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Document 62017CJ0076

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 1er mars 2018.
SC Petrotel-Lukoil SA et Maria Magdalena Georgescu contre Ministerul Economiei e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie.
Renvoi préjudiciel – Taxe d’effet équivalent à des droits de douane – Article 30 TFUE – Imposition intérieure – Article 110 TFUE – Taxe appliquée aux produits pétroliers exportés – Non‑répercussion de la taxe sur le consommateur – Charge de la taxe supportée par le contribuable – Remboursement des sommes versées par le contribuable.
Affaire C-76/17.

Recueil – Recueil général

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2018:139

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

1er mars 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe d’effet équivalent à des droits de douane – Article 30 TFUE – Imposition intérieure – Article 110 TFUE – Taxe appliquée aux produits pétroliers exportés – Non-répercussion de la taxe sur le consommateur – Charge de la taxe supportée par le contribuable – Remboursement des sommes versées par le contribuable »

Dans l’affaire C‑76/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par décision du 17 novembre 2016, parvenue à la Cour le 13 février 2017, dans la procédure

SC Petrotel-Lukoil SA,

Maria Magdalena Georgescu

contre

Ministerul Economiei,

Ministerul Energiei,

Ministerul Finanţelor Publice,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour SC Petrotel-Lukoil SA, par Mes C. Vasile, M. Strîmbei et A. Barbu, avocats,

pour le gouvernement roumain, par M. R.‑H. Radu ainsi que par Mmes L. Liţu et R. Mangu, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 30 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Petrotel-Lukoil SA (ci-après « Lukoil ») et Mme Maria Magdalena Georgescu au Ministerul Economiei (ministère de l’Économie, Roumanie), au Ministerul Energiei (ministère de l’Énergie, Roumanie) et au Ministerul Finanţelor Publice (ministère des Finances publiques, Roumanie) au sujet du refus du ministère de l’Économie de rembourser les sommes forfaitaires versées par Lukoil au titre du Fonds spécial pour les produits pétroliers, constitué pour le recouvrement des dettes de l’ancienne Compania Română de Petrol (compagnie pétrolière roumaine, ci-après la « CRP »).

Le cadre juridique

3

L’Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 249/2000 privind constituirea şi utilizarea Fondului special pentru produse petroliere (ordonnance d’urgence du gouvernement no 249/2000 concernant la constitution et l’utilisation du Fonds spécial pour les produits pétroliers, Monitorul Oficial al României, partie I, no 647, du 12 décembre 2000), telle que modifiée par la Legea nr. 142/2006 pentru aprobarea Ordonanţei Guvernului nr. 53/2005 privind reglementarea unor măsuri financiare în domeniul bugetar şi al contabilităţii publice (loi no 142/2006 portant approbation de l’ordonnance du gouvernement no 53/2005 portant mesures financières dans le domaine budgétaire et de la comptabilité publique) (ci-après l’« OUG no 249/2000 »), a créé le Fonds spécial pour les produits pétroliers en vue d’acquitter l’ensemble des obligations pécuniaires de l’ancienne CRP.

4

L’article 1er de l’OUG no 249/2000 est libellé comme suit :

« Le Fonds spécial pour les produits pétroliers est créé en incluant une somme forfaitaire libellée en [lei roumains (RON)], équivalant à [0,01 dollar américain (USD) par litre] au taux de change en vigueur le dernier jour du mois précédant la livraison, dans le prix des produits pétroliers livrés sur les marchés national et étranger, essence et gazole, obtenus par des producteurs ou générés par transformation. »

5

Aux termes de l’article 2 de l’OUG no 249/2000 :

« Le Fonds spécial pour les produits pétroliers, constitué conformément à l’article 1er, est administré par le Ministerul Industriei şi Comerţului [(ministère de l’Industrie et du Commerce, Roumanie)] et sera utilisé pour acquitter l’ensemble des obligations pécuniaires de l’ancienne [CRP]. »

6

L’article 5 de l’OUG no 249/2000 dispose :

« L’obligation de calculer et de verser les sommes résultant de l’application de l’article 1er incombe aux producteurs et aux raffineurs qui sont des personnes morales établies en Roumanie, indépendamment de leur forme d’organisation, de la nature de leur capital et de la destination de leurs produits, celle-ci correspondant à la catégorie d’utilisation et aux types d’utilisateurs du produit concerné. »

7

L’article 7 de l’OUG no 249/2000 prévoit :

« La somme forfaitaire incluse dans le prix des produits pétroliers visés à l’article 1er de cette ordonnance représente une charge fiscalement déductible. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Lukoil a réclamé au ministère de l’Économie le remboursement des sommes qu’elle a versées au titre des exportations de produits pétroliers, en vertu de l’OUG no 249/2000, entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2010.

