ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

7 juillet 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel ? Transport — Directive 2003/59/CE ? Obligation de qualification initiale — Article 4 — Droits acquis — Titulaires des permis de conduire délivrés avant les dates prévues à l’article 4 ? Exemption de l’obligation de qualification initiale ? Réglementation nationale fixant une exigence supplémentaire de formation continue préalable d’une durée de 35 heures pour bénéficier de ladite exemption»

Dans l’affaire C‑447/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský soud v Ostravě (cour régionale d’Ostrava, République tchèque), par décision du 16 juillet 2015, parvenue à la Cour le 18 août 2015, dans la procédure

Ivo Muladi

contre

Krajský úřad Moravskoslezského kraje,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. D. Šváby (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Hottiaux et Z. Malůšková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 2003/59/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2003, relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs, modifiant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil ainsi que la directive 91/439/CEE du Conseil et abrogeant la directive 76/914/CEE du Conseil (JO 2003, L 226, p. 4).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Ivo Muladi au Krajský úřad Moravskoslezského kraje (autorité régionale de la région de Moravie-Silésie, République tchèque, ci-après l’« autorité régionale ») au sujet de la délivrance d’une carte d’aptitude professionnelle de conducteur.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 76/914/CEE

3

L’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 76/914/CEE du Conseil, du 16 décembre 1976, concernant le niveau minimal de la formation de certains conducteurs de véhicules de transport par route (JO 1976, L 357, p. 36), dispose :

« 1.   Le niveau minimal de formation visé à l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième tiret, du règlement (CEE) no 543/69 pour le conducteur de véhicules de transport de marchandises par route et au paragraphe 2, sous c), dudit article pour le conducteur de véhicules de transport de voyageurs par route est reconnu à toute personne qui est titulaire du permis de conduire national approprié et a acquis une formation professionnelle portant au moins sur les matières visées dans l’annexe à la présente directive.

[…]

3.   Les États membres peuvent exiger des conducteurs effectuant sur leur territoire des transports nationaux, ainsi que des conducteurs effectuant des transports internationaux à bord de véhicules qu’ils ont immatriculés, l’acquisition d’une formation plus large que celle prévue à l’annexe. Il peut s’agir soit d’une formation déjà organisée dans un État membre, soit d’une formation qu’un État membre décide d’introduire pour l’avenir. »

4

Conformément à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2003/59, la directive 76/914 a été abrogée avec effet au 10 septembre 2009.

La directive 2003/59

5

Les considérants 2, 4, 5, 7, 10, 11 et 14 de la directive 2003/59 énoncent :

« (2)

Étant donné que les dispositions du règlement (CEE) no 3820/85 susvisées s’appliquent à un très faible pourcentage de conducteurs et qu’actuellement une formation obligatoire de conducteur n’est prévue que par quelques États membres, la majorité des conducteurs qui conduisent, à ce jour, sur le territoire de la Communauté, exercent leur métier sur la seule base du permis de conduire.

[…]

(4)

La fixation d’une nouvelle réglementation communautaire vise à assurer la qualité du conducteur à travers sa qualification tant pour l’accès à l’activité de conduite que pour la poursuite de celle-ci.

(5)

Plus particulièrement l’obligation d’une qualification initiale et d’une formation continue vise à améliorer la sécurité routière et la sécurité du conducteur, y compris lors des opérations effectuées par le conducteur avec le véhicule à l’arrêt. En outre, la modernité de l’emploi de conducteur devrait susciter auprès des jeunes un intérêt pour ce métier, ce qui devrait contribuer au recrutement de nouveaux conducteurs à une époque de pénurie.

[…]

(7)

Afin de pouvoir établir que le conducteur remplit ses obligations, les États membres devraient délivrer au conducteur un certificat d’aptitude professionnelle, ci-après dénommé “CAP”, attestant sa qualification initiale ou sa formation continue.

[…]

(10)

Les exigences minimales à respecter dans le cadre de la qualification initiale et de la formation continue concernent les règles de sécurité à respecter pendant la conduite et lorsque le véhicule est à l’arrêt. Le développement de la conduite préventive (anticipation des dangers, prise en compte des autres usagers de la route), qui va de pair avec la rationalisation de la consommation de carburant, aura des effets positifs aussi bien pour la société que pour le secteur des transports routiers lui-même.

