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Document 62008FO0047(01)

Ordonnance du Tribunal de la fonction publique (troisième chambre) du 25 juin 2014.
Willy Buschak contre Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).
Fonction publique - Procédure - Taxation des dépens - Recevabilité - Fondement en droit de la demande - Article 92 du règlement de procédure - Interprétation de la demande - Tardiveté - Frais de traduction.
Affaire F-47/08 DEP.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:F:2014:175

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

25 juin 2014 (*)

« Fonction publique – Procédure – Taxation des dépens – Recevabilité – Fondement en droit de la demande – Article 92 du règlement de procédure – Interprétation de la demande – Tardiveté – Frais de traduction »

Dans l’affaire F‑47/08 DEP,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 92 du règlement de procédure,

Willy Buschak, ancien agent de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, demeurant à Dresde (Allemagne), représenté par Me L. Levi, avocat,

partie requérante dans l’affaire au principal,

contre

Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (FEACVT), représentée par Mme C. Callanan, solicitor,

partie défenderesse dans l’affaire au principal,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 18 décembre 2013, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (FEACVT, ou ci-après la « Fondation ») a saisi le Tribunal de la présente demande de taxation des dépens à la suite de l’ordonnance Buschak/FEACVT (F‑47/08, EU:F:2010:20).

 Faits à l’origine du litige

2        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 avril 2008, M. Buschak a demandé l’annulation de la décision modifiant la description d’emploi du poste de directeur adjoint de la Fondation et, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision rejetant sa réclamation. Il sollicitait aussi la condamnation de la Fondation à lui verser 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

3        Après un deuxième échange de mémoires en application de l’article 41 du règlement de procédure, le Tribunal a rejeté le recours comme manifestement irrecevable par l’ordonnance Buschak/FEACVT (EU:F:2010:20). Par la même ordonnance, M. Buschak a été condamné à l’ensemble des dépens.

4        Le 31 mars 2011, la Fondation a adressé à M. Buschak un courrier l’invitant à lui payer la somme de 42 564,32 euros au titre des dépens dans l’affaire F‑47/08. À ce courrier étaient jointes deux factures de son conseil datées respectivement du 30 juillet 2008 et du 18 décembre 2009.

5        Le 22 mai 2012, à la suite d’un échange de courriers et au vu de l’ordonnance AWWW/FEACVT (T‑211/07 DEP, EU:T:2011:415), la Fondation a soumis au requérant un nouvel état des dépens à lui rembourser d’un montant de 28 947,66 euros.

6        Après un nouvel échange de courriers, le 11 juillet 2012, M. Buschak a proposé, sur la base, quant à lui, de l’ordonnance De Nicola/BEI (F‑55/08 DEP, EU:F:2011:155), de verser la somme de 5 500 euros. Le 23 août suivant, il s’est néanmoins déclaré prêt à verser la somme de 6 500 euros, puis, à la suite de nouveaux courriers échangés, le 23 septembre de la même année, celle de 7 000 euros, à titre d’honoraires, augmentée de 150 euros pour frais de photocopies.

7        Le 10 décembre 2012, la Fondation a rejeté cette proposition en mentionnant notamment que l’ensemble des écrits et de leurs annexes de l’affaire au principal représentaient environ 1 000 pages.

8        À la suite d’un nouvel échange infructueux de courriers entre les parties, la Fondation a saisi le Tribunal de la présente demande de taxation des dépens.

 Conclusions des parties

9        La Fondation conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer à 41 926,66 euros le montant des dépens dus par M. Buschak dans l’affaire au principal.

10      M. Buschak conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer la demande de taxation des dépens irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter ladite demande ;

–        à titre encore plus subsidiaire, fixer le montant des dépens récupérables par la Fondation dans l’affaire au principal à 5 000 euros.

–        condamner la Fondation aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de la demande

11      M. Buschak soutient que la demande de la FEACVT est irrecevable au motif qu’elle serait fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et non sur l’article 92 du règlement de procédure.

12      La Fondation a effectivement présenté formellement sa demande en se référant à l’article 270 TFUE et à l’article 91 du statut.

