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Document 52018DC0132

Proposition de RECOMMANDATION DU CONSEIL relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale

COM/2018/0132 final - 2018/059 (NLE)

Strasbourg, le 13.3.2018

COM(2018) 132 final

2018/0059(NLE)

Proposition de

RECOMMANDATION DU CONSEIL

relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale

{SWD(2018) 70 final}
{SWD(2018) 71 final}
{SWD(2018) 79 final}


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Justification et objectifs de la proposition

L’accès à la protection sociale est crucial pour la sécurité économique et sociale de la main-d’œuvre et le bon fonctionnement des marchés du travail qui sont à l’origine de la création d’emplois et de la croissance durable. Néanmoins, il existe un nombre croissant de personnes qui, en raison de leur type de relation de travail ou de leur forme de travail non salarié, ne disposent pas d’un accès suffisant à la protection sociale.

La protection sociale peut être fournie par l’intermédiaire de prestations en nature ou en espèces. Elle est généralement assurée par des régimes d’aide sociale qui protègent tous les individus (en fonction de leur nationalité/résidence et qui sont financés par la fiscalité générale) et par des régimes de sécurité sociale qui protègent les personnes sur le marché du travail, souvent sur la base de cotisations liées au revenu du travail. La sécurité sociale comprend plusieurs branches, englobant toute une série de risques sociaux allant du chômage à la maladie ou la vieillesse.

Le socle européen des droits sociaux 1 , proclamé conjointement par le Parlement européen, le Conseil et la Commission en novembre 2017, a défini 20 principes et droits visant à favoriser le bon fonctionnement et l’équité des marchés du travail et des systèmes de protection sociale. Le principe 12 du socle, notamment, précise que «[l]es travailleurs salariés et, dans des conditions comparables, les travailleurs non salariés ont droit à une protection sociale adéquate, quels que soient le type et la durée de la relation de travail». La présente initiative vise à mettre en œuvre ce principe et à contribuer à l’application d’autres principes du socle, tels que les principes intitulés «Emplois sûrs et adaptables», «Prestations de chômage», «Soins de santé» et «Prestations de vieillesse et pensions». La présente recommandation s’applique aux branches de la protection sociale qui sont plus étroitement liées au statut sur le marché du travail ou au type de relation de travail et qui, pour la plupart, assurent une protection contre la perte de revenus professionnels dès l’apparition d’un certain risque.

Les systèmes de protection sociale varient au sein de l’Union européenne (UE), en fonction des traditions nationales, des choix politiques et des budgets. Néanmoins, ils font face à des défis similaires, qui appellent au changement. En effet, par le passé, les relations de travail étaient principalement caractérisées par des contrats à durée indéterminée à temps plein entre un travailleur salarié et un employeur unique. Au cours des deux dernières décennies, la mondialisation, le progrès technologique, les changements dans les préférences individuelles et l’évolution démographique ont contribué à modifier en profondeur les marchés du travail. Se sont ainsi développées des formes d’emploi autres que les contrats à durée indéterminée à temps plein, telles que le travail temporaire, le travail à temps partiel et le travail occasionnel. Ces formes d’emploi offrent une plus grande souplesse aux entreprises qui peuvent adapter l’offre de travail à leurs besoins et aux travailleurs salariés qui peuvent aménager leurs rythmes de travail en fonction de leurs préférences personnelles. Les carrières sont, elles aussi, devenues moins linéaires, puisqu’il devient plus fréquent que les personnes connaissent des transitions entre différents statuts sur le marché du travail et/ou combinent emploi salarié et emploi non salarié.

Plus récemment, la transformation numérique a considérablement amplifié le rythme du changement. Les entreprises doivent adapter plus vite leurs activités économiques à différents marchés, mettre en place de nouveaux cycles de produits et des activités saisonnières, et gérer efficacement les fluctuations du volume et du flux d’activité. Dans bien des cas, les nouvelles formes d’emploi et de contrat, telles que le travail à la demande, le travail basé sur des chèques et le travail intermittent, sont accueillies favorablement par les entreprises, car elles permettent de répondre à ces besoins D’autres formes nouvelles d’activités non salariées ou salariées telles que le travail via une plateforme offrent également de nouvelles possibilités pour les citoyens d’entrer ou de rester sur le marché du travail ou de compléter les revenus provenant de leur emploi principal.

De même, et pour des raisons similaires, le travail non salarié a évolué au cours des vingt dernières années dans l’UE. Qui plus est, les changements structurels que connaissent les marchés du travail ont estompé les frontières entre les différents statuts sur le marché du travail. À côté des «entrepreneurs» traditionnels et des professions libérales, le statut de travailleur non salarié est utilisé plus largement, même si, dans certains cas, de facto, une relation de subordination existe.

Au fur et à mesure que le monde du travail évolue – avec une progression de l’emploi non salarié ou de l’emploi non régi par un contrat traditionnel, des transitions entre emploi salarié et emploi non salarié et des combinaisons des deux – une part plus importante de la main-d’œuvre ne bénéficie pas d’un accès suffisant à la protection sociale en raison de son statut sur le marché du travail ou du type de relation de travail.

Ces écarts augmentent les risques qui pèsent sur le bien-être des personnes concernées et de leurs familles qui doivent faire face à une plus grande incertitude économique, mais aussi pour l’économie et la société, du point de vue de la demande intérieure, de l’investissement dans le capital humain et de la cohésion sociale. Les effets cumulés des disparités en matière d’accès à la protection sociale sont susceptibles à terme de créer de nouvelles inégalités intergénérationnelles et intragénérationnelles entre ceux qui ont ou parviennent à obtenir un emploi sur la base d’un contrat assorti de droits sociaux complets et les autres. Cela peut constituer une discrimination indirecte à l’encontre des jeunes, des personnes nées à l’étranger et des femmes, qui sont plus susceptibles d’être recrutés sur des contrats atypiques.

Les disparités en matière d’accès à la protection sociale, en raison de situation au regard du marché du travail et du type de relation de travail, peuvent empêcher les individus de saisir les possibilités qui leur sont offertes de passer d’un statut sur le marché du travail à un autre, si cela signifie la perte de droits et peuvent, en fin de compte, se traduire par une croissance moindre de la productivité du travail. Ainsi, elles peuvent également ne pas être favorables à l’esprit d’entreprise et constituer un frein à la compétitivité et à la croissance durable.

À long terme, c’est la viabilité sociale et économique des systèmes de protection sociale nationaux qui est en jeu. Les disparités en matière d’accès à la protection sociale concernant des groupes de main-d’œuvre toujours plus nombreux conduiront ceux-ci à faire appel à des filets de sécurité de dernier recours, financés par l’impôt, en cas de risque social, tandis que le nombre de personnes contribuant à la protection sociale sera proportionnellement plus faible. Ces disparités peuvent aussi donner lieu à des abus en matière de statut de l’emploi et entraîner une concurrence déloyale entre les entreprises qui continuent de contribuer à la protection sociale et celles qui ne le font pas.

L’initiative concernant l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale vise à soutenir l’ensemble des travailleurs non salariés et des travailleurs salariés atypiques qui, en raison de leur type de contrat ou de leur statut sur le marché du travail, ne sont pas suffisamment protégés par les régimes de protection sociale en cas de chômage, de maladie, de maternité ou de paternité, d’accidents du travail et de maladies professionnelles, d’invalidité et de vieillesse. En particulier, l’initiative vise à encourager les États membres:

·à permettre à tous les individus occupant un emploi salarié ou non salarié d’adhérer aux systèmes de protection sociale correspondants (pour éliminer les disparités en matière de couverture formelle),

·à prendre des mesures permettant à tous les individus occupant un emploi salarié ou non salarié de se constituer et de faire valoir des droits adéquats en tant qu’affiliés à un régime (couverture effective adéquate) et à faciliter la transférabilité des droits à la protection sociale entre les régimes,

·à accroître la transparence en ce qui concerne les systèmes de protection sociale et les droits en la matière.

La présente initiative s’inscrit dans le cadre du train de mesures en faveur de l’équité sociale, et est accompagnée d’une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une Autorité européenne du travail 2 et d’une communication intitulée «Suivi de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux» 3 .

D’autres initiatives contribuant à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux sont étroitement liées à la présente proposition de recommandation et viennent la compléter, notamment la proposition, présentée par la Commission, de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne (voir ci-après la partie relative à la cohérence avec les politiques existantes).

La présente recommandation prolonge et complète la recommandation de l’OIT sur les socles nationaux de protection sociale 4 , qui fournit aux pays des orientations pour étendre la portée de la protection sociale, en accordant la priorité à l’établissement de socles nationaux de protection sociale accessible à tous ceux qui en ont besoin.

L’enjeu abordé par la recommandation concerne un nombre important de personnes dans l’UE. Au total, le travail non salarié et les formes de travail salarié atypiques représentent une part non négligeable du marché de l’emploi. En 2016, 14 % des personnes occupées dans l’UE étaient des travailleurs non salariés, 8 % étaient des travailleurs salariés temporaires à temps plein, 4 % étaient des travailleurs salariés temporaires à temps partiel, 13 % étaient des travailleurs salariés permanents à temps partiel et 60 % des travailleurs salariés permanents à temps plein.

La prévalence du travail atypique et du travail non salarié varie grandement selon les États membres, les régions, les secteurs et les générations. La proportion de jeunes travailleurs âgés de 20 à 30 ans sous contrat temporaire ou sous un autre type de contrat ou sans contrat est deux fois plus importante que dans les autres tranches d’âge. On constate également des différences entre les hommes et les femmes, avec une forte prédominance d’hommes parmi les travailleurs non salariés, et une forte prédominance de femmes ayant des contrats à durée déterminée et/ou à temps partiel.

Les travailleurs non salariés forment également un groupe hétérogène. La plupart des individus choisissent volontairement d’exercer une activité non salariée, avec ou sans personnel, en prenant le risque de devenir des entrepreneurs, tandis que près de 20 % deviennent des travailleurs non salariés parce qu’ils ne parviennent pas à trouver un emploi en tant que salariés. Certains disposent d’un bon niveau de qualité et d’autonomie dans leur emploi; d’autres, qui représentent moins de 10 % de ce groupe, font l’expérience de la dépendance économique et de la vulnérabilité financière. Parmi les entreprises nouvellement créées chaque année dans l’UE, celles créées par des travailleurs non salariés représentent 15 % à 100 % dans les États membres où des données permettent de réaliser cette analyse 5 . Les entreprises nouvellement établies, créées par des travailleurs non salariés, ont des taux de survie généralement compris entre 30 % et 60 % au terme des cinq premières années.

