Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52014DC0064

    COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN sur l’approche adoptée par l’UE en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages

    /* COM/2014/064 final */

    52014DC0064

    COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN sur l’approche adoptée par l’UE en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages /* COM/2014/064 final */


    COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

    sur l’approche adoptée par l’UE en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages

    1.            Le nouveau visage du trafic d’espèces sauvages: changement radical de nature, d’échelle et d’impact

    Dans le monde entier, on assiste aujourd’hui à une hausse significative du commerce transfrontière illégal d’espèces animales et végétales sauvages (trafic d’espèces sauvages), qui est devenu l’une des activités criminelles les plus rentables. Si le trafic d’espèces sauvages n’est pas un phénomène récent, son échelle, sa nature et ses répercussions ont considérablement évolué ces dernières années. Dans une résolution[1] adoptée récemment, l’ONU a qualifié le trafic d’espèces sauvages de «forme grave de criminalité organisée» commise par des types de groupes criminels opérant à l’échelle mondiale semblables à ceux qui sont responsables d’activités telles que le trafic d’êtres humains, de drogue et d’armes à feu. Certaines milices ayant recours à ces trafics pour financer leurs activités, le Secrétaire général et le Conseil de sécurité de l’ONU ont tous deux souligné que le braconnage et le trafic d’espèces sauvages figurent parmi les facteurs contribuant à l’instabilité en Afrique centrale et menaçant la paix et la sécurité dans la région[2].

    Quelques chiffres concernant le volume et valeur du trafic d’espèces sauvages[3] Selon les estimations, le nombre d’éléphants d’Afrique tués illégalement a doublé au cours des dix dernières années, tandis que la quantité d’ivoire saisie a triplé. En 2012, les braconniers ont tué environ 22 000 éléphants. Plus de 40 tonnes d’ivoire illégal ont été saisies en 2013. La population d‘éléphants d’Afrique, estimée à 500 000 individus, est probablement en déclin aujourd’hui dans toutes les sous-régions du continent. Le braconnage des rhinocéros a considérablement augmenté en Afrique du Sud. Plus de 1 000 animaux ont été victimes de braconnage en 2013, contre 13 seulement en 2007. Au total, depuis 2010, quelque 2 500 individus ont été braconnés en Afrique du Sud, pays qui regroupe 80 % de la population totale de rhinocéros en Afrique. Si le braconnage continue de progresser à ce rythme en Afrique du Sud, le nombre de rhinocéros du pays commencera à décliner d’ici 2016. La population mondiale de tigres est passée de 100 000 individus il y a un siècle à moins de 3 500 aujourd’hui. Le braconnage est responsable de 78 % des décès de tigres de Sumatra. D’après les estimations, les cornes de rhinocéros se revendraient à environ 40 000 EUR/kg (par comparaison, 1 kg d’or vaut actuellement 31 000 EUR environ), tandis que le prix de l’ivoire brut atteint 620 EUR/kg au marché noir. Les os de tigre se vendent jusqu’à 900 EUR/kg. Selon les estimations, la déforestation illégale représente jusqu’à 30 % du commerce du bois à l’échelle mondiale et contribue à hauteur de plus de 50 % à la disparition de la forêt tropicale en Afrique Centrale, en Amazonie et en Asie du Sud-Est. La valeur globale de la pêche illégale est estimée à environ 10 milliards d’euros par an, soit 19 % de la valeur déclarée des prises.

    L’augmentation du trafic d’espèces sauvages est essentiellement due à une demande forte et croissante de produits de ce type, notamment dans certaines parties d’Asie[4], alimentée par la pauvreté, une gouvernance déficiente, l’instabilité et les situations de crise dans certaines régions clés dont sont issus ces produits. Elle est en outre facilitée par l’inefficacité de l’application de la législation et des sanctions trop légères.

