ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

19 octobre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 207/2009 – Marque de l’Union européenne – Article 109, paragraphe 1 – Actions civiles sur la base de marques de l’Union européenne et de marques nationales – Litispendance – Notion de “mêmes faits” – Utilisation du terme “Merck” dans des noms de domaines et sur des plateformes de médias sociaux sur Internet – Action fondée sur une marque nationale suivie d’une action fondée sur une marque de l’Union européenne – Dessaisissement – Étendue »

Dans l’affaire C‑231/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne), par décision du 14 avril 2016, parvenue à la Cour le 25 avril 2016, dans la procédure

Merck KGaA

contre

Merck & Co. Inc.,

Merck Sharp & Dohme Corp.,

MSD Sharp & Dohme GmbH,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, M. A. Rosas, Mmes C. Toader, A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 février 2017,

considérant les observations présentées :

pour Merck KGaA, par Mes S. Völker et M. Pemsel, Rechtsanwälte,

pour Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme Corp. ainsi que MSD Sharp & Dohme GmbH, par Mes A. Bothe, Y. Draheim et P. Fromlowitz, Rechtsanwälte,

pour la Commission européenne, par MM. T. Scharf et M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 109, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Merck KGaA à Merck & Co. Inc., à Merck Sharp & Dohme Corp. et à MSD Sharp & Dohme GmbH au sujet de ses demandes de mesures d’interdiction du fait de l’utilisation, par ces dernières sociétés, du terme « MERCK » dans des noms de domaines et sur des plateformes de médias sociaux sur Internet ainsi que dans des dénominations commerciales, tant en Allemagne qu’ailleurs au sein de l’Union européenne.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 44/2001

3

Le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), a remplacé, dans les relations entre les États membres, la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32).

4

Le considérant 15 du règlement no 44/2001 énonçait :

« Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres. Il importe de prévoir un mécanisme clair et efficace pour résoudre les cas de litispendance [...] »

5

L’article 27 dudit règlement, qui figurait sous la section 9 du chapitre II de celui-ci, intitulée « Litispendance et connexité », prévoyait :

« 1.   Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

2.   Lorsque la compétence du tribunal premier saisi est établie, le tribunal saisi en second lieu se dessaisit en faveur de celui-ci. »

Le règlement no 207/2009

6

Les considérants 3 et 15 à 17 du règlement no 207/2009 énoncent :

« (3)

Pour poursuivre les objectifs [...] de [l’Union], il apparaît nécessaire de prévoir un régime [...] des marques [de l’Union européenne] conférant aux entreprises le droit d’acquérir, selon une procédure unique, des marques [de l’Union européenne] qui jouissent d’une protection uniforme et produisent leurs effets sur tout le territoire de [l’Union]. Le principe du caractère unitaire de la marque [de l’Union européenne] ainsi exprimé devrait s’appliquer sauf disposition contraire du présent règlement.

[...]

(15)

Pour renforcer la protection des marques [de l’Union européenne], il convient que les États membres désignent, eu égard à leur système national, un nombre aussi limité que possible de tribunaux nationaux de première et de deuxième instance compétents en matière de contrefaçon et de validité de la marque [de l’Union européenne].

(16)

Il est indispensable que les décisions sur la validité et la contrefaçon des marques [de l’Union européenne] produisent effet et s’étendent à l’ensemble de [l’Union européenne], seul moyen d’éviter des décisions contradictoires des tribunaux et de l’[Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)], et des atteintes au caractère unitaire des marques [de l’Union européenne]. Ce sont les dispositions du [règlement no 44/2001] qui devraient s’appliquer à toutes les actions en justice relatives aux marques [de l’Union européenne], sauf si le présent règlement y déroge.