13      Or, le Tribunal a déjà jugé que la procédure spécifique, prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, tendant à la taxation des dépens est exclusive d’une revendication des mêmes sommes, ou de sommes exposées aux mêmes fins, dans le cadre d’une action entamée conformément aux articles 90 et 91 du statut et qu’un requérant ne saurait donc être recevable à former, sur le fondement de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, un recours ayant, en réalité, le même objet qu’une demande de taxation des dépens (ordonnances Marcuccio/Commission, F‑67/10, EU:F:2011:87, points 21 et 23, et Marcuccio/Commission, F‑115/12, EU:F:2013:89, points 21 et 26).

14      Toutefois, en l’espèce, et à l’inverse des situations à l’origine de la jurisprudence susmentionnée dans lesquelles le requérant entendait agir au plan indemnitaire, il ressort clairement des échanges entre les parties antérieurs à l’introduction de la présente affaire, et en particulier des courriers au requérant des 31 mars 2011 et 22 mai 2012, que la Fondation se réservait le droit d’agir devant le Tribunal sur la base de l’article 92 du règlement de procédure. De surcroît, l’acte introductif d’instance porte comme intitulé « Demande de taxation des dépens » et ses conclusions invitent le Tribunal à prendre « une ordonnance fixant les dépens récupérables », deux formules renvoyant implicitement, mais de manière certaine, à l’article 92 du règlement de procédure. Enfin, dans le résumé joint à sa demande, la Fondation fonde expressément celle-ci sur ce dernier.

15      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la mention, dans la demande elle-même, de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut résulte d’une inadvertance, laquelle n’a au demeurant pas empêché M. Buschak de se défendre au fond, en sorte qu’il y a lieu d’interpréter la présente demande comme étant fondée sur l’article 92 du règlement de procédure et par suite de rejeter la première fin de non-recevoir soulevée par M. Buschak.

16      M. Buschak excipe également de la tardiveté de la présente demande.

17      Selon M. Buschak, en l’absence de délai de prescription prévu dans le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou dans le règlement de procédure, une demande de taxation des dépens doit être introduite dans un délai raisonnable. Cette condition ne serait pas remplie en l’espèce, dès lors que la Fondation aurait attendu plus d’un an après l’ordonnance au principal pour lui réclamer les dépens, qu’elle a laissé s’écouler respectivement huit mois et sept mois avant de répondre à deux de ses courriers et que, en définitive, la présente demande n’a été introduite devant le Tribunal que trois ans et huit mois après ladite ordonnance.

18      Il ressort effectivement de la jurisprudence qu’une demande de taxation des dépens doit être formée dans un délai raisonnable au-delà duquel la partie qui a été condamnée à les supporter serait fondée à considérer que la partie créancière a renoncé à son droit (voir, en ce sens, ordonnances Dietz/Commission, 126/76 DEP, EU:C:1979:158, point 1, et Air France/Commission, T‑2/93 DEP, EU:T:1996:48, points 10 et suivants). Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, le caractère « raisonnable » d’un délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 28 et 33).

