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Document 62013CJ0377

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 12 juin 2014.
Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta SA contre Autoridade Tributária e Aduaneira.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa - CAAD).
Renvoi préjudiciel – Notion de ‘juridiction d’un État membre’ – Tribunal Arbitral Tributário – Directive 69/335/CEE – Articles 4 et 7 – Augmentation du capital social d’une société de capitaux – Droit de timbre en vigueur au 1er juillet 1984 – Suppression de ce droit de timbre par la suite, puis réintroduction de celui‑ci.
Affaire C-377/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:1754

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

12 juin 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Notion de ‘juridiction d’un État membre’ — Tribunal Arbitral Tributário — Directive 69/335/CEE — Articles 4 et 7 — Augmentation du capital social d’une société de capitaux — Droit de timbre en vigueur au 1er juillet 1984 — Suppression de ce droit de timbre par la suite, puis réintroduction de celui‑ci»

Dans l’affaire C‑377/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) (Portugal), par décision du 31 mai 2013, parvenue à la Cour le 3 juillet 2013, dans la procédure

Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts (rapporteur), vice-président de la Cour, MM. G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta SA, par Me F. Fernandes Lourenço, advogado,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, J. Menezes Leitão et Mme A. Cunha, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. P. Guerra e Andrade et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, 7 et 10, sous a), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta SA (ci-après «Ascendi») à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (administration fiscale et douanière), au sujet de la décision de cette dernière, du 6 août 2012, refusant à Ascendi la restitution des droits de timbre qu’elle a acquittés au titre de quatre opérations d’augmentation de capital qu’elle a réalisées entre les mois de décembre 2004 et de novembre 2006 (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Conformément à son premier considérant, la directive 69/335 tendait à promouvoir la libre circulation des capitaux, considérée comme liberté fondamentale essentielle à la création d’un marché intérieur. Dans ce but, ainsi qu’il ressort de ses sixième à huitième considérants, cette directive visait à harmoniser le droit auquel sont soumis les apports à des sociétés dans l’Union par l’instauration d’un droit unique sur les rassemblements de capitaux ne pouvant être appliqué qu’une seule fois au sein du marché intérieur et par la suppression de tous les autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que ce droit unique.

4

À cet effet, l’article 1er de la directive 69/335 disposait que «[l]es États membres perçoivent un droit sur les apports à des sociétés de capitaux, harmonisé conformément aux dispositions des articles 2 à 9 et dénommé ci-après droit d’apport».

5

La directive 85/303 a apporté certaines modifications substantielles à la directive 69/335, notamment aux articles 4, paragraphe 2, et 7 de celle-ci. Les deuxième à quatrième considérants de la directive 85/303 énoncent:

«considérant que les effets économiques du droit d’apport sont défavorables au regroupement et au développement des entreprises; que ces effets sont particulièrement négatifs dans la conjoncture actuelle, qui commande impérativement que la priorité soit donnée à la relance des investissements;

considérant que la meilleure solution pour atteindre ces objectifs consisterait à supprimer le droit d’apport; que les pertes de recettes qui résulteraient d’une telle mesure apparaissent toutefois inacceptables pour certains États membres; qu’il s’impose dès lors de laisser aux États membres la possibilité d’exonérer ou de soumettre au droit d’apport tout ou partie des opérations entrant dans le champ d’application de ce droit [...];

considérant qu’il convient d’exonérer obligatoirement les opérations actuellement assujetties au taux réduit du droit d’apport».

6

L’article 4 de la directive 69/335, dans sa version résultant de la directive 85/303 (ci-après la «directive 69/335»), disposait:

«1.   Sont soumises au droit d’apport les opérations suivantes:

[...]

c)

l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature;

[...]

2.   Peuvent continuer à être soumises au droit d’apport les opérations suivantes, dans la mesure où elles étaient taxées au taux de 1 % à la date du 1er juillet 1984:

a)

l’augmentation du capital social d’une société de capitaux par incorporation de bénéfices, réserves ou provisions;

[...]»

7

Aux termes de l’article 7 de la directive 69/335:

«1.   Les États membres exonèrent du droit d’apport les opérations, autres que celles visées à l’article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.

L’exonération est soumise aux conditions qui étaient applicables à cette date, pour l’octroi de l’exonération ou, le cas échéant, pour l’imposition à un taux égal ou inférieur à 0,50 %.

[...]

2.   Les États membres peuvent, soit exonérer du droit d’apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.

[...]»

8

L’article 10, sous a), de la directive 69/335 prévoyait:

«En dehors du droit d’apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

a)

pour les opérations visées à l’article 4;

[...]»