(17)

Il convient d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et de marques nationales parallèles. À cet effet, lorsque les actions sont formées dans le même État membre, les moyens pour atteindre cet objectif sont à rechercher dans les règles de procédure nationales, auxquelles le présent règlement ne porte pas atteinte, alors que, lorsque les actions sont formées dans des États membres différents, des dispositions inspirées des règles en matière de litispendance et de connexité du [règlement no 44/2001] apparaissent appropriées. »

7

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 dispose :

« La marque [de l’Union européenne] a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de [l’Union] : elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de [l’Union]. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement. »

8

L’article 109 de ce règlement, intitulé « Actions civiles simultanées et successives sur la base de marques [de l’Union européenne] et de marques nationales », qui figure sous la section 1 du titre XI dudit règlement, intitulée « Actions civiles sur la base de plusieurs marques », prévoit, à son paragraphe 1, sous a) :

« Lorsque des actions en contrefaçon sont formées pour les mêmes faits entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents saisies l’une sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et l’autre sur la base d’une marque nationale :

a)

la juridiction saisie en second lieu doit, même d’office, se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie lorsque les marques en cause sont identiques et valables pour des produits ou services identiques. La juridiction qui devrait se dessaisir peut surseoir à statuer si la compétence de l’autre juridiction est contestée ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

La requérante au principal, Merck, est une entreprise chimique et pharmaceutique qui, selon la décision de renvoi, emploie environ 40000 personnes et exerce son activité dans 67 États à travers le monde.

10

La première défenderesse au principal, Merck & Co., est la société-mère, cotée en bourse, de la deuxième défenderesse au principal, Merck Sharp & Dohme, qui commercialise principalement des médicaments et des vaccins ainsi que des produits cosmétiques et de soin. Selon la décision de renvoi, Merck Sharp & Dohme est en charge des activités opérationnelles du groupe et, en particulier, de sa visibilité sur Internet, notamment par la publication d’informations intéressant ses actionnaires. La troisième défenderesse au principal, MSD Sharp & Dohme, est une filiale allemande de Merck & Co.

11

La requérante et les défenderesses au principal faisaient initialement partie du même groupe de sociétés. Depuis l’année 1919, elles sont toutefois totalement distinctes.

12

Il ressort de la décision de renvoi que Merck est titulaire de la marque nationale MERCK, enregistrée au Royaume-Uni. Elle est également titulaire de la marque verbale de l’Union européenne MERCK, pour des produits qui relèvent des classes 5, 9, et 16, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et pour des services qui relèvent de la classe 42 de cet arrangement.

13

Plusieurs accords ont été successivement conclus entre, d’une part, la société aux droits de laquelle est venue Merck et, d’autre part, la société aux droits de laquelle est venue Merck Sharp & Dohme. Ces accords, dont le dernier en date est encore en vigueur, prévoyaient des règles quant à l’utilisation, par Merck Sharp & Dohme, en Allemagne ainsi que dans d’autres États, de marques de Merck.

14

À partir du site Internet www.merck.com des défenderesses au principal, tout utilisateur en Allemagne ou dans un autre État membre est conduit, au moyen notamment de liens, vers des sites subordonnés qui ont également des contenus reflétant la présence sur Internet des défenderesses au principal, tels que www.merckengage.com, www.merckvaccines.com ou www.merck-animal-health.com. Sur ces sites Internet, la diffusion des informations n’est pas ciblée géographiquement, de telle sorte que tous les contenus sont accessibles sous la même forme dans le monde entier.

15

À côté de leurs noms de domaines sur Internet, Merck & Co. et Merck Sharp & Dohme ont mis en place d’autres formes de visibilité sur Internet, sur plusieurs plateformes de médias sociaux.

16

Le 8 mars 2013, la requérante au principal a saisi la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery, Royaume-Uni], d’un recours basé sur sa marque nationale et dirigé notamment contre Merck & Co. et Merck Sharp & Dohme, pour une prétendue contrefaçon en raison de l’utilisation du terme « Merck » au Royaume-Uni.

17

Le 11 mars 2013, la requérante au principal a également saisi le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) d’un recours, basé sur la marque de l’Union européenne dont elle est titulaire, contre les mêmes défenderesses, mais également contre MSD Sharp & Dohme.

18

Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la requérante au principal estime que le fait que des sites Internet des défenderesses au principal, dont elle a produit des captures d’écran, soient accessibles dans l’Union, et donc aussi en Allemagne, sans ciblage géographique de la diffusion, porte atteinte à ses droits de marque.