    Le trafic d’espèces sauvages constitue une menace sérieuse pour la biodiversité et le développement durable. Ainsi, des espèces emblématiques telles que les éléphants, les rhinocéros, les grands singes, les tigres ou les requins sont-elles frappées de plein fouet par ce trafic, au point que la survie même de certaines d’entre elles dans la nature est compromise. Le braconnage des éléphants et des rhinocéros enregistre un pic encore jamais atteint dans l’histoire récente, ce qui vient saper les progrès observés ces trente dernières années en matière de reconstitution de la population de ces espèces. Cependant, le trafic de la faune et de la flore sauvages concerne un nombre bien plus important d’espèces animales et végétales (coraux, reptiles, pangolins, plantes et animaux utilisés à des fins médicinales, etc.) et de produits issus de ces dernières (bois, charbon, viande de brousse, etc.). Les animaux étant importés illégalement en dehors de tout contrôle sanitaire, il existe en outre un risque de santé publique lié à la transmission de maladies.

    Par ailleurs, le trafic d’espèces sauvages prive certaines populations comptant parmi les plus marginalisées au monde, parmi lesquelles des communautés indigènes, d’opportunités considérables en matière de moyens de subsistance viables. Les produits dérivés d’espèces sauvages constituent un secteur économique de taille dans un grand nombre de pays développés et en développement, de manière directe ou indirecte (le tourisme par ex.). Le commerce illégal d’espèces sauvages, qui bénéficie aux réseaux criminels internationaux, représente également un manque à gagner important pour les États. Ces activités sont étroitement liées à la corruption et aux flux de capitaux illégaux, notamment par l’intermédiaire du blanchiment d’argent, et portent préjudice à l’État de droit et à la bonne gouvernance des pays. Le trafic d’espèces sauvages a également un coût en termes de vies humaines: au cours de la décennie écoulée, on estime à 1 000 le nombre de garde forestiers tués au cours d’opérations anti-braconnage.

    L’UE demeure un marché de destination essentiel pour les produits dérivés d’espèces sauvages, la demande étant particulièrement forte pour les espèces atteignant des prix élevés au marché noir. Parallèlement, les grands ports et aéroports de l’UE constituent d’importantes plaques tournantes pour ces trafics, notamment entre l’Afrique et l’Asie. Quelque 2 500 saisies de produits dérivés d’espèces sauvages sont réalisées chaque année dans l’UE[5]. Le trafic de certaines espèces rares d’oiseaux, de coraux, de poissons et de tortues a également lieu depuis des États membres de l’UE, au sein de l’UE ou vers des pays tiers.

    D’après Europol, le rôle des groupes criminels organisés prend de l’ampleur au sein de l’UE, ces derniers pariant sur une rentabilité forte associée à un faible risque d’être détectés et des niveaux de sanctions peu élevés.[6]

    L’échelle et l’ampleur nouvelles que prend le trafic d’espèces sauvages ont attiré l’attention des décideurs politiques, qui se matérialise notamment par des initiatives prises par plusieurs États membres[7]. Le Parlement européen a appelé à l’élaboration d’un plan d’action en la matière à l’échelle de l’UE.[8] L’assemblée générale de l’ONU a également exprimé sa profonde inquiétude à ce sujet en décembre 2012. Les dirigeants du G8 ainsi que les ministres des finances africains et les dirigeants du Forum de la CEAP (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) se sont quant à eux engagés en 2013 à prendre des mesures pour endiguer le trafic d’espèces sauvages.

    L’objectif de la présente communication est d’attirer l’attention sur l’urgence qu’il y a à gérer plus efficacement le problème mondial du trafic d’espèces sauvages. Elle dresse un bilan des mesures existantes au niveau de l’UE en vue de soutenir la lutte contre ce trafic dans le monde (2e partie) et au sein de l’UE (3e partie) et évalue ces mesures. Enfin, elle ouvre le débat sur la démarche à adopter par l’UE en ce qui concerne le trafic d’espèces sauvages.

    2.           Mesures adoptées au niveau mondial pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages

    L’UE soutient une palette d’initiatives visant à renforcer les efforts entrepris au niveau international pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages.

    2.1. Réglementation des échanges

    L’objectif de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Convention on the International Trade in Endangered Species - CITES) est d’assurer que le commerce d’environ 35 000 espèces animales et végétales protégées ne menace par leur survie. En mars 2013, les États parties à la CITES ont convenu d’un train de mesures concrètes pour lutter contre le braconnage et le trafic d’un certain nombre d’espèces menacées d’extinction (notamment les éléphants, les rhinocéros, les tigres et les bois tropicaux). L’UE, qui est l’un des principaux soutiens de cette convention, a joué un rôle essentiel dans l’adoption de ces mesures.