9

Le délai de transposition de la directive 85/303 avait été fixé au 1er janvier 1986.

10

La directive 69/335 a été abrogée par la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 46, p. 11). Cette abrogation est cependant postérieure aux faits au principal.

Le droit national

11

L’article 145 du tarif général relatif au droit de timbre (Tabela Geral do Imposto de Selo, ci-après la «TGIS»), approuvé par le décret-loi no 21196, du 28 novembre 1932, dans sa version en vigueur au 1er juillet 1984, disposait:

«Renforcement ou augmentation de capital des sociétés, sur le montant de l’augmentation:

a)

sociétés civiles – 5 pour mille (timbre humide);

b)

sociétés de capitaux [...] – 2 pour cent (timbre humide);

c)

autres sociétés – 7 pour mille (timbre humide).

1.   Pour les sociétés visées sous a) et c), s’ajoute le timbre prévu à l’article 93.

2.   Est exonéré du droit, le renforcement ou l’augmentation de capital social réalisé en numéraire.»

12

Ultérieurement, le décret-loi no 223/91, du 18 juin 1991, qui a modifié le libellé de l’article 145, paragraphe 2, de la TGIS, a exonéré du droit de timbre «le renforcement ou l’augmentation de capital social des sociétés de capitaux», exonérant ainsi du droit de timbre les augmentations du capital social de sociétés de capitaux, quelle que soit la manière dont cette augmentation est réalisée.

13

En vertu du décret-loi no 322-B/2001, du 14 décembre 2001, par l’ajout d’un article 26.3 à la TGIS, toutes les augmentations du capital social de sociétés de capitaux, quelle que soit la manière dont ces augmentations ont été réalisées, ont été soumises au droit de timbre au taux de 0,40 % sur le montant de l’augmentation.

Le litige au principal et la question préjudicielle

14

Entre le 15 décembre 2004 et le 29 novembre 2006, Ascendi, société de capitaux, a réalisé quatre opérations d’augmentation de son capital par la conversion en capital social de créances détenues par ses actionnaires en raison de la réalisation par ces derniers, antérieurement à ces opérations, de prestations accessoires au profit de cette société. Pour ces différentes augmentations de capital, Ascendi a supporté un montant total de 205381,95 euros au titre du droit de timbre ainsi que des frais notariaux et d’enregistrement.

15

Le 28 mars 2008, Ascendi a réclamé à l’Autoridade Tributária e Aduaneira la restitution des sommes versées au titre du droit de timbre à l’occasion desdites opérations d’augmentation de capital. Cette demande a été rejetée par la décision litigieuse.

16

Ascendi a porté le litige devant le Tribunal Arbitral Tributário (tribunal arbitral en matière fiscale).

17

Dans la décision de renvoi, le Tribunal Arbitral Tributário estime, tout d’abord, qu’il satisfait à toutes les conditions prévues à l’article 267 TFUE, aux fins d’être considéré comme une juridiction d’un État membre, au sens de cet article.

18

Ensuite, le Tribunal Arbitral Tributário s’interroge sur le point de savoir si le décret-loi no 322-B/2001, sur lequel la décision litigieuse est fondée, est compatible avec les articles 4, 7 et 10, sous a), de la directive 69/335. À cet effet, il se réfère tout d’abord à l’argumentation d’Ascendi, qui rappelle que, au Portugal, les opérations d’augmentation de capital sont exonérées du droit de timbre depuis l’année 1991, conformément au décret-loi no 223/91, et que dans le cas spécifique des augmentations de capital réalisées en numéraire, l’exonération remontait même au mois de mai 1984. Or, la réintroduction, au cours de l’année 2001, par le décret-loi no 322-B/2001, d’un droit de timbre viole, selon Ascendi, les dispositions de cette directive.

19

Le Tribunal Arbitral Tributário souligne que cette argumentation est contestée par l’Autoridade Tributária e Aduaneira. Selon cette dernière, s’agissant d’opérations d’augmentation de capital, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 imposerait seulement aux États membres d’exonérer du droit d’apport les opérations qui, à la date du 1er juillet 1984, étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 %. Cette disposition ne concernerait pas les opérations d’augmentation de capital en cause au principal, réalisées autrement que par un apport en numéraire. En effet, au 1er juillet 1984, la réglementation nationale aurait prévu, à l’égard de telles opérations, l’application d’un droit de timbre à un taux supérieur à 0,50 %.