19

Par mémoires des 11 novembre 2014, 12 mars, 10 septembre et 22 décembre 2015, la requérante au principal a modifié ses chefs de demandes devant la juridiction de renvoi et a déclaré qu’elle se désistait de son recours dans la mesure où les demandes concernent le territoire du Royaume-Uni. Ce désistement a été contesté par les défenderesses au principal.

20

Les défenderesses au principal estiment que le recours pendant devant la juridiction de renvoi est irrecevable au regard de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, à tout le moins dans la mesure où il concerne le moyen tiré de la contrefaçon de la marque de l’Union européenne de la requérante au principal dans toute l’Union. Le désistement partiel formulé par cette dernière serait sans incidence à cet égard.

21

Le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) relève que l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 semble exclure toute limitation de la portée territoriale d’un éventuel dessaisissement de la juridiction saisie en second lieu, dans des circonstances telles que celles en cause au principal. Il éprouve toutefois des doutes à cet égard.

22

Dans ce contexte, le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le maintien et l’exploitation d’une présence sur Internet accessible sous un même domaine de façon identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] – en raison de laquelle des actions en contrefaçon ont été formées entre les mêmes parties devant les juridictions de différents États membres, un tribunal étant saisi pour contrefaçon d’une marque de l’Union européenne et l’autre pour contrefaçon d’une marque nationale, rentrent-ils dans la notion de “mêmes faits” figurant à l’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] ?

2)

Le maintien et l’exploitation de contenus sur Internet sous les domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com”, accessibles de façon identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] – toujours sous le même nom d’utilisateur pour ce qui est de chacun des domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com”, en raison desquels des actions en contrefaçon ont été formées entre les mêmes parties devant les juridictions de différents États membres, un tribunal étant saisi pour contrefaçon d’une marque de l’Union européenne et l’autre pour contrefaçon d’une marque nationale, rentrent-ils dans la notion de “mêmes faits” figurant à l’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] ?

3)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] impose-t-il à la “juridiction saisie en second lieu” dans un État membre d’une “action en contrefaçon” pour atteinte à une marque de l’Union européenne du fait du maintien d’une présence sur Internet sous un même domaine, accessible de façon identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] –, devant laquelle sont invoqués des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de tout État membre, en vertu de l’article 97, paragraphe 2, et de l’article 98, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009], de ne se dessaisir qu’en ce qui concerne le territoire de l’autre État membre dans lequel une juridiction a été saisie en premier lieu d’une action en contrefaçon d’une marque nationale identique à la marque de l’Union européenne invoquée devant la “juridiction saisie en second lieu”, et protégée pour des produits identiques, du fait du maintien et de l’exploitation d’une présence sur Internet sous un même domaine, accessible de façon identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] –, et ce en raison de cette double identité, ou bien la “juridiction saisie en second lieu” doit-elle, au vu d’une telle double identité, se déclarer incompétente pour connaître de l’ensemble des demandes portées devant elle en application de l’article 97, paragraphe 2, et de l’article 98, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] et fondées sur des faits de contrefaçons commis ou menaçant d’être commis dans tout État membre et donc dans l’Union [...] ?

4)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] impose-t-il à la “juridiction saisie en second lieu” dans un État membre d’une “action en contrefaçon” pour atteinte à une marque de l’Union européenne du fait du maintien et de l’exploitation de contenus sur Internet sous les domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com” accessibles de façon identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] –, toujours sous le même nom d’utilisateur en ce qui concerne chacun des domaines “facebook.com”, et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com”, devant laquelle sont invoqués des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis dans tout État membre en vertu de l’article 97, paragraphe 2, et de l’article 98, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009], de ne se dessaisir qu’en ce qui concerne le territoire de l’autre État membre dans lequel une juridiction a été saisie en premier lieu pour contrefaçon d’une marque identique à la marque de l’Union européenne invoquée devant la juridiction saisie en second lieu et protégée pour des produits identiques, du fait du maintien et de l’exploitation de contenus sur Internet sous les domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com” accessibles de manière identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] – avec toujours le même nom d’utilisateur pour chacun des domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com”, et ce en raison de cette double identité, ou bien la “juridiction saisie en second lieu” doit-elle, au vu d’une telle double identité, se déclarer incompétente pour connaître de l’ensemble des demandes portées devant elle en vertu de l’article 97, paragraphe 2, et de l’article 98, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009], fondées sur des faits de contrefaçon commis, ou menaçant d’être commis dans tout État membre et donc dans l’Union [...] ?