En outre, un nombre croissant de personnes cumulent, en parallèle, plusieurs contrats de travail ou combinent travail salarié et travail non salarié. Dans certains cas, une source principale de revenu identifiable est accompagnée d’activités marginales/auxiliaires; dans d’autres cas, plusieurs activités permettent de constituer un revenu complet mais aucune source principale de revenus ne peut être identifiée.

Dans un certain nombre de pays, les travailleurs non salariés n’ont jamais été pleinement intégrés dans les systèmes de protection sociale. En 2017, les travailleurs non salariés n’avaient aucun accès aux mesures de protection contre le chômage dans onze États membres. Ils n’étaient pas assurés contre les accidents du travail dans dix États membres et n’étaient pas couverts par des prestations de maladie dans trois. Dans les pays où une couverture volontaire est prévue pour les travailleurs non salariés, ils sont peu nombreux à y recourir, avec des taux allant de 1 % à 20 %. En revanche, les personnes exerçant un emploi atypique ont généralement le même accès légal aux régimes de protection sociale que celles ayant des contrats traditionnels, à l’exception importante de certaines catégories de travailleurs salariés incluant les travailleurs occasionnels et saisonniers, les apprentis ou les stagiaires, les travailleurs à la demande ainsi que les travailleurs recrutés sur des contrats intérimaires ou des contrats spécifiques à un pays.

Certains travailleurs salariés atypiques et certains travailleurs non salariés font face à des obstacles lorsqu’il s’agit d’acquérir et de faire valoir des droits adéquats aux prestations en raison des règles régissant les cotisations et les droits (période d’acquisition minimale, période de travail minimale, long délai d’attente ou courte durée des prestations), de la manière dont le revenu est évalué ou de l’adéquation insuffisante des prestations.

En outre, si la plupart des États membres fournissent des informations générales sur les droits et obligations relatifs à la participation aux régimes de protection sociale, la moitié d’entre eux seulement fournit des informations sur les droits et obligations individuels. L’accès à des informations personnalisées aiderait les individus à prendre conscience des droits qu’ils ont accumulés tout au long de leur carrière et, ainsi, leur permettrait de prendre des décisions en connaissance de cause.

Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action

La recommandation est cohérente et développe les politiques existantes dans le domaine de la protection sociale.

En particulier, les orientations européennes existantes en matière d’accès à la protection sociale 6 dans le cadre du Semestre européen et de la méthode ouverte de coordination dans le domaine social ont créé un consensus entre les États membres et les institutions de l’Union selon lequel les systèmes de protection sociale doivent être modernisés 7 . Dans ce contexte, des orientations stratégiques ont été définies dans les principales branches de la protection sociale (pensions, assurance chômage, etc.). La présente initiative viendrait donc compléter la coopération en cours en matière de protection sociale, en prenant en considération la situation des travailleurs non salariés et des travailleurs salariés atypiques dans les différentes branches de la protection sociale.

Au fil des années, un cadre juridique de l’Union pour la protection des droits dans certains domaines de l’emploi atypique a été élaboré par l’intermédiaire de la directive relative au travail intérimaire 8 et par voie d’accords négociés entre les partenaires sociaux et mis en œuvre au moyen des directives sur le travail à temps partiel et le travail à durée déterminée 9 . Néanmoins, comme les directives s’appliquent aux conditions d’emploi, leur incidence en matière de protection sociale est plutôt limitée. Elles portent sur les droits de protection sociale qui sont étroitement liés aux conditions d’emploi et sont considérés comme faisant partie de la rémunération, tels que les pensions professionnelles 10 et les prestations de maternité et de maladie. Toutefois, la Cour de justice a précisé, dans sa jurisprudence, que les directives ne s’appliquent pas aux régimes légaux de protection sociale 11 . Dans le préambule de leurs accords 12 , les partenaires sociaux invitent les États membres à veiller à ce que les mécanismes de protection sociale soient adaptés à l’évolution des formes de travail flexibles. Ces préambules ne sont pas juridiquement contraignants et, bien que les États membres aient affirmé à plusieurs reprises leur volonté de rendre la protection sociale plus favorable à l’emploi, un examen récent des progrès réalisés en ce sens indique que dans plusieurs États membres, il existe encore une marge importante d’amélioration 13 .

Dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes, plusieurs directives prévoient certains droits liés à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La directive 2010/41/UE 14 relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante prévoit la possibilité d’accorder aux femmes (y compris les conjointes des travailleurs non salariés) le droit au congé et aux prestations de maternité pendant au moins 14 semaines. Étant donné que cette directive laisse aux États membres la faculté de décider si ce droit doit être octroyé sur une base obligatoire ou volontaire, le niveau des prestations et les conditions d’éligibilité varient considérablement entre les États membres. La proposition de directive de la Commission concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants 15 prévoit une couverture en matière de prestations de paternité et parentales et de prestations destinées aux aidants pour l’ensemble des travailleurs salariés, y compris les travailleurs salariés atypiques, ayant un contrat ou une relation de travail.

En ce qui concerne la transférabilité, il n’existe pas d’obligation dans le droit de l’Union de garantir la transférabilité des droits à pension professionnelle, mais la directive 2014/50/UE 16 sur la portabilité des droits à pension complémentaire encourage les États membres à l’améliorer et, en réalité, tous les États membres ont choisi d’étendre le même traitement juridique à tous les travailleurs salariés (la directive ne s’applique pas aux travailleurs non salariés) qui quittent un régime de pension professionnel.

En outre, plusieurs initiatives récentes de l’UE contribueront à résoudre le problème de la transparence. Cela concerne en premier lieu les prestations de vieillesse dans le cadre des pensions professionnelles. Cette question sera traitée dans la directive relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire 17 (directive sur la portabilité) et dans la directive de refonte concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (directive IRP) 18 . Les deux directives améliorent la fourniture d’informations sur les régimes de pension. La directive sur la portabilité traite également de la protection des droits à pension à la cessation d’emploi 19 . Les deux directives devraient être transposées en droit national au plus tard le 21 mai 2018 et le 13 janvier 2019, respectivement.

En deuxième lieu, pour ce qui est du manque de transparence des autres domaines de la protection sociale concernant les travailleurs salariés, la proposition de directive de la Commission relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne 20 permettra d’y remédier en partie, mais son champ d’application n’englobe pas les travailleurs non salariés. Selon la proposition, les travailleurs salariés recevront des informations sur le ou les organismes de sécurité sociale percevant les cotisations sociales liées à la relation de travail et toute protection en matière de sécurité sociale fournie par l’employeur. Toutefois, la directive proposée ne se prononce pas sur la question de savoir si les travailleurs salariés doivent avoir accès à la protection sociale. Elle se limite à garantir que des informations sur les droits acquis sont mises à la disposition des travailleurs salariés.

Cohérence avec les autres politiques de l’Union

L’initiative est cohérente avec la priorité politique donnée à une Union économique et monétaire plus équitable et plus approfondie. L’économie de l’UE dans son ensemble pourrait bénéficier des effets positifs sur le dynamisme du marché du travail et d’une diminution de l’insécurité économique et des coûts sociaux. En fonction des choix de financement, les entreprises pourraient connaître une hausse des coûts de gestion des fluctuations dans la production en liaison avec une certaine augmentation des coûts relatifs à l’emploi atypique et au travail non salarié. Toutefois, elles pourraient également tirer parti d’une éventuelle progression de la productivité des personnes occupant des formes d’emploi désormais protégées et d’une concurrence plus équitable.

L’octroi de prestations aux groupes qui n’étaient pas couverts auparavant par les systèmes publics de protection sociale pourrait conduire à une hausse des dépenses publiques. Les coûts budgétaires initiaux pourraient néanmoins être réduits du fait de l’augmentation des cotisations sociales et des recettes fiscales liées à la consommation des ménages, étant donné l’effet positif sur le revenu disponible des ménages, en particulier pour les ménages les plus démunis. En outre, dans la mesure où les groupes qui n’étaient pas couverts auparavant dépendent actuellement de filets de sécurité de dernier recours, tels que l’assistance sociale, les dépenses pour d’autres parties du budget pourraient diminuer. Il y aurait également certains coûts liés à la fourniture d’informations personnalisées. L’on estime néanmoins que ces coûts seront considérablement inférieurs aux bénéfices escomptés à la fois pour les individus au cours d’une vie et pour les systèmes de protection sociale sur le moyen à long terme.

La présente initiative est cohérente avec la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative», qui a mis en évidence que la question de savoir s’il existe ou non une relation de travail entre la plateforme et le prestataire du service sous-jacent doit être tranchée sur la base d’une évaluation au cas par cas, en examinant de manière cumulée en particulier si le prestataire de services agit sous la direction de la plateforme, celle-ci déterminant le choix de l’activité, la rémunération et les conditions de travail; si le prestataire de services reçoit une rémunération; et la nature du travail 21 .

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Base juridique

L’initiative sur l’accès à la protection sociale des travailleurs salariés et non salariés soutiendra les objectifs de l’Union énoncés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne: promouvoir le bien-être de ses peuples, le développement durable de l’Europe qui tend au plein emploi et au progrès social, mais aussi la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes et la solidarité entre les générations. Conformément à l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’Union, dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine.

La recommandation du Conseil serait fondée sur l’article 292 du TFUE en combinaison avec son article 153, paragraphe 1, point c), et paragraphe 2, troisième alinéa, ainsi qu’avec son article 352.

L’article 153, paragraphe 1, point c), et paragraphe 2, du TFUE permet au législateur de l’UE d’arrêter des mesures dans le domaine de la protection sociale et de la protection sociale des travailleurs pour autant qu’elles i) évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises, ii) ne portent pas atteinte à la faculté reconnue aux États membres de définir les principes fondamentaux de leurs systèmes de protection sociale, et iii) n’affectent pas sensiblement l’équilibre financier de ces systèmes. Cette base juridique peut être utilisée pour répondre aux défis concernant l’accès à la protection sociale des personnes occupant un emploi atypique. Le Conseil est tenu de statuer à l’unanimité.