(11)

La présente directive ne devrait pas porter atteinte aux droits acquis par le conducteur qui serait devenu titulaire du permis de conduire nécessaire pour exercer l’activité de conduite à une date préalable à celle prévue pour obtenir le CAP attestant la qualification initiale ou la formation continue correspondante.

[…]

(14)

Il convient que les États membres imposent l’accomplissement de la première formation continue et délivrent au conducteur le CAP correspondant dans les cinq ans qui suivent soit la date de délivrance du CAP attestant la qualification initiale soit la date limite fixée pour que certains conducteurs fassent valoir leurs droits acquis. Ces délais devraient également pouvoir être prorogés ou abrégés. À la suite de sa première formation continue, le conducteur devrait suivre une formation continue tous les cinq ans. »

6

Intitulé « Champ d’application », l’article 1er de la directive 2003/59 énonce :

« La présente directive s’applique à l’activité de conduite :

a)

des ressortissants d’un État membre, et

b)

des ressortissants d’un pays tiers employés ou utilisés par une entreprise établie dans un État membre,

ci-après dénommés “conducteurs”, effectuant des transports par route à l’intérieur de la Communauté, sur des routes ouvertes à l’usage public, au moyen de :

véhicules pour lesquels un permis de conduire d’une des catégories C1, C1 + E, C ou C + E, telles que définies par la directive 91/439/CEE, ou un permis reconnu comme équivalent est exigé,

véhicules pour lesquels un permis de conduire d’une des catégories D1, D1 + E, D ou D + E, telles que définies par la directive 91/439/CEE, ou un permis reconnu comme équivalent est exigé. »

7

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/59 prévoit que « [l]’activité de conduite, définie à l’article 1er, est subordonnée à une obligation de qualification initiale et à une obligation de formation continue ».

8

Intitulé « Droits acquis », l’article 4 de ladite directive dispose :

« Sont exemptés de l’obligation de qualification initiale, les conducteurs qui sont :

a)

titulaires d’un permis de conduire d’une des catégories D1, D1 + E, ou D, D + E ou d’un permis reconnu comme équivalent, délivré au plus tard deux ans après la date limite de transposition de la présente directive ;

b)

titulaires d’un permis de conduire d’une des catégories C1, C1 + E ou C, C + E ou d’un permis reconnu comme équivalent, délivré au plus tard trois ans après la date limite de transposition de la présente directive. »

9

Les articles 5 et 6 de la même directive intéressent les règles applicables à la qualification initiale des conducteurs ainsi qu’au CAP en attestant.

10

Les articles 7 et 8 de la directive 2003/59 intéressent les règles applicables à la formation continue des conducteurs ainsi qu’au CAP en attestant.

11

Sous l’intitulé « CAP attestant de la formation continue », l’article 8 de ladite directive prévoit, à ses paragraphes 1 à 4 :

« 1.   À l’issue de la formation continue visée à l’article 7, les autorités compétentes des États membres ou le centre de formation agréé délivrent au conducteur un CAP attestant de la formation continue.

2.   Les conducteurs suivants doivent suivre une première formation continue :

a)

le titulaire du CAP visé à l’article 6, dans les cinq ans qui suivent la date de délivrance du CAP ;

b)

les conducteurs visés à l’article 4, dans les cinq ans qui suivent respectivement les dates visées à l’article 14, paragraphe 2, suivant un calendrier déterminé par les États membres.

Les États membres peuvent abréger ou proroger les délais visés aux points a) et b) notamment dans le but de les faire coïncider avec la date d’échéance de validité du permis de conduire ou de permettre l’introduction graduelle de la formation continue. Toutefois, ce délai ne peut être ni inférieur à trois ans ni supérieur à sept ans.

3.   Le conducteur ayant accompli la première formation continue visée au paragraphe 2 suit une formation continue tous les cinq ans, avant la fin de la période de validité du CAP attestant de la formation continue.