5)

Faut-il considérer que fait obstacle à une déclaration d’incompétence de la part de la juridiction “saisie en second lieu” en application de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009], en raison de la double identité, le désistement d’une action en contrefaçon formée devant elle pour contrefaçon d’une marque de l’Union européenne du fait du maintien et de l’exploitation d’une présence sur Internet sous le même domaine, accessible de façon identique dans le monde entier – et donc dans l’Union [...] –, si elle a d’abord été saisie de demandes en vertu de l’article 97, paragraphe 2, et de l’article 98, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] fondées sur des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis dans tout État membre, ce désistement entendant jouer pour le territoire de l’autre État membre dans lequel une juridiction a été saisie “en premier lieu” d’une action en contrefaçon d’une marque nationale identique à la marque de l’Union européenne invoquée devant la juridiction “saisie en second lieu” et protégée pour des produits identiques, du fait du maintien et de l’exploitation d’une présence sur Internet sous le même domaine, accessible de façon identique dans le monde entier – et donc dans l’Union [...] ?

6)

Faut-il considérer que fait obstacle à une déclaration d’incompétence de la part de la juridiction “saisie en second lieu” en application de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009], en raison de la double identité, le désistement d’une action en contrefaçon formée devant elle pour contrefaçon d’une marque de l’Union européenne du fait du maintien et de l’exploitation de contenus sur Internet sous les domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com” accessibles de manière identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] – avec toujours le même nom d’utilisateur pour chacun des domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com”, si elle a d’abord été saisie de demandes en vertu de l’article 97, paragraphe 2, et de l’article 98, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] fondées sur des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis dans tout État membre, ce désistement entendant jouer pour le territoire de l’autre État membre dans lequel une juridiction a été saisie “en premier lieu” d’une action en contrefaçon d’une marque nationale identique à la marque de l’Union européenne invoquée devant la juridiction “saisie en second lieu” et protégée pour des produits identiques, du fait du maintien et de l’exploitation de contenus sur Internet sous les domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com” accessibles de manière identique dans le monde entier – et donc aussi dans l’Union [...] – avec toujours le même nom d’utilisateur pour chacun des domaines “facebook.com” et/ou “youtube.com” et/ou “twitter.com” ?

7)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 207/2009] implique-t-il que la formule “lorsque les marques en cause sont identiques et valables pour des produits ou services identiques” ne donne lieu à une incompétence de la juridiction “saisie en second lieu” en cas d’identité des marques que dans la mesure où la marque de l’Union européenne et la marque nationale concernées ont été enregistrées pour les mêmes produits et/ou services, ou bien la juridiction “saisie en second lieu” est-elle totalement incompétente même dans le cas où la marque de l’Union européenne invoquée devant elle est protégée pour d’autres produits et/ou services pour lesquels la marque nationale n’est pas protégée et pour lesquels il est envisageable qu’ils sont concernés par des actes identiques ou similaires aux actes litigieux ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

23

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, relative à l’existence de « mêmes faits », est remplie lorsque des actions en contrefaçon, fondées, pour la première, sur une marque nationale, concernant une contrefaçon alléguée sur le territoire d’un État membre, et, pour la seconde, sur une marque de l’Union européenne, concernant une contrefaçon alléguée sur l’ensemble du territoire de l’Union, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents.