    Dans le domaine du trafic de bois, l’UE a conclu des accords bilatéraux volontaires de partenariat qui visent à soutenir les pays partenaires dans leurs efforts pour renforcer la bonne gouvernance du secteur forestier et pour mettre en place un système national de traçabilité et de contrôle de la légalité. Au plan d'action de l'UE relatif à l'application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (Forest Law Enforcement, Governance and Trade - FLEGT) est venu s’ajouter le règlement «Bois» de l’UE destiné à garantir que les bois et produits à base de bois vendus sur le marché de l’UE sont légaux.

    L’UE joue en outre un rôle moteur dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) à l’échelle internationale, en promouvant auprès des organisations régionales de gestion des pêches, de la FAO, de l’ONU et d’Interpol l’adoption de mesures complètes de maîtrise du marché et d’actions concrètes. L’UE a ainsi apporté une assistance technique à plus de 50 pays tiers en vue de renforcer le respect, par ces derniers, des obligations internationales en matière de lutte contre la pêche INN. En dernier recours, lorsqu’un pays tiers refuse de coopérer, l’UE peut placer le pays en question sur une liste noire, ce qui a pour effet de bloquer ses échanges de produits de la pêche avec l’UE.

    Dans tous les accords de libre échange (ALE) conclus récemment avec des pays tiers (notamment l’Amérique centrale, la Colombie/le Pérou, Singapour, etc.), l’UE a inclus des dispositions visant à renforcer la mise en œuvre effective des accords multilatéraux sur l’environnement ainsi que des dispositions relatives aux échanges dans des domaines tels que la foresterie et la pêche. L’UE adopte une démarche similaire dans les négociations d’ALE en cours avec, entre autres, le Canada, le Japon, la Thaïlande, les États-Unis et le Viêt Nam. En outre, l’UE accorde, par le truchement de son système de préférences généralisées (SPG+), des tarifs préférentiels aux pays en développement vulnérables qui ratifient et mettent en œuvre les conventions internationales sur le développement durable et la bonne gouvernance, notamment la CITES.

    2.2. Application de la législation

    Nombreux sont les pays d’origine, de transit ou de vente finale des produits issus du braconnage et du commerce illégal d’espèces sauvages où les ressources et l’engagement des services nationaux de répression sont insuffisants pour faire appliquer les règles existantes. L’application effective de ces règles demeure une gageure, d’autant que les canaux du commerce illégal peuvent aisément être ré-aiguillés afin d’exploiter les maillons faibles du système répressif au niveau mondial.

    Principal donateur (1,73 million EUR) au Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (International Consortium to Combat Wildlife Crime - ICCWC)[9], la Commission a pour objectif de remédier à certains de ces problèmes. Le consortium travaille essentiellement à l’échange d’informations et de renseignements, à la coordination des efforts d’application de la législation, ainsi qu’au renforcement des capacités répressives au niveau mondial, notamment en encourageant les États à utiliser sa boîte à outils analytique sur la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts (Wildlife and Forest Crime Analytical Toolkit).

    2.3. Appui à la coopération et à l’action internationales

    L’UE et tous ses États membres sont parties à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention CTO), qui peut jouer un rôle majeur dans la lutte contre le trafic d’espèces sauvages, dans la mesure où elle reconnaît que le trafic organisé d’espèces sauvages constitue un «crime organisé grave», passible d’une sanction maximale d’au moins quatre ans d’emprisonnement. À l’heure actuelle, cette sanction plancher pour le trafic d’espèces sauvages n’est pas appliquée par tous les États membres. La Convention des Nations unies contre la corruption, qu’un État membre n’a toutefois pas encore ratifiée, constitue un autre instrument important[10]. Les actions concrètes et ciblées contre le trafic d’espèces sauvages au titre de ces deux conventions sont néanmoins restées limitées. Il serait intéressant d’analyser plus en détails les avantages que présenteraient des outils spécifiques, par exemple l’ajout d’un protocole supplémentaire à la Convention CTO.