9

Par lettre du 24 mai 2010, le ministère de l’Économie a refusé de rembourser les sommes réclamées par Lukoil.

10

Lukoil a alors introduit un recours devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie). Cette société a fait valoir, en substance, que lesdites sommes étaient indues à compter de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, le 1er janvier 2007, dans la mesure où leur versement était contraire à l’article 30 TFUE, car elles constituaient une taxe à caractère fiscal imposée unilatéralement par un État membre et perçue sur les marchandises qui traversent une frontière.

11

Par arrêt du 12 octobre 2011, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a rejeté le recours de Lukoil. Cette juridiction a notamment jugé que la somme de 0,01 USD par litre incluse dans le prix des produits pétroliers était calculée pour les produits livrés aussi bien en Roumanie qu’en dehors de cet État membre, de telle sorte que, n’étant pas due en raison du franchissement d’une frontière par une marchandise, la taxe en question ne constituait ni un droit de douane à l’exportation ni une taxe d’effet équivalent, mais constituait une taxe intérieure. Elle a ajouté que, à supposer que la taxe instituée par l’OUG no 249/2000 constitue un droit de douane interdit par l’article 30 TFUE, la demande de Lukoil tendant à ce que cette taxe lui soit remboursée serait infondée, eu égard à l’interdiction de l’enrichissement sans cause, telle qu’appliquée par la Cour dans l’arrêt du 14 janvier 1997, Comateb e.a. (C‑192/95 à C‑218/95, EU:C:1997:12). En effet, selon la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest), la somme en question était incluse, en vertu de l’article 1er de l’OUG no 249/2000, dans le prix de l’essence et du gazole livrés en dehors de la Roumanie et était ainsi supportée non pas par la personne livrant les produits pétroliers, mais par l’acquéreur.

12

Lukoil a formé un pourvoi contre l’arrêt du 12 octobre 2011 devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie). Cette juridiction a annulé ledit arrêt et a renvoyé l’affaire devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest). Par arrêt du 25 janvier 2016, cette dernière juridiction a rejeté le recours de Lukoil.

13

Dans cet arrêt, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a considéré, sur la base d’une expertise comptable, que, bien qu’ayant calculé et versé la taxe en cause à l’État, Lukoil n’avait pas ajouté la somme forfaitaire de 0,01 USD par litre au prix de vente des produits pétroliers qu’elle a vendus entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2010, mais avait imputé une telle somme sur ses propres ressources. Malgré ce constat, cette juridiction a, cependant, jugé que Lukoil n’avait pas prouvé que le paiement de ladite taxe lui avait causé un préjudice. En effet, Lukoil aurait mis en place, de sa propre initiative, une modalité de paiement qui n’est ni imputable à l’autorité défenderesse ni fondée sur les dispositions de l’OUG no 249/2000. Ainsi, ladite juridiction a jugé que Lukoil n’avait pas droit au remboursement demandé, dès lors que la taxe litigieuse avait été versée sur le fondement non pas de dispositions définitivement déclarées illégales, car contraires au droit de l’Union, mais d’un mécanisme que Lukoil avait elle-même mis en place et qui n’était pas prévu par la réglementation nationale.

14

Lukoil a formé un pourvoi contre l’arrêt du 25 janvier 2016 devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice). Cette juridiction relève que la taxe litigieuse est une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, car elle revêt un caractère pécuniaire, elle est imposée unilatéralement par l’autorité compétente d’un État membre et elle frappe les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent la frontière. Elle indique que Lukoil a réclamé le remboursement des taxes qu’elle a payées avec ses fonds propres entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2010. Or, la Cour ne se serait jamais prononcée, au regard de l’article 30 TFUE, sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où il a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, un contribuable peut réclamer le remboursement des sommes versées, même si le mécanisme de paiement de cette taxe a été conçu dans la législation nationale de telle manière que ladite taxe soit répercutée sur le consommateur.

15

Dans ces conditions, l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 30 TFUE s’oppose-t-il à une interprétation conformément à laquelle, dans l’hypothèse où il a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent, le contribuable peut réclamer le remboursement des sommes versées à ce titre même si le mécanisme de paiement de la taxe a été conçu dans la législation nationale de telle manière que celle-ci soit répercutée sur le consommateur européen ?