4.   Les titulaires du CAP visé à l’article 6 ou du CAP visé au paragraphe 1 ainsi que les conducteurs visés à l’article 4, qui ont arrêté l’exercice de la profession et qui ne répondent pas aux exigences des paragraphes 1, 2 et 3 doivent suivre une formation continue avant de reprendre l’exercice de la profession. »

12

L’article 14 de cette même directive est libellé en ces termes :

« 1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 10 septembre 2006. Ils en informent la Commission.

[…]

2.   Les États membres appliquent ces dispositions :

en ce qui concerne la qualification initiale requise pour la conduite des véhicules des catégories D1, D1 + E, D et D + E à partir du 10 septembre 2008,

en ce qui concerne la qualification initiale requise pour la conduite des véhicules des catégories C1, C1 + E, C et C + E à partir du 10 septembre 2009.

[…] »

13

L’annexe I de la directive 2003/59, intitulée « Exigences minimales pour la qualification et la formation », énonce, au premier alinéa de sa section 1, intitulée « Liste des matières », que « [l]es connaissances à prendre en considération pour la constatation de la qualification initiale et de la formation continue du conducteur par les États membres doivent porter au moins sur les matières visées dans la présente liste. Les candidats conducteurs doivent atteindre le niveau de connaissances et d’aptitudes pratiques nécessaire pour conduire en toute sécurité les véhicules de la catégorie de permis concernée ».

14

Intitulée « Formation continue obligatoire prévue à l’article 3, paragraphe 1, point b) », la section 4 de cette annexe prévoit que la durée des cours de formation continue obligatoire est de 35 heures tous les cinq ans, dispensée par périodes de sept heures au minimum.

Le droit tchèque

15

Le zákon č. 247/2000 Sb., o získávání a zdokonalování odborné způsobilosti k řízení motorových vozidel a změně některých zákonů (loi no 247/2000 Sb., relative à l’acquisition et au perfectionnement de l’aptitude professionnelle à la conduite de véhicules à moteur et portant modification de certaines lois), du 30 juin 2000 (ci-après le « ZZOZ »), entré en vigueur le 1er janvier 2001, institue l’obligation de perfectionnement de l’aptitude professionnelle des conducteurs à concurrence de seize heures par an et leur examen ultérieur.

16

L’article 52c, paragraphes 1 et 2, de cette loi prévoit une procédure ordinaire de délivrance de la carte d’aptitude professionnelle de conducteur, laquelle est subordonnée à la preuve de la réussite de l’examen d’aptitude professionnelle des conducteurs au cours de la période de six mois précédant le dépôt de la demande.

17

En vue de la transposition de la directive 2003/59, le ZZOZ a été amendé par la loi no 374/2007 Sb.

18

L’article II de la loi no 374/2007 Sb. dispose :

« 1.   Les conducteurs qui sont titulaires d’un [CAP] de conducteur valable au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sont tenus de déposer, dans les six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi et au plus tard le jour de l’expiration de la validité du [CAP] de conducteur, auprès de la commune aux pouvoirs élargis, une demande écrite en vue de la délivrance d’une carte d’aptitude professionnelle de conducteur. La commune aux pouvoirs élargis délivre au conducteur, sur la base de cette demande, une carte d’aptitude professionnelle de conducteur en vertu du [ZZOZ], tel que modifié par la présente loi à l’entrée en vigueur de celle-ci.

2.   La validité des [CAP] de conducteur existants prend fin à l’expiration [d’une période] de douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, et au plus tard le jour de l’expiration de leur validité.

3.   Aux conducteurs qui se sont soumis avec succès à l’examen selon la réglementation existante, et ce avant l’entrée en vigueur de la présente loi, et à qui, au jour de l’entrée en vigueur de celle-ci, la commune aux pouvoirs élargis n’a pas délivré de [CAP] de conducteur, la commune aux pouvoirs élargis délivre une carte d’aptitude professionnelle de conducteur en vertu du [ZZOZ], tel que modifié par la présente loi à l’entrée en vigueur de celle-ci.

