commerciales nettes qui subsisteront, est par ailleurs cohérent avec l’engagement de la République française, traduit désormais dans l’article 44 de la loi no 86-1067 amendée sur la liberté de communication et dans l’article 2 du décret relatif aux relations financières entre l’État français et les organismes du secteur public audiovisuel, pour que les ressources publiques allouées à France Télévision n’excèdent pas le coût net d’exécution des obligations de service public mises à la charge de cette dernière. Comme le rappellent les autorités françaises, cet engagement et les dispositions susvisées sont pleinement applicables à la subvention budgétaire notifiée et au mécanisme de financement public annuel dont elle fera désormais partie intégrante.

(101)

Par conséquent, le mode de calcul de la subvention annuelle par rapport au coût net de la mission de service public - et donc minoré des recettes nettes commerciales qui subsisteront - apparaît comme proportionnel au sens de la communication sur la radiodiffusion de la Commission.

(102)

À cet égard, les observations contraires de certains tiers intéressés ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion:

les commentaires de la FFTCE alléguant que la compensation pour un manque à gagner de recettes publicitaires, qui ne font pas partie de la mission de service public, ne relève pas du financement de cette mission, ne sauraient être retenus, pas plus que ceux de M6 concernant le caractère fluctuant et donc imprécis d’estimations de perte de recettes commerciales; c’est en fonction des coûts nets de service public de France Télévision que le montant annuel de la subvention devra être fixé ex ante, les estimations du montant fournies par la République française pour 2010, 2011 et 2012 étant par ailleurs purement indicatives,

les observations de M6 tendant à affirmer qu’une prétendue absence d’outils de comptabilité analytique à France Télévisions relevée par la Cour des comptes française engendrerait de façon structurelle une surcompensation en ce que la subvention serait basée sur des éléments de coûts non objectifs, tout comme les observations de TF1 sur la surcompensation de coûts non maîtrisés ou mal gérés, ne sont pas fondées; en premier lieu, la Cour des comptes a relevé en octobre 2009 l’absence d’outils de gestion de pilotage intégrant au niveau du groupe France Télévisions les outils de comptabilité analytique des filiales et non pas l’absence de tout outil de comptabilité analytique de gestion; il existe, pour chaque société du groupe France Télévisions une comptabilité analytique,

en second lieu, l’examen de la compatibilité de la compensation avec le marché intérieur, contrairement à celui portant sur l’existence d’un avantage économique pour France Télévisions, ne porte pas sur les coûts qu’une entreprise moyenne et bien gérée dans le secteur pourrait encourir pour prester le service d’intérêt général, mais sur ceux qu’encourra effectivement France Télévisions, en ce compris donc la réduction prévue à l’avenir; or, comme il est montré ci-dessus, le montant total de ressources publiques à verser à France Télévisions sera à priori inférieur aux coûts encourus pour fournir le service public et sera fixé de façon à éviter des surcompensations, une fois les recettes nettes commerciales déduites.

(103)

Ces commentaires, non fondés pour ce qui est de la fixation ex ante du montant de subvention annuelles, ne tiennent par ailleurs pas compte de l’existence de mécanismes de contrôle ex post. En effet, comme il est montré ci-dessous, la fixation annuelle ex ante en loi de finances du montant de subvention pour l’exercice sera suivie de mécanismes ex post de contrôle et, le cas échéant, d’une récupération.

(104)

La communication sur la radiodiffusion prévoit que les États membres doivent mettre en place des mécanismes appropriés pour prévenir toute surcompensation, en procédant à des contrôles réguliers de l’utilisation du financement public. L’efficacité du contrôle telle que précisée dans la communication devrait résulter de son accomplissement à intervalles réguliers par une entité indépendante, couplé avec des mécanismes pour obtenir le remboursement d’éventuelles surcompensations ou l’affectation correcte, lors de l’exercice suivant, d’éventuelles réserves ne dépassant pas 10 % des coûts de service public annuels, d’une part ou, d’autre part, d’éventuelles subventions croisées.

(105)

L’article 44 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précise que «[l]es ressources publiques allouées aux organismes du secteur audiovisuel public en compensation des obligations de service public mises à leur charge n’excèdent pas le montant du coût d’exécution desdites obligations». Cette disposition résulte des engagements de la République française à inscrire expressément dans la loi le principe de non surcompensation des obligations de service public établi dans le cadre de la procédure qui a mené à la décision de compatibilité de la Commission du 20 avril 2005 concernant l’utilisation des ressources de la redevance (14).