20

Le Tribunal Arbitral Tributário estime, enfin, qu’une réponse ne peut être déduite clairement de la jurisprudence de la Cour. En effet, dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Optimus – Telecomunicações (C‑366/05, EU:C:2007:366), l’opération d’augmentation de capital aurait été réalisée au moyen d’apports en numéraire. Or, cette dernière opération, contrairement à celles en cause au principal, aurait été exonérée du droit de timbre au 1er juillet 1984.

21

Dans ces conditions, le Tribunal Arbitral Tributário a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 4, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, sous a), 7, paragraphe 1, et 10, sous a), de la directive 69/335 [...], s’opposent-ils à une législation nationale, telle que le décret-loi no 322-B/2001, du 14 décembre 2001, qui a soumis au droit de timbre les augmentations du capital social de sociétés de capitaux réalisées par conversion, en capital social, de créances détenues par les actionnaires pour des prestations accessoires réalisées antérieurement au profit de la société, alors même que ces prestations accessoires ont été réalisées en numéraire, compte tenu du fait que, à la date du 1er juillet 1984, la législation nationale soumettait ces augmentations de capital, réalisées de cette manière, à un droit de timbre, au taux de 2 %, et que, à cette même date, elle exonérait du droit de timbre les augmentations de capital réalisées en numéraire?»

Sur la compétence de la Cour

22

À titre liminaire, il convient d’examiner le point de savoir si le Tribunal Arbitral Tributário doit être considéré comme une juridiction d’un État membre au sens de l’article 267 TFUE.

23

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une «juridiction», au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance (arrêt Belov, C‑394/11, EU:C:2013:48, point 38 et jurisprudence citée). En outre, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, notamment, arrêts Syfait e.a., C‑53/03, EU:C:2005:333, point 29, et Belov, EU:C:2013:48, point 39).

24

Dans l’affaire au principal, il ressort des indications fournies dans la décision de renvoi que les tribunaux arbitraux en matière fiscale ont une origine légale. Les tribunaux arbitraux figurent, en effet, sur la liste des juridictions nationales, à l’article 209 de la Constitution de la République portugaise. Par ailleurs, l’article 1er du décret-loi no 10/2011, du 20 janvier 2011, relatif au régime juridique de l’arbitrage fiscal, dispose que l’arbitrage fiscal constitue un moyen alternatif de résolution juridictionnelle des litiges en matière fiscale et l’article 2 de ce décret-loi attribue une compétence générale aux tribunaux arbitraux en matière fiscale pour apprécier la légalité de la liquidation de tout impôt.

25

Par ailleurs, en tant qu’élément du système de résolution juridictionnelle des litiges dans le domaine fiscal, les tribunaux arbitraux en matière fiscale satisfont à l’exigence de permanence.

26

En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, bien que la composition des formations de jugement du Tribunal Arbitral Tributário soit éphémère et que l’activité de celles-ci s’achève après qu’elles aient statué, il n’en demeure pas moins que, dans son ensemble, le Tribunal Arbitral Tributário présente, en tant qu’élément dudit système, un caractère de permanence.

27

Quant au caractère obligatoire de la juridiction, il y a lieu de rappeler que cet élément fait défaut dans le cadre d’un arbitrage conventionnel, dès lors qu’il n’y a aucune obligation, ni en droit ni en fait, pour les parties contractantes de confier leurs différends à l’arbitrage et que les autorités publiques de l’État membre concerné ne sont ni impliquées dans le choix de la voie de l’arbitrage ni appelées à intervenir d’office dans le déroulement de la procédure devant l’arbitre (arrêt Denuit et Cordenier, C‑125/04, EU:C:2005:69, point 13 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Merck Canada, C‑555/13, EU:C:2014:92, point 17).

28

En revanche, la Cour a admis la recevabilité de questions préjudicielles qui lui avaient été soumises par un tribunal arbitral ayant une origine légale, dont les décisions étaient contraignantes pour les parties et dont la compétence ne dépendait pas de l’accord de celles-ci (ordonnance Merck Canada, EU:C:2014:92, point 18 et jurisprudence citée).

29

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 28 et 40 de ses conclusions, le Tribunal Arbitral Tributário, dont les décisions sont contraignantes pour les parties en vertu de l’article 24, paragraphe 1, du décret-loi no 10/2011, se distingue d’une juridiction arbitrale au sens strict. En effet, sa compétence résulte directement des dispositions du décret-loi no 10/2011 et n’est, partant, pas subordonnée à l’expression préalable de la volonté des parties de soumettre leur différend à l’arbitrage (voir, par analogie, arrêt Danfoss, 109/88, EU:C:1989:383, point 7). Ainsi, lorsque le contribuable requérant soumet son différend à l’arbitrage fiscal, la juridiction du Tribunal Arbitral Tributário a, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du décret-loi no 10/2011, un caractère obligatoire pour l’autorité fiscale et douanière.