19      En l’espèce, s’agissant du critère de l’enjeu du litige, la récupération des dépens en question présentait une importance certaine pour les parties en raison de la somme en jeu. Ensuite, la présente action en récupération des dépens introduite par la Fondation ne saurait se présenter comme une affaire complexe, notamment au vu de la jurisprudence qui, depuis longtemps, a fixé les jalons en la matière. Néanmoins, il y a lieu de constater que l’ordonnance au principal a été adoptée le 25 mars 2010 et que le délai imparti pour l’introduction d’un éventuel pourvoi a expiré deux mois et dix jours après la notification de celle-ci. Bien que l’introduction d’un pourvoi n’ait pas d’effet suspensif, le Tribunal estime normal qu’une partie ayant droit aux dépens attende l’expiration du délai de pourvoi avant de présenter sa demande de remboursement des dépens à la partie ayant succombé (ordonnance Air France/Commission, EU:T:1996:48, point 12). En outre, la période d’environ dix mois durant laquelle la Fondation a encore attendu avant de présenter à M. Buschak, par la lettre du 31 mars 2011, sa première demande de récupération des dépens ne dépasse pas le délai raisonnable au-delà duquel celui-ci aurait été fondé à considérer qu’elle avait renoncé à son droit de récupérer les dépens qu’elle avait exposés. De même, les délais de huit et de sept mois que la Fondation a respectivement laissé s’écouler avant de réagir à deux courriers de M. Buschak du 31 août 2011 et du 2 janvier 2013, s’ils témoignent d’une absence de suivi regrettable de la part de la Fondation, ne sont pas pour autant, au vu des courriers antérieurs de celle-ci à M. Buschak, constitutifs d’une attitude dont il aurait clairement résulté une renonciation à agir en récupération des dépens exposés à l’encontre de ce dernier. Les parties ayant par ailleurs eu de nombreux échanges épistolaires entre la première demande de remboursement des dépens du 31 mars 2011 et l’introduction de la présente demande de taxation, le 18 décembre 2013, le délai de deux ans et huit mois écoulé entre ces deux dates ne saurait être jugé globalement déraisonnable.

20      La deuxième fin de non-recevoir doit donc être écartée et la demande de taxation des dépens est par conséquent recevable.

 Sur le fond de la demande

 Sur les dépens récupérables et notamment sur les honoraires d’avocat

21      Aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération du représentant, s’ils sont indispensables ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins. Par ailleurs, il appartient à la partie requérante de produire des justificatifs de nature à établir la réalité des frais dont elle demande le remboursement (ordonnance Cuallado Martorell/Commission, F‑96/09 DEP, EU:F:2013:186, point 27).

22      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, les institutions sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre donc dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que l’institution soit tenue de démontrer qu’une telle assistance était objectivement justifiée (ordonnance Marcuccio/Commission, T‑157/09 P, EU:T:2010:403, point 29).

23      Il ressort en outre d’une jurisprudence constante que le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le juge de l’Union n’a, de surcroît, pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard (ordonnance Cuallado Martorell/Commission, EU:F:2013:186, point 28).

24      Enfin, à défaut de dispositions de nature tarifaire dans le droit de l’Union, le juge doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige au principal, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu nécessiter de la part des agents ou conseils qui sont intervenus et des intérêts économiques que le litige au principal a représentés pour les parties (ordonnance Cuallado Martorell/Commission, EU:F:2013:186, point 29).

25      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

26      Il ressort de l’examen des pièces du dossier que la présente demande de taxation des dépens à hauteur de 41 926,66 euros ne coïncide a priori avec aucune demande préalable de remboursement des dépens. Toutefois, à l’instar de M. Buschak, il y a lieu de comprendre la présente demande de taxation comme correspondant à la première demande de remboursement des dépens du 31 mars 2011, qui portait sur un montant de 42 564,32 euros, sous déduction de frais, notamment de photocopies, à concurrence de 637,66 euros. Par ailleurs, la Fondation n’ayant pas décomposé clairement sa demande de taxation selon les critères rappelés au point 24 ci-dessus, le Tribunal est contraint de l’interpréter et de la restructurer en fonction de ceux-ci.

27      S’agissant des conditions tenant à la nature et à l’objet du litige au principal, la FEACVT fait valoir que celui-ci se singularisait en ce qu’il portait, en substance, sur la contestation d’une décision modifiant la description d’emploi du poste de directeur adjoint de la Fondation, ainsi que sur l’octroi d’une indemnité d’un montant de 50 000 euros.

28      Cependant, si le litige au principal présentait certaines particularités liées à l’emploi de M. Buschak et à ses relations avec le directeur de la Fondation, il ne présentait pas une singularité telle qu’il justifierait un traitement particulier en ce qui concerne les dépens.