24

Aux termes de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lorsque des actions en contrefaçon sont formées pour les mêmes faits entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents saisies l’une sur la base d’une marque de l’Union européenne et l’autre sur la base d’une marque nationale, la juridiction saisie en second lieu doit, même d’office, se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie lorsque les marques en cause sont identiques et valables pour des produits ou des services identiques.

25

Le libellé de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ne précise pas ce qu’il y a lieu d’entendre par les termes « mêmes faits », visés à cette disposition.

26

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui, comme en l’occurrence, ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêts du 26 mai 2016, Envirotec Denmark, C‑550/14, EU:C:2016:354, point 27, et du 18 mai 2017, Hummel Holding, C‑617/15, EU:C:2017:390, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

27

D’emblée, il convient de souligner que la portée de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ne saurait être appréciée sur la base d’une interprétation exclusivement textuelle de cette disposition, en raison de l’existence de divergences entre les diverses versions linguistiques de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor, C‑528/15, EU:C:2017:213, point 32 et jurisprudence citée).

28

En effet, tandis que certaines versions linguistiques, à l’instar des versions en langues espagnole, française et slovène, se réfèrent à des actions en contrefaçon formées « pour les mêmes faits », d’autres versions linguistiques, telles que les versions en langues anglaise et lituanienne, renvoient à des actions formées pour la « même cause » ou encore, à l’instar de la version en langue danoise, à des actions ayant le même « objet » et la même « cause ».

29

S’agissant du contexte de la disposition en cause, il convient de relever, d’une part, que, ainsi qu’il ressort du considérant 17 du règlement no 207/2009, l’article 109 dudit règlement s’inspire des règles en matière de litispendance du règlement no 44/2001, dont l’article 27 prévoit, à son paragraphe 1, que lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie et, à son paragraphe 2, que lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci.

30

D’autre part, il y a lieu de souligner le caractère de lex specialis des règles de procédure prévues par le règlement no 207/2009, par rapport aux règles de procédure comprises dans le règlement no 44/2001. Ainsi, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, les dispositions du règlement no 44/2001 sont, à moins que le règlement no 207/2009 n’en dispose autrement, applicables aux procédures concernant les marques de l’Union européenne ainsi qu’aux procédures concernant les actions simultanées ou successives menées sur la base de marques de l’Union européenne et de marques nationales, ce qui plaide pour une interprétation cohérente des notions comprises dans ces instruments.

31

Pour ce qui concerne la finalité de l’article 109, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il convient de relever que, selon son considérant 17, ledit règlement a pour objectif d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque de l’Union européenne et de marques nationales parallèles.

32

Or, cette finalité correspond à l’un des objectifs du règlement no 44/2001, qui est notamment, selon le considérant 15 de ce règlement, de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres.

33

Il y a dès lors lieu de considérer que la condition relative à l’existence de « mêmes faits », au sens de l’article 109, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, doit recevoir une interprétation analogue à celle qui a été donnée par la Cour à la condition relative à l’existence de demandes ayant « le même objet et la même cause », au sens de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 44/2001.

34

Il y a d’ailleurs lieu de faire observer, à cet égard, que les versions en langue anglaise de ces dispositions utilisent, s’agissant de la condition relative à l’identité de l’objet des demandes, des termes identiques.

35

Il résulte des considérations qui précèdent que, aux fins de déterminer si, dans le cadre de l’application de l’article 109, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, la condition tenant à l’existence de « mêmes faits » est satisfaite, il convient, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué aux points 49 et 50 de ses conclusions, de déterminer si les actions en contrefaçon visées à l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ont la même cause et le même objet.

36

Selon la jurisprudence relative à l’article 21 de la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 27 septembre 1968, dont l’interprétation fournie par la Cour vaut également pour l’article 27 du règlement no 44/2001, la « cause » comprend les faits et la règle juridique invoqués comme fondement de la demande (voir, par analogie, arrêts du 6 décembre 1994, Tatry, C‑406/92, EU:C:1994:400, point 39, ainsi que du 22 octobre 2015, Aannemingsbedrijf Aertssen et Aertssen Terrassements, C‑523/14, EU:C:2015:722, point 43).