    Le Groupe d’action financière internationale, qui fixe les normes et évalue la mise en œuvre des mesures visant à lutter contre le blanchiment des capitaux, a ajouté en 2012 le «crime contre l’environnement» à sa liste des crimes à combattre par des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux[11]. Des outils, tels que des lignes directrices, visant à faciliter la mise en œuvre de cette nouvelle recommandation pourraient s’avérer utiles pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages.

    Sur le plan diplomatique, l’UE a soulevé le problème du trafic d’espèces sauvages directement auprès des pays d’origine et de destination clés, notamment par l’intermédiaire des délégations de l’UE. Jusqu’à présent, l’action internationale s’était principalement concentrée sur l’Afrique. La stratégie diplomatique de l’UE pourrait tirer profit d’un engagement accru auprès des pays de destination clés[12] ainsi que des autres régions où le trafic d’espèces sauvages prospère, mais aussi de dialogues et de partenariats à haut niveau à l’échelon régional, comme cela fut le cas pour le combat contre la pêche INN. Un certain nombre d’autres idées ont aussi été soulevées dans ce contexte, notamment le renforcement de l’aide à la société civile et au secteur privé, ainsi que la possibilité qu’un représentant ou un envoyé spécial de l’ONU centralise les différentes composantes de l’action mondiale et en assure le suivi.

    En outre, l’UE a conclu un certain nombre d’accords de partenariat et de coopération avec des pays tiers, tels que l’Indonésie, les Philippines, le Viêt Nam, la Thaïlande et Singapour, qui traduisent l’engagement des parties à s’efforcer de coopérer sur les questions environnementales, notamment grâce à un renforcement des capacités en vue de participer aux accords multilatéraux sur l’environnement et de mettre en œuvre ces derniers. Ces accords incluent également des dispositions sur la coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée.

    2.4. Coopération au développement

    La coopération au développement de l’UE combat les menaces qui pèsent sur les espèces sauvages en concentrant ses efforts sur la conservation, le renforcement des capacités et le soutien aux opérations de répression. Comme l’indique la politique de développement de l’UE récemment révisée, l’UE a conscience que l’endiguement du trafic d’espèces sauvages nécessite aussi des mesures à long terme permettant d’apporter des sources de revenu pérennes aux communautés locales, la participation au commerce illégal d’espèces sauvages étant souvent perçue comme un moyen simple de générer des revenus.

    Au cours des 30 dernières années, l’UE a consacré plus de 500 millions d’euros à la conservation de la biodiversité en Afrique, dont environ 160 millions ont été alloués à des projets encore en cours. Malgré cela, les besoins en matière de gestion et de conservation appropriées de la biodiversité dans les pays en développement restent importants.

    Depuis 2001, l’UE est le principal soutien financier du programme MIKE[13], avec une contribution de 12 millions d’euros bénéficiant à 71 sites d’Afrique et d’Asie. En décembre 2013, la Commission a approuvé le financement d’un nouveau programme MIKES[14] à hauteur de 12,3 millions d’euros.

    L’UE soutient plusieurs projets nationaux et locaux, notamment dans le cadre du plan d’action FLEGT et du mécanisme REDD+. De plus, de nombreux projets financés par l’UE et ayant pour objectif la réduction de la corruption ainsi que le renforcement des capacités du ministère public et des services juridiques favorisent l’État de droit d’une manière générale, ce qui est indispensable pour lutter efficacement contre le trafic d’espèces sauvages.

    Si toutes ces initiatives ont permis certaines avancées, les synergies entre la conservation, les moyens de subsistance des populations locales, l’application de la législation et la bonne gouvernance n’ont pas toujours été exploitées de manière suffisante. En outre, la pérennité sur le long terme d’un certain nombre de projets demeure fragile en raison du manque de prise en main des projets par les autorités nationales et locales (et parfois par les populations) ainsi que d’un soutien insuffisant de la part de ceux-ci et d’une grande dépendance à l’égard des financements extérieurs. L’élaboration du programme de coopération au développement de l’UE pour la période 2014-2020 constitue l’occasion de combler ces lacunes et d’élaborer une démarche globale pour combattre le trafic d’espèces sauvages.