L’article 352 du TFUE peut fournir la base juridique d’une initiative liée aux enjeux qui entourent l’accès à la protection sociale des personnes exerçant différentes formes de travail non salarié. Dans ce cas, le Conseil est également tenu de statuer à l’unanimité.

Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)

Les politiques en matière d’emploi et de protection sociale restent avant tout du ressort des États membres.

Le problème relatif à l’accès insuffisant à la protection sociale qui touche toujours plus de personnes sur le marché du travail ainsi que les conséquences négatives qui en découlent sur la cohésion sociale, le dynamisme du marché du travail et la croissance durable sont fréquemment observés dans l’ensemble des États membres. Alors que plusieurs d’entre eux ont adopté des réformes ou mènent actuellement des débats nationaux sur le sujet, il ressort des éléments disponibles que les réformes en question, tout en étant des mesures qui vont dans le bon sens, ne sont ni exhaustives ni systématiques, c’est-à-dire qu’elles ne comblent pas les lacunes en matière d’accès pour tous les groupes et toutes les branches de la protection sociale. Les débats en cours ne signifient pas non plus que tous les États membres envisagent nécessairement d’agir. Les États membres peuvent hésiter à légiférer dans ce domaine de leur propre initiative, car ils peuvent craindre qu’une telle action soit susceptible de mettre leurs propres entreprises dans une situation désavantageuse par rapport aux entreprises d’autres États membres.

L’action de l’UE peut constituer un tremplin pour de nouvelles réformes nationales et permettre qu’au lieu d’être partiels ou inégaux, les progrès soient garantis dans l’ensemble des groupes, des branches de la protection sociale et des États membres. L’action de l’UE peut également contribuer à éviter un «nivellement par le bas» et à faire en sorte que tous les États membres avancent dans la même direction en même temps, favorisant ainsi une convergence vers le haut à l’intérieur des États membres et entre ces derniers, au bénéfice de l’économie de l’UE dans son ensemble.

L’action de l’UE peut également atténuer les obstacles que pose le problème en jeu dans la poursuite des objectifs de l’Union. Les différences existant entre les types de relations de travail ou entre les statuts sur le marché du travail en matière d’accès à la protection sociale peuvent être préjudiciables à l’objectif fondamental de l’Union qui est de promouvoir le plein emploi, car elles entravent la mobilité professionnelle de la main-d’œuvre, notamment vers les secteurs caractérisés par une plus grande productivité. Cet état de fait peut décourager les travailleurs salariés à exercer un certain type d’emploi ou dissuader certaines personnes d’accepter les risques associés à une activité non salariée, ce qui, en retour, nuit à l’esprit d’entreprise et à l’innovation. Le problème en jeu peut aussi constituer un obstacle à la réalisation des objectifs de l’Union en ce qui concerne la qualité des emplois et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

En renforçant la convergence vers des institutions du marché du travail solides, l’action de l’UE peut favoriser une structure économique résiliente ainsi que la cohésion sociale au sein de l’Union.

Les mesures proposées dans la présente recommandation visent à éliminer ou à limiter les obstacles qui empêchent les systèmes de protection sociale de fournir aux personnes une protection sociale adéquate indépendamment de leur type de relation de travail ou de leur statut sur le marché du travail, tout en respectant les compétences des États membres pour ce qui est de la conception de leurs systèmes de protection sociale. Plusieurs choix sont laissés à la discrétion des États membres, notamment en ce qui concerne: i) le niveau de protection offert, ii) la possibilité d’étendre la couverture dans le cadre des régimes existants ou par la mise en place de nouveaux régimes, iii) la façon de financer la protection, et iv) les combinaisons de régimes à utiliser (public, professionnel ou privé). Ces questions sortent du champ d’application de la présente initiative. Les États membres sont les mieux placés pour décider de ces aspects, de manière à assurer une protection effective le plus efficacement possible, compte tenu de la diversité des systèmes de protection sociale existants dans l’ensemble de l’Union.

Proportionnalité

Le principe de proportionnalité est pleinement respecté étant donné que le champ d’application de la proposition se limite à garantir des normes minimales en matière d’accès à la protection sociale.

En outre, la présente proposition laisse aux États membres la possibilité de maintenir ou de définir des normes plus favorables et de tenir compte d’aspects propres à leur situation nationale. Elle offre donc une certaine marge de manœuvre quant au choix des mesures d’exécution concrètes.

La proportionnalité joue aussi un rôle fondamental puisqu’elle guide le choix de l’instrument (voir la section ci-après).

Comme expliqué dans l’annexe 7 de l’analyse d’impact, plusieurs États membres ont lancé des débats nationaux et entreprennent actuellement des réformes. La présente recommandation permettra de soutenir davantage les efforts déployés au niveau national, en s’appuyant sur les bonnes pratiques, les expériences et les éléments recueillis dans l’ensemble de l’Union et en promouvant des actions destinées à combler les lacunes en matière de collecte de données.

Comme indiqué dans l’analyse d’impact (chapitres 5 et 6), les données chiffrées disponibles montrent que les coûts induits par l’extension de l’accès officiel et effectif ainsi que par l’amélioration de la transparence sont raisonnables et justifiés à la lumière des avantages cumulés et à long terme en matière d’emploi plus sûr, de productivité accrue et de cohésion sociale renforcée, ce qui correspond aux ambitions sociales globales de l’UE.

Choix de l’instrument

L’instrument privilégié dans le cadre de cette initiative est une recommandation du Conseil, qui fournit des orientations aux États membres sur la manière d’assurer l’accès à la protection sociale de toutes les personnes exerçant une activité salariée et non salariée.

La Commission estime qu’une recommandation du Conseil constitue, à l’heure actuelle, l’approche la plus proportionnée pour une action de l’UE visant à répondre aux défis liés à l’accès à la protection sociale. Contrairement à une directive qui imposerait des résultats contraignants, la recommandation permet à l’UE et aux États membres de continuer à œuvrer de concert pour apporter des solutions aux différents aspects du problème en jeu et anticiper la manière dont ceux-ci évolueront, y compris leurs conséquences au niveau national et les éventuelles répercussions sur le marché intérieur, de stimuler et de guider des réformes nationales et de veiller à ce que les progrès ne soient pas partiels ou inégaux dans l’ensemble des groupes cibles et des branches de la protection sociale. La recommandation répond à la nécessité d’agir au niveau de l’UE, tout en tenant compte de l’absence, à l’heure actuelle, de consensus politique sur la question de l’orientation des réformes. En effet, les consultations des parties intéressées (voir ci-dessous) font apparaître des divergences importantes quant à l’instrument le plus adapté et à la direction que doivent prendre les réformes. En outre, elle peut appuyer les efforts visant à renforcer la base de données statistiques et de connaissances nécessaire en vue de surveiller la situation au niveau de l’UE.

La principale valeur ajoutée d’une recommandation est donc de créer une dynamique soutenant et complétant les réformes et débats nationaux, de guider les États membres dans leurs efforts et de créer un consensus sur les meilleures options de réforme, qui permettraient également d’orienter la position de l’UE et de ses États membres dans toutes les enceintes internationales compétentes. Une recommandation du Conseil permet aussi à l’UE de laisser une marge de manœuvre aux États membres quant à la manière d’atteindre les objectifs, en fonction du point de départ, de l’historique national et des pratiques nationales.

Dans le même temps, une recommandation du Conseil autonome présente une valeur ajoutée importante par rapport à une réponse au problème en jeu qui interviendrait uniquement par l’intermédiaire de processus existants tels que le Semestre européen ou la méthode ouverte de coordination en matière sociale. Une approche ciblée est requise afin de donner au problème en jeu la visibilité politique nécessaire, de sensibiliser et de créer une dynamique. En outre, des efforts sont requis de la part de tous les États membres d’une manière qui soit cohérente et quelque peu coordonnée pour dissiper tout doute concernant d’éventuels désavantages qui toucheraient les premiers à agir.

L’appui de l’UE dans la mise en œuvre et le suivi de la recommandation peut être pleinement intégré dans les processus en cours du Semestre européen et de la méthode ouverte de coordination sur la protection sociale et l’inclusion sociale. L’adoption de la recommandation peut être encouragée par un certain nombre de mesures d’accompagnement, notamment au moyen de programmes d’apprentissage mutuel et du financement d’expérimentations connexes et de réformes dans les États membres.

3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT

Évaluations ex post/bilans de qualité de la législation existante

La Commission n’a pas encore publié l’évaluation portant sur la directive 2010/41/UE relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, la directive 2014/50/UE relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire (directive sur la portabilité) et la directive 2016/2341/UE concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (directive IRP). Toutefois, une évaluation d’experts indépendants a conclu que la directive 2010/41/UE sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante ne contribuait pas à l’amélioration des prestations sociales et de maternité pour les travailleurs non salariés 22 . 

En outre, la proposition de directive de la Commission relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne 23 est basée sur l’évaluation de la Commission au titre du programme REFIT de la directive sur la déclaration écrite (91/533/CEE) .

Consultations des parties intéressées

Plusieurs consultations des parties intéressées ont été organisées pour faire connaître la présente initiative au cours de l’année 2017 et au début de l’année 2018. Parmi celles-ci figurent notamment une procédure de consultation en deux étapes concernant les partenaires sociaux européens comme prévu à l’article 154 du TFUE, une consultation publique, ainsi que des auditions ciblées associant les principales parties intéressées et les représentants des États membres au sein du comité de la protection sociale.

Les consultations ont fourni des indications sur le degré de divergence existant entre les positions des différentes parties intéressées.

Toutes les parties intéressées ont convenu, dans une large mesure, qu’il existe des problèmes liés à l’accès à la protection sociale des travailleurs salariés ayant des formes d’emploi atypiques et des travailleurs non salariés.