4.   Aux conducteurs qui obtiennent des permis de conduire pour la sous-catégorie C1 jusqu’au 10 septembre 2009, la commune aux pouvoirs élargis délivre, sur la base d’une demande écrite, une carte d’aptitude professionnelle de conducteur en vertu du [ZZOZ], tel que modifié par la présente loi à l’entrée en vigueur de celle-ci.

5.   Aux conducteurs qui obtiennent des permis de conduire au cours de la période allant de l’entrée en vigueur de la présente loi au 10 septembre 2008 pour les catégories et sous-catégories D1, D1 + E, D ou D + E, et au 10 septembre 2009 pour les catégories et sous-catégories C1 + E, C ou C + E, la commune aux pouvoirs élargis délivre, sur la base d’une demande écrite, une carte d’aptitude professionnelle de conducteur en vertu du [ZZOZ], tel que modifié par la présente loi à l’entrée en vigueur de celle-ci. Cette disposition s’applique également aux conducteurs qui ont obtenu des permis de conduire pour les catégories et sous-catégories mentionnées à la première phrase jusqu’à six mois avant la date de l’entrée en vigueur de la présente loi et ne sont pas titulaires d’un [CAP] de conducteur valable au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi.

[…]

7.   Les conducteurs à qui sera délivrée une carte d’aptitude professionnelle de conducteur en vertu des paragraphes 1, 3, 4 et 5 sont soumis à la formation continue en vertu du [ZZOZ], tel que modifié par la présente loi à l’entrée en vigueur de celle-ci. L’obligation de se soumettre à une formation initiale en vertu de la présente loi ne leur est pas applicable. »

19

L’article 48, paragraphes 4 et 5, du ZZOZ., tel que modifié au 1er août 2011 par la loi no 133/2011 Sb., cette dernière étant destinée, notamment, à assurer la transposition complète de la directive 2003/59, dispose :

« 4.   Le conducteur qui, ayant cessé d’exercer sa profession, recommence à l’exercer sans avoir suivi une formation continue prévue à l’article 48 est tenu, s’il envisage de conduire à nouveau un véhicule pour la conduite duquel le conducteur doit remplir l’obligation de perfectionnement de l’aptitude professionnelle des conducteurs, de suivre un cours de formation continue d’une durée de 35 heures […]

5.   Les dispositions du paragraphe 4 s’appliquent, par analogie, également aux conducteurs qui, jusqu’à présent, n’étaient pas titulaires d’une carte d’aptitude professionnelle de conducteur ou d’un document certifiant l’aptitude professionnelle délivré par un autre État membre de l’Union européenne en vertu de la réglementation de l’Union […], mais à qui un permis de conduire de la catégorie ou sous-catégorie C1, C1 + E, C ou C + E a été délivré avant le 10 septembre 2009 et, s’il s’agit d’un permis de conduire de la catégorie ou sous‑catégorie D1, D1 + E, D ou D + E, avant le 10 septembre 2008. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

20

M. Muladi est titulaire d’un permis de conduire de la catégorie C depuis l’année 1984 et d’un permis de conduire de la catégorie D depuis l’année 1989.

21

Jusqu’au 30 mars 2008, M. Muladi était un examinateur accrédité ayant le droit de donner des formations et de faire passer des examens au titre du ZZOZ.

22

Le 14 mars 2010, M. Muladi a demandé, au Magistrát (municipalité) de la ville d’Ostrava (République tchèque), une carte d’aptitude professionnelle de conducteur en faisant valoir que, les 9 et 28 mars 2008, il s’était lui‑même fait passer un examen pour les catégories de permis de conduire A, C et D conformément à la réglementation applicable et estimait, en outre, avoir suivi une formation de seize heures qu’il s’était lui-même dispensée.

23

Le 3 juin 2010, sa demande a été rejetée au motif qu’il n’avait pas apporté la preuve de la réussite de l’examen prévu par la réglementation antérieure à la loi no 374/2007 Sb. au cours de la période de six mois précédant le dépôt de cette demande.