29      Quant aux difficultés de la cause et à son importance sous l’angle du droit de l’Union, la Fondation fait valoir que le recours était « extrêmement détaillé », qu’il s’inscrivait dans un contexte de prétendu harcèlement et d’une intervention de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission européenne (IDOC). Le fait que diverses allégations aient été portées à l’encontre du fonctionnaire dirigeant la Fondation aurait, en outre, été un grave sujet de préoccupation nécessitant une attention particulière. Enfin, la procédure aurait présenté un caractère exceptionnel en ce qu’elle mettait en cause les rapports entre le conseil de direction de la Fondation, son bureau, son directeur et son directeur adjoint. De la sorte, les problèmes soulevés revêtaient une importance considérable pour toutes les agences de l’Union européenne.

30      Il y a lieu, à cet égard, de relever que, si la requête dans l’affaire au principal a été rejetée par le Tribunal comme manifestement irrecevable, les moyens qu’elle soulevait demandaient une attention particulière de la Fondation dans l’exercice de ses droits de la défense. Certains moyens, tels celui pris de la violation du principe de bonne administration ou de celle du principe d’équivalence entre le grade et l’emploi, ne présentaient pas a priori un caractère inhabituel, mais s’inscrivaient néanmoins dans un contexte spécifique mettant en cause la structure même et la gestion au plus haut niveau non seulement de la FEACVT, mais aussi de toutes les agences décentralisées de l’Union. En outre, le moyen tiré du vice d’incompétence posait directement la question de savoir quel organe avait le pouvoir d’établir la description d’emploi du directeur adjoint de la Fondation et donc de fixer les attributions de ce dirigeant. Quant au moyen tiré des droits acquis et des éléments fondamentaux du contrat de M. Buschak, il posait la question de la transposition, dans le droit de l’Union, de la théorie dite des « éléments essentiels » des contrats, insusceptibles d’être modifiés sans l’accord des intéressés, qui serait de règle dans des organisations internationales. La réponse à donner à ces moyens présentait de l’importance pour le droit de l’Union au-delà de la situation propre à la Fondation. Par ailleurs, la question de l’existence d’un harcèlement constitue un grief délicat à appréhender. Au demeurant, l’avocat de M. Buschak avait lui-même souligné dans un courrier du 30 avril 2008 annexé à la requête et adressé au Tribunal que tant les éléments factuels que les questions de droit soulevés dans le recours étaient particulièrement importants, non seulement dans leur nombre, mais également dans leur principe et dans leurs conséquences.

31      Concernant l’ampleur du travail que l’examen du recours a pu nécessiter, il ressort des explications de la Fondation que le conseil de celle-ci aurait consacré 99 heures et 20 minutes à l’affaire au principal.

32      Force est, toutefois, de constater d’emblée que la facture du conseil de la Fondation établie le 30 juillet 2008 porte sur un état d’honoraires relatif notamment à l’établissement d’une réponse à la réclamation que M. Buschak avait formée le 1er octobre 2007 contre la décision attaquée dans l’affaire au principal. Il est constant, à cet égard, que la réponse de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Fondation à cette réclamation, datée du 29 janvier 2008, a été établie avec l’assistance du conseil de la Fondation et il ressort du détail des prestations de celui-ci qu’il a fourni un ensemble de conseils juridiques avant même le dépôt de la requête par M. Buschak devant le Tribunal.

33      Or, la jurisprudence est fixée en ce sens que les honoraires dus pour les prestations fournies par l’avocat du requérant dans l’affaire au principal au stade de la procédure précontentieuse ne constituent pas des dépens récupérables (ordonnance Altmann e.a./Commission, T‑177/94 DEP, EU:T:1998:139, point 18, et arrêt Nardone/Commission, T‑57/99, EU:T:2008:555, point 139).