Les consultations organisées ont montré qu’il n’existait pas de consensus général sur le meilleur instrument à utiliser. En particulier, les retours d’information émanant des États membres lors des discussions menées au sein du comité de la protection sociale et ceux provenant des documents de synthèse communiqués dans le contexte de la consultation publique ont révélé un manque général de soutien de la part des États membres quant à une proposition législative portant sur l’ensemble des objectifs présentés. Le Parlement européen a également plaidé en faveur d’une recommandation permettant à toute personne occupant toute forme d’emploi ou exerçant toute activité non salariée d’accumuler des droits à l’assurance sociale dans sa résolution [2016/2095(INI)] concernant un socle européen des droits sociaux. Les partenaires sociaux ont exprimé des points de vue divergents. Les syndicats considèrent que des améliorations devraient être apportées à la législation de l’UE, tout en mettant en garde sur le fait qu’elles ne devraient pas porter préjudice à l’acquis existant de l’UE, ni entraîner un abaissement des normes nationales, ni conduire à une harmonisation vers le bas des droits. En revanche, certaines organisations d’employeurs estiment que la méthode ouverte de coordination ainsi que le processus du Semestre européen, y compris les critères de référence, seraient les outils adéquats pour faciliter l’apprentissage mutuel et les échanges de bonnes pratiques.

Tous les syndicats privilégient une couverture formelle obligatoire, équivalente à celle des travailleurs salariés standard mais tenant compte des traditions nationales. Les employeurs ont des avis divergents en ce qui concerne la couverture. Certains conviennent que la protection sociale devrait être obligatoire mais estiment que les travailleurs salariés devraient avoir le droit de choisir la forme de la couverture (publique ou privée), tandis que la liberté de choix pour les travailleurs non salariés est particulièrement mise en avant. D’autres employeurs sont favorables à une couverture formelle volontaire afin de tenir compte de la diversité des formes d’emploi et de l’hétérogénéité existant parmi les travailleurs non salariés. Tous les partenaires sociaux ont approuvé la nécessité d’une plus grande transparence.

Alors que les syndicats appellent à ce que la transférabilité soit intégrale, les employeurs souhaiteraient limiter celle-ci aux droits minimaux de protection sociale et soulignent qu’elle ne devrait engendrer aucune charge ni aucun coût supplémentaires associés.

Les choix concernant les options stratégiques et l’instrument juridique établissent un juste équilibre entre les avis divergents des parties intéressées.

Obtention et utilisation d’expertise

L’analyse d’impact s’appuie sur un inventaire minutieux des politiques mises en œuvre dans les États membres, un examen de la littérature existante, une analyse des tendances actuelles, sur la base des données comparatives ainsi que des résultats d’une consultation des partenaires sociaux et d’une consultation publique. L’estimation des incidences économiques et sociales comprend plusieurs séries de simulations microéconomiques, qui quantifient les incidences sociales probables et l’incidence sur les budgets publics, ainsi qu’une analyse plus qualitative permettant de mieux appréhender les réactions et les attitudes sur le plan comportemental (au moyen d’une enquête ad hoc) et le contexte national spécifique (grâce à des études de cas).

Analyse d’impact

Conformément à sa politique visant à «Mieux légiférer», la Commission a réalisé une analyse d’impact des différentes options stratégiques et de gouvernance envisageables. Ces travaux ont été étayés par une consultation structurée au sein de la Commission menée par l’intermédiaire d’un groupe de pilotage interservices 24 . L’analyse d’impact a été examinée le 7 février 2018 avec le comité d’examen de la réglementation (CER). Le 9 février 2018, le CER a émis un avis positif assorti de réserves, auxquelles il a été répondu en explicitant davantage le raisonnement ayant conduit au choix d’une recommandation et en clarifiant et en étayant plus avant le champ d’application de l’initiative ainsi que les bénéfices et effets sur le plan économique qui devraient en découler 25 .

L’analyse d’impact a examiné différentes options stratégiques possibles, qui associent des mesures répondant aux objectifs de l’initiative. L’option stratégique privilégiée dans le cadre de l’analyse d’impact est la suivante:

·une couverture obligatoire pour tous les travailleurs salariés ayant des formes d’emploi atypiques qui ne sont pas encore couverts et une couverture volontaire pour les travailleurs non salariés;

·une adaptation des seuils de durée; la transférabilité obligatoire des droits accumulés; la totalisation des périodes;

·la fourniture d’informations génériques et personnalisées.

Cela conduirait à un degré d’efficacité élevé en matière de protection et, par voie de conséquence, à des incidences sociales positives fortes, notamment une diminution de l’incertitude concernant les revenus et une réduction de la pauvreté, tout en impliquant des coûts correspondants pour les pouvoirs publics et les employeurs. L’approche différenciée tient pleinement compte de la nature du travail non salarié et reflète en même temps la forte hétérogénéité au sein du groupe concerné. La mise à disposition d’informations génériques et personnalisées qui améliorent la transparence pourrait favoriser une plus grande affiliation volontaire, à un coût relativement faible pour les pouvoirs publics.

Toutefois, il a été décidé que la présente proposition devrait adopter une approche plus affinée quant à la couverture formelle pour les travailleurs non salariés, notamment sur la base d’une plus grande différenciation entre les branches de la protection sociale afin de mieux rendre compte de la nature du travail non salarié. En ce qui concerne le risque de chômage, qui est plus difficile à évaluer et à contrôler en cas de travail non salarié et qui est plus étroitement lié au risque entrepreneurial, une plus grande souplesse est accordée aux États membres dans la conception du régime grâce à la possibilité d’étendre la couverture aux travailleurs non salariés sur une base volontaire. Ce faisant, il est tenu compte de l’hétérogénéité des travailleurs non salariés, tandis que leur liberté de choix serait respectée. Pour ce qui est des autres risques, tels que la vieillesse, l’invalidité, la maladie et la maternité, une couverture obligatoire est recommandée à la fois pour les travailleurs salariés et non salariés. Ces risques sont moins difficiles à évaluer que le risque de chômage et présentent davantage de similitudes pour les deux groupes; une approche différenciée selon le statut sur le marché du travail est par conséquent plus difficile à justifier. L’approche différenciée pour les personnes exerçant un travail non salarié est de nature à renforcer l’efficacité de l’action de l’UE. Dans les États membres où existent des régimes volontaires pour les travailleurs non salariés, on observe de faibles taux d’affiliation (moins de 1 % à 20 %), ce qui s’expliquerait par des comportements à courte vue et des préférences individuels, un manque de sensibilisation et des freins d’ordre financier. Les taux d’affiliation plus élevés qui découleraient d’une approche privilégiant la couverture obligatoire devraient entraîner une hausse des avantages sur le plan social, y compris la diminution de l’incertitude concernant les revenus et la réduction de la pauvreté, par rapport à une démarche volontaire. L’instauration d’une couverture obligatoire pour les travailleurs non salariés constitue une option réaliste, étant donné que l’inventaire présenté dans l’analyse d’impact montre que des régimes obligatoires applicables à ce groupe existent pour chaque branche de la protection sociale dans au moins quelques États membres. La proposition est donc conforme à la situation réelle dans les États membres et fixe un niveau d’ambition élevé en matière de couverture formelle. De plus, elle peut ainsi contribuer encore plus efficacement à réduire les incitations à la concurrence déloyale qui exploite les droits différenciés en matière de protection sociale, comme par exemple dans le cas du faux travail indépendant.

Le champ d’application matériel de l’initiative a également été adapté par rapport à l’analyse d’impact afin d’y inclure les soins de santé. Les soins de santé constituent un domaine particulier qui combine des régimes d’aide sociale (garantis pour tous les citoyens/résidents légaux) avec l’assurance maladie liée aux cotisations sociales. Dans plusieurs pays, les travailleurs salariés atypiques et les travailleurs non salariés peuvent être confrontés à des disparités en matière d’accès aux soins de santé, en raison de leur type de relation de travail ou de leur statut sur le marché du travail. Conformément au socle européen des droits sociaux et à son principe sur les soins de santé, l’initiative devrait par conséquent encourager les États membres à garantir l’accès aux soins de santé de toutes les personnes exerçant une activité salariée et non salariée.

D’une manière générale, si les mesures proposées dans la recommandation sont intégralement mises en œuvre par les États membres, les travailleurs salariés atypiques et les travailleurs non salariés, qui représentent ensemble 39 % de la population active, bénéficieront d’une meilleure protection. Il devrait en résulter une diminution de l’individualisation du risque, de l’incertitude concernant les revenus, de la précarité et notamment, chez ces groupes, une réduction du risque de pauvreté à des niveaux plus proches de ceux des travailleurs salariés standard. À l’heure actuelle, les travailleurs salariés atypiques sont beaucoup plus exposés au risque de pauvreté (16 % contre 6 % pour les travailleurs salariés standard en 2016) en raison du faible niveau de revenus et des lacunes en matière de couverture. De même, les systèmes de protection sociale jouent un rôle bien plus faible dans la réduction du risque de pauvreté pour les travailleurs non salariés que pour les travailleurs salariés en moyenne dans l’UE.

La réduction des différences dans l’accès à la protection sociale devrait également encourager les transitions entre les types de contrat et les statuts sur le marché du travail, favorisant le dynamisme de ce dernier. Le fait de réduire la possibilité d’un recours excessif aux contrats exemptés de cotisations à la protection sociale devrait créer des conditions de concurrence plus équitables entre les entreprises. En enrayant cette évolution consistant en une augmentation du nombre de personnes se trouvant en dehors des systèmes de protection sociale, cela devrait permettre d’éviter que le rôle de ceux-ci ne soit affaibli, y compris en ce qui concerne les marchés du travail et la stabilisation des cycles économiques, et pourrait avoir des effets positifs sur leur viabilité budgétaire.

Les entreprises pourraient profiter d’une réduction de la concurrence déloyale, d’une possible augmentation de la productivité des personnes ayant des formes d’emploi ou une activité non salariée désormais protégées, et d’effets positifs sur le dynamisme du marché du travail. Selon les choix de financement, les entreprises pourraient connaître une hausse des coûts de gestion des fluctuations de la production parallèle à une certaine augmentation des coûts liés à l’emploi atypique et à la collaboration avec des travailleurs non salariés.

Le niveau des coûts et leur répartition entre les budgets publics, les prestataires d’assurance, les travailleurs salariés et non salariés et les contribuables dépendent fortement des décisions clés laissées à l’appréciation des États membres pour des raisons de subsidiarité, notamment en ce qui concerne l’organisation des régimes, leur financement et le degré de protection offert. Les coûts directs sont principalement liés à la fourniture des prestations; des simulations effectuées à titre d’exemple concernant l’extension de la couverture en matière de prestations de chômage et de maladie aux travailleurs non salariés laissent supposer un coût limité qui varie, entre autres, selon le nombre de travailleurs non salariés dans le pays, le risque de chômage auquel ils sont confrontés ainsi que la générosité du système. Les coûts indirects pourraient résulter de changements de comportement en réaction à une couverture de protection sociale accrue.