24

M. Muladi a introduit un recours contre cette décision, qui a été rejeté le 13 août 2010 par l’autorité régionale.

25

Par une décision du 23 février 2012, le Krajský soud v Ostravě (cour régionale d’Ostrava, République tchèque) a annulé la décision de l’autorité régionale du 13 août 2010. Par la suite, l’autorité régionale a annulé la décision de la municipalité de la ville d’Ostrava du 3 juin 2010 et a invité celle-ci à adopter une nouvelle décision, en lui indiquant qu’elle devait examiner le respect des conditions des autres possibilités pour la délivrance d’une carte d’aptitude professionnelle de conducteur.

26

Le 27 septembre 2012, la municipalité de la ville d’Ostrava a, de nouveau, rejeté la demande de M. Muladi.

27

Cette décision a été confirmée par une décision de l’autorité régionale du 15 janvier 2013, contre laquelle est dirigé le recours dont est saisie la juridiction de renvoi.

28

Dans ce cadre, cette dernière estime que la délivrance du CAP demandé par M. Muladi ne peut s’effectuer sur le fondement d’aucune des trois bases juridiques prévues par le droit national, à savoir l’article II, paragraphe 3, de la loi no 374/2007 Sb., l’article 52c du ZZOZ et l’article 48, paragraphes 4 et 5, du ZZOZ, tel que modifié par la loi no 133/2011 Sb.

29

En effet, s’agissant de la première base juridique, cette juridiction considère qu’elle n’est pas applicable, car même des formateurs tels que M. Muladi devaient se soumettre à un examen et ne pouvaient donc s’autoexaminer. S’agissant de la deuxième base juridique, elle estime que M. Muladi n’a pas apporté la preuve de la réussite de l’examen d’aptitude professionnelle au cours de la période de six mois précédant sa demande. S’agissant, enfin, de la troisième base juridique, elle constate que M. Muladi n’a pas apporté la preuve de sa participation à une formation d’une durée de 35 heures.

30

Toutefois, s’agissant de cette dernière base juridique, la juridiction de renvoi a des doutes quant à sa conformité avec le droit de l’Union. À cet égard, elle considère que, si la directive 2003/59 pas plus que l’article 91 TFUE ne contiennent d’autorisation pour les États membres d’adopter une réglementation plus stricte, cette faculté résulterait de l’objectif de cette directive, qui tend à fixer des exigences minimales à respecter dans le cadre de la qualification initiale et de la formation continue des conducteurs. Elle indique, à cet égard, que, dès avant la transposition de la directive 2003/59, en République tchèque, un simple permis de conduire ne suffisait pas pour conduire les véhicules concernés par cette directive et que les conducteurs étaient tenus de perfectionner leur aptitude professionnelle selon les modalités rappelées au point 15 du présent arrêt. Pour autant, elle relève qu’une telle réglementation pourrait porter atteinte aux attentes légitimes des conducteurs ainsi qu’à leur liberté professionnelle consacrée à l’article 15 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), mais également constituer un obstacle potentiel à la libre circulation des personnes et des services dans l’Union européenne.

31

Compte tenu de ce qui précède, le Krajský soud v Ostravě (cour régionale d’Ostrava) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de l’article 4 de la directive 2003/59 s’opposent-elles à une réglementation nationale qui prévoit d’autres conditions pour l’exemption de l’obligation de qualification initiale des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs ? »

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

32

Le gouvernement tchèque soutient que la question posée par le Krajský soud v Ostravě (cour régionale d’Ostrava) est irrecevable aux motifs que la juridiction de renvoi ne précise pas les dispositions concrètes de droit tchèque qui violeraient la directive 2003/59, ne donne qu’une description fragmentaire des faits, sans décrire plus concrètement le cadre juridique dans lequel elle est appelée à statuer ainsi que les circonstances de fait qui sont essentielles à cet égard et que la question posée n’a manifestement aucun rapport avec la solution du litige au principal en ce qu’elle concerne l’obligation de qualification initiale au sens des articles 5 et 6 de la directive 2003/59, alors que le litige au principal est relatif à l’obligation de suivre une formation continue au sens des articles 7 et 8 de cette directive.