30

La nature contradictoire de la procédure devant les tribunaux arbitraux en matière fiscale est, quant à elle, garantie par les articles 16 et 28 du décret-loi no 10/2011. Par ailleurs, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de celui-ci, les tribunaux arbitraux en matière fiscale «statuent conformément au droit constitué, le recours à l’équité est interdit».

31

En ce qui concerne l’indépendance des tribunaux arbitraux en matière fiscale, il ressort, d’une part, de la décision de renvoi que les arbitres constituant le Tribunal Arbitral Tributário devant lequel le litige au principal a été porté, ont été désignés, conformément à l’article 6 du décret-loi no 10/2011, par le Conselho Deontológico do Centro de Arbitragem Administrativa (conseil déontologique du centre d’arbitrage administratif) parmi les arbitres figurant sur la liste établie par cette institution.

32

D’autre part, l’article 9 du décret-loi no 10/2011 prévoit que les arbitres sont soumis aux principes d’impartialité et d’indépendance. Par ailleurs, l’article 8, paragraphe 1, de ce décret-loi prévoit, comme cas d’empêchement à l’exercice de la fonction d’arbitre, l’existence d’un quelconque lien familial ou professionnel entre l’arbitre et l’une des parties au litige. Il est ainsi assuré que le tribunal arbitral concerné a la qualité de tiers par rapport à l’autorité qui a adopté la décision frappée d’un recours (voir arrêt RTL Belgium, C‑517/09, EU:C:2010:821, point 38 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Devillers, C‑167/13, EU:C:2013:804, point 15).

33

Enfin, ainsi qu’il ressort de l’article 1er du décret-loi no 10/2011, les tribunaux arbitraux en matière fiscale se prononcent dans le cadre d’une procédure qui conduit à une décision à caractère juridictionnel.

34

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’organisme de renvoi présente tous les éléments nécessaires pour être qualifié de juridiction d’un État membre, au sens de l’article 267 TFUE.

35

Partant, la Cour est compétente pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi.

Sur la question préjudicielle

36

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 4, 7 et 10, sous a), de la directive 69/335 s’opposent à une législation d’un État membre qui réintroduit un droit de timbre sur des opérations d’augmentation du capital social d’une société de capitaux, qui étaient soumises à un tel droit au 1er juillet 1984, mais qui en ont, par la suite, été exonérées.

37

Selon Ascendi, des opérations, telles que celles en cause au principal, étaient déjà exonérées du droit de timbre au 1er juillet 1984, en vertu du droit national applicable.

38

À cet égard, il convient toutefois de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, sur l’interprétation des dispositions nationales ou sur l’appréciation du contexte factuel ayant entouré le litige au principal, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi (voir arrêts Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 48, ainsi que van Delft e.a., C‑345/09, EU:C:2010:610, point 114).

39

Or, il ressort des termes de la question préjudicielle que, au 1er juillet 1984, la législation nationale soumettait des opérations d’augmentation de capital, telles que celles en cause au principal, à un droit de timbre au taux de 2 %.

40

En ce qui concerne le point de savoir si les dispositions de la directive 69/335 s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que cette réglementation soumet à un droit de timbre des opérations d’augmentation du capital social d’une société de capitaux. En ce qu’il frappe les rassemblements de capitaux en tant que tels, ce droit de timbre constitue un droit d’apport, au sens de l’article 1er de la directive 69/335.

41

Dans ces conditions, l’interprétation de l’article 10 de la directive 69/335, qui ne vise que des impôts indirects autres que le droit d’apport, est dépourvue de pertinence pour la solution du litige au principal.

42

Il importe de constater, ensuite, que les opérations en cause au principal relèvent de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335. En effet, les différentes augmentations du capital social de la société de capitaux concernée ont été réalisées «au moyen de l’apport de biens de toute nature», au sens de cette disposition, à savoir, par la conversion, en capital social, de créances détenues par les actionnaires de cette société, en raison de la réalisation par ceux-ci, antérieurement à ces augmentations, de prestations accessoires au profit de ladite société.

43

En ce qui concerne les opérations visées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 69/335, cette disposition prévoit qu’elles «sont soumises au droit d’apport».