Il est important de noter que le large champ d’application de l’initiative qui concerne simultanément différentes branches de la protection sociale, les différences dans l’organisation des régimes de sécurité sociale entre les États membres, en liaison avec les limites en matière de données disponibles, restreignent sérieusement la possibilité de dresser un tableau complet des aspects quantitatifs dans l’analyse d’impact. Le caractère limité de la quantification traduit également l’incertitude liée aux principales décisions concernant les niveaux de protection, la conception et le financement des systèmes de protection sociale, qui sont laissées à la discrétion des États membres pour des raisons de subsidiarité.

Réglementation affûtée et simplification

Les principaux effets escomptés qui découleraient de la protection renforcée seraient une augmentation de la mutualisation des risques ainsi qu’une amélioration de la sécurité des revenus, résultant en une baisse de la précarité et de la pauvreté pour les individus. L’initiative devrait également contribuer à un plus grand dynamisme du marché du travail et à une meilleure répartition des ressources et devrait renforcer le rôle déterminant et bien établi des stabilisateurs automatiques de la protection sociale, atténuant les fluctuations du cycle économique. Les entreprises profiteront également d’un marché du travail qui fonctionne bien et de structures économiques résilientes.

Les entreprises pourraient tirer parti d’une augmentation de la productivité des personnes ayant des formes d’emploi désormais protégées, d’une réduction de la concurrence déloyale et des effets positifs des systèmes de protection sociale sur les marchés du travail et sur la demande intérieure. Selon les choix de financement, les entreprises devraient connaître une hausse des coûts de gestion des fluctuations de la production parallèle à une certaine augmentation des coûts de main-d’œuvre liés à l’emploi atypique et au travail non salarié.

L’initiative s’appliquera à tous les employeurs. Toutefois, elle aura surtout des incidences pour tous les employeurs de travailleurs salariés atypiques et, dans une mesure légèrement moindre, pour les entreprises collaborant avec des travailleurs non salariés. Les données présentées dans l’analyse d’impact permettent de déterminer dans quelle mesure les entreprises utilisent ces types de contrats. Les travailleurs non salariés, avec ou sans personnel, collaborent essentiellement avec les microentreprises (comptant de 1 à 9 salariés), et beaucoup moins avec les PME et les grandes entreprises. Exempter les microentreprises réduirait par conséquent indûment l’efficacité de l’initiative. Les travailleurs salariés atypiques travaillent avant tout dans l’administration publique (28 %) et dans les PME, mais aussi, dans une moindre mesure, dans les grandes entreprises et les microentreprises.

Droits fondamentaux

Aucune incidence négative n’a été mise en évidence en matière de droits fondamentaux. Au contraire, l’initiative favorise le droit aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux, assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, conformément à l’article 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

La présente recommandation n’a aucune incidence financière sur le budget de l’UE.

5.AUTRES ÉLÉMENTS

Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information

La Commission surveillera la mise en œuvre dans les États membres et révisera la recommandation en coopération avec les États membres et après consultation des parties intéressées concernées, en prévoyant une période suffisamment longue afin d’apprécier les effets de l’initiative après qu’elle aura été intégralement mise en œuvre. L’efficacité de la recommandation pourrait être mesurée à partir des données existantes et nouvelles et des informations recueillies dans le cadre des rapports établis par les États membres.

Un inventaire des disparités existantes en matière de protection sociale a été effectué aux fins de ladite analyse d’impact (voir annexe 6) et sera renouvelé dans quelques années. Grâce à une comparaison des deux inventaires – ex ante et ex post –, il sera possible de dresser un tableau de l’évolution des régimes de protection sociale, de leur champ d’application et de leurs conditions d’éligibilité.

Dans le même temps, l’une des limites actuelles de l’analyse du problème en jeu concerne l’absence d’une base statistique solide permettant de quantifier pleinement la taille des groupes concernés. À cette fin, des engagements en matière de rapports statistiques seront inclus dans la recommandation elle-même. Cela incitera les États membres à collecter et à publier des données statistiques fiables sur l’accès à la protection sociale ventilées par statut sur le marché du travail (travailleur non salarié ou salarié), type de relation de travail (temporaire ou permanente, à temps partiel ou à temps plein, nouvelles formes de travail ou emploi traditionnel), sexe, âge et nationalité.

En outre, une coopération renforcée sera mise en place avec Eurostat pour créer des indicateurs appropriés dans ce domaine. Malgré l’indisponibilité de séries de données portant sur de longues périodes, il devrait être possible de suivre les progrès réalisés en matière de couverture formelle, de couverture effective et de transparence depuis la publication de la recommandation. Des travaux visant à améliorer les indicateurs ont déjà débuté et les États membres pourraient en bénéficier au moment où ils commenceraient à mettre en œuvre la recommandation.

Par ailleurs, la Commission lancerait des travaux dans le contexte du comité de la protection sociale en vue d’établir un cadre d’évaluation comparative pour la protection sociale.

Documents explicatifs (pour les directives)

Sans objet.

Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition

Les points 1 à 6 mentionnent l’objet de la recommandation et ses objectifs. Ils définissent aussi le champ d’application personnel (qui sont les personnes à couvrir) et le champ d’application matériel (quelles sont les branches de la protection sociale qui sont concernées) de la recommandation.

Le point 7 contient les définitions à appliquer aux fins de la proposition en question.

Les points 8 et 9 recommandent aux États membres d’étendre la couverture formelle à tous les travailleurs salariés, quels que soient le type et la durée de leur relation de travail, ainsi qu’aux travailleurs non salariés.

Le point 10 recommande aux États membres de garantir une couverture effective, quels que soient le type de relation de travail et le statut sur le marché du travail, en révisant les règles en matière de cotisations et de droits. Le point 11 introduit le principe de transférabilité des droits, qui devrait contribuer à une couverture effective.

Les points 12 à 15 encouragent les États membres à garantir l’adéquation de la protection sociale et à mieux adapter les régimes à la situation des bénéficiaires.

Les points 16 et 17 introduisent le principe de transparence en invitant les États membres à améliorer l’accès aux informations sur les droits et les obligations en matière de protection sociale et à simplifier les exigences administratives.

Les points 18 à 23 établissent le délai maximal dont disposent les États membres pour mettre en œuvre les principes énoncés dans la recommandation et pour publier des données régulières. Ils invitent la Commission à proposer un cadre d’évaluation comparative dans un délai d’un an après la publication de la recommandation, à évaluer la mise en œuvre de la recommandation dans un délai de trois ans, et à soutenir les États membres au moyen d’un financement et d’échanges en matière d’apprentissage mutuel.

2018/0059 (NLE)

Proposition de

RECOMMANDATION DU CONSEIL

relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292 en liaison avec les articles 153 et 352,

vu la proposition de la Commission européenne,

considérant ce qui suit:

(1)Conformément à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l’Union a notamment pour but de promouvoir le bien-être de ses peuples et d’œuvrer pour le développement durable de l’Europe fondé sur une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social. L’Union combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant.

(2)Aux termes de l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’Union, dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, doit prendre en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine.

(3)L’article 153, paragraphe 1, point c), du TFUE permet à l’Union de soutenir et de compléter l’action des États membres dans le domaine de la sécurité sociale et de la protection sociale des travailleurs. L’action de l’Union peut également être mise en œuvre pour relever les défis de l’accès à la protection sociale des personnes exerçant un emploi non salarié sur la base de l’article 352 du TFUE, qui contient une disposition autorisant l’Union à adopter un acte nécessaire pour atteindre des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet.

(4)Le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont proclamé solennellement le socle européen des droits sociaux dans leur proclamation interinstitutionnelle du 17 novembre 2017 26 . Le principe 12 du socle dispose que «[l]es travailleurs salariés et, dans des conditions comparables, les travailleurs non salariés ont droit à une protection sociale adéquate, quels que soient le type et la durée de la relation de travail».

(5)Les partenaires sociaux se sont engagés à continuer de contribuer à une Europe qui tienne ses engagements envers ses travailleurs et ses entreprises 27 .

(6)Dans sa résolution sur un socle européen des droits sociaux 28 , le Parlement européen a souligné la nécessité d’une protection sociale adéquate et d’investissements sociaux tout au long de la vie des citoyens afin de permettre à tous de participer pleinement à la société et à l’économie et de maintenir un niveau de vie décent. Dans son avis sur le socle européen des droits sociaux, le Comité économique et social européen a insisté sur la nécessité de veiller à ce que tous les travailleurs soient couverts par des normes fondamentales en matière de travail et bénéficient d’une protection sociale adéquate.

(7)Les systèmes de protection sociale sont la pierre angulaire du modèle social de l’Union et du bon fonctionnement de l’économie sociale de marché. La fonction essentielle de la protection sociale est de protéger les individus contre les conséquences financières de risques sociaux, tels que la maladie, la vieillesse, les accidents du travail ou la perte d’un emploi, de prévenir et d’atténuer la pauvreté et de maintenir un niveau de vie décent. Des systèmes de protection sociale bien conçus peuvent aussi faciliter la participation au marché du travail, en soutenant la transition sur le marché du travail pour les personnes qui changent d’emploi, débutent ou quittent un travail, créent une entreprise ou la ferment. Ils contribuent à la compétitivité et la croissance durable dans la mesure où ils soutiennent l’investissement dans le capital humain et peuvent permettre de réaffecter des ressources humaines vers des secteurs émergents et dynamiques de l’économie. Ils ont également un rôle à jouer en tant que stabilisateurs automatiques en lissant la consommation tout au long du cycle économique.

(8)La protection sociale peut être fournie par l’intermédiaire de prestations en nature ou en espèces. Elle est généralement assurée par des régimes d’aide sociale qui protègent tous les individus (en fonction de leur nationalité ou de leur résidence et qui sont financés par la fiscalité générale) et par des régimes de sécurité sociale qui protègent les personnes sur le marché du travail, souvent sur la base de cotisations liées au revenu du travail. La protection sociale comprend plusieurs branches, englobant toute une série de risques sociaux allant du chômage à la maladie ou la vieillesse. La présente recommandation s’applique aux branches de la protection sociale qui sont plus étroitement liées au statut sur le marché du travail ou au type de relation de travail et assurent principalement une protection contre la perte de revenus professionnels dès l’apparition d’un risque donné. Elle complète les orientations existantes, à l’échelle de l’Union, sur les services sociaux et l’assistance sociale, et plus généralement sur l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail 29 .