34      Cette jurisprudence doit être étendue aux honoraires dus par l’administration, défenderesse dans l’affaire au principal, à son avocat pour ses prestations antérieures à l’introduction du recours. En effet, à l’instar des honoraires que le requérant au principal doit à son avocat pour ses interventions au stade précontentieux, ces honoraires ne sauraient être considérés comme des « frais exposés […] aux fins de la procédure » devant le Tribunal, lesquels sont les seuls à être récupérables au titre de l’article 91, sous b), du règlement de procédure. Cette extension de la jurisprudence susmentionnée s’impose au demeurant d’autant plus qu’il convient d’assurer l’égalité entre les parties. En effet, il importe que chaque partie puisse soutenir sa cause dans des conditions qui, au total du procès, ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse. Or, tel serait le cas si le requérant au principal devait s’attendre, en cas de rejet de son recours, à supporter les honoraires de l’avocat auquel l’administration défenderesse aurait fait appel dès le stade précontentieux, tandis qu’en cas de succès de son recours il ne pourrait récupérer les honoraires qu’il aurait versés pour des prestations exposées au même stade. De surcroît, la perspective de devoir, le cas échéant, supporter des dépens afférents à des prestations précontentieuses d’un montant élevé, comme ceux revendiqués en l’espèce, est de nature à entraver l’accès au juge et à affecter ainsi radicalement le droit à une protection juridictionnelle effective.

35      Au vu de ce qui précède et du détail des prestations du conseil de la Fondation figurant au dossier, il y a donc lieu d’écarter celles qui sont antérieures au dépôt de la requête devant le Tribunal, le 30 avril 2008, soit un total de 50 heures et 50 minutes, de sorte que, sous réserve de ce qui suit, seules 22 heures et 20 minutes sont susceptibles d’être prises en considération dans le cadre de la facture du 30 juillet 2008.

36      Par ailleurs, la facture du conseil de la Fondation, du 18 décembre 2009, complétant celle du 30 juillet 2008, fait état de prestations à concurrence de 39 heures et 50 minutes. Or, le détail desdites prestations relatif à la période comprise entre le 31 juillet 2008 et le 18 décembre 2009 ne s’élève qu’à 27 heures et 50 minutes, desquels il convient encore de déduire une prestation d’une heure, du 5 juin 2009, que la Fondation a reconnu ne pas être liée à l’affaire au principal.

37      Aucune autre facture n’ayant été produite, au total, seules 49 heures et 10 minutes facturées par le conseil de la Fondation sont donc a priori susceptibles d’être prises en considération

38      Il convient cependant de rappeler que le juge n’est pas lié par le décompte produit par la partie qui entend récupérer les dépens, mais qu’il lui appartient de tenir seulement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure (ordonnances Schönberger/Parlement, F‑7/08 DEP, EU:F:2010:32, point 29, et Missir Mamachi di Lusignano/Commission, F‑50/09 DEP, EU:F:2012:147, point 21).

39      La Fondation fait valoir, à cet égard, que l’affaire au principal constituait une affaire complexe impliquant la fourniture de conseils juridiques détaillés et nécessitant, de la part de son conseil, « l’obligation d’accepter des instructions de la part de tout un éventail de personnes ayant acquis une certaine expertise ».

40      Cependant, la mention « Prise d’instructions et rédaction de projets » figurant à 23 reprises dans le détail des prestations du conseil de la Fondation, pour la période postérieure à l’introduction de la requête, ne constitue qu’une formulation en termes généraux, plaçant le Tribunal dans une situation d’appréciation nécessairement stricte du caractère objectivement indispensable desdites prestations (voir, en ce sens, ordonnance Marcuccio/Commission, T‑126/11 P‑DEP, EU:T:2014:171, point 38). Il en va de même des indications figurant dans la présente demande de taxation des dépens, selon lesquelles le conseil de la Fondation aurait été amené à « rédiger les observations nécessaires » et à « fournir à la Fondation tous les conseils d’ordre général ».

41      En outre, le Tribunal n’aperçoit pas ce qui distingue la rédaction de « la réponse à la requête de M. Buschak » et la rédaction d’« un mémoire en défense » également mentionnées dans la présente demande de taxation des dépens.