37

En l’occurrence, d’une part, il y a lieu de considérer, à l’instar de M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, que des actions civiles successives sur la base de marques de l’Union européenne et de marques nationales doivent être considérées, aux fins de l’application de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, comme ayant le même fondement, dès lors qu’elles reposent sur les droits exclusifs découlant de marques identiques. Si l’action formée devant la juridiction première saisie a pour fondement une marque nationale, tandis que l’action formée devant la juridiction saisie en second lieu a pour fondement une marque de l’Union européenne, une telle circonstance est inhérente à la règle de litispendance prévue à l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

38

D’autre part, s’agissant des faits, il ressort de la décision de renvoi que les actions intentées, respectivement, devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery], et devant le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) concernent l’utilisation du terme « Merck » dans des noms de domaines et sur des plateformes de médias sociaux sur Internet, qui sont accessibles depuis le monde entier. Il apparaît, dès lors, que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la condition relative à l’identité de faits se trouve, à l’instar de celle relative à l’identité de cause, remplie en l’espèce.

39

Quant à l’« objet », la Cour a précisé qu’il consiste dans le but de la demande (voir, par analogie, arrêts du 6 décembre 1994, Tatry, C‑406/92, EU:C:1994:400, point 41, et du 8 mai 2003, Gantner Electronic, C‑111/01, EU:C:2003:257, point 25), la notion d’« objet » ne pouvant être restreinte à l’identité formelle des deux demandes (voir, par analogie, arrêt du 8 décembre 1987, Gubisch Maschinenfabrik, 144/86, EU:C:1987:528, point 17).

40

Il convient à cet égard de tenir compte des prétentions respectives des demandeurs dans chacun des litiges (voir, par analogie, arrêt du 14 octobre 2004, Mærsk Olie & Gas, C‑39/02, EU:C:2004:615, point 36).

41

En l’occurrence, force est de constater que les actions intentées, respectivement, devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery], et devant le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) concernent des prétentions qui ne coïncident que partiellement. En effet, quand bien même les actions sont relatives à l’utilisation du terme « Merck » dans des noms de domaines et sur des plateformes de médias sociaux sur Internet dont les contenus sont accessibles sous la même forme dans le monde entier, il importe de relever que l’action formée devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery], qui repose sur les droits résultant d’une marque enregistrée au Royaume-Uni, vise à interdire l’utilisation du terme « Merck » sur le territoire du Royaume-Uni, tandis que l’action formée devant le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg), qui repose sur les droits découlant d’une marque de l’Union européenne, vise à interdire l’utilisation dudit terme sur le territoire de l’Union.

42

Or, eu égard à l’objectif de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, rappelé au point 31 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que les actions intentées respectivement devant les juridictions mentionnées au point précédent ne doivent, aux fins de l’application de cette disposition, être considérées comme ayant le même objet que dans la mesure où les contrefaçons alléguées concernent le même territoire.

43

Toute autre interprétation aurait pour conséquence que les possibilités pour le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a formé au préalable une action en contrefaçon sur la base d’une marque nationale identique, à l’encontre d’un contrefacteur allégué, devant une juridiction d’un État membre compétente pour statuer sur une contrefaçon limitée au territoire du seul État membre en cause, de faire valoir les droits qu’il tient d’une marque de l’Union européenne sur le territoire des autres États membres, seraient indûment restreintes. Une telle interprétation méconnaîtrait l’objectif, mentionné au considérant 15 du règlement no 207/2009, de renforcer la protection des marques de l’Union européenne.

44

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, relative à l’existence de « mêmes faits », est remplie lorsque des actions en contrefaçon, fondées respectivement sur une marque nationale et sur une marque de l’Union européenne, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, dans la seule mesure où ces actions concernent une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres.

Sur les troisième et quatrième questions

45

Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où des actions en contrefaçon, fondées, pour la première, sur une marque nationale, concernant une contrefaçon alléguée sur le territoire d’un État membre, et, pour la seconde, sur une marque de l’Union européenne, concernant une contrefaçon alléguée sur l’ensemble du territoire de l’Union, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir de l’action en contrefaçon portée devant elle dans son ensemble ou doit uniquement se dessaisir de la partie du litige relative au territoire de l’État membre visé par l’action en contrefaçon portée devant la juridiction première saisie.