(9)La mondialisation, les progrès technologiques, l’évolution des préférences individuelles et le vieillissement de la population ont conduit à des changements sur les marchés du travail européens au cours des deux dernières décennies et continueront de le faire à l’avenir. L’emploi sera de plus en plus diversifié et les carrières seront de moins en moins linéaires.

(10)Il existe une grande diversité de relations de travail et de formes de travail non salarié sur les marchés du travail de l’Union, à côté des contrats de travail à temps plein à durée indéterminée. Certaines d’entre elles sont connues depuis longtemps déjà sur le marché du travail (par exemple, travail fixe, temporaire, à temps partiel, travaux domestiques, ou stages); d’autres sont plus récentes et ont gagné en importance depuis les années 2000, comme le travail à la demande, le travail basé sur des chèques et le travail via une plateforme.

(11)Les travailleurs non salariés en particulier forment aussi un groupe hétérogène. La plupart des personnes choisissent volontairement d’exercer une activité non salariée, avec ou sans personnel, en prenant le risque de devenir des entrepreneurs, tandis qu’un travailleur non salarié sur cinq l’est parce qu’il ne parvient pas trouver un emploi en tant que salarié.

(12)À mesure que les marchés du travail évoluent, les systèmes de protection sociale doivent aussi évoluer pour faire en sorte que le modèle social européen soit viable à long terme et qu’il permette aux sociétés et aux économies de l’Union de tirer le meilleur parti du monde du travail du futur. Toutefois, dans la plupart des États membres, les règles régissant les cotisations et les droits des régimes de protection sociale restent largement fondées sur des contrats à temps plein à durée indéterminée entre un travailleur salarié et un employeur unique, alors que d’autres groupes de travailleurs salariés et les travailleurs non salariés sont couverts de façon plus marginale. Il est avéré que certains travailleurs salariés atypiques et certains travailleurs non salariés n’ont pas suffisamment accès aux branches de la protection sociale qui sont plus étroitement liées au statut sur le marché du travail ou au type de relation de travail. Seuls quelques États membres ont entrepris des réformes pour adapter les systèmes de protection sociale à l’évolution de la nature du travail afin de mieux protéger les travailleurs salariés et non salariés concernés. Les progrès ont été inégaux entre les différents pays et entre les différentes branches de la protection sociale.

(13)À long terme, les disparités en matière d’accès à la protection sociale peuvent mettre en danger le bien-être et la santé des personnes, contribuer à accroître l’incertitude économique, le risque de pauvreté et les inégalités, et peuvent aussi entraîner un investissement non optimal dans le capital humain, réduire la confiance dans les institutions et limiter la croissance économique inclusive.

(14)Les travailleurs salariés et non salariés peuvent être considérés comme formellement couverts par une branche particulière de la protection sociale si la législation existante ou une convention collective prévoit qu’ils sont autorisés à participer à un régime de protection sociale dans cette branche spécifique. La couverture formelle peut être assurée par des régimes obligatoires ou volontaires. Ces derniers donnent aux personnes la possibilité d’adhérer à un régime (clauses de participation) ou couvrent toutes les personnes du groupe cible par défaut en leur donnant la possibilité de sortir du régime s’ils le souhaitent (clause de non-participation). Il est avéré que les régimes volontaires avec clauses de non-participation ont des taux plus élevés d’adhésion et, par conséquent, offrent une meilleure couverture.

(15)Les travailleurs salariés et les travailleurs non salariés peuvent être considérés comme effectivement couverts dans une branche particulière de protection sociale s’ils ont la possibilité d’accumuler des prestations adéquates et la possibilité, en cas de matérialisation du risque correspondant, d’accéder à un niveau donné de prestations. Une personne peut se voir octroyer un accès formel sans être de facto en mesure de constituer des droits à prestations et de les faire valoir.

(16)La protection sociale est considérée comme adéquate quand elle permet aux individus de maintenir un niveau de vie décent, de compenser la perte de revenu de façon raisonnable, de vivre dans la dignité et de ne pas sombrer dans la pauvreté.

(17)Dans quelques États membres, certaines catégories de travailleurs salariés, telles que les travailleurs à temps partiel de courte durée, les travailleurs saisonniers, les travailleurs à la demande, les travailleurs via une plateforme et les travailleurs intérimaires ou en stage sont exclus des régimes de protection sociale. En outre, les travailleurs salariés qui ne disposent pas de contrats à durée indéterminée à temps plein peuvent rencontrer des difficultés à être effectivement couverts par les systèmes de protection sociale parce qu’ils ne remplissent pas les critères pour l’obtention de droits aux prestations auprès des régimes de protection sociale à caractère contributif. Les travailleurs non salariés sont totalement exclus de l’accès formel aux principaux régimes de protection sociale dans certains États membres; dans d’autres, ils peuvent y adhérer sur une base volontaire. La couverture volontaire peut constituer une solution appropriée dans le cas de l’assurance chômage qui est plus étroitement associée au risque entrepreneurial; elle se justifie moins pour d’autres risques tels que la maladie qui, dans une large mesure, ne sont pas liés à leur statut sur le marché du travail.

(18)Les règles régissant les droits peuvent jouer en défaveur des travailleurs atypiques et non salariés. En particulier, les seuils de revenu et de durée (périodes d’acquisition, délais d’attente, périodes minimales de travail, durée des prestations) peuvent constituer un obstacle exagéré à l’accès à la protection sociale pour certains groupes de travailleurs salariés atypiques et pour les travailleurs non salariés. De manière générale, deux types de problèmes ont été mis en évidence: tout d’abord, les différences de règles entre les salariés traditionnels et les travailleurs salariés occupant un emploi atypique ou non salarié peuvent pénaliser inutilement un groupe; ensuite, les mêmes règles appliquées à tous les groupes peuvent conduire à de moins bons résultats pour les personnes n’occupant pas un emploi traditionnel et peuvent ne pas être adaptées à la situation des travailleurs non salariés. Dans les deux cas, il pourrait exister des possibilités de mieux adapter les règles à la situation des groupes spécifiques tout en maintenant un principe général d’universalité, de sorte que personne sur le marché du travail ne se retrouve sans couverture lors de la matérialisation d’un risque social. Des mesures spécifiques peuvent être nécessaires pour éviter que des personnes ne cotisent pour des régimes faisant double emploi, par exemple lorsqu’elles exercent des activités auxiliaires tout en étant pleinement couvertes dans le cadre de leur emploi principal.

(19)Les droits en matière de protection sociale ne sont pas toujours préservés et transférés lorsque des personnes effectuent une transition entre un statut sur le marché du travail et un autre, par exemple par le passage d’un emploi salarié à une activité non salariée ou au chômage, la combinaison d’un travail salarié et d’un travail non salarié, le démarrage ou la fermeture d’une entreprise. La transférabilité des droits entre les régimes et leur regroupement sont également essentiels pour permettre aux personnes qui combinent des emplois, changent d’emploi ou passent d’un statut de travailleur salarié à un statut de travailleur non salarié et inversement d’accéder effectivement aux prestations dans les régimes contributifs et de bénéficier d’une couverture adéquate, mais aussi pour encourager leur participation aux régimes de protection sociale volontaires.

(20)Les prestations peuvent se révéler inadéquates, c’est-à-dire insuffisantes ou trop tardives pour maintenir le niveau de vie, vivre dans la dignité et empêcher les personnes de tomber dans la pauvreté. Dans ce cas, il pourrait être possible d’améliorer leur adéquation, tout en étant attentif aux mesures permettant de faciliter le retour à l’emploi. Les règles régissant les cotisations peuvent fausser les conditions de concurrence et être défavorables à certaines catégories de travailleurs salariés et non salariés. Par exemple, les cotisations de protection sociale pour les travailleurs non salariés peuvent inclure des cotisations non liées aux revenus, ou être fixées sur la base des revenus antérieurs ou d’hypothèses concernant les revenus futurs. Cela peut créer des problèmes de flux de trésorerie pour la personne lorsque ses revenus sont inférieurs aux estimations. En outre, la progressivité et les réductions de cotisations sociales pour les groupes à faibles revenus pourraient s’appliquer de manière plus égale aux travailleurs salariés et aux travailleurs non salariés, sans pour autant que de telles dérogations entraînent une sous-déclaration des revenus.

(21)La complexité réglementaire et le manque de transparence actuels en matière de règles de protection sociale dans de nombreux États membres ne permettent pas toujours aux personnes de bien appréhender leurs droits et obligations ainsi que les possibilités de les exercer. Ils peuvent également contribuer à un faible taux d’utilisation, ou à une faible participation aux régimes de protection sociale, en particulier dans le cas de régimes volontaires.

(22)L’absence de statistiques sur la couverture de la protection sociale ventilées par type de relation de travail, par âge, par sexe et par nationalité peut limiter les possibilités d’améliorer la capacité des systèmes de protection sociale à s’adapter et à réagir à l’évolution du monde du travail.

(23)Les disparités en matière d’accès à la protection sociale peuvent avoir des effets néfastes en termes d’incidences économiques et budgétaires, qui se font sentir dans l’ensemble de l’Union. Elles sont une question d’intérêt commun pour les États membres et elles pourraient constituer un obstacle à la réalisation d’objectifs essentiels de l’Union.

(24)La législation de l’Union garantit déjà le principe de l’égalité de traitement entre les différents types de relations de travail, interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe en matière d’emploi, de travail, de protection sociale et d’accès aux biens et services, prévoit la transférabilité et la préservation des droits en cas de mobilité entre États membres et garantit des exigences minimales pour l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire par-delà les frontières, ainsi que des exigences minimales en matière de transparence des régimes professionnels. La présente recommandation devrait s’appliquer sans préjudice des dispositions des directives et règlements qui définissent déjà certains droits en matière de protection sociale 30 .

(25)Dans sa jurisprudence 31 , la Cour de justice de l’Union européenne a établi des critères pour déterminer le statut d’un travailleur. La définition du terme «travailleur salarié» figurant au point 7 repose sur ces critères.