42      Par ailleurs, comme il a été constaté aux points 32 et 35 ci-dessus, dans l’affaire au principal, la réponse à la réclamation de M. Buschak a été établie avec l’assistance du conseil de la Fondation. Dans ces conditions, il y a lieu de faire application de la jurisprudence selon laquelle, lorsque les avocats d’une partie ont déjà assisté celle-ci au cours de procédures ou de démarches qui ont précédé le litige au principal s’y rapportant, il convient de tenir compte du fait que ces avocats disposent d’une connaissance d’éléments pertinents pour le litige qui est de nature à avoir facilité leur travail et réduit le temps de préparation nécessaire pour la procédure contentieuse (ordonnance Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, point 43). Ne pas appliquer cette jurisprudence en l’espèce conduirait à surévaluer les honoraires réclamés pour les prestations « indispensables » de la phase contentieuse et, par répercussion, permettrait ainsi à la Fondation de comptabiliser indirectement les prestations accomplies par son conseil avant le dépôt par M. Buschak de la requête au principal, prestations ne pouvant pas être considérées comme ayant été fournies « aux fins de la procédure », comme cela a été exposé au point 34 ci-dessus.

43      La Fondation justifie également le montant réclamé pour les honoraires d’avocat par des frais de traduction qu’elle aurait dû assumer.

44      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 257, sixième alinéa, TFUE, de l’article 64 du statut de la Cour et de l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe I dudit statut, les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne relatives au régime linguistique sont applicables au Tribunal. Or, il ressort de l’article 35, paragraphes 1 à 3, de ce règlement de procédure que la partie requérante a le droit de choisir la langue de procédure. Ces dispositions ont notamment pour objet de protéger la position d’une partie qui entend contester la légalité d’un acte administratif adopté par les institutions de l’Union, quelle que soit la langue utilisée à cette fin par l’institution concernée (voir, en ce sens, ordonnance BP Chemicals/Commission, T‑11/95, EU:T:1996:91, point 9).

45      Par ailleurs, l’article 1er du règlement (CEE) no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385) désignait, à l’époque du recours au principal, 23 langues non seulement comme langues officielles, mais également comme langues de travail des institutions de l’Union (arrêt Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, points 67 et 81). En outre, si l’article 6 du règlement no 1 prévoit que les institutions peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs, la Fondation ne prétend pas que de telles modalités lui auraient été applicables et que celles-ci justifieraient, en l’espèce, le remboursement de frais de traduction.

46      De plus, l’article 20, paragraphe 2, sous d), TFUE et l’article 41, paragraphe 4, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaissent à toute personne le droit de s’adresser aux institutions, organes et organismes de l’Union dans l’une des langues des traités et de recevoir une réponse dans la même langue. Or, si ces dispositions ne régissent pas l’emploi des langues au sein desdites institutions, organes et organismes (voir, en ce sens, ordonnance BI/Cedefop, F‑31/11, EU:F:2012:28, point 18) et que leur application dans les relations d’emploi au sein de la fonction publique européenne n’est pas évidente, il y a lieu d’observer que M. Buschak n’était plus agent de la Fondation lorsqu’il a introduit son recours au principal et que, par ce recours, il a extériorisé le différend l’opposant à cette dernière.

47      Enfin, il ne saurait être déduit de l’article 94, sous b), du règlement de procédure qu’une partie serait en droit d’exiger le remboursement des frais de traduction qu’elle a exposés. En effet, cette disposition vise uniquement le remboursement de frais de traduction qui ont été exposés par le Tribunal à la demande d’une partie et qui sont considérés comme extraordinaires par le greffier, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance De Nicola/BEI, T‑7/98 DEP, T‑208/98 DEP et T‑109/99 DEP, EU:T:2004:217, point 41).

48      Il découle de ce qui précède que M. Buschak avait le choix de la langue de procédure devant le Tribunal indépendamment de la ou des langues de travail de la Fondation et qu’il incombait à cette dernière de s’adapter à ce choix sans lui en faire supporter finalement la charge.

49      Il s’ensuit que les frais de traduction dont la Fondation demande le remboursement ne sauraient être pris en considération dans la taxation des dépens.

50      La Fondation inclut aussi dans sa demande de remboursement d’honoraires la préparation des plaidoiries et l’établissement des copies de ces plaidoiries. Dans la mesure où il n’y a pas eu d’audience, il ne saurait toutefois être tenu compte de ces prestations.