2)

Dans l’hypothèse où le contribuable a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent (sans la transférer au consommateur), le remboursement des sommes versées à ce titre est-il conforme au droit de l’Union ? »

Sur les questions préjudicielles

16

Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, en particulier l’article 30 TFUE, doit être interprété en ce sens que le contribuable, qui a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent contraire à cet article, doit pouvoir obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées à ce titre, même dans une situation où le mécanisme de paiement de la taxe a été conçu, dans la législation nationale, de telle manière que cette taxe soit répercutée sur le consommateur.

Considérations liminaires

17

La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé sa demande préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, notamment, arrêts du 27 octobre 2009, ČEZ, C‑115/08, EU:C:2009:660 point 81, et du 29 septembre 2016, Essent Belgium, C‑492/14, EU:C:2016:732, point 43).

18

En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que la taxe prévue par l’OUG no 249/2000 est une taxe d’effet équivalent, au sens de l’article 30 TFUE. Cependant, il ressort de la décision de renvoi que, en réponse à la demande de remboursement de Lukoil, le ministère de l’Économie avait allégué que cette taxe n’était ni un droit de douane ni une taxe d’effet équivalent, mais constituait une imposition intérieure, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest), juge du fond dans l’affaire au principal, ayant, dans son arrêt du 12 octobre 2011, confirmé cette conclusion.

19

Dans leurs observations écrites, le gouvernement roumain et la Commission européenne considèrent également que la taxe prévue par l’OUG no 249/2000 constitue une imposition intérieure, au sens de l’article 110 TFUE.

20

Au regard de ces contestations, il convient ainsi, avant de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, de fournir à cette juridiction tous les éléments d’interprétation utiles sur la qualification juridique de ladite taxe au regard du droit de l’Union.

21

Constitue une taxe d’effet équivalent à un droit de douane toute charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent une frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit. En revanche, une charge pécuniaire résultant d’un régime général d’impositions intérieures appréhendant systématiquement selon les mêmes critères objectifs des catégories de produits indépendamment de leur origine ou de leur destination relève de l’article 110 TFUE, qui interdit les impositions intérieures discriminatoires (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, points 51, 55 et 56, ainsi que du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, points 40 et 41).

22

Une taxe qui frappe, sur la base de critères identiques, les produits nationaux qui sont commercialisés sur le marché national et ceux qui sont exportés peut néanmoins être interdite par le traité FUE lorsque le produit de cette imposition est destiné à alimenter des activités qui profitent spécialement aux produits nationaux commercialisés sur le marché national.

23

En effet, dans un tel cas, il peut en résulter une discrimination contre les produits exportés, dans la mesure où la charge fiscale grevant les produits commercialisés sur le marché national est neutralisée par des avantages qu’elle sert à financer, tandis que celle grevant les produits exportés représente une charge nette (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2002, Nygård, C‑234/99, EU:C:2002:244, point 22, et du 8 juin 2006, Koornstra, C‑517/04, EU:C:2006:375, point 18).

24

À cet égard, si les avantages résultant de l’affectation du produit d’une taxe, relevant d’un régime général d’impositions intérieures et frappant systématiquement les produits nationaux commercialisés sur le marché national et ceux exportés, compensent intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise dans le commerce, cette imposition constitue une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, contraire aux articles 28 et 30 TFUE. En revanche, une telle taxe constituerait une violation de l’interdiction de discrimination édictée à l’article 110 TFUE si les avantages que comporte l’affectation de la recette de l’imposition pour les produits nationaux commercialisés sur le marché national ne compensaient que partiellement la charge supportée par ceux-ci. Dans cette hypothèse, la taxe perçue sur les produits nationaux exportés, en principe légale, devra être interdite dans la mesure où elle compense ladite charge et faire l’objet d’une réduction proportionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2006, Koornstra, C‑517/04, EU:C:2006:375, points 19 et 20 ainsi que jurisprudence citée).

25

Pour être utilement et correctement appliqué, le critère de la compensation suppose que soit vérifiée, au cours d’une période de référence, l’équivalence pécuniaire entre les montants globalement perçus sur les produits nationaux commercialisés sur le marché national au titre de la taxe considérée et les avantages dont ces produits bénéficient à titre exclusif. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de s’assurer que les produits nationaux commercialisés sur le marché national ne tirent pas, de facto, un profit exclusif ou proportionnellement plus important que les produits nationaux exportés du produit de la taxe litigieuse, susceptible de compenser totalement ou partiellement la charge que constitue cette taxe (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2006, Koornstra, C‑517/04, EU:C:2006:375, points 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée).