(106)

Le décret no 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l’État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle inclut à son article 2 le même libellé que l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 en tenant compte «des recettes directes ou indirectes tirées de la mission de service public» et précise que le coût de la mission de service public est établi au moyen de comptes séparés. Le décret prévoit, à son article 3, l’obligation pour France Télévisions et ses filiales de respecter les conditions normales de marché pour l’ensemble de leurs activités commerciales et l’établissement par un organisme extérieur d’un rapport annuel sur l’exécution de cette obligation, transmis au ministre de tutelle, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette dernière disposition était aussi visée par les engagements de la République française repris dans la décision de la Commission du 20 avril 2005, citée au considérant 7.

(107)

Le Tribunal de l’Union a jugé que tant les dispositions consacrant le principe de non-surcompensation que le contrôle et la vérification des conditions appliquées par France Télévision à ses activités commerciales répondaient parfaitement aux soucis exprimées par la Commission au cours de la procédure qui a mené à la décision du 20 avril 2005 (15). Le caractère approprié des contrôles effectués ex post sur le respect de ces engagements a d’ailleurs été confirmé par le Tribunal (16).

(108)

La Commission a reçu et examiné des rapports d’exécution des articles 2 et 3 du décret portant sur les exercices 2007 et 2008 (les rapports établis au titre de l’article 3 du décret ayant été, pour 2007, certifiés par les commissaires aux comptes PriceWaterhouseCoopers et KPMG et, pour 2008, par le Cabinet Rise), ainsi que le projet de rapport prévu à l’article 2 pour l’année 2009. Les rapports disponibles concluent que les ressources publiques allouées au groupe France Télévisions n’ont pas excédé le coût net d’exécution des obligations de service public mises à sa charge et que France Télévisions a respecté les conditions normales de marché dans l’ensemble de ses activités commerciales. Cela exclut donc les éventuelles subventions croisées entre activités commerciales et activités de service public. L’établissement des rapports en question montre par ailleurs que l’établissement des comptes des coûts et ressources du service public des différentes chaînes de France Télévisions est possible à partir des outils comptables existants, contrairement à ce que soutient notamment M6.

(109)

Les modalités de contrôle ex post des ressources publiques prévues dans le décret no 2007-958 s’appliqueront à la subvention budgétaire notifiée. Depuis la mise en place du contrôle, les ressources publiques totales allouées à France Télévisions ont été insuffisantes pour couvrir le coût net d’exécution des obligations de service public, de sorte que la question de l’affectation d’une surcompensation éventuelle ne s’est pas posée. Pour les prévisions de coûts et recettes à moyen terme reprises au plan d’affaires et illustrées au tableau 1 ci-dessus, un faible excédent semble prévu en 2012 qui, s’il était confirmé et non nécessaire pour résorber les déficits prévus pour les années 2010 et 2011, devrait être normalement affecté prioritairement aux dépenses en faveur de la création audiovisuelle.

(110)

En tout état de cause, pour mettre le dispositif existant en adéquation avec les précisions nouvellement introduites en 2009 par la communication sur la radiodiffusion, la République française s’engage à modifier l’article 2 du décret no 2007- 958 du 15 mai 2007, de façon:

à assurer que le rapport annuel sur les comptes séparés soit, à l’image du rapport prévu à l’article 3, contrôlé par un organisme extérieur dont le choix est soumis à l’approbation du ministre chargé de la communication, transmis à ce ministre ainsi qu’à l’Assemblée nationale et au Sénat, et réalisé aux frais de France Télévisions,

à perfectionner le mécanisme fonctionnel propre à assurer la récupération effective des éventuelles surcompensations ou subventions croisées que ces comptes séparés auraient relevé et qui ne seraient pas compatibles avec l’article 53 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi qu’avec la communication sur la radiodiffusion.

(111)

Dans ces conditions, il apparaît que la République française aura en place des mécanismes appropriés pour procéder à des contrôles réguliers et efficaces de l’utilisation du financement public, afin de prévenir toute surcompensation ou subvention croisée, comme le prévoit la communication sur la radiodiffusion.

(112)

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que les restrictions de concurrence potentielles dues à la présence de France Télévisions sur des marchés commerciaux où elle opèrera encore après la pleine mise en œuvre de la réforme seront somme toute limitées. Cette présence sera vraisemblablement très réduite et la réforme aura pour effet prévisible de reporter, fût-ce partiellement, la demande de publicité sur télévision vers les concurrents de France Télévisions.

(113)

En effet, ainsi que le signale une lettre rendue publique par sept chaînes de télévision ou radios privées, la poursuite de la réforme jusqu’à son terme avec la disparition des messages publicitaires de France Télévisions serait de nature à: «donner aux médias privés les capacités de rebond dont ils ont besoin», alors que le maintien des messages publicitaires: «engendrerait des conséquences néfastes pour l’ensemble des médias français et modifierait substantiellement les perspectives économiques [des] acteurs…» (17).