    3.           Mesures adoptées au niveau de l’UE pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages

    3.1. Réglementation du commerce d’espèces sauvages

    Le commerce des produits issus des espèces sauvages, tant à l’entrée dans l’Union qu’au sein de celle-ci, est réglementé par un vaste ensemble de règles comprenant notamment le règlement n° 338/97 sur le commerce des espèces sauvages, qui régit la mise en œuvre de la CITES dans l’UE, le règlement  n° 995/2010 (règlement «Bois») et le règlement n° 1005/2008 (règlement INN), qui interdisent respectivement l’introduction sur le marché de l’UE du bois coupé illégalement et du poisson pêché illégalement.

    L’UE dispose également d’une législation interdisant l’abattage illégal des individus d’espèces menacées, notamment la directive 147/09 sur la conservation des oiseaux sauvages, et la directive n° 43/92 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. La Commission a adopté une feuille de route pour tenter d’éliminer l’abattage, la capture et le commerce illégaux des oiseaux, et suit attentivement sa mise en œuvre.[15]

    Dans certains cas, les réseaux criminels tirent avantage de la complexité de la législation encadrant le commerce des espèces sauvages, et notamment du fait que les mêmes espèces sont soumises à des régimes commerciaux différents suivant leur origine ou le type de produits concernés. C’est le cas, par exemple, des trophées de chasse, exemptés de certaines restrictions commerciales. L’UE actualise continuellement les règles adoptées au niveau européen et, le cas échéant, les renforce, pour assurer un suivi plus strict par les autorités chargées de faire appliquer la législation.

    3.2. Application effective de la législation

    Une application effective de la législation à tous les échelons par les systèmes nationaux de répression est indispensable dans les États membres, qu’il s’agisse des autorités environnementales et régissant la pêche, des douanes, de la police, du ministère public ou de la justice.

    Afin d’encourager les États membres à mieux appliquer la législation de l’UE relative au commerce d’espèces protégées par la CITES, la Commission a, en 2007, adopté un plan d’action de l’UE sous la forme d’une recommandation[16]. Celui-ci recense un ensemble d’actions à envisager, telles que des plans d’action nationaux, des sanctions dissuasives pour les infractions aux règles du commerce des espèces sauvages et l’utilisation d’évaluations des risques et des renseignements. Toutefois, ces recommandations non contraignantes ont été mises en œuvre de façon hétérogène dans l’UE, et ne ciblent pas le trafic des espèces sauvages sous l’angle de la criminalité organisée.

    Des ressources limitées, l’absence d’unités spécialisées au sein de la police et du ministère public ainsi qu’un degré variable de coopération entre les institutions responsables des espèces sauvages et les autres institutions répressives sont autant d’obstacles supplémentaires à une mise en application effective de la législation. L’adoption de dispositions législatives imposant aux États membres de mettre en œuvre des inspections et des mesures de surveillance efficaces répondant à des critères contraignants, comme le préconise le 7ème programme d’action pour l’environnement de l’UE 2014 – 2020[17], pourrait contribuer à améliorer la mise en application de la législation de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages, sous réserve que cette question voie son degré de priorité renforcé.

    La directive 2008/99 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal exige que tous les États membres fassent en sorte que le commerce illégal d’espèces sauvages soit considéré comme une infraction pénale selon leur droit interne, et qu’ils prévoient des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Toutefois, l’évaluation initiale de la transposition de cette directive dans le droit national a révélé dans plusieurs État membres des lacunes qui doivent être comblées.

    Le niveau des sanctions applicables en cas de trafic d’espèces sauvages varie fortement au sein de l’UE. Dans certains États membres, la sanction maximale est inférieure à une année d’emprisonnement. Non seulement l’effet dissuasif s’en trouve limité, mais cela empêche bien souvent le recours à des outils potentiellement importants pour les investigations transfrontières ou nationales, ainsi que pour la coopération juridique entre les États membres, notamment le mandat d’arrêt européen.