26

En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’OUG no 249/2000 a institué le Fonds spécial pour les produits pétroliers, créé pour le recouvrement des dettes de l’ancienne CRP et financé par la contribution de tous les producteurs et raffineurs de produits pétroliers (essence et gazole) établis en Roumanie. Conformément à l’article 1er de l’OUG no 249/2000, ces contribuables sont tenus d’inclure, dans le prix des produits qu’ils livrent aussi bien sur le marché national qu’en dehors de la Roumanie, une somme forfaitaire de 0,01 USD pour chaque litre de produit pétrolier commercialisé. Selon l’article 5 de l’OUG no 249/2000, l’obligation de calculer et de verser les sommes qui en résultent incombe aux producteurs et aux raffineurs qui sont des personnes morales établies en Roumanie, indépendamment de la destination de leurs produits.

27

Or, si la taxe prévue à l’article 1er de l’OUG no 249/2000 constitue bien une charge pécuniaire, unilatéralement imposée, frappant des marchandises, elle n’apparaît toutefois pas, eu égard aux éléments présentés au point précédent, due en raison du franchissement d’une frontière. En effet, cette taxe s’applique de la même manière, au même taux et au même stade tant sur les produits pétroliers livrés sur le marché roumain que sur ceux livrés dans un autre État membre. Le fait générateur de la taxe prévue audit article 1er paraît donc constitué par la commercialisation des produits pétroliers, que celle-ci ait lieu à l’intérieur de la Roumanie ou dans un autre État membre. Cette taxe s’appliquerait ainsi indépendamment du fait que les produits pétroliers concernés franchissent la frontière roumaine.

28

Dans ces conditions, ladite taxe est susceptible de constituer une imposition intérieure non discriminatoire, compatible avec le droit de l’Union.

29

Cependant, la juridiction de renvoi devrait encore vérifier si l’affectation du produit de cette même taxe n’avantage pas les produits pétroliers nationaux commercialisés sur le marché national, sa décision ne contenant aucun élément à ce sujet. En effet, la circonstance que la taxe prévue à l’article 1er de l’OUG no 249/2000 sert à payer les dettes de l’ancienne CRP ne saurait, à elle seule, permettre d’écarter définitivement l’hypothèse selon laquelle le produit de cette taxe serait en fait destiné à alimenter des activités qui profitent exclusivement ou partiellement à ces produits au détriment des produits nationaux exportés vers des États membres autres que la Roumanie.

30

S’il résulte de ces vérifications que le produit de la taxe prévue à l’article 1er de l’OUG no 249/2000 n’avantage pas les produits nationaux commercialisés sur le marché national, cette taxe pourrait constituer une imposition intérieure légale. S’il s’avérait qu’elle les avantage partiellement ou au point d’en compenser intégralement la charge, il pourrait s’agir soit, dans le premier cas, d’une imposition intérieure discriminatoire contraire à l’article 110 TFUE, soit, dans le second cas, d’une taxe d’effet équivalent à un droit de douane contraire à l’article 30 TFUE. Il incombe ainsi à la juridiction de renvoi d’effectuer les vérifications nécessaires afin de déterminer la nature de la taxe prévue à l’article 1er de l’OUG no 249/2000 et sa compatibilité avec le droit de l’Union.

31

Ces précisions apportées, dans l’hypothèse où il s’agit d’une taxe d’effet équivalent, contraire à l’article 30 TFUE, il y a lieu de répondre à la question du droit au remboursement telle que reformulée au point 16 du présent arrêt.

Sur le droit au remboursement

32

Il ressort d’une jurisprudence constante que le droit d’obtenir le remboursement d’impôts perçus dans un État membre en violation du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux contribuables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été interprétées par la Cour. Un État membre est ainsi tenu, en principe, de rembourser les impôts perçus en violation du droit de l’Union, selon les modalités procédurales nationales conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité (voir en ce sens, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio,199/82, EU:C:1983:318, point 12 ; du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C‑192/95 à C‑218/95, EU:C:1997:12, point 20, ainsi que du 12 décembre 2013, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, C‑362/12, EU:C:2013:834, point 30).