(114)

En d’autres termes, le retrait partiel de France Télévisions et le recentrage au niveau de la structure de ses recettes – commerciales ou publiques de compensation – sur la diffusion de programmes répondant à sa mission d’intérêt général et ce sans contrepartie financière directe pour le public d’audience, diminuent les restrictions de concurrence potentielles sur les marchés concurrentiels où France Télévisions opère. Ce retrait ouvre un espace qui pourrait être repris par de nouveaux entrants ou des acteurs à la présence réduite sur le marché publicitaire à l’heure actuelle, en dynamisant la concurrence à terme.

(115)

Il en résulte que, au vu de l’information fournie et des engagements souscrits par la République française, le financement public aura pour but de permettre à France Télévisions de couvrir les coûts nets encourus pour s’acquitter des obligations qui pèsent sur elle, et ce financement devra être limité auxdits coûts et restera soumis à des contrôles ex post qui satisfont aux critères de la communication sur la radiodiffusion applicable. En outre, étant donné que France Télévisions réduira par ailleurs sa présence sur des marchés concurrentiels, l’aide envisagée ne risque pas d’affecter le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union, remplissant par là les conditions d’application de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE.

(116)

Par ailleurs, la République française s’engage à fournir à la Commission un rapport annuel jusqu’en 2013, date à laquelle la réforme de l’audiovisuel public aura été achevée, qui permettra de suivre les aspects de mise en œuvre de la réforme les plus pertinents au regard des règles sur les aides d’État, à savoir, les compensations annuelles et les mécanismes de contrôle ex post, les conditions appliquées par France Télévisions à ses activités commerciales et l’évolution de la position de celle-ci sur ce marché ainsi que l’exécution annuelle du contrat d’objectifs et des moyens.

(117)

Compte tenu de l’ampleur de la réforme, des innovations sur le financement de la mission de service de France Télévisions qu’elle introduit, de ses conséquences sur l’évolution des coûts et recettes de France Télévisions et de l’environnement économique incertain des marchés affectant les recettes commerciales de France Télévisions et de ses concurrents, cet engagement est de nature à permettre à la Commission de vérifier et de suivre au plus près la mise en œuvre de la réforme, tout comme celle des engagements assumés par la République française dans le cadre de la présente procédure.

(118)

Dans sa décision d’ouverture de la procédure, la Commission avait exprimé des doutes sur l’existence d’un lien d’affectation éventuelle entre les recettes en provenance des nouvelles taxes sur la publicité et les communications électroniques et la subvention annuelle à verser à partir de 2010 à France Télévisions. Un tel lien, s’il pouvait être établi, ferait que ces taxes devraient être considérées comme faisant partie intégrante de l’aide et soumises à l’examen de compatibilité avec le marché intérieur de cette dernière. Si l’existence d’un tel lien pouvait être exclue pour l’année 2009, compte tenu notamment de la date d’entrée en vigueur et mise en œuvre de la loi no 2009-258 du 5 mars 2009 sur l’audiovisuel public, un doute subsistait pour l’avenir, eu égard aux déclarations faites par les plus hautes autorités françaises.

(119)

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de Justice, confirmée par l’arrêt du 22 décembre 2008 dans l’affaire préjudicielle Régie Networks (C-333/07) (point 99), que «pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la comptabilité de cette aide avec le marché commun» (18). Les deux conditions d’application établies par la Cour à savoir, la réglementation nationale pertinente et l’influence directe sur le montant de l’aide sont examinées ci-après.

(120)

En droit français, en vertu de l’article 36 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l’affectation à une autre personne morale d’une ressource établie au profit de l’État français ne peut résulter que d’une disposition de loi de finances. La loi de finances devrait donc prévoir expressément que le produit des taxes sur la publicité et les communications électroniques introduites par la loi no 2009-258 du 5 mars 2009 sera en tout ou en partie affecté au financement de France Télévisions. Une telle disposition n’a pas été adoptée à ce jour. Pour l’avenir, la République française s’engage à procéder, conformément aux dispositions de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE, à une nouvelle notification à la Commission de tout projet de modification de l’architecture du régime. Dans ces conditions, un lien contraignant d’affectation entre l’aide notifiée et les nouvelles taxes en vertu du droit national ne peut être établi, au sens de la jurisprudence de la Cour.