46

Il y a lieu de relever que le libellé de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ne précise pas, dans l’hypothèse où des actions en contrefaçon sont formées pour des mêmes faits entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents saisies l’une sur la base d’une marque de l’Union européenne et l’autre sur la base d’une marque nationale, l’étendue du dessaisissement de la juridiction saisie en second lieu en faveur de la juridiction première saisie.

47

Il ressort toutefois de la finalité de l’article 109 du règlement no 207/2009, rappelée au point 31 du présent arrêt, et de la réponse aux première et deuxième questions, que le dessaisissement prévu au paragraphe 1, sous a), de cet article ne doit intervenir que dans la mesure où les actions portées devant lesdites juridictions sont formées pour les mêmes faits (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 1994, Tatry, C‑406/92, EU:C:1994:400, points 33 et 34).

48

Or, la condition relative à l’existence de « mêmes faits », au sens de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, est remplie lorsque des actions en contrefaçon, fondées respectivement sur une marque nationale et sur une marque de l’Union européenne, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, dans la seule mesure où celles-ci concernent une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres.

49

Certes, ainsi que l’ont relevé les défenderesses au principal, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, la marque de l’Union européenne a un caractère unitaire. Produisant les mêmes effets dans l’ensemble de l’Union, elle ne peut, conformément à cette disposition, et sauf disposition contraire du même règlement, être enregistrée ou transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de l’Union. En outre, il résulte du considérant 3 du règlement no 207/2009 que l’objectif poursuivi par celui-ci consiste dans l’établissement d’un régime des marques de l’Union européenne qui jouissent d’une protection uniforme et produisent leurs effets sur tout le territoire de l’Union. Enfin, selon le considérant 16 de ce règlement, il est indispensable que les effets des décisions sur la validité et la contrefaçon des marques de l’Union européenne s’étendent à l’ensemble de l’Union, afin d’éviter tant des décisions contradictoires des tribunaux et de l’EUIPO que des atteintes au caractère unitaire des marques de l’Union européenne.

50

Ainsi, en vue de garantir la protection uniforme sur tout le territoire de l’Union du droit conféré par la marque de l’Union européenne contre le risque de contrefaçon, l’interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon prononcée par un tribunal des marques de l’Union européenne compétent doit donc, en principe, s’étendre à tout le territoire de l’Union (arrêts du 12 avril 2011, DHL Express France, C‑235/09, EU:C:2011:238, point 44, et du 22 septembre 2016, combit Software, C‑223/15, EU:C:2016:719, point 30).

51

Toutefois, la portée territoriale de l’interdiction peut, dans certains cas, être limitée (arrêts du 12 avril 2011, DHL Express France, C‑235/09, EU:C:2011:238, point 46, et du 22 septembre 2016, combit Software, C‑223/15, EU:C:2016:719, point 31).

52

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 82 de ses conclusions, tel doit également être le cas dans l’hypothèse où la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir partiellement en application de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

53

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où des actions en contrefaçon, fondées, pour la première, sur une marque nationale, concernant une contrefaçon alléguée sur le territoire d’un État membre, et, pour la seconde, sur une marque de l’Union européenne, concernant une contrefaçon alléguée sur l’ensemble du territoire de l’Union, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir de la partie du litige relative au territoire de l’État membre visé par l’action en contrefaçon portée devant la juridiction première saisie.

Sur les cinquième et sixième questions

54

Par ses cinquième et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, relative à l’existence de « mêmes faits », est remplie lorsque, à la suite d’un désistement partiel par un demandeur, pour autant qu’il est valablement formé, d’une action en contrefaçon fondée sur une marque de l’Union européenne visant initialement à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire de l’Union, un tel désistement portant sur le territoire de l’État membre visé par l’action portée devant la juridiction première saisie, fondée sur une marque nationale visant à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire national, les actions en cause ne concernent plus une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres.