44

Cependant, malgré la formulation de cet article 4, paragraphe 1, il ressort de l’article 7 de ladite directive qu’il n’existe aucune obligation de soumettre au droit d’apport des opérations relevant de la première de ces dispositions.

45

Au contraire, la Cour a jugé que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 comporte l’obligation claire et inconditionnelle, pour les États membres, d’exonérer du droit d’apport toutes les opérations relevant du champ d’application de cette directive qui, au 1er juillet 1984, étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % (voir arrêts Optimus – Telecomunicações, EU:C:2007:366, point 30, et Pak-Holdco, C‑372/10, EU:C:2012:86, point 28). Cette obligation ainsi que les autres obligations résultant de la directive 69/335 lient la République portugaise depuis le 1er janvier 1986, date de l’adhésion de cet État à l’Union européenne.

46

Toutefois, dans la mesure où des opérations, telles que celles en cause au principal, relevant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 69/335 étaient, au 1er juillet 1984, soumises à un droit d’apport, à un taux supérieur à 0,50 %, la République portugaise pouvait, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de cette directive, décider de continuer à soumettre ce type d’opérations au droit d’apport lors de son adhésion à l’Union, au 1er janvier 1986 (voir, en ce sens, arrêt Logstor ROR Polska, C‑212/10, EU:C:2011:404, point 34).

47

Enfin, il reste encore à examiner le point de savoir si un État membre, après avoir renoncé, au cours de l’année 1991, à la perception d’un droit d’apport sur des opérations relevant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 69/335, pouvait décider de réintroduire un tel droit au cours de l’année 2001.

48

Dès lors que les articles 4, paragraphe 1, et 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335 ne visent pas expressément la situation d’une taxe abolie, puis réintroduite après le 1er juillet 1984, il convient de recourir à une interprétation téléologique des dispositions concernées, en recherchant l’objectif poursuivi par celles-ci.

49

Or, il ressort des deuxième et troisième considérants de la directive 85/303 que la directive 69/335 tend à limiter, voire à supprimer, le droit d’apport. Au regard de cet objectif, il résulte de ce troisième considérant que ce n’est qu’en raison des difficultés budgétaires auxquelles ils auraient été confrontés, en cas de suppression du droit d’apport, que les États membres n’ayant pas renoncé à la perception de celui-ci pouvaient maintenir un tel droit (voir, en ce sens, arrêt Logstor ROR Polska, EU:C:2011:404, point 36).

50

La référence à la date du 1er juillet 1984, faite à l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 69/335, ne saurait constituer pour les États membres qui, à cette date, soumettaient les opérations en cause à un droit d’apport, à un taux supérieur à 0,50 %, une autorisation de réintroduire un tel droit après y avoir renoncé. En effet, la volonté du législateur de l’Union était de supprimer le droit d’apport, la possibilité de le maintenir étant uniquement une exception motivée par la crainte de pertes de recettes par les États membres. Dès lors, même si la perte de recettes budgétaires pouvait justifier le maintien du droit d’apport au-delà du 1er juillet 1984, dans les limites exposées à l’article 7, paragraphe 2, de ladite directive, elle n’était pas susceptible de justifier la réintroduction d’un tel droit (voir, en ce sens, arrêt Logstor ROR Polska, EU:C:2011:404, points 37 à 39).

51

Contrairement à ce que soutient le gouvernement portugais, l’obligation de «standstill» résultant de la directive 69/335 concerne tant les opérations visées à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive que celles mentionnées à l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci. En effet, dans une situation telle que celle en cause au principal, cette obligation résulte de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335, interprété à la lumière de l’objectif de cette dernière. Or, ainsi qu’il ressort du point 45 du présent arrêt, les obligations résultant, pour les États membres, de l’article 7 de la directive 69/335 concernent toute opération relevant du champ d’application de cette directive et, partant, toute opération relevant de l’article 4 de celle-ci, indépendamment de la question de savoir si elle est mentionnée au paragraphe 1 ou au paragraphe 2 de ce dernier article.

52

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 4, paragraphe 1, sous c), et 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réintroduction par un État membre d’un droit d’apport sur des opérations d’augmentation de capital social relevant de la première de ces dispositions, qui étaient soumises à un tel droit au 1er juillet 1984, mais qui en ont, par la suite, été exonérées.

Sur les dépens

53

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

Les articles 4, paragraphe 1, sous c), et 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réintroduction par un État membre d’un droit d’apport sur des opérations d’augmentation de capital social relevant de la première de ces dispositions, qui étaient soumises à un tel droit au 1er juillet 1984, mais qui en ont, par la suite, été exonérées.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le portugais.

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