(121)

De surcroît, il apparaît que le critère déterminant pour la détermination du montant annuel de subvention budgétaire, cumulé au montant prévu d’allocation des ressources de la contribution à l’audiovisuel public, sera celui du montant des coûts nets des obligations de service public mises à la charge de France Télévisions et non celui des recettes tirées des nouvelles taxes. Or les coûts prévisionnels de service public font et feront l’objet d’estimations ex ante dans le contrat d’objectifs et de moyens en application de l’article 53 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 amendée sur la liberté de communication, la subvention annuelle prévue en projet de loi de finances sera calibrée en fonction des coûts nets prévus et l’adéquation entre prévisions et résultats devra être constatée et, au besoin, corrigée ex post dans le cadre du rapport prévu pour la mise en œuvre de l’article 2 du décret no 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l’État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle. Puisque les coûts sont encourus indépendamment des ressources levées au titre des taxes, le produit des taxes ne peut influencer directement le montant de l’aide. Il apparaît par ailleurs que les taux des taxes initialement prévus par le gouvernement français ont été diminués dans la loi finale votée par le Parlement, sans que cela se traduise par une diminution concomitante et proportionnelle de la subvention à verser pour France Télévisions.

(122)

Compte tenu de ce qui précède, les taxes sur la publicité et les communications électroniques introduites par la loi no 2009-258 du 5 mars 2009 ne font pas partie intégrante de l’aide et, par conséquent, ne doivent pas être intégrées dans l’examen de la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur, contrairement à ce que prétendent certains tiers intéressés, à savoir, l’ACT, la FFTCE, l’Association des chaînes privées, M6 et TF1.

(123)

Cette conclusion est sans préjudice de la compatibilité desdites taxes et de leurs dispositions spécifiques en tant que mesures distinctes avec le droit de l’Union, notamment, en ce qui concerne la taxe sur les communications électroniques, pour ce qui est des questions examinées dans le cadre de la procédure d’infraction No 2009/5061, au regard de la directive 2002/20/CE, ou de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (19).

(124)

La Commission prend acte par ailleurs de la déclaration de la France excluant lesdites taxes du champ de sa notification, qui est l’objet de la présente décision.

VII.   CONCLUSIONS

(125)

Au vu de ce qui précède, la Commission conclut que la subvention budgétaire annuelle au profit de France Télévisions mise en œuvre comme indiqué ci-dessus peut être déclarée compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, selon les principes et règles d’application prévues pour les services publics de radiodiffusion,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L’aide d’État que la République française envisage de mettre à exécution en faveur de France Télévisions sous la forme d’une subvention budgétaire annuelle en application de l’article 53, alinéa VI de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 amendée sur la liberté de communication est compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La mise à exécution de cette aide est par conséquent autorisée.

Article 2

La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 20 juillet 2010.

Par la Commission

Joaquín ALMUNIA

Vice-président


(1)  JO C 237 du 2.10.2009, p. 9.

(2)  Voir note 1 de bas de page.

(3)  Décision 2004/838/CE de la Commission (JO L 361 du 8.12.2004, p. 21).

(4)  Décision C(2005) 1166 final de la Commission (JO C 235 du 30.9.2005).

(5)  Décision C(2008) 3506 final de la Commission (JO C 242 du 23.9.2008).

(6)  Décision 2009/C 237/06 de la Commission (JO C 237 du 2.10.2009, p. 9).

(7)  Les crochets […] indiquent des chiffres confidentiels ou des secrets d’affaires remplacés par une fourchette.

(8)  Voir décision C(2005) 1166 final, points 65 à 72.

(9)  JO C 257 du 27.10.2009, p. 1.

(10)  JO L 108 du 24.4.2002, p. 21.

(11)  Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003 dans l'affaire C-280/00, Altmark Trans, Rec. I-7747, points 88 à 93.

(12)  JO L 318 du 17.11.2006, p. 17.

(13)  Voir décision d’ouverture, points 68 à 75.

(14)  Voir décision C(2005) 1166 final, points 65 à 72.

(15)  Arrêt du 11 mars 2009 dans l'affaire T-354/05, TF1 contre Commission Rec. (2009) p. II-00471, points 205 à 209.

(16)  Voir en ce sens l'arrêt du 1er juillet 2010 dans les affaires jointes T-568/08 et T-573/08, M6 et TF1 contre Commission, notamment les points 115 et suivants, non encore publié.

(17)  Lettre des présidents de TF1, M6, Canal +, Next Radio TV, NRJ, RTL et les Locales TV au président de la République, en date du 21 juin 2010, disponible le 24 juin 2010 sur (http://www.latribune.fr/technos-medias/publicite/20100623trib0a00523461/france-televisions-les-medias-prives-insistent-pour-mettre-fin-a-la-publicite-.html).

(18)  Arrêt du 22 décembre 2008, Rec. P. I-10807. Voir également arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium (C-393/04 et C 41/05, Rec. P. I-5293), point 46.

(19)  JO L 108 du 24.4.2002, p. 33.


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