55

Il ressort de la décision de renvoi que les cinquième et sixième questions sont fondées sur la prémisse que l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ne permet pas à la juridiction saisie en second lieu de se dessaisir partiellement de l’action portée devant elle.

56

Or, ainsi qu’il ressort de la réponse aux première à quatrième questions, dans l’hypothèse où des actions en contrefaçon, fondées respectivement sur une marque nationale et sur une marque de l’Union européenne, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, concernant une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres et sur l’ensemble du territoire de l’Union, la juridiction saisie en second lieu ne doit se dessaisir que de la partie du litige relative au territoire de l’État membre visé par l’action en contrefaçon portée devant la juridiction première saisie.

57

Il s’ensuit que dans l’hypothèse où, à la suite d’un désistement partiel, valablement formé par un demandeur, d’une action en contrefaçon fondée sur une marque de l’Union européenne visant initialement à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire de l’Union, un tel désistement portant sur le territoire de l’État membre visé par l’action portée devant la juridiction première saisie, fondée sur une marque nationale visant à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire national, les actions en contrefaçon ne concernent plus une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres, la juridiction saisie en second lieu ne doit pas se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie.

58

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux cinquième et sixième questions que l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, relative à l’existence de « mêmes faits », n’est plus remplie lorsque, à la suite d’un désistement partiel par un demandeur, pour autant qu’il est valablement formé, d’une action en contrefaçon fondée sur une marque de l’Union européenne visant initialement à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire de l’Union, un tel désistement portant sur le territoire de l’État membre visé par l’action portée devant la juridiction première saisie, fondée sur une marque nationale visant à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire national, les actions en cause ne concernent plus une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres.

Sur la septième question

59

Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie en second lieu doit, en cas d’identité de la marque de l’Union européenne et de la marque nationale, se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie dans la seule mesure où lesdites marques sont valables pour des produits ou des services identiques ou si la juridiction saisie en second lieu est incompétente également dans l’hypothèse où la marque de l’Union européenne invoquée devant la juridiction saisie en second lieu est enregistrée pour des produits et des services supplémentaires non couverts par la marque nationale identique invoquée devant la juridiction première saisie.

60

À cet égard, il résulte du libellé de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 que cette disposition s’applique « lorsque les marques en cause sont identiques et valables pour des produits ou services identiques ».

61

Il s’ensuit que la juridiction saisie en second lieu doit, en cas d’identité de la marque de l’Union européenne et de la marque nationale, se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie dans la seule mesure où lesdites marques sont valables pour des produits ou des services identiques.

62

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la septième question que l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que, en cas d’identité des marques, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie dans la seule mesure où lesdites marques sont valables pour des produits ou des services identiques.

Sur les dépens

63

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, relative à l’existence de « mêmes faits », est remplie lorsque des actions en contrefaçon, fondées respectivement sur une marque nationale et sur une marque de l’Union européenne, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, dans la seule mesure où ces actions concernent une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres.

 

2)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où des actions en contrefaçon, fondées, pour la première, sur une marque nationale, concernant une contrefaçon alléguée sur le territoire d’un État membre, et, pour la seconde, sur une marque de l’Union européenne, concernant une contrefaçon alléguée sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir de la partie du litige relative au territoire de l’État membre visé par l’action en contrefaçon portée devant la juridiction première saisie.

 

3)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, relative à l’existence de « mêmes faits », n’est plus remplie lorsque, à la suite d’un désistement partiel par un demandeur, pour autant qu’il est valablement formé, d’une action en contrefaçon fondée sur une marque de l’Union européenne visant initialement à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire de l’Union européenne, un tel désistement portant sur le territoire de l’État membre visé par l’action portée devant la juridiction première saisie, fondée sur une marque nationale visant à interdire l’utilisation de cette marque sur le territoire national, les actions en cause ne concernent plus une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques sur le territoire des mêmes États membres.

 

4)

L’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que, en cas d’identité des marques, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie dans la seule mesure où lesdites marques sont valables pour des produits ou des services identiques.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.