33

À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 17 mars 2016, Aspiro, C‑40/15, EU:C:2016:172, point 17 et jurisprudence citée).

34

En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle fait clairement apparaître le rapport entre l’interprétation requise de l’article 4 de la directive 2003/59 et la solution du litige dont la juridiction de renvoi est saisie. En effet, cette dernière indique qu’elle s’interroge sur le point de savoir si, à l’occasion de l’adoption de la loi no 374/2007 Sb., procédant à la transposition de la directive 2003/59, le législateur tchèque pouvait prévoir des conditions supplémentaires pour le maintien des droits acquis des conducteurs, droits visés à cet article et dont le bénéfice est revendiqué par le requérant au principal.

35

De même, ainsi que cela ressort des points 15 à 23 du présent arrêt, la décision de renvoi fournit une description suffisamment détaillée tant du cadre factuel que du cadre juridique de l’affaire au principal.

36

Il s’ensuit que la question préjudicielle est recevable.

Sur le fond

37

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 2003/59 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une exigence de formation continue préalable d’une durée de 35 heures est requise des bénéficiaires de l’exemption de l’obligation de qualification initiale des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs, prévue à cet article, afin d’exercer l’activité de conduite en question.

38

À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2003/59, lu à la lumière du considérant 14 de celle-ci, les conducteurs bénéficiant de l’exemption de qualification initiale prévue à l’article 4 de cette directive sont autorisés, sur ce fondement, à exercer l’activité de conduite pendant une période courant jusqu’au suivi de leur première formation continue. Cette période est déterminée par les États membres, conformément à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de ladite directive, mais ne peut être ni inférieure à trois ans ni supérieure à sept ans suivant les dates visées à l’article 14, paragraphe 2, de cette même directive, à savoir soit le 10 septembre 2008 pour les titulaires d’un permis de conduire de l’une des catégories D1, D1 + E, ou D, D + E ou d’un permis reconnu comme équivalent, soit le 10 septembre 2009 pour les titulaires d’un permis de conduire de l’une des catégories C1, C1 + E ou C, C + E ou d’un permis reconnu comme équivalent.

39

Il ressort également de l’annexe I de la directive 2003/59, intitulée « Exigences minimales pour la qualification et la formation » lue à la lumière du considérant 10 de cette directive, que celle-ci procède à une harmonisation minimale des dispositions nationales relatives à la qualification initiale ainsi qu’à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs.

40

Dès lors, les États membres ne sont pas privés de la faculté d’imposer aux conducteurs visés à l’article 4 de la directive 2003/59 des conditions supplémentaires afin d’exercer l’activité de conduite de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs.

41

S’agissant plus particulièrement de l’article 4 de cette directive, lu conjointement avec l’article 14, paragraphe 2, de celle-ci, en vertu duquel, aux fins de la garantie des droits acquis, les détenteurs de certaines catégories de permis de conduire bénéficient, à titre transitoire, d’une exemption de l’obligation de qualification initiale, il doit être considéré comme se limitant à procéder à une harmonisation minimale des dispositions nationales.

42

Par ailleurs, il serait contraire à la systématique de la directive 2003/59 que les États membres, alors qu’ils peuvent imposer des exigences supplémentaires concernant l’obligation de qualification initiale, ne puissent pas fixer des conditions supplémentaires concernant l’exemption de cette même obligation.

43

Selon une jurisprudence constante de la Cour, une harmonisation minimale n’empêche pas les États membres de maintenir ou d’adopter des mesures plus strictes, pourvu toutefois que celles-ci ne soient pas de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive en cause (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Lidl Italia, C‑315/05, EU:C:2006:736, point 48) et qu’elle soient conformes au traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2009, Scarpelli, C‑509/07, EU:C:2009:255, point 24 ; du 10 septembre 2009, Commission/Belgique, C‑100/08, non publié, EU:C:2009:537, point 70 ; du 1er mars 2012, Akyüz, C‑467/10, EU:C:2012:112, point 53, et du 25 avril 2013, Jyske Bank Gibraltar, C‑212/11, EU:C:2013:270, point 60).