33

Toutefois, par exception au principe du remboursement de taxes incompatibles avec le droit de l’Union, la restitution d’une taxe indûment perçue peut être refusée lorsque celle-ci entraînerait un enrichissement sans cause des ayants droit. La protection des droits garantis en la matière par l’ordre juridique de l’Union n’impose donc pas le remboursement des impôts, des droits et des taxes perçus en violation du droit de l’Union lorsqu’il est établi que la personne astreinte au paiement de ces droits les a effectivement répercutés sur d’autres sujets (arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, EU:C:1983:318, point 13 ; du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C‑192/95 à C‑218/95, EU:C:1997:12, point 21, ainsi que du 6 septembre 2011, Lady & Kid e.a., C‑398/09, EU:C:2011:540, point 18).

34

En effet, dans de telles conditions, c’est non pas l’opérateur qui a supporté la charge de la taxe indûment perçue, mais l’acheteur sur lequel la charge a été répercutée. Dès lors, rembourser à l’opérateur le montant de la taxe qu’il a déjà perçu de l’acheteur équivaudrait pour lui à un double paiement susceptible d’être qualifié d’enrichissement sans cause, sans qu’il soit pour autant remédié aux conséquences de l’illégalité de la taxe pour l’acheteur (voir, en ce sens, arrêts du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C‑192/95 à C‑218/95, EU:C:1997:12, point 22, ainsi que du 6 septembre 2011, Lady & Kid e.a., C‑398/09, EU:C:2011:540, point 19).

35

Un tel refus de remboursement d’une taxe imposée sur la vente de produits étant une limitation d’un droit subjectif tiré de l’ordre juridique de l’Union, il convient de l’interpréter de manière restrictive. Dès lors, la répercussion directe de la taxe indue sur l’acheteur constitue la seule exception au droit au remboursement des taxes perçues en violation du droit de l’Union (arrêt du 6 septembre 2011, Lady & Kid e.a., C‑398/09, EU:C:2011:540, point 20).

36

En l’occurrence, il est constant que, contrairement à ce que prévoit l’article 1er de l’OUG no 249/2000, Lukoil n’a pas répercuté la taxe prévue à cet article sur le consommateur des produits pétroliers qu’elle a commercialisés. La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si, dans une situation où le mécanisme de paiement de cette taxe a été conçu dans la législation nationale de manière à ce que ladite taxe soit répercutée sur le consommateur, Lukoil peut tout de même avoir droit au remboursement des sommes qu’elle a payées.

37

Il convient, à cet égard, de relever que, dans la mesure où Lukoil a supporté le montant de la taxe prévue à l’article 1er de l’OUG no 249/2000, le remboursement de ce montant n’impliquerait aucun enrichissement sans cause de cette société. Dans ces conditions, dès lors que la seule exception au principe du remboursement de taxes incompatibles avec le droit de l’Union acceptée par la Cour fait défaut en l’occurrence, Lukoil a droit au remboursement de la taxe qu’elle a supportée, si celle-ci est qualifiée de taxe d’effet équivalent à un droit de douane. L’éventuelle méconnaissance de l’obligation, découlant de la législation nationale, de répercuter la taxe en cause au principal sur le prix final du produit concerné n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, le droit au remboursement de cette taxe, qui trouve son fondement dans le droit de l’Union, ne saurait être refusé pour un motif tiré du droit national.

38

Par ailleurs, il convient de préciser que Lukoil aurait également droit à un remboursement, quoique partiel, de la taxe qu’elle a supportée au titre de l’article 1er de l’OUG no 249/2000 dans le cas où la juridiction de renvoi constaterait, à la lumière de la jurisprudence de la Cour et des considérations contenues aux points 21 à 25 du présent arrêt, que la taxe prévue à cet article est une imposition intérieure discriminatoire contraire à l’article 110 TFUE. Dans cette hypothèse, ce droit au remboursement concernerait la différence entre la charge de la taxe supportée par les produits commercialisés sur le marché de l’Union et la charge de la taxe supportée par les produits commercialisés sur le marché national, cette dernière charge tenant dûment compte des avantages dont ces produits auraient bénéficié à titre exclusif.

39

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que le droit de l’Union, en particulier l’article 30 TFUE, doit être interprété en ce sens que le contribuable, qui a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent contraire à cet article, doit pouvoir obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées à ce titre, même dans une situation où le mécanisme de paiement de la taxe a été conçu, dans la législation nationale, de telle manière que cette taxe soit répercutée sur le consommateur.

Sur les dépens

40

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

Le droit de l’Union, en particulier l’article 30 TFUE, doit être interprété en ce sens que le contribuable, qui a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent contraire à cet article, doit pouvoir obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées à ce titre, même dans une situation où le mécanisme de paiement de la taxe a été conçu, dans la législation nationale, de telle manière que cette taxe soit répercutée sur le consommateur.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.

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