    3.3 Formation et renforcement des capacités

    Une mise en application effective de la législation nécessite des compétences techniques et une sensibilisation des parties prenantes. La formation et le renforcement des capacités doivent concerner l’ensemble des autorités chargées de faire appliquer la législation, y compris le ministère public et les instances judiciaires, afin d’éviter qu’un grand nombre d’affaires fassent l’objet d’enquêtes non suivies d’actions en justice, et de garantir que la gravité de l’infraction soit reconnue par les juges. Certaines initiatives ont été prises au niveau de l’UE, notamment par le Cepol, le Collège européen de police. La programmation des instruments financiers idoines pour la prochaine période de financement est l’occasion de prendre en compte les lacunes existantes dans le domaine de la lutte contre le trafic d’espèces sauvages.

    Les réseaux européens des professionnels de l’application des lois environnementales[18], des douanes[19], des procureurs et des juges[20] jouent également un rôle important pour bâtir une communauté soudée autour de l’application de la législation visant à endiguer le trafic d’espèces sauvages. Des outils tels que EU-TWIX, une base de données restreinte destinée à faciliter la coopération et le partage de renseignements entre les autorités chargées de faire appliquer la législation, fournissent un appui pérenne. En revanche, le statut et le financement des réseaux ne sont  assurés que sur le court terme, et la coopération entre eux a jusqu’ici été limitée.

    3.4 Lutte contre la criminalité organisée

    La criminalité organisée occupe une place grandissante dans le trafic d’espèces sauvages. Plusieurs instruments européens horizontaux ont été mis en place pour combattre ce type de criminalité en général, notamment la décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée[21] ainsi que la décision-cadre sur le recouvrement et la confiscation des avoirs[22]. En principe, ces instruments constituent des outils utiles pour la lutte contre le trafic d’espèces sauvages. Toutefois, ils ne s’appliquent que lorsqu’un certain seuil est franchi, ce qui n’est actuellement pas le cas dans tous les États membres pour le trafic d’espèces sauvages.

    Dans le cadre de la lutte contre le trafic organisé d’espèces sauvages, il est important d’enquêter sur les flux financiers illégaux associés à la criminalité organisée, par exemple par le truchement du blanchiment de capitaux et de l’évasion fiscale. La directive 2005/60[23] de l’UE prévoit des mesures préventives, notamment via des obligations de diligence raisonnable imposées aux institutions financières pour détecter les transactions financières suspectes. L’élaboration d’orientations précises sur la signification de l’expression «diligence raisonnable» dans le contexte du crime environnemental pourrait aider à détecter les infractions liées au blanchiment d’argent dans ce contexte particulier.

    En octobre 2013, Europol a publié une évaluation spécifique sur la criminalité environnementale axée, entre autres, sur le commerce des espèces menacées[24]. Toutefois, Europol ne dispose, pour l’heure, d’aucune unité spécialement affectée à la lutte contre la criminalité environnementale. Europol et Eurojust pourraient tous deux fournir une aide précieuse pour servir de passerelle entre les autorités nationales dans les affaires transfrontières de trafic d’espèces sauvages, et apporter une assistance analytique et pratique. Cela nécessite que les autorités nationales chargées de l’application des lois leur communiquent des données de qualité et sollicitent leur aide, ce qui ne s’est pas produit souvent jusqu’à présent en matière de trafic d’espèces sauvages.

    Les priorités de l’UE fixées pour la période 2014 à 2017 dans le domaine de la lutte contre la criminalité grave et organisée[25] ne comprennent aucun volet sur la criminalité environnementale. L’examen à mi-parcours de 2015 sera l’occasion de revoir ces priorités, et de prendre en compte les récentes évaluations d’Europol, d’après lesquelles la criminalité environnementale est une menace émergente dans l’UE, afin de rendre disponibles de nouvelles ressources et d’accentuer le recours aux mécanismes de coopération transfrontière.

    3.5. Participation de la société civile

    La société civile représente un important partenaire pour l’UE pour ce qui est de garantir que la mobilisation contre le trafic d’espèces sauvages s’étende à toutes les parties prenantes concernées. Certaines ONG possèdent une expérience considérable des activités telles que les campagnes de sensibilisation, la conduite d’enquêtes sur des agissements suspectés d’illégalité ou l’organisation de formations précises, et leur contribution s’est révélée extrêmement précieuse pour les pouvoirs publics en termes d’élaboration et de mise en œuvre des politiques. L’UE coopère régulièrement avec des ONG de ce type sur des sujets liés au trafic d’espèces sauvages.