51      En revanche, il y a lieu d’observer que la procédure au principal a comporté deux échanges de mémoires et que le cadre factuel du litige était, pour une affaire de fonction publique, assez complexe. De plus, les écrits de procédure du requérant étaient relativement touffus. De surcroît, si la longueur des écrits de procédure ne saurait en principe être analysée comme impliquant nécessairement que l’affaire nécessitait objectivement une grande quantité de travail (ordonnance Suvikas/Conseil, F‑6/07 DEP, EU:F:2009:74, point 26), force est de constater qu’en l’espèce la requête au principal comportait 56 pages, soit largement plus que la longueur moyenne des requêtes dans le contentieux de la fonction publique déposées à l’époque. Il ressort au demeurant du courrier de l’avocat de M. Buschak adressé au Tribunal le 30 avril 2008, déjà cité au point 30 ci-dessus, que celui-ci était conscient de cette longueur.

52      Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il sera fait une juste appréciation du travail indispensable aux fins de la procédure au principal en fixant le nombre d’heures de travail du conseil de la Fondation à 35 heures.

53      S’agissant du tarif horaire à retenir, les tarifs horaires retenus par la Fondation, à savoir 420 euros, puis 444 euros, apparaissent manifestement excessifs. Le Tribunal ne saurait davantage, s’agissant d’une affaire de fonction publique, retenir le taux horaire de 285 euros admis par le Tribunal de l’Union européenne dans l’ordonnance AWWW/FEACVT (EU:T:2011:415, point 25) évoquée par la Fondation dans sa demande de remboursement du 22 mai 2012 ainsi que dans la présente demande de taxation. Dans les circonstances de l’espèce, un tarif horaire de 250 euros peut être retenu comme reflétant la rémunération raisonnable du conseil de la Fondation.

54      Dans ces conditions, les honoraires d’avocat indispensables exposés par la Fondation dans le cadre de la procédure au principal doivent être évalués à la somme de 8 750 euros, soit 35 heures multipliées par 250 euros.

 Sur les dépens engagés au titre de la procédure de taxation des dépens

55      Si l’article 92 du règlement de procédure relatif à la procédure de contestation sur les dépens ne prévoit pas, à la différence de l’article 86 dudit règlement pour ce qui est des arrêts ou des ordonnances mettant fin à une instance, qu’il soit statué sur les dépens de la procédure de taxation dans l’ordonnance de taxation des dépens, force est de constater que, si, dans le cadre d’un recours présenté sur le fondement de l’article 92 du règlement de procédure sur la contestation des dépens d’une instance principale, le Tribunal statuait sur les dépens objets de la contestation et, séparément, sur les nouveaux dépens exposés dans le cadre du recours en contestation de dépens, il pourrait, le cas échéant, être saisi ultérieurement d’une nouvelle contestation des nouveaux dépens.

56      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais et honoraires exposés aux fins de la présente procédure (ordonnance Schönberger/Parlement, EU:F:2010:32, point 46).

57      Néanmoins, il appartient au Tribunal, lorsqu’il fixe le montant des dépens récupérables, de tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de l’ordonnance de taxation des dépens.

58      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le conseil de la Fondation a rédigé la demande de taxation des dépens et que, si la dernière proposition de M. Buschak, présentée le 23 septembre 2012, était inférieure au montant des honoraires d’avocat jugés indispensables tels que fixés par la présente ordonnance, la demande initiale de récupération des dépens présentée par la Fondation le 30 mars 2011 était quant à elle manifestement excessive. Dans ces conditions, le Tribunal estime que seul un montant de 500 euros peut être regardé comme des dépens indispensables au sens de l’article 91 du règlement de procédure.

59      Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des dépens récupérables par la Fondation auprès au titre de l’affaire F‑47/08 s’élève à 9 250 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par M. Buschak à la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail au titre des dépens récupérables dans l’affaire F‑47/08, Buschak/FEACVT, est fixé à 9 250 euros.

Fait à Luxembourg, le 25 juin 2014.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.

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