(26)La recommandation 92/442/CEE du Conseil 32 a mis en évidence des objectifs communs dans le domaine de la protection sociale et a invité les États membres à «examiner la possibilité d’instaurer et/ou de développer une protection sociale appropriée pour les travailleurs non salariés». Ces objectifs définis en commun ont ouvert la voie à la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la protection sociale et de l’inclusion sociale, qui constitue un instrument essentiel pour soutenir la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des cadres de protection sociale nationaux et pour promouvoir la coopération mutuelle entre États membres dans ce domaine.

(27)Dans le contexte du semestre européen, l’examen annuel de la croissance de 2018 rappelle qu’améliorer l’adéquation et la couverture de la protection sociale est crucial pour éviter l’exclusion sociale, tandis que les lignes directrices pour les politiques de l’emploi de 2018 appellent les États membres à moderniser les systèmes de protection sociale.

(28)Dans sa recommandation de 2012 sur les socles de protection sociale, l’Organisation internationale du travail recommande à ses membres, en fonction de la situation nationale, d’établir aussi vite que possible et de maintenir leurs socles de protection sociale qui devraient comporter des garanties élémentaires de protection sociale.

(29)La Commission a mené une consultation en deux phases avec les partenaires sociaux 33 sur l’accès à la protection sociale des personnes dans toutes les formes d’emploi, conformément à l’article 154, paragraphe 2, du TFUE. La procédure de l’article 154, paragraphe 2, du TFUE n’est pas applicable en tant que telle à une action de l’Union visant à faire face aux enjeux liés aux travailleurs non salariés sur la base de l’article 352 du TFUE. La Commission a invité les partenaires sociaux à faire part de leurs points de vue en ce qui concerne les personnes exerçant un emploi non salarié sur une base volontaire.

(30)La Commission a également lancé une consultation publique pour recueillir les avis de diverses parties prenantes et de citoyens et a rassemblé des éléments probants pour évaluer les incidences socio-économiques de la présente recommandation 34 .

(31)La mise en œuvre de la présente recommandation ne devrait pas servir à réduire les droits existants inscrits dans la législation en vigueur de l’Union dans ce domaine, ni constituer une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par la présente recommandation.

(32)La présente recommandation devrait éviter d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises (PME). Les États membres sont donc invités à évaluer les incidences de leurs réformes sur les PME afin de veiller à ce que ces dernières ne subissent pas de conséquences disproportionnées, en portant une attention particulière aux microentreprises et à la charge administrative, et à publier les résultats de ces évaluations.

(33)La présente recommandation ne devrait pas contribuer à détériorer davantage la liquidité des entreprises – et notamment des PME – lorsque leur situation financière a été influencée de manière négative par des retards de paiement de la part des pouvoirs publics.

(34)Les États membres peuvent associer les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux, à la conception des réformes. La présente recommandation ne devrait pas limiter l’autonomie des partenaires sociaux lorsqu’ils sont responsables de la mise en place et de la gestion de régimes de protection sociale.

(35)La présente recommandation devrait s’entendre sans préjudice du droit des États membres d’organiser leurs systèmes de protection sociale. La compétence exclusive dont disposent les États membres pour organiser leurs systèmes de protection sociale s’étend notamment aux décisions relatives à la mise en place, au financement et à la gestion de ces systèmes et des institutions qui y sont liées, ainsi qu’à la nature et à l’octroi de prestations, au niveau de cotisations et aux conditions d’accès. La présente recommandation ne devrait pas faire obstacle à ce que les États membres maintiennent ou établissent des dispositions plus approfondies concernant la protection que celles recommandées ici,

(36)La présente recommandation devrait respecter pleinement, renforcer et améliorer les droits fondamentaux, en particulier ceux énoncés aux articles 29 et 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(37)La viabilité financière des régimes de protection sociale est essentielle pour leur résilience, leur efficience et leur efficacité. La mise en œuvre de la présente recommandation ne devrait pas avoir d’incidence significative sur l’équilibre financier des systèmes de protection sociale des États membres,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

Objectif et champ d’application

1.La présente recommandation a pour objet de fournir un accès à une protection sociale adéquate pour tous les travailleurs salariés ainsi que les travailleurs non salariés dans les États membres.

2.La présente recommandation vise à définir des normes minimales dans le domaine de la protection sociale des travailleurs salariés et des travailleurs non salariés. La protection sociale peut être assurée par une combinaison de régimes, y compris des régimes publics, professionnels et privés, et peut impliquer des cotisations, conformément aux principes fondamentaux des systèmes nationaux de protection sociale. Les États membres sont compétents pour définir le niveau des cotisations et décider de la combinaison de régimes adéquate, conformément à l’article 153, paragraphe 4, du TFUE.

3.La présente recommandation couvre le droit de participer à un régime ainsi que l’acquisition et l’utilisation de droits. Elle vise en particulier à garantir ce qui suit pour tous les travailleurs salariés ainsi que les travailleurs non salariés:

a)la couverture formelle de la protection sociale;

b)la couverture effective, l’adéquation et la transférabilité de la protection sociale;

c)la transparence des droits en matière de protection sociale.

4.La présente recommandation s’applique aux travailleurs salariés et aux travailleurs non salariés, y compris les personnes en transition entre ces deux statuts ou ayant les deux statuts ainsi que les personnes dont le travail est interrompu en raison de la survenance de l’un des risques couverts par la protection sociale.

5.La présente recommandation s’applique aux branches de la protection sociale ci-après, dans la mesure où elles sont prévues dans les États membres:

a)les prestations de chômage;

b)les prestations de maladie et de soins de santé;

c)les prestations de maternité et de paternité assimilées;

d)les prestations d’invalidité;

e)les prestations de vieillesse;

f)les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

6.Les principes d’accessibilité, de transférabilité, d’adéquation et de transparence définis dans la présente recommandation s’appliquent à l’ensemble des travailleurs salariés et aux travailleurs non salariés, tout en prenant acte du fait que des règles différentes peuvent s’appliquer pour les travailleurs salariés et pour les travailleurs non salariés.

Définitions

7.Aux fins de la présente recommandation, on entend par:

a)«travailleur»: une personne physique qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie d’une rémunération;

b)«relation de travail»: la relation de travail entre un travailleur salarié et un ou des employeurs;

c)«type de relation de travail»: un des divers types de relations entre un travailleur salarié et un ou des employeurs qui peuvent différer en ce qui concerne la durée de l’emploi, le nombre d’heures de travail ou d’autres conditions relatives à la relation de travail;

d)«statut sur le marché du travail»: le statut d’une personne qui travaille dans le cadre d’une relation de travail (travailleur salarié) ou travaille pour son propre compte (travailleur non salarié);

e)«régime de protection sociale»: un cadre de règles distinct destiné à fournir des prestations aux bénéficiaires admissibles. Ces règles définissent le champ d’application personnel du programme, les conditions régissant le droit aux prestations, le type de prestations, les montants des prestations, la durée des prestations et d’autres caractéristiques des prestations, ainsi que le financement (cotisations, imposition générale, autres sources), la gouvernance et l’administration du programme. Les branches de la protection sociale visées au paragraphe 5 de la présente recommandation sont définies conformément au règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil;

f)«prestation»: un transfert en espèces effectué par une entité publique ou privée à une personne autorisée à le recevoir dans le cadre d’un régime de protection sociale;

g)«couverture formelle» d’un groupe: une situation dans une branche particulière de la protection sociale (vieillesse, protection contre le chômage, protection de la maternité ou de la paternité, par exemple) dans laquelle la législation ou la convention collective en vigueur prévoit que les personnes de ce groupe sont autorisées à participer à un régime de protection sociale couvrant une branche spécifique;

h)«couverture effective» d’un groupe: une situation dans une branche particulière de la protection sociale dans laquelle les personnes dudit groupe ont une possibilité d’accumuler des prestations et la faculté, en cas de matérialisation du risque correspondant, d’accéder à un niveau de prestations donné;

i)«durée des prestations»: la période pendant laquelle un assuré ou les personnes à charge de l’assuré peuvent bénéficier des prestations du régime de protection sociale;

j)«période d’acquisition»: période d’affiliation à un régime exigée soit par le droit national, soit par les règles régissant un régime pour bénéficier des droits à la protection sociale accumulés;

k)«période de travail minimale»: période pendant laquelle la personne doit avoir travaillé un minimum d’heures, de mois ou d’années avant d’être admise à bénéficier de la prestation en cas de matérialisation du risque;

l)«secteurs économiques»: les secteurs de l’ économie , regroupés en fonction du type de produit s ou de service s qu’ils produisent;

m)«transférabilité»: la possibilité de i) transférer des droits accumulés vers un autre régime, ii) faire prendre en compte les périodes d’acquisition dans un statut antérieur sur le marché du travail (ou dans des statuts concomitants sur le marché du travail) pour le calcul des périodes d’acquisition dans le nouveau statut;

n)«transparence»: la fourniture d’informations disponibles, accessibles, complètes et facilement compréhensibles au grand public, aux affiliés potentiels, aux affiliés et aux bénéficiaires des régimes concernant les règles du régime et/ou les obligations et les droits individuels.

Couverture formelle

8.Les États membres devraient veiller à ce que les travailleurs salariés aient accès à la protection sociale, en étendant la couverture formelle sur une base obligatoire à tous les travailleurs salariés, quel que soit le type de leur relation de travail.

9.Les États membres devraient veiller à ce que les travailleurs non salariés aient accès à la protection sociale en étendant leur couverture formelle:

a)sur une base obligatoire pour les prestations de maladie et de soins de santé, les prestations de maternité/paternité, les prestations de vieillesse et d’invalidité ainsi que les prestations concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles;

b)sur une base volontaire pour les prestations de chômage.

Couverture effective et transférabilité

10.Les États membres devraient assurer une couverture effective à tous les travailleurs salariés, indépendamment du type de relation de travail, et aux travailleurs non salariés, dans les conditions prévues aux paragraphes 7 et 8, tout en préservant la viabilité du système et en mettant en place des garanties afin d’éviter les abus. À cette fin:

a)les règles régissant les cotisations (par exemple, les périodes d’acquisition, les périodes de travail minimales) et les règles régissant les droits (par exemple, les délais d’attente, les règles de calcul et la durée) ne devraient pas faire obstacle à la possibilité d’accumuler des prestations et d’y accéder en raison du type de relation de travail ou du statut sur le marché du travail;

b)les différences existant dans les règles régissant les régimes selon les statuts sur le marché du travail ou les types de relation de travail devraient être proportionnées et refléter la situation spécifique des bénéficiaires.