    4. Conclusion

    Il existe, à l’échelle de l’UE et du monde, un vaste dispositif législatif encadrant le commerce des espèces sauvages. En outre, l’UE a accordé un appui significatif aux initiatives pour la lutte contre le trafic d’espèces sauvages, telles que la meilleure gestion des zones protégées, le renforcement des capacités et la mise en œuvre de la coopération internationale. Toutefois, les mesures prises au cours des dernières années par la communauté internationale n’ont pas suffi à empêcher le récent essor du trafic d’espèces sauvages, alimenté par une demande croissante et par la pauvreté des pays d’origine et la faiblesse de leur gouvernance.

    Le fait que l’application effective des règles existantes, tant dans l’UE qu’au niveau mondial, présente toujours d’importantes lacunes constitue un problème de taille. Ce problème est souvent lié au manque de volonté politique sur cette question, aux ressources insuffisantes au niveau national, et à l’ignorance de la gravité du problème.

    Autre grave point faible des politiques existantes: elles ne tiennent pas suffisamment compte du fait que s’attaquer à la criminalité organisée exige de coordonner différents acteurs et de recourir à plusieurs instruments simultanément. De même, la menace que constitue le trafic d’espèces sauvages pour la paix et la sécurité n’étant apparue que très récemment, l’UE n’a pas encore réellement abordé cet aspect dans sa réponse à la crise et dans sa politique étrangère et de sécurité préventive.

    Récemment, la communauté internationale, et notamment la CITES, a pris conscience de l’importance d’attaquer le problème sous l’angle de la demande, mais peu d’actions concrètes ont vu le jour.

    En conclusion, ce qui fait défaut pour l’heure est une approche coordonnée et globale du trafic d’espèces sauvages, traitant à la fois l’offre et la demande, et impliquant toutes les parties concernées dans les différents domaines d’intervention.

    La Commission invite donc toutes les parties prenantes à participer au débat, à réfléchir à la meilleure façon de s’attaquer à ces défis et au rôle qui doit être celui de l’UE dans cette future démarche contre le trafic d’espèces sauvages. En particulier, la Commission sollicite des contributions écrites[26] sur les questions suivantes:

    Le cadre stratégique et législatif régissant la lutte contre le trafic d’espèces sauvages actuellement en vigueur dans l’UE est-il adapté? L’UE devrait-elle intensifier ses efforts en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages en élaborant un nouveau plan d’action de l’UE, comme le préconise le Parlement européen? Comment l’UE pourrait-elle renforcer l’engagement politique à tous les niveaux en faveur de la lutte contre le trafic d’espèces sauvages? Quels outils diplomatiques seraient les mieux à même de garantir une cohérence entre les différentes initiatives internationales? Au niveau international, sur quels outils l’UE devrait-elle se concentrer pour favoriser l’application des lois en matière de trafic d’espèces sauvages et renforcer la gouvernance? Quels sont les outils qui conviendraient le mieux aux actions de l’UE destinées à lutter contre la demande de produits illégaux issus d’espèces sauvages émanant de l’UE et du monde entier? Quel rôle la société civile et le secteur privé pourraient-ils jouer sur ce point? Comment l’UE pourrait-elle au mieux mettre à profit ses compétences pour lutter contre les répercussions du trafic d’espèces sauvages sur la paix et la sécurité? Comment les instruments de coopération de l’UE pourraient-ils mieux soutenir le renforcement des capacités des pays en développement en matière de conservation des espèces sauvages et d’actions contre le trafic d’espèces sauvages? Quelles mesures pourraient être prises pour améliorer les données sur la criminalité environnementale dans l’UE, afin de faire en sorte de cibler plus efficacement l’élaboration des politiques? Quelles mesures pourraient être prises pour renforcer la répression du trafic d’espèces sauvages par les autorités chargées des questions environnementales, la police, les douanes et le ministère public dans les États membres, ainsi que pour renforcer la coopération entre ces autorités? Comment sensibiliser davantage le système judiciaire sur cette question? Comment les outils de lutte contre la criminalité organisée déjà existants au niveau de l’UE et des États membres pourraient-ils être mieux utilisés pour combattre le trafic d’espèces sauvages? Quelles mesures supplémentaires conviendrait-il d’envisager, par exemple en ce qui concerne les sanctions? Quelle pourrait être la contribution d’Europol et d’Eurojust?