44

À ce dernier égard, de telles mesures peuvent, en dépit de leur effet restrictif, être justifiées pour autant qu’elles répondent à une raison impérieuse d’intérêt général, qu’elles sont propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2013, Jyske Bank Gibraltar, C‑212/11, EU:C:2013:270, point 60).

45

Il convient donc d’apprécier si une condition, telle que celle exigée par la réglementation en cause au principal, imposant, aux fins de la délivrance du CAP de conducteur, outre la détention, prévue par la directive 2003/59, d’un permis de la catégorie D1, D1 + E ou D, D + E ou équivalent, délivré avant le 10 septembre 2008, ou d’un permis C1, C1 + E ou C, C + E ou équivalent, délivré avant le 10 septembre 2009, la participation à un cours de formation continue préalable d’une durée de 35 heures est justifiée.

46

Il est constant que ladite condition concourt à la garantie de la qualité des conducteurs ainsi qu’au renforcement de la sécurité routière et de celle des conducteurs, objectifs visés aux considérants 4 et 5 de la directive 2003/59.

47

De plus, une telle exigence supplémentaire ne saurait être considérée comme allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

48

À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever qu’elle s’applique aux seules personnes qui n’étaient pas titulaires d’une carte d’aptitude professionnelle ou d’un certificat équivalent et, donc, qui n’exerçaient pas ou plus la profession de conducteurs et n’étaient, en conséquence, pas soumis à l’obligation de perfectionnement annuelle prévue par le ZZOZ.

49

Ensuite, quant à son objet, une disposition telle que celle en cause au principal impose une exigence semblable à celle contenue à l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/59, lu en combinaison avec la section 4 de l’annexe I de cette directive, en vertu duquel les conducteurs ayant obtenu leur CAP sur le fondement de l’article 4 de la directive 2003/59 doivent suivre une première formation de 35 heures, en principe, dans les cinq ans qui suivent le 10 septembre 2008 pour les titulaires de permis D1, D1 + E ou D, D + E ou équivalent, et le 10 septembre 2009 pour les titulaires de permis C1, C1 + E ou C, C + E ou équivalent.

50

De plus, elle ne saurait être considérée comme portant atteinte aux droits acquis des conducteurs, dès lors que, d’une part, la directive 76/914, abrogée et remplacée par la directive 2003/59, prévoyait, à son article 1er, paragraphe 3, la possibilité pour les États membres d’exiger une formation plus large que celle prévue à l’annexe de cette première directive afin d’obtenir le CAP et que, d’autre part, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, la réglementation tchèque, dès avant la transposition de la directive 2003/59 par la loi no 374/2007 Sb., prévoyait, dans le ZZOZ, que la détention d’un permis de conduire idoine ne suffisait pas pour conduire les véhicules concernés par la directive en cause et que, ainsi que cela ressort du point 15 du présent arrêt, les conducteurs de ces véhicules étaient tenus de perfectionner leur aptitude à la conduite par des formations annuelles.

51

Enfin, une exigence supplémentaire, telle que celle imposée par la réglementation en cause au principal, ne viole pas l’article 15 de la Charte. En effet, conformément à l’article 52, paragraphe 2, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées aux droits garantis par cet article, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but recherché, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, EU:C:2005:413, point 86 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 juillet 2013, Gardella, C‑233/12, EU:C:2013:449, point 39). Or, ainsi que cela a été constaté au point 47 du présent arrêt, une réglementation telle que celle en cause au principal satisfait à ces exigences.

52

Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que l’article 4 de la directive 2003/59 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une exigence de formation continue préalable d’une durée de 35 heures est requise des bénéficiaires de l’exemption de l’obligation de qualification initiale des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs, prévue à cet article, afin d’exercer l’activité de conduite en question.

Sur les dépens

53

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 4 de la directive 2003/59/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2003, relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs, modifiant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil ainsi que la directive 91/439/CEE du Conseil et abrogeant la directive 76/914/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une exigence de formation continue préalable d’une durée de 35 heures est requise des bénéficiaires de l’exemption de l’obligation de qualification initiale des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs, prévue à cet article, afin d’exercer l’activité de conduite en question.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.