11.Conformément aux dispositions nationales en matière de dialogue social, les États membres devraient veiller à ce que les droits, qu’ils soient acquis dans le cadre de régimes obligatoires ou volontaires, soient accumulés, préservés et transférables dans tous les types de statuts d’emploi salarié et non salarié et dans l’ensemble des secteurs économiques. Il peut notamment s’agir:

a)d’agréger toutes les cotisations et de préserver tous les droits accumulés tout au long de la carrière de l’intéressé ou au cours d’une période de référence déterminée;

b)de rendre tous les droits transférables entre les différents régimes d’une branche donnée de la protection sociale. 

Adéquation

12.Lorsque survient un risque assuré par des régimes de protection sociale pour les travailleurs salariés et les travailleurs non salariés, les États membres devraient veiller à ce que les régimes prévoient un niveau de protection adéquat pour leurs affiliés, c’est-à-dire qui soit suffisant et fourni en temps opportun, de manière à maintenir le niveau de vie, à offrir un revenu de remplacement adéquat, en évitant dans tous les cas que les affiliés en question ne tombent dans la pauvreté.

13.Les États membres devraient veiller à ce que les cotisations à la protection sociale soient proportionnelles à la capacité contributive des travailleurs salariés et des travailleurs non salariés.

14.Les États membres devraient veiller à ce que les exonérations ou les réductions de cotisations sociales pour les groupes à faibles revenus s’appliquent, indépendamment du type de relation de travail et du statut sur le marché du travail.

15.Les États membres devraient faire en sorte que le calcul des cotisations et des droits en matière de protection sociale des travailleurs non salariés soit fondé sur une évaluation objective et transparente de leurs revenus, y compris en tenant compte des fluctuations de leur revenu, et reflète leur rémunération effective.

Transparence

16.Les États membres devraient veiller à ce que les conditions et les règles de tous les régimes sociaux soient transparentes et à ce que les personnes reçoivent sans frais des informations régulièrement mises à jour, complètes, accessibles, conviviales et aisément compréhensibles sur leurs droits et obligations individuels, par exemple:

a)en envoyant des mises à jour régulières concernant les droits individuels;

b)en mettant en place des outils de simulation en ligne concernant les droits aux prestations;

c)en créant des guichets uniques d’information ou des comptes personnels en ligne et hors ligne.

17.Les États membres devraient simplifier les exigences administratives des régimes de protection sociale applicables aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux employeurs, notamment en ce qui concerne les microentreprises ainsi que les petites et moyennes entreprises.



Mise en œuvre, notification et évaluation

18.Les États membres et la Commission devraient œuvrer ensemble à améliorer la portée et la pertinence de la collecte de données à l’échelle de l’Union européenne sur les forces de travail et l’accès à la protection sociale, afin notamment d’éclairer le processus d’élaboration des politiques en matière de protection sociale des nouvelles formes de travail. Dans ce contexte, les États membres devraient collecter et publier des données statistiques nationales fiables sur l’accès aux différentes formes de protection sociale ventilées par statut sur le marché du travail (travailleur non salarié ou salarié), type de relation de travail (temporaire ou permanente, à temps partiel ou à temps plein, nouvelles formes de travail ou emploi traditionnel), sexe, âge et nationalité au plus tard le [AJOUTER la date correspondant à 18 mois à compter de la publication de la recommandation].

19.Il y a lieu que la Commission, conjointement avec le comité de la protection sociale, établisse un cadre d’évaluation comparative et élabore des indicateurs quantitatifs et qualitatifs communs convenus d’un commun accord en vue de suivre la mise en œuvre de la présente recommandation au plus tard le [AJOUTER la date correspondant à 12 mois à compter de la publication de la recommandation] et de permettre son évaluation.

20.Les États membres devraient mettre en œuvre les principes énoncés dans la présente recommandation dans les meilleurs délais et soumettre des plans d’action rendant compte des mesures correspondantes prises à l’échelle nationale au plus tard le [AJOUTER la date correspondant à 12 mois à compter de la publication de la recommandation]. Les progrès accomplis dans la mise en œuvre des plans d’action devraient faire l’objet d’un suivi dans le cadre des outils de surveillance multilatérale en conformité avec le Semestre européen et la méthode ouverte de coordination en matière d’inclusion sociale et de protection sociale.

21.Il convient que la Commission évalue les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la présente recommandation, en tenant compte également des incidences sur les petites et moyennes entreprises, en coopération avec les États membres et après consultation des parties intéressées concernées, et fasse rapport au Conseil au plus tard le [AJOUTER la date correspondant à 3 ans à compter de la publication de la recommandation]. Sur la base des résultats de cet examen, la Commission pourrait envisager de présenter de nouvelles propositions.

22.La Commission devrait veiller à ce que la mise en œuvre de la présente recommandation soit soutenue par des actions financées au titre des programmes correspondants de l’Union.

23.La Commission devrait faciliter l’apprentissage mutuel et l’échange de bonnes pratiques entre les États membres et avec les parties intéressées.

Fait à Strasbourg, le

   Par le Conseil

   Le président

(1)

   COM(2017) 251.

(2)    COM(2018) 131.
(3)    COM(2018) 130.
(4)    Recommandation (nº 202) de l’OIT sur les socles de protection sociale, 2012.
(5)    Belgique, Chypre, République tchèque, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne et Royaume-Uni.
(6)    Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (92/442/CEE), JO L 245 du 26.8.1992, p. 49; recommandation de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail [C(2008) 5737], JO L 307 du 18.11.2008, p. 11; communications de la Commission intitulées «Investir dans le domaine social en faveur de la croissance et de la cohésion, notamment par l’intermédiaire du Fonds social européen, au cours de la période 2014-2020», COM(2013) 83, et «Un engagement renouvelé en faveur de l’Europe sociale: renforcement de la méthode ouverte de coordination pour la protection sociale et l’inclusion sociale», COM(2008) 418 final; décision (UE) 2015/1848 du Conseil du 5 octobre 2015 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres pour 2015, JO L 268 du 15.10.2015, recommandations par pays.
(7)    «Moderniser et améliorer la protection sociale dans l’Union européenne», communication de la Commission, COM(97) 102 final, 12 mars 1997.
(8)    Travail intérimaire, consultable en ligne .
(9)    Directive 1999/70/CE sur le travail à durée déterminée, consultable en ligne ; directive 97/81/CE sur le travail à temps partiel, consultable en ligne .
(10)    Voir l’arrêt dans les affaires jointes C-396/08 et C-395/08, Bruno e.a., point 41, consultable en ligne .
(11)    Ibidem et affaire C-385/11, Moreno contre INSS, consultable en ligne .
(12)    Accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP), accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu le 6 juin 1997 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (UNICE, CEEP et CES).
(13)    Rapports thématiques sur l’accès à la protection sociale des personnes travaillant en tant que non-salariés ou dans le cadre de contrats atypiques, ESPN (2017).
(14)    Consultable en ligne .
(15)    COM(2017) 253/884003.    
(16)    Voir l’annexe 8 pour plus de détails.
(17)    Directive 2014/50/UE relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire. L’article 6 impose aux États membres de veiller à ce que les affiliés actifs puissent obtenir, sur demande, des informations concernant les éventuelles conséquences d’une cessation d’emploi sur leurs droits à pension complémentaire.
(18)    Directive (UE) 2016/2341 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP).
(19)    L’article 37 de la directive 2016/2341 concernant les informations générales relatives au régime de retraite comporte au paragraphe 1, point j), une disposition sur la transférabilité. Lorsqu’un affilié a le droit de transférer des droits à la retraite, des informations supplémentaires sur les modalités d’un tel transfert doivent être fournies.
(20)    COM(2017) 797, consultable en ligne .
(21)    COM(2016) 356.
(22)    Barnard C. et Blackham A. (2015), «Mise en œuvre de la directive 2010/41/UE concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante», rapport du réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité hommes-femmes, commandé par la direction générale de la justice de la Commission européenne.
(23)    COM(2017) 797 final, consultable  en ligne .
(24)    Comprenant la DG GROW, la DG SANTE, la DG ECFIN, la DG TAXUD, la DG JUST et le service juridique.
(25)    Voir l’annexe I de l’analyse d’impact.
(26)    JO C 428 du 13.12.2017, p. 10.
(27)    Déclaration commune des partenaires sociaux du 24 mars 2017.
(28)    http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0010+0+DOC+XML+V0//FR
(29)    Recommandation de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail (2008/867/CE).
(30)    Directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES - Annexe: Accord-cadre sur le travail à temps partiel (JO L 14 du 20.1.1998, p. 9), directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175 du 10.7.1999, p. 43), directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire (JO L 327 du 5.12.2008, p. 9), directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO L 283 du 28.10.2008, p. 36), directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (JO L 354 du 23.12.2016, p. 37), directive 2010/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative à l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, et abrogeant la directive 86/613/CEE du Conseil (JO L 180 du 15.7.2010, p. 1), directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204 du 26.7.2006, p. 23), directive 1979/7/CE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO L 6 du 10.1.1979, p. 24), directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373 du 21.12.2004, p. 37), directive 2010/18/CE du Conseil du 8 mars 2010 portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l’UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive 96/34/CE (JO L 68 du 18.3.2010, p. 13) et proposition du 16 avril 2017 l’abrogeant[COM(2017) 253 final], directive 93/103/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé au travail à bord des navires de pêche (treizième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 307 du 13.12.1993, p. 1), règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166 du 30.4.2004, p. 1) et proposition de directive relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne, [COM(2017) 797 final du 21 décembre 2017.
(31)    Voir les arrêts du 3 juillet 1986, Deborah Lawrie-Blum, C-66/85; du 14 octobre 2010, Union Syndicale Solidaires Isère, C-428/09; du 9 juillet 2015, Balkaya, C-229/14; du 4 décembre 2014, FNV Kunsten, C-413/13; et du 17 novembre 2016, Ruhrlandklinik, C-216/15.
(32)    Recommandation 92/442/CEE du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (JO L 245 du 26.8.1992, p. 49).
(33)    C(2017) 7773.
(34)    SWD(2018) 70.
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