    [1]               Adoptée par la Commission de l’ONU pour la prévention du crime et la justice pénale et approuvée par le Conseil économique et social de l’ONU.

    [2]               Rapport du Secrétaire général de l’ONU du 20 mai 2013, S/2013/297, résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 2121 (2013).

    [3]               Comme pour toutes les activités illégales, il est très difficile d’estimer le volume et la valeur du trafic d’espèces sauvages. Dans la plupart des pays, les ressources disponibles à l’heure actuelle pour combattre cette criminalité sont limitées, ce qui signifie que les chiffres sont probablement bien plus élevés en réalité.

    [4]               Par exemple, la Chine constitue le principal marché en termes de consommateurs finals pour l’ivoire, le Viêt Nam pour les cornes de rhinocéros.

    [5]               Illegal Wildlife Trade and the European Union: an analysis of EU-TWIX seizure data for the period 2007-2011. Rapport préparé pour la Commission européenne.

    [6]               Europol, Serious and Organized Threat Assessments (Évaluations de la menace que représente la grande criminalité organisée) 2011, 2012, 2013.

    [7]               L’Allemagne, conjointement avec le Gabon, a organisé une manifestation de haut niveau en marge de la semaine ministérielle de l’assemblée générale de l’ONU en septembre 2013; la France a organisé une table ronde à l’occasion du sommet des chefs d’État et de gouvernement (sommet de l’Élysée) pour la paix et la sécurité en Afrique le 5 décembre 2013; le Royaume-Uni tiendra une conférence de haut niveau sur le commerce illégal d’espèces sauvages le 13 février 2014.

    [8]               Résolution du Parlement européen du 15 janvier 2014 [2013/2747(RSP)].

    [9]               L’ICCWC comprend la CITES, Interpol, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

    [10]             L’Allemagne.

    [11]             Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, GAFI 2012.

    http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/recommendations/Recommandations_GAFI.pdf

    [12]             L‘accord signé récemment par le commissaire européen Potočnik et le ministre chinois de la protection de l’environnement Zhou Sengxian sur la mise en œuvre d’efforts communs pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages illustre cette démarche.

    [13]             Suivi de l’abattage illégal d’éléphants (Monitoring the Illegal Killing of Elephants)

    [14]             Réduction de l’abattage illégal d’éléphants et d’autres espèces menacées (Minimising the Illegal Killing of Elephants and Other Endangered Species)

    [15]             www.ec.europa.eu/environment/nature/conservation/wildbirds/docs/Roadmap%20illegal%20killing.pdf (en anglais)

    [16]             JO L 159 du 20 juin 2007, p. 45.

    [17]             JO n° L 354 du 28 décembre 2013, p. 171.

    [18]             Ex.: le Wildlife Trade Enforcement Group et EnviCrimeNet.

    [19]         Groupe d’experts sur l’action douanière pour la protection de la santé, des biens culturels, de l'environnement et de la nature (Groupe d’experts PARCS).

    [20]             Réseau des procureurs européens pour l’environnement; Forum des juges de l'Union européenne pour l'environnement.

    [21]             Décision-cadre 2008/841/JAI relative à la lutte contre la criminalité organisée.

    [22]             Décision-cadre 2005/212/JAI relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, en cours de révision.

    [23]             Directive de l’UE n° 2005/60 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, en cours de révision.

    [24]             Europol Environmental Crime Threat Assessment 2013.

    [25]             www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/en/jha/137401.pdf (en anglais)

    [26]             Date limite d’envoi des contributions: 10 avril 2014. Envoyer à l’adresse env-eu-against-wildlife-trafficking@ec.europa.